§ II. — FINANCES, AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE. Les sources de revenus taries. — Réorganisation des différents services à Paris, après l'occupation de la capitale ; haut personnel de l'administration financière ; administration des pays d'outre-Seine. — Réforme dans l'administration du domaine. — Administration des monnaies de 1435 à 1444. — La taille : tableau des sommes votées par les États ou imposées d'office. — Rétablissement des aides ; aides supplémentaires ; l'équivalent aux aides. — Insuffisance des ressources ; nombreux emprunta contractés ; pénurie du trésor. — Réformes apportées dans l'administration financière ; ordonnance de Saumur. — État de l'agriculture et du commerce : mesures prises en faveur du commerce et de l'industrie. Non moins urgente que la réforme de l'armée, la réforme des finances appelait l'attention de Charles VII : on peut dire que la seconde était comme le corollaire de la première. Les différentes sources de revenus étaient taries pour la plupart. Le domaine était tombé en non-valeur ; les dépenses qui devaient être acquittées sur ses produits n'étaient plus soldées : beaucoup de gages d'officiers restaient impayés, et les châteaux et édifices royaux tombaient en ruine[1]. Les monnaies, malgré les expédients auxquels on avait eu recours, n'alimentaient le trésor que d'une manière très précaire ; le plus souvent, le produit du seigneuriage était employé à acquitter les gages des officiers des monnaies. La taille proprement dite — désignée souvent d'une manière inexacte sous le nom d'aide —, perçue sur les personnes en raison de leurs biens et de leur fortune, était devenue la principale ressource. Affectée exclusivement au paiement des gens de guerre, elle était, par sa nature même, un impôt essentiellement transitoire, destiné à faire face à des dépenses extraordinaires. Chaque année, les États généraux en déterminaient le montant ; son produit s'élevait à des sommes considérables. Mais la déplorable situation des provinces, la misère générale du royaume rendaient les recouvrements fort difficiles, et, par la continuité même de cet impôt, la source s'en trouvait tarie. Les aides, ou impôt indirect, perçues sur les denrées et marchandises et sur le sel — sous le nom de gabelle —, avaient été supprimées par Charles VII dès le début de sa régence, et nous avons vu que toutes les tentatives faites, à plusieurs reprises, pour les rétablir avaient échoué[2]. En présence d'une pareille situation, on comprend les difficultés qui entravaient l'exercice du pouvoir royal. Nous allons voir quels efforts il fit pour les surmonter. La première mesure que prit Charles VII, au lendemain du traité d'Arras, fut le rétablissement des aides. C'est dans leur produit qu'il espérait trouver les ressources dont il avait un si pressant besoin. Lors de la réunion des États généraux de Languedoil tenue à Poitiers au mois de février 1435, il avait fait exposer les motifs impérieux qui l'engageaient à réclamer le rétablissement des aides. Les États avaient, on l'a vu, accédé à sa requête, et voté le retour à ce mode d'impôt pour une durée de quatre années seulement ; mais on a vu aussi que l'opposition des États provinciaux avait empêché la mise à exécution de cette mesure[3]. Lors de la nouvelle réunion des mêmes États, tenue en janvier 1436, le gouvernement revint à la charge. Dans cette assemblée, plus nombreuse que la précédente, les États donnèrent leur assentiment au rétablissement définitif des aides. Une ordonnance fut aussitôt rendue (28 janvier) pour régler le mode de perception ; nous en donnerons plus loin l'analyse. Le retour de la capitale à l'obéissance du Roi fut une occasion de réorganiser tous les services publics. Le connétable avait, à titre provisoire, maintenu la Chambre des comptes en fonctions[4]. Par lettres du 15 mai 1436, le Roi ordonna de fermer et sceller la Chambre des comptes, la Chambre du trésor et la Chambre des monnaies, en même temps que les Chambres du Parlement[5]. Ces Chambres furent rouvertes, comme le Parlement, à la date du 6 novembre 1436[6], et les divers services financiers furent reconstitués. La Chambre des comptes avait, on l'a vu, pour premier président Guillaume de Champeaux, évêque de Laon ; mais ce prélat continuait à résider en Languedoc, où, comme général conseiller sur le fait des finances, il avait la haute direction des affaires. Son administration ayant donné lieu à de très vives plaintes, le Roi, en décembre 1441, lui enleva ses pouvoirs et le révoqua. Alain de Coëtivy, évêque d'Avignon, succéda à Guillaume de Champeaux ; il y avait en outre un président laïque, qui était Simon Charles. Trois généraux conseillers sur le fait et gouvernement des finances, tant en Languedoil comme en Languedoc, continuèrent à diriger l'administration financière : c'étaient Regnier de Bouligny, Jean de la Barre et Jean Chastenier. Ils furent successivement remplacés. En avril 1441, Jean Taumier est au nombre des généraux des finances[7]. En 1444, les généraux des finances en exercice sont Jean de Bar, seigneur de Baugy, Jean d'Étampes et Jean le Picart[8]. Tanguy du Chastel et Thibaud de Lucé, évêque de Maillezais, remplissent les mêmes fonctions en Languedoc, à partir du mois de décembre 1440[9]. Guillaume Charrier, chanoine d'Orléans, nommé évêque en 1438, fut remplacé comme receveur général des finances par Jean Barillet, dit de Xaincoins. Le Languedoc avait un receveur général spécial, Macé Héron ; il fut remplacé en 1440 par Étienne Petit[10]. Antoine Raguier avait succédé à son père Hémon, mort en 1433, dans sa charge de trésorier des guerres[11]. En 1440, Charles VII nomma des généraux conseillers sur le fait de la justice des aides : c'étaient Jean de Montmorin, Girard le Boursier, Guillaume Cousinot et Jean le Silleur[12]. De même qu'en 1429, après la campagne du sacre, il y eut en 1436, après la réduction de Paris, une administration financière spéciale dans les pays situés au nord de la Seine. Le connétable de Richemont, nommé lieutenant général dans ces pays, pourvut immédiatement à leur administration. Jean Tudert, doyen de Paris, et Jean de la Haye y furent envoyés par lui, avec le titre de généraux conseillers sur le fait des finances, et Guillaume Ripault fut nommé receveur général[13]. A partir de 1438, la situation fut régularisée : par lettres du 27 mars, Regnier de Bouligny fut nommé général commissaire et conseiller sur le fait et gouvernement de toutes finances delà les rivières d'Yonne et de Seine[14]. Ses pouvoirs s'étendaient sur la partie du royaume comprenant l'Ile de France, la Champagne, la Brie, le Beauvaisis, la Picardie et la Normandie. Jean de la Haye fut adjoint à Bouligny. Un peu plus tard, Regnier de Bouligny fut remplacé par Simon Charles, président de la Chambre des comptes, et Antoine Raguier succéda comme receveur général à Guillaume Ripault[15]. En 1443, Étienne de Bonnay était receveur général[16]. Aussitôt après que Paris fut rentré dans l'obéissance, diverses mesures furent prises pour remédier aux abus qui s'étaient produits dans l'administration du domaine et pour remettre le Roi en possession de ses droits. Des commissaires eurent mission de renouveler, dans la capitale, les terriers du domaine, qui ne l'avaient point été depuis 1391 ; les nouveaux propriétaires dissimulaient leurs acquisitions, et le trésor était frustré des droits qu'ils auraient dû acquitter. Des lettres, en date du 20 février 1438, prescrivirent que les titres de propriétés fussent exhibés, afin de pouvoir percevoir ces droits[17]. Nous avons vu à quel point on avait abusé des aliénations
du domaine. Une ordonnance, en date du 15 décembre 1438, fut rendue pour
mettre un terme à ces abus. Le Roi, considérant que, depuis son départ de
Paris en mai 1418, il avait, par importunité de
requerant ou autrement, aliéné, donné et transporté plusieurs de ses terres,
seigneuries, châtellenies, etc., et qu'il avait en outre mis sur son domaine
des charges qui en avaient tellement diminué le revenu qu'il suffisait à
peine au paiement des fiefs et aumônes, gages d'officiers et autres dépenses
qui, avant toutes autres, devaient être acquittées sur le produit du domaine,
lesquelles choses, disent les lettres, sont en la très grant charge de nostre conscience, ou très
grant prejudice et dommaige de nous et de nostre seignorie, et à nostre très
grant despiaisance ; désirant remettre son domaine et ses autres
finances en état et valeur pour s'en aider dans les dépenses qu'il avait à
faire, et mesmement, disait-il, pour relever nos subjets des Brans dommages, griefs et
oppressions qu'ils ont souffertes le temps passé à l'occasion des gens de
guerre qui par faulte de payement ont vesqu dedans nostre royaulme, à la
destruction totale de noz païs, déclarait révoquer, casser et annuler
tous dons, aliénations, cessions et transports par lui faits des terres et
droits de son domaine, ensemble toutes pensions et charges extraordinaires
imposées sur le domaine comme sur le produit des aides, tailles et autres
impositions depuis son départ de Paris, réservant seulement ce qui avait été
cédé au duc de Bourgogne en vertu du traité d'Arras[18]. Mais ce n'est que plus tard, en 1445, que des mesures vraiment décisives vinrent remédier à la situation fâcheuse du domaine. Voyons ce qui fut fait, durant la période qui nous occupe, relativement à l'administration des monnaies. Au moment de conclure la paix d'Arras, le Roi, voulant couper court aux abus qui se produisaient sans cesse, et aussi pour le bien et profit de lui et de toute la chose publique du royaume, ordonna une mutation dans le pied des monnaies[19]. Aussitôt après la ratification du traité, il rendit une ordonnance pour prescrire la fabrication de nouvelles monnaies. Désirant faciliter les relations commerciales avec les pays du duc de Bourgogne et développer le commerce de ses sujets, le Roi déclarait vouloir remédier à la diversité des monnaies et, par l'usage d'espèces de plus forte loi, assurer le cours de la monnaie dans tout son royaume[20]. Le cri fut fait Paris le 31 décembre 1435, et toutes les monnaies étrangères furent interdites, sauf celle du duc de Bourgogne[21]. Les monnaies qui désormais devaient avoir cours étaient les suivantes : 1° des deniers d'or fin, appelés écus à la couronne, ayant aux deux côtés de l'écusson royal deux fleurs de lis couronnés et valant vingt-cinq sous tournois, de soixante-dix au marc ; 2° des grands blancs de dix deniers tournois ; 3° des petits blancs de cinq deniers ; 4° de doubles deniers noirs de deux deniers ; 5° de petits deniers noirs. En même temps diverses mesures furent édictées pour remédier aux abus[22]. Mais, comme toujours, la grande difficulté était de faire exécuter ces édits. Nous voyons par des lettres du 24 juin 1436 que la bonne monnoye d'or et d'argent que le Roi avait ordonné de fabriquer à ses armes n'avait pas encore esté ouvrée ou monnoyée pour souffire à la chose publique[23]. Une assemblée extraordinaire du Conseil, où furent appelés les généraux maîtres des monnaies, eut lieu à Paris le 21 juin, et une ordonnance fut rédigée[24]. Cette ordonnance se bornait à interdire à Paris l'usage des grands et petits blancs aux armes de France et d'Angleterre, sinon au taux déterminé, sous peine de confiscation des espèces et d'amende arbitraire[25]. C'est par le soin des mêmes conseillers que fut préparée une autre ordonnance, donnée à Paris le 12 juillet suivant, par laquelle était prescrite la fabrication de deniers d'or fin d'espèces semblables à celles désignées dans les lettres du 28 janvier précédent ; interdiction était faite en même temps d'user des monnaies fabriquées par les Anglais[26]. On ne continua pas moins à s'en servir, et il fallut, à la date du 1er août, renouveler par cri public cette interdiction[27]. Cependant, en certains endroits du royaume, le produit des monnaies avait tellement diminué que les droits de seigneuriage étaient absorbés par le paiement des gages dus aux officiers des monnaies. Pour remédier à cette situation, le Roi décida que la moitié seulement de ces droits serait appliquée au paiement des gages des officiers, et que l'autre moitié lui serait réservée[28]. Par lettres du 26 avril 1438, pour pourvoir au besoin qu'avait de monnaie blanche le peuple du royaume, et en particulier de Paris et des environs, et pour faciliter les relations commerciales, le Roi prescrivit la fabrication de petits deniers d'or fin appelés demi-écus d'or et valant moitié de l'écu d'or ordinaire ; il renouvela en même temps certaines prescriptions sur le fait du change[29]. Nous sommes arrivés au terme de la crise monétaire qui durait depuis 1422. Cette crise, selon M. de Wailly, qui a si profondément étudié la question, avait entraîné, dans l'espace de seize ans, cinquante-deux mutations, dont les écarts extrêmes portèrent la valeur moyenne de la livre tournois à 9 fr. 21 et à 3 fr. 95. De 1438 à 1461, il ne survint pas plus de huit mutations dans le cours de la 'livre tournois, qui se maintint entre 7 fr. 97 et 7 fr. 01[30]. Charles VII se préoccupait toujours des réformes à apporter dans l'administration des monnaies. Une enquête fut ordonnée : à la date du 10 décembre 1438, le Conseil rédigea un mémoire qui fut remis aux généraux des monnaies, et auquel ceux-ci donnèrent réponse, article par article[31]. En décembre 1441, en révoquant toutes commissions antérieures, le Roi nomma deux de ses généraux des monnaies, Pierre des Landes et Gaucher Vivien, généraux réformateurs par tout le royaume sur le fait des monnaies, avec mission de se transporter dans toutes les monnaies et ailleurs, pour faire information sur les fautes, crimes, malefices et abus quelconques qui se commettaient, procéder à une enquête sur la situation de chaque monnaie, l'administration des maîtres des monnaies, la conduite des changeurs, et agir contre tous ceux qui seraient trouvés coupables[32] ; en même temps il réduisait le nombre des monnaies, en supprimant toutes celles qui avaient été nouvellement établies[33]. A la date du 29 juin 1443, le Roi, considérant que le nombre des généraux maîtres des monnaies s'était multiplié de façon à nuire à la bonne administration des monnaies et au secret nécessaire à garder, annula toutes les provisions données jusque-là, et désigna sept généraux maîtres des monnaies[34] ; un de ces offices devait être supprimé à la mort du premier titulaire[35]. Enfin une grande ordonnance, en date du 19 novembre 1443, vint régler d'une manière complète l'administration des monnaies. Le Roi, ayant grande affection et desir de pourveoir et entendre diligemment au bien et gouvernement de son royaume en telle manière que ce soit au bien, utilité et prouffit de ses subgets et de toute la chose publique, après délibération avec plusieurs des princes du sang, prélats, barons et autres de son grand Conseil, et aussi des généraux maîtres de ses monnaies, prenait des mesures pour que ses monnaies fussent remises en état et que remède fût apporté aux grans crimes et abus commis dans le passé. Toutes les monnaies qui avaient cours étaient décriées, à l'exception des écus d'or dont il ordonnait la fabrication, des grands blancs de dix deniers tournois, des petits blancs de cinq deniers et des doubles petits deniers tournois et parisis noirs ; le transport hors du royaume des monnaies et de toute matière d'or et d'argent était interdit ; il était défendu de s'entremettre du fait de change sans avoir lettres du Roi, vérifiées par les généraux maîtres des monnaies ; chaque changeur devait livrer par an aux monnayeurs certaine quantité de marcs d'or et d'argent, suivant sa faculté ; le courtage était interdit sans le congé des généraux maîtres des monnaies ; enfin diverses prescriptions déjà édictées étaient renouvelées[36]. D'autres lettres furent données en faveur des généraux maîtres des monnaies[37] et des monnayeurs du serment de France et de l'empire, dont les privilèges furent confirmés[38]. Les tailles continuèrent à être perçues régulièrement, et, à partir de 1439, leur produit fut affecté exclusivement à l'entretien de l'armée. Nous avons vu plus haut que, dans les pays de Languedoil, la taille ne fut votée que deux fois, à partir de 1435 : une première fois aux États de Poitiers, en février 1436 ; une seconde fois aux États d'Orléans en octobre 1439. Le gouvernement royal fixait lui-même chaque année le montant de la taille à imposer dans les pays de Languedoil. Quant au Languedoc, les États ne cessèrent de voter la taille d'année en année. Voici le tableau des sommes imposées, tant en Languedoil qu'en Languedoc, jusqu'au mois de juin 1444.
Il nous faut maintenant indiquer quelles mesures furent prises après le vote rétablissant les aides d'une manière définitive. La nouvelle imposition consistait en un droit de douze deniers tournois par livre sur toutes denrées et marchandises, quelles qu'elles fussent, droit perçu autant de fois qu'elles étaient vendues ou échangées. Les menues denrées, appelées quincailleries, d'une valeur de cinq sous et au-dessous, étaient seules exemptées, à la condition qu'elles ne fussent point revendues. Les vins et autres menus breuvages vendus en gros étaient assujettis à ce droit ; cédés au détail, ils bénéficiaient d'un rabais du huitième de leur prix, soit trente deniers par livre. Les marchands étaient soumis à une sorte d'exercice : ils devaient, une fois par mois, montrer leurs denrées aux fermiers des aides, pour que ceux-ci en pussent dresser inventaire et fixer exactement le montant des droits exigibles. Les aides étaient baillées à ferme par les élus sur le fait des aides au plus offrant et dernier enchérisseur ; si le prix offert leur semblait insuffisant, ils avaient la faculté d'annuler l'adjudication au profit du Roi, et, dans ce cas, ils nommaient des commissaires pour faire lever les aides. Aucune ferme ne devait être adjugée aux officiers du Roi[39], aux gens d'église ou aux nobles, ni aux débiteurs de la Couronne, ni à aucun officier des grands seigneurs. Les fermes ne devaient être données que pour une année ; les paiements devaient être effectués de mois en mois dans les bonnes villes, et tous les deux mois dans les villes du plat pays (habitants des campagnes). La juridiction des aides était attribuée en première instance aux élus, et en appel aux généraux conseillers sur le fait des aides. Les élus exerçaient une surveillance active sur les fermiers, recevaient leur cautionnement, qui s'élevait à mille livres tournois, et devaient exercer leur office en personne. Les exemptions d'impôts consacrées par l'usage étaient formellement interdites, même en ce qui concernait le privilège de scolarité ; seuls, les nobles étaient exemptés, pourvu qu'ils ne vendissent point au détail leurs denrées, auquel cas ils devaient acquitter les droits[40]. Mais les aides ne pouvaient suffire au paiement des gens de guerre ; aussi fut-on obligé d'établir des taxes supplémentaires. Par lettres du 9 septembre 1436, le Roi ordonna d'imposer dans la prévôté de Paris une aide de quatre sols parisis sur chaque queue de vin jusqu'à la Pâques suivante. En janvier 1438, le Roi fit lever une aide de mille livres tournois, spécialement affectée au paiement de la garnison de Saint-Denis[41]. De nouvelles aides furent imposées : en 1439 pour le recouvrement de Meaux, en 1440 pour secourir Harfleur, en 1441 pour le recouvrement de Creil et de Pontoise[42], en 1443 pour l'expédition de Dieppe[43]. D'autres aides furent également imposées en Languedoc[44]. Les aides avaient, non sans difficulté, été rétablies en Languedoc, comme en Languedoil, mais pour trois années seulement. Par lettres du 20 avril 1437, le Roi institua, pour juges des appellations dans les pays de Languedoc et de Guyenne, des généraux conseillers sur le fait de la justice des aides, tels que ceux qui siégeaient à Paris ; ils étaient au nombre de six[45]. Quand le Parlement de Toulouse eut été rétabli (11 octobre 1443), la même commission fut donnée à six nouveaux conseillers, choisis parmi les membres du Parlement[46]. Les aides proprement dites venaient, d'ailleurs, on l'a vu[47], d'être supprimées ; elles furent remplacées, à partir du mois de mai 1443, par un droit sur la viande et le poisson jusqu'à concurrence d'une somme de quatre-vingt mille livres[48]. Au commencement de 1438, Charles VII mit en sa main tous les greniers à sel du Languedoc[49]. Quatre ans plus tard, voulant porter remède aux nombreux abus commis par les grenetiers et contrôleurs de cette province, il désigna deux commissaires chargés de faire une enquête et de réorganiser l'administration des greniers à sel[50]. Malgré les efforts faits par le gouvernement royal pour se procurer des ressources, c'est encore aux emprunts qu'il faut recourir quand on est en présence d'une nécessité urgente. Dans le cours de l'été de 1435, en attendant le paiement de l'aide votée par les États de Languedoc, on emprunte dix mille moutons d'or à des marchands d'Avignon, afin de secourir Saint-Denis[51]. En octobre 1435, la ville de Reims prête deux mille cinq cents saluts d'or pour la réduction d'Épernay[52]. En février ou mars 1436, deux conseillers du Roi sont envoyés en Auvergne pour contracter un emprunt permettant de réduire plusieurs places occupées par l'ennemi[53]. Au mois de mai 1436, un emprunt, montant à très grosse somme d'argent et d'or, est fait par le connétable sur les habitants de Paris pour subvenir aux frais du siège de Creil[54]. L'année suivante, nouvel emprunt de trente-six mille livres pour le siège de Montereau[55]. En août 1436, le duc de Savoie, en mariant son petit-fils à une des filles de Charles VII, fait à la Couronne un prêt de soixante-trois mille ducats[56]. En mars et avril 1437, le Roi envoie à Avignon pour faire des emprunts[57]. En janvier 1438, il donne à quatre de ses conseillers des pouvoirs pour emprunter en Languedoc une somme de soixante mille livres, à rembourser sur l'aide que voteront les États[58]. En septembre 1438, il emprunte six mille écus au duc de Bretagne[59]. En novembre suivant, pour payer comptant aux chefs de compagnies une somme de quatorze mille livres et obtenir ainsi l'évacuation immédiate du Languedoc, on emprunte cette somme aux habitants de la province[60]. En 1439, on continue à emprunter, en attendant qu'arrivent les deniers votés par les États[61]. En 1440, après la Praguerie, pour poursuivre la guerre en Normandie, on emprunte à. des marchands et autres une somme de cinquante mille francs[62]. En 1442, on fait de nouveaux emprunts en Poitou, en Languedoc et ailleurs[63]. En mai 1443, Guillaume Jouvenel, bailli de Troyes, et Jacques Cœur, argentier du Roi, sont envoyés en Auvergne pour faire finance à bref délai de la somme de douze mille cinq cents livres ; dès que les États ont voté cette somme, les commissaires royaux l'empruntent à des marchands lombards[64]. A plusieurs reprises le Roi est obligé d'emprunter à ses serviteurs. En août 1436, Gérard Blanchet, maitre des requêtes, prête mille réaux, qui sont payés comptant au bâtard d'Orléans allant faire une expédition en Champagne[65] ; en 1438, le connétable de Richemont prête deux mille trois cents livres pour le recouvrement de Chevreuse[66] ; en 1441, Charles de Flavy prête successivement des sommes s'élevant à dix-huit cents livres[67] ; au siège de Pontoise, La Hire prête deux mille sept cents livres[68] ; en 1443, Guillaume de Flavy prête six mille écus pour l'armée de Dieppe[69]. Dunois fait également des prêts montant à certaine grande somme de deniers[70]. Des écuyers d'écurie, de simples secrétaires, le maître-queux prêtent de l'argent comptant au Roi pour faire ses plaisirs et volonté[71]. Enfin, chose inouïe ! à la date du 11 juillet 1439, le Roi emprunte une somme de trois mille francs à La Trémoille[72]. Malgré la pénurie du trésor, à partir de 1436 on commence à liquider d'anciennes dettes ou à acquitter des dons qui remontent parfois à dix ou douze ans. Nous pourrions citer de nombreuses lettres rendues à cet effet[73]. Mais les services ne fonctionnent point encore régulièrement : en 1439, la pension de deux cents livres assignée à Marguerite d'Orléans, comtesse d'Étampes, n'avait pas encore été payée[74] ; en 1440, Santon de Mercadier, écuyer d'écurie du Roi, n'avait pas été payé depuis six années de ses gages comme capitaine de Châteaucarlier[75]. Nous avons vu plus haut qu'une administration spéciale
avait été établie pour l'Ile de France, la Champagne, la Brie, etc. Après la
nomination de Regnier de Bouligny comme général des finances dans cette
région (27 mars 1438), le Roi donna au
chancelier une commission spéciale pour procéder à une enquête et opérer une
réforme complète (14 décembre 1438).
Regnault de Chartres avait mission, de concert avec plusieurs membres de la
Chambre des comptes, de faire comparaître tous receveurs et officiers de
finances, tous receveurs particuliers des aides et impôts établis dans les
diverses villes, et d'exiger la production de leurs comptes ; de vérifier les
baux des fermes des aides et l'assiette de la taille ; d'annuler tous gages
nouveaux ou extraordinaires et toutes charges indument imposées ; de révoquer
au besoin les receveurs et autres officiers, et de nommer gens souffisans et feables ; enfin de donner au fait et
à la distribution des finances tel et si bon ordre
et prevision que doresnavant lesdictes finances puissent mieulx venir ens, et
soient et puissent estre empesées et employées raisonnablement au bien et
prouffit de noue et du pays, au payement des gens d'armes, soustenement et
entretenement des frontières, conduicte de nostre guerre et autrement[76]. Il faut remarquer la coïncidence de cette mesure avec la révocation de toutes aliénations du domaine prononcée par lettres données à la date du 15 décembre. C'était la preuve qu'une impulsion nouvelle était donnée à l'administration du royaume, et que le Roi était bien décidé à réformer les abus, de quelque côté qu'ils se produisissent. Nous pouvons constater un fait curieux : c'est la tendance du pouvoir royal à établir une certaine égalité devant l'impôt. Par lettres du 9 octobre 1439, Charles VII ordonna que l'impôt mis sur le Bas-Limousin pour le recouvrement de la place de Thenon, porterait sur tous les habitants laïques, privilégiés ou non privilégiés, le fort portant le faible, le plus justement et également que faire se pourrait, nonobstant tous privilèges ou exemptions, car le Roi voulait que chacun y contribuât pour cette fois, attendu, disent les lettres, que ce touche le bien de la chose publique dudit pays[77]. Dans d'autres lettres, en date du 26 février 1444, le Roi déclarait les privilèges supprimés et ordonnait de faire contribuer tous les habitants du Languedoc au paiement de l'aide de cent quarante mille livres, attendu que ces deniers sont levés pour la défense du royaume, et que, de raison et de toute équité, puisque lesdiz deniers sont levez pour employer au fait de la chose publique, est chose raisonnable que tous en general et en particulier y contribuent[78]. Nous avons parlé de la révocation de l'évêque de Laon. Cette mesure atteste encore la ferme résolution de couper court à tous les abus. Dans ses lettres, en date du 31 décembre 1441, le Roi déclare que, de l'enquête qu'il a fait faire, il résulte que pendant dix-huit ans Guillaume de Champeaux a exercé un pouvoir illimité et sans contrôle, sans s'inquiéter du bien du Roi, de son pays de Languedoc et de ses sujets ; qu'il a commis plusieurs crimes, abus, excès et concussions dont l'énumération se trouve dans l'acte royal ; qu'il a fait tort au Trésor d'une somme de six à sept cent mille écus et a distribué à sa fantaisie des sommes montant à trois millions et demi ; qu'en outre il a participé à aucunes conspirations et alliances, au préjudice du Roi et de sa seigneurie. Malgré tous les avertissements qu'il a reçus, ce prélat, profitant de ce que le Roi était occupé à la défense de son royaume, a continué ses malversations ; il s'est refusé à obéir aux mandements royaux, et s'est vanté de résister, même par voie de fait, aux ordres royaux. Le Roi le déclare suspendu de ses fonctions de président de la Chambre des comptes, et ordonne que le temporel de son évêché et tous ses biens propres seront saisis[79]. Deux commissaires royaux eurent mission d'examiner et d'apurer les comptes des receveurs du Languedoc[80]. Le moment était venu de procéder à la réorganisation complète de l'administration. Durant son séjour à Saumur, dans l'automne de 1443, le premier soin du Roi fut de s'occuper de la réforme financière : ce fut l'objet de la grande ordonnance qui porte la date du 25 septembre[81]. Il était besoing et grande necessité de pourveoir au fait et gouvernement des finances, car les recettes s'étaient tellement amoindries que de grands inconvénients en étaient résulté et en résultaient encore chaque jour. Le Roi n'avait pu pourvoir au fait de ses guerres ; il n'avait pu subvenir au paiement de ses gens d'armes et de trait, lesquels, privés de solde régulière, avaient vécu et vivaient sur le pays, à la totale destruction de la Couronne et du peuple. Désirant de tout son cœur remédier à cette situation, donner bon ordre au fait de ses finances et réprimer les abus qui se commettaient journellement sous ce rapport, au mépris de ses ordonnances, le Roi, par l'avis et délibération de son Conseil, prenait les résolutions suivantes, qu'il entendait être tenues et observées de point en point : I.
Dorénavant tout le revenu du domaine sera perçu en la Chambre du trésor, à
Paris, par les mains du changeur du trésor et sur décharge des trésoriers,
contrôlée par le clerc du trésor, comme cela se faisait de toute ancienneté ;
la connaissance en est enlevée à ceux qui ont eu et qui auront le
gouvernement des finances extraordinaires. II.
Attendu que, par défaut de surveillance, les receveurs et autres officiers
ont laissé et laissent chaque jour cheoir et.
tourner comme en totale ruine plusieurs chasteaulx, manoirs, granches,
estangs, chaussées, ponts et autres heritages, et qu'ils n'ont point
perçu les traites, hommages, féautés et autres devoirs dus à la Couronne à
cause du domaine, dorénavant les gens des comptes et trésoriers siégeant à
Paris feront information à ce sujet, et y donneront telle bonne et convenable
provision qu'ils jugeront utile au bien de la Couronne et du domaine. III.
Et d'abord, pour tousjours preferer, comme ce doit,
les choses divines à toutes autres, dorénavant les receveurs du
domaine payeront, avant toutes charges quelconques, les fiefs et aumônes dont
leurs recettes sont chargées ; ils feront ensuite les réparations nécessaires
; enfin ils acquitteront les gages des anciens officiers ordinaires,
nonobstant toutes lettres contraires, à moins qu'il ne leur appère de la
volonté contraire du Roi, par état ou rôle signé de sa main, avec mandement
scellé du sceau de la chancellerie faisant mention expresse du cas. Les
dépenses et paiements seront acquittés au prorata de la valeur de chaque
recette, conformément aux états qui en seront remis aux receveurs par les
gens des comptes et trésoriers. IV.
Comme, dans plusieurs pays, des aliénations, dons et transports du domaine
ont été fait, les uns à perpétuité, les autres à vie et à temps, avec
obligation d'acquitter les charges, ce qui n'a point été fait, dorénavant les
propriétaires et détenteurs de ces biens seront contraints d'acquitter les
charges susdites, de façon à ce que les recettes ordinaires du domaine en
demeurent déchargées. V. Toutes les recettes, en dehors de celles du domaine, seront perçues par le receveur général des finances et distribuées conformément aux stipulations qui vont suivre. VI.
Désormais le receveur général ne sera point reçu à compter en la Chambre des
comptes sur simples mandements, mais sur états et rôles signés de la main du
Roi, et contresignés par un secrétaire spécial, avec mandement scellé du
sceau du chancelier et expédié par les généraux des finances. Le receveur
général pourra cependant acquitter certaines menues dépenses de voyages,
chevauchées, et autres choses touchant les affaires du Rois jusqu'à concurrence
de vingt livres tournois, en prenant seulement quittance des parties, pourvu
que chaque mois il produise l'état de ces dépenses. VII.
Le receveur général sera tenu de faire, dans ses comptes, un chapitre spécial
comprenant les recettes et dépenses des deniers qui lui seront assignés pour
le fait de la Chambre aux deniers, lesquels devront suffire à toutes les
nécessités qui pourraient subvenir ; le receveur en comptera par états- ou
rôles signés du Roi, dans la forme et manière susdite. VIII.
Dorénavant le receveur général sera tenu, sous peine de privation de ses
offices, et toutes et quantes fois qu'il en sera requis par le Roi, de lui
montrer au vrai la valeur de toute sa recette ; si, quand il viendra rendre
ses comptes en la Chambre des comptes, il est constaté qu'il a dissimulé
quelque chose dans les états dressés par lui, il sera tenu d'en opérer la
restitution, sauf le cas où il aurait agi en vertu d'un ordre du Roi,
certifié de la main de celui-ci ; le receleur devra compter un an après la
clôture, de chaque exercice. IX.
Les receveurs, tant généraux que particuliers, et tous officiers chargés des
recettes seront tenus de produire leurs états de recettes, signés de leur
main, au commencement et à la fin de chaque année, le premier donnant une
approximation aussi exacte que possible, le second présentant la juste
valeur. Les receveurs du domaine présenteront ces états aux trésoriers, les
autres à ceux qui auront le gouvernement des finances et au receveur général.
Les receveurs des aides présenteront leurs états aux généraux trois fois par
an : après le bail des fermes, après le tiercement, après les doublements. X.
Les receveurs particuliers, sauf en ce qui touche aux fiefs et aumônes,
réparations et gages d'officiers, ne seront reçus à compter en la Chambre des
comptes que sur décharge, soit du Trésor pour les receveurs du domaine, soit
du receveur général pour les autres. Les receveurs du domaine seront tenus de
compter en la Chambre des comptes tous les deux ans au moins ; les autres
dans les mêmes conditions que le receveur général. XI.
Les maîtres des Chambres aux deniers du Roi, de la Reine, du Dauphin et des
autres enfants de France devront compter comme à l'ordinaire pour les
dépenses ordinaires ; quant aux dépenses extraordinaires, ils compteront par
états ou rôles signés du Roi et contresignés comme dessus. XII-XV.
Il en sera de même pour l'argentier du Roi, pour le grand écuyer, le
trésorier des guerres et le maitre de l'artillerie. XVI.
Le garde des coffres du Roi ne sera point tenu désormais de compter de la
somme de trois mille six cents livres qui lui est allouée chaque année pour
les plaisirs et volontez du Roi ; mais le Roi
en donnera son acquit au receveur général. S'il reçoit d'autres sommes pour
les coffres du Roi, il en donnera son acquit au receveur général et en
comptera à la Chambre des comptes. XVII.
Le Roi entend que désormais les maîtres des Chambres aux deniers, son
argentier, son grand écuyer, le trésorier des guerres et le maitre de
l'artillerie soient tenus de montrer chaque mois leurs états et dépenses,
soit au Roi, sot au commis désigné par lui. XVIII.
S'il advenait que le Roi donnât des mandements portant modération ou don
d'aides, fermes, tailles ou autres impôts, ces mandements seront adressés aux
gens qui auront l'administration des finances ; si ces dons sont à vie ou
pour plus de dix années, ils seront adressés aux gens des comptes et expédiés
par eux avant de sortir effet. XIX.
Désormais nul sujet du Roi ne fera recette en ses terres de deniers
appartenant au Roi, même en vertu de mandements du Roi, sans la décharge du
Trésor ou du receveur général. XX.
Défense expresse est faite au receveur général et au trésorier des guerres de
recevoir aucunes quittances en blanc. XXI.
Défense à tous les receveurs du royaume de prendre quittance de sommes plus
fortes que celles qu'ils paient, sous quelque prétexte que ce soit, ni de
payer autrement qu'en bonne monnaie, sous peine de confiscation de leurs
offices et biens. XXII.
Le receveur général et tous les receveurs du royaume devront désormais
compter de la façon susdite, savoir : en Languedoc à dater du 1er septembre,
et en Languedoil à dater du i" octobre ; exception n'est faite que pour
les nouvelles aides sur les pays de Languedoc et de Languedoil. XXIII. Le receveur général présentera chaque année aux gens des comptes, au mois d'octobre, le pouvoir donné par le Roi à ses secrétaires pour signer au fait des finances. XXIV.
Afin que le Roi puisse voir clair, toutes et quantes lois que bon lui
semblera, dans l'état de ses finances, sans qu'il soit besoin à son receveur
général de rapporter chaque fois les rôles et acquits, il sera fait, un
registre où l'on consignera tout ce qui aura été ordonné par le Roi et
expédié par les gens des finances ; ce registre demeurera toujours entre les
mains du Roi. Le tableau de la situation du royaume, tel qu'il a été tracé dans les pages qui précèdent, nous montre à quelle condition déplorable se trouvaient réduites les populations des campagnes. Les terres en friches, incultes, désertes ; les maisons pillées, brûlées, tombant en ruiné ; les paysans abandonnant leurs champs pour chercher un abri derrière les remparts des villes ; la culture ne s'étendant pas au-delà des terrains protégés par ces remparts, voilà le spectacle qui s'offre encore à nos regards[82]. Qu'on joigne à cette désolation les épidémies et les famines qui, durant plusieurs années[83], sévissent cruellement, l'excessive cherté des vivres, les incessants ravages des gens de guerre, et l'on n'aura qu'une faible idée des maux qui affligeaient la classe rurale du royaume. Quand on pense que cet état de choses durait depuis plus d'un quart de siècle, on se demande comment la France put traverser ces années néfastes où toutes les sources de la vie nationale étaient taries, où chacun pouvait se demander s'il aurait un lendemain. Le commerce était entravé de toutes manières par la difficulté des transactions, la rareté du numéraire, les fréquentes variations des monnaies, la difficulté des communications, le danger des chemins, la multiplicité des péages. Quant à l'industrie, elle souffrait cruellement : plusieurs métiers avaient disparu ; la plupart avaient été atteints par la dépopulation du royaume, les nécessités de la guerre, le manque d'ouvriers compétents. Que pouvait le gouvernement royal pour remédier à une telle situation ? Tous ses efforts étaient impuissants, et les lourds impôts dont il fallait nécessairement frapper les populations ne faisaient qu'augmenter la misère publique. La direction vigoureuse imprimée aux opérations militaires, les expéditions du Roi en Champagne et dans d'autres provinces, les mesures de répression prises à l'égard des gens de guerre amenèrent pourtant un commencement de soulagement : c'était là le meilleur moyen de venir en aide aux souffrances populaires. Dès le mois de novembre 1438, grâce aux conquêtes déjà opérées sur les Anglais, les marchandises pouvaient arriver sûrement à Paris, de toutes les provinces du midi[84]. Mais, pour que le laboureur pût retourner à sa charrue, le marchand à son négoce, l'ouvrier à son métier, il fallait qu'une paix assurée et une sévère discipline dans l'armée rendissent au royaume la tranquillité et la sécurité dont il était privé depuis de si longues années. La question des péages avait, nous l'avons vu, préoccupé à juste titre le gouvernement royal[85]. De nouvelles mesures furent prises pour réformer les abus qui continuaient à se produire sous ce rapport : une ordonnance vint confirmer l'abolition des péages indument établis sur la Loire[86] ; sur certains points, les droits de péage furent réduits[87]. Le port d'Aiguemorte, qui avait de l'importance pour le commerce extérieur, continua à être l'objet des faveurs royales : par lettres du 9 décembre 1435, Charles VII ordonna de payer à Tanguy du Chastel, capitaine de la ville, une somme de quatre mille moutons d'or pour la réparer et la ravitailler[88] ; par lettres du 21 mars 1437, il déclara que les marchandises entrant dans le port ne seraient assujetties à d'autres droits que celui de deux deniers par livre[89] ; dans le même mois, il abandonna aux habitants un terrain, situé sur le rivage, qui dépendait du domaine royal[90]. Sur la requête des habitants de Marsilly, il fut décidé, au mois d'avril 1436, qu'un port serait édifié au lieu dit Queue-de-Vache[91]. La même année le Roi autorisa l'agrandissement du port de la Rochelle[92]. Des travaux furent entrepris ou poursuivis pour la navigation de la Vesle, de l'Eure et de la Loire[93]. Le fait de marchandise était constamment l'objet des sollicitudes royales ; plusieurs actes viennent l'attester. Des mesures furent prises pour relever le commerce en Languedoc. Le Roi, voulant réprimer les abus dont les marchands de cette province avaient été victimes, finit par prendre une mesure décisive : il déclara (13 juin 1443) que les lettres de marque ou de représailles ne seraient plus données à l'avenir que par le Roi et par le Parlement[94]. Des lettres sont données en faveur des marchands se rendant aux foires de Montagnac (29 mars 1437) et du Puy (5 mai 1439)[95], des marchands de Valence (29 juillet 1437)[96], des marchands et habitants du Languedoc qui fréquentaient les foires (10 mars 1443)[97]. Les habitants de Dun-le-Roi sont autorisés à tenir les foires et marchés dans l'intérieur de leur ville, afin de n'être point troublés par les gens de guerre[98]. De nouvelles foires sont établies à Boisart, en novembre 1438[99] ; à Millau, en octobre 1441[100] ; à Lyon, en février 1444[101] ; à Cormery, le 7 avril 1444[102]. La foire du Lendit, qui ne se tenait plus depuis 1426, est rétablie à Saint-Denis[103]. Par la création de trois foires annuelles à Lyon, on voulait empêcher l'exportation de l'argent attiré à Genève par les foires de cette ville ; aussi cette création fut-elle entourée de faveurs exceptionnelles. En 1443, Charles VII interdit l'importation dans son royaume des draps fabriqués en Angleterre ou dans les provinces soumises à la domination anglaise[104]. La même année il donna commission de se rendre dans les ports de mer de Guyenne, pour y établir un droit de traite sur le blé exporté hors du royaume[105]. Le commerce extérieur commençait, à prendre un essor inconnu jusque-là. Bertrandon de la Broquière qui, en 1432, entreprit le pèlerinage de Terre sainte, nous révèle le fait en ces termes : Et quant nous fumes venus à Damas, nous y trouvasmes plusieurs marchans françois, venissiens, genevois, florentins et castelans, entre lesquels y avoit ung François nommé Jacques Cueur, qui depuis a heu grant autorité en France et a esté argentier du Roy ; lequel nous dist que la gallée de Nerbonne, qui estoit allée en Alexandrie, devait revenir à Baruth. Et estoyent lesdiz marchans françois allez pour achepter aucunes marchandises et danrées, comme espices et autres choses, pour mectre sur ladicte gallée[106]. Les relations du Levant avec l'Europe étaient alors fort actives. On échangeait les productions du pays, noix de galle, laine, soie, poil de chèvre, étoffes et tapis fabriqués dans la Turcomanie et là Caramanie, avec du fer, des bois de toute espèce, de l'étain, du plomb, du cuivre, des draps légers, des objets de menue quincaillerie. On transportait aussi, contrairement aux règlements fort sévères alors en vigueur, des monnaies françaises[107]. Jacques Cœur, commis dès 1438 au fait de l'argenterie, avait ses comptoirs à Montpellier ; à l'époque où nous sommes parvenus, ses opérations commerciales commençaient à prendre une réelle importance[108]. L'exploitation des mines était une source de revenu qui n'était point à négliger. En vertu de lettres données par Charles VI en 1413, la sixième partie métallique des mines, après qu'elles avaient été purifiées, appartenait à la Couronne. A. la requête des ouvriers da mines de Lyon, Charles VII confirma les lettres de son père, et maintint à ces ouvriers et à ceux qui feraient travailler aux mines les privilèges dont ils jouissaient[109]. Les mines du Lyonnais étaient alors exploitées par Jacques Cœur, qui, en 1444, obtint à ferme du Roi, moyennant deux cents livres par an, le bail de diverses mines d'argent, de cuivre et de plomb situées en Lyonnais et en Beaujolais[110]. Malgré la fâcheuse situation de l'industrie, certains corps de métiers continuaient à fonctionner. Plusieurs sollicitèrent l'approbation royale pour la rédaction ou le renouvellement de leurs statuts. Charles VII donna des lettres approuvant les statuts des drapiers de Montivilliers (12 mars 1436)[111], des bouchers de Paris (août 1437)[112], des barbiers de Paris (19 mai 1438)[113], des chirurgiens de Paris (octobre 1441)[114], des drapiers de Bourges (5 octobre 1443)[115]. Dans la rédaction de ces derniers statuts, faite, de concert avec les représentants de la ville et des métiers, par des commissaires désignés à cet effet, on reconnaît l'intervention de Jacques Cœur, qui figure parmi les commissaires royaux[116]. La confrérie des savetiers de Paris est rétablie et règlementée (8 janvier 1444)[117]. Des lettres concédant certains privilèges ou exemptions sont données en faveur des regratiers (30 novembre 1437)[118], des barbiers du Poitou (février 1439)[119], des fripiers de Paris (2 décembre 1439)[120], des savetiers de Troyes (27 janvier 1441)[121], des tailleurs de Paris (octobre 1441)[122], des boulangers de Bourges (décembre 1443)[123]. Enfin Charles VII confirma divers règlements de ses prédécesseurs touchant les apothicaires et médecins (30 novembre 1437), les halles de Paris (septembre 1440), et les maîtres chirurgiens de Paris (octobre 1441)[124]. FIN DU TROISIÈME VOLUME |
[1] Ne se payent comme nuls fiefs et aumosnes et gages d'officiers, et aussi ne sont faites aucunes ou que très peu reparations en nos chasteaux, manoirs et edifices. Lettres du 25 septembre 1443. Ordonnances, t. XIII, p. 372. Cf. lettres des 10 février et 42 août 1441. Idem, ibid., p. 415 et 444. — Les fiefs étaient les rentes que le Roi donnait à prendre sur son trésor, à charge de foi, hommage et service ; les aumônes, les fondations pieuses attachées à ces mêmes tenures royales.
[2] Voir ci-dessus, t. II, chapitre XIII.
[3] Voir t. II, chapitre XIII.
[4] Archives, P 2298, p. 977, et 2531, f. 145.
[5] Ordonnances, t. XIII, p. 218.
[6] Ordonnances, t. XIII, p. 229.
[7] Lettre de Charles VII du 27 avril 1441. Thomas, l. c., t. II, p. 130 et 135.
[8] Sixième compte de Jean de Xaincoins. Cabinet des titres, 685, f. 80 v° et 81 v° ; Lettres de Charles VII du 19 novembre 1443, dans le recueil des Ordonnances, t XIII, p. 388 ; Lettres de Charles VII du 12 mars 1444, dans Thomas, l. c., t. II, p. 171.
[9] Lettres du 15 décembre 1440. Chartes royales, XV, n° 134.
[10] Macé Héron était encore receveur général en Languedoc le 5 juillet 1440 ; il était remplacé par Étienne Petit à la date du 28 octobre suivant. D. Vaissète, t. IV, Preuves, col. 461 ; Ms. fr. 20593, n° 47. Cf. lettres du 10 avril 1441 : Pièces originales, 2248 : PETIT, dossier 50962, n° 39.
[11] Archives, KK 284, f. 17 v° ; Cabinet des titres, 685, f. 63 ; Lettres de Louis XI, t. I, p. 188.
[12] Lettres du 2 octobre 1440. Pièces originales, 2035 : MONTMORIN.
[13] Compte de Guillaume Ripault, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 56.
[14] Compte de Guillaume Ripault, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 56 ; Quittance de Bouligny du 24 septembre 1438. Pièces originales, 450 : BOULLEGNY.
[15] Compte d'Antoine Raguier, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 63 ; Documents des 13 et 14 juillet 1442, dans la Revue des documents historiques, année 1879, p. 23, et Archives, Y 4, f. 67 v°.
[16] Étienne de Bonnay avait remplacé Antoine Raguier comme receveur général à la date du 25 juillet 1443. Lettres de Louis XI, t. I, p. 188.
[17] Ordonnances, t. XIII, p. 258.
[18] Vidimus. Ms. fr. 26065, n° 3652 ; Ordonnances, t. XIII, p. 293. — Cf. Ms. 26063, n° 3396.
[19] Lettres du 28 janvier 1436, citées ci-dessous.
[20] Mêmes lettres.
[21] Chartier, t. I, p. 219.
[22] Lettres du 28 janvier 1436. Archives de l'Isère, B 2827, f. 177.
[23] Lettres ci-dessous.
[24] Archives Z1b 3, f. 181 v° et 182 ; Z1b 60, f. 17 ; cf. Tuetey, Journal d'un bourgeois de Paris, p. 324.
[25] Lettres du 24 juin 1436. Ordonnances, t. XIII, p. 221.
[26] Ordonnances, t. XIII, p. 222.
[27] Tuetey, l. c., p. 320 note.
[28] Lettres du 27 février 1437, relatives au Dauphiné. Archives de l'Isère, B 2825, f. 240.
[29] Ordonnances, t. XIII, p. 263.
[30] Mémoire sur les variations de la livre tournois, par M. Natalis de Waillly, p. 48-49. — Sur ces cinquante-deux variations il en faut retrancher onze, qui sont au compte de Henri VI.
[31] C'étaient Gilles de Vitry, Ravant le Danois et François Grille. Voir ce curieux document dans le Ms. fr. 11156, 1re partie, f. 94 et suivants.
[32] Ordonnances, t. XIII, p. 349.
[33] Lettres visées dans celles du 29 juin 1443.
[34] C'étaient Gilles de Vitry, Ravant le Danois, Jean Gentien, Jean Clerbout, Pierre des Landes, Germain Braque et Gaucher Vivien.
[35] Ordonnances, t. XIII, p. 369. — C'était l'office de Jean Gentien qui devait être supprimé.
[36] Ordonnances, t. XIII, p. 386.
[37] Lettres du 5 octobre 1442, confirmant le privilège des généraux maîtres des monnaies et de leurs clercs d'avoir chaque année, les uns un setier, les autres une mine de sel (Ordonnances, t. XIII, p. 358) ; Lettres du 19 novembre 1443, exemptant les généraux maîtres des monnaies et leurs clercs de raide de 240.000 fr. récemment imposée en Languedoil (Ordonnances, t. XIII, p. 388).
[38] Lettres du mois d'août 1437 et du mois de novembre 1437. Ordonnances, t. XIII, p. 238 et 246.
[39] Des lettres furent données, à la date du 3 avril 1431, pour renouveler cette interdiction. Aymard, Titres et privilèges du Puy, l. c., t. XV, p. 691.
[40] Ordonnances, t. XIII, p. 211. Cf. Picot, Histoire des États généraux, t. I, p. 321-323.
[41] Ordonnances, t. XIII, p. 227. Cf. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 327.
[42] Lettres du 30 janvier 1438, citées par Tuetey, Journal d'un bourgeois de Paris, p. 332, note 4.
[43] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 349, 354-55, 359-61, 368-69.
[44] Lettres du 19 décembre 1440 : Pièces originales, 207 : BARTON ; Document de février 1441, dans Fontanieu, 117-118 ; D. Vaissète, t. IV, p. 495.
[45] Ordonnances, t. XIII, p. 237. — C'étaient Denis du Moulin, archevêque de Toulouse, Guillaume de Champeaux, évêque de Laon, Guillaume de Montjoye, évêque de Beziers, Arnaud des Marests, Pierre du Moulin et Jean d'Acy.
[46] Lettres du 21 juillet 1444. Ordonnances, t. XIII, p. 407. — C'étaient Pierre du Moulin, archevêque de Toulouse, Jean d'Étampes, Gilles le Lasseur, Jean Gentien, Jean d'Acy et Pierre Barillet.
[47] Voir ci-dessus, chapitre précédent.
[48] Voir lettres du 3 mai 1443, dans D. Vaissète, t. IV, Preuves, col. 467.
[49] Voir lettres du 19 mars 1438. Pièces originales, 1763 : LOUVET.
[50] Lettres du 31 août 1442. Pièces originales, 578 : CAMBRAY. Voir lettres des commissaires en date du 20 août 1443 : Pièces originales, 546 : BUCHILLON ; cf. Pièces originales, 2248 : PETIT, au 8 septembre 1443 ; Ms. fr. 26428, n° 3 ; Fontanieu, 119-120, au 12 mars 1444.
[51] Lettres des 21 janvier et 16 avril 1436. Pièces originales, 1479 : HARCOURT ; Clairambault, 167, p. 5187.
[52] Lettres du 26 octobre 1435. Archives de Reims.
[53] Lettres du il septembre 1439. Pièces originales ; 965 : DAMOISEL (LE).
[54] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 323-324.
[55] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 333-334 ; Archives, KK 284, f. 19.
[56] Voir ci-dessus, chapitre XII.
[57] Lettres du 5 mai 1437. Pièces originales, 301 : BERNARD.
[58] Lettres du 31 janvier 1438. Archives, K 64, n° 20.
[59] Lettres du 16 septembre 1438. Archives de la Loire-Inférieure.
[60] Lettres du 14 et 15 novembre 1438. Mss. fr. 20409, f. 2 ; 20417, f. 9 et 10.
[61] Lettres du 15 juin 1439. Pièces originales, 1756 : SAINT-HAON.
[62] On dut abandonner pour cela cinq mille francs aux préteurs. Lettres des généraux des finances des 12 et 31 janvier 1441. Pièces originales, 475 : BOUSANQUET ; Collection de Languedoc, 109, f. 179.
[63] Documents des 23 juillet et 31 août 1442 ; Lettres de Charles VII des 20 septembre 1443. Pièces originales, 2175 : OUDART ; 675 : CHAPPERON (dossier 15789) ; Ms. fr. 26070, n° 4708 ; Chartes royales, XV, n° 165 ; Fontanieu, 119-120, à la date du 26 février 1444.
[64] Il fallut leur donner pour cela 2,500 fr. Lettres du 19 décembre 1443. Chartes royales, XV, n° 166. — Il y a encore trace d'emprunts faits à des marchands d'Avignon. Voir document du 5 septembre 1443 : Ms. fr. 26071, n° 4902.
[65] Lettres du 15 avril 1437. Pièces originales, 364 : BLANCHET.
[66] Lettres des généraux des finances du 27 octobre 1439. Fontanieu, 117-118.
[67] Compte d'Antoine Raguier, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 64.
[68] Compte d'Antoine Raguier, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 64.
[69] Archives, X1a 24, au 15 août 1444, cité par Tuetey, Les écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 133.
[70] Sixième compte de Jean de Xaincoins. Cabinet des titres, 685, f. 80.
[71] Lettres du 4 avril 1437. Titres originaux de D. Villevieille, vol. IV : BLOSSET.
[72] Clairambault, 205, p. 8789.
[73] Dons de février 1425, payés par lettres du 15 mars 1436 et du 29 juillet 1438 ; don du 5 mars 1426, payé par lettres du 4 avril 1437 ; don de mai 1426, payé par lettres du 15 mars 1436 ; don de juillet 1428, payé par lettres du 9 avril 1437, etc., etc. Catalogue des actes.
[74] Lettres du 18 août 1439. Ms. fr. 20407, f. 9.
[75] Lettres du 2 janvier 1440. Chartes royales, XV, n° 127.
[76] Lettres du 14 décembre 1438. Ms. fr. 5271, f. 244.
[77] Ms. fr. 22382, f. 11 ; document publié par Thomas, l. c., t. II, p. 116.
[78] D. Vaissète, t. V, Preuves, col. 3.
[79] D. Vaissète, t. IV, Preuves, col. 460.
[80] Voir lettres du 3 août 1441. Chartes royales, XV, n° 140.
[81] Ordonnances, t. XIII, p. 372-77. — Ces lettres sont datées du 4 septembre dans Fournival, Recueil concernant les trésoriers de France, p. 90.
[82] Voici le tableau, tracé par M. Quicherat dans son livre si remarquable sur Rodrigue de Villandrando (p. 147-48), de la situation du Quercy et des pays environnants : Cette contrée était l'image de la désolation. Les capitaines à croix blanche et les capitaines à croix rouge n'avaient cessé de s'y poursuivre depuis la rupture du traité de Brétigny, de sorte qu'elle en était à sa soixante-dixième année de tribulation. Qu'on se figure des lieux foulés de la sorte pendant près de trois quarts de siècle. Un peu loin des grandes villes, surtout dans la partie quercinoise, il n'existait plus ni culture, ni chemins, ni délimitations de propriétés, rien de ce qui annonce un pays habité. Des villages entiers avaient disparu ; Gramat, ville autrefois florissante, était réduite à sept habitants ; toutes les maisons y formaient un tas de décombres, qu'on avait fouillés et comme passés au tamis pour en extraire le bois. On n'y eût pas trouvé un bâton, de quoi lier une botte de foin. Ça et là seulement émergeaient, comme autant d'oasis, quelques points plus favorisés, qui étaient des positions stratégiques importantes, et à cause de cela incessamment disputés.
[83] De 1437 à 1439. Voir plus haut, chapitre premier.
[84] C'est ce que constate un contemporain ; il ajoute que les marchands n'avaient à craindre que les pillards du parti du Roi, dont il y en avoit tant que c'estoit pitié. Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48, f. 110.
[85] Voir t. II, chapitre XIV.
[86] Lettres du 30 juin 1438. Ordonnances, t. XIV, p. 7.
[87] Lettres des 26 octobre 1441 et 51 juillet 1444. Ordonnances, t. XIII, p. 335 et 405.
[88] Pièces originales, 703 : CHATEL (du).
[89] Ordonnances, t. XIX, p. 343.
[90] Voir Histoire d'Aiguemorte, par Di Pietro, p. 181.
[91] Archives, J 183, n° 147.
[92] Lettres d'octobre 1436. Archives, J 183, n° 150.
[93] Voir Collection de Champagne, 35, f. 248 ; Histoire de Chartres, par E. de Lépinois, t. II, p. 95 ; Notice historique sur la navigation de l'Eure, par Bouvet-Mézières (1835, in-8°) ; Les seigneurs de Nogent-le-Roi, par Marre, p. 70 ; Documents sur le canton de Nogent-le-Roi, par Lefèvre, t. I, p. 451 et suivantes. ; Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, par Mantellier, t. I, p. 102 et suivantes.
[94] D. Vaissète, t. IV, p. 488 ; Ordonnances, t. XIII, p. 367. Voir Du droit de marque et de représailles au moyen âge, par M. René de Mas Latrie, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XXVII, p. 529-77.
[95] Ordonnances, t. XIX, p. 656 ; Aymar, Titres et privilèges du Puy, p. 684.
[96] Pièces originales, 2118 : NOÉ.
[97] Germain, Histoire du commerce de Montpellier, t. II, p. 361 et suivantes.
[98] Lettres du 3 juillet 1438. Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 515.
[99] La Roque, Histoire de la maison d'Harcourt, t. I, p. 520.
[100] Archives, JJ 176, n° 544.
[101] Ordonnances, t. XIII, p. 399.
[102] Cartulaire de Cormery, par l'abbé Bourassé, dans les Mémoires de la Société archéologique de la Touraine, t. XII, p. 254.
[103] Lettres du 15 avril 1444. Archives, Y 4, f. 80 v° Cf. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 373.
[104] Lettres du 23 décembre 1443. Ordonnances, t. XIII, p. 389.
[105] Voir lettres du 22 janvier 1444. Chartes royales, XV, n° 168.
[106] Voyage de la Terre-Sainte, par Bertrandon de la Broquière. Ms. fr. 5639, f. 8 v° ; cité par P. Clément, Jacques Cœur et Charles VII, t. I, p. 12-13.
[107] Pardessus, Tableau du commerce antérieurement à la découverte de l'Amérique, dans la Collection des lois maritimes, introduction ; P. Clément, l. c., p. 13 et suivantes.
[108] Voir Jacques Cœur, par M. Vallet de Viriville (Paris, 1864), p. 12-13.
[109] Lettres du 1er juillet 1437. Ordonnances, t. XIII, p. 236.
[110] Vallet de Viriville, Jacques Cœur, p. II.
[111] Ordonnances, t. XV, p. 30.
[112] Ordonnances, t. XIX, p. 203.
[113] Ordonnances, t. XIII, p. 265.
[114] Ordonnances, t. XIII, p. 337.
[115] Ordonnances, t. XIII, p. 378.
[116] Voir lettres du 9 juillet 1443. Ordonnances, t. XIII. p. 378.
[117] Ordonnances, t. XVI, p. 666.
[118] Ordonnances, t. XV, p. 38.
[119] Ordonnances, t. XV, p. 307.
[120] Ordonnances, t. XVI, p. 645.
[121] Du Puy, 228, f. 44.
[122] Ordonnances, t. XIII, p. 338.
[123] Ordonnances, t. XIII, p. 393.
[124] Ordonnances, t. XIII, p. 244, 322 et 337.