HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE IV. — CHARLES VII PENDANT LA TRÊVE AVEC L’ANGLETERRE - 1444-1449.

 

CHAPITRE III. — LA COUR À NANCY ET À CHÂLONS.

 

 

1444-1445

 

Les fêtes du Roi et la Cour ; le roi René reçoit Charles VII à Nancy avec grande pompe. — Portrait de Charles VII. — La reine Marie d’Anjou ; la dauphine Marguerite d’Ecosse. — Grande affluence de princes et de seigneurs à Nancy ; ambassade du marquis de Suffolk ; mariage de Marguerite d’Anjou ; fêtes et divertissements ; joutes ; départ de la reine d’Angleterre. — On apprend la mort de Radegonde de France ; la Cour quitte Nancy. — La duchesse de Bourgogne à Châlons ; ses relations avec la Reine et la Dauphine. — Nouvelles fêtes ; pas d’armes de Jacques de Lalain ; arrivée du comte d’Angoulême. — Mariage du connétable de Richemont, en troisièmes noces, avec Catherine de Luxembourg ; rivalités et divisions dans l’entourage royal ; grands-seigneurs éloignés de la Cour. — Affaire du comte d’Armagnac ; le Roi instruit la cause ; abolition donnée sous condition. — Maladie de là Dauphine ; sa mort ; départ de Châlons.

 

Nous avons vu que Charles VII s’installa à Nancy, au mois de septembre 1444, pendant les opérations du siège de Metz. La capitale du duché de Lorraine vit alors un spectacle inusité. Il y eut là comme une première apparition de ce que, dans notre langage moderne, en faisant dévier le mot de son sens primitif, on a appelé la Cour.

La Royauté française était demeurée étrangère à ces pompes, à ces cérémonies, à ces représentations si en honneur dans les monarchies orientales. La simplicité régnait autour du trône et l’étiquette en était bannie. A des intervalles déterminés — cette coutume remontait à la monarchie carolingienne et même plus haut — le Roi tenait ce qu’on nommait ses fêtes. Pâques, la Pentecôte, la Toussaint, Noël, telles étaient les principales époques de l’année où le Roi appelait autour de sa personne les princes du sang et tenait Cour plénière[1]. Afin que chacun pût y paraître conformément à son rang et avec la pompe qui convenait à la circonstance, le Roi donnait des robes aux princes, aux grands officiers, aux gens de son hôtel ; et cet usage constitua bientôt une sorte de droit pour tous ceux qui portaient la livrée royale. A chaque fête il y avait une distribution de robes[2]. Le Roi lui-même se faisait faire à cette occasion une robe neuve : jusque dans les temps de détresse, Charles VII resta fidèle à cet usage. A sa fête, le Roi était revêtu des ornements royaux. Pendant la messe solennelle, célébrée tout d’abord, un évêque plaçait la couronne sur sa tête ; il présidait ensuite un grand festin, auquel seuls prenaient part les princes du sang et les pairs du royaume, et où il était servi par les grands officiers de la Couronne, par ses maîtres d’hôtel, échansons et pannetiers, chacun suivant les fonctions de sa charge. Les rois d’armes et les hérauts, tenant à la main de grands hanaps remplis de monnaie d’argent, criaient, de temps à autre, à trois reprises : Largesse ! Largesse ! Largesse ! en jetant des pièces de monnaie au peuple admis dans la salle. Des lectures étaient faites à haute voix par le grand chambellan. Après le repas, les ménétriers exécutaient des airs variés sur de multiples instruments ; les jongleurs divertissaient l’assistance par leurs tours, leurs facéties, et la représentation de scènes et de mystères. La journée s’achevait au milieu de pantomimes et de danses, et chacun se retirait emportant de beaux présents, dus à la libéralité royale[3].

Il résulte de ce que nous venons de dire que personne ne venait à la Cour sans être mandé par le Roi. En temps ordinaire, il n’y avait autour de lui que les gens de son hôtel, et les personnes attachées au service de la Reine et des enfants royaux.

René d’Anjou, duc de Lorraine et roi de Sicile, se retrouvait, après une longue absence, dans la capitale de son duché. Il n’avait point eu jusque-là l’occasion de satisfaire son penchant pour le faste, le plaisir et les délassements chevaleresques. La présence à Nancy du Roi, du Dauphin, de la Reine, de la Dauphine, de la reine de Sicile et de sa fille, qu’on appelait déjà la reine d’Angleterre, l’affluence d’un grand nombre de princes et de seigneurs, l’arrivée du marquis de Suffolk avec une suite brillante, tout se réunissait pour lui permettre d’inaugurer avec éclat cette Cour destinée à devenir célèbre. Aussi, pour faire honneur à une telle compagnie, le roi René s’évertua, en mille manières, à trouver chaque jour de nouveaux jeux et esbattements[4]. C’était d’ailleurs le temps où, selon la remarque d’Olivier de la Marche, les dames avoient bruit en France et loy d’elles monstrer[5].

Pour la première fois, Charles VII va apparaître à nos regards dans les splendeurs d’une résidence royale, entouré de la majesté et du prestige qui s’attachaient au plus grand trône du monde. Le moment est venu de le présenter au lecteur et de tracer son portrait.

D’une taille moyenne, avec des membres grêles et mal proportionnés, Charles VII ne manquait point de noblesse et d’élégance quand il était revêtu de ces longues robes qu’il affectionnait ; mais, en dehors des cérémonies de la Cour, la huque ou tunique serrée à la taille, les chausses vertes[6], avec des houseaux, qu’il portait habituellement, faisaient ressortir ses défauts physiques et laissaient voir des jambes courtes et des genoux cagneux[7]. En combinant les données que nous offrent les portraits du temps, le buste de Saint-Denis[8] et les auteurs contemporains, nous pouvons reconstituer sa physionomie.

La tête est forte ; le visage imberbe, d’une teinte mate, en dépit d’une complexion sanguine[9] ; le front est large, saillant ; une arcade sourcilière prononcée recouvre des yeux petits, d’un gris vert, un peu troubles, mais qui n’en sont pas moins pénétrants : on comprend que sous l’action de ce regard personne ne se crût assuré[10]. Le nez est long ; la mâchoire assez forte ; la bouche petite ; la lèvre épaisse et sensuelle. Pas un cheveu n’apparaît sous le chapeau de feutre bleu à bords relevés. L’ensemble exprime l’aménité. la bonté une fermeté tempérée mais inflexible. Il y a dans la physionomie, avec un charme indéfinissable, quelque chose de triste, d’inquiet et de défiant. Ces traits accusés, ce visage amaigri portent l’empreinte de la souffrance. Et en effet, sauf de rares lueurs de bonheur, cette existence que l’on prétend s’être écoulée dans la frivolité, l’insouciance et les plaisirs, fut le plus souvent troublée, précaire, mêlée d’épreuves et de luttes. Avec l’âge, l’amaigrissement ira en augmentant ; le visage se colorera ; les yeux seront moins vifs ; tout le masque s’imprégnera d’un cachet de sensualité en rapport avec les habitudes morales.

Dans le célèbre portrait du Louvre, Charles VII paraît être arrivé à cette dernière période de sa vie. Il est représenté vêtu d’une robe de velours rouge, garnie de fourrures au col et aux poignets, plissée sur le devant et serrée à la taille ; les mains disparaissent presque entièrement sous la fourrure des manches. Le Roi est à mi-corps, les mains jointes et appuyées sur un coussin de brocart, la tête couverte d’un feutre bleu orné de ganses d’or. L’ensemble du portrait, les courtines qu'on aperçoit de chaque côté donnent lieu de penser que Charles VII a été représenté dans son oratoire. Ce tableau fut placé, dès l’origine, dans la Sainte-Chapelle de Bourges, où il était encore au siècle dernier ; il porte la légende suivante : LE TRES VICTORIEUX ROY DE FRANCE CHARLES, SEPTIESME DE CE NOM[11].

Un autre portrait, plus connu par la reproduction qui en a été faite dans la grande édition de Mezeray et dans les Monuments de la monarchie française de Montfaucon, a passé successivement, au dernier siècle, de la galerie de Gaignières dans celles de Moreau de Mautour et de Clément, greffier de la ville de Paris ; il faisait partie, il y a peu d’années, d’une collection particulière[12]. Il nous montre le Roi en buste ; mais ici les mains ne sont point apparentes. Le costume ne diffère pas d’une manière essentielle du portrait du Louvre. On lit au haut du cadre : Charles VII, Roy de France.

La première Chambre de la Cour d’appel possède un admirable Calvaire de la première moitié du quinzième siècle, attribué à Jean Van Eyck, et placé autrefois dans la Grand’Chambre du Parlement. Le peintre a représenté Charles VII sous les traits de saint Louis, qui est, avec saint Jean-Baptiste, à la droite du Christ. La ressemblance est frappante, et cette figure, d’une importance iconographique considérable, est non moins précieuse que les deux portraits dont nous venons de parler ; elle nous offre une image plus jeune et d’une finesse d’exécution remarquable[13].

Il existe à Francfort, dans la collection de M. Brentano, plusieurs séries de miniatures de Jean Foucquet, d’une merveilleuse exécution. L’une d’elles représente l'Adoration des Mages. Aux pieds de la sainte Vierge un personnage est agenouillé : c’est Charles VII que l’artiste a voulu peindre sous les traits du premier des Rois mages. L’identité est incontestable, et, malgré l’exigüité de la figure, on peut constater sa ressemblance avec les portraits ci-dessus mentionnés. Le Roi a déposé sa couronne, figurée sur un chapeau blanc de forme ronde ; il a la face imberbe et les cheveux coupés court en sébile ; il est vêtu d’un pourpoint vert, bordé de fourrures ; son haut-de-chausse est rose ; ses jambes sont enfermées dans de longs houseaux noirs, montant au-dessus du genou, et surmontés d’un large revers[14].

Il y a enfin à Stuttgart une curieuse miniature représentant Charles VII Le Roi est coiffé d’un bonnet noir et d’un chaperon ponceau, dont le pan retombe, par lé côté, jusqu’au talon. Le visage est complètement ras ; les chausses et le gippon sont verts ; la robe est courte, de couleur brune, avec des maheutres, ou épaules postiches. L’amaigrissement du corps, l’accentuation des traits, les rides qui apparaissent sur le visage sont les signes d’une vieillesse prématurée. Ce portrait a été exécuté d’après un croquis rapporté par Georges d’Ehingen, chevalier allemand, qui, de 1453 à 1457, visita tous les souverains d’Europe et fit reproduire leur effigie. Évidemment le portrait de Stuttgart a perdu de sa ressemblance en passant du croquis dans la miniature ; il n’en est pas moins fort précieux[15].

Plusieurs autres portraits contemporains ont malheureusement disparu, sans laisser d’autre trace qu’un vague souvenir[16].

Du personnage physique, passons au personnage moral.

Solitaire estoit, dit un de ceux qui nous le font mieux connaître[17]. Il n’aimait ni les grandes villes, ni les lieux fréquentés et populeux. Entouré de quelques familiers, au nombre desquels figurait toujours son médecin, de savants et de lettrés, il prenait plaisir à s’entretenir de joyeusetés ou d’histoires anciennes[18]. De bonne heure il avait eu le goût des lettres : il devint historien grand et bon latiniste3[19]. L’évêque Jouvenel lui disait un jour : En cette manière (avec des maîtres instruits), avez, mon souverain seigneur, été nourri ; et sais que avez vu autant d’histoires, tant de la Bible que d’autres, que Roi fit onques[20]. Ce n’était pas seulement dans la connaissance de l’histoire que Charles VII excellait, mais aussi dans les sciences sacrées : c’est ce qu’affirme un prélat contemporain écrivant au concile de Bâle[21]. Il avait, en outre, le goût des arts : dès les premiers temps de son règne, il entretenait à sa cour un peintre, Henri Mellein[22] ; son peintre ordinaire était Conrad de Vulcop[23], et il en eut d’autres, parmi lesquels figura le célèbre Jean Foucquet. Il se plaisait à faire jouer devant lui de la harpe et d’autres instruments[24].

Dans ces entretiens intimes auxquels il aimait à se livrer, Charles VII tenait la première place : il avait, dit Chastellain, merveilleuse industrie, vive et fraîche mémoire, et était beau raconteur[25]. C’était un charme que de l’entendre, car sa parole, quoique d’un timbre peu élevé[26], était belle et bien agréable et subtile. Il avait, selon un autre auteur[27], gravité honnête, familiarité atrempée et diligence efficacieuse. Son serment habituel était : Saint Jehan ! saint Jehan ![28] Sa fidélité à sa parole était inviolable[29]. Il voulait être entouré de sages et de vaillants, et faisait élever en sa maison les enfants des princes et des grands. Ses chambellans étaient choisis parmi les personnages les plus renommés. Très attentif à n’avoir dans sa domesticité que des gens sûrs et en qui il pût avoir pleine confiance, il était au courant des mœurs et des habitudes de chacun, et tenait un rôle de ses officiers subalternes, afin de les pourvoir, suivant leur ancienneté et leur capacité, d’emplois plus lucratifs[30]. Si quelqu’un de ses conseillers ou de ses serviteurs s’était mis dans son tort, il pardonnait volontiers l’infidélité ou l’offense ; mais la disgrâce était certaine et irrévocable, et il ne voulait plus revoir celui qu’il avait congédié[31]. Il était d’ailleurs changeant : bien des intrigues s’agitèrent pour profiter de cette disposition, qui eut au moins pour résultat d’entretenir autour de lui une vive émulation et une crainte salutaire[32]. Il était affable[33], accessible à tous[34] ; tous ceux qui l’approchaient se retiraient charmés de sa grâce et de sa bonté[35]. Sa douceur, son humanité étaient proverbiales[36] : on pouvait dire de lui ce que Tacite dit de Germanicus : Comitas in socios, mansuetudo in hostes[37].

Charles VII affectionnait l’exercice du cheval, et c’est pour cela qu’il portait habituellement ces vêtements courts qui faisaient ressortir les désavantages physiques de sa personne ; il ne montait jamais ni mule ni haquenée, mais, selon Henri Baude, un bas cheval trotier d’entre deux selles. Il aimait aussi le tir à l’arbalète, le jeu de paume et le jeu d’échecs[38]. Le jeu de dés était un des passe-temps de sa Cour ; le Roi y prenait part, et l’on jouait gros jeu[39]. La chasse l’occupa quelquefois, mais il ne paraît pas s’être livré avec passion à cet exercice[40].Il se levait matin, entendait chaque jour trois messes une grand’messe chantée et deux messes basses, et ne manquait point à dire ses heures. Il faisait deux repas par jour, mangeait seul, buvait peu, et gardait toujours une grande sobriété[41]. Généreux et secourable à tous, il répandait autour de lui d’abondantes aumônes[42]. Aux jours de fête, il invitait à sa table un évêque ou un abbé et un prince du sang. Quand la table étoit couverte, dit un auteur du temps[43], il n’y étoit si grand qui ne vidât hors de la chambre, et étoit la chose si bien ordonnée que nul ne présumoit y demeurer. Il avait certaines répugnances invincibles, dues aux souvenirs de sa jeunesse et aux incidents qui l’avaient marquée : ainsi il ne pouvait loger au-dessus d’un plancher, ni passer à cheval sur un pont de bois[44]. L’accident de La Rochelle, le tragique événement de Montereau, les scènes violentes de sa petite Cour lui avaient laissé une impression de terreur et de défiance dont il n’était point toujours maître. N’étoit nulle part sûr et nulle part fort, dit Georges Chastellain, qui ajoute que le Roi ne pouvait supporter le regard d’un inconnu quand il était à table : Car de celui-là, dit-il, jamais ne se bougeoient ses yeux, et en perdoit contenance et manger[45].

Charles VII aimait le commerce des femmes. Son panégyriste nous dit qu’il aimoit les dames en toute honnêteté et portoit honneur à toutes femmes[46]. Sans accepter au pied de la lettre cet éloge, il faut constater que, malgré les torts publics que le Roi se donna dans la dernière partie de sa carrière, il observa toujours les convenances les plus strictes, que le meilleur ton régnait à sa Cour, et que jamais parole grossière ou triviale ne sortit de sa bouche[47].

Condamné le plus souvent par la nécessité des temps à une existence nomade[48], Charles VII ne résidait qu’à de rares intervalles auprès de la Reine. Jusqu’en 1438, de très fréquentes grossesses avaient obligé Marie d’Anjou à mener une vie sédentaire. Tours et Amboise étaient ses demeures habituelles. En 1439, elle fit construire près de Tours une maison de plaisance[49] qui devint le château de Montils-les-Tours, et fut plus tard le séjour préféré du Roi. D’une santé chancelante, épuisée par les fatigues de la maternité, Marie d’Anjou, à l’époque où nous sommes parvenus, avait atteint l’âge de quarante ans[50]. Sans beauté, dépourvue de qualités brillantes, elle vivait dans la retraite, tout entière à ses devoirs de mère, trompant la solitude par la lecture, soit de romans de chevalerie, soit de romans moralisés ou de ce qu’on appelait alors romans de dévotion, sorte de livres de piété écrits en langue vulgaire[51]. Ses rares déplacements avaient pour but la visite de quelque lieu de pèlerinage. La tristesse de son existence, durant les premières années, semble avoir jeté un voile sur toute sa vie, et les nombreux deuils qu’elle eut à supporter — elle perdit son frère en 1434, sa mère en 1443, son fils Jacques et trois enfants en bas âge entre 1436 et 1438 — vinrent encore augmenter ce penchant à la mélancolie. Aussi était-elle toujours habillée de noir : le seul portrait qui nous ait été conservé d’elle la représente ainsi[52]. Mais la Reine avait un autre motif de tristesse, que les années ne firent que rendre plus poignant et plus irrémédiable. Après vingt ans d’union conjugale, alors même qu’elle venait de donner à son époux un nouveau gage de sa tendresse[53], elle se vit délaissée pour une maîtresse parée de toutes les séductions de la jeunesse et de la beauté, et dont la faveur, bien vite déclarée, allait devenir triomphante. Agnès Sorel était en 1444 demoiselle d’honneur de la reine de Sicile Isabelle, et ce fut pendant le séjour de la Cour à Nancy qu’elle passa dans la maison de la Reine.

Dans l’essaim de jeunes princesses et de nobles dames ou demoiselles qui formait à Marie d’Anjou un riche et séduisant cortège, brillait au premier rang l’épouse du Dauphin, Marguerite d’Ecosse[54].

Marguerite n’avait que douze ans quand, en 1436, elle était arrivée à la Cour ; elle avait grandi sous les yeux de la Reine, entourée de soins et d’affection[55], et était devenue une princesse belle et bien formée, pourvue et ornée de toutes bonnes conditions que noble et haute dame pouvoit avoir[56]. Une seule chose lui manquait : l’amour de son époux. Non seulement le Dauphin ne lui témoignait point les égards qui lui étaient dus ; mais il avait pour elle une véritable aversion : de là une mélancolie qui paraît avoir fini par dégénérer en phtisie[57]. La Dauphine avait le culte de la poésie ; pour se distraire, elle s’y livrait avec passion : souvent elle passait des nuits entières à composer des rondeaux[58]. Le poète Alain Chartier, alors secrétaire du Roi, qui avait été un des ambassadeurs chargés de négocier son mariage, fut pour elle comme un initiateur. On connaît la légende du baiser, et la réponse de Marguerite : Je n’ai pas baisé l’homme, mais la précieuse bouche de laquelle sont issus et sortis tant de beaux mots et vertueuses paroles[59]. Elle était entourée de filles d’honneur qui partageaient ses goûts : plusieurs d’entre elles composaient des rondeaux[60].

 

La Reine et la Dauphine rejoignirent le Roi à Nancy vers la fin de l’année. Elles le trouvèrent entouré de la Cour la plus brillante. A côté de René d’Anjou et de son fils le duc de Calabre, du comte du Maine, du connétable de Richemont, du jeune comte de Clermont, et des seigneurs de l’entourage royal, on voyait : Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, jeune et brillant chevalier, moult sage et bien adressé[61], qui, devenu le beau-frère du comte du Maine, puis du comte de Richemont, s’attacha au Roi, sans quitter pour cela l’hôtel du duc de Bourgogne, dans l’espoir d’ajouter encore à la grandeur et à la puissance de sa race[62] ; le jeune comte de Foix, dont la valeur avait été remarquée par le Roi, lors de l’expédition de 1442 en Guyenne, et qui, par ses agréments personnels, par ses brillantes qualités, avait conquis une faveur qui allait croissant[63] ; enfin deux jeunes princes de la maison de Lorraine, Ferry, fils aîné du comte de Vaudemont, et Jean, son frère, qui devait se distinguer sous la bannière royale lors de l’expulsion des Anglais. Ferry était depuis longtemps fiancé à Yolande, fille aînée du roi René ; la célébration du mariage eut lieu à Nancy, pendant le séjour de la famille royale dans la capitale de la Lorraine[64].

La reine de Sicile ne tarda pas à arriver[65]. Enfin la reine d’Angleterre vint à son tour, conduite par Bertrand de Beauvau et par d’autres conseillers du roi René66. On attendait l’ambassade qui devait venir la chercher et procéder à la cérémonie du mariage par procuration. La jeune princesse, qui n’avait point encore accompli sa seizième année[66], devait être un jour, suivant l’expression d’un contemporain, un des beaux personnages du monde représentant dame[67]. Le marquis de Suffolk, envoyé du roi d’Angleterre, parut, entouré d’un brillant cortège de seigneurs et de dames[68]. On y remarquait un évêque, l’évêque de Coutances ; trois barons : le comte de Salisbury, le comte de Shrewsbury (Talbot) et Robert d’Harcourt, baron de Bosworth ; deux baronnes : Alice Chaucer, marquise de Suffolk, et Marguerite Beauchamp, comtesse de Shrewsbury ; treize chevaliers, parmi lesquels on peut nommer le comte d’Ormond, Lord Greystock, Sir William Bonville, Lord Willoughby, Robert Roos, le chancelier Thomas Hoo, Hue Cokeseye, Edward Hull, et James d’Ormond ; deux dames et six demoiselles : Marguerite Hull, Marguerite Chamberlain, Alice Montagu, fille du comte de Salisbury, Agnès Parr, etc. ; quatre chambellans, quatre chapelains et clercs des offices, cinquante écuyers, chapelains, clercs et sergents d’armes, et cent quatre-vingt valets[69].

On s’occupa tout d’abord des derniers arrangements relatifs au mariage de Marguerite. La cérémonie eut lieu peu après. Louis de Haraucourt, évêque de Toul, y présida ; elle fut suivie de divertissements qui se prolongèrent pendant huit jours : festins, danses, joutes, rien ne fut épargné pour donner à ces fêtes un grand éclat[70]. Les principaux tenants de la joute furent le jeune duc de Calabre, le comte de Saint-Pol, Pierre de Brezé, le seigneur de Beauvau, Thierry et Philippe de Lenoncourt et Jean Cossa. Elle dura quatre jours. On vit entrer dans la lice, pour se mesurer avec ces seigneurs, le roi René, le comte de Linange, le seigneur de Fenestrange, le sire de Bassompierre, le seigneur de Flavigny, Werner de Fléville, Jacques d’Haraucourt et Geoffroy de Saint-Belin. Chacun devait fournir huit courses ; le prix consistait en un diamant de mille écus, avec un chanfrein dont le timbre devait porter les armes du vainqueur[71]. Le Roi lui-même parut dans la lice, revêtu d’une riche armure[72]. Le comte du Maine, le comte de Poix, Ferry de Lorraine, le maréchal de Lohéac et nombre d’autres prirent également part à la joute. On vit arriver deux seigneurs de l’hôtel du duc de Bourgogne, attirés par l’éclat de ces fêtes : le seigneur de Genlis et Jacques de Lalain. Bertrand de la Tour vint sur les rangs, précédé du maréchal de Lohéac et suivi de Coëtivy et de Saintrailles. Il était monté sur un magnifique coursier, couvert d'une housse de drap d’or ornée de petites clochettes d’or, avec une manteline de drap d’or, et accompagné de dix gentilshommes vêtus de satin blanc ; il fournit douze courses : trois contre le comte de Saint-Pol, trois contre Pierre de Brezé et six contre Jacques de Lalain[73].

Enfin sonna, pour la reine d’Angleterre, l’heure du départ. Marguerite se mit en route[74], accompagnée par le Roi, qui l’escorta jusqu’à deux lieues de Nancy. Il semble que la pauvre enfant ait eu comme un pressentiment de la triste destinée qui l’attendait : quand Charles VII l’embrassa pour la dernière fois, en la recommandant à Dieu, elle éclata en sanglots ; ce ne fut pas sans une vive émotion que le Roi se sépara d’elle[75]. René suivit sa fille jusqu’à Bar-le-Duc, et elle continua sa route, accompagnée par son frère le duc de Calabre et par le duc d'Alençon, auxquels se joignirent le duc et la duchesse d’Orléans[76]. Arrivée à Paris le 15 mars, elle en repartit le surlendemain pour Poissy, où elle fut remise au duc d’York. La jeune Reine fit son entrée triomphale à Rouen le 22 mars et s’embarqua pour l’Angleterre, où elle parvint après une affreuse traversée. Le 22 avril suivant eut lieu la cérémonie du mariage. Enfin Marguerite fut couronnée le 30 mai dans l’église de Westminster[77].

Sur ces entrefaites, une triste nouvelle parvint à Nancy. La fille aînée du Roi, Radegonde de France, âgée de dix-neuf ans, et depuis longtemps fiancée à Sigismond, duc d’Autriche, venait de mourir à Tours (19 mars 1445). La jeune princesse était contrefaite ; elle paraît avoir eu une santé très chétive[78].

La Cour quitta Nancy à la fin d’avril. La Reine, suivie du Dauphin et de la Dauphine et du duc de Calabre, prit le chemin de Châlons, où elle arriva le 4 mai[79]. Quant au Roi, avant de se rendre dans cette ville, il s’arrêta à Toul, à Commercy, à Kœur, à Saint-Mihiel, à Louppy-le-Château, et ne rejoignit la Reine que le 29 mai. Il s’installa à Sarry, près de Châlons, dans l’hôtel de l’évêque. D’importantes affaires devaient se traiter dans cette résidence, où fut accomplie définitivement la réforme des gens de guerre, où de nombreux ambassadeurs étrangers vinrent trouver le Roi, et où parut la duchesse de Bourgogne, chargée par son mari d’une mission diplomatique.

La duchesse de Bourgogne s’était rendue d’abord à Reims, où les négociations avaient été entamées ; elle n’attendait que l’arrivée de la Reine pour faire son entrée à Châlons. Elle vint accompagnée de son neveu, Adolphe de Clèves, second fils du duc de Clèves, de ses nièces la comtesse d’Étampes (Jeanne d’Ailly) et Marie de Gueldres, et d’une nombreuse suite de seigneurs et de dames, parmi lesquels on peut citer Pierre de Bauffremont, seigneur de Charny, le seigneur de Créquy, le seigneur de Humières et Guillaume le Jeune, seigneur de Contay. Elle arriva, avec toute son escorte, jusque dans la cour de l’hôtel où résidait la Reine. Son chevalier d’honneur, le seigneur de Créquy, s’avança pour demander s’il plaisait à la Reine de la recevoir. Sur la réponse affirmative qui fut transmise, la duchesse Isabelle descendit de sa haquenée et s’avança, précédée des gentilshommes de sa maison. Elle était escortée par son neveu, le jeune comte de Clermont, et sa queue était portée par sa première demoiselle d’honneur. Arrivée à la porte de la chambre de la Reine, la duchesse, conformément à l’étiquette, prit en main la queue de sa robe, et, la laissant traîner, s’inclina une première fois jusqu’à terre ; se relevant ensuite, elle pénétra jusqu’au milieu de la pièce, et salua de nouveau. Marie d’Anjou se tenait debout au chevet de son lit. Quand la duchesse s’approcha, et qu’elle se fut inclinée pour la troisième fois, la Reine fit deux ou trois pas en avant, mit la main sur l’épaule de la duchesse, qu’elle embrassa, en la faisant se relever[80].

La duchesse de Bourgogne devait faire à Châlons un séjour de deux mois. Olivier de la Marche nous apprend que la Reine l’accueillit avec empressement, et lui fit moult grand honneur et privauté[81]. Les deux princesses étaient l’une et l’autre d’un certain âge[82], et déjà hors de bruit. — Et crois bien, ajoute le chroniqueur bourguignon[83], qu’elles avoient une même douleur et maladie qu’on appelle jalousie, et que maintes fois elles se devisoient de leurs passions secrètement, qui étoit cause de leurs privautés. Olivier de la Marche dit ici que le Roi avait récemment élevé une pauvre demoiselle, et l’avait placée d’emblée en tel triomphe et tel pouvoir que son état étoit à comparer aux grandes princesses du royaume[84] — le chroniqueur anticipe un peu sur les faits —. Quant au duc de Bourgogne, il s’était depuis longtemps rendu fameux par ses galanteries : son jeune page le signale comme le prince le plus dameret et le plus galant de son époque, et ne craint pas d’avouer qu’il avait une moult belle compagnie de bâtards et de bâtardes[85]. La Reine et la duchesse profitèrent, paraît-il, de l’occasion pour se douloir et complaindre l’une à l’autre de leur crève cœur[86].

La duchesse de Bourgogne ne fut point admise une seule fois à la table du Roi et de la Reine : ce n’était pas l’usage de la Cour[87] ; mais elle dîna souvent en compagnie de la Dauphine, avec laquelle elle entretint de fréquentes relations. La duchesse avait autant de sympathie pour cette princesse que d’éloignement pour son mari : elle eut alors une vive altercation avec le Dauphin[88]. Marguerite venait passer des journées entières auprès de la duchesse[89], qui la traitait avec autant de déférence que la Reine, allant jusqu’à s’agenouiller profondément quand elle se levait de table[90].

Le long séjour de la duchesse de Bourgogne à Châlons ; la présence d’ambassadeurs venus au nom du duc de Milan, du duc de Savoie, du roi de Castille, des électeurs de l’Empire, du duc d’York, de l’empereur et du patriarche de Constantinople[91], furent l’occasion de fêtes pompeuses, auxquelles se mêlèrent de joyeux divertissements.

Charles d’Anjou, comte du Maine, était alors dans tout l’épanouissement de la plus brillante jeunesse ; par sa largesse et ses prodigalités, il excitait l’étonnement et l’admiration. La faveur de Charles VII l’avait élevé, depuis douze ans, au sommet de la fortune ; il volait, nous dit-on, de la plus haute aile auprès de son maître ; il gouvernait et régentait tout[92]. Fort adonné d’abord à la galanterie, il venait de prendre femme dans la maison de Luxembourg[93]. Son beau-frère, le comte de Saint-Pol, n’était pas moins brillant : Chastellain le dépeint comme un moult bel chevalier, raide de corps et fort à douter, souverainement en bataille particulière, comme seraient armes en champ clos[94]. Ces deux princes imaginèrent de donner à la Cour un spectacle inusité et qui rappelait des temps plus heureux. Laissons ici la parole à un chroniqueur qui raconte en termes gracieux cet épisode[95].

Si advint qu’un jour, après souper, les Rois de France et de Sicile s’en allèrent jouer aux champs et ès prairies sur l’herbe verte, cueillant herbes et fleurs, eux devisant de plusieurs gracieuses devises, durant lesquelles survinrent monseigneur Charles d’Anjou, comte du Maine et du Perche, et le comte de Saint-Pol, accompagnés de grande foison de chevaliers et d’écuyers. Si se prirent à deviser avec les dames et raconter de leurs nouvelles : entre autres choses commencèrent à deviser de la cour et grand état que pour lors tenoit le duc Philippe de Bourgogne, des joutes, tournois et ébatements qui chaque jour s’y faisoient ; et disoient : Certes, de pareil prince comme est le duc de Bourgogne ne se trouve en France, ni plus courtois, débonnaire, sage et large sur tous autres. Durant ces devises, le comte du Maine et le comte de Saint-Pol se tirèrent à part, et dirent l’un à l’autre : Il convient que faisions aucune chose dont on sache à parler. Vous avez oui raconter devant les dames comment chaque jour toutes fêtes, joutes, tournois, danses et carolles se font en la cour du duc de Bourgogne, et vous voyez que nous, qui sommes en grand nombre en la cour du Roi, ne faisons que dormir, boire et manger, sans nous exercer au métier d’armes, qui n’est pas bien séant à nous tous d’ainsi passer notre temps en oisiveté. Alors le comte de Saint-Pol, désirant mettre sus aucune emprise d’armes, appela à part le comte du Maine et lui dit : Monseigneur du Maine, faisons vous et moi publier tantôt, en présence du Roi et des dames, une joute à tous venants ; et seront vous et moi, ou aucun chevalier ou écuyer notable pour vous, qui tiendrons le pas huit jours durant, à commencer d’aujourd’hui en quinze jours. Le comte du Maine, entendant son beau-frère le comte de Saint-Pol, commença à sourire, et dit qu’il étoit bien content qu’il en fut fait ainsi.

Parmi la suite de la duchesse de Bourgogne, on distinguait un jeune écuyer du Hainaut, Jacques de Lalain, fils de Guillaume, seigneur de Lalain, et de Jeanne de Créquy ; il était de l’hôtel du damoiseau de Clèves, frère de la duchesse d’Orléans. Choyé à la cour de Bourgogne, Jacquet, c’est ainsi qu’on l’appelait, était un type accompli d’honneur et de bravoure. Débonnaire et courtois en faits et en paroles, dévôt envers Dieu, il était d’une conversation tant plaisante que chacun désiroit avoir avec lui accointance[96]. Jamais il ne se trouvait sur les rangs qu’on ne le reconnût à la vigueur de ses coups et à l’irrésistible puissance de son bras ; aussi ne manquait-il guère de remporter le prix du tournoi. Et quant est d’être entre dames et demoiselles, dit son biographe, il y savoit son être plus que homme de son âge[97].

Jacques de Lalain obtint des comtes du Maine et de Saint-Pol que l’emprise serait faite en son nom : on ne songeait à la Cour qu’à tenir tête au vaillant écuyer, et à lui montrer comment Français se savent aider de leurs lances. — Ce nous seroit à tous grande honte, disait-on, si un écuyer du Hainaut, venant de l’hôtel du duc de Bourgogne, emportoit l’honneur et le bruit avant tous ceux de la cour du Roi !

Tout était prêt, et il ne s’agissait plus que de fixer un jour. Jacques de Lalain vint trouver les comtes du Maine et de Saint-Pol, qui le conduisirent près du Roi. Celui-ci était dans la chambre des dames, où se trouvaient la Reine, la reine de Sicile, la Dauphine, les duchesses d’Orléans et de Calabre, et un grand nombre d’autres duchesses, comtesses, baronesses, dames et demoiselles. Charles VII avait pris Jacquet en amitié[98]. La demande fut agréée et le jour du tournoi fixé.

Je ne raconterai point les prouesses du brillant écuyer de vingt-deux ans, les grands horions qui se donnèrent, la déconfiture de tous les adversaires de Jacques de Lalain. À lui appartint l’honneur de la première journée. Le soir, au banquet royal, c’était à qui le féliciterait. Vêtu d’une riche robe vermeille, chargée d’orfèvrerie, descendant jusqu’aux pieds, il étoit haut, le visage frais et coloré comme une rose. Il vint saluer le Roi, les reines, les princesses et les dames. Et en cette nuit même, raconte son biographe[99], le bon Roi Charles le tint longtemps en devises, parlant de plusieurs choses, auxquelles il répondit si modérément que le Roi fut très content et lui plut moult fort à l’avoir oui parler. Après le banquet, on se mit à danser et à chanter ; puis la fête fut criée pour le lendemain, et l’on se retira après la distribution du vin et des épices.

Le lendemain, chacun alla entendre la messe ; de là on se rendit à la Cour pour assister à la messe du Roi. Tout à coup on apprit que Jean d’Orléans, comte d’Angoulême, venait d’arriver et devait dîner avec le Roi[100]. Les seigneurs, chevaliers et écuyers de l’hôtel allèrent au devant de lui et l’amenèrent au logis royal. Charles VII le reçut joyeusement et lui fit grande fête : Beau cousin, lui dit-il en l’embrassant, soyez le bien venu, comme celui que désirions voir. — Monseigneur, répondit le comte, je loue Notre Seigneur de vous voir en bonne prospérité de votre personne[101]. Après le dîner, le Roi prit le comte d’Angoulême par la main et causa longuement avec lui. Les joutes recommencèrent ensuite, et Jacquet remporta le prix pour la seconde fois.

Plusieurs seigneurs tinrent à honneur de prendre part à la joute. Nous citerons le comte de Foix, le comte de Clermont, Pierre de Brezé, Poton de Saintrailles, Louis de Bueil, le seigneur de Bauffremont. Le comte de Saint-Pol se distingua particulièrement et obtint plus d’une fois le prix des dames[102]. Mais, de l’aveu de tous, la palme appartint à Jacques de Lalain, qui emporta le bruit et la renommée comme le mieux faisant[103].

Un jour on vit entrer dans la lice deux seigneurs richement vêtus, dont l’un portait les armes de Lusignan ; ils arrivèrent sur les rangs, faisant grand bruit, et avec si grande frainte de trompettes qu’il sembloit que terre et ciel dussent combattre ensemble. Ces seigneurs n’étaient autres que Charles VII et Pierre de Brezé ; ils ne venaient point tenir tête à Jacques de Lalain ; mais, par une joyeuseté qui les mut à ce faire, ils fournirent l’un contre l’autre quatre courses et rompirent chacun deux lances. Puis ils s’allèrent désarmer, et reparurent sur les hourts, auprès des dames, comme s’ils n’eussent point été reconnus[104].

Le soir, c’étaient chaque fois nouveau banquet, nouvelles danses : trompettes et ménétriers ne cessaient de corner jusqu’au point du jour. Le comte d’Angoulême, tout heureux de se trouver en liberté et au milieu d’une cour aussi brillante, s’empressa de jouer son rôle dans les divertissements. On a conservé le programme d’un ballet, tracé de sa main sur le feuillet de garde d’un manuscrit ; ce ballet, intitulé Basse danse de Bourgogne, fut dansé par la reine de Sicile, la duchesse de Calabre, la Dauphine et le jeune comte de Clermont.

Le 2 juillet fut célébré un mariage qui donna lieu à de nouvelles fêtes. Artur de Bretagne, comte de Richemont, épousait en troisièmes noces Catherine de Luxembourg[105]. La double alliance de la maison de Luxembourg avec le comte du Maine et avec le connétable causa quelque ombrage à Pierre de Brezé. Le sénéchal de Poitou, qui venait d’être créé comte d’Évreux, et dont l’influence grandissait en proportion de la faveur de la belle Agnès, se persuada qu’une nouvelle Praguerie se formait entre certains princes du sang, le roi René, le comte du Maine, et le connétable, avec le concours de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol[106]. Il y eut alors un brouillis[107] qui excita à la Cour une vive émotion. On vit se produire une de ces révolutions de palais si fréquentes sous ce règne. Déjà l’amiral de Coëtivy avait subi une sorte de disgrâce[108], sans toutefois perdre ses charges et cet incident avait coïncidé avec la faveur de Brezé. Les dissentiments qui régnaient dans l’entourage royal se traduisirent en querelles très vives. Nous avons un tableau de la situation, tracé à ce moment par des ambassadeurs milanais venus à Nancy au nom du duc Philippe-Marie ; à la date du 26 mai, ils racontent en ces termes leurs impressions dans un rapport adressé à leur maître : Quant à l’état des choses de par deçà, nous informons Votre Seigneurie que, d’après ce que nous avons pu apprendre, il y a, au sein de la maison de France, de grandes envies et d’ardentes divisions. Il n’en pourrait être de plus violentes que celles qui règnent entre l’illustre seigneur Dauphin et le roi René. Cela provient de ce que le roi René est celui par qui tout est mené dans le royaume. C’est lui qui a fait faire cette ordonnance pour la réduction des gens d’armes dont nous envoyons une copie à Votre Seigneurie. Outre cela, il n’y a pas non plus trop bonne intelligence entre le duc d’Orléans et le roi René, toujours par jalousie au sujet du gouvernement. Quant à la réconciliation entre le roi René et le duc de Bourgogne, on s’attend plutôt à une solution négative[109].

Évidemment, le rôle politique du roi René est ici très exagéré ; il n’était point exact de dire que ce prince dirigeait tout. Les ambassadeurs milanais s’en fient aux apparences : ils ne connaissent pas les dessous de cartes ; ils sont muets sur le comte du Maine, dont l’influence avait été pendant si longtemps prépondérante ; ils ne parlent pas de l'ascendant conquis par Brezé. Quoi qu’il en soit, les dissentiments prirent un caractère encore plus aigu pendant le séjour de la Cour à Châlons. Charles VII lit une sorte de coup d’état : il chassa plusieurs grands seigneurs, en leur disant de sa propre bouche de ne revenir que lorsqu’ils seraient mandés par lui[110]. Nous voyons alors la maison d’Anjou tout entière disparaître de la scène : le roi René se retire en Anjou, où il passe dix-huit mois avant d’aller se fixer en Provence[111] ; le duc de Calabre va prendre le gouvernement de la Lorraine, que son père vient de lui confier[112] ; le comte du Maine lui-même cesse de siéger dans le Conseil[113]. Seul entre les princes du sang, le comte de Vendôme y demeure ; les autres princes sont tenus à l’écart. Les personnages influents sont des seigneurs de moins haut parage, comme le comte de Foix, le comte de Tancarville (un d’Harcourt), le sire de Blainville (un d’Estouteville), et des bourgeois comme Guillaume Jouvenel, appelé le 16 juin à remplir la charge de chancelier de France, et son frère l’archevêque de Reims ; Jean Bureau, Jacques Cœur, Etienne Chevalier et Guillaume Cousinot[114]. Parmi les anciens serviteurs qui ne subirent aucune variation de fortune, on peut nommer Bertrand de Beauvau, seigneur de Précigny ; Robert de Rouvres, évêque de Maguelonne ; Thibaut de Lucé, évêque de Maillezais ; le confesseur du Roi, Gérard Machet, évêque de Castres[115] ; enfin, chose significative, le premier chambellan du Roi, Dunois, qui s’était tenu à l’écart pendant la campagne de Metz et le séjour à Nancy et à Châlons[116], reparaît dans le Conseil, où son influence va aller grandissant.

Durant sa résidence à Châlons, Charles VII eut à traiter une affaire importante, qui causait une certaine émotion parmi les princes du sang et jusqu’au delà des frontières du royaume. Nous voulons parler de la captivité dans laquelle était retenu le comte d’Armagnac. Par son arrogance, son infidélité, ses excès, ses crimes même, Jean V, comte d’Armagnac, avait lassé la patience royale ; il avait mérité un châtiment sévère, mais justifié. Beau-frère du duc de Bretagne et du duc d’Orléans, allié à la maison de Savoie et au roi de Castille, le comte n’épargna rien pour fléchir la colère du Roi : tous les princes du sang sollicitèrent en sa faveur ; le comte de Foix vint plaider sa cause ; le roi de Castille fit implorer le pardon royal. Des ambassadeurs de ce prince et du duc de Savoie, des envoyés du comte d’Armagnac arrivèrent à Châlons pour tenter un dernier effort. Charles VII consentit à examiner lui-même l’affaire. Dans une assemblée où il siégea en personne, entouré des princes du sang et des membres de son Conseil, les représentants du comte et de son fils, assistés du comte de Foix et des ambassadeurs de Castille et de Savoie, exposèrent leur requête avec de longs développements. Dans une seconde audience, l’avocat criminel Jean Barbin prit la parole. Il fit connaître les motifs qui avaient déterminé le Roi à procéder rigoureusement contre le comte, et conclut à la confiscation de ses biens dans tout le royaume et à une punition corporelle. Une troisième audience fut accordée aux défenseurs du comte d’Armagnac. Là, se jetant aux pieds du Roi, ils le supplièrent, en toute humilité, de ne point traiter le comte selon sa justice, qu’ils avaient jusque-là sollicitée pour lui, mais selon sa miséricorde : ils demandèrent qu’il daignât, de sa haute majesté et puissance royale, lui faire grâce et le recevoir en sa merci, protestant qu’il était prêt à faire entière obéissance et à se soumettre à tout ce qui serait exigé de lui.

Touché de cette démonstration, Charles VII répondit qu’il avait la requête pour agréable et qu’il ferait tant en faveur de ceux qui la lui présentaient qu’ils n’auraient pas lieu de se plaindre[117]. Bientôt, en effet, moyennant la caution de tous les princes et seigneurs qui avaient sollicité la grâce du comte, le Roi lui accorda des lettres d’abolition[118]. Mais ces lettres étaient conditionnelles : pour qu’elles pussent avoir force de loi, il fallait que le comte d’Armagnac consentît à subir les conditions qui lui étaient imposées[119].

Cependant les grandes affaires qui avaient occupé le Roi depuis son arrivée à Châlons avaient reçu leur solution. La réforme des gens de guerre, commencée à Nancy, était opérée ; la duchesse de Bourgogne avait repris le chemin de la Flandre ; les ambassades venues de divers points avaient été expédiées ; 0n songeait au départ. Déjà la Reine, alors souffrante — on la croyait enceinte — se demandait, dans l’isolement où elle était laissée, comment s’opérerait son voyage[120], quand survint un événement qui mit la Cour en deuil et jeta un trouble profond dans tous les esprits.

Le 7 août, le Roi s’était rendu en pèlerinage à Notre-Dame de l’Épine à peu de distance de Châlons, et la Dauphine l’avait accompagné[121]. Charles VII avait pour sa belle-fille une grande affection ; tout récemment, il lui avait fait délivrer comptant, pour des draps de soie et des fourrures destinés à sa parure, une somme de deux mille francs[122]. La santé de Marguerite était très chancelante. Prise d’un refroidissement, elle tomba malade au retour de ce pèlerinage : une fluxion de poitrine se déclara[123], et le mal fit de rapides progrès. On passa tout à coup des joies les plus bruyantes à de cruelles alarmes. Le son des cloches cessa dans toutes les églises[124]. On se demandait avec effroi si la Dauphine ne succombait pas à un autre mal que celui dont elle semblait atteinte. On disait que, délaissée par son époux, Marguerite avait été en butte aux plus noires calomnies, et qu’elle mourait de chagrin. Un soir d’hiver, à Nancy, Jamet de Tillay, l’un des conseillers du Roi, pour lequel elle éprouvait une vive aversion[125], était entré dans sa chambre ; il l’avait trouvée étendue sur son lit, entourée de ses dames, causant avec le seigneur de Blainville et un autre seigneur. La pièce n’était éclairée que par la lueur de l’âtre, et Jamet s’était récrié sur l’inconvenance d’une telle situation[126]. Depuis, il n’avait cessé de tenir sur la Dauphine les propos les plus compromettants, parlant de ses amours, de ses manières plus dignes d’une paillarde que d’une grande dame[127]. On racontait qu’à Châlons, ayant remarqué un simple écuyer qui s’était distingué dans une joute, elle lui avait fait remettre aussitôt une somme de six cents écus d’or[128]. Deux ou trois jours après qu’elle fut tombée malade, comme la Dauphine paraissait en proie au plus violent désespoir, sa dame d’honneur, Jeanne de Tucé, dame de Saint-Michel, lui demanda pourquoi elle ne faisoit meilleure chère, en lui disant qu’elle ne se devoit pas ainsi merencolier. La Dauphine répondit qu’elle se devoit bien merencolier et donner mal pour les paroles qu’on avoit dit d’elle, qui étoient à tort et sans cause ; et elle ajouta que, sur la damnation de son âme, elle n’avait jamais fait ce dont on l’accusait et n’y avait même pas songé[129].

Le Roi était fort inquiet de l’état de sa belle-fille. Un jour, avant la messe, après avoir fait sortir tout le monde, sauf Jamet de Tillay, il interrogea son médecin, Robert Poitevin, et Regnault de Dresnay, maître d’hôtel de la Dauphine. Poitevin rassura le Roi : la nature agissait, il y avait bon espoir de guérison[130]. Le soir, après souper, Charles VII s’étant rendu à sa promenade habituelle dans la prairie du Jars, Tillay entama conversation avec lui : C’est grand malheur, lui dit-il ; en peu de temps, il est venu en ce pays plus de merancolie qu’en pays où je fus onques. — C’est vrai ! répondit le Roi. Et Jamet continuant : Nous avons eu tous ces seigneurs embrouillés, et maintenant perdre cette dame, ce seroit la plus grande perte qui nous pût advenir. — Est-elle impedumée (enceinte) ? demanda le Roi. — Les médecins disent que non. — D’où procède donc cette maladie ? Jamet répondit que cela venait de faute de repos, comme disoient les médecins, et que Madame veilloit tant, aucune fois plus, aucune fois moins, que parfois il étoit presque soleil levant avant qu’elle s’allât coucher, et que aucune fois Monseigneur le Dauphin avoit dormi un somme ou deux avant qu’elle s’allât coucher, et aucune fois s’occupoit à faire rondeaux, tellement qu’elle en faisoit douze pour un jour, qui lui étoit chose bien contraire. — Cela fait donc mal à la tête ? dit le Roi. Jean Bureau, qui était présent, répondit : Oui, qui s’y abuse trop ; mais ce sont choses de plaisance[131].

Tillay sentait que son fait branlait[132]. Depuis quelque temps il avait fait des ouvertures aux dames de l’entourage de la Dauphine, pour être excusé auprès d’elle relativement aux propos qu’on lui attribuait[133]. Mais les plaintes de Marguerite devinrent bientôt publiques. Tous ceux qui l’approchaient l’entendaient s’écrier, sur la couche où elle se tordait : Ah ! Jamet, Jamet ! vous êtes venu à votre intention. Si je meurs, c’est pour vous et vos bonnes paroles que vous avez dites de moi, sans cause ne sans raison ![134] Et elle ajoutait, en levant les bras et se frappant la poitrine : Je prends sur Dieu et sur mon ame, et sur le baptême que j’apportai des fonts, où que je puisse mourir, que je ne l’ai desservi onques, et n’ai fait tort à Monseigneur ! Pierre de Brezé, qui était présent, sortit de la chambre, bien marry et dolent, en disant : C’est grand pitié de la douleur et courroux que souffre cette dame ! Le jour de sa mort, la Dauphine répéta encore : Je prends sur mon ame, où que je puisse mourir, que je ne fis onques tort à Monseigneur[135].

Il fallut lui faire les plus vives instances pour qu’elle pardonnât à Jamet ; elle y consentit enfin[136]. Peu d’heures avant de rendre le dernier soupir, on l’entendit murmurer : N’étoit ma foi, je me repentirais volontiers d’être venue en France[137]. Elle mourut le 16 août, à dix heures du soir ; ses dernières paroles furent : Fi de la vie de ce monde ! ne m’en parlez plus ![138]

L’émotion fut très vive à la Cour et la désolation universelle. La santé de la Reine en reçut une sérieuse atteinte[139]. Le Roi quitta brusquement Châlons : le 17, il partit soudainement, comme dolent, courroucé et troublé du trépas de la Dauphine[140]. Peu après, il donna l’ordre de procéder à une information sur les derniers moments de la Dauphine et sur les propos tenus par Jamet de Tillay.

 

 

 



[1] Il y avait aussi l'anniversaire du sacre du Roi, de son mariage, la réception comme chevaliers des frères et des fils du Roi, les mariages.

[2] Voir la dissertation V de Du Cange : Des cours et des fêtes solennelles des rois de France, et les Recherches historiques sur le nom de Cour plénière, données par Gautier de Sibert dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. — Ces deux mémoires sont reproduits dans les Dissertations de Leber, t. VIII, p. 36 et 59.

[3] Du Cange : Des cours et des fêtes solennelles des rois de France, et les Recherches historiques sur le nom de Cour plénière, données par Gautier de Sibert.

[4] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 45.

[5] Olivier de la Marche, t. II, p. 60.

[6] Le vert était, pour Charles VII, une couleur de prédilection.

[7] Cum togatus osset, satis eleganti specie apparebat ; sed cum curta veste indueretur, quod faciebat frequentius, panno viridis utens coloris, eum exilitas cruris et tibiarum, cura utriusque poplitis tamore et versus se invicem quadam velut inflexione, deformem utcumque ostentabant. Thomas Basin, t. I, p. 312. — N'estoit des plus especiaux de son œuvre, car moult estuit linge (grêle) et de corpulance maigre; avoit foible fondacion et estrange marche sans portion. Chastellain, t. II, p. 178. — Henri Baude dit pourtant (Portrait historique, dans Nouvelles recherches sur Henri Baude, par Vallet de Viriville, p. 6) : Estoit homme de belle forme, estature et bon régime.

[8] Ce buste, que le citoyen Beauvallet a restauré avec beaucoup d’art et de soins, est posé sur une colonne de marbre ornée d’un chapiteau arabesque que j’ai retiré des démolitions du château de Gaillon, lit-on dans le Musée des monuments français de Lenoir, t. II, p. 120. — La statue, placée sur le tombeau de Saint-Denis, avait été exécutée en 1463, très vraisemblablement. Elle fut en partie détruite par le vandalisme révolutionnaire. Voir Guilhermy, Description des tombeaux de Saint-Denis, p. 290.

[9] De complexion sanguine. (Henri Baude.)

[10] L’estat autour de luy devint à estre si dangereux que nul, tant fust grant pouvoit cognoistre à peine là où il en estoit. Chastellain, t. II, p. 184. — Chacun craignait pour soi ; chacun, sous ce regard inquiet, rapide, auquel rien n’échappait, se croyait regardé. Il semblait qu’il connût tout le monde, qu’il sût le royaume homme par homme. Michelet, Histoire de France, t. VI, p. 75. Ce que dit ici M. Michelet de Louis XI peut aussi bien s’appliquer à Charles VII.

[11] Il est inscrit au Louvre sous le n° 653. Louis XV, ayant supprimé la Sainte-Chapelle de Bourges, réserva ce portrait pour sa galerie ; sorti de la galerie royale pendant la Révolution, il est entré au Louvre en 1838, par voie d’acquisition, pour le prix modique de 450 fr. Voir Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée national du Louvre, par Fréd. Villot, 3e partie, école française, 4e édit., 1872, p. 420. — Une reproduction chromolithographique de ce portrait a été faite dans le Moyen âge et la Renaissance, t. V (1851). M. Vallet de Viriville l’a décrit dans une Note sur un ancien portrait de Charles VII, conservé au Musée du Louvre, lue à la Société des antiquaires de France le 16 avril 1862, et insérée, au t. XXVII des Mémoires, p. 66-72. Plus récemment ce portrait a été donné en photogravure dans l’édition illustrée de la Jeanne d’Arc de M. Wallon (1876) ; cf. volume III des Chroniqueurs de l’histoire de France, par Mme de Witt, née Guizot (1885).

[12] Celle de M. Duclos. Je l’ai vu à la fin de 1872, chez M. Chauveau, 29, rue Saint-Louis, qui en était alors possesseur. Ce portrait avait été vendu en 1870 à la ville de Paris, moyennant mille francs ; heureusement, la livraison ne fut pas faite, car il eût disparu dans l’incendie de l'hôtel de Ville.

[13] Voir sur ce tableau, qui a été sauvé à trois reprises différentes de la rage insensée des révolutionnaires, la Notice sur un tableau attribué à Jean Van Eyck, dit Jean de Bruges, qui se voitdans la principale salle de la Cour royale de Paris, par M. Taillandier, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XVII (1844), p. 169-199. M. de Guilhermy, dans son excellente Description archéologique des monuments de Paris (2e édition, 1856, in-12, p. 305), a très bien reconnu la ressemblance de Charles VII donnée à saint Louis. Je ne sais pourquoi M. Vallet, en parlant de ce tableau, dit que Charles VII y est peint en Charlemagne (t. III, p. 75, note), M. Lagrange a publié dans la Gazette des beaux-arts (t. XXI, 1866, p. 502) des observations intéressantes sur ce Calvaire.

[14] Nous empruntons cette description à la notice donnée par M. Brentano lui-même. Guignières, dans son recueil de portraits des Rois de France, donne, à la planche 4 du volume consacré à Charles VII, une mauvaise reproduction de ce portrait, où le Roi apparaît plus jeune, debout et coiffé, et il met au bas : Qui est au Commencement d'une paire d'heures faite pour Étienne Chevalier, trésorier général de France. Le dessin de Guignières est reproduit par Montfaucon (t. III, p. 228). Voir Œuvre de Jehan Foucquet, t. II, p. 86, et la reproduction originale qui se trouve au t. I, p. 37.

[15] Voir Notice d’un manuscrit souabe de la Bibliothèque royale de Stuttgart, contenant la relation des voyages faits de 1453 à 1457 par Georges d’Ehingen, par A. Vallet de Viriville (Paris, Didron, 1855, in-4° de 18 p., extr. du t. XV des Annales archéologiques), p. 10. Nous avons suivi la description de M. Vallet, qui a vu la miniature et en donne une reproduction au trait. Le portrait de Charles VII se trouve également (mais fort altéré) dans l’édition du voyage d’Ehingen donnée en 1610 par Fugger, et en couleur dans Costumes du moyen âge chrétien, par Jean de Hefner (1848, t. II, pl. LXXV). La Bibliothèque Sainte-Geneviève possédait un feuillet de manuscrit qui est maintenant à la Bibliothèque nationale (Cabinet des estampes, Na, 23 b.). Il est de la même dimension que le manuscrit de Stuttgart et offre deux miniatures reproduisant les portraits de Charles VII et de Ladislas, roi de Hongrie. M. Vallet (l. c., p. 15) estime que ce fragment est une copie des miniatures de Stuttgart.

[16] Un portrait de Charles VII, peint vers 1440 par Jean Foucquet, fut reproduit à Rome par Bramantino, avec d’autres portraits de personnages du temps, dans les chambres du Vatican. Vasari dit à ce sujet : Aveva fatto, secundo che ho sentito ragionare, alcune texte di naturale, si belle e si ben condotte que la sol parola mancava a dar loro la vita. (Vita di Piero della Francesca, dans les Vite dei più excellenti pittori, etc. ; éd. de Bottari, t. I, p. 305.) Mais, ni l’original, ni la reproduction de cette image ne nous ont été conservés. Raphaël, après avoir fait copier les portraits de Bramantino — Raffaello da Urbino le fece ritrare per avere l’effigie di colora, dit Vasari, — peignit, dans la chambre même du Vatican où ils se trouvaient, la Captivité de saint Pierre et le Miracle de Bolsène. Œuvre de Jehan Foucquet, t. II, p. 21 et 24-25.

Un autre portrait se trouvait à Saint-Martin de Tours, dans la chapelle Royale, dite des Vicaires. Peint sur bois, il avait été donné par le Roi à la célèbre basilique après l’expulsion des Anglais. Au dessous, on lisait cette inscription : C’EST LE POURTRAICT AU VRAY DU TRES CHRESTIEN ET TRES VICTORIEUX PRINCE CHARLES ROY DE FRANCE, SEPTIESME DE CE NOM, SURNOMMÉ LE CONQUÉRANT, QUI CHASSA DU ROYAUME LES ANGLOIS, BOURGUIGNONS ET NAVARROIS, ET LE RESTITUA EN TOUTE SPLENDEUR D’ARMES ET DE JUSTICE. — La collégiale de Saint-Martin de Tours, par M. Nobilleau (1869, in-8°), p. 51 ; communication particulière de M. Nobilleau (Juin 1871).

Il y avait encore un portrait de Charles VII à Bourges, dans la chapelle de l’hôtel de Jacques Cœur : Sonvi dipinti in una tavola l’Argentiere al naturale et in una altra lo re di Francia passato et lo re Renato et molti altri signori del reame. Viaggo a Parigi degli ambasiatori fiorentini nel 1461, dans l’Archivio storico italiano, 3e série, vol. I (1864).

La notion de l’effigie de Charles VII s’était perdue si rapidement qu’au milieu du XVIe siècle on ne connaissait plus de véritable portrait de Charles VII : en 1560, Giles Corrozet, dans sa Protestation sur la Pragmatique, donne un portrait de fantaisie.

[17] Portrait historique du roi Charles VII, par Henri Baude, publié par M. Vallet de Viriville, dans ses Nouvelles recherches sur Henri Baude, p. 7.

[18] Henri Baude, p. 8. — On lit dans Martial d’Auvergne, Vigilles de Charles VII, t. II, p. 22 (cf. ms. fr. 5054, f. 148 v°) :

Aymoit les clercs, gens lettrez en science,

Et si prenoit à les avoir plaisance...

Car il avoit tousjours en compagnie

Gens fors prudens et plains de preudomye,

Et s’il scavoit ung homme d'excellence,

Expert, lettré en clergie et science

Le retenoit et faisoit conseillier.

[19] Georges Chastellain, t. II, p. 184. — Le témoignage de Chastellain est fort considérable, car il resta au service de Pierre de Brezé jusqu’en 1445 (voir Œuvres, t. I p. XIV) ; et il revint souvent à la Cour comme envoyé du duc de Bourgogne.

[20] Epitre sur la réformation du royaume, Ms fr. 2701, f. 88 v°. — Je scay que avez leu plusieurs hystoires et croniques, dit Jouvenel dans son Épître de 1440. Ibid., f. 11.

[21] Rex noster christianissimus princeps profecto doctissimus in scripturis canonicis veteris et novi testamenti, in catholicis denique gestis apostolicis periter et exemplis... Lettre de Philippe de Coëtquis, archevêque de Tours, au concile de Bâle, dans Martène, Thesaurus novus anecdotorum, t. IV, col. 368.

[22] Voir une ordonnance du 3 janvier 1431, rendue en faveur des peintres-vitriers à la sollicitation de Henri Mellein, demeurant à Bourges : Attendit la bonne volonté et entencion qu'il e de soy toujours loyalement employer en nostre service audit fait de son dit art... et en faveur des bons et agréables services qu’il nous a faiz et fait de jour en jour de sondit art, et esperons que encores fasse à l’avenir. Ordonnances, t. XIII, p. 161.

[23] Conrart de Vulcoup, paintre du Roy, à LX l. t. de pension. Huitième compte de Xaincoins (1445-46). Cabinet des titres, f. 98 v°. — Conrart de Wilcop, escuier, peintre du Roy, LX l. pour don. Neuvième compte, f. 111 v°.

[24] Guillaume L’Auvergnat, huissier d'armes, XXVII l. X s. t., pour avoir une bonne harpe pour jouer devant le Roy. Sixième compte, f. 83 v°.

[25] Chastellain, t. II, p. 181.

[26] Chastellain, t. II, p. 178. Cf. Regrets et complaintes de la mort du Roy Charles VIIe, à la suite du Portrait de Henri Baude, p. 18, vers 225.

[27] Henri Baude, p. 8.

[28] Henri Baude, p. 8. Cf. Chastellain, t. III, p. 18, et Chronique martinienne, f. 276. Dans le Jouvencel, on lit : Par Saint Jacques ! dit le Roy.

[29] Thomas Basin, t. I, p. 101, 324 ; t. III, p. 192.

[30] Henri Baude, p. 8. Cf. Chastellain, t. II, p. 188.

[31] Comparer avec ce que Tacite dit de Germanicus : Etiam si impetus offensionis languerat, memoria valebat. Annal., l. IV, c. XXI.

[32] Henri Baude, p. 8 ; Chastellain, t. II, p. 182 et 184 ; Th. Basin, t. I, p. 324.

[33] Jean Chartier parle (t. III, p. 18) du doulx aqueuil qu’il avoit coustume de faire à ses gens. Cf. Vigilles, t. I, p. 48 et 66.

[34] Mettait jours et heures de besongner à toutes conditions d’hommes, lesquelles il vouloit infailliblement estre observées, et besongnoit de personne distinctement à chascun. (Chastellain, t. II, p. 184.) — Vous savez, disait en 1446 le Dauphin à Chabannes, que chascun a loy d’enter à Razillé qui veult. (Duclos, Preuves, p. 64.)

[35] Voir Thomas Basin, t. I, p. XXIV ; t. II, p. 184, et Chastellain, t. III, p. 18-19. — Il faut citer ce passage des Vigilles de Charles VII :

Se une dame, bourgeoise ou damoiselle,

S'agenouloit pour bailler sa resqueste,

Il la prenoit par douceur naturelle,

Mettant la main au bonnet ou la teste,

En respondant une parolle honneste,

Dont ung chascun si se partoit joyeulx ;

Et n’estoit nul à qui il ne fist feste,

Sans estre aux gens ireux ne desdaigneux.

[36] Chartier l'appelle (t. II, p. 41) le doulx Roy et begnin prince. — Martial d'Auvergne répète souvent qu'il était pilteux à merveille (t. I, p. 64; cf. p. 54, 30, 157, et t. II, p. 30). — Ipse qui semper numanitatem atque mansuetudinem crudelitati præferebat, dit Thomas Basin, t. I, p. 232. — Mansuete procedens in omnibus, dit Zentfliet (Amplissima Collectio, t. V, col. 452).

[37] Annal., lib. II, c. LXXII.

[38] Henri Baude, p. 8.

[39] Voir ms. fr. 23259, f. 4, 11, 21 ; Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 257.

[40] Le 22 avril 1437, le Roi fait acheter un cheval pour aller à la chasse. — Le 29 mai 1443, le Roi va, de Poitiers, à la chace en moliere. (Compte de Jean de Rosnivinen, qui se trouvait à la Bibliothèque du Louvre.) — En 1444, on paye la dépense de quatre valets et vingt-deux chiens tenus de l'ordonnance du Roy pour sa plaisance et aller au gibier. (Sixième compte de Xaincoins, l. c., f. 80 v°.) — En 1445-46, le Roi va chasser à Saint-Laurent des Eaux et aux Roches-Tranchelion. (Huitième compte de Xaincoins, l. c., f. 100.) — En 1446-47, Berthault de Lesglantier, veneur de la vénerie du Roi, a 30 1. par mois, pour ses gages, nouriture et despens de vingt-quatre chiens qu’il tient pour le fait de la chace. (Neuvième compte, f. 109 v°.) — Notons que Martial d’Auvergne dit dans ses Vigilles (t. II, p. 30) que le Roi chassoit pou.

[41] Henri Baude, p. 8 ; Th. Basin, t. I, p. 312, et t. III, p. 192 ; Chastellain, t. III, p. 185.

[42] Grand aumosnier estoit et avoit tousjours où qu’il allast cousturiers et cordoanniers qui, par l'ordonnance de son aumosnier, bailloient vestemens et chausseures à tous povres. Henri Baude, p. 8. Cf. Regrets et Complaintes, à la suite, p. 18, vers 169-172 et 223 ; Vigilles, t. II, p. 30.

[43] Henri Baude, p. 8.

[44] Ne s’osoit logier sur un plancier ny passer ung pont de bois à cheval, tant fust bon. Chastellain, t. II, p. 185.

[45] Chastellain dit ailleurs : Non asseuré entre cent mille, se fust espovanté d’un homme seul non cognu. t. II, p. 181.

[46] Henri Baude, p. 8.

[47] Th. Basin, t. III, p. 192 ; Vigilles, t. II, p. 30.

[48] L’itinéraire de Charles VII est curieux à étudier, sous ce rapport, durant les années 1437 à 1444. On peut dire que le Roi ne se donna pas un moment de repos : tout notre troisième volume est là, d’ailleurs, pour l’attester.

[49] Grandmaison, Documents inédits, etc., dans le tome XX des Mémoires de la Société archéologique de le Touraine, p. 125.

[50] Elle était née, on l'a vu, le 18 octobre 1404.

[51] Vallet, Nouvelle biographie générale, article MARIE D'ANJOU.

[52] Voir Montfaucon, Monuments de la monarchie française, t. III, p. 46.

[53] Madeleine de France naquit le 1er septembre 1443.

[54] Voici, d'après les documents contemporains, quelles étaient alors les dames et demoiselles figurant dans la maison de la Reine et dans celle de la Dauphine :

La Reine. — Première dame d'honneur : Perrette de la Rivière, dame de la Rocheguyon. Dames et filles d'honneur : Blanche de Gamaches, dame de Chastillon ; Jeanne de Bournan, femme de Jean du Cigne ; Marie de Belleville, dame de Soubise ; Catherine de Melun, femme de Charles de Maillé ; Marie de l'Espine, femme de Rogerin Blosset ; Jeanne de Roux-Malart ; Isabeau de Hestray ; Jeanne de Montberon, mariée le 23 mars 1445 à François de Clermont, seigneur de Dampierre ; Prégente de Melun, mariée en 1446 à Jacques de Courrelles, seigneur de Saint-Liébaud ; Jeanne de Courcillon ; Jeanne de Guise ; Jeanne Rochelle ; Blanche de Compains ; Alix de Tournay.

La Dauphine. — Dame d'honneur : Jeanne de Tucé, dame de Saint-Michel (quarante-quatre ans). — Filles d'honneur : Marguerite de Vaux (trente-neuf ans) ; Marguerite de Salignac ; Jeanne Filleul ; Marguerite de Hacqueville (vingt-quatre ans) ; Jacqueline de Hacqueville (même âge) ; Annette de Guise (dix-neuf ans); Marguerite de Villequier (dix-sept ans) ; Yolande de la Barre.

[55] Le 1er janvier 1431, le Roi lui donnait, pour ses étrennes, un miroir d'or à pied, garni de perles. (Treizième compte de Guillaume Charrier, dans Le Grand, vol. VI, f. 23.) — En 1444 elle reçut trois cents livres pour ses plaisirs et menues affaires. (Sixième compte de Xaincoins, l. c., f. 82 v°.)

[56] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 67. La Chronique Antonine (ms. fr. 131, f. 271), rédigée en 1506, dit qui elle était excellentement belle et prudente dame.

[57] On lit dans les Commentaires de Pie II (p. 163) : Illud constat Delphinum postea uxorem odio habuisse, illamque morbum tisicum incidisse ; ex quo decessit. Un chroniqueur anglais du XVIe siècle, Richard Grafton, émet une assertion qu’il est impossible de contrôler : The lady Margaret, maryed to the Dolphin, was of such nasty complexion and evill savored breath, that he abhorred her company as a cleane creature doth a caryon : wherevpon she conceyved such an inwarde griefe, that within short time after she ended her dayes. Chronicle at large and meere history of the affayres of Englande, etc. (London, 1809), t. I, p. 612.) — Ce qui n’est pas douteux, c’est l’aversion du Dauphin pour sa femme. Commynes constate le fait en ces termes (t. II, p 274) : Il fut marié à une fille d’Escosse à son desplaisir, et autant qu’elle vesquit il y eut regret.

[58] Dépositions dans les Preuves de l'histoire de Louis XI, par Duclos, p. 43, 44 52, 54.

[59] L’anecdote est rapportée par Jacques Bouchet, dans ses Annales d’Aquitaine (édition de 1644), p. 252.

[60] En particulier Jeanne Filleul (voir ms. fr. 9223, f. 46 et Duclos, Preuves, p. 52), et Marguerite de Salignac. Une des demoiselles de la Reine, Prégente de Melun, s'occupait aussi de travaux littéraires.

[61] Olivier de la Marche, t. II, p. 60.

[62] Par vertu de laquelle alliance moult entendoit à estre grandy et fortiffié. Chastellain, t. II, p. 171.

[63] La où tousjours, l’un jour après l’autre, parce que belle et aggreable personne estoit et accompagné grandement, son fait, sa renommée et son autorité alloient montant et multipliant de plus en mieux tous les jours. (Chastellain, t. II, p. 170.) Gaston, comte de Foix, était né le 26 février 1423. Chastellain dit ailleurs (t. VII, p. 47) que ce gentil prince chevalereux avait pris son vol à la Cour sous l’autorité de Brezé. Miquel del Verms, à la fin de sa Chronique béarnaise, publiée par Buchon (Panthéon littéraire, p. 597-98), fait de lui le plus bel éloge.

[64] Lecoy de la Marche, t. I, p. 238.

[65] Outre le seigneur de Précigny, il y avait Guy de Laval, seigneur de Loué, Alain le Queu, archidiacre d’Angers, et Etienne Bernard, dit Moreau, trésorier du roi de Sicile. Le voyage s’effectua pendant le mois de janvier et les premiers jours de février. Dixième compte d’Étienne Bernard, l. c., f. 88 v°. Cf. Déposition de Robert Baudinais, dans D. Calmet, Histoire de Lorraine, preuves du t. VI, p. CLXX.

[66] Elle était née le 23 ou le 25 mars 1429. — Marguerite, depuis ses fiançailles, avait résidé au château d’Angers.

[67] Chastellain, t. IV, p. 294.

[68] Des difficultés financières semblent avoir retardé l’envoi de l’ambassade. Par lettres des 19 juillet et 17 août, Henri VI sollicitait de l’abbé de Saint-Edmund’s Bury une somme de cent marcs, des chevaux et des palefrois, des chariots, etc. Voir Original letters published by Sir Henry Ellis, Third series, t. I, p. 78 et suivantes. Cf. lettre du 27 août, dans Stevenson, t. II, p. 467. Le pouvoir donné par Henri VI à ses ambassadeurs porte la date du 28 octobre 1444. Rymer, t. V, part. I, p. 138.

[69] Voir Brekenoke and Everdone’s computus, dans Stevenson, t. I, p. 460 et suivantes. Mathieu d’Escouchy, t. I, p. 86-87. — Talbot est nommé par le chroniqueur. Vint-il à Nancy ? Nous n’en avons pas la preuve formelle.

[70] Berry, p. 426 ; Mathieu d’Escouchy, t. I, p. 40 ; Martial d’Auvergne, t. I, p. 218.

[71] Ces détails nous sont fournis par l'extrait d'un manuscrit du temps conservé jadis dans la collection de M. Noël, notaire à Nancy, donné dans les notes de l'Histoire de René d'Anjou, par le vicomte de Villeneuve Bargemont, t. I, p. 455 ; cf. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 40 et 42. On lit dans le manuscrit Noël : Et commenceront les susdites joustes le dimanche des... et durerent trois jours ensuivants. Peut-être faut-il lire : le dimanche des brandons, 1er dimanche de carême, qui tombait cette année-là le 14 février.

[72] Berry dit (p. 426) que le Roi prit part à la joute, et Martial d'Auvergne mentionne le fait dans ses Vigilles (t. I, p. 218)

Et y jouxta le feu bon Roy,

Armé gentement à merveilles,

En très bel et plaisant carroy.

Ce que dit Mathieu d'Escoucliy (t. I, p. 41) parait se rapporter à la joute qui eut lieu plus tard à Châlons. Voir note complémentaire, à la fin du volume.

[73] Berry, p. 426 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 42 ; ms. cité par Villeneuve Bargemont, l. c., p. 455-456. — On peut s'étonner que le Dauphin n'ait pas figuré dans la joute ; il tomba malade à Nancy : c'est ce que nous apprend un document publié dans les Preuves de la chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 392.

[74] On lit dans une lettre d'Henri Engelhard, le secrétaire du duc de Saxe, datée de Boppart, le 4 mars : Item, am dinstag nach Oculi (2 mars) ist den Engelischen zu Nancæy die Königin von Sicilien geantwert wurden. Archivés de Dresde.

[75] Et la convoya le Roy, le Roy de Sicile son père, et autres en leur compagnée ; et environ deux lieues de Nancy, le Roy recommanda à Dieu ladicte Reyne d'Angleterre sa nièce, laquelle en prenant congé de lui pleura fort, tellement qu'à grande peine pouvoit-elle parler. Berry, p. 426. Cf. Martial d'Auvergne, t. I, p. 218.

[76] Journal parisien du prieur Maupoint, dans les Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, t. IV, p. 32.

[77] Voir Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 85 et suivantes, et autres sources citées.

[78] Zantfliet, dans Amplissimo collectio, t. V, col. 431. Voir quittance du médecin Jacques Perchet, publiée par Depping, Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XVIII, p. 481, et relation des ambassadeurs milanais dans Osio, Documenti diplomatici, t. III, p. 369. — On lit dans le Huitième compte de Xaincoins (Cabinet des titres, 685, f. 98) : Pour deniers payez tant pour la despense faicte en l'obsèque de feu madame Radegonde de France, trespassée à Tours l'année passée, ensepulturée en l'église cathédrale de monseigneur Saint-Gatien de Tours, que pour la despense par elle faicte durant sa maladie, et aussy pour don fait à aucun de ses serviteurs et officiers qui l'avaient longuement servie, Vc l. t. Cf. Sixième compte, f. 80.

[79] Registres du conseil de ville de Châlons, fragments publiés dans Lettres de Louis XI, t. I, p. 199. On y voit que la Reine arriva la sepmaine devant l'Ascension (qui tomba en cette année le 6 mai). — Le 3 mai on délibérait sur les mesures à prendre pour l'entrée de la Reine.

[80] Le cérémonial de cette réception nous a été conservé, dans les Honneurs de la Cour par Aliénor de Poitiers, qui tenait ce détail de sa mère, la comtesse de Namur. Mémoires sur l'ancienne chevalerie, t. II, p. 154-56.

[81] Mémoires, t. II, p. 151. — Et disoit Madame de la Roche Guion, qni estoit première dame de la Royne, raconte Aliénor de Poitiers (p. 158), qu'elle n'avoit veu venir personne du royaume devers la Royne à qui elle fit tant d'honneur qu'à Madame la duchesse.

[82] La duchesse avait alors quarante-six ans, et la Reine quarante.

[83] Olivier de la Marche, t. II, p. 54-55.

[84] Olivier de la Marche, t. II, p. 55.

[85] Olivier de la Marche, t. II, p. 55.

[86] Olivier de la Marche, t. II, p. 55.

[87] Oncques elle ne disna ne soupa avecq aucun des deux. Aliénor de Poitiers, p. 164.

[88] Item parlera ledit Philippe à mondit seigneur du fait de mondit seigneur le Dauphin et des paroles que lui et madicte dame ont eues ensemble. Relation envoyée au duc de Bourgogne. Archives de la Côte-d'Or, B 11906, éd. par Tuetey, t. II, p. 185-187.

[89] Madame la Dauphine venait bien vers madame la duchesse, et là estoient elles aucunes fois deux ou trois jours sans se partir. Aliénor de Poitiers, l. c., p. 164.

[90] Aliénor de Poitiers, l. c., p. 164.

[91] Registres du Conseil de ville de Châlons, vol. III, fol. 1 v°, dans Lettres de Louis XI, t. I, p. 200 ; cf. Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 42-43, 50, 65-66.

[92] Chastellain, t. II, p. 162.

[93] On se rappelle que le Comte du Maine avait épousé l'année précédente Isabelle de Luxembourg. Chose digne de remarque : une des sœurs d'Isabelle était veuve du duc de Bedford, qui avait contracté en 1433, après la mort d'Anne de Bourgogne, une alliance avec Jacqueline de Luxembourg.

[94] Chastellain, t. II, p. 171-172.

[95] Le livre des faits du bon chevalier messire Jacques de Lalaing (faussement attribué à Georges Chastellain), dans les Œuvres de Georges Chastellain, publiées par M. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 40-41.

[96] Le livre des faits, p. 48.

[97] Le livre des faits, p. 32.

[98] Souventes fois le Roy prenait ses devises à luy, et l'avoit bien en sa grace. Le Livre des faits, p. 50.

[99] Le livre des faits, p. 63.

[100] Le comte d'Angoulême avait enfin été mis en liberté le 31 mars 1445. Voir l'acte passé à Rouen, à cette date, entre lui et Suffolk : Rançon de Jean le Bon d'Orléans, comte d'Angoulême, par C. Durier, archiviste des Hautes-Pyrénées (Tarbes, 1884, in-8° de 10 p. Extrait du Souvenir de la Bigorre), p. 2 et suivantes. — Cf. lettre et attestation du comte en date des 31 mars et 1er avril. En quittant Rouen, il avait adressé des remerciements à Suffolk pour la grand peine et diligence qu'il avait eue et prinse à sa délivrance, et Suffolk lui avait répondu, dit le comte dans son attestation, que tout ce qu'il avait fait, tant à la délivrance de nostre très cher seigneur et frère monseigneur le duc d'Orléans que à la nostre, il l'avoit fait de très bon cuer, non pas seulement pour amour de mondit seigneur et de nous, mais singulièrement et principalement il l'avait fait pour l'amour de nostre très cher et bien amé frère le bastart d'Orléans, conte de Dunois, duquel il avait esté prisonnier, et pour le plaisir qu'il lui avait fait, lui estant en ses mains. Revue des documents historiques, t. IV, p. 24-25.

[101] Le livre des faits, p. 65 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 86.

[102] Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 50 ; Olivier de la Marche, t. II, p. 60.

[103] Le livre des faits, p. 69.

[104] Le livre des faits, p. 67 ; Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 40.

[105] Le connétable de Richemont, veuf de Marguerite de Bourgogne, duchesse de Guyenne, morte le 2 février 1441, avait épousé, le 29 avril 1442, Jeanne d'Albret, qui mourut à la fin de septembre 1444. Quoiqu'il en ait eu bien grand deuil, il contractait, moins d'un an après, une troisième union.

[106] Gruel, p. 396. Il est vrai que Gruel ajoute : Et fut mal trouvé, car ils n'y pensoient point.

[107] Y eut un brouillis que le grand seneschal de Poictou mit sus. Gruel, p. 2.21 — Nous avons eu tous ces seigneurs embrouillez, disait Jamet de Tillay au Roi. Déposition dans Duclos, Preuves, p. 53.

[108] Le 12 avril 1443, Coëtivy obtenait du Roi les biens confisqués sur le maréchal de Rais ; le 28 août, il recevait les châteaux, châtellenies et seigneuries de Chantocé et d'Ingrande, confisqués sur Gilles de Bretagne. Est-ce par suite d'une disgràce que, peu de temps après, lui qui avait alors, ainsi que le constatait le Roi dans ses lettres du 12 avril la principale charge et conduite de nos grandes besognes et affaires, se retirait ainsi à l'écart ? Nous inclinons à penser que cette retraite, coïncidant avec des dons importants, se rattache à une mission dont fut investi l'amiral à cette époque. Nous savons par des lettres du 28 octobre 1458, constituant une dot à Marianne aînée d'Agnès Sorel, et par d'autres lettres de novembre 1458, lui attribuant le nom de Valois, que l'amiral par l'ordre du Roi, prit ladicte Marie estant enfant et la mena au chastel de Taillebourg, auquel, tant durant la vie dudit feu Pregent de Cpëtivy que depuis, elle e esté nourrie et alimentée. L'amiral, en quittant la Cour, chargé de biens et d'honneurs, se serait donc retiré à Taillebourg pour veiller sur la première des filles d'Agnès Sorel et se consacrer à la mission que le Roi lui donnait.

[109] Fra questa casa di Franza e grande garra et divisione prima essa non poteria essere maiore quanta è tra le illustrissime signore Delphin e il re Raynero, e questo per che esso re Raynero è quelo che governa tutto questo reame... Relation de Jean Galeas, dans Osio, Documenti diplomatici, t. III, p. 367.

[110] Auquel temps aucuns grans seigneurs furent congédiez de la court du Roy par le moien d’aucunes tribulacions qui se esmeurent layens ; et leur fut dit, par la bouche du Roy meisme, qu’ils ne tournassent jusques a tant qu’on les manderoit. Mathieu d’Escouchy, t. I, p. 68.

[111] Le roi de Sicile ne figure plus dans le Conseil postérieurement au mois de septembre 1445, sauf un instant, en mai 1446. Chastellain (t. II, p. 162) constate son éloignement des affaires ; il le représente à ce moment vivant patient en son dechas, curieux de moult de singuliers cas touchant édifices, pompeusités, festes et tournoyemens.

[112] Par lettres du 1er juillet 1445, René l’avait nommé son lieutenant général dans les duchés de Bar et de Lorraine.

[113] Le comte du Maine disparaît du Conseil entre le mois de décembre 1445 et le mois d’octobre 1447.

[114] Catalogue des actes ; — Charles VII et ses conseillers, par Vallet de Viriville ; Conseillers de 1417 à 1461, par le même, à la Bibl. nat., Ms. fr. nouv. acq. 1484, auquel on vient de donner, dans le même fonds, la cote 5084.

[115] Mêmes sources.

[116] Peut-être Dunois, mécontent de ce que le roi René l'avait emporté sur le duc d'Orléans, et de ce que l'on n'avait pas entrepris la campagne de Lombardie, s'était-il abstenu de suivre le Roi. Peut-être était-il resté pour présider à l'expédition des affaires et veiller comme conservateur de la trêve à l'exécution du traité de Tours.

[117] Sur l'affaire du comte d'Armagnac, voir Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 61 et suivantes, et les documents publiés dans les Preuves, p. 112 et suivantes. Cf. instructions du roi de Castille à ses ambassadeurs, ms. latin 5956a, f. 188.

[118] Voir les lettres dans les Preuves de Mathieu d'Escouchy, p. 125 et suivantes.

[119] Voir les instructions en date du 26 août, id., p. 116 et suivantes. — Nous reviendrons sur cette affaire en parlant de l'attitude de la Royauté à l'égard des princes, durant cette période.

[120] Le passage suivant de la déposition de la Reine, dans l'enquête sur la mort de la Dauphine, montre le degré de soumission (ou d'indifférence ?) auquel, soit par vertu, soit par habitude, elle était arrivée :

Dit et depose que ung jour de sabmedy, comme luy semble, connue on disoit continullement que le mercredy ensuivant le Roy devait partir dudit lieu (de Sarry-les-Châlon), autrement du temps n'est recors, ledit Jamet (de Tillay) vint devers elle audit lieu de Sarry et lui dist que le Roy avoit intention de tirer ung grant chemin, autrement ne le scet nommer, et qu’il feroit dix ou douze lieues par jour, et que ce seroit bien fait, attendu qu'elle estoit grosse, ainsi que pour l’heure on disoit qu’elle estoit, qu’elle print ung autre chemin à part, et soy en aller trois ou quatre lieues par jour.

Et lors elle luy demanda se le Roy partiroit pas le mercredy ensuivant ; et il lui dist que non, et qu'il pensoit qu’il ne partiroit jusques à ce que elle fust partie ; et adoncques elle luy va demander se elle s’en iroit seule ou se madame la Daulphine s’en viendroit avec elle, lequel luy respondit que madicte dame auroit grande compaignie et qu’elles ne pourroient pas bien loger ensemble, et qu’il pensoit qu’elle ne s’en iroit pas avec elle. Lors elle qui parle va dire, puisque c’estoit le plaisir du Roy qu’elle s’en allast devant, qu’elle en estoit contente et qu’elle le feroit voulentiers. Et il luy dist que ce seroit bien fait, et qu’aussi on s’en passeroit bien, et qu’il luy conseilloit qu’elle demandast son congié.

Et tantost après que ledit Jamet fust parti, elle qui parle envoya quérir Jean de la Haye, son maistre d’hostel, auquel elle va dire que ledit Jamet luy avoit dit que le plaisir du Roy estoit qu’elle s’en allast devant et non pas avec lui, et que madicte dame la Daulphine demoureroit derrière et ne s’en yroit pas avec elle, et pour ce qu’il advisast... Lequel Jean de la Haye va adoncques dire qu’il ne croyoit pas que ce que ledit Jamet lui avoit dist fust vérité, ne que le Roy le fist jamais. Et ne demoura guières après que Nicole Chambre vint devers elle, auquel elle dist toutes les paroles dessus dictes que ledit Jamet lui avoit dictes touchant le fait de son partement ; lequel Nicole luy dist qu’il n’en estoit riens et que jamais le Roy ne le feroit. Preuves de Duclos, p. 48-50, et Du Puy, 761, f. 17. Cf. Déposition de Jamet de Tillay, dans Duclos, p. 56-57.

[121] On a des lettres du 10 août 1445, données par Charles VII en faveur de l’église de Notre-Dame de l’Épine, laquelle, dit-il, avons visitée en nostre personne et y avons esté en pèlerinage. Archives, JJ 178, n° 44.

[122] Quittance du 20 juillet 1445. Cette quittance était conservée, en original signé, à la Bibliothèque nationale, parmi des titres inclassés que M. Vallet de Viriville eut sous les yeux en 1860 ; elle porte aujourd'hui la cote suivante : Ms fr. 20422, f. 2, et se trouve en copie dans le recueil de Le Grand, vol. VI, f. 276 et 311 v° ; elle a été publiée par M. Pierre Clément : Jacques Cœur et Charles VII, t. II, p. 31-32, et par M. Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 201 (avec la date fautive du 2 juillet).

[123] Déposition de Guillaume Leotier, dans Du Puy, 762, f. 51 v°. Pour ce qu’il faisoit grant chault, toute suant se despouilla, comme dient les femmes de son hostel, et en sa cotte se tint en une chambre basse bien froide ; tellement que le lendemain, elle se trouva très mal, bien airumée et entoussée. — Il faut lire, sur la maladie de Marguerite la consultation du médecin du Dauphin, grave praticien du nom de Guillaume Leotier, alors âgé de 51 ans ; elle se trouve dans la déposition qu’il lit le 25 août 1446 (Du Puy, vol. 762, f. 50-51 v°). Le morceau ne serait pas déplacé dans Molière : Il luy semble que ladicte maladie principalement luy est venue pour ce que ladicte dame vieilloit trop, parquoy se corrompoit son sang et les humeurs de son corps ; son cervel s’en affoiblissoit, et nature envoyé toujours au plus foible du corps et iceluy qu’elle trouve plus brecié les superfluitez ou humeurs corrompues. Dont en son cervel s’est engendré un rume, lequel a esté cause de engendrer un appostume en son dit cervel. Et peult estre que de son dit cervel peult estre tombé par manière de une gouture partye de ces humeurs corrompues sur les parties de son poulmon, qui a esté cause de ulcerer son dit poulmon, comme a esté trouvé par effet.

[124] Registres du Conseil de ville, vol. III, f. 1 v°, dans Barbat, Histoire de la ville de Châlons-sur-Marne, p. 352, et dans Lettres de Louis XI, t. I, p. 201.

[125] Deux ans a ou environ, elle qui parle a par plusieurs fois ouï dire à madicte dame la Dauphine, ainsi qu’on parloit aucune fois de malveillance, qu’elle n’estoit point tenue à Jamet de Tillay et qu’elle le hayoit plus que tous les hommes du monde. — Déposition de Marguerite de Villequier, dans les Preuves de Duclos, p. 32 ; cf. p. 27 et 34-34.

[126] Dépositions dans Duclos, p. 42 et 57 ; cf. Du Puy, vol. 752, f. 49.

[127] Dépositions dans Duclos, p. 29-33, 34, 36, 47, 55, 60. Il y avait eu des luttes d’influences autour de la princesse. On voit par la déposition de Jamet de Tillay que la Reine, la Dauphine et Agnès Sorel auraient voulu mettre Marguerite de Villequier hors de l’hôtel et la remplacer par Prégente de Melun (Déposition dans Duclos, p. 47). Prégente était ou paraissait être à la discrétion de Brezé. On lit ce qui suit dans la déposition d’Annette de Guise (Du Puy, f. 54) : Interrogée s’elle a point oy dire audit messire Regnault que Prigente eust trahy Mgr le seneschal, dit que non, mais le jour d’huy a bien ouy dire à sa sœur que ledit messire Regnault de Dresnay lui avoit dit qu’il dirait à Mgr le seneschal que Prigente lui estoit bien trahistresse, et qu'il se fioit en elle.

[128] Le fait est rapporté par Le Grand, dans son Histoire manuscrite de Louis XI, t. I, p. 85. Il paraît avoir sa source dans les dépositions suivantes faites par Annette et Jeanne de Guise lors de l'enquête prescrite par Charles VII (Du Puy, vol. 763, f. 52 et 54) : Déposition d’Annette de Guise : Dit que ou temps que les joustes se tirent à Chalons dernièrement, madicte dame ordonna à elle qui parle qu’elle demandait à Marguerite de Hacqueville la somme de quatre cens escus, et aussi qu’elle prist d’un nommé Gervaise son valet de chambre, deux cens escus. Pour quoy elle qui parle alla devers ladicte Marguerite luy demander ladicte somme, laquelle luy bailla quatre cens escus, onze ou douze moins, et par avant ledit Gervaise lui baillai à Sarry lesdiz deux cens escus... La Dauphine, mandée à Châlons par le Dauphin, remit les 600 écus à Prégente en lui disant : Vous semble il point que ce soit assés beau don pour donner à un homme de bien ? Regnault de Dresnay ayant demandé à Annette si elle savait à qui cette somme avait été donnée, celle-ci répondit que non ; et Regnault reprit : Je me doubte que ce n’ait esté pour luy. — Déposition de Jeanne de Guise : Ledit messire Regnault luy demanda tout bas : Par vostre foy, pensez-vous point qu’il est (l’argent) ? Et elle lui respondi : Je le me pense bien. — Aussi fois-je, dit ledit messire Regnault. Et elle dit : Or le dictes doncques. Et il luy dist : Mais vous ! et il luy nomma tout bas Charles Moullon. Je le me pensoye bien.

[129] Déposition dans Duclos, p. 29.

[130] Voir Duclos, Preuves, p. 53. — D’après un compilateur messin qui a laissé la chronique dite de Praillon, la Dauphine serait intervenue pour l’accord entre Charles VII et la ville de Metz. Le fait est-il exact ? — Voici ce que le même chroniqueur dit des dispositions du Dauphin le jour de la mort de sa femme : Fut dit et recordeir à Metz par le mehistre de la treniteit de Vitry en Parfois, qui estoit à Chaslons le jour que icelle damme Daulphine mourut, où il vit et oyt ledict Daulphin qui pleuroit et durement se lamentoit en disant : Hé Dieu ! quelx destinée m’a Dieu donneir ! Oncques en jour de ma vie je n’eu bien : par le conseil que j’ai creu j’ai estez en la malluivollance de monseigneur mon peire : après, par aultres conseils, me suis despartis de France, accompaignié de plusieurs nobles gens, et suis allez ou pays d’Allemaingne, et puis venus devant Mets... Et maintenant, Dieu me oste la chose au monde que plus je amoye ! (Relation du siège de Metz, p. 291-92.) — Il nous est difficile de croire, sinon à la véracité de ce récit, du moins à la sincérité des regrets de Louis. Notons que le jour même où mourait sa femme, il signait tranquillement un règlement pour l’administration de la justice et des finances en Dauphiné (Le Grand, vol. VI, f. 357).

[131] Déposition de Jamet de Tillay, dans Duclos, p. 53-54.

[132] Venez ca, dame de Saint-Michel, avait dit un jour, avant sa maladie, la Dauphine : vous ne sçavez pas de ce vaillant homme Jamet ? Il sent bien que son fait branle. Déposition dans Duclos, p. 28.

[133] Dépositions dans Duclos, p. 32, 45.

[134] Déposition de Jeanne de Tucé, dame de Saint-Michel, dans Duclos, p. 29-30 ; cf. p. 31 et 36.

[135] Déposition de Jeanne de Tucé, dans Duclos, p. 30 ; cf. Du Puy, 762, f. 40 v°.

[136] Il se advisa que encores l'admonesteroit de sa conscience, et luy dist ces paroles : Madame, vous souvient-il bien du Dieu ? Et respondit : Oy, maistre Robert ! Et il luy dist : Madame, ne l'oubliez pas. Et elle respondit : Nenni, je ne l'oublieray pas. Et après il luy demanda : Madame, avez-vous pas pardonné à tout le monde ? A qui elle ne respondit riens. Déposition de Hubert Poitevin, dans Du Puy, 762, f. 48 v°. — Et dit icelle Marguerite (de Solignac) tout haut : On dust faire que madame pardonnast à Jamet. Et lors maistre Robert Poitevin, lequel avoit confessé madicte dame, dit qu'elle l'avoit déjà fait et qu'elle avoit pardonné à tout le monde. Et adonc madicte dame respondit que non avoit ; et ledit maistre Robert lui dict : Sauve vostre grace, madame, vous l'avez pardonné ; aussi le devez-vous faire. Et par trois fois madicte dame réitéra que non avoit, et jusques à ce qu'elle qui parle dit à madicte dame qu'il fallait qu'elle pardonnast à tout le monde ainsi qu'elle voulait que Dieu lui pardonnast, et falloit qu'elle le fist de bon cœur (Regnault de Dresnay et plusieurs de ses dames insistèrent aussi). Et adonc madicte dame dit : Je le pardonne donc et de bon cœur. Déposition de Jeanne de Tucé, dame de Saint-Michel, dans Duclos, p. 31 ; cf. p. 35 et 37.

[137] Déposition de Marguerite d'Hacqueville, p. 35.

[138] Déposition de Jean Boulet, apothicaire et valet de chambre du Dauphin, dans Du Puy, f. 50. — M. Valet de Viriville a publié, en 1857, dans la Revue des Sociétés savantes, t. III, p, 713-715, une chanson sur la mort de la Dauphine, qu'il attribue à sa sœur Isabelle, duchesse de Bretagne. La jeune princesse exhale ses plaintes ; elle adresse à tous ses adieux, et termine par cette allusion aux divisions qui régnaient dans la maison royale :

Adieu, duchesse de Bourgoigne,

La mienne seur o cueur jolis ;

Si vous povez par nulle voye

Mettez paix en la fleur de lis.

[139] Déposition de la Reine, p. 56 : Au regard de la maladie que elle avoit eue audit lieu de Chaalons, il lui advint pour la desplaisance et travail que elle oust à cause de la maladie et mort de madicte dame la Daulphine, et à cette occasion elle eut le flux de ventre et se vida très fort.

[140] Registres du Conseil de ville de Châlons, l. c., dans Lettres de Louis XI, t. I, p. 200.