HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE IV. — CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE AVEC L’ANGLETERRE - 1444-1449.

 

CHAPITRE VII. — LE COMPLOT DE GUILLAUME MARIETTE.

 

 

1447-1449

 

La Cour à Montils-les-Tours, à Mehun-sur-Yèvre, à Bois-Sir-Amé et à Bourges. — Sourdes menées du Dauphin ; arrivée de Guillaume Mariette à Bourges ; ses rapports avec Brezé ; Mariette dénonce le Dauphin au Roi. — Le comte du Maine reparaît à la Cour ; il se rapproche de Brezé. — Arrestation de Mariette ; il s’échappe et se réfugie en Dauphiné, où les officiers du Dauphin l’emprisonnent. — Procès instruit par ces officiers contre Mariette ; dénonciation contre Brezé faite par le Dauphin. — Mariette est transféré à Chinon et de là à Paris, dans la Bastille ; condamné par le Parlement, il est exécuté. — Brezé demande à être jugé et se constitue prisonnier ; son procès ; il obtient des lettres de rémission. — Voyage d’Agnès Sorel à Paris ; pèlerinage à Sainte-Geneviève. — Brezé reparaît à la Cour, plus en faveur que jamais ; la campagne de Normandie est décidée. — Agnès Sorel à Loches ; elle vient rejoindre le Roi à l’abbaye de Jumièges, où elle donne le jour à une fille ; elle tombe malade ; ses derniers moments ; sa mort.

 

Tandis que se préparaient les grandes entreprises dont on trouvera plus loin le récit, Charles VII se tenait au château de Montils-les-Tours, où d’importants travaux avaient été exécutés dans le courant de 1446[1], et qui devait être jusqu’à la fin de son règne une de ses résidences favorites. La veille des Rois la Cour s’y rassembla pour célébrer cette fête, où le Roi avait convié Éléonore d’Écosse avec sa suite[2]. Charles VII avait auprès de lui sa fille Jeanne, qui venait d’être fiancée au comte de Clermont, et à laquelle il avait donné de belles robes doublées de fourrures[3]. Peu après, sous les auspices de Charles VII et du comte de Foix, des joutes eurent lieu au marché de Tours, pour passer temps plus joyeusement[4]. Les seigneurs de la Cour se partagèrent en deux camps : d’un côté le Roi, et, sous ses ordres, le comte de Foix, le comte de Laval, les seigneurs de Beauvau, de Culant et de Vauvert, le maréchal de Jalognes, Brezé, Villequier, etc. ; de l’autre, le comte d’Eu, et, à ses côtés, tenant le parti du violet, le comte de Nevers, les seigneurs de Montgascon, de Fleurigny, de Maupas, Louis de Bueil, Antoine de Beauvau, Jacques de Clermont, Nicole Chambre, etc.[5]

Le 5 février eut lieu entre les Montils et Tours, en présence du Roi, du seigneur de Dudley et du roi d’armes Garter, envoyés du roi d’Angleterre, un combat en champ clos entre Louis de Bueil et un écuyer anglais, nommé Jean Chalons, dont Bueil avait eu à se plaindre pendant qu’il était son prisonnier. Chalons avait demandé le jugement judiciaire, et Charles VII, entouré de la Reine, des princesses d’Écosse et de toute sa Cour, présida à ce duel, souvenir d’une législation barbare tombée en désuétude. Ce n’était qu’à regret qu’il s’était décidé à autoriser le combat. Six courses furent fournies. Louis de Bueil reçut à la cinquième une blessure à la main, et une pièce de son armure fut rompue. Saintrailles, comme juge du camp, vint trouver le Roi et lui demanda de faire cesser le combat pour cette journée. Le Roi répondit qu’il fallait voir les chapitres, afin d’examiner si c’était possible. Le seigneur de Précigny, qui les avait en garde, déclara qu’on pouvait poursuivre, et, sur les instances de Bueil, le Roi autorisa la continuation de la lutte. Elle fut fatale pour l’écuyer français, qui fut percé d’outre en outre au défaut de son armure, et ne tarda pas à succomber[6].

La Cour était alors très brillante. La présence des ambassadeurs d’Angleterre, du comte de Blanckenheim et de deux autres seigneurs allemands ajoutait à son éclat[7]. Plusieurs mariages furent l’occasion de réjouissances et de fêtes : celui d’une fille de Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; celui d’une fille de la dame de la Rocheguyon ; celui de Jeanne de Montberon, demoiselle d’honneur de la Reine, avec l’un des mignons du Roi, François de Clermont, seigneur de Dampierre[8]. Le Roi fit de beaux présents aux nouvelles mariées, et, à cette occasion, donna de riches habillements aux princesses d’Écosse et aux demoiselles de la Reine[9]. On vit aussi paraître au château des Montils un chevalier aventureux, Jean de Boniface, qui faisait partie de la maison du roi Alphonse V, et qui allait de Cour en Cour pour tenir des pas d’armes ; il arrivait d’Angleterre, où il avait été pour l’honneur du Roi, et fut traité très libéralement[10].

Le roi René vint à Montils-les-Tours en se rendant en Provence ; il avait reçu récemment à Angers les étrennes du Roi ; lors de son passage, il obtint un don de trois mille livres[11]. A ce moment le Roi préparait une campagne en Lombardie ; il résolut de se rendre à Lyon, et c’est sans doute en vue de ce voyage que Charles VII, à la fin de mars, quitta le château des Montils pour s’installer à Mehun-sur-Yèvre, près de Bourges. Mais l’échec de la tentative sur Gênes, dont il sera parlé plus loin, fit abandonner ce projet. Charles VII attendait d’ailleurs une ambassade du duc de Bourgogne : le 24 mai, dans l’audience royale, l’évêque de Chalon, chef de cette ambassade, prononça un long discours. Peu après, une grande assemblée, à laquelle prirent part l’archevêque de Trêves et deux représentants des princes électeurs, fut tenue pour régler la marche des négociations relatives à la pacification de l’Église.

A ce moment nous voyons le Roi se rendre dans une résidence nouvelle, où il avait installé Agnès Sorel. Nous voulons parler de Bois-Sir-Amé, château situé à cinq lieues de Bourges et appartenant à Artault Trousseau, vicomte de Bourges. Cette habitation venait d’être restaurée, aux frais du Roi, par les soins de Jacques Cœur[12]. La Reine n’avait pas suivi son époux en Berry : elle était restée à Tours, d’où elle se rendit en pèlerinage au Mont-Saint-Michel, accompagnée d’Éléonore d’Écosse, du comte de Nevers, du comte de Laval, du maréchal de Lohéac, etc.[13]

Pendant le séjour de Charles VII à Bois-Sir-Amé, on vit arriver un nouveau chevalier aventureux. Cette fois, ce n’était pas Jean de Boniface, mais le brillant jouteur de Nancy et de Châlons, Jacques de Lalain. Le jeune écuyer venait demander au Roi de laisser tenir dans son royaume un nouveau pas d’armes. Il fut accueilli avec bienveillance, mais ne put obtenir que son emprise fût publiée en France ; lors du pas de Launay, tenu par le roi René, un des gentilshommes de ce prince avait été tué ; d’autres avaient été blessés grièvement : on commençait à être las de ces périlleux exercices[14]. Quand Jacques eut fait sa requête, le Roi lui répondit : Messire Jacques, soyez le bien venu. Vos faits et œuvres ont beau commencement : Dieu y veuille mettre le parfait, où vous ne pouvez faillir, comme il nous semble ; car nous connaissons vos faits et vos vertus, il y a déjà bon espace, dès que nous étions à Nancy, où alors perçûmes et vîmes que faillir ne pouvez de parvenir à la haute vertu de prouesse et bonne renommée ; à laquelle faillir ne pouvez, si vous ensuivez ces premières œuvres ou si fortune ne vous est contraire. Jacques de Lalain, voyant le Roi lui faire si grand honneur, se mit à genoux très humblement et, le remerciant, lui dit : Sire, Dieu veuille, par sa grâce, parfaire en moi ce qu’il y faut. — Le Roi, que, selon le narrateur contemporain, on tenait pour lors le plus sage prince de son royaume, s’avança vers Lalain, le prit par la main, et le faisant se relever, lui adressa ces paroles : Messire Jacques, nous vous retenons de notre hôtel, et voulons, pour passer temps, que vous reposiez et festoyiez avec nos gens[15].

Il y eut pourtant des joutes à Bourges, au mois de juin, car nous voyons, à cette occasion, le Roi faire présent d’un heaume à son valet de chambre Guillaume Gouffier[16] ; il y en eut encore au mois d’octobre[17] : ce fut sans doute en l’honneur du jeune écuyer de la cour de Bourgogne. Durant l’automne le Roi s’installa à Bourges, où nous le trouvons jusqu’à la fin de l’année, recevant des ambassadeurs de la ville de Metz, du roi d’Angleterre, du duc de Bourgogne et du prince de Navarre. Le comte du Maine reparut à la Cour au mois d’octobre ; le comte de Dunois et le comte de Laval s’y trouvèrent en même temps. Ce n’est donc pas sans fondement que le biographe de Jacques de Lalain nous montre le Roi entouré d’un grand nombre de princes, chevaliers et nobles hommes[18].

C’est à cette époque que fut ourdi un complot fort menaçant pour la sécurité du royaume et dont l’instigateur n’était autre que le Dauphin.

 

L’héritier du trône s’était installé en Dauphiné ; mais son gouvernement ne l’absorbait pas tellement qu’il ne s’occupât de ce qui se passait à la Cour : quoique absent, il conservait la prétention d’y exercer une action. Il avait ses amis dans le conseil, ses affidés et ses espions près du Roi[19] ; il ne négligeait rien pour se rendre les gens favorables[20]. Autour de lui les projets les plus extravagants étaient agités, les propos les plus séditieux tenus. Le Dauphin ne craignait pas de s’attaquer à la personne même de son père : Le Roi se gouverne aussi mal que possible, disait-il à ses familiers, mais j’ai intention de mettre ordre à son fait. Quand je serai près de lui, je chasserai Agnès, et je le mettrai hors de toutes ses folies ; et les choses iront bien mieux qu'elles ne vont[21]. On se vantait d’avoir conquis le chancelier, le seigneur de Précigny, Saintrailles et Cousinot[22]. On pressait le Dauphin de se déclarer ouvertement ; il n’était point un enfant, et le Roi n’avait pas à s’occuper de lui tant qu’il se conduirait bien[23]. On insistait sur le mauvais gouvernement du Roi qui, au lieu de songer à reconquérir la Normandie, s'amusait à reprendre Gênes et à s’assurer la possession d’Asti[24]. Brezé ne s’apercevra de rien, disait-on, car on l’a fait emboucher par la belle Agnès[25]. D’ailleurs, s’il ne veut pas s’exécuter, au dernier moment une dague jusqu’au manche en fera la raison[26]. Que le Dauphin prenne donc courage : après s’être défait du sénéchal (Brezé), qu’il se place résolument à la tête des affaires[27]. Le Roi ne se courroucera pas : il ratifiera ce qu’aura fait son fils, et finalement ne laissera pas d’être bien avec lui[28]. N’a-t-on pas l’appui moral et le concours financier du duc de Bourgogne, qui donnera, s’il le faut, cent mille écus et plus[29] ? Le duc n’a-t-il pas fait dire au Dauphin qu’il ne voulait point s’entendre avec le Roi, mais bien avec lui, que le royaume lui appartenait mieux qu’au Roi, et que la vraie place du Roi était dans un ermitage comme le duc de Savoie[30] ?

Les intrigues du Dauphin furent si bien conduites qu’il parvint à ébranler le crédit de Brezé[31]. Celui-ci se servait d’un agent du Dauphin, nommé Mariette, par lequel il voulait faire arriver au Roi certaines révélations propres à servir ses desseins. Or, ce Mariette jouait un double jeu : il recevait de toute main et appartenait au plus offrant. Brezé avait, paraît-il, fait rédiger par lui un rapport qui devait être communiqué au Roi. Le rapport était écrit comme s’il eût été adressé à Brezé. Le Roi est fort subtil, avait dit celui-ci, et Mariette ne connaissait pas ses manières ; aussi Brezé voulait-il que Mariette récitât ces choses comme parlant au Roi, afin d’être plus assuré et averti de répliquer sur ce qu’il pourrait lui dire[32]. Mariette devait être ferme en son propos, et prier le Roi de garder pour lui les ouvertures qu’il faisait ; il devait dire pis que pendre du sénéchal[33], mais se taire sur Agnès, car, avait dit Brezé, il n’est jà besoin de parler de la Dagne[34].

Mariette hésita avant de se charger de cette mission. Ceci se passait à Bourges, à la fin de juin 1447. Un jour Brezé, qui avait dîné chez le chancelier, rencontra Mariette dans la galerie de l’hôtel de Guillaume Jouvenel, et lui demanda s’il avait parlé au Roi. Mariette répondit qu’il s’était présenté de bonne heure, mais que le Roi s’était déjà retiré, et qu’il n’avait pu l’entretenir ; et il ajouta : Monseigneur, vous avez de l’autorité et de la chevance beaucoup ; il me semble qu’il vaudroit mieux dissimuler de ces choses dire au Roi ; car demain ou après demain il le dira ou fera savoir à monseigneur le Dauphin, et ainsi vous et moi serions gâtés. — Vous êtes fou, répondit Brezé, n’en parlez plus ; car le Roi le sait déjà bien, et quand vous le lui direz il en sera très content, vu que vous êtes de l’hôtel de mondit seigneur (le Dauphin)... Dites le lui sûrement, car je vous assure qu’il n’en dira jamais rien ; et aussi le Roi est tout averti de non faire venir mondit seigneur devers lui, car il sait bien que, s’il y étoit, il y auroit brouillis[35].

Mariette alla donc trouver le Roi, et lui raconta les menées du Dauphin, les intelligences qu’il s’était ménagées, les moyens qu’il devait employer pour en venir à ses fins. Le Roi reçut assez froidement son ouverture. Il n’est pas possible, dit-il, que le Dauphin vienne ainsi sans être mandé. Mariette répondit que c’était son intention, qu’il voulait chasser de la Cour tous ceux qui ne lui convenaient pas et n’y laisser que ses créatures, qu’il comptait sur le chancelier, le comte du Maine, Laval, Précigny, le maréchal de Lohéac, etc.[36] — En congédiant Mariette, le Roi lui recommanda que de toutes ces choses il lui écrivît souvent de ce qu’il en sentirait. Mais, se ravisant, il dit de ne point adresser à lui-même les communications, mais à quelqu’un de son hôtel. Mariette ayant demandé à qui il devait écrire, le Roi lui dit : Au sénéchal, hardiment. — Il n’est pas besoin que le sénéchal en sache rien, dit Mariette, car c’est le plus double homme du monde, et il parle volontiers. — Par saint Jehan ! reprit le Roi, je vous en crois ; or écrivez donc au comte — il désignait ainsi le comte de Tancarville — ; et l’entretien se termina[37].

Nous avons vu que le comte du Maine était revenu à la Cour. Il retrouva, paraît-il, une partie de son ascendant. On lit dans une lettre à mots couverts, adressée par Mariette au duc de Bourgogne : Ledit Martin (Brezé) a été en brouillis jusques à avoir congé, mais il a tant fait qu’il s’est replanqué, et pour le présent il est bien de Geffroy (le comte du Maine), de par lequel avoit été son ébranlement[38]. — Mais je ne pourrais croire, ajoutait Mariette, que cet échec qu’il a eu ne lui tombe en un mat ; car ledit François (le Dauphin) est toujours de pis en pis mal content de lui, et aussi il lui fait assez le pourquoi devers ledit Jehan (le Roi)[39]. Charles VII paraissait s’habituer à la pensée de congédier Brezé ; mais il hésitait à se priver du concours d’un serviteur qui n’était point facile à remplacer. Le seigneur de Blainville, qui était, à l’égard de Brezé, en hostilité déclarée, se réconcilia avec lui, et ménagea ensuite un rapprochement entre le sénéchal et le comte du Maine. De son côté, le chancelier Jouvenel insistait auprès du Roi sur les éminents services rendus par Brezé. Bref, la menace de disgrâce ne fut que passagère, et le ministre ne soupçonna pas sans doute à quel point son crédit avait été compromis.

Quant au Dauphin, il se montrait plus prudent et plus réservé que par le passé. Ledit François, écrivait Mariette dans la lettre déjà citée, a pris depuis un peu un train de merveilleuse prudence, et il y en a beaucoup qui le prennent à craindre plus que jamais, et jugent, attendu son train, que tout est taillé de passer par lui quand il se trouvera ici ; dont n’est encore nouvelles qu’il y vienne. Ledit Martin (Brezé) a dit que, puisque il ne l’aime, aussi ne fait-il lui, et que, tant qu’il pourra il tiendra son cas, et en advienne ce qu’il en pourra advenir[40]. Du reste, ajoutait Mariette en parlant de Brezé, son fait n’est pas édiffié de ciment.

Sur ces entrefaites, au mois d’octobre, un notaire et secrétaire du Roi fut arrêté par la justice royale, sous l’inculpation d’avoir surchargé des lettres portant certaines commissions administratives et abusé de blanc-seings et de scellés qu’il s’était fait délivrer. Le prévenu, qui n’était autre que Guillaume Mariette, fut enfermé au château de Loches et traduit en justice. Transféré à Lyon, il s’évada le 6 février 1448, au moment où la procédure venait d’être entamée, et se mit en franchise chez un chanoine dans le cloître de la cathédrale. Repris, grâce à l’intervention de Jacques Cœur, qui se trouvait alors de passage à Lyon, il réussit encore à s’échapper, et se dirigea vers le Dauphiné. Mais là où il croyait trouver un refuge, il rencontra une nouvelle captivité : les officiers du Dauphin se saisirent de lui à Eyrieu, et le transférèrent, par ordre de leur maître, dans les prisons de la Côte-Saint-André. Louis avait ses desseins sur Mariette, et sans doute il y eut autre chose qu’une simple coïncidence entre le procès instruit par la justice delphinale — avec accompagnement de barbares traitements et de soins médicaux tour à tour prodigués au prévenu — et la dénonciation faite à ce moment, devant le grand Conseil, contre le premier ministre.

Il fallait, en effet, obtenir de Mariette certains aveux, constater que s’il avait été — lui notaire et secrétaire du Roi, puis maître des requêtes de l’hôtel du Dauphin — coupable de plus d’une fraude et mêlé à de nombreuses intrigues, il avait eu en même temps l’oreille de Brezé, et que, à l’insu du Roi, Brezé avait reçu ses confidences et s’était servi de lui comme d’un instrument. Le 1er mars, les commissaires du Dauphin arrivèrent à la Côte-Saint-André ; le 2, on leur communiqua les pièces restées à Lyon et le commencement de la procédure, et ils procédèrent à l’interrogatoire de Mariette ; le soir même, on le mit à la torture ; les 4 et 5, on l’interrogeait de nouveau ; le 8, le Dauphin, apprenant qu’il était mal disposé de sa personne et craignant qu’il n’allât de vie à trépassement sans attendre la vérité des cas pour lesquels il étoit détenu, envoya ses conseillers pour le faire s’expliquer, et les fit accompagner d’un médecin pour lui donner ce qui seroit nécessaire à la santé de sa personne[41]. Si les révélations qui ressortaient du procès étaient compromettantes pour Brezé, elles l’étaient bien davantage pour le Dauphin, et mettaient aussi en lumière les intrigues de la cour de Bruxelles. Mais peu importait au Dauphin : ne fallait-il pas à tout prix perdre Brezé ? Aussitôt après l’arrestation de Mariette, il avait écrit au Roi pour lui demander ses ordres ; et, en attendant une réponse, il avait accueilli avec empressement l’intervention de la justice royale[42].

Le 12 mars au soir, en effet, arrivèrent à la Côte-Saint-André le lieutenant du sénéchal de Lyon, le procureur substitut du Roi à Lyon, et le greffier de la Cour. Le lendemain, on procéda à une sorte de récapitulation de la procédure et à un supplément d’interrogatoire. Enfin, le 6 avril, à Saint-Étienne en Dauphiné, Mariette comparut une dernière fois : on lui lut la procédure d’un bout à l’autre, et il protesta de nouveau de la sincérité de ses déclarations[43].

Cette longue procédure nous a été intégralement conservée[44] ; mais nous ne possédons point la suite du procès ni le jugement qui le termina. Nous savons seulement que deux commissaires royaux furent envoyés à Lyon au mois d’avril. Peu après Mariette fut conduit au château de Chinon, et de là à Paris, où il fut enfermé à la Bastille. Après avoir été longuement interrogé, il fut, par arrêt du Parlement, condamné à la peine de mort, transféré à Tours, et là, pour ses démérites, décapité et écartelé[45]. Ce que nous savons aussi, c’est que, si le Dauphin avait sacrifié un agent dont, en ce qui le concernait, le seul tort était d’avoir suivi trop ponctuellement les instructions reçues, il n’oublia pas plus tard la famille de Mariette[46].

Cependant la situation de Brezé était devenue fort critique, et il vit bien qu’il était impossible de ne pas céder devant l’orage[47]. C’était le moment où le Roi était en démêlé avec l’Angleterre au sujet de l’occupation du Mans. Brezé prit une part active aux négociations et à la démonstration militaire qui força les Anglais à céde[48]. Aussitôt après, les intrigues recommencèrent de plus belle, et une dénonciation en règle fut portée par le Dauphin contre le premier ministre. Brezé s’exécuta noblement, demanda au Roi de lui donner des juges, et offrit de se constituer prisonnier en quelque lieu qu’il plairait à son maître. Laquelle requeste, et la plus grant partie, dit un chroniqueur, lui fut par le Roy accordée ; car, nonobstant qu’il fut ainsy accusé, comme dit est, sy estoit-il content de lui de sa personne ; mais moult doubtoit et doubta tout son vivant les envies de sa Cour. — Et bien y avoit raison, ajoute le même auteur, car, en son temps on avoit veu advenir de grans troubles et meffais entre ses propres serviteurs, et à sa grant desplaisance et prejudice[49].

Brezé fut éloigné momentanément, et son affaire fut instruite devant le Parlement. De même que pour Mariette, on ne rencontre aucune trace de la procédure dans les registres du temps[50]. On sait seulement que, malgré les graves et criminelles accusations dont il était l’objet, Brezé se excusa et deschargea, à la longue traite, tellement et par sy vives raisons que le Roy fut assez content de lui[51]. Dans l’hiver suivant, des lettres de rémission, dont le texte nous a été conservé[52], lui furent octroyées. Tout en rappelant la noblesse d’extraction et les loyaux services de l’inculpé, on exposait les torts graves qu’il s’était donnés, et qui appelaient les rigueurs de la justice ; mais le Roi, — prenant en considération les grands et nobles services rendus par Brezé et ceux qu’il pouvait rendre à l’avenir, la très grande humilité en laquelle il était venu devers lui, en très grant desplaisance de l’avoir offensé ; — n’ayant connu ni aperçu, disaient les lettres, par les paroles qu’il nous a dictes, que il ait voulu éloigner de nous nostre dit fils ; attendu aussi que par le moyen desdictes choses n’est aucun ancien intentement en nostre personne, celle de nostre fils, d’aucuns de nostre sang et d’autres de nostre hostel, et que, par le moyen desdictes paroles à nous ainsi rapportées par ledit Mariette, lesquelles n’avons trouvé ne trouvons aucunement estre véritables, nous ne avions eu ne avons aucune mauvaise imagination à rencontre de nostre dit filz, desdiz de nostre sang ne d’autres quelzconques de nostre hostel, ne aussi que ledit suppliant eust voulu faire aucune chose contre nous ne Nostre Majesté, — le Roi accordait pleine et entière rémission à Brezé, le restituait entièrement à sa bonne fame et renommée, et le rétablissait en ses charges, états et offices[53].

Le procès de Brezé est du mois d’avril 1448, et l’affaire fut aussitôt instruite devant le Parlement. Or, dans la dernière semaine d’avril, on vit arriver à Paris une damoiselle que les Parisiens accueillirent assez mal, et qui y séjourna jusqu’au 10 mai[54]. Cette damoiselle, qui n’était autre qu’Agnès Sorel, se proposait de faire un pèlerinage à sainte Geneviève[55], et, accompagnée de Guillaume Gouffier et de Poncet de Rivière, elle voyageait en pompeux équipage. Quel pouvait être le motif de ce lointain pèlerinage ? On a conjecturé[56], et ce nous semble avec raison, que cette apparition d’Agnès dans la capitale, coïncidant avec l’ouverture du procès de Brezé, n’était point étrangère à cet événement : la favorite venait sans doute plaider la cause de son protecteur. Ce qui est certain, c’est que Brezé ne tarda pas à reparaître à la Cour, et qu’avant même d’avoir obtenu des lettres de rémission, il avait repris sa place au grand Conseil : on a des quittances du 14 mai et du 1er juin où il prend le titre de conseiller et chambellan du Roi[57], et son nom ne cesse guère de figurer au bas des ordonnances que du milieu de mai à la fin d'août[58].

Un motif impérieux portait, d’ailleurs, le Roi à écouter la voix de la clémence et à faire rentrer en grâce le vaillant sénéchal : la rupture avec l’Angleterre était imminente, et l’on préparait cette campagne de Normandie pour laquelle le concours de Brezé était indispensable. Nous ne savons si, dans cette scène du Jouvencel, souvent citée, l’auteur a voulu, comme on l’a prétendu[59], faire allusion à Agnès Sorel :

Après dîner, que le Roy saillit de table, il se tira en sa chambre, et la Royne vint, et plusieurs dames et damoiselles en sa compagnie, et firent moult grant chière et beaucoup de beaulx esbatemens, ainsi comme il estoit de coustume.

Entre les autres, une moult belle dame parla et dist au Roy : Sire, j’ai ouy dire que vous ayez ouy bonnes nouvelles, Dieu merci ! Menés-nous en la guerre, vous en serez plus vaillant et toute vostre compaignie. Nostre heur vous vauldra tant que vous ne sauriez penser.

Et le Roy respondit : Se tout n’estoit gaigné, ce seroit bien fait de vous y mener, car je sçay bien que par vous et les autres belles dames qui estes icy, tout se conquerroit ; mais le Jouvencel a tout conquis et gaigné ; nous n’y aurions jamais honneur.

Et la dame lui respondit : Ne vous soussiez de riens : pensés-vous être ung Roy sans affaire ? Nenny, il n’en fut oncques point. Les grans Roys ont les grans affaires. Vous trouverés encore assés où exploicter vostre corps et les vertuz des belles dames quant vous vouldrez[60].

Ce qui est hors de doute, c’est que, à l’époque où nous sommes parvenus, Charles VII n’avait aucun besoin d’être stimulé pour remplir ses devoirs de Roi, et qu’il brûlait du désir de chasser les Anglais du territoire. Le 6 août 1449, il quittait Chinon pour se rendre en Normandie. Agnès Sorel restait à Loches, où elle résidait depuis quelque temps[61], toujours comblée de faveurs[62] ; mais, malgré une grossesse avancée, on la vit bientôt prendre le chemin de la Normandie : elle arriva à l’abbaye de Jumièges dans les premiers jours de janvier 1450.

On croit que, si elle était partie ainsi à l’improviste, bravant les rigueurs de l’hiver et les fatigues de la route, c’est qu’elle avait eu vent d’un nouveau complot tramé contre le Roi, et qu’elle venait l’en avertir. Était-ce encore quelque conspiration du Dauphin, dont on retrouve la main dans toutes les intrigues de ce temps ? Il est permis de le supposer. Quoi qu’il en soit, le Roi ne fit que rire des alarmes d’Agnès. Laissant ses lieutenants poursuivre les opérations militaires, il passa avec elle à Jumièges tout le mois de janvier. Agnès était installée au manoir du Mesnil, maison de plaisance des abbés de Jumièges. C’est là qu’elle accoucha d’une tille, la quatrième qu’elle ait donnée au Roi ; c’est là aussi que, peu de jours après ses couches, le 9 février 1450, elle succomba à un mal soudain[63].

Si sa vie avait été loin d’être édifiante, sa fin fut chrétienne et marquée d’un sincère repentir. Elle eut, dit Jean Chartier, moult belle contricion et repentance de ses pechez. Elle reçut les sacrements, demanda ses heures pour dire les vers de saint Bernard — prières pour les agonisants — qui s’y trouvaient copiés de sa main, elle fit ses dernières dispositions et prescrivit de larges aumônes ; puis, sentant sa fin approcher, elle se tourna vers la sénéchale de Poitou — Jeanne Crespin, femme de Brezé —, le comte de Tancarville, Guillaume Gouffier et ses demoiselles, qui entouraient son lit de mort, et dit que la vie était peu de chose, et orde et fétide de notre fragilité. — Alors, continue le chroniqueur officiel, requist audit maistre Denis, son confesseur, qu’il la voulust absouldre de peine et de coulpe par vertu d’une absolution (indulgence), qui lors estoit à Loches, comme elle disoit. Ce que son dit confesseur fîst, à sa relacion et sur sa parole[64]. Puis, après qu’elle eust fait un fort hault cry, reclamant et invoquant la benoiste Vierge Marie, se sépara l’âme du corps[65].

Ainsi disparut de la scène la femme qui avait pris un souverain empire sur le cœur de Charles VII et conquis une place importante auprès du trône. Tout en se montrant justement sévère pour une mémoire qui n’a droit ni au respect ni à la reconnaissance de la postérité, l’histoire doit constater que, du vivant d’Agnès, Charles VII garda du moins dans ses amours une certaine mesure. Après la mort d’Agnès, au scandale d’un public adultère devaient s’ajouter des hontes sur lesquelles, pour l’honneur de son nom, on voudrait pouvoir jeter un voile.

 

 

 



[1] Le prix de la chaux enchérit à Tours, au mois d'août 1446, tant à l'occasion de l'aoust et vendanges que on ne pouvoit finer de gens ne charroy, comme pour ce que les gens du Roy ont prins et prennent la chaux pour les ouvraiges que ledit seigneur faisait faire ès chasteaulx du Montilz-les-Tours. Registres des Comptes, vol. XXIX, f. 166.

[2] Comme lui avions mandé pour veoir la feste des Rois, que devions faire ainsi qu'il est accoustumé chascun an. Lettres du 23 janvier 1447. Archives, JJ 178, n° 110. — On se réunit à huit heures du soir.

[3] Voir le rôle du 26 mai 1447, dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 253.

[4] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 107.

[5] Histoire ms. du comte de Foix, l. c., f. 129. — André, seigneur de Villequier, escuyer, LXVIII l. XV s. pour ses despens en janvier 46, et CX l. pour ses despenses à l'occasion de certaines joustes qui ont esté faites audit mois de janvier au marché de Tours. — André de Chasteauneuf, estuyer d'escurie du Roy, LV l. pour semblable cause. Neuvième compte de Xaincoins, f. 112 v° et 117 v°.

[6] Relation contemporaine publiée par M. Lambron de Lignim dans les Mémoires de la Soc. arch. de Touraine, t. XI, p. 288-293 ; Math. d'Escouchy, t. I, p. 107-110 ; Bibl. de l'École des chartes, t. XXIII, p. 149 et suivantes. Le Roi fit des présents à l'écuyer Chalons et à Mathew Gough, qui l'avait accompagné (Preuves de d'Escouchy, p. 253-254).

[7] Voir rôle du 26 mai 1447, dans Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 254.

[8] Don de 412 l. 10 s. t. à Mme de la Rocheguyon, pour luy ayder à avoir robes et autres habillemens pour les nosces de sa fille. — Don de 343 l. 15 s. t. à Préciguy pour le même objet. — Don de 167 l. 10 s. à Jeanne de Montberon pour le même objet. Même rôle, l. c., p. 257-260.

[9] Don de 275 l., en février, aux princesses d'Écosse, pour convertir en robes et autres habillemens. — Don de 75 l. I7 s. 6 d. t., à Prégente de Melun ; doit de 600 l. t. à Marie de Belleville ; autre don de 68 l. 15 s. à la même ; don de 55 l. t. à Jeanne Rochelle ; don de 90 l. 15 s. à Jeanne de Coursillon. Même source, p. 257 et suivantes.

[10] Mess. Jehan Boniface, chevalier aventureux du pays et royaume de Cecille, qui nagueres, pour l'honneur du Roi, estoit allé en Angleterre, où il avait despendu le sien, avoit fait armes, combattu et obtenu, et estoit revenue devers le Roy, qu'il requeroit luy ayder ; et pour ce luy a donné IIIIc XII l. X s. Neuvième compte de Xaincoins, f. 111 v°. Voir sur les exploits de Jean de Boniface, Olivier de la Marche, t. II, chap. II ; Le livre des faits de Jacques de Lalain, dans Œuvres de Georges Chastellain, t. VIII, p. 73 et suivantes ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 81-82, et t. II, p. 469.

[11] Neuvième compte de Xaincoins, l. c., f. 113 et 117 v°.

[12] Le Bois-Sir-Amé, commune de Vorly, canton de Levet (Cher). Ce lieu s'appelait d'ancienne date : Bocus senioris Amati, ou Boscus domini Amelii. On lit dans le Neuvième compte de Xaincoins (l. c., f. 109) : Estienne Pelourde, eseuyer, eschancon du Roy, XLI l., X s., pour certaines réparations faites au Bois-Sir-Amé, où le Roy s'est tenu ; et XXXVIII l. X s. aussy pour semblable cause en 1447. — Voir Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 16, 28 ; Annuaire du Berry, année 1843, p. 73-78 (avec une gravure représentant les ruines du château) ; et Moniteur de l'Indre, n° du 10 janvier 1868.

[13] Chronique dans le ms. lat. 5696, f. 62 v° ; D. Lobineau, t. I, p. 629 ; D. Huynes, Histoire du Mont-Saint-Michel, t. II, p. 51.

[14] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 108.

[15] Le livre des faits, etc., l. c., p. 95-96.

[16] Guillaume Gouffier, essuyer, XIII l. XV s. en juin pour luy aydier à avoir un heaume pour la jouste. Neuvième compte de Xaincoins, f. 117 v°.

[17] Alexandre du Cigne, huissier d'armes, XVII l. II s. pour avoir fait nettoyer la place à Bourges oùse sont fait joustes au mois d'octobre 1447. Dixième compte de Xaincoins, f. 123.

[18] Le livre des faits, l. c., p. 95. — L'ambassadeur du duc de Saxe, Henri Engelhard, venu à la Cour avec l'archevêque de Trèves, disait dans une lettre à son maître, datée de Bourges, 15 juin : Il se trouve à cette Cour un grand nombre de rois, de princes et d'ambassadeurs, ce qui cause de grands retards dans l'expédition des affaires. Archives de Dresde, Wittenberg Archiv, Religions-Sachen, f. 297-299.

[19] Au printemps de 1417, le Roi, au sortir de la messe, trouva sur son lit un dicté contenant, sous une forme obscure et voilée, une dénonciation contre ses conseillers. Voir Continuateur de Monstrelet, t. III, f. 3 (éd. de 1595).

[20] Le 18 septembre 1447, le Dauphin fit un don de trois cents écus d'or à l'archevêque de Reims. Compte dans Le Grand, VII, f. 163.

[21] Procès de Mariette, dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 258.

[22] Item se vantent les dessusdis que à vous deffaire (vous, Brezé) ne fauldront point, disant qu'ilz ont la pluspart de conseil pour eux, comme le chan., Pric., Saint., Couix., etc. Procès, p. 282. — Senty la ligue qui estoit contre ledit se., et dont Stic. (Estissac) estoit, et maistre Re. (Regnier) avec les autres. Id., p. 290.

[23] Dit aussi qu'il a oy dire audit messire Jacques de Chabannes qu'il omit oy dire à monseigneur de Chastillon et pareillement audit monseigneur d'Estissac et maistre Regnier que mondit seigneur le Daulphin n'estoit pas enfant et que en soy hien gouvernant le Roy n'avait que venir sur lui. Déposition de Jean de Dresnay. Ms. fr. 15531, f. 15.

[24] Il a oy dire par plusieurs fois en soupant et dinant audit lieu de Romans à monseigneur d'Estissac et aussi à maistre Regnier que l'un pouvait fièrement congnoistre comment le Roy estait gouverné en tant qu'il tendait à avoir les villes et seigneuries de Jannes et d'Ast, et pour ce faire despendoit ung grant argent, et delaissoit à recouvrer le pays de Normendie que tiennent à présent les Anglois, et que mieulz eut esté despendu ledit argent au recouvrement dudit pays de Normendie, où le Roy a bonne querelle, que ailleurs. Procès de Mariette, l. c., p. 290.

[25] Afin que ne vous apperceviez du tout qu'ils vous feront comme dit est, qu'ils vous ont fait emboucher de madame de Lagre. Procès, p. 283.

[26] Procès, p. 282.

[27] Il faut qu'il preigne couraige de rompre et abattre cela qui est premièrement de deffaire ledit se. et se ferrer le gouvernement du R. sans aucune dissimulation. Procès, p. 285-286.

[28] Et a dit ledit Stic. ne a guières que maudit Mon. (le Dauphin) pourra envoyer audit Bourg. (le duc de Bourgogne) lesdictes lettres sans en fera bruyt, afin que le R. (Roi) ne le seiche jusques qu'il soit devers luy ou qu'il soit venus à ses atteintes, car lors sera tout content de vouloir ce qu'il vouldra et aura fait. Procès, p. 500.

[29] Se aucune controverse lui advenait en chemin, pourquoy eust affaire d'argent, qu'il se tenist asseuré qu'il (le duc de Bourgogne) lui en aidera jusques à Cm escus, et plus largement se besoing est, et que sans aucune difference il lui plaise le tenir du tout sien. Procès, p. 286.

[30] Et que, quant à lui, il ne se veult point entendre avec ledit R., ains seulement avec lui, pour tomber où il lui plaira, envers tous et contre tous, et qu'il voudroit que ledit R. feust en ung hermitaige comme le Dieu de Sa., et qu'il eust le Royaume; et que mieulx lui appartient que audit R. Procès, p. 286.

[31] Pourtant, à la date du 15 juin 1447, dans sa lettre au duc de Saxe, datée de Bourges, Henri Engelhard disait : Le sénéchal, qui est le premier et plus intime conseiller du Roi, et par qui tout se fait... Archives de Dresde, l. c. — Dans le neuvième compte de Xaincoins (octobre 1446-septembre 1441), nous trouvons (f. 111 v° et 113) des dons de 460 l. et de 500 l. faits par le Roi à Brezé.

[32] Procès, p. 308 ; cf. p. 307.

[33] Icellui seneschal advisa ledit Mariette que, en parlant au Roy, il feust bien ferme en son propos, et qu'il priast bien au Roy que personne ne sceust riens desdictes choses ; et s'il voit que le Roy, par aucune façon, voulsist que ledit seneschal, ou autre de ceulx de son hostel, sceust riens desdictes choses, que icellui Mariette s'enquist bien non voloir sur tous lesdictes choses estre decouvertes ne communiquées audit seneschal ; et que hardiment il deist beaucoup de mal dudit seneschal au Roy, afin qu'il n'apperceust pas qu'il veinst dudit seneschal. Procès, p. 313.

[34] Procès, p. 307.

[35] Procès, p. 310-311 ; et. p. 310.

[36] Procès, p. 313-314.

[37] Procès, p. 313.

[38] Procès, p. 327.

[39] Procès, p. 327.

[40] Procès, p. 327.

[41] Procès, p. 312.

[42] Procès, p. 329.

[43] Procès, p. 329.

[44] Original, Ms. fr. 18440.

[45] Dixième compte de Xaincoins, f. 127 v°-129 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p, 137-138. Cf. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 386.

[46] En 1453, Henri Mariette fut nommé par Louis XI lieutenant-criminel au Châtelet de Paris (Ms. fr. 21388). On a la minute d'une lettre qui parait avoir été écrite par Louis XI peu après son avènement, alors que, par son ordre, fut commencée une procédure contre Brezé (Ms. fr. 20490, f. 36). On lit dans cette lettre : Grand seneschal, je reccu l'autre jour ses lettres et ay veu la confession que le seneschal a faicte, et nye les deux subornacions, c'est assavoir de Mariette et de Vagan, en tant qu'il scait la nyer, mes il est si variable en ses deffences et les choses sont si cleres que mon procureur a conclud aux fins que le lui devoit fere dire par force. Et pour ce que je vous dis que je ne le laisseroye point gehanner, je ne l'ay point voulu souffrir, jusques à tant que je vous eu aye adverti, car le cas est tout cler, et il a bien prins remission du Roi, à qui Dieu pardoint, du fait de Mariette, contre verité et à ma charge, et par ainsi je ne le puis delivrer qu'il ne die et la prangne de moy en verité, à ma descharge et de Vagan pareillement.

[47] Sy congnut assez qu'il avoit des adversaires largement et qui, durant son règne, lui avoient, par moult de fois, montré semblant d'avoir à lui grant amour. Mathieu d'Escouchy, 1.. I, p. 136

[48] Voir le chapitre X.

[49] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 136.

[50] On trouve dans des fragments d'anciens inventaires des mentions se rapportant à ces procédures :

Et premièrement un coyer ouquel a plusieurs extraits du procès de feu maistre Gilles (Guillaume) Mariette et le double de la rémission de messire Pierre [de] Brezé. — Le double de la confession prise par les commissaires qui firent ledit procès de Mariette. — Le double de deux dépositions dont l'une est de Cousinot et l'autre de Mgr [de] Dunois. — Inventaire des lettres et actes de Me Pierre Puy a baillié par mandement du Roy (Louis XI) à Me Jehan Bourré. Ms. fr. 20487, f. 14, et Le Grand. vol. VIII, f. 17.

Item, l'an XLVIII fut mis en procès messire Pierre de Brezé et ordonné commissaires à Melun. — Advertissement de ce qui a esté fait, etc. Ms. fr. 20191, f. 31.

Item un sac auquel sont.... l'abbolition de messire Pierre de Brezé, seigneur de Varenne, et plusieurs autres informacions et deposicions touchans plusieurs matières. — Inventaire des sacs et lettres du Roy estans à Tours (fait sous Louis XI). Ms. fr. 2899, fol 81.

[51] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 137.

[52] Elles portent, dans le texte donné par Duclos, la date : Donné l'an de grâce ci... mil quatre cent quarante-huit et de notre règne le vingt-septième. Preuves, p. 74-82.

[53] Duclos, Preuves, p. 79-80.

[54] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 387-388.

[55] Guillaume Gouffier et Poncet de Rivière, escuyers, VIIIxx II livres X sols pour leur despense en ung voyaige qu’ils firent de Tours à Paris, en la compaignie de mademoiselle de Beaulté, qui alloit en pellerinage à Saincte Geneviefve. Dixième compte de Xaincoins, l. c., f. 125 v°.

[56] M. Vallet, Histoire de Charles VII, t. III, p. 142.

[57] Fut-il bien destitué, comme le prétend Mathieu d'Escouchy, et comme cela parait ressortir des lettres de rémission ? Nous ne le croyons pas. Le Roi se borna, pensons-nous, à le charger de missions qui l'éloignaient de la Cour. Si son nom ne figure pas dans l'ordonnance du 28 avril, instituant les francs archers, nous le trouvons le 14 mai, prenant le titre de conseiller, chambellan du Roy nostre sire et son seneschal de Poitou, et donnant quittance d'une somme de 315 livres tournois à lui octroyée par les gens des trois états du bas pays d'Auvergne. (Archives des Deux-Sèvres, pièce copiée par M. Luce : Notes biographiques, par M. Vallet de Viriville, Nouv. acq., 5084, n° 501,) — Le 1er juin, dans une autre quittance, il prend les mêmes titres, et s'intitule en outre l'un des commissaires ordonnez par ledit seigneur à mettre sus ès hault et bas pays d'Auvergne la porcion de l'aide de IIc mille frans mis sus par icelui seigneur en ses pays de Languedoïl ou mois d'octobre passé. (Pièces originales, 509, BREZÉ.) — Le 21 juin, il recevait de concert avec l'élu conferme de Paris (Guillaume Chartier), des instructions pour se rendre en Bretagne, près du duc, relativement à l'affaire de Gilles de Bretagne. Dans ces instructions, il est qualifié de chevalier, chambellan et seneschal de Poictou, conseiller du Roy nostre sire. (D. Morice, t. II. col. 1412.)

[58] C'est ce qui résulte de l'examen des signatures qui se trouvent au bas des lettres de Charles VII.

[59] M. Vallet, t. III, p. 151.

[60] Le Jouvencel, Ms. fr. 192, f. 200 v°–201 ; cf. édit. de MM. Lecestre et Favre, t. I, Introduction, p. CLIX (le t. II, où se trouve le passage en question, n'a pas encore paru).

[61] Guillaume Gouffier, valet de chambre du Roy, LXVIII l. XV s. pour ses despenses en la ville de Loches en la compaignie de mademoiselle de Beauté où le Roy l'avait ordonné. Dixième compte de Xaincoins, f. 126 v°.

[62] Mademoiselle de Beauté, IIIm l. pour sa despence de cette année. — Guillaume de Courcelles, escuyer, premier valet de chambre, XXVII l. X s. donnez au pere d'une petite folle donnée à mademoiselle de Beaulté en avril 48. (Même compte, f. 125 v° et 126.) — À madamoiselle de Beaulté, pour lui aider à supporter la despence de son hostel, VIc l. t. (Rôle du 27 mars 1450, dans le Ms. fr. 23259, f. 23.)

[63] On croit qu'elle mourut d'une dysenterie, mais le soupçon d'un empoisonnement fut très accrédité, et nous en retrouvons la trace.

[64] On a publié un bref de Nicolas V, en date du 3 des nones d'avril 1448, portant concession à Agnès Sorel, sur sa demande, d'un autel privatif : Eximie devotionis sinceritas quam ad nos et Romanam geris Ecclesiam promeretur ut petitionibus tuis, illis presertim per quas conscientie pacem et anime salutem Deo propitio consequi possis, favorabiliter annumus. Hinc est quod nos tuis devotis supplicationibus inclinati, tibi ut confessor ydoneus, secularis vel regularis, quem duxerit eligendum, confessionibus tuis diligenter auditis, tibi pro commissis per te criminibus, peccatis et excessibus in singulis. Sedi apostolice reservatis, necnon ab omnibus et similis excommunicationis, suspensionis et interdicti aliisque sententiis, censuris et penis ecclesiasticis etiam a jure vel ab homine in te forsant latis semel duntaxat, in aliis vero, quotiens fuerit opportunum, casibus debitam tibi absolutionem impendere et penitentiam salutarem injungere, necnon omnium peccatorum tuorum, de quibus corde contrita et ore confessa semel in vita et semel in mortis articulo plemun remissienem tibi in sinceritate fidei, unitate sancte Romane Ecclesie ne obedientia et derotione nostra vel surcessorum nostrorum Romanorum Pontificum canonice intrantium persistenti auctoritate apostotica concedere valeat... Rapport de M. Étienne Charavay, dans les Archives des Missions scientifiques, t. VII, p. 487 (Archives du Vatican, Registres de Nicolas V, vol. 385, f. 275).

[65] Jean Chartier, t. II, p. 185-186. — Chartier dit qu'elle désigna comme exécuteurs testamentaires Jacques Cœur, Robert Poitevin, médecin de la Reine, et Étienne Chevalier. De plus, elle ordonna que le Roy seul et pour le tout fust par dessus les trois susdits. — Désigné par elle-même comme le suprême exécuteur de ses dernières volontés, dit M. Vidie de Viriville, il lui éleva dans l'église de Jumièges une sépulture magnifique et dans celle de Loches un autre mausolée plus somptueux encore. Sur les deux statues qui reproduisaient son image, il voulut qu'elle fut représentée avec les insignes de duchesse... Là ne s'arrêtèrent pas les témoignages durables de sa passion et de ses regrets. Dans l'abbaye même de Jumièges, il voulut perpétuer par une fondation pieuse le souvenir de celle qui en était l'objet. Bibliothèque de École des chartes, t. XI, p. 316.