HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE XV. — LA GRANDE ORDONNANCE DE 1439.

 

 

Situation du royaume au lendemain du traité d'Arras ; l'Escorcherie ; son caractère. — Effroyables excès commis par les gens de guerre. — Mesures prises pour remédier a ce fléau ; ordres d'évacuation donnés à plusieurs reprises ; transactions avec les capitaines. — Commission donnée au prévôt de Paris pour poursuivre les malfaiteurs dans tout le royaume. — Conseil tenu à Blois ; ordonnances des 19 septembre et 22 décembre 1438. — Grande ordonnance du 2 novembre 1439 ; sa teneur ; caractère de la réforme. — Mesures prises en vertu de Cette ordonnance ; la Praguerie vient en empêcher l'exécution. — Le Roi reprend l'exécution de ses desseins ; répression des excès des capitaines ; pacification de la Champagne et des provinces de l'ouest. — Commencement d'une réorganisation de l'armée.

 

L'ordonnance du 2 novembre 1439, sur la réforme de l'armée, est considérée à juste titre comme l'une des plus importantes de la Monarchie[1]. Il faut donc étudier, avec toute l'attention que mérite le sujet, par quelles mesures cette ordonnance fut préparée, les stipulations qu'elle contient, ce qu'on fit pour en assurer l'exécution.

Nous avons fait connaître la composition de l'armée au quinzième siècle[2] ; nous avons, à plus d'une reprise, insisté sur les difficultés presque inextricables qui empêchaient d'opérer, d'une manière sérieuse et efficace, la réforme des gens de guerre. Comment le gouvernement royal aurait-il pu renoncer à ces redoutables auxiliaires, quel que fût le prix attaché à leurs services, alors que la lutte avec l'Angleterre se poursuivait sans relâche et que le duc de Bourgogne était encore l'ennemi de la Couronne ? Comment serait-il parvenu à les discipliner, alors que, parmi les capitaines, certains, et des plus renommés, toléraient, on peut dire même encourageaient leurs excès ? Était-il possible d'ailleurs de songer à la répression, quand l'autorité royale était méconnue, quand toutes les pénalités édictées à tant de reprises restaient à l'état de lettre morte ? Durant vingt années, Charles VII dut subir, tout en le déplorant, un mal qu'il était impuissant à conjurer[3].

Le ralentissement des opérations militaires, après le traité d'Arras, loin de diminuer l'intensité du fléau, ne fit que l'accroître. Beaucoup de capitaines, ne trouvant plus dans la guerre avec les Anglais un champ assez vaste pour leur humeur belliqueuse ni surtout un suffisant aliment à leur soif de gain, habitués qu'ils étaient à se payer eux-mêmes leur solde[4], se répandirent de toutes parts, semant sur leurs pas l'épouvante et la ruine.

Laissons les chroniqueurs nous dépeindre la situation :

Tout le tournoiement du royaulme de France estoit plain de places et de forteresses, vivans de rapines et de proie. Et par le malien du royaulme et des pays voisins s'assemblerent toutes manières de gens de compaignie que l'on nommoit escorcheurs[5], et chevaulchoient et alloient de pays en pays, de marche en marche querans victuailles et aventures pour vivre et pour Baigner, sans regarder ne espargner les pays du Roy de France, du duc de Bourgoingne, ne d'aultres princes du royaulme. Mais leur estoit la proye et le butin tout ung, et tout d'une querelle... Et à la verité lesdiz escorcheurs tirent moult de maulx et de griefs au povre peuple de France et aux marchons, et pareillement en Bourgoingne et à l'environ[6].

Environ quinze jours après oudit an (novembre 1435), vindrent en pays de Champagne de trois à quatre mille hommes de guerre, dont les aucuns estoient yssus des forteresses que le connestable avoit fait rendre, lesquelz dommagerent grandement le pays, et n'y avoit homme, femthe ne enffans qu'ils ne deppoullassent, pourvu qu'ils les peussent rencontrer à leur advantage, jusques à la chemise ; et quant ilz avoient tout pillyé, ranchonnoient les villages. Et estoient leurs capitaines ung nommé de Chabannes[7] et deux bastards de Bourbon, et les nommoient le peuple vulgairement et communement les escorcheurs... Et se commencèrent ès autres pays obeissans au Roy de France à eulx eslever et mettre sus plusieurs capitaines natifz de Poitou, de Berry, d'Auvergne et de plusieurs autres pays du royaulme de France où il n'avoit aucune guerre. Et s'assemblerent plusieurs autres compaignies de gens d'armes qui vivoient sur les champs et qui pilloient et robboient le pays, sans approuchier de la frontière des Angloiz. Et tant se creurent et multiplièrent icelles compaignies, tellement que qui povoit avoir plus de gens sur les champs et que plus povoit pillier et rober les povres gens, estoit le plus craint et le plus doublé, et qui plus tost eust du Roy de France quelque chose que nul autre, pour ce que, quant ils se trouvoient ainsi accompaigniez, pour le Roy ne pour autre ne volloient faire sinon à leur voulenté[8].

Qu'est-ce qui caractérise l'invasion de l'Escorcherie ? C'est, d'une part, son caractère universel : ce ne sont plus seulement les contrées voisines du théâtre de la guerre qui sont atteintes ; aucune province n'est à l'abri ; telle ou telle est frappée, soudain, sans que rien ait servi de prétexte à l'agression. C'est d'autre part l'organisation qui préside à ces entreprises, dont le seul but est la rapine, et dont les chefs figurent parfois parmi les capitaines lest plus renommés. Un mot prêté à Talbot rend d'une manière saisissante le sentiment qui dominait chez les chefs de compagnies : Si Dieu descendait sur la terre, il se ferait pillard[9]. Nous ne résistons pas au plaisir de placer sous les yeux du lecteur la vive peinture que fait Froissart de la vie du routier. Écoutons Aymerigot Marcel, un des plus célèbres compagnons du temps de Charles V, raconter la bonne vie qu'il menait et qui faisait ses délices :

Il n'est temps, esbatemens, or, argent ne gloire en ce monde que de gens d'armes, et de guerroier ainsi que par cy devant avons fait. Comment estions nous resjouis, quant nous chevauchions à l'aventure et nous pouvions trouver sur les champs ung riche abbé, ou ung riche prieur, ou ung riche marchant, ou une route de mullets de Montpellier, de Narbonne, de Limoux, de Fougans, de Beziers, de Carcassonne, ou de Thoulouse, chargiés de draps d'or ou de soye de Bruxelles et de Moustier-Villiers, et de pelletteries venant des foires du Lendit ou d'ailleurs, ou d'espicerles venans de Bruges ou d'autres marchandises venans de Damas ou d'Alexandrie I Tout estoit nostre ou raenchonné à nostre voulenté. Tous les jours nous avions nouvel argent. Les villains d'Auvergne et de Limousin nous pourvéoient et amenoient en nostre chastel les blés et la farine, le pain tout cuit, l'avoine pour les chevaulx et la linière, les bons vins, les buefs, les moutons, les brebis, tous gras, et la poulaille et la volaille. Nous estions estoffés comme roys. Et quant nous chevaulchions, tout le pays trembloit devant nous : tout estoit nostre, allant et retournant. Comment prinsmes notas Carlat, moy et le Bourg de Compaigne ? Comment prinsmes nous Calusel (Chalusset) moy et Perrot le Bernois ? Comment eschiellasmes nous, vous et moy, sans autre ayde, le chastel de Mer-quel qui est au conte Dauffin ? Je ne le tins que cinq jours et si en rechups sur une table cinq mil frans, et encoires en quittay-jou mil pour l'amour des enffans du conte Dauffin. Par ma foy, ceste vie estoit bonne et belle ![10]

Voilà bien ce qui entraînait dans l'Escorcherie la plupart des capitaines français. Aussi y voit-on, au premier rang, ceux que les chroniqueurs appellent avec raison deux des principaulx et des plus renommez cappitaines[11], Poton de Saintrailles[12] et La Hire ; puis Louis de Bueil, frère d'un des conseillers de la Couronne, appelé dans un document capitaine général des écorcheurs[13] ; puis Alexandre et Guy, frères bâtards du duc de Bourbon. On y voit encore les plus fameux d'entre les chefs de bande, Rodrigue de Villandrando et ses lieutenants Jacques de Chabannes, Jean de Salazar, le bâtard d'Armagnac et Antoine de Chabannes ; les deux Blanchefort, les deux Brusac, Forte-Épice, Floquet, Sauton de Mercadieu ; on y voit enfin des routiers au sobriquet plein de menaces, comme Tempeste[14] et La Fouldre[15], et trente autres capitaines dont les noms figurent dans les actes. Plusieurs de ces hommes de guerre avaient été honorés des faveurs du Roi et figuraient parmi les officiers de sa maison[16].

Nous ne reviendrons point ici sur les expéditions par lesquelles se signalèrent les écorcheurs : on en a lu plus haut un résumé sommaire[17] ; mais nous devons insister sur les effroyables excès par lesquels ils souillaient le noble métier des armes. Nous ferons ainsi toucher du doigt la profondeur de l'abîme où la France était plongée.

Si nous parcourons les lettres de rémission délivrées en si grand nombre par la chancellerie royale, à partir de 1445, nous rencontrons la même énumération un peu banale d'excès commis : Destrousses, raenconnemens, emprisonnement de bestial et aussi de gens et personnes, hommes et femmes, tant d'eglise, nobles, bourgois, marchans, laboureurs que autres ; avoir espié et guecté chemins, passaiges et destroiz, pillé foires et marchiez, prins chasteaulx et forteresses d'emblée et autrement... avoir tué et murdry gens, bouté feux et violé femmes et eglises ; avoir desobey aux lettres, mandeniens et defenses de nous et de nos juges, bailliz, officiers et subgiez, et fait plusieurs autres grans et enormes maulx, dommaiges, pilleries, roberies et malefices sur noz povres subgiez, soubz umbre de nostre service et de nostre guerre, et autrement, en estranges manières, dont declaracion ne pourroit ne peut en ces presentes estre faicte[18].

Mais il faut interroger les contemporains et leur laisser le soin d'entrer dans le détail.

Je ne dy mie, écrit Jouvenel des Ursins dans son Épître de 1433, que seulement lesdiz delitz se commettent par les ennemis, mais ont esté fais et commis par aucuns qui se disoient au Roy ; lesquelz, soubz umbre des appatis et aultrement, prenoient hommes, femmes et petis enffans, sans difference de aage ou de sexe, efforçoient les femmes et les filles ; prenoient les maris et peres, tuoient les maris et peres en la presence des femmes et filles ; prenoient les nourrisses et laissoient les petis enffans qui par faulte de nourriture mourroient ; prenoient femmes grosses, les mettoient en seps, et là ont eu leur fruit, lequel on a laissé morir sans baptesme, et après aler getter et femme et entrant en la rivière ; prenoient prestres, moynes et gens d'esghse laboureulx et les mettoient en seps voltons et autres manieres de tourmens nommez singes, et euh estant en ieeulx les bastoient, dont les aucuns sont mutilez, les aultres enragez et hors du sens ; appatissoient les villages, tellement que ung povre village estoit à appatis à huit ou à dix places, et se on ne payoit on aloit bouter le feu ès villages et. esglises ; et quant les povres gens estoient prins et ilz ne povoient payer, on les a aucunes foys assomés, eulx estans ès seps, et gettez en la rivière, et n'y demouroit cheval labourant ne aultre beste[19].

Jouvenel insiste encore davantage dans son Épître de 1440 :

Depuis trente quatre ans en ça, et dès devant, a eu plusieurs divisions civiles en ce royaume, soubs umbre et par le moyen desquelles les seigneurs ont levé et mis sus plusieurs gens de guerre, avecques lesquelz se sont mis gens de péuple, et y sont venus à cause de ce plusieurs estrangiers, tant escossoys, espaignos, lombars, arragonois et gens de toutes nacions estranges... Et Dieu scet les tirannies que a souffertes le povre peuple de France par cents qui les deussent avoir gardés ! Car entre eulx n'a eu ne ordre ne forme de conduire guerre, mais chascun a fait le pis qu'il a peu, en eula en ce faisant glorifions. Quantes esglises ont esté par eulx erses et destruites, où Dieu estoit servi, et les bonnes gens ars, brulez et derompus dedens ; les autres par eulx ?emparées et forte fiées ordonnées à estre herbages et receptacules à larrons, ribaubc, murtriers et toutes mauvaises gens, estables a chevaulx, bordeaulx publiques, prisons à tenir en prison et tiranniser les povres gens du pays, mesmes de tous estas et gens mesmes du pais ; les reliques prinses ès esglises et emporter les reliquaires où elles estoient, et getter les reliques en lieux prophanes non honnestes ; et semblablement du vaissel où repose Corpus Domini ; icelluy getter en l'esglise à l'aventure, prendre corporaulx et aultres habillemens d'esglise et les appliquer en aultres usaiges très deshonnestes et abhominables à nommer. Et au regard des povres prebstres, gens d'esglise, religieux, et aultres povres laboureurs, on les prent et emprisonne et les met-on en fers, en seps volans, en fosses, en lieux ors plains de vermine, et les laisse-on morir de fain dont plusieurs meurent. Et Dieu scet les tirannies que on leur fait ! On rostit les ungs ; aux aultres on arrache les dens ; les aultres sont battus de gros bastons, ne jamais ne seront delivrés jusques ad ce que ilz ayant payé argent plus que leur chevance ne monte... Et pour abresger tous les maulx que on pourroit dire lesdiz gens eulx disans à vous font au peuple de tous estas[20].

Thomas Basin, à son tour, nous montre les gens de guerre emmenant les paysans dans leurs camps ou leurs forteresses, les entassant par centaines en de noirs souterrains, leur faisant endurer de cruels supplices pour leur extorquer une rançon qu'ils ne peuvent payer. Comme de véritables bêtes féroces, la plupart de ces brigands se faisaient un plaisir d'infliger aux malheureux paysans les plus barbares traitements[21]. Ceux-ci mouraient de faim ou de froid, quand ils ne succombaient pas dans les tortures. Les troupes n'étant ni enregimentées ni payées régulièrement, allaient, par bandes, sous des chefs qu'elles s'étaient donnés ; elles parcouraient la France, enlevant tout ce qui était à leur convenance, ravageant et pillant villes et places fortes, et se livrant à. toute espèce de crimes. C'est à ces désordres qu'il faut surtout attribuer la désolation et les ravages qui existaient de toutes parts[22]. Une partie de la France était sans culture, sans chemins ; des villages entiers avaient disparu. Si l'on tentait de cultiver quelques champs, c'était seulement à l'abri des murailles des villes, et un guetteur, placé sur la plus haute tour, était toujours prêt à donner le signal d'alarme aux laboureurs[23]. Telle était la fréquence des alertes que les animaux employés à la culture ou les troupeaux errants dans les champs avaient pris l'habitude de rentrer d'eux-mêmes au son de la cloche ou du cor[24].

Ouvrons maintenant les enquêtes faites en Bourgogne et en Franche-Comté, dans les années 1439 et 1444, par ordre du duc de Bourgogne[25]. Nous y trouverons les écorcheurs peints sur le vif.

Leur premier souci, quand ils arrivent en un lieu, c'est celui de leur ventre : qu'on leur serve promptement à boire, qu'on les festoye bien ; sans cela ils menacent de tout brûler[26]. Se présentent-ils devant un château, ils demandent avec courtoisie qu'on abaisse le pont-levis, promettant de payer tout ce qu'on leur servira et de ne faire aucun dommage ; mais à peine sont-ils entrés qu'ils font main-basse sur tout, brûlent la bassecour, la grange et les étables, et ne se retirent qu'en emportant un riche butin[27]. Parfois ils prennent les villes de vive force, incendiant les maisons, rançonnant les habitants, emmenant et maltraitant les plus jeunes, faisant subir aux femmes les derniers outrages[28]. Pour eux, les plus horribles traitements ne sont qu'un jeu. Lier les gens avec des cordes jusqu'à faire jaillir le sang, les rouer de coups, leur chauffer les pieds, les brûler vifs, les crucifier, les pendre, voilà les supplices habituels[29]. Ici, les traits abondent : c'est un homme pendu par les pieds qu'on accable de coups de maillet jusqu'à ce qu'il ait promis de payer deux saluts d'or ; c'est un valet, roué de coups sans qu'on puisse lui extorquer aucune rançon, qui est lié avec de la paille à laquelle on met le feu et forcé de courir ainsi ; c'est un malheureux lié par les pieds et par les mains, suspendu au moyen d'un bâton au-dessus d'un feu qui le Kan lentement jusqu'à ce que son corps tombe en lambeaux : alors, moyennant quatre saluts, il sauve sa vie ; c'est un paysan pris, battu, lié en faison de crucifit, dont on brûle le visage, et qui, après avoir payé trois florins d'or, est encore battu très vilainement ; c'est un enfant de trois ans qui succombe aux barbares traitements qui lui ont été infligés[30].

Certains chefs mettent à prix le rachat des animaux, et ne craignent pas de dire qu'ils agissent en vertu d'une autorisation du Roi[31] ; ils ont pour cela un tarif : tant pour un cheval, tant pour un bœuf, tant pour une brebis ; tout bétail non racheté est mis à mort[32]. Détruire pour détruire, telle semble être la devise des écorcheurs. Quand ils ne peuvent emmener tout le bétail, ils coupent les jambes des animaux qu'ils abandonnent[33]. Ils brûlent, dans les maisons, jusqu'aux tables, aux bancs, aux moindres ustensiles de ménage[34]. Ils coupent les arbres des jardins et des vergers. Un mémoire de 1444 dresse en ces termes le bilan des destructions : C'est assavoir de destruire et abatre entièrement molins, fours, pressouoirs et maisons tout par le pié, fauchier chenevières, lins et tous biefs, et ardoir le tout, desttuire et ardoir vaisseaulx à faire vin et tous autres utensilles d'ostel, s'ilz n'ont ce d'argent qu'ils demandent 4[35]. Le pillage, le meurtre, le viol n'assouvissent pas la rage de ces bandits ; ils se ruent sur les monastères et les églises, les profanent, et commettent les plus horribles sacrilèges[36].

Charles VII n'avait cessé de réagir contre les excès des gens de guerre. Aussitôt après l'invasion de l'escorcherie, il s'efforça d'arrêter le mal. Nous avons des lettres patentes du 25 juillet 1436, adressées aux baillis et prévôts de Vermandois et de Vitry, où il s'exprime en ces termes :

Comme pour preserver et garder nos bons et loyaulx subgiez des fins et mectes de voz bailliaiges et autres des griefz et oppressions que chascun jour y font plusieurs routiers de diverses nacions qui par long temps y ont esté et encores sont, ou pourroient venir, lesquelz pillent, robent et destruisent noz pays et subgiez, des-troussent toutes manières de gens de quelque estai qu'ilz soient, prennent et ravissent femmes à force et violence, boutent feux et font plusieurs mania irreparables, à nostre très grant desplaisance, savoir vous faisons que, pour obvier aux inconveniens dessusdis, ausetelz voulons astre briefment pourveu de remede convenable par manière qué nosdis subgiez puissent vivre. et demeurer en leurs maisons en bonne paix et transquilité, avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons et expressement vous mandons que, incontinent veues ces presentes, vous vous transportez par devers lesdis routiers, et leur faictes ou faictes faire exprès commandement de par nous, sur peine de confiscacion de corps et de biens, qu'ilz cessent de faire les maulx dessusdis et se departent des fins et mectes de vozdis bailliages, et ou cas que à ce faire ilz seront reffusans ou delaians, nous vous avons donné et donnons par ces presentes, et à chascun de vous, povoir, auctorité et mandement especial de mander, assembler et faire venir par devers vous tous les nobles, vassaulx et aubgiez tant de vosdis bailliages que d'ailleurs qui ont aceoustumé d'eulx armer, et autres de quelconque estat qu'ils soient, de les faire armer et mectre sus, et les emploier à l'encontre desdis routiers comme s'ilz estoient nos anciens ennemis, et autrement ainsi que verrez estre à faire, par manière que la force vous en demeure[37].

Malheureusement, entre l'ordre et l'exécution de l'ordre il y avait loin ; les faits le prouvent avec évidence. Pour préserver certaines provinces ou certains territoires de la présence des gens de guerre, de solennelles injonctions étaient faites aux, capitaines. Ainsi, en 1436, défense au bâtard de Bourbon d'entrer en armes sur les terres du roi René en Lorraine[38] ; le 30 juin 1437, défense au même et à Louis de Bueil de continuer à ravager le duché de Bar, avec ordre d'évacuation immédiate[39] ; le 23 février 1438, ordre aux gens de guerre de s'abstenir de toute hostilité à l'égard des places appartenant au comte d'Étampes en Poitou[40] ; le 15 mars 1438, défense à Saintrailles, Brusac, le bâtard de Bourbon et autres capitaines de commettre aucun excès dans le duché de Bourgogne[41] ; le 17 mai 1438, défense à tous capitaines et gens de guerre d'entrer dans les domaines du duc de Savoie[42]. Un expédient assez habituel était de faire déloger les gens de guerre : le mal était ainsi non supprimé, mais déplacé. C'est ainsi que nous voyons le Roi, à la supplication des habitants de Tours, écrire successivement à Rodrigue de Villandrando (septembre 1435), au sire de Derneley et à Adenet Trochelle (février 1436), à Guillaume Stuart (septembre 1436), à Machefer (octobre 1436), au bâtard d'Harcourt et autres (avril 1438), on donner des lettres patentes pour leur faire évacuer la Touraine[43]. Au mois de juin 1438, le Roi, qui était alors en Saintonge, occupé à réprimer les pilleries, apprenant que Floquet était entré dans la Touraine, où ses gens menaçaient Tours et ravageaient la province, lui donna, par lettres patentes, l'ordre de se retirer ; non content de cet ordre, il envoya un de ses écuyers d'écurie pour en assurer l'exécution, et déclara que si Floquet n'obéissait pas, il viendrait en personne et lui ferait trancher la tête[44]. Enfin, en 1439, sur les plaintes des habitants de Reims, le Roi écrivit à deux reprises aux capitaines qui occupaient la contrée pour leur ordonner de déloger incontinent[45].

Bien souvent il n'y avait d'autre remède que de transiger avec les capitaines et d'obtenir leur retraite à prix d'argent. C'est à la sollicitation des États provinciaux ou des villes que le Roi se résigne à sanctionner des compositions de ce genre. Les exemples sont nombreux. En 1435, des traités sont passés avec Audet de Rivière pour l'évacuation de Courbefy, avec le seigneur de Pons pour l'évacuation de Larche, avec Jean de la Roche pour l'évacuation de Saint-Exupery, etc.[46] En novembre 1436, quatre mille livres sont votées par les États d'Auvergne pour contenter Rodrigue de Villandrando et ses gens qui étaient en Albigeois, et les empêcher d'entrer en Auvergne[47]. La même année, les États de Gévaudan font payer vingt-deux mille moutons d'or à Brusac, Blanchefort et Antoine de Chabannes[48]. En juillet 1437, le connétable avait fait en Champagne certaine ordonnance d'argent avec les capitaines du pays ; Guillaume de Flavy n'y ayant pas été compris, le Roi autorise les habitants de Reims à payer pendant trois mois une allocation mensuelle, de cent livres à Flavy[49]. La même année on donne sept cents livres à Gautier de Brusac pour évacuer Duretal[50]. En juin 1438, une somme de trois mille quatre cents cinquante écus d'or est versée à certains capitaines pour préserver le Bas-Languedoc de leurs ravages[51]. En juillet suivant, Bertrand de Béarn, bâtard de Foix, Pierre de Murat, Merigon de Castelbon et d'autres capitaines reçoivent deux mille écus d'or pour évacuer Sainte-Gavelle[52]. En septembre 1438, les États du Haut-Limousin votent trois mille cent cinquante livres pour l'évacuation de Courbefy ; quatre cents réaux d'or sont payés à Louis de 'Bueil et autres capitaines pour leur faire quitter le Limousin[53]. Dans le même mois, un pacte est fait avec Villandrando pour prévenir son entrée dans le pays de Gévaudan[54]. En novembre 1438, un impôt est mis sur le Languedoc pour faire déloger de la province le bâtard de Bourbon et les capitaines qui avaient pris part à l'expédition de Guyenne[55]. En Basse-Auvergne, les sommes payées aux capitaines, dans le cours de l'année 1438, pour qu'ilz vuidassent le pays et feussent plus abstrains au service du Roy, s'élèvent à près de vingt mille francs[56]. En février 1439, le pays de Languedoc accorde une somme de cinq mille huit cents écus d'or pour obtenir l'éloignement de la garnison de Cabrières, qui désolait la contrée[57]. Dans le même mois un traité est passé à Béziers avec Brusac, Chabannes, Blanchefort et autres capitaines pour éviter leur passage à travers le Languedoc[58]. En juin 1439, mille écus d'or sont versés à Guy, bâtard de Bourbon et deux mille à Rodrigue de Villandrando, afin que la ville de Toulouse soit épargnée[59].

Le Roi connaissait les effroyables maux que les gens de guerre infligeaient à ses sujets ; il s'occupait sans cesse d'assurer aux capitaines une solde régulière, de prévenir leurs excès et leurs déprédations. Nous verrons plus loin les mesures qu'il prit, au point de vue financier, afin qu'ils n'eussent cause de demander et faire appatis, courses et paieries, ainsi que cela leur était trop habituel[60]. Lors de son voyage en Languedoc, afin d'épargner le Lyonnais et les pays environnants, il envoya ses troupes vivre au delà du Rhône, en attendant qu'elles fussent employées[61]. Après la prise de Montereau, en congédiant ses capitaines, il donna à chacun fourme et manière de vivre jusqu'à la saison nouvelle[62]. Au commencement de 1438, il se transporte à Saint-Jean d'Angély, et ce voyage est le signal de mesures énergiques contre les gens de guerre : Jean de la Roche, seigneur de Barbezieux, reçoit mille livres pour oster les pilleries du pays de Saintonge[63] ; le 14 avril suivant, Charles d'Anjou reçoit trois mille livres pour le même objet[64] ; enfin Gaucourt est envoyé en Languedoc pour réprimer les excès des gens de guerre[65].

Une mesure générale est prise à la date du 5 avril 1438. Le Roi déclare avoir entendu la clameur de plusieurs de ses sujets, se plaignant de ce que, dans plusieurs parties de son royaume et notamment sur les limites de la prévôté de Paris, des larrons, murtriers, espieux de chemins, ravisseurs de femmes, violeurs d'eglises, bateurs à loyer, abuseurs, joueurs de faulx dez, trompeurs, faux monnoyeurs, et autres mal facteurs leurs associez, recepteurs et complices, se livrent à tontes sortes d'excès : meurtres, larrecins, homicides, ravissemens de femmes, violacions d'eglises, mutillacions et autres grans crimes, malefices et delictz. Considérant que ces malfaiteurs se transportent en plusieurs juridictions où le prévôt de Paris ne peut les atteindre et les punir sans avoir pour cela mandement spécial ; ne voulant pas que de tels excès demeurent impunis et désirant sur toute chose que bonne justice soit faite dans tout son royaume, il déclare commettre et établir Ambroise de Loré, son prévôt de Paris, juge et commissaire especial et general reformateur sur les cas dessusdiz dans tout le royaume, avec pouvoir de saisir les coupables en quelque lien que ce soit, et de les faire amener au Châtelet de Paris, on ailleurs où ses commis le jugeraient expédient, pour procéder à une instruction et punir selon les cas ceux qui seraient reconnus coupables, en forçant an besoin les rebelles à reconnaître l'autorité du Roi[66].

Le 19 septembre suivant, une autre ordonnance est rendue dans un conseil tenu à Blois et auquel prennent part le Dauphin, le duc de Bourbon, Charles d'Anjou, le comte de Vendôme, le bâtard d'Orléans, le maréchal de la Fayette et Prégent de Coëtivy. Après avoir constaté la destruction de son royaume par ses propres gens de guerre et les désordres qui ne cessaient d'être commis[67], le Roi déclare qu'il a résolu de faire loger une partie de ses gens de guerre sur les frontières, près de l'ennemi, et de pourvoir au paiement de leur solde. Aucun des gens de guerre ne doit désormais tenir les champs ni vivre sur le pays. Le Roi a fait venir en sa présence, à Saint-Aignan en Berry, tous les capitaines, et leur a donné l'ordre de faire évacuer les pays occupés par leurs gens, savoir ceux en deçà de la Loire le Pr octobre, ceux au delà de ce fleuve le 15 octobre : Voulant que cette décision soit mise à exécution et observée de tout point, il ordonne de faire crier solennellement et à son de trompe, dans tous les lieux où on a coutume de le faire, que nulles gens de guerre, quelz qui soient ne à qui qu'ilz se dient ou advouent, ne soient si hardiz de eulz tenir ne vivre doresenavant sur les champs le temps dessus dit passé, mais s'en departent et vuident dedens icellui, sur peine de confiscation de corps et de bien, et d'estre habandonnez, à moins qu'ils n'aient lettres patentes, passées dans le Conseil et scellées du sceau royal, postérieures à la présente ordonnance. Défense-est faite à ceux occupant les places et forteresses de piller, rober, rançonner ou exiger des contributions. Ordre est donné de procéder contre ceux qui, après la publication de la présente ordonnance, seraient trouvés vivant sur le peuple ou lui portant dommage, et de les livrer ils justice. Le Roi déclare les abandonner, eux et leurs chevaux, harnais, et autres biens quelconques, à tous les gens et sujets des bonnes villes et autres ; il autorise à s'assembler en armes pour leur courir sus, les prendre et les amener devant la justice, attribuant leurs biens à ceux qui les prendront, et, s'il y a eu mort d'homme dans le conflit, donnant à l'avance abolition pour ce cas[68].

Dix jours après, le Roi s'exprimait en ces termes dans des lettres patentes adressées à son bailli de Vermandois, lequel n'était autre que La Hire :

Pour ce qu'il est venu à nostre congnoissance que, en vostre bailliage et ès pays d'environ, repairent plusieurs gens d'armes et de trait, espieurs de grans chemins et autres malfaicteurs, lesquels vivent sur le pays, desrobent, tuent et destroussent de jour en jour les gens d'eglise, nobles, marchans, laboureurs et toutes autres manieres de gens, etc., etc. ; nous, qui ne voulons telz malefices estre tollerez, ainçois bonne justice en estre faicte, vous mandods, commandons et par ces presentes commettons que vous vous transportez en et par touz les lieux où vous pourrez trouver lesdiz gens d'armes et de trait, espieurs de chemins et autres malfaicteurs, et les prenez et faietes prendre et emprisonner, ensemble leurs biens et choses quelzconques ; et pour ce faire mander et assembler des gens et habitans de vostre dit bailliage et autres lieux et villes d'environ, lesquelx vous contraignez, se mestier est, de y venir et voua ayder à executer ceste presente commission ; et. de tous ceulx que trouverez deuement chargiez et coulpables desdiz malefices, faictes en faire hastivement et sans delay punicion et justice, selon leurs demerites, rejetées toutes faveurs, tellement que ce soit exemple à touz autres[69].

Une nouvelle ordonnance, en date du 22 décembre 1438, vint confirmer les précédentes. Le Roi exposait que, bien que chaque capitaine ayant ordonnance de gens de guerre dût répondre des gens qu'il avait sous ses ordres et les punir au besoin, les gens de guerre de plusieurs garnisons commettaient fort souvent de très grands griefs, maulx et dommaiges, tels que prinses et raencons de biens, chevaulx, bestails, voitures, et aucunes fois des corps des personnes, dont plusieurs clameurs et complaintes venaient au Roi et au connétable, et que punition n'en avait point été faite ainsi qu'il appartenait, attendu que les malfaiteurs s'enfuyaient ou se retiraient dans leurs garnisons sans qu'on pût les appréhender ; voulant faire cesser de tels abus, il ordonnait au prévôt de Paris, ou à son lieutenant, que, toutes les fois que, soit dans le ressort de sa prévôté, soit autre part dans le royaume, il pourrait Saisir les délinquants, il s'emparât de leur personne et les fit mettre en prison. Dans le cas où le prévôt ne pourrait les appréhender, il devrait saisir leurs capitaines ou autres soudoyers, les mettre en prison, et ne les relâcher que lorsque les coupables auraient été remis entre ses-mains ; et si les coupables n'étaient livrés, les capitaines étaient rendus responsables, par prinse de leurs biens propres et detention de leurs personnes, des dommages causés[70].

Toutes ces mesures n'étaient que le prélude d'une ordonnance d'un caractère général, que commandait impérieusement la situation. Après avoir mûrement fait étudier la question au sein de son Conseil ; le Roi la porta devant les États généraux assemblés à Orléans au mois d'octobre 1439. Les résolutions prises trouvèrent leur sanction dans l'édit général, en forme de Pragmatique sanction, qui fut rendu à la date du 2 novembre 1439[71].

Voulant porter remède au mal et faire cesser les grans excès et pilleries dont se sont rendus coupables les gens de guerre, qui par long temps ont vescu et vivent sur le peuple, sans ordre de justice, le Roi, après avoir pris l'avis des princes du sang[72], prélats et autres seigneurs notables, barons, gens d'église, nobles et gens des bonnes villes réunis à Orléans, considerans la povreté, oppression et destruction de son peuple, ainsi destruit et foullé par lesdictes pilleries, déclare prendre les résolutions suivantes :

I. Comme une multitude de capitaines se sont élevés de leur autorité privée et ont, sans congé ni licence du Roi, assemblé un grand nombre de gens d'armes et de trait, dont sont survenus de grands maux et inconvénients, le Roi, voulant mettre dans le fait de la guerre bon ordre et discipline, décide qu'il y aura un nombre déterminé de capitaines pour la conduite de la guerre. Ces capitaines seront choisis par lui, parmi les preudes et sages gens ; à chacun d'eux sera attribué un certain nombre de gens d'armes et de trait. Le Roi révoque tous autres capitaines que ceux qui seront désignés par lui, et leur défend de se nommer capitaines à l'avenir, ni d'en remplir les fonctions, sous les peines ci-après déclarées[73].

II. Dans les compagnies de gens d'armes tenant les champs, le capitaine, ou ceux que le Roi aura désignés, choisiront des gens d'armes et de trait pris parmi les plus notables et souffisans et mieulx habilles. Le capitaine sera tenu de répondre d'eux et de leur gouvernement.

III. Le Roi défend à tous, sous peine de crime de lèse-majesté, c'est à savoir d'être à jamais, pour soi et pour sa postérité, privé de tous honneurs et offices publics, des droits et prérogatives de la noblesse, et d'encourir confiscation de corps et de biens, d'être assez osé ni assez hardi pour lever, conduire, mener ou recevoir une compagnie de gens de guerre sans les congé, licence, consentement et ordonnances du loi, donnés par lettres patentes. Il. défend en outre que nul ne prenne les armes ni ne se mette en la compagnie d'aucun capitaine, sinon d'un de ceux élus par le Roi et dans les limites de nombre qui lui seront prescrites.

IV. Nul capitaine ne recevra dans sa compagnie les gens d'un autre capitaine sans le consentement du Roi. Nul homme d'armes, gentilhomme ou autre, nul homme de trait ou autre homme de guerre ne quittera sa compagnie et ne se mettra en la compagnie d'un autre capitaine sans le congé et consentement de son capitaine, sous peine de privation d'honneur, confiscation de biens, perte des chevaux et harnais, lesquels seront acquis au capitaine.

V. Défense à tout capitaine de recevoir en sa compagnie aucun homme en sus du nombre.qui lui sera ordonné, sous peine de privation d'office et de confiscation de biens.

VI. Défense à tous capitaines, gens de guerre, et à tous autres, sous peine de crime de lèse-majesté, de piller, rober ou détrousser, de laisser piller, rober ou détrousser gens d'églises, nobles, marchands, laboureurs ni autres, soit sur les chemins, Soit en leurs hôtels ou ailleurs, en quelque manière que ce soit, non plus que de les prendre, emprisonner ni rançonner ; ils devront au contraire les laisser aller et passer, ou demeurer en leurs maisons et ailleurs, seurement et sauvement.

VII. Défense de prendre marchands, laboureurs, bœufs, chevaux, ni autres bêtes de harnais, d'empêcher la circulation des voitures, denrées et marchandises, ni de les rançonner en aucune manière.

VIII. Défense de prendre aucun bétail ni de rançonner à ce propos.

IX. Défense de détrousser blés, vins et autres biens quelconques, ni de les gâter, jeter dans des puits et défoncer les vaisseaux qui les contiennent.

X. Défense de couper les blés, de les faire paître par des chevaux ou autres bestiaux, de les battre avec chevaux, gaules ou bâtons, qu'ils soient en herbe ou en épi.

XI. Défense de battre et couper les vignes et arbres fruitiers.

XII. Défense de contraindre ou laisser contraindre personne à rançonner les blés, vins et fruits, qu'ils soient récoltés ou sur terre.

XIII. Défense de mettre ou laisser mettre le feu aux gerbes, maisons, foins, pailles, lits, linges, langes, ustensiles et ménages d'hostel, cuves, pipes, pressoirs et autres vaisseaux, ne en autre chose pour les faire ardoir, en quelque manière que ce soit.

XIV. Défense de découvrir et abattre les couvertures des maisons, de rompre les cheminées, de prendre les charpentes pour les mettre au feu et se chauffer ni pour autre motif que ce soit.

XV. Le Roi ordonne de laisser labourer toutes manières de laboureurs et ouvrer toutes manières d'ouvriers, de quelque métier qu'ils soient, sans leur donner aucun empêchement, sans les prendre ou rançonner, ni les priver de leurs outils.

XVI. Le Roi défend, sous les mêmes peines, que nul, de quelque état ou condition qu'il soit, ne coure par voies et chemins — ce qu'on appelle aller à l'estrade — pour piller, rober et détrousser les passants, etc., ne guette les chemins, ne pille les maisons des gens d'église, bourgeois, marchands, laboureurs, gens de métiers ou autres, de quelque état ou condition qu'ils soient ; il ordonne à tous sénéchaux, baillis, prévôts et autres justiciers de son royaume, et à tous nobles hommes et autres, que, dès qu'ils sauront telz robeurs, pilleurs et guetteurs de chemins être sur le pays, il les prennent et marchent contre eux à main armée, comme ils feraient contre leurs ennemis, et, les livrent à la justice ; il donne à ceux qui les prendront les chevaux, harnais et autres biens trouvés sur eux, avec toute leur dépouille[74]. Si dans le conflit quelqu'un des délinquants est tué, nulle poursuite ne sera intentée à ce sujet.

XVII. Le Roi commande à tous capitaines et gens de guerre qu'ils vivent doucement et paisiblement, sans molester le peuple et sans faire excès de despens soit pour hommes ou pour chevaulx, mais vivent raisonnablement, et soient contons de telz vivres comme ilz trouveront, ainsi que gens de raisonnable gouvernement deveroient estre, sans contraindre leurs hostos ou autres à leur bailler oultrageuse habondance ne aussi delicieuseté de vivres, ne à leur bailler argent ou autres choses, soit pour vivres, soit pour harnois, ou pour quelque autre couleur que ce soit

XVIII. Chaque capitaine ou lieutenant sera responsable des excès, maulx et oultrages commis par les gens de sa compaignie. Dès qu'une plainte sera faite au capitaine, il saisira le délinquant et le livrera à la justice pour être puni. En cas d'omission, dissimulation ou délai, ou si par sa négligence le délinquant s'évade, le capitaine sera responsable du délit et subira telle peine qui aurait été infligée au délinquant.

XIX. Tous ceux qui, étant témoins des excès dessus dits, ne s'y opposeront point, ne saisiront point le coupable s'ils le peuvent, ou ne signaleront point les délinquants à la justice, seront ténus pour complices et punis comme tels.

XX. Injonction est faite aux gens du Parlement, gens des comptes et trésoriers, généraux sur le fait de la justice, baillis, sénéchaux, prévôts, etc., et à tous justiciers du royaume, d'observer et de faire observer la présente ordonnance, en punissant les délinquants sans deport.

XXI. Ils feront information sur tous les excès et délits commis en leurs sénéchaussées, bailliages et territoires, au mépris de la présente ordonnance ; et si, à cause de la puissance de certains des délinquants ou de l'appui que leur donneraient de grands seigneurs, ils ne peuvent en faire justice et punition, ils les renverront incontinent devant le Roi ou le Parlement.

XXII. Et comme certains justiciers pourraient hésiter à punir les délinquants si le délit n'avait point été commis sur leur territoire, le Roi donne pouvoir à tous sénéchaux, baillis, prévois et autres juges de son royaume, dans le cas où ils ne seraient pas juges royaux, de punir les délits, crimes et excès, alors même qu'ils n'auraient point été commis dans leur juridiction.

XXIII. Le Roi veut et ordonne que tout justicier qui se montrerait négligent, refusant ou délayant de faire punition et justice des cas dont il aura connaissance, soit par le fait même privé de fout honneur et office public, et puni comme fauteur et adhérent. Le Roi ordonne à son procureur général et à ses autres procureurs de le poursuivre jusqu'à ce que jugement s'ensuive.

XXIV. Le Roi veut et ordonne que ses justiciers soient tenus, aussitôt qu'ils auront connaissance de quelque infraction à cette présente ordonnance, de sommer le capitaine de leur livrer le délinquant pour en faire justice et punition, et de procéder contre le capitaine, si celui-ci était refusant et délayant, par voie de justice et par prise de sa personne et de ses biens, en quelque lieu qu'il se puisse trouver, sauf en lieu saint. On procédera au besoin à main armée, et si l'action est impuissante, on enverra incontinent les informations, sommations et procès au Roi et au Parlement, pour y être pourvu. Tout juge royal ou autre officier qui serait refusant ou délayant, est déclaré privé de son office, et sera en outre puni comme recepteur et fauteur des délinquants.

XXV. Comme souvent les destrousses, pilleries, raenconnemens et autres malefices dessus declairez sont commis dans des lieux et chemins où l'on ne peut avoir promptement aide de justice ni recours au capitaine, le Roi veut et ordonne que tout homme blessé ou maltraité puisse, par acclamacion ou autrement, assembler gens à armes et autrement contre telz delinquans, et les prendre par force et mener à justice. Aucune poursuite ne sera intentée si dans ce conflit quelque délinquant est tué.

XXVI. Le Roi ordonne que les capitaines et gens de guerre seront établis en garnison dans les places des frontières désignées par lui ; ils y demeureront, et n'en pourront sortir sans son mandement ; aucun n'ira vivre sur le pays, en quelque manière que ce soit, sous peine de crime de lèse-majesté.

XXVII. Le Roi abandonne tous capitaines et gens de guerre qui enfreindraient la présente ordonnance, et veult et ordonne que chascun, par voye de fait, assemblée de gens et par force d'armes, leur resiste ; et donne le Roy à un chascun congié, auctorité et licence de ce faire.

XXVIII. Le Roi veut et ordonne que les chevaux, harnais et autres biens qui seront pris sur les capitaines et autres gens de guerre ayant enfreint la présente ordonnance, appartiennent à ceux qui les auront conquis, sans qu'ils puissent jamais être inquiétés à ce sujet, alors même que quelqu'un serait tué dans le conflit.

XXIX. Le Roi déclare que son intention est de n'accorder aucune lettre de rémission aux infracteurs de la présente ordonnance ; et si, par importunité de requérant ou autrement, il en donnait, if veut et ordonne, mande et commande à sa Cour de Parlement, à tous ses officiers et autres justiciers de son royaume, qu'ils n'y obéissent en aucune manière, et, nonobstant les 'lettres de rémission, fassent punition et exécution des délinquants, sous peine d'être privés de leurs offices.

XXX. Et comme certains seigneurs, barons et autres capitaines tiennent dans leurs forteresses et châteaux, et aussi dans d'autres lieux fortifiés ou églises, dans les pays obéissant au Roi, des gens d'armes et de trait qui oppriment journellement ses sujets, le Roi ordonne et commande que ces garnisons soient, dissoutes, que les seigneurs gardent leurs forteresses à leurs dépens, sans dommage pour le peuple, et que les antres places et églises soient, rendues à ceux auxquels elles appartiennent.

XXXI. Le Roi mande et commande aux seigneurs et capitaines tenant garnison en leurs places, de les faire évacuer ou de les garder à leurs dépens, sans rien prendre sur ses sujets, sous peine de crime de lèse-majesté.

XXXII. Tout seigneur ou autre qui tiendra dans ses forteresses des gens qui commettront des excès ou délits, sera ténu d'en répondre, ainsi qu'il est dit plus haut des capitaines, et sous les mêmes peines.

XXXIII. Le Roi défend à tout seigneur, capitaine de gens d'armes, ou autre quelconque, d'assaillir, rançonner ou prendre aucune forteresse appartenant à autrui, dans son obéissance, sous les mômes peines.

XXXIV. Le Roi défend, sous les mômes peines, à tout homme de quelque condition qu'il soit, noble ou autre, de recevoir, cacher, aider ou favoriser, par lui ou par ses gens, ou autrement, les infracteurs de la présente ordonnance, ni de leur donner conseil, confort ou aide en aucune manière, sous prétexte d'amitié, de lignage ou autrement ; ils devront au contraire, aussitôt avisés de la présence d'un délinquant, se saisir de sa personne et le livrer à la justice, par assemblée de gens d'armes et autrement par tous les moyens possibles. Le Roi leur donne la détrousse des délinquants.

XXXV. Dès à présent le Roi déclare confisqués les lieux où les délinquants seraient cachés, que ces lieux soient château, baronnie, seigneurie, maison forte ou autre, sans que restitution en puisse jamais âtre faite.

XXXVI. Comme plusieurs seigneurs, barons et autres, capitaines de gens d'armes et de forteresses, et autres officiers, ont, au temps passé, sous prétexte de garde de leurs places, obligé leurs sujets et ceux qui habitent dans leurs terres ou dans le voisinage, à leur fournir des vivres et de l'argent pour l'avitaillement des forteresses, prélevé sur les marchands des sommes de deniers ou des vivres et marchandises, augmenté les droits de péages, le Roi, ne voulant plus laisser passer de telles choses sous dissimulation, ordonne que ces exactions cessent dorénavant et les prohibe et défend.

XXXVII. Le Roi défend à tous seigneurs, barons, capitaines et gardes de places, forteresses, ponts et passages, et à tous autres, de contraindre ses sujets à leur payer quoique ce soit, en dehors des devoirs et rentes qui leur sont dus, sous peine de confiscation de corps ou de biens ; dès à présent le Roi déclare confisquées les terres, seigneuries et forteresses où de telles exactions seront commises.

XXXVIII. Le Roi veut et ordonne que sitôt qu'une plainte ou clameur, relativement à ces exactions, sera venue au seigneur d'un lieu, il les fasse cesser, que restitution de ce qui aura été exigé soit faite, et que les délinquants soient punis ; faute de ce, il encourra les peines ci dessus énoncées.

XXXIX. Le Roi défend pareillement à tous seigneurs, barons, capitaines, etc., sous les mômes peines, de rien prélever sur les denrées et marchandises passant par voie de terre ou par les rivières, ni d'exiger aucune somme au delà du droit de péage ordinaire. Restitution sera faite de ce qui aurait été pris indument.

XL. Le Roi ordonne à tous seigneurs, barons et autres, ayant péages, de les remettre à l'ancienne manière et coustume.

XII. Et comme il arrive souvent, après que, du consentement des trois estas, le Roy a fait mettre sus aucune taille sur son peuple pour le fait de la guerre et luy subvenir et aider à ses necessitez, les seigneurs, barons ou autres empeschent et font empescher les deniers de ladicte taille, et aussi des aydes du Roy, en leurs terres et seigneuries, et les aucuns les prennent, soubz couleur qu'al aient esté assignez et aucunes sommes leur estre deues ou avoir esté promises par le Roy ; et aucuns autres croissent et mettent avec, par dessus la taille du Roy, sur les subgetz et autres, grans sommes de deniers qu'ils font lever avec et ; soubz couleur de la taille du Roy, par quoi le Roy est empesché et ne peult estre payé des deniers de la taille par son peuple, le Roy ordonne, mande et commande que doresenavant toutes telles voyes cessent.

XLII. Et avec ce le Roy deffend que doresenavant aucun, de quelque estat ou condicion qu'il soit, ne prengne, arreste ne detiengne les deniers des tailles et aydes du Roy, soit pour don ou assignation à luy faicte par le Roy, ou pour autre debte à luy deue par le Roy, mais laisse et seuffre lesdiz deniers des tailles et aydes du Roy estre levé et cceuilly par les commis à ce et par les receveurs sur ce ordonnez par le Roy, sans en aucune manière les empescher ne souffrir estre empeschez aù contraire, et sur peine de -confiscacion de corps et de biens, et expressement du lieu, seigneurie et terre où l'empeschement aura esté donné, ainsi comme dit est dessus enautres choses.

XLIII. Et avec ce le Roi deffend à tous seigneurs, barons, capitaines et autres officiers, que doresenavant ils ne mettent aucune creue et par dessus la taille du Roy, soubz quelque cause ou couleur que ce soit, et sur peine de confiscacion de corps et de biens, et specialement de la seigneurie où ladicte creue et par dessus aura esté mis sus ladicte taille.

XLIV. Et pour ce que plusieurs mettent tailles sus en leurs terres sans licence et congé du Roy, pour leur voulenté ou autrement, dont le peuple est moult opprimé, le Roy prohibe et deffend à tous, sur lesdictes peines de confiscation de biens, que nul, de quelque estat ou condicion qu'il soit, ne mette ne impose taille ne autre ayde ou tribut sur ses subgez ou autres, pour quelque cause ou couleur que ce soit, sinon que ce soit de l'auctorité et congé du Roy, et par ses lettres patentes ; et declare le Roy, dès à present, le Heu ou seigneurie où telz tailles ou aydes seront mis sus, sans ses atictorité et congé, commis et confisquez envers luy.

Que résulte-t-il de l'ordonnance de 1439 ? Ici nous laisserons la parole à un juge compétent et peu suspect : C'est d'abord que le Roi veut avoir et qu'il aura une armée à lui ; c'est ensuite que cette armée est faite pour servir le pays et non pour le rançonner. Une innovation imprévue, et qui dut causer un grand scandale à quelques-uns et une grande joie au plus grand nombre, est aussi annoncée à plusieurs reprises : c'est le droit égal pour tous d'être respecté dans sa vie et dans ses biens, et de pouvoir se défendre par tous les moyens. Ainsi, par un seul coup de vigueur, le Roi s'affranchissait de l'aristocratie militaire, il se donnait une armée, et il s'assurait l'obéissance et le dévouement de toutes les classes laborieuses contre l'insubordination féodale[75].

Cette loi, dit M. Isambert[76], est l'une des plus importantes de la Monarchie : 1° elle consacre le principe de la résistance avec armes et voies de fait contre l'oppression des gens de guerre et des barons ; 2° elle consacre l'établissement d'une force militaire permanente ; 3° elle contient l'aveu que le Roi peut imposer des tailles sans le consentement des États et que les seigneurs ne peuvent en lever.

L'ordonnance du 2 novembre fut publiée dans les deux mois qui suivirent sa promulgation[77], et des mesures furent prises immédiatement pour assurer son exécution. Quelques jours après, le Roi écrivait aux habitants de Reims qu'il avait donné aux gens de compagnies l'ordre d'évacuer leur territoire, et qu'il ferait faire punition, à l'exemple d'autres, de ceux qui ne lui obéiraient pas[78]. Le 17 novembre suivant, Jacques de Chabannes, ayant été nommé sénéchal de Toulouse, eut à prêter serment devant le Parlement. Avant que cette formalité fût remplie, l'avocat du Roi, Guillaume Jouvenel, prit la parole et dit : Ledit de Chabannes a tenu à Corbueil et au Boys de Vincennes, dont il est chief et capitaine, beaucoup de gens de guerre qui ont fait plusieurs maulx et pilleries, et peu d'obeissance, à justice. Mais qui plus est, le lieutenant dudit de Chabannes à Corbueil a, de fait et de force, prins les fruiz estans soubz la main du Roy à cause de certains procès pendant ceans. Si requiers que, avant que ledit de Chabannes soit reçeu à faire ledit serement, il lui soit defendu, à grosses peines, que de cy en avant il cesse de faire ou souffrir faire par sesdictes gens telz maulx et pilleries, et que commandement lui soit fait, soubz sesdictes peines, qu'il face restablir ès mains du commissaire lesdiz fruiz que son lieutenant a euz, et qu'il face, en oultre, en tout et partout, obeir à justice par tous ceulx qu'il appartendra. Jacques de Chabannes était déjà sénéchal de Bourbonnais : la Cour exigea qu'il renonçât à cet office, ne pouvant tenir deux sénéchaussées à la fois. Le serment fut alors reçu, après que défense eut été faite au sénéchal, sons peine d'une amende de cent marcs d'or, de commettre aucune voie de fait ; et ordre lui fut donné, sous la même peine, de faire obeir ses gens et subgiez à justice. Enfin on fit jurer à Chabannes de faire tenir, observer et garder les ordonnances royaulx nouvellement faictes à Orleans, ès trois estatz, sur le fait des gens d'armes et pilleries qu'ilz font[79].

Nous avons vu plus haut que Charles VII se rendit à la fin de novembre à Angers, et qu'il prit aussitôt des mesures pour faire exécuter l'ordonnance du 2 novembre[80]. Il ne sera pas mutile de citer ici textuellement les témoignages contemporains.

Le Roy assembla son Conseil, dit Berry, advisant qu'à tenir tant de gens vivans sur les champs et destruisant son peuple, que ce n'estoit que toute destruction, et qu'à un chascun combattant failloit dix chevaux de bagaige et de fretin, comme paiges, femmes, vallets et tonte telle manière de coquinailles qui n'estoient bons qu'à destruire le pauvre peuple. Si ordonna le Roy, par meure deliberacion de Conseil, de mettre tous ses gens d'armes ès frontières, chascun homme d'armes à trois chevaulx et deux archers ou trois, et non plus ; et seroient faictes leurs monstres et payez tous les moys, et chassez dehors tout le demeurant du harpail. Et pour ce faire et coin, mencer telle ordonnance, le Roy fit bailler et delivrer à : tous ses capitaines argent et artillerie[81].

Voici d'autres détails, tirés du mémoire rédigé à Montferrant, pendant la Praguerie, par les soins de la-chancellerie royale : Lesdiz capitaines avoient fait serment au Roy de netoyer leurs compaignies et faire leurs monstres devant monseigneur le connestable, et le Roy les devoit payer tous les mois doresenavant, et devoient estre logez ez places qui cy s'ensuivent. C'est assavoir : Brusac à Saincte-Suzanne soubz monseigneur d'Alençon ; Blanchefort à Chasteaugontier ; Jean d'Apchier et le bastart de la Trimoille à Craon ; Jean Girard, le bastart de Beaumannoir et le bastart Sorbier à la Gravele ; Floquet et Jean de Brezé à Durestal et à Bangé ; Anthoine de Chabannes à Dreux ; Poton et plusieurs autres capitaines gascons à la Ferté-Bernard et à Beaumont ; Louis de Valprague (Valpergue) et Berrete à Montdoubleau ; le sire de Pannessac et Yon du Puy, Arnanit Gnillen de Bourguignan et le bastart de Harcourt à Charires ; le bastart de Bourbon à Beauvais, à Eu et à Dieppe, soubz monseigneur le comte d'Eu ; les gens de monseigneur le connestable en l'Isle de France. Et pour ladicte ordonnance eurent de grans dons du Roy et grandes pencions, sans le payément de leurs gens ; desquelles pencions ils estoient assignez à Tournay, speciallement le bastard de Bourbon, deux mille franx tous les ans ; Anthoine de Chabannes, douze cens franx ; Blanchefort, mille franx. Et alors firent de grans seremens au Roy, en son plain Conseil, de tenir lesdictes ordonnances[82].

Un autre document nous apprend que le Roi, en se saignant et en empruntant à ses officiers, put assurer le paiement de ses gens d'armes pendant un mois, et qu'il dépensa pour cela la somme énorme de vingt-huit à trente mille francs ; il avait même réuni des fonds pour pourvoir à la solde du mois suivant[83].

La Praguerie vint renverser les plans si mûrement élaborés et tout remettre en question. Nous avons entendu les plaintes amères proférées par le Roi au sujet des traverses qui l'avaient empêché de détruire les pilleries, comme il se proposait de le faire. La réglementation de l'armée se trouva retardée de cinq ans par la révolte du duc de Bourbon et du Dauphin.

Dans les conférences tenues avec les princes révoltés, le Roi proclama hautement les principes que désormais il entendait faire prévaloir. Il exigeait que les princes donnassent congé à toutes manières de gens d'armes et de trait qu'ils tenaient et que depuis longtemps ils avaient tenus sur les champs, à sa très grande déplaisance, au préjudice de ses sujets et contre raison ; car, disait-il, toute la guerre du royaume appartient au Roy et à ses officiers, et non à autre, et n'est nul si grant audit Royaume qui puisse ou doive mouvoir guerre ne tenir gens d'armes en icelluy sans l'auctorité, commission et mandement du Roy ; et qui fait le contraire doit perdre et confisquer corps et biens envers luy, selon les droits[84]. En outre, le Roi entendait que tous les capitaines qui avaient prêté serment à Angers lui fussent livrés, pour en faire et ordonner ainsi qu'il appartient par raison. Voici en quels termes il signifiait sa loi aux princes : Et pour ce que le Roy veut mettre ordre à sa guerre et faire cesser la pillerie qui a esté jusques à present sur son peuple, par la desordonnance que chascun a voulu prendre et lever gens sans l'auctorité et congié du Roy, ce qui ne se peut ou doit faire, le Roy veut et ordonne que doresenavant toutes gens d'armes et de trait soient soubz luy, et que nul seigneur de son sang ou autre, de quelque estat qu'il soit, ne tendra ne n'aura gens sur les champs, et que chascun desdiz seigneurs de son. sang jure tenir et garder ceste presente ordonnance[85].

Aussitôt après la Praguerie, Charles VII affirma par des actes sa volonté de ne plus laisser sans répression les excès commis par les gens de guerre. Dans ses lettres du 5 juillet, par lesquelles il nommait le comte du Maine lieutenant général et gouverneur dans ses provinces du midi, il manifestait l'intention de préserver le Languedoc de plusieurs pilleries, roberies et autres griefs, maux et oppressions dont se rendent journellement coupables plusieurs rotiers et gens de compagnies qui sont entrez et s'efforcent d'entrer en icelui païs, et pourroient encore plus faire à l'avenir, à la grande charge, desolation et destruction de ses subgets, se pourveu n'y estoit[86]. Le 18 juillet, il écrivait aux habitants de Reims, en réponse à des plaintes sur les maux commis par les garnisons du Valois, qu'il prenait des mesures pour faire cesser ces excès[87]. Le 27 juillet, à Charlieu, le Roi donnait des lettres portant confiscation des biens de Jacques de Pailly, dit Forte-Espice, un des plus acharnés pillards du temps — lequel, après avoir commis toutes sortes de crimes, venait de mourir —, et déclarant également confisqués tous les biens de ses complices[88]. Le 18 septembre, à Orléans, il ordonnait d'employer une somme de onze mille cinq cents livres, levée sur le Poitou, à faire évacuer les garnisons qui désolaient cette contrée[89]. Le 7 novembre, à Chartres, il annonçait l'intention de rassembler tous les gens de guerre vivant sur le pays, et, après délibération du Conseil, il prenait des mesures pour assurer leur solde et empêcher tout désordre de leur part[90].

Nous avons vu avec quelle énergie le Roi poursuivit l'exécution de ses desseins durant les premiers mois de 1441, employés à pacifier les provinces de l'est et à réprimer les excès dont les populations avaient eu si cruellement à souffrir ; nous avons raconté le supplice infligé au bâtard de Bourbon et à d'autres chefs de compagnies ; nous avons enregistré les édits rendus contre les pillards[91]. L'ordonnance réglant les rapports entre les gens de guerre des pays du Roi et ceux des duchés de Lorraine et de Bar, donnée à. Saint-Mihiel, le 4 mars 1441, d'accord avec les conseillers du roi de Sicile, n'était que l'application pratique des principes qui avaient inspiré la grande ordonnance du 2 novembre 1439[92].

Ce que Charles VII avait opéré dans l'est en 1441, il le fit dans l'ouest l'année suivante, procédant avec une inflexible rigueur, et forçant les 'capitaines les plus rebelles à reconnaître sa loi[93]. Les officiers royaux, enhardis par l'énergie que déployait le Roi, commencèrent à sévir contre les capitaines. Vers cette époque, la justice de Moulins fit saisir et exécuter un des plus insubordonnés parmi les chefs de bande, lequel n'est connu que par son sobriquet de Tempeste[94]. Mais si les provinces de l'est et de l'ouest furent placées dans une situation relativement plus favorable, le midi resta la proie des routiers. Les actes des années 1442 et 1443 attestent la profondeur du mal, en même temps que l'inefficacité des remèdes[95]. Pour éviter le passage des gens de guerre revenant de l'expédition de Guyenne, les États d'Auvergne durent payer aux capitaines une somme de vingt-quatre mille livres[96] ; les États du Bas-Limousin payèrent quatre mille livres pour le même objet[97].

Le Roi, étant à Limoges, au mois de mai 1442, fit un règlement pour les gens de guerre occupant les frontières de l'Anjou et du Maine, et nomma des commissaires pour assurer l'exécution de son ordonnance[98]. En juin 1443, à Poitiers, le Roi, en présence des princes chi sang et 'des membrés de son Conseil, délibéra sur les mesures à prendre ; il fut décidé une fois de plus que tous les gens de guerre seraient logés sur les frontières, et que ceux qui ne seraient point employés retourneraient dans leurs foyers[99]. Le Dauphin, nommé lieutenant général dans les pays situés au delà de la Seine et de l'Yonne, eut mission spéciale de réprimer l'indiscipline des gens de guerre et de leur assigner des garnisons ; on voulait par là faire cesser tout désordre, et donner à chacun la faculté de demourer seurement en son hostel et de pourvoir à ses afferes, labeurs et marchandises[100]. Par un mandement daté de Senlis, le 5 octobre 1443, le Dauphin donna commission de publier l'ordonnance du Roi et de faire commandement exprès à tous gens de guerre tenant la campagne, soit de rejoindre dans les quatre jours leurs capitaines sur les places frontières, soit de se retirer sans délai en gagnant les rives opposées de la Seine et de l'Yonne ; ordre était donné de restituer ce qui avait été pris, chevaux, voitures et biens quelconques ; en cas de refus ou de délai calculé, le prévôt de Paris était investi du droit absolu de contraindre les délinquants par la force des armes[101]. D'autres mesures furent prises pour alléger le fardeau que la présence des gens de guerre sur la frontière des ennemis faisait peser sur les habitants de l'Anjou et du Maine et en vue de la concentration des troupes sur les frontières[102]. Nous avons enfin un règlement fait, au commencement de 1444, pour la réforme de l'armée : le Roi réduisait à treize le nombre des capitaines qui devaient se tenir sur les champs en attendant la saison nouvelle ; chacun d'eux devait avoir sous ses ordres cent lances et deux cents hommes de trait[103].

C'est ainsi que Charles VII préludait à l'organisation définitive qu'il devait bientôt donner à son armée par la formation des compagnies d'ordonnances.

 

 

 



[1] Isambert, dans le Recueil général des anciennes lois françaises, t. IX, p. 57, note 3.

[2] Voir t. I, chap. XI.

[3] Mais que pouvait Charles VII ?... Avec quelles forces réprimerait-il ces écorcheurs des campagnes, ces terribles petits rois de châteaux ? C'étaient ses propres capitaines, c'était avec eux et par eux qu'il faisait la guerre aux Anglais. (Michelet, Histoire de France, t. V, p. 218.) — Les nécessités de la guerre n'auraient guère permis à Charles VII de s'aliéner les compagnies, avant qu'il eût remporté des succès propres à leur inspirer le respect et la crainte du pouvoir. (H. Dansin. Histoire du gouvernement de la France pendant le règne de Charles VII (1858), p. 77.)

[4] Dans les instructions données en avril 1435 à ses ambassadeurs en Angleterre, le duc de Bourgogne dit que les troupes de Charles VII sont composées d'étrangers qui ne lui coûtent rien, car ils vivent sur le peuple, sans avoir aucuns gages ni paiement. Collection de Bourgogne, 99, p. 424.

[5] En 1436, les habitants de Reims envoyaient vers le Roi, e pour avoir provision sur le fait des aides et sur certaines gens d'armes appelez les escorcheurs. Neuvième compte des octrois et patrimoniaux, cité par Varin, Archives législatives de la ville de Reims, 2e partie, t. I, p. 629 note.

[6] Olivier de la Marche, t. I, p. 243.

[7] Antoine de Chabannes.

[8] Jean Chartier, t. I, p. 215-216 et 241.

[9] Cité par M. de Fréville, les Grandes Compagnies au quatorzième siècle, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. V, p. 447.

[10] Cité par le même, t. III, p. 268-269. — Voir Œuvres de Froissart, publiées par le baron Kervyn de Lettenhove, t. XIV, p. 164.

[11] Olivier de la Marche, t. I, p. 241.

[12] Saintrailles s'était fait délivrer par le Pape, au mois d'avril 1436, des lettres d'abolition pour tous crimes et excès commis dans les guerres. Mss. Du Chesne, 18, f. 179.

[13] Canat, l. c., p. 379 ; Quicherat, Rodrigue de Villandrando, p. 145.

[14] Six ans a ou environ, ung nommé l'emperle, capitaine de gens d'armes et de trait, fut logié entre les rivières de Loire et de Alier, et illec faisoient plusieurs grans maulx, pilleries et voleries..... Lettres du 6 mars 1447. Archives, LI 178, n° 123, éd. par M. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 457. Cf. lettres de juillet 1447 (p. 459) et de mars 1448 (p. 461), et Canat, p. 460.

[15] Et ung aultre qui se dit lieutenant d'un capitaine nommé La Fouldre..... Lettres de décembre 1441. Archives, JJ 176, n° 384, éd. par M. Tuetey, t. II, p. 465.

[16] Saintrailles était premier écuyer dès 1429. La Hire était écuyer d'écurie dès 5427 et devint bailli de Vermandois. Rodrigue de Villandrando avait été nommé écuyer d'écurie en 1430, après la bataille d'Anthon ; bientôt il devint conseiller et chambellan. Bernard, dit Santon de Mercadieu, était écuyer d'écurie en 1434, et Jean de Pailly, dit Forte-Épice, en 1436. Robert de Floques, dit Floquet, était pannetier dès 1426 et devint écuyer d'écurie. Gautier de Brusac était écuyer d'écurie en 1437, et Pierre de Brusac parait avec ce titre en 1444. Jean de Salazar fut nommé écuyer d'écurie en 1440, en récompense de sa conduite durant la Praguerie.

[17] Voir chapitre premier.

[18] Lettres de rémission dans les Registres du Trésor des chartes, passim. Voir en particulier JJ 177, n° 117 et II 179, n° 112, dans Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 438 et 444 ; JJ 177, n° 112 ; 178, n° 170 et 191 ; 179, n° 9 ; JJ 180, n° 140 ; JJ 181, n° 253 et 287, etc.

[19] Épître de 1433. Ms. fr. 2701, f. 2.

[20] Épître de 1440. Ms. fr. 2701, f. 8.

[21] Thomas Basin, t. I, p. 56.

[22] Thomas Basin, t. I, p. 102.

[23] On lit à ce propos dans le Registre des Argentiers de la ville d'Abbeville, à l'année 1433 : A Jehan Pohier, guette du cloquier à Saint-Wifran, XXXVII l. p. à lui payées pour avoir esté par chascun jour durant l'an... ondit cloquier depuis le matin jusqu'à vespres, pour sonner une des cloques... quant il veoit venir... gens à queval vers la ville, afin que chacun fust sur sa garde et pour la seureté de la ville, vers les portes et places où il appercevoit lesdictes gens à queval, et qu'il monstroit par signes sur les plongs dudit cloquier. Histoire ancienne et moderne d'Abbeville, par Ch. Louandre (Abbeville, 1834, in-8°), p. 204.

[24] Thomas Basin, t. I, p. 45-46.

[25] Les unes ont été publiées par M. Canat, Notes et documents, etc., p. 448-485, les autres par M. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 301-380.

[26] Canat, p. 474.

[27] Canat, p. 454.

[28] Canat, p. 455 et 469.

[29] Canat, p. 455-54, 459, 464-65 ; Tuetey, t. II, p. 861.

[30] Canat, p. 466, 467 ; Tuetey, t. II, p. 329, 354, 357, 358, 363, 364, 368, 371.

[31] Et disoient lesdites gens d'armes que d'icelles ransons fere fis avoient mandement patent du Roy nostre sire ; toutefois ne le voulsirent monstrer. Canat, p. 461.

[32] Tuetey, t. II, p. 337 et suivantes ; Canat, p. 463.

[33] Canat, p. 459.

[34] Tuetey, t. II, p. 302, 311, 312 et suivantes, 320, 323, etc. Cf. p. 379.

[35] Mémoire sur les dommages causés par les gens de guerre du Dauphin en 1444. Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 92.

[36] Voir plus haut le passage cité de Jouvenel des Ursins. Cf. Canat, p. 459 et suivantes, 463-61, 466 ; Tuetey, t. II, p. 356, 357, 366, 368, 370, 372.

[37] Archives de Reims.

[38] D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, col. 29.

[39] D. Calmet, t. VI, Preuves, col. CLXII.

[40] Archives de la Loire-Inférieure, E 93.

[41] Canat, p. 459 et suivantes ; Tuetey, l. c., t. I. p. 39, note.

[42] Archives de Turin. Negoz. con Francia, mazzo I, n° 17.

[43] Archives de Tours. Registres des Comptes, vol. XXVI, f. 111-113 ; vol. XXVII, f. 52.

[44] Rapport de Chambellain, envoyé de la ville de Tours : Le Roy avoit esté et estoit très desplaisant et fort corrocié quant il avoit recru lesdictes nouvelles, et que le Roy a commandées lettres pour envoyer audit Flocquet et pour le faire desloger... Et avec ce Fouquet Guidas, present à oir ledit rapport datât Chambellain, a dit que le Roy l'avoit envolé par deça et lui avoit chargé de dire audit Floquet que incontinent vuide le pais de Touraine, et que par lui le païs de Caux a esté destruit ; et que ou cas que ledit Floquet ne vouldra obeir, que le Roy a dit qu'il y vendra en personne et lui fera trancher la teste. Registres des Comptes, vol. XXVII, f. 62 v°.

[45] Lettres missives aux habitants de Reims, en date des 22 janvier et 18 novembre 1439. Archives de Reims.

[46] Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 149 ; t. II, p. 65-70.

[47] Mss. fr. 20579, n 42, et 26062, n° 3056 ; Quicherat, Rodrigue de Villandrando, p. 131.

[48] D. Vaissète, t. IV, p. 486.

[49] Lettre missive aux habitants de Reims, en date du 1er août 1437. Archives de Reims.

[50] Troisième compte d'Étienne Bernard. Cabinet des titres, 685, f. 47.

[51] Lettres de l'évêque de Laon en date du 26 août 1438. Ms. fr. 25967, n° 570.

[52] Lettres de Charles VII du 17 septembre 1438 : Charles royales, XIV, n° 119 ; Quittance des capitaines : Pièces originales, 213 : BÂTARDS. Cf. Quittance de Saintrailles publiée par Vallet de Viriville, t. II, p. 484, note.

[53] Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 150 et 248 ; t. II, p. 100 et 103.

[54] Quittance de Beraud, seigneur d'Apchier, du 4 septembre ; autre quittance du même mois. Pièces originales, 78 : APCHIER ; Ms. fr. 26427, n° 90.

[55] Lettres des 14 et 15 novembre 1438. Mss. fr. 20417, f. 9 et 10 ; 20409, f. 27, et 23901 ; Quicherat, Rodrigue de Villandrando, p. 312.

[56] Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 151 et 197.

[57] Lettres de Charles VII du 4 mars 1439. Archives, K 64, n° 34.

[58] Pièces originales, 621 : CAULIGNEN.

[59] Lettres de Charles VII du 6 février 1440 : Collection de Languedoc, 89, f. 224 ; Quittance du 6 juin 1439 : Collection de Languedoc, 109, f. 176 ; D. Vaissète, t. IV, p. 492 ; Quicherat, Rodrigue de Villandrando, p. 171, 316, 318, 321-322.

[60] Lettres du 9 septembre 1436 pour la levée d'une aide sur le vin dans la prévôté de Paris. Ordonnances, t. XIII, p. 227.

[61] Lettres du 24 janvier 1437. Pièces originales, 2756 : SAINT-HAON.

[62] Chronique d'Alençon, dans Du Chesne, 48, f. 107.

[63] Quittance du 24 février 1438. Clairambault, 194, p. 7669.

[64] Pour lui aidier à paier la despense qu'il a faicte, nous estans à Saint-Jehan d'Angely et ailleurs par delà, eue par nous consideracion au bien et prouftit qu'il a fait met pays, à la vuidenge des paieries et autrement, et y donner provision, en qnoy il a pries grant peine et travail, et au bon service qu'il nous y a fait. Lettres de Charles VII du 14 avril 1438. Ms. fr. 20385 ; f. 4.

[65] Quittance de 200 l. t. donnée le 14 juin 1438, pour ung voyage que j'ay nagaires fait, par le commandement et ordonnance de mondit seigneur (le Roi), en certaines parties du païs de Languedoc par devers certains capitaines de gens d'armes et de trait, pour leur dire et remontrer de par ledit seigneur aucunes choses touchas le bien de lui et de sa seigneurie. Clairambault, 52, p. 3911. Cf. lettres de l'évêque de Laon du 10 avril 1438, dans Fontanieu, 117-118.

[66] Ordonnances, t. XIII, p. 260.

[67] Par quoy et aussi par plusieurs garnisons desdis gens de guerre estais en aucunes places et forteresses qui ont pillié, robé, raençonné et apatissé les pays d'entour eulz et font mares chascun jour, plusieurs desdis pays sont demeurez comme desers et inhabiles et pourroient les autres estre semblablement, se briefvement n'y estoit remedié. Archives de Reims.

[68] Vidimus, aux Archives de Reims. D'autres ordonnances, précisant le nom des capitaines, furent rendues, les déclarants habandonnez, et ordonnant de les ruer jus et destrousser. Voir lettres de rémission d'avril 1447, publiées par M. Quicherat, Rodrigue de Villandrando, p.295.

[69] Original, aux Archives de Reims.

[70] Ordonnances, t. XIII, p. 296. Les mêmes lettres se trouvent avec la date du 22 novembre dans le ms. fr. 2879, f. 138.

[71] Le texte de cette mémorable ordonnance est donné dans le recueil des Ordonnances des rois de France (t. XIII, p. 306) d'après Fontanon (Édits et ordonnances, t. III, p. 162) ; mais il n'est pas toujours correct. A défaut de l'original, qui nous manque, nous avons utilisé deux copies, l'une du XVe siècle, l'autre du XVIe, conservées dans le ms. Sorbonne 435 (Fr. 23283), f. 202 v°, et dans le ms. 135 de Du Puy, f. 173.

[72] Voici quels sont les princes désignés dans l'acte comme ayant pris part aux délibérations relatives à cette ordonnance : la reine de Sicile, le duc de Bourbon, le comte du Maine, le comte de la Marche, le comte d'Eu et le comte de Vendôme. — On remarquera que le connétable de Richemont n'est point nommé.

[73] Il faut rectifier ainsi le texte des Ordonnances, pour les dernières lignes du § 1er : Et à chascun desquels capitaines sera baillié certain nombre de gens d'armes et de trait. Et prive et deboute le Roy tous autres que ceux qui par luy seront esleuz au fait ou office de capitaine de gens d'armes et gens de guerre, et leur deffend de plus ne se nommer ne porter capitaines, ne en faire fais, et sur les peines cy aprez declairés.

[74] La dépouille des contrevenants appartient à qui leur court sus. Ce mot était terrible. C'était armer le paysan, sonner, pour ainsi dire, le tocsin des villages. Histoire de France, t. V, p.421.

[75] Dansin, Étude sur le gouvernement de Charles VII, 1re édition, p. 44-45 ; cf. 2e édition, p. 83-84.

[76] Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. IX, p. 57, note 3.

[77] Elle ne le fut à Troyes que le 29 janvier 1440. Ms. fr. 23883, f. 212 v°.

[78] Lettre du 18 novembre 1439. Archives de Reims.

[79] Archives, X1a 4798, f. 122.

[80] Voir ci-dessus, chapitre V.

[81] Berry, p. 406.

[82] Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 9.

[83] Lettre du 24 février 1440. Voir aux Pièces justificatives. Cf. lettre des généraux des finances en date du 16 janvier 1440. Pièces originales, 1826 : MANDONNIER.

[84] C'est ce que le Roy veut et demande estre fait par les seigneurs. Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 18.

[85] Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 26. 12.

[86] D. Vaissète, t. IV, Preuves, col. 459.

[87] Lettre missive aux Archives de Reims.

[88] Voir le texte de ces lettres dans Tuetey, Les écorcheurs sous Chartes VII, t. I, p. 47, note 2.

[89] Lettres des commissaires royaux, en date du 19 septembre, donnant l'énumération des sommes réparties entre divers capitaines ; Quittance de Louis de Beaumont, seigneur de Valens, lieutenant du Roi en Poitou, en date du 1er mars 1441. Ms. fr. 20577, f. 19, et Clairambault, 566, p. 195.

[90] Et soit ainsi que nous soyons venus en ceste nostre ville, près de frontiere de nos diz ennemis, et soit nostre entencion de logier et establir en icelle nos diz gens de guerre, et, avant nostre partement de cette marche, les appointer et mettre en telle et si bonne ordonnance, ou fait de leur payement, qu'ils pourront vivre et demeurer en ladicte frontiere, et ne retourneront plus sur nos dix pays. Lettres du 7 novembre. Ms. latin 9178, f. 48.

[91] Voir chapitre VII.

[92] Le texte se trouve dans Du Puy, 575, f. 196, et dans la Collection Moreau, 250, f. 213 v°. Voir l'analyse donnée par D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, col. 71-74.

[93] Voir chapitre IX.

[94] Voir les lettres de rémission de mars 1448, publiées par M. Tuetey, les Écorcheurs sous Charles VII, t. II, p. 461-62.

[95] Voir en particulier D. Vaissète, t. IV, p. 496-497 et 594 ; Mss. fr. 25967, n° 432 ; 26069, n° 4434 et 4437 ; 26071, n° 4868 et 4920 ; Pièces originales, 1075 : ESTAING (pièce du 3 juin 1443) ; 1639 : LANGEAC (28 septembre 1443) ; 2180 : PAIGNON (27 février 1444 et 26 avril 1446) ; 2948 : VAUX (28 décembre 1441) ; Archives JJ, 177, n° 501.

[96] Par lettres données à Toulouse le 17 mars 1443, le Roi autorisa la levée de cette somme, attendu qu'elle avait été payée en faveur de nous et pour le bien et conservation du peuple dudit païs. Ms. fr. 24031 ; éd. Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. II, p. 160.

[97] Thomas, Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 151.

[98] Et derrenièrement, par nos amez et feaulx conseilliers le seigneur de Tucé et maistre Guillaume Cousinot, president du Daulphiné, commissaires à executer nos lettres patentes des ordonnances données à Lymoges ou moys de may 1442, par vertu desquelles ladicte frontiere d'Anjou et du Maine fut reduite et mise au nombre de cinq cens trente troys paies, establies en la maniere contenue en nos dictes lettres, en oultre cinquante et sept payes qui se prenoient au pais de Normandie. Lettres du 26 janvier 1443, publiées par Lecoy de la Marche, le roi René, t. II, p. 252.

[99] Lettres des commissaires du Roi en date du 3 octobre 1443. Archives, K 690, n° 3 ; Tuetey, les écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 133 ; Canat, Documents inédits, p. 438-439.

[100] Tuetey, les écorcheurs sous Charles VII, t. I, p. 133.

[101] Lettres du Dauphin du 5 octobre 1443. Archives, Y 4, f. 70.

[102] Lettres du 26 janvier 1444, publiées par Lecoy de la Marche, le roi René, t. II, p. 252 ; prêt fait au Roi par l'évêque de Limoges pour wuider et mettre hors des pays obeissans audit seigneur tontes manieres de gens d'armes et de trait vivans sur les champs et iceulx mettre en frontière : 10 janvier 1444. Ms. fr. 20884, n° 12. Cf. lettres de rémission de janvier 1445 : Archives, JJ 177, n° 147.

[103] S'ensuivent les ordonnances faictes par le Roy pour la conduite et entretenaient des gens de guerre et pour obvier aux grans maulx et excessives pilleries qui se souloient faire. Archives du duc de la Trémoille. Cf. Sixième compte de Jean de Xaincoins, dans le ms. 685 du Cabinet des titres, f. 83 v°.