HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE XI. — CHARLES VII ET AGNÈS SOREL.

 

 

La légende d'Agnès Sorel ; sa persistance. — Les contes de Brantôme et de Du Haillan ; le quatrain de François Ier. — Silence de l'histoire relativement à Agnès Sorel jusqu'en 1444 ; premiers témoignages historiques ; ce qu'on prétend leur opposer. — Deux passages de Jacques du Clercq et des Commentaires de Pie II ; les dates de naissance des filles d'Agnès. — Origines de la liaison de Charles VII avec Agnès ; le Roi et la Reine ; séjour dans le midi en 1443. — Le roi et la reine de Sicile à Toulouse ; le Roi à Saumur, à Angers et à Tours ; le rapprochement des dates vient éclairer la question. — Comment Charles VII tomba-t-il dans des désordres de mœurs ? Conjectures à ce sujet : ascendant de Brezé ; connexité qu'il peut y avoir entre sa faveur croissante et l'Installation d'Agnès à la Cour.

 

La transformation qui s'opéra chez Charles VII, à partir de 1437, et qu'on a qualifiée de merveilleuse, fut-elle l'œuvre du temps et des circonstances, ou faut-il en chercher la cause dans certaines influences surgissant tout d'un coup, et devenant prépondérantes ? Nous avons montré quel ascendant exerça, durant de longues années, la reine Yolande, belle-mère du Roi : c'est à cette princesse qu'il faut attribuer l'avènement de Richemont en 1425, la chute de La Trémoille en 1433 ; nous avons rencontré quelques traces d'une participation aux affaires de la part de la reine Marié d'Anjou. Mais Yolande, morte au mois de novembre 1442, resta, dans les dernières années de sa vie, éloignée de la scène, et la Reine, tout entière. aux soins de la maternité qu'elle remplissait avec un admirable dévouement et qui furent mêlés pour elle de tant d'amertumes — elle perdit quatre enfants de 1436 à 1439[1], — demeura étrangère à la politique pendant la période qui suivit la conclusion du traité d'Arras.

S'il en fallait croire la plupart des historiens, une autre influence que celle de la belle-mère ou de l'épouse se serait emparée du Roi, et, devenue bientôt triomphante, irrésistible, aurait opéré le prodigieux changement que l'histoire nous montre. L'Égérie, la Béatrix mystérieuse[2] à laquelle on devrait en attribuer l'honneur, ne serait autre qu'Agnès Sorel. Une tradition, acceptée longtemps sans contrôle, et encore assez accréditée[3], nous montre la belle Agnès arrachant son royal amant à la léthargie où il était plongé, et le forçant en quelque sorte à entreprendre la conquête du royaume.

En rapportant ce fait, les historiens se sont appuyés sur le témoignage de Brantôme. On trouve en effet l'anecdote suivante dans les Dames galantes :

La belle Agnès, voyant le roy Charles VII enamouraché d'elle et ne se soucier que de luy faire l'amour, et, mol et lasche, ne tenir compte de.son royaume, luy dit un jour que, lorsqu'elle estoit encore jeune fille, un astrologue luy avoit prédit qu'elle sema aymée et servie de l'un des plus vaillants et courageux roys de la chrestienté ; que quahd le roy luy fit cet honneur de l'aymer, elle pensoit que ce fust ce roy valleureux qui luy avoit esté prédit ; mais le voyant si mol, avec si peu de soin de ses affaires, elle voyoit bien qu'elle s'estoit trompée, et que ce roy si courageux n'estoit pas luy, mais le roy d'Angleterre, qui faisoit de si belles armes, et luy prenoit de si belles villes à sa barbe : Dont, dit-elle au roy, je m'en vais le trouver, car c'est celuy duquel entendoit l'astrologue. Ces paroles picquèrent si fort le cœur du roy, qu'il se mit à plorer : et de là en avant, prenant courage, et quittant sa chasse et ses jardins, prit le frain aux dents ; si bien que, par son bonheur et vaillance, chassa les Anglois de son royaume[4].

Mais ce conte n'appartient pas en propre à Brantôme. On a reconnu[5] que le véritable auteur était Bernard de Girard, seigneur du Haillan, écrivain qui, au seizième siècle, jouit un instant d'une certaine vogue. Historiographe de France, il se posait en grand historien : dans l'Epistre au Roy Henri III, placée en tête de son livre, il déclare avoir pour seul but la vérité, qui, dit-il, est l'œil de l'histoire, et sans laquelle l'histoire est borgne. Voici le passage de Du Haillan :

On dit que voyant le roy lasche, mol, et peu se souciant des affaires de son royaume et des victoires que les Anglois obtenoient sur luy, un jour elle luy dit que lors qu'elle estoit bien jeune fille, un astrologue luy avoit dit que elle seroit aymée de l'un des plus courageux et valeureux roys de la Chrestienté. Que quand le roy luy fit cest honneur de l'aymer, elle pensoit que ce fut ce roy valeureux et courageux qui luy avoit esté prédit par ledict astrologue, mais que le voyant si mol et avecques si peu de soing de ses affaires et de résister aux Anglois et à leur roy Henry, qui à sa barbe lui prenoit tant de villes, elle voyoit bien qu'elle estoit trompée, et que ce roy si valeureux et courageux estoit le roy d'Angleterre. Adonc, dit-elle au roy Charles, je m'en vois le trouver, car c'est luy de qui entendoit cest astrologue, non de vous qui n'avez courage ni valeur, puis que sans vous remuer vous laissez sur- prendre vos pays. Ceste parolle proferée de la bouche de ceste femme, que le roy aymoit plus qu'il ne convenoit, esmeurent et picquèrent tellement son cœur qu'il se mit à pleurer et de là en avant s'esvertuant print le frein aux dents, et ne s'adona plus tant à la chasse ny aux jardins comme au paravant il faisoit, si bien que par son bonheur, et par la vaillance de ses bons serviteurs, desquels il fut fidellement servy, il chassa les Anglois de la France, hormis de Calais[6].

C'est sur la foi de Du Haillan et de Brantôme que certains écrivains n'ont pas craint de placer Agnès Sorel à la Cour quand Jeanne d'Arc y arriva[7], et même de la donner pour rivale, dès 1422, à la dame de Joyeuse[8]. Cette fable ridicule a rencontré pourtant de timides contradicteurs : on a vu des historiens s'ingénier à prouver que la liaison ne pouvait être antérieure à 1431[9]. De nos jours, sauf quelques protestations isolées[10], l'histoire continue à célébrer la longue et bienfaisante influence d'Agnès[11]. Le dernier historien de Charles VII, adoptant la date de 1434 ou 1435, parle aveu complaisance de l'influence active, absolue de la douce et généreuse conseillère, de son ascendant sans limite ni réserve, s'étendant aux plus grandes comme aux plus petites choses, et donne comme un sérieux témoignage historique, et pour, ainsi dire comme le dernier mot de la question[12], ce fameux quatrain de François Ier, si souvent cité (et mal cité) :

Plus de louange son amour sy mérite

Etant cause de France recouvrer

Que n'est tout ce qu'en cloistre peult ouvrer

Close nonnayn ou au désert Ermyte[13].

Pour tout dire, et pour faire voir jusqu'où l'esprit de système peut entraîner, ajoutons que certains historiens — et non des moins célèbres — ont prétendu que la reine Yolande aurait elle-même suscité une rivale à sa propre fille et placé Agnès à la Cour[14].

Il faut à tout jamais déraciner de notre histoire cette fable qui s'y est si étrangement implantée[15]. Si nous parvenons à établir que les dates alléguées jusqu'ici sont fausses, que les premières relations d'Agnès avec le Roi ne peuvent remonter au-delà de 1443, et qu'elle ne devint maîtresse en titre qu'en 1444, nous aurons, croyons-nous, fait justice de la tradition prétendue historique, et prouvé qu'Agnès fut étrangère à la transformation opérée chez le Roi.

 

Constatons tout d'abord que, de l'aveu même des écrivains qui défendent, au moins en partie, la vieille légende, et prennent pour point de départ l'année 1434, on ne trouve, avant 1444, pas un acte, pas un article de compte, pas une pièce quelconque offrant la mention directe ou indirecte d'Agnès Sorel ni de ses enfants[16] ; tandis qu'après 1444 les documents abondent. Qu'on allègue tant qu'on voudra la pénurie du trésor, la rareté des documents, le secret d'une liaison encore inavouée[17], on ne détruira pas l'importance de ce fait indubitable : le silence de l'histoire jusqu'en 1444.

La première trace authentique que nous rencontrons se trouve, en effet, dans un compte de dépenses d'Isabelle de Lorraine, reine de Sicile, du jar janvier au 31 juillet 1444. On y lit la mention suivante : A Agnès Sorelle, X livres[18]. Il résulte de ce document que, dans les premiers mois de 1444, Agnès faisait partie de la maison de la reine de Sicile ; il en résulte en outre qu'elle y tenait un rang peu élevé, inférieur à celui de la plupart des dames et demoiselles attachées à la personne d'Isabelle[19].

La seconde mention est une inscription accompagnant une statuette d'argent doré représentant sainte Madeleine ; elle est ainsi conçue : En l'honneur et reverence de sainte Marie-Magdeleine, noble damoiselle madamoiselle de Beaulté a donné cette image en ceste église du chasteau de Loches, auquel image est enfermée une côte et des cheveux de ladite sainte, et fut l'an mil quatre cent quarante-quatre[20].

Avant la fin de 1444, Agnès Sorel était donc à la Cour, et en possession d'un titre.

Un auteur du temps donne à ce propos l'explication suivante : Et comme entre les belles elle estoit tenue pour la plus belle du monde, fut appelée damoyselle de Beaulté, tant pour celle cause comme pour ce que le Roy luy avoit donné à sa vie la maison de Beaulté de lez Paris[21]... Ce château, situé près du bois de Vincennes, était, parait-il, le plus bel et jolis et le mieulx assis qui fust en toute l'Isle de France[22].

La date de 1444, que nous fournit l'inscription de Loches, est corroborée par le témoignage d'un contemporain. Thomas Basin, évêque de Lisieux, — dont les récits, restés manuscrits jusqu'à nos jours, n'avaient pu être utilisés par l'histoire, dit que la faveur d'Agnès commença à l'époque des trêves entre la France et l'Angleterre[23]. Or, nous venons de voir que le traité auquel il fait allusion fut conclu le 28 mai 1444.

Deux autres contemporains confirment le témoignage de l'évêque de Lisieux : Olivier de la Marche, racontant le voyage que fit la duchesse de Bourgogne à Châlons en juin 1445, écrit que le Roi avoit nouvellement eslevé une povre damoiselle, gentil-femme, nommée Agnès du Soret[24]. Et le chroniqueur officiel Jean Chartier, après s'être efforcé de laver la mémoire de Charles VII de tout reproche injurieux au sujet d'Agnès, déclare à deux reprises qu'elle avoit esté au service de la Reyne par l'espace de cinq ans ou environ[25]. Agnès étant morte le 9 février 1450, ces années ont leur point de départ, au plus tôt, à la fin de 1444.

Voilà des témoignages bien formels et tous concordants. Voyons ce qu'on prétend leur opposer.

Un historien, qui s'est donné la tâche difficile de concilier la légende avec les textes authentiques, appelle à son aide deux auteurs du temps, et invoque, contre la date de 1444, une fin de non-recevoir tirée de l'époque de naissance des filles d'Agnès.

Quels sont ces auteurs et que disent-ils ?

1° Jacques du Clercq, qui vivait à Arras dans la dernière moitié du quinzième siècle, dit dans sa Chronique qu'avant la paix d'Arras, le Roi menait moult saincte vie, mais que, depuis la paix faicte au dict duc, il s'accointa d'une josne femme nommée Agnès, laquelle despuis feut appelée la belle Agnès[26].

2° Æneas Sylvius, qui devint pape sous le nom de Pie II, a laissé des Commentaires dictés dans sa vieillesse à son secrétaire Gobelin. Cet ouvrage, dépourvu d'indications chronologiques, fourmille d'erreurs en ce qui touche aux événements accomplis en France. On y lit qu'Agnès Sorel accompagna à la Cour sa maîtresse Isabelle, et que celle-ci, en se retirant, laissa Agnès parmi les filles de la Reine[27].

Ces témoignages, qui émanent, il est bon de le constater, d'auteurs moins bien renseignés que ceux que nous venons de citer, peuvent-ils être allégués pour les contredire. Il nous sera facile de prouver le contraire.

Jacques du Clercq commence sa Chronique en 1448 ; c'est en racontant la mort de Charles VII qu'il parle des habitudes privées du Roi et mentionne ses relations avec Agnès Sorel. Peut-on conclure de ce passage que la liaison d'Agnès avec Charles VII eut lieu immédiatement après la paix d'Arras ?[28] Ce serait donner à ce texte une interprétation forcée ; il est impossible d'y voir autre chose que l'exclusion de la date de 1433 ou 1434, qu'on présente encore comme celle de l'origine de cette liaison, et la preuve, confirmée par d'autres témoignages contemporains[29], que, pendant toute la première partie de sa carrière, Charles VII menoit moult saincte vie. Le seul argument qu'on en puisse tirer, c'est que, entre 1435, date de la paix d'Arras — signée le 21 septembre et confirmée par le Roi le 10 décembre —, et 1444, époque où le nom d'Agnès Sorel apparaît dans l'histoire, il y eut une période de relations intimes et secrètes, ce que nous ne prétendons pas nier.

Quant à Æneas Sylvius, il faudrait mettre son témoignage d'accord avec Jacques du Clercq et avec les faits. Car si l'on est obligé de reconnaître, conformément à l'assertion du chroniqueur, que la liaison fut postérieure à la paix d'Arras, comment admettre qu'Isabelle aurait pu laisser Agnès à la Cour en quittant la France pour se rendre dans le royaume de Naples ? Nous savons en effet que la reine de Sicile s'embarqua à Marseille le 1er octobre 1435[30]. Rien ne prouve, d'ailleurs, que l'auteur des Commentaires ait eu en vue ce voyage de Naples : il dit seulement : Abeunte dominâ, inter ancillas Mariœ reginœ remansit ; et par là, il vient, ce nous semble, en aide à l'opinion que nous soutenons. Car d'une part Agnès Sorel n'a pu s'installer à la Cour que postérieurement au retour d'Isabelle', et d'autre part il est constant qu'Agnès ne faisait point encore partie de la maison de la reine Marie d'Anjou dans les premiers mois de 1444.

Ajoutons que la date de 1435 ne saurait se concilier avec l'âge d'Agnès, qui, d'après les données les plus authentiques, dut naître, non en 1409 ou en 1415, comme l'ont prétendu ses biographes, mais au plus tôt en 1422. Autrement, il faudrait rayer des chroniqueurs les passages où ils insistent, d'un concert unanime, sur la jeunesse d'Agnès, ses folies de jeunesse qui captivèrent le cœur du Roi, sa mort prématurée à la fleur de la jeunesse, etc.[31]

Serait-on plus heureux en invoquant les dates de naissance des filles d'Agnès ?

Charlotte, dit-on, naquit en 1434 ; Marie en 1436, peu de jours après le mariage du Dauphin[32] ; Jeanne en 1445. Mais si l'on convient que la date précise des naissances n'a pour base aucun document historique[33], pourquoi, en l'absence de toutes preuves, s'appuyer sur des dates impossibles, qui ne reposent que sur les conjectures d'un écrivain sans autorité[34] et ne résistent pas à un examen sérieux des faits ? Il n'est pas possible de maintenir, sur ce seul fondement, un système conjectural et qui est en opposition avec les témoignages les plus formels. Comment admettre, en effet, que Charlotte, qu'on fait naître en 1434 — date dont l'impossibilité est reconnue et à laquelle on veut substituer celle de 1436, tout aussi problématique —, ne se soit mariée qu'à vingt-sept ans, et ait été surprise et poignardée par son mari, en flagrant délit d'adultère, à l'âge de quarante-deux ans ? Pourquoi donner à Charlotte l'ordre de primogéniture plutôt qu'à Marie, quand les notions enregistrées par l'histoire donnent tout lieu de croire que Marie était l'aînée ? Peut-on sérieusement présenter cette date de juin 1436 comme celle de la naissance de Marie, quand les lettres de Charles VII du 28 octobre 1458 constatent qu'elle était alors en âge de marier, ce qui veut dire que, loin d'avoir vingt-deux ans, ainsi qu'on le prétend, elle ne devait être âgée que de quatorze à quinze ans ?

Rien n'autorise donc à opposer, comme on a voulu le faire, une fin de non-recevoir à la date de 1444, et à prétendre qu'il y eut une période de liaison occulte, marquée nécessairement au coin du désintéressement, qui dura de 1435 à 1444[35].

Est-ce à dire qu'il faille se retrancher d'une manière absolue dans la date de 1444, et ne point faire remonter la liaison du Roi avec Agnès à une époque antérieure à son installation à la Cour ? Nous ne le pensons pas. Mais, avant de recueillir les données qui jetteront quelque lumière sur ce point, nous devons constater que le problème de l'influence politique d'Agnès nous parait à peu près résolu, et que la tradition qui la montre arrachant Charles à sa torpeur et le rappelant à ses devoirs de Roi, a tous les caractères d'une véritable fable.

Il est un point que nous croyons avoir établi d'une manière à peu près indubitable, malgré les assertions contraires et toutes gratuites de certains historiens : c'est que la jeunesse de Charles VII fut pure, et que, par conséquent, sa vie ne fut pas, ainsi qu'on l'a dit[36], une longue carrière d'immoralité. Comment l'homme fait tomba-t-il dans les désordres que le jeune homme n'avait point connus ? C'est là un problème difficile à résoudre. L'histoire nous apprend que si le Roi et la Reine avaient, en général, un logis séparé, que si Marie d'Anjou ne suivait pas habituellement le Roi dans ses expéditions et dans ses déplacements, la bonne harmonie ne cessa cependant de régner entre les époux. La naissance de nombreux enfants[37], les constantes libéralités de Charles VII à l'égard de son épouse, sont là pour l'attester. Mais si l'intimité put exister au début, le temps amena peu à peu un refroidissement qui, sans dégénérer en rupture, se traduisit, d'abord par l'indifférence, puis par le délaissement. Il n'en était point encore ainsi dans les années qui suivirent la paix d'Arras, et qui furent signalées par de nouvelles naissances[38]. En 1441, la Reine est dans l'ouest avec le Roi ; pendant la campagne de Guyenne, elle se rend dans le midi ; elle revient en compagnie du Roi et fait son entrée à Limoges le 28 mars 1443, entourée d'un brillant cortège de dames ; elle vient ensuite s'établir à Tours, où, le 1er décembre 1443, elle accouche d'une fille.

Que s'était-il passé pendant ce séjour dans le midi ? Charles VII était venu rejoindre la Reine à Montauban, où il arriva le 23 décembre 1442 ; de là, il se rendit avec elle à Toulouse (28 février 1443). C'est alors qu'Isabelle de Lorraine parut pour la première fois à la Cour. Ayant quitté Naples lors des premiers désastres de son mari (août 1440), elle avait séjourné d'abord en Provence, puis en Lorraine, et était venue retrouver René quand, ce prince, forcé de quitter Naples, avait débarqué en Provence[39]. Le roi René s'empressa de venir saluer le Roi à Toulouse[40] ; il l'accompagna dans son voyage jusqu'à Poitiers (8 avril-25 mai). Quant à Isabelle, elle prit le chemin de l'Anjou ; le 16 avril elle était à Saumur[41]. Quelques mois plus tard (septembre), Charles VII arrivait dans cette ville, où il séjourna jusqu'au milieu de février 1444. De là il se rendit à Angers, puis à Tours. C'était le moment où se négociaient la trêve avec l'Angleterre et le mariage de Marguerite d'Anjou.

Il résulte de ces faits : 1° qu'il ne peut être question de la liaison avec Agnès Sorel pendant l'absence de la reine Isabelle et son séjour en Provence et en Lorraine, de 1435 à 1442 ; 2° que c'est au mois de mars 1443 qu'Agnès Sorel, si elle était alors parmi les filles d'honneur de la reine Isabelle, put faire à la Cour sa première apparition ; 3° que sa liaison avec le Roi commença au plus tôt à Toulouse, à la fin de mars 1443, et ne put s'établir définitivement qu'à Saumur, à partir du mois de septembre suivant. Nul doute donc relativement à l'origine de cette liaison occulte qui, au témoignage même de Jean Chartier, précéda les cinq années qu'Agnès passa dans la maison de la Reine[42] ; il est même probable que la naissance de la première fille illégitime suivit de peu celle de la fille légitime survenue le ter décembre 1443. Agnès aurait été maîtresse du Roi, et déjà mère, quand, dans les derniers mois de 1444, elle passa au service de Marie d'Anjou.

L'origine des amours royales est un mystère difficile à sonder. La politique souvent y a autant de part que le sentiment : un roi enchaîné par les sens se laisse plus aisément conduire, et les courtisans sont peu scrupuleux sur le choix des moyens quand il s'agit d'assurer leur crédit et d'accroître leur influence. En fut-il ainsi pour Charles VII ? Ce prince qui, parvenu à l'âge de quarante ans, trahit la foi conjugale qu'il paraît avoir respectée jusque-là, cède-t-il à l'entraînement d'une passion violente ? N'y eut-il pas, comme plus tard pour Louis XV, quelque honteuse intrigue, quelque ténébreuse conspiration pour faire entrer dans la couche royale une femme qui devait servir d'instrument à d'ambitieux desseins ? Plus d'un courtisan était intéressé à conquérir la faveur du souverain, et ce à quoi La Trémoille semble n'avoir point songé, d'autres pouvaient essayer de le tenter.

Parmi les familiers que le Roi avait distingués, se trouvait un jeune écuyer du pays d'Anjou qui, en 1433, âgé de vingt-trois ans à peine, avait pris une part active au renversement de La Trémoille. Familier de la maison d'Anjou, Pierre de Brezé continua de la servir dans les luttes contre les Anglais qui eurent le Maine pour théâtre. Fait chevalier par Charles d'Anjou en n34, au siège de Saint-Célerin, il fut nommé en 1437 sénéchal d'Anjou et capitaine de la grosse tour d'Angers. Charles VII se connaissait en hommes : il fit entrer Brezé dans son Conseil[43]. La Praguerie le mit en évidence : Brezé devint sénéchal de Poitou en 1440, eu remplacement de Jean de la Roche, créature de La Trémoille, puis chambellan du Roi. Après la prise d'Évreux, le Roi lui abandonna, ainsi qu'à son frère Jean et à Floquet, le revenu de ses domaines, aides et greniers à sel dans la contrée. Brillant chevalier, parleur habile, Brezé était passé maitre dans les armes et dans les affaires. Là où son épée ne pouvait trancher le fil, sa langue triomphait des difficultés[44]. Olivier de la Marche, qui le vit un peu plus tard, en 1445, dit que sur tous les seigneurs de France il avoit le bruit pour estre gentil chevalier, honnorable, et le plus plaisant et gracieulx parleur que l'on sceust nulle part[45]. Le sénéchal de Poitou acquit bientôt dans le Conseil une place prépondérante. Dès 1442, il avait les allures d'un premier ministr[46] ; sentant le vent enfler sa voile, il eut l'ambition de tout diriger. Il ne serait point surprenant que, trouvant dans la maison même à laquelle il avait appartenu, cette perte incomparable, ce trésor de grâce et de beauté que vante à l'envi les contemporains, il ait voulu s'en servir pour mieux assurer son ascendant.

Ce n'est point là, d'ailleurs, une simple conjecture : certains indices donnent lieu de penser que le crédit de Brézé[47] et la faveur d'Agnès sont deux faits qui ne sont pas sans une étroite et secrète connexité. Nous verrons plus loin Brezé, parvenu au plus haut point de sa puissance, exciter l'animosité des gens de Cour ; nous les entendrons murmurer entre eux à voix basse : Ce sénéchal gâte tout, détruit tout ; il tient le Roi en sujétion au moyen de cette Agnès qui est auprès de la Reine[48] ; nous lirons dans un rapport secret qui paraît avoir été adressé en 1447 au duc de Bourgogne : Ledit Se[neschal] s'entretient merveilleusement avec le [Roy], en partie par le moyen de l'[Agnès], de laquelle il a ce qu'il veult[49].

Il nous suffit pour le moment d'avoir appelé l'attention des lecteurs sur ce point ; nous n'insisterons pas davantage, et nous nous contenterons d'avoir établi, sur des preuves qui nous paraissent indubitables, d'une part que la fameuse légende est une fable, de l'autre que la liaison d'Agnès Sorel avec le Roi ne peut être antérieure aux premiers mois de 1443.

 

 

 



[1] Philippe, mort le 11 juin 1436, âgé de quatre mois ; Jacques, mort le 2 mars 1437, âgé de cinq ans ; Marguerite, morte le 24 juillet 1438, âgée de 14 mois ; enfin Marie, morte le 14 février 1439, âgée de cinq mois.

[2] Ces expressions sont de M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 2.

[3] Il serait trop long de citer tous les auteurs de notre temps qui ont accepté cette tradition : nous nous bornerons à citer un livre auquel le nom de son auteur donne un poids considérable : l'Histoire de France racontée ci mes petits enfants, par M. Guizot. Je ne prends nul plaisir à méconnaître le bien, même quand il se trouve en compagnie du mal, et je n'ai garde de contester la part d'influence d'Agnès Sorel dans le réveil politique et guerrier de Charles VII après le traité d'Arras (t. II, p. 394). — Une page plus haut, l'illustre écrivain parlait de la place presque glorieuse, quoique illégitime, prise dans l'histoire par la Reine de Beauté.

[4] Œuvres complètes de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme, publiées pour la Société de l'histoire de France par M. Ludovic Lalanne, t. IX, p. 393-94.

[5] M. Vallet de Viriville, Agnès Sorel, dans la Revue de Paris du 15 octobre 1855, p. 255.

[6] L'Histoire de France, par Bernard de Girard, seigneur du Haillan. Paris, à l'Olivier de P. l'Huilier, 1585, in-8°, t. III, fol. 454 v°-455. La première édition de du Haillan parut en 1576.

[7] Baudot de Juilly, Anquetil, Quatremère, Laurentie, etc. Voir Revue des questions historiques, t. I, p. 206 et suivantes.

[8] Baudot de Juilly, Gaillard et l'historien anglais Henry. Voir Revue des questions historiques, t. I, p. 206 et suivantes.

[9] Bréquigny, dans la préface du t. XIII des Ordonnances, p. XII ; Levesque, dans son livre : La France sous les cinq premiers Valois (1788), t. IV, p. 80 et 409 ; Daunou, dans le Journal des savants de 1824, p. 166-173.

[10] Levesque, le premier, a émis quelques doutes (ouvrage cité). M. Th. Burette, dans son Histoire de France (éd. de 1842, t. I, p. 507), M. Duruy (Hist. de France, t. I, p. 530 et Hist. populaire, t. II, p. 26), et M. P. Clément (Jacques Cœur et Charles VII, 1853, t. II, p. 112) se sont inscrits en faux contre la tradition. Mais c'est à M. Le Roux de Lincy (Les femmes célèbres de l'ancienne France, 1848, in-12, p. 443-440) et encore plus à M. Ludovic Lalanne (Athenæum des 24 novembre et 22 décembre 1855) que revient l'honneur d'avoir porté des coups décisifs à la légende.

[11] MM. Michelet, Henri Martin, Trognon, etc. — Voir le livre de M. Steenackers, le directeur des télégraphes et des postes sous le gouvernement du 4 septembre, Agnès Sorel et Charles VII (Paris, Didier, 1868, in-8° de 424 p.)

[12] M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III (1865), passim. Cf. Agnès Sorel, dans la Revue de Paris des 1er et 15 octobre 1855.

[13] Il y aurait toute une dissertation à faire au sujet de ce quatrain. Quel en est le texte véritable ! Où a-t-il été écrit ? Est-ce un quatrain, est-ce une épitaphe ? Est-il bien de François Ier ? Autant de points qui offrent matière à controverse. Nous nous bornerons à indiquer les ouvrages où la question a été non point élucidée mais effleurée, et où l'on trouvera d'utiles renseignements : La solitude et l'amour philosophique de Cleomede, premier sujet des exercices moraux de M. Ch. Sorel, conseiller du Roy et historiographe de France (Paris, 1840, in-4°, p. 326) ; — La Thaumassière, Histoire de Berry (1689, in-fol., p. 92) ; — Paléographie universelle de Silvestre, avec notices de MM. Champollion, t. III (Paris, 1841, in-fol.), n° 46 ; — Poésies du Roi François Ier et de Louise de Savoie, etc., publiées par Aimé Champollion-Figeac (Paris, impr. roy., 1847, in-4°, p. 153) ; — Les femmes célèbres de l'ancienne France, par Le Roux de Lincy (1848), p. 646 ; — Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, reproduits en fac-similé sur les originaux dessinés aux crayons de couleur par divers artistes contemporains. Recueil publié avec notices par P. G. J. Niel (Paris, Lenoir, 1848, 2 séries in-folio, 2e série) ; — La Renaissance des arts à la cour de France, par le comte de Laborde : additions au tome Ier, p. 704 (Paris, 1855) ; L'esprit dans l'histoire, par Édouard Fournier (1857), p. 73-75 ; — François Ier chez Mme de Boissy. Notice d'un recueil de crayons ou portraits aux crayons de couleur, enrichi par le roi François Ier de vers et de devises inédites, appartenant à la bibliothèque Mejanes d'Aix, par M. Rouard, bibliothécaire, avec XII portraits (Paris, A. Aubry, 1863, in-4° tiré à 170 exemplaires) ; — Histoire de Charles VII, par M. Vallet de Viriville, t. III, p. 189-191.

[14] Loin de se montrer jalouses de cette jeune beauté, elles (Yolande d'Aragon et Marie d'Anjou) favorisèrent la passion nouvelle du Roi ; Marie d'Anjou demanda à sa belle-sœur Isabelle de lui céder Agnès Sorel, et elle l'attacha à sa personne. (Sismondi, t. XIII, p. 203.) — Charles VII reçoit Agnès en présent de la mère de sa femme, de la vieille reine de Sicile. (Michelet, t. VI, p. 104 ; Cf. p. 223.) — La douairière d'Anjou était peu scrupuleuse, et Charles VII n'était pas un saint Louis ! Elle n'avait pu le gouverner par sa fille, par la reine, par la femme légitime ; elle ne pouvait l'empêcher d'avoir des maîtresses, elle lui en donna une de sa propre main et le gouverna par cet étrange intermédiaire. (H. Martin, t. VI, p. 321.) — Voir aussi M. Vallet, dans la Revue de Paris, l. c., p. 264 et 268, et Nouvelles recherches, p. 45.

[15] Nous avons déjà tenté de le faire dans une dissertation spéciale publiée, au mois de juillet 1886, dans la Revue des questions historiques (t. I, p. 204).

[16] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 18. — M. Pierre Clément, qui fait pourtant remonter la faveur d'Agnès à 1433, en s'appuyant sur une fausse interprétation des documents, écrivait en 1853 : On ne trouve dans aucun historien du temps, ni même du siècle suivant, le moindre indice de l'influence heureuse que l'on a attribuée à la maîtresse de Charles VII... Mais le quatrain de François Ier et le conte de Brantôme sont depuis plusieurs siècles dans toutes les mémoires. Ce quatrain et ce conte ont, d'ailleurs, un côté poétique par lequel les romanciers, les peintres, ainsi que la plupart des historiens eux-mêmes ont été séduits, et pendant des siècles encore, toujours peut-être, on répétera que c'est grâce aux mâles inspirations e aux nobles reproches d'Agnès Sorel que Charles VII sortit de sa torpeur pour délivrer la France de la présence des Anglais. Jacques Cœur et Charles VII, t. II, p. 112-113.

[17] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 18 et suivantes.

[18] Compte de Gilles de Bourmont, maître d'hôtel, et de Jean Alardeau, maître de la chambre aux deniers et secrétaire de la reine de Sicile, pour six mois finissant au 31 juillet 1444, extrait d'un rouleau en parchemin : trois copies dans les Mss. fr. 21478, fol. 3) ; 7855, p. 697, et Clairambault, vol. 815, p. 2 ; fragment publié par M. Vattel de Viriville, Recherches historiques sur Agnès Sorel, dans la Bibliothèque de l'École des Chartes (1849), t. XI, p. 304.

[19] M. Vallet en fait lui-même la remarque (p. 303).

[20] Inventaire de la fabrique de l'église collégiale de Loches en 1749, cité par La Thaumassière, Histoire de Berry, p. 94, et par M. Vallet de Viriville, Recherches historiques sur Agnès Sorel, dans la Bibliothèque de l'École des chartes, t. XI, p. 304.

[21] Continuateur de Monstrelet, dans le tome III de Monstrelet, éd. de 1586, f. 25.

[22] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 387.

[23] Tempore treugarum quai inter ipsum et anglicos cucurrerunt, habuit in deliciis unam prœcipuam satis formosam mulierculam, quam vulgo pulchram Agnelem appellabant.  Histoire des règnes de Charles VII et de Louis XI, publiée par M. J. Quicherat. t. I, p. 313.

[24] Mémoires d'Olivier de la Marche, t. II, p. 55.

[25] Jean Chartier, t. II, p.181-182.

[26] Chronique, l. IV, ch. XXIX.

[27] Agnes quœdam cognomine bella, ad curiam regis venit, Isabellam Rhenati conjugem ex provincia secula ; abeunte domina, inter ancillas Mariœ reginœ remansit. Pie II Commentari, l. VI. Francfort, 1614, in-fol., p. 163.

[28] Vallet de Viriville, Nouvelles recherches sur Agnès Sorel, p. 12.

[29] Nous avons vu que Jouvenel des Ursins, dans son Épître de 1440, fait plusieurs fois allusion aux habitudes de dévotion du Roi à cette époque.

[30] Le premier jour d'octobre 1435, se partit de Marseille la reine Isabelle pour aller à Naples et en son royaume. Notes copiées en tête du livre d'heures du roi René. Bibl. nat., ms. latin 1156 A. — Il est établi par les comptes de l'hôtel de la reine de Sicile qu'elle se trouvait à Tours en juin et juillet 1435 ; le 16 août, elle était à La Rochelle. Archives nationales, KK 244.

[31] La date de naissance d'Agnès ne repose que sur l'autorité très contestable d'une compilation faite au XVIIIe siècle, où l'on prétend qu'Agnès mourut âgée seulement de quarante ans. Histoire de l'abbaye de Jumièges, par le prieur Marrye, imprimée dans les Mélanges de la Collection des documents inédits, t. I, p. 419-422. — Les auteurs contemporains parlent tous de son extrême jeunesse au moment de sa mort : In flore juventutis..... vitam finivit, dit Thomas Basin. — Icelle Agnès mourut moult jeune, écrit Jacques du Clercq. — Jean Chartier dit que entre les belles c'estoit la plus jeune et la plus belle du monde. — Enfin Jacques Millet, dans l'épitaphe qu'il composa, emploie les expressions suivantes :

O mors, sœva nimis qui juvenilibus annis

Abstullit a terris, membra serena suis !

Enfin, il faut faire observer que Geoffroy Soreau, oncle d'Agnès, mourut en 1503, et que son plus jeune frère, André, naquit en 1434.

[32] Delort, Essai critique sur l'histoire de Charles VII, d'Agnès Sorelle et de Jeanne d'Arc (Paris, 1854, in-8°), p. 57 ; reproduit par M. Vallet, Nouvelles recherches, p. 17.

[33] Vallet, Histoire de Charles VII, t. III, p. 15.

[34] M. Vallet cherche à relever l'autorité de Delort en parlant de ses communications très privilégiées, et de son intimité avec l'abbé Lespine ; il est bien forcé toutefois de convenir que le livre de Delort est dépourvu d'une saine critique, et que l'histoire et le roman s'y mêlent trop souvent. Histoire de Charles VII, t. III, p. 13, note 3.

[35] Vallet, t. III, p. 20.

[36] Vallet, t. I, p. 256.

[37] Quatorze enfants furent le fruit de cette union.

[38] 4 février 1436, mai (?) 1437, 7 septembre 1438.

[39] Le 5 avril 1441, revenue avec une commission du roi René lui conférant la lieutenance générale et le gouvernement dans les duchés de Bar, de Lorraine et d'Anjou et le comté de Provence, la reine, Isabelle était à Tarascon (Lecoy de la Marche, le roi René, t. I, p. 251) ; le 19 octobre 1441, elle arrive à Nancy, où elle reste jusqu'au 10 janvier (Recueil de documents pour servir à l'histoire de Lorraine, t. I, p. 154) ; elle va ensuite à Pont-à-Mousson, et revient le 18 février à Nancy (Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1859-60, p. 10) ; le 8 avril, elle est à Lunéville (Archives, K 504, n° 1) ; le 6 août, elle est encore en Lorraine (Collection de Lorraine, 20 bis, n° 8) ; elle vient ensuite rejoindre en Provence son mari, que nous trouvons à Ail le 23 octobre 1443 (Itinéraire, dans Lecoy de la Marche, t. II, p. 445), et séjourne avec lui jusqu'au départ pour Toulouse.

[40] Il était dans cette ville le 19 mars. Itinéraire, l. c., p. 446.

[41] Il y a des lettres de cette date, données à Saumur, qui portent sa signature. Pièces originales, 1037 : DUN.

[42] Voir plus haut.

[43] Voir chapitre II.

[44] Cestui, l'aigle de tous les mondains du monde, avecques merveilles de vaillance, estoit le plus bel parlier de son temps, et n'avoit homme qu'il n'endormist en son langage, fust ami ou ennemi, tellement qu'autrefois là où espée ne pouvoit donner vertu, sa langue vainquoit et ammollioit les puissans, a dit Georges Chastellain qui fut quelque temps à son service (Œuvres, t. III, p. 347). Et dans son épitaphe, il l'appelle :

Le preu, le bon, le vaillant chevalier,

Le plein de sens, le glorieux parlier.

(Œuvres, t. VII, p. 72.)

[45] Mémoires, t. II, p. 36.

[46] Dans une lettre des ambassadeurs anglais chargés d'une mission près du comte d'Armagnac, en date du 22 décembre 1442, on lit : Et insuper major quamquam a latere partis adverse, qui aiunt omnia regit. Bekynton's Official Correspondence, t. II, p. 233.

[47] Au mois de décembre 1444, à Nancy, le Roi fit don à Brézé des châteaux, châtellenies, terres et seigneuries de Nogent-le-Roi, Anet, Breval et Montchauvet. Les lettres rappellent les services de Brézé : Nostre dit chevalier et chambellan, ensuivant les vertueux et louables faiz de ses diz parens et predecesseurs, nous a, dès le commencement de son jeune age, fait, sans espargner ses personne et propres biens, mais iceulx continuellement exposant et employant en nos guerres à l'encontre de nos anciens ennemis les Anglois et autres nos adversaires, tant en plusieurs voyaiges, armées, sièges et entreprises qu'austres fait de guerre en nostre compaignie et ailleurs en diverses parties de nostre royaume, et mesmement à la prisse et recouvrement de la cité d'Évreux, lors occupée par lesdiz ennemis... plusieurs services... à l'occasion desquelles choses conduites et exercées par les bons moyens, conduite, prudence et vaillance pour le bien de nous et de nostre seigneurie et le reboutement de nosdiz ennemis et aux... perils, peines et travaux de sa personne... il luy a convenu faire et porter plusieurs grans fraiz et dépens... ayant aussi regard aux grans, bons, loyaux, honnourables et profitables services que faiz nous a nostre dit chevalier, conseillier et chambellan, en quoy il persevere tousjours de bien en mieulx, et pour lesquelz il a envers nous desservy singuliere faveur et bienvueillance... Archives, P 2298, p. 1389.

[48] Déposition de Guillaume Benoist (27 octobre 1446), dans le recueil de Le Grand, vol. VII, f. 44.

[49] Procès de Mariette, dans les Preuves de la Chronique de Mathieu d'Escouchy, p. 268.