HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE III. — CHARLES VII DEPUIS LE TRAITÉ D'ARRAS JUSQU'À LA TRÊVE AVEC L'ANGLETERRE - 1435-1444.

 

CHAPITRE VI. — LA DÉLIVRANCE DU DUC D'ORLÉANS.

 

 

But poursuivi par Philippe le Bon dans les négociations avec l'Angleterre. — Inquiétudes que lui inspire l'attitude de Charles VII. — Programme de la politique bourguignonne. Intervention du pape en faveur de la paix. — Préparatifs pour la réunion d'une nouvelle conférence. — Visées de la diplomatie bourguignonne ; attitude de duo de Bretagne. — Sentiments réciproques des ducs d'Orléans et de Bourgogne. — La Praguerie vient entraver les négociations. — La duchesse de Bourgogne prend en main, l'affaire de la délivrance du duc d'Orléans ; discussions dans le Conseil d'Angleterre ; protestation du duc de Glocester. Traité du 2 juillet pour la libération du duc ; derniers arrangements pris en Angleterre. — Le due d'Orléans débarque à Calais ; son entrevue avec le duc de Bourgogne ; son mariage. — Le duc d'Orléans en Flandre ; il s'allie avec le duc de Bourgogne ; son départ pour la France avec une nombreuse escorte de seigneurs bourguignons. — Charles VII refuse de le recevoir.

 

Le duc de Bourbon et le duc d'Alençon avaient échoué sur le terrain militaire ; le duc de Bourgogne allait leur préparer une revanche sur le terrain diplomatique.

En se rapprochant des Anglais et en prenant l'initiative de négociations pour la paix, Philippe agissait, comme toujours, dans des vues intéressées. Le premier résultat des pourparlers entre la duchesse de Bourgogne et le cardinal de Winchester avait été le rétablissement des relations commerciales entre l'Angleterre et la Flandre. Dès le début des conférences de Gravelines, la trêve entre les deux contrées avait été prolongée[1]. Quelques mois plus tard un traité de commerce fut conclu[2]. Enfin, au commencement de 1440, des conventions vinrent assurer de nouveaux privilèges aux sujets anglais et bourguignons, et étendre aux Pays-Bas les dispositions déjà prises[3]. La puissance bourguignonne se retrouvait donc en possession des avantages commerciaux que lui avait offert l'alliance anglaise.

Le second résultat poursuivi par la duchesse de Bourgogne était la libération du duc d'Orléans[4]. Durant le séjour du duc Charles à Calais, et depuis qu'il était retourné en Angleterre, la duchesse lui avait fait des ouvertures au sujet d'un mariage avec sa nièce Marie de Clèves, et de la conclusion d'une alliance avec la Bourgogne. Ces propositions avaient été accueillies avec empressement[5]. Dès lors la diplomatie bourguignonne n'épargnait rien pour procurer la mise en liberté du duc, et en faisait en quelque sorte une affaire personnelle.

Il était d'autant plus important pour Philippe le Bon d'atteindre ce but qu'il n'était pas sans inquiétudes du côté de la France. L'attitude résolue du gouvernement royal lui donnait à réfléchir ; on parlait d'un traité conclu par Charles VII avec les Anglais, et les démonstrations menaçantes des écorcheurs, qu'on disait être soutenus par Charles VII, étaient pour le duc un sérieux motif de préoccupations. On se demandait si, autour du Roi, il n'y avait pas quelque estrange voulenté à l'égard du duc. On craignait que, soit à l'heure présente, soit plus tard, Charles VII, devenu maître de la situation, ne portât dommage à son puissant cousin, ou que tout au moins il ne le tînt, lui et ses pays, en doubte et soupçon. Aussi les conseillers du duc recommandaient-ils à leur maître, tout en se tenant toujours prest et garni contre tous ses malveillans, de continuer à mettre peine d'acquerir l'amour et bienveillance du Roy et de monseigneur le Daulphin et de leurs conseillers. Alors même que le duc aurait l'assurance qu'on nourrissait à la Cour des intentions hostiles à son égard, il devait parler bel, passer temps et dissimuler, et se conduire par ambassades, lettres ou journées, afin d'avoir le loisir de se procurer de l'argent, de contracter des alliances et d'opérer d'indispensables réformes dans son gouvernement. On allait jusqu'à lui conseiller, pour éviter une guerre qui serait dure et périlleuse à soutenir, de modérer ses exigences relativement à l'exécution du traité d'Arras ; car il n'y pourrait faire, disait-on, mauvais marché, tant que ses anciennes seigneuries, son honneur et ses prérogatives demeureraient intacts. Et comme on savait que le roi de Sicile, le comte du Maine et leurs partisans avaient toujours grant auctorité, povoir et gouvernement près du Roi, on engageait le duc à trouver aucuns bons moyens et amitiés avec la maison d'Anjou, pour le bien de paix et le salut du povre peuple de France, qui, par les guerres, se destruit comme l'on voit journellement, ce qui était grande pitié. Si les princes de la maison d'Anjou ne voulaient se mettre à raison, et continuaient à semer la division entre le Roi et le duc, celui-ci devrait examiner avec ses conseillers, par bon advis secret, comment il y pourrait pourvoir. En même temps un plan complet de réformes était élaboré. Ce plan nous révèle la mauvaise direction imprimée au gouvernement du duc, soit au point de vue de l'organisation du Conseil, soit en ce qui touchait à la justice et aux finances. On ne voyait de remède que dans l'adoption d'un ensemble de mesures qu'on soumettait à l'approbation du duc[6].

En ce qui concernait là politique générale, voici les conseils qu'on lui donnait.

Le duc ne doit point être commenceur de guerre, car il ne demande que le maintien de la paix et l'observation du traité d'Arras ; mais si le Roi et le Dauphin continuent à se montrer rageurs, à user de ruses cachées (cautelles couvertes) et de duretez envers le duc et ses sujets, comme ils l'ont fait jusqu'ici, le duc devra poursuivre avec l'Angleterre la conclusion d'une trêve générale à longue échéance pour tous ses pays et sujets ; prendre alliance par mariages avec certains grands seigneurs anglais qui recherchent son amitié ; chercher par tous bons et honorables moyens à s'allier avec les princes, seigneurs et seigneuries qui pourraient lui venir en aide ; s'adresser au pape pour qu'il envoie un légat au Roi et au Dauphin afin de les rappeler à l'observation du traité d'Arras, en insistant sur les peines ecclésiastiques, si grandes que plus ne peuvent, qui en punissent la violation ; se mettre en relations suivies avec les princes de France, tels que le duc d'Orléans, le duc de Bretagne, le duc de Bourbon, le duc d'Alençon et les autres grands seigneurs du royaume, ainsi qu'avec les prélats et bonnes villes, pour qu'ils s'emploient à maintenir le traité. Le duc, de son côté, sera toujours prêt à l'observer, en faisant son devoir à l'égard du Roi comme tout bon et loyal vassal et parent est tenu de le faire ; enfin, il faudra prendre des mesures dans l'éventualité d'une prise d'armes, et être à même de résister à toute agression.

La suite des événements nous montrera comment ces conseils furent suivis.

On a vu qu'avant la rupture des conférences de Gravelines la duchesse de Bourgogne avait fait décider qu'une nouvelle conférence serait tenue au mois d'avril 1440. Dans les derniers mois de l'année 1439, le Pape intervint. Il donna mission à l'archevêque de Spolète, à l'évêque de Meaux et à deux dignitaires de la Cour pontificale de se rendre en France pour travailler à la paix entre les deux royaumes[7]. Charles VII reçut à Angers, au mois de décembre, les ambassadeurs du Pape[8]. En même temps le duc d'Orléans, voyant que l'affaire de sa libération était enfin en voie de conclusion[9], chargea le comte de Dunois d'une mission près du Roi, de la Reine et du Dauphin ; il s'agissait d'obtenir les sommes nécessaires au paiement de sa rançon : le duc demandait l'autorisation du Roi et en même temps sa garantie pour des avances de fonds qu'il sollicitait de la Reine, du Dauphin, des princes du sang et des principaux seigneurs de la Cour[10]. Nous avons le texte de la lettre que le duc adressa aux princes pour obtenir leur concours[11]. Dunois réussit dans sa mission, car, dans le courant, de décembre, les scellés en question furent tous donnés[12].

En Angleterre, on se préparait à tenir la conférence projetée. Le 28 octobre 1439, des lettres patentes étaient venues ratifier les arrangements pris par la duchesse de Bourgogne[13]. Le 30 janvier 1440, Henri VI, en manifestant le vif désir de conclure la paix[14], fit expédier des lettres de sauf-conduits, valables jusqu'au 1er juillet, pour les ambassadeurs de France qui, l'année précédente, s'étaient rendus à Gravelines[15].

Tout absorbé qu'il fût, durant les premiers mois de 1440, par la lutte contre les princes révoltés, Charles VII n'oublia ni les négociations avec l'Angleterre, ni les intérêts de son cousin d'Orléans. Le 12 avril, au moment où il venait de reprendre Saint-Maixent sur les rebelles, il donna, dans cette ville, des lettres portant pouvoir au chancelier et à d'autres de ses conseillers pour se rendre à la nouvelle conférence, et autorisant ses ambassadeurs à délivrer les lettres patentes qui pourraient être nécessaires en vue de l'élargissement du duc d'Orléans[16]. En même temps, il permit à celui-ci d'aliéner certaines de ses terres pour pourvoir au paiement de sa rançon[17]. De son côté, le roi d'Angleterre donna ordre au garde de son scel privé de rédiger des instructions pour les ambassadeurs chargés de reprendre les négociations avec la France[18]. Des pouvoirs furent donnés à ces ambassadeurs[19], et des sauf-conduits délivrés pour les représentants de Charles VII[20].

Le duc d'Orléans et la duchesse Isabelle avaient pris soin de se ménager le concours du duc de Bretagne, alors en relations intimes, d'une part avec le gouvernement anglais, d'autre part avec les princes révoltés, et qui se conduisait à l'égard de la France comme s'il eût été le vassal de Henri VI. Le roi d'Angleterre le traitait d'ailleurs comme tel[21] : dans une lettre écrite le 25 juin 1440, il disait que, connaissant le parfait désir que le duc avait eu de tout temps au bien de paix générale avec l'Adversaire de France, il lui promettait, conformément à ce qui autrefois avait été convenu entre eux, que si la paix se faisait, le duc y serait participant, et que sa personne et ses pays y seraient compris, à son bien et honneur, selon son état, ainsi qu'il appartenait à un tel prince[22].

La diplomatie bourguignonne ne restait point inactive. Avec l'Angleterre, la duchesse Isabelle poursuivait la conclusion d'une trêve particulière[23]. Tandis qu'en Hainaut, en Flandre, en Picardie, elle faisait d'actives démarches pour procurer des fonds au duc d'Orléans[24], elle était en correspondance assidue avec ce prince[25], qui venait de vendre au duc de Bourgogne le comté de Soissons, la baronnie de Coucy et d'autres seigneuries[26]. De son côté, le duc Philippe entretenait des relations suivies avec le Dauphin et avec le duc de Bourbon[27].

Ainsi se révèle la politique du duc de Bourgogne. Rattacher à sa cause, par des liens de parenté 'ou de reconnaissance, tous les princes du sang, afin d'asseoir sa prépondérance sur l'affaiblissement de la puissance royale, tel était son dessein. En 1425, il avait refusé de s'emparer de la direction politique et l'avait laissée aux mains de son beau-frère, le connétable de Richemont ; présentement il visait à une sorte de suprématie. Le duc de Bretagne était depuis longtemps son allié ; le duc de Bourbon, l'instigateur de la révolte à laquelle avaient pris part le duc d'Alençon, le comte de Vendôme et le Dauphin, était son beau-frère et son ami le plus intime à la Cour de France. Le duc d'Orléans allait devenir à la fois son neveu et son obligé.

Nous n'avons pas la correspondance qui dut être échangée entre le fils de Louis d'Orléans et le fils de Jean sans Peur. Mais nous pouvons y suppléer à l'aide des poésies du prisonnier d'Azincourt. Lors des conférences de Gravelines et depuis, il y eut de part et d'autre des envois de ballades ; on va voir que les lettres missives elles-mêmes, si nous en possédions le texte, ne nous renseigneraient pas mieux sur les sentiments intimes de Charles et de Philippe.

C'est le duc d'Orléans qui commence. Aussitôt arrivé à Calais, il s'adresse à son cousin :

Puisque je suis vostre voisin

En ce païs, presenternent,

Mon compaignon, fraire et cousin,

Je vous requier tres chierement

Que de vostre gouvernement

Et estat me faictes savoir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Il n'est jour, ne soir, ne matin

Que ne prie Dieu humblement

Que la paix prengne telle fin

Que je puisse joyeusement

A mon desir prouchainement.

Parler à vous et vous veoir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Va ma balade prestement

A Saint-Omer, monstrant comment

Tu vas pour moy ramentevoir

Au duc, à qui suis loyaument ;

Et tout à son commandement,

S'il en estoit à mon vouloir[28].

Le duc de Bourgogne répond par une ballade où il assure son maistre et amy de son vif désir de le voir, sans attargier, hors de prison. Le duc, une fois délivré, pourra facilement pousser à la paix ceux qui la voudraient éloigner ; il termine ainsi :

Or pensons de vous allegier

De prison, pour tout engagier,

Se n'avons paix et union.

Et du tout m'y vueil obligier

En ceste presente saison[29].

Au moment de faire voile pour l'Angleterre, après l'échec des conférences, le duc d'Orléans reprend la plume :

Et sans plus despendre langage

A cours mots, plaise vous penser

Que vous laisse mon cueur en gage

Pour tousjours, sans jamais faulser.

Si me vueillez recommander

A ma cousine, car croiez

Que en vous deux, tant que vivrez,

J'ay mise toute ma fiance,

Et vostre party loyaument

Tendray, sans faire changement

De cueur, de corps et de puissance

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adieu vous, dy presentement.

Tout Bourgongnon sui vrayement

De cueur, de corps et de puissance[30].

Le duc de Bourgogne répond :

De cueur, de corps et de puissance,

Vous mercie tres humblement

De vostre bonne souvenance ;

et il lui recommande de ne point oublier les affaires du royaume :

Ne mettez point en oubliance

L'estat et le gouvernement

De la noble maison de France

Qui se maintient piteusement...

Vous saurez tout quoy et comment...

Je n'en dy plus pour le meillieur.

Mais on en dit tant et expose

Que c'est à oïr grant horreur[31].

Cependant la Praguerie marchait à un complet avortement. Sollicité par les princes de se joindre à. eux, le duc de Bourgogne s'y était refusé ; voyant que l'affaire tournait mal, il s'était empressé d'intercéder en leur faveur et de ménager un rapprochement avec le Roi[32].

Le premier résultat de la prise d'armes fut d'empêcher la réunion d'États généraux, fixée au 15 février 1440, où devait être résolue la question de la paix avec l'Angleterre. Les députés étaient arrivés à Bourges, où se trouvèrent également des ambassadeurs bourguignons. Les événements rendirent toute réunion impossible : on attendit de semaine en semaine, sans savoir quand l'Assemblée pourrait se tenir.

Le second résultat fut d'apporter les mêmes entraves à la tenue de la conférence de Gravelines. Fidèle à l'engagement contracté, Charles VII fit partir son chancelier, qui arriva à Saint-Omer dans la première quinzaine de mai[33], et fut bientôt rejoint par le comte de Dunois[34] ; mais, soit que les Anglais aient voulu attendre l'issue de la lutte, soit que la diplomatie bourguignonne ait fait ajourner la conférence, les représentants de Henri VI ne parurent point : c'est en vain que les plénipotentiaires français demeurèrent à Saint-Omer pendant plusieurs mois[35].

La duchesse de Bourgogne sut mettre à profit cet intervalle. Elle résolut de ne point attendre davantage pour conclure l'affaire de la libération du duc d'Orléans. Tout avait été concerté entre cette princesse et le cardinal de Winchester[36]. Dès le commencement du mois de mai, la question fut mise en délibération en Angleterre dans le Conseil privé.

La discussion fut vive et prolongée. Le duc de Glocester, ennemi personnel du cardinal, rédigea un long exposé, véritable réquisitoire contre le tout-puissant ministre, rendu responsable des échecs multiples qu'avait subi la cause anglaise. Plutôt que de donner son assentiment à la mise en liberté du duc d'Orléans, le duc préférait mourir ; il concluait en demandant que le cardinal et l'archevêque d'York, son auxiliaire au congrès de Gravelines, fussent exclus du Conseil et mis en jugement[37].

Mais le Conseil privé paraissait décidé à passer outre et à.se ranger à l'avis du cardinal. Glocester rédigea alors une protestation dont il lui fut donné acte à la date du 2 juin[38]. Dans ce document, le duc faisait l'exposé des motifs qui avaient dicté sa conduite. L'incapacité du roi Charles et de son fils, disait-il, est connue de tout le monde[39]. Il est donc à craindre que les États généraux du royaume ne donnent la direction des affaires au duc d'Orléans. Or, les vastes connaissances de ce prince, son jugement éclairé, sa connaissance approfondie de la situation de l'Angleterre constitueront pour la Couronne un immense danger[40]. Le duc d'Orléans ne manquera pas de s'employer à pacifier le différend existant entre le roi Charles et son fils, et qui est une cause d'affaiblissement pour la France. On prétend exiger du duc un serment, avant de le mettre en liberté ; mais tiendra-t-il ce serment, lui qui considère le roi Charles comme son souverain ? Il dira qu'on le lui a extorqué et le regardera comme de nulle valeur. Et, pour prévenir cette éventualité, quelle garantie prendra-t-on ? Le duc est allié aux maisons d'Armagnac et d'Albret ; il y a lieu de penser que, dans l'état d'abandon où est laissée la Guyenne, il unira ses forces à celles de ses deux alliés : dans ce cas, que fera-t-on pour la défense de cette province ? Le roi d'Angleterre n'a pour allié en Europe que le roi de Portugal. Comment en acquérir d'autres quand il apparaîtra à tous les yeux que le roi n'a trouvé de meilleur moyen pour conserver les conquêtes de son père que de mettre en liberté un de ses principaux ennemis ? On se flatte que de nouvelles dissensions surgiront entre les maisons d'Orléans et de Bourgogne ; mais la réconciliation, opérée récemment à Calais entre les deux ducs donne lieu de craindre qu'ils n'unissent leurs forces pour chasser les Anglais ; et certainement ils pourront y parvenir, à moins que Dieu n'y mette la main. Or si, comme cela est à présumer, l'élargissement du duc d'Orléans entraîne la perte, non seulement de la Normandie, mais de tout ce que le roi possède en France, quelle responsabilité pour ses conseillers ! quels murmures dans le peuple, qui verra perdre ainsi les conquêtes achetées au prix du sang du feu roi, de la perte de ses frères les ducs de Clarence et de Bedford, de la mort de tant d'autres princes, seigneurs et gentilshommes ! D'ailleurs le feu roi n'a-t-il pas défendu à tout jamais de mettre en liberté le duc d'Orléans[41] ? Glocester entendait rester fidèle aux recommandations de son frère et voulait dégager sa responsabilité pour l'avenir.

Pour prévenir l'effet de cette protestation, le Conseil privé fit rédiger un mémoire[42], et le fit livrer à la publicité. On y exposait les considérations qui avaient déterminé le Conseil à consentir à l'élargissement du duc d'Orléans. C'était, avant toutes choses, le désir de conclure une paix devenue nécessaire en présence d'une guerre ruineuse et sans issue ; c'était ensuite la certitude acquise que la libération du duc d'Orléans était, pour l'adversaire de France, l'indispensable préliminaire de la paix. Les lois de la guerre, d'ailleurs, ne s'opposaient-elles pas à ce qu'un prisonnier fût retenu dans une perpétuelle captivité ? Le duc, une fois délivré, pourrait travailler utilement à la paix. En terminant on répondait brièvement à quelques-unes des objections formulées par Glocester.

C'est le 2 juillet 1440 que fut signée la convention par laquelle le duc d'Orléans recouvrait sa liberté[43]. Avant de quitter l'Angleterre, il devait verser une somme de quatre-vingt mille écus et en payer cent-vingt mille dans le délai de six mois. Pour cette dernière somme, il devait fournir les cautions du Dauphin, des ducs de Bretagne et d'Alençon, des comtes de Vendôme et de la Marche, et de cinq membres du grand Conseil[44]. Le duc s'engageait, pendant l'année qui suivrait son élargissement, à ne point porter les armes contre Henri VI, et à s'employer de tout son pouvoir à la conclusion d'une paix finale et perpétuelle entre la France et l'Angleterre. En cas de réussite, il serait remboursé de la somme payée par lui ; en cas d'insuccès, il devrait se reconstituer prisonnier dans un délai de quarante jours, et restitution lui serait faite de ce qu'il aurait versé. Aucune des conditions qu'il avait été question d'imposer au duc n'est stipulée dans l'acte. Cela montre bien que, pour le gouvernement anglais, réduit aux abois et ne sachant plus à quel expédient recourir, il s'agissait avant tout d'une question d'argent[45].

Les princes ne tardèrent pas à envoyer leurs cautions : celle du Dauphin porte la date du 23 juillet ; celles des ducs de-Bretagne et d'Alençon, des comtes de Vendôme et de la Marche sont du même mois[46]. En dehors des cautions stipulées dans le traité, d'autres engagements furent souscrits par la duchesse de Bourgogne, le comte de Nevers et le comte d'Étampes[47].

Tandis que ces arrangements étaient pris en Angleterre, le chancelier de France et le comte de Dunois résidaient toujours à Saint-Omer, où ils étaient en relations suivies avec la duchesse de Bourgogne[48]. Isabelle avait établi sa résidence à Hesdin. Elle correspondait avec ses propres ambassadeurs, qui se trouvaient à Calais en compagnie d'Étienne Wilton, secrétaire du roi d'Angleterre[49], et avec le duc d'Orléans[50] ; elle s'occupait de réaliser des emprunts pour faciliter à ce prince le paiement de sa rançon[51] : elle venait même en aide au Roi, en prêtant une somme de trois mille cinq cents saluts d'or pour le ravitaillement d'Harfleur[52]. Sur ces entrefaites arrivèrent de nouveaux ambassadeurs français : c'étaient l'archevêque de Narbonne, l'évêque de Poitiers, Guillaume Le Tur, président au Parlement, et Jacques Jouvenel[53]. Le 16 août, ils délivrèrent au nom du Roi des lettres patentes par lesquelles l'approbation royale était donnée au traité conclu le 2 juillet, précédent pour la libération du duc d'Orléans[54]. Aussitôt, le duc de Bourgogne, qui revenait d'un voyage à Bruxelles, fit partir (18 août) un poursuivant, porteur de lettres pour le Roi, le Dauphin, le comte du Maine et le seigneur de Tentant, toujours en mission près du Dauphin[55].

Pendant les derniers temps de son séjour en Angleterre, Charles d'Orléans s'occupa de préparer les voies à la reprise des négociations avec la France. Il obtint l'envoi d'une ambassade, qui partit pour Calais à la fin de septembre[56]. A la date du 28 octobre, Henri VI déclara qu'il se prêterait volontiers à la tenue d'une conférence, et fit délivrer des sauf-conduits pour les ambassadeurs de France[57]. De semblables lettres furent données pour la duchesse de Bourgogne, le chancelier Rolin et d'autres conseillers du duc[58]. Enfin le duc d'Orléans reçut, pour lui-même et pour un grand nombre de ses serviteurs, les plus amples facilités de communication[59].

A ce moment arriva en Angleterre une ambassade du duc de Bretagne. Déjà, à la date du 11 juillet, Henri VI avait ratifié les arrangements pris par le comte de Somerset avec le duc pour faciliter les relations commerciales entre. la Bretagne et l'Angleterre[60]. Un nouveau traité fut signé à Westminster le 13 octobre[61].

Tout était prêt désormais pour le départ du duc d'Orléans. Le 28 octobre, dans la cathédrale de Westminster, il prêta solennellement sur les saints Évangiles, en présence du roi d'Angleterre et de tous les princes, le duc de Glocester excepté, le serment d'être fidèle aux conventions faites[62]. Les quatre-vingt mille écus étaient versés : le 2 novembre, le duc signa les obligations pour les sommes qui lui restaient à acquitter dans un délai de six mois[63]. Le 3, Henri VI donna les lettres d'élargissement[64] et l'accusé de réception des scellés des primes et seigneurs[65]. Le même jour, il déchargea lord Fanhop de la garde de son prisonnier, et fit délivrer à celui-ci un nouveau sauf-conduit[66] ; Charles Waterby, avec quatre serviteurs, fut investi de la mission d'accompagner le duc en France et de demeurer près de lui pendant un an[67] ; l'évêque de Ross et d'autres conseillers de la Couronne furent désignés pour lui faire renouveler son serment, une fois qu'il aurait mis le pied sur la terre de France[68]. Enfin, sur les instances du duc, Henri VI donna des pouvoirs à ces mêmes conseillers pour reprendre avec les ambassadeurs de France les négociations en vue de la paix[69].

Le duc d'Orléans mit à la voile le 5 novembre, en compagnie des ambassadeurs anglais, et débarqua à Calais. Il se rendit le 11 à Gravelines[70], où l'attendaient la duchesse de Bourgogne, le comte de Dunois, le chancelier Regnault de Chartres, Jean d'Harcourt, archevêque de Narbonne, et les autres ambassadeurs de France. Le premier mot que le duc adressa à la duchesse Isabelle fut celui-ci : Madame, vu ce que vous avez fait pour ma délivrance, je me rends votre prisonnier[71]. Bientôt arriva le duc de Bourgogne. L'entrevue des deux princes fut des plus cordiales : ils s'entre acolèrent et embrassèrent à plusieurs reprises ; et, raconte Monstrelet, pour la grand joie qu'ils avoient de veoir l'un l'autre, furent moult grand espace qu'ils ne dirent rien l'un à l'autre. Enfin Charles d'Orléans rompit le silence : Par ma foy, beau frère et beau cousin, dit-il, je vous dois amer par dessus tous les aultres princes de ce royaume, et ma belle cousine vostre femme, car si vous et elle ne fussiez, je fusse demouré à tousjours mais ou dangier de mes adversaires, et n'ay trouvé nul meilleur ami que vous. Philippe répondit que moult lui pesoit que plus tost n'y avoit pu pourveoir, et que longtemps par avant avoit eu grand desir de luy employer pour sa redempcion[72]. Le lendemain, Charles d'Orléans prêta de nouveau serment d'observer le traité passé avec le roi d'Angleterre, et acte de ce serment fut dressé[73].

Après l'accomplissement de cette formalité, les deux ducs se rendirent par eau à Saint-Omer et se logèrent à l'abbaye de Saint-Bertin. De tous côtés on venait saluer le duc d'Orléans, et beaucoup de ses propres sujets accoururent pour lui témoigner la joie causée par son retour. Le 16, dans l'église de l'abbaye, il entendit la lecture du traité d'Arras, faite successivement en latin et en français, et jura solennellement sur les Évangiles de l'observer avec fidélité. Le duc ne fit de réserve que sur les articles concernant la mort du duc Jean : Je ne suis pas tenu, dit-il, de m'excuser d'icelle mort, car, par mon âme, je n'en fus oncques consentant, et je n'en ai rien su ; mais quand elle vint à ma connaissance, j'en fus très déplaisant, voyant et considérant que par le moyen de ladite mort le royaume de France était en plus grand danger qu'auparavant[74]. Le comte de Dunois fut appelé à prêter le même serment ; il eut, parait-il, un moment d'hésitation ; mais, sur l'ordre de son frère, il jura à son tour. Le contrat de mariage contenant les stipulations faites par le duc en faveur de sa nièce avait été dressé : Marie de Clèves recevait cent mille saluts d'or, dont quatre-vingt mille devaient être assis sur le comté de Soissons, la baronnie de Coucy et la seigneurie de la Fère en Tardenois, jusqu'à concurrence de huit mille livres de rente ; les vingt mille saluts restants étaient à la disposition du duc d'Orléans[75]. La cérémonie des fiançailles fut célébrée par l'archevêque de Narbonne. Le mariage eut lieu le 26 novembre. Ce fut l'occasion de fêtes et dé réjouissances qui se prolongèrent pendant tout le temps du séjour à Saint-Omer[76].

Mais, au milieu de cette pompe, le duc de Bourgogne poursuivait ses desseins. Le 30 novembre il tint l'assemblée annuelle de son ordre de la Toison d'or. Dans cette assemblée, le duc d'Orléans fut, à l'unanimité, nommé chevalier de la Toison d'or. L'évêque de Tournai et le chancelier Rolin furent députés vers lui pour lui demander de recevoir le collier. Charles d'Orléans répondit qu'il l'accepterait volontiers, pour l'honneur de son beau-frère et cousin le duc de Bourgogne. Il se rendit alors dans la grande salle. Là, en présence du duc Philippe et de tous les chevaliers de l'ordre, Hugues de Lannoy s'avança vers lui et s'exprima en ces termes : Mon très excellent, très puissant et redoubté seigneur monseigneur le duc d'Orléans, véez ici en vostre presence mon très redoubté seigneur monseigneur le duc de Bourgogne et messeigneurs ses frères de l'ordre de la Toison d'or, qui ont advisé et conclud tous ensemble, en leur chapitre, que, pour la très haulte renommée, vaillance et preudhommie qui est en. vostre très haulte personne, ils vous presentent un collier de ladicte drdre, en vous priant très humblement qu'il vous plaise à le recevoir et porter, afin que la très fraternelle amour qui est entre vous et mon très redoubté seigneur se puisse mieux preserver et entretenir. Le duc d'Orléans ayant donné son assentiment, le duc de Bourgogne lui passa le collier autour du cou, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en lui donnant l'accolade[77].

Le duc d'Orléans demanda alors à son cousin de vouloir bien porter son ordre. Sur l'acceptation de Philippe, il tira aussitôt de sa manche un collier de l'ordre du Camail, et le mit au cou du duc. Charles d'Orléans prêta ensuite serment et prit place parmi les chevaliers de la Toison d'or. Pour lesquelles ordres dessus dictes ainsy baillées et rec,eues par yceulx deux princes, dit Monstrelet, la plus grande partie des nobles et d'aultres gens d'auctorité là estans furent très joyeux de les voir entre en si très grant amour et concorde l'un avec l'autre[78]. Au bout de quelques jours il fut résolu, d'un commun accord, que le collier de la Toison d'or serait envoyé aux ducs de Bretagne et d'Alençon[79].

On aurait pu croire que la présence simultanée à Saint-Orner d'ambassadeurs de France et de représentants du roi d'Angleterre, porteurs des pouvoirs de leurs maîtres, donnerait lieu à une reprise des négociations. Il n'en fut rien : les ambassadeurs de France ne paraissent point avoir eu la moindre communication avec les seigneurs anglais qui accompagnaient le duc d'Orléans.

En quittant Saint-Orner, Charles d'Orléans se rendit en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne. Il accompagna Philippe en Flandre, où de splendides réceptions furent faites aux deux princes. Bruges et Gand se signalèrent par l'éclat de leurs fêtes. C'est dans la première de ces villes que, le 18 décembre, fut signé entre Philippe et Charles un traité d'alliance. Dans les pactes, assez habituels à cette époque, par lesquels les princes se juraient fidélité envers et contre tous, la personne royale était toujours soigneusement réservée. Ici aucune réserve ; l'engagement est absolu : S'il avenoit (que Dieu ne vueille !) que aucun ou aucuns s'efforçassent de nous grever ou faire guerre ouverte, ou autrement porter dommaige à nous ou à l'un de nous, couvertement ne en appert (ouvertement) en quelque manière que ce fust, nous et chascun de nous y resisterons, et l'un l'autre aiderons, secourrons et conforterons en toute telle amour, secours et aide, et en pareille amitié, tant de noz personnes que de noz subjez, païs et seigneuries, comme se estions frères germains, et tout ainsi que frères germains doivent estre. Les deux princes promettaient d'oublier les discordes passées, de travailler de concert à la pacification du royaume et de ne faire aucune alliance avec quelque prince ou seigneur sans le consentement l'un de l'autre, s'il était du royaume, ou sans se le signifier mutuellement, s'il était étranger[80]. Inutile d'ajouter que les serments les plus solennels furent échangés.

Le lendemain était signé à Bruges, avec un secrétaire du duc de Bretagne, un traité assurant la sécurité des relations commerciales entre les sujets de ce prince et la Hollande, la Zélande et la Frise[81].

C'est à Gand que le duc d'Orléans prit congé de Philippe le Bon. Il partit accompagné d'une suite brillante : son escorte ne comptait pas moins de trois cents chevaux[82]. Chacun s'était empressé autour de lui, sollicitant la faveur de le suivre : on ne doutait pas que la plus brillante situation dans le royaume ne fût réservée à ce prince, et on espérait, en s'enrôlant parmi ses serviteurs, arriver rapidement à la fortune. Le duc d'Orléans traversa ainsi Cambrai, Saint-Quentin, Noyon, Compiègne, Senlis, recevant au passage d'aussi grands honneurs que s'il eût été le Roi ou le Dauphin[83] ; il arriva à Paris le 14 janvier[84], et se disposait à se rendre près du Roi. Mais Charles VII était mécontent de l'attitude prise par le duc depuis qu'il avait mis le pied sur la terre de France : cette étroite intimité avec le duc de Bourgogne, ce voyage de Flandre, cette marche triomphale à la tète d'une nombreuse suite de seigneurs bourguignons qui, pour la plupart, avaient porté les armes contre la France, tout cela avait indisposé le Roi. Lors du débarquement, il avait fait mander au duc de venir près de lui, l'assurant de son vif désir de le voir. Quand Charles d'Orléans arriva à Paris, il y trouva un nouveau message royal : Charles VII déclarait persister dans ses bonnes dispositions à l'égard du duc ; mais il entendait le recevoir à privée maisnie, c'est-à-dire sans aucune suite.

Le duc d'Orléans ne voulut pas se soumettre à cette injonction. Renonçant à aller saluer le Roi, il prit le chemin de ses seigneuries, et vint s'installer à Blois en compagnie de sa jeune épouse.

 

 

 



[1] Traité conclu le 11 février 1439. Bréquigny, 82, f. 23.

[2] Voir chapitre IV.

[3] Le 21 janvier 1440, était signée à Reading une convention prolongeant de cinq années les trêves marchandes conclues l'année précédente (acte visé dans les lettres approbatives de Henri VI du 14 février suivant, Bréquigny, 82, f. 73.) Le 6 février 1440, Henri VI donnait pouvoir pour assurer aux marchands de Normandie, d'Aquitaine et des marches de Calais, les avantages dont jouissaient les sujets du roi d'Angleterre dans leurs relations avec la Flandre (Rymer, t. V, part. I, p. 75). En avril, on négociait une trêve marchande entre l'Angleterre et les Pays-Bas (Bréquigny, 82, f. 91). Lee juin 1440„ une convention était signée à Bruges avec les représentants des quatre membres de Flandre (Rymer, p. 86-87).

[4] Le 1er décembre 1439, Henri Utenhove et Louis Dommessant étaient envoyés en Angleterre pour la délivrance du duc d'Orléans et le fait de la marchandise entre les pays du duc de Bourgogne et le royaume d'Angleterre (Archives du Nord, B 1972, f. 139). Le 22 décembre, Henri VI donnait des pouvoirs pour proroger les trêves marchandes (id. B 1520).

[5] Voir Monstrelet, t. V, p. 435-436.

[6] Voir ces curieux avis, attribués à Guillebert de Lannoy, frère de Hugues, dans les Œuvres de Ghillebert de Lannoy, publiées par M. Potvin (p. 293 et suivantes), d'après les minutes conservées dans le ms. fr. 1218, ff. 16-22, 26-34, 44, 22-25 et 25 v°. Cf. le mémoire de M. Kervyn de Lettenhove : Un programme de gouvernement constitutionnel, cité plus haut.

[7] Bref du 20 octobre 1439, dans Raynaldi, année 1439, § XXXIX.

[8] Berry, p. 405.

[9] On lit dans des lettres missives datées de Stornton en Angleterre, le 25 octobre (1439) : Chiers et bien amez, vueillez savoir que, la merci Nostre Seigneur, depuis que nous sommes venuz en Angleterre, nous avons telement besoignié avec le Roy et Conseil d'Angleterre que, par certains traictiez et moiens convenuz entre nous et eulx, nous avons pris, grace à Dieu, appointement final de nostre eslargissement pour aler en France pour le bien de la paix et pourchasser nostre delivrance. Archives, K 65, n° 155 et 156.

[10] Instructions données le 25 octobre (1439) par le duc au comte de Dunois et aux gens de son Conseil. Ces engagements ne devaient recevoir leur exécution qu'au cas où le duc d'Orléans serait mis en liberté avant la Saint-André de l'année suivante. Archives, K 85, n° 157.

[11] Voici le texte de cette lettre, qui fait partie d'une collection mise tout récemment à la disposition des travailleurs :

Très chier et très amé cousin, je me recommande à vous. Et vous plaise savoir que, depuis mon partement' de Calais, j'ay prias appointement avecques le Roy d'Angleterre et son Conseil pour ma delivrance. A laquelle ma delivrance j'ay besoing que vous me soyez aidant. Pour ce vous prie et requiers, tant affectueusement comme je puis, très chier et très amé cousin, que de ce dont mon frere bastart vous priera de par moy me vueilliez secourir et aidier ainsi que j'en ay et doy avoir en vous la confiance, et que de ce ne me ruiliez faillir. Et je vous promet que je vous en iarderay de tout dommage et deshonneur, au plaisir de Dieu, très chier et très amé cousin, qui vous ait en sa sainte garde et vous doint bonne vie et longue. Escript à..... en Angleterre le..... jour de..... Vostre cousin le duc d'Orléans et de Valois, comte de Blois et de Beaumont et seigneur de Coucy. — CHARLES. Original, collection de Bastard (Ms. fr. nouv. acq. 3642), n° 785.

[12] Obligation du Dauphin pour 30.000 saluts d'or (15 décembre 1439, à Angers) ; du duc de Bourbon pour 20.000 saluts (13 décembre, à Angers) ; du comte d'Eu pour 10.000 (2 décembre, à Orléans) ; de Charles, seigneur d'Albret, comte de Dreux, pour 1.000 (15 janvier 1440, à Florence) ; du connétable de Richement pour 6.000 (20 décembre, en son est devant Avranches) ; du comte de Tancarville pour 6.000 (20 décembre) ; de Jean, seigneur de Bueil, pour 4.000 (20 décembre) ; de Pierre d'Amboise, signeur de Chaumont, pour 4.000 (17 décembre) ; de Prégent, seigneur de Coëtivy, pour 4.000 (22 décembre) ; de Martin Gouge, évêque de Clermont, pour 4.000 (22 décembre). Archives, K 65, n° 158 à 1516 et 1523 ; Bibl. nat., Ms. fr. 20379, f. 25.

[13] Lettres des rois, etc., t. II, p. 456.

[14] Nous qui de tout nostre cuer desirons veoir en noz jours le bien de paix, que chescun doit desirer...

[15] Rymer, t. V, part. I, p. 73.

[16] Lettres du 12 avril 1440. Rymer, t. V, part. I, p. 75.

[17] Lettres du même jour. Beauvillé, Recueil de documents inédits concernant la Picardie, t. I. p. 103. — Hue de Saint-Mars partit à la fin d'avril pour aller trouver son maitre en Angleterre, sans doute avec mission de porter ces actes à sa connaissance. British Museum, Additional Charters, n° 3897.

[18] Bréquigny, 82, f. 91 et 103 ; Rymer, l. c., p. 77.

[19] Aux dates des 24 avril et 2 mai 1440. Bréquigny, 82, f. 103 ; Rymer, l. c., p. 77 et 78.

[20] 27 avril et 31 mai. Rymer, l. c., p. 73.

[21] Voir les instructions, en date du 4 février 1440, données par le roi d'Angleterre à Berard de Montferrand, envoyé au duc de Bretagne (D. Morice, t. II, col. 1325) : Je longtemps et encores de jour en jour le Roy est bien averty que ses adversaires ont grant desplaisance de ce que ledit duc lui est feal et ami... De la partie du Roy, le duc trouvera en tout temps aide, confort et secours.

[22] Rymer, t. V, part. I, p. 79 ; D. Morice, t. II, col. 1328.

[23] Du 17 juin au 5 septembre, l'évêque de Verdun et le gouverneur d'Arras sont employés dans un voyage fait à Calais pour traicter certaines abstinences de guerre. Archives du Nord, B 1678, f. 65. Cf. 1969, f. 185 v°, 186, 186 v°.

[24] Dès le 14 juin ces démarches avaient commencé. Archives du Nord, B 1969, f. 185 et 188 v°. Le 14 juillet le corps de ville d'Amiens entendait un rapport des bourgeois qui venaient d'être reçus par la duchesse : Laquelle leur avoit remontré de sa bouche la guerre presente, le traictié de la paix encommenchié à pourparler avec les Anglois, lequel, pour les afaires du Roy et monseigneur le Donk, n'estoit pas si bien poursuivi que on porroit faire, et que monseigneur d'Orleans, presentement en Angleterre, estoit celui qui meut y porroit, qui ne pooit estre delivré ne venir par decha sans paier sa renchon qu'il ne pooit faire sans aide, requerant ladicte dame que les habitans de la dicte ville vausissent prester mil sales pour aidier à paier ladicte renchon, ledit monseigneur d'Orleans venu par decha et non avant, et laquelle somme lesdis habitans reprenderoient sur le recepteur de mondit seigneur le duc, en dedans l'an, et s'ils le faisoient ce seroit le très grant bien et proufit du Roiame. Archives d'Amiens, Reg. des délibérations, vol. V, f. 59.

[25] Voyage de Franche-Comté le héraut, du 1er au 31 juillet 1440. Archives du Nord, B1969, f. 191 v° et 188 v°.

[26] Procurations du duc en date du 16 mai 14,40 ; actes de vente passés à Hesdin les 28 mai et 21 août. Archives, K 66, n° 2 à 5.

[27] Le 1er juillet, Jean Viguier part pour aller à Moulins, vers le Dauphin et le duc de Bourbon, pour aucunes choses secretes. Le 25, Gorquem le poursuivant part de Hesdin, porteur de lettres closes de la duchesse au chancelier de Bourgogne, au Dauphin et au sire de la Trémoille, touchans l'appointement et delivrance de monseigneur d'Orleans. Archives du Nord, B 1969, f. 157 et 196 v°.

[28] Les poésies du duc Charles d'Orléans, publiées par Aimé Champollion-Figeac (1842, in-8°). Ballade XCVI, p. 183.

[29] Ballade citée dans les notes, p. 435.

[30] Balade XCVII, p. 184-185.

[31] Ballade citée dans les notes, p. 436.

[32] Georges Chastellain, qui ne perd jamais une occasion de faire valoir son maitre, dit qu'il laboura toutes voies constantement et sur tous les autres de France en la pacification, et tellement que le discort fut remis en nature par son pourchas. Exposition sur verité mal prise, dans les Œuvres, t. VI, p. 286.

[33] Le chancelier passa par Reims dans les premiers jours de mai. On a la trace d'un présent d'une demie toile fine, du prix de trente-six saluts d'or, qui lui fut fait par le Conseil de ville. Le paiement est du 12 mai 1440. Compte des deniers communs, vol. II, aux Archives de Reims. Communication de M. Demaison.

[34] Dunois venait à Saint-Orner sur l'ordre de son frère, et en compagnie de Jean de Saveuse, premier chambellan du duc (Lettre missive du duc, Londres, 9 juillet, dans Pièces originales, 2653 : SAVEUSE). Le 2 juin, le duc de Bourgogne ordonnait à Jean de Brimeu, bailli d'Amiens, d'aller incontinent au devant da bâtard d'Orléans (Archives du Nord, B 1969, f. 181.) Dunois ne quitta plus Saint-Orner jusqu'à l'arrivée de son frère. C'est là que lui parvint la nouvelle de la paix conclue entre le Roi et le Dauphin ; cette nouvelle lui fut portée par Loyauté, poursuivant d'armes, parti le 22 juillet de Blois, par ordre du gouverneur de cette ville (Catalogue Leber, n° 5695, t. III, p. 129).

[35] Dans un document important, dont nous parlerons longuement plus loin, la chancellerie royale fait tomber ici toute la responsabilité sur les Anglais : Item et nientmains, en entretenant l'apointement de la journée prinse par mondit seigneur d'Orliens et madicte dame la duchesse de Bourgongne, envoia, à la journée emprinse au premier jour de may, solempnelle ambassade, avec povoir souffisant, pour besongner au fait de ladicte paix. Et y furent et demourerent lesdiz ambassadeurs par l'espace de sept ou de huit mois, sans rien besongnier, par la defaulte des Anglois, qui point n'y envoyerent gens ne povoir pour besongnier. (Réponse aux remontrances des princes, dans Monstrelet, t. VI, p. 29-30.) — Nous devons constater cependant qu'à la date du 8 mai 1440, le héraut Franche-Comté était envoyé hastivement par le duc au chancelier de France pour lui remettre des lettres par lesquelles il lui signifiait la venue d'une partie des ambassadeurs du Roy d'Angleterre pour le fait de la paix (Archives du Nord, B 1969, f. 176 v°), et que le 10 mai un chevaucheur de l'écurie du duc allait porter à Calais des sauf-conduits du Roi et du duc aux Anglais, pour venir surement à la journée assignée pour le fait de la paix (Id., f. 177.) — Dans le courant de mai, juin et juillet, le duc et la duchesse furent constamment en rapport, soit avec les ambassadeurs français à Saint-Omer, soit avec les représentants du roi d'Angleterre à Calais (Archives du Nord, B 1969, f. 179, 185, 185 v°, 189, 191 v°). Le roi d'armes Artois partit pour l'Angleterre à la date du 26 mai (Id., f. 179 v°). — Au mois d'août, quatre ambassadeurs, l'évêque de Rochester, lord Dudley, Stephen Wilton et William Sprever arrivèrent à Calais (Proceedings, t. V, p. 122-23) ; mais on ne voit pas qu'ils soient entrés en négociations avec les ambassadeurs français. Aucune autre question que celle de la délivrance du duc d'Orléans ne fut agitée dans le cours de cette année.

[36] Le garde du privé scel, William Lyndewode, fit à ce moment un voyage à Arras. Voir le document, en date du 20 mai 1440, reproduit dans Proceedings and Ordinances, t. V, p. 116.

[37] Voir le texte de la déclaration du duc de Glocester, dans Stevenson, t. II, p. 440-451.

[38] Rymer, t. V, part. I, p. 76-71.

[39] Il est curieux de voir en quels termes pleins de mépris le duc s'exprimait : First it is not unknow to my Lord and all his Counseill. as be comme reporte and fame, the Indysposition of my said Lord's Adversarie, that he neitter hath wisdom nor discretion to governe himselfe, but must be led, for defaut of naturell raison, aftur th'entent of tbeym that have hym for the tyme in governance. And his eldest sonne (il n'y avait alors que le Dauphin) also in the same mise disposed. Wherefore me thenketh, considering the grele subtilite and cauteluse disposition of the said duc of Orleans, which is so weli know to all my said Lordes Conseil, they should never conseille, advise nor assent to bis said deleverannce or eslargissement. Rymer, t. V, part. I, p. 76.

[40] En faisant du duc d'Orléans un si pompeux éloge, tandis qu'il se montrait si dédaigneux à l'égard du Roi, le duc de Glocester donnait la mesure de son jugement.

[41] Voir le texte de ce mémoire dans Stevenson, t. II, p. 451-60.

[42] Sir Harris Nicolas prétend que la volonté de Henri V, exprimée comme règle de conduite, qu'invoquait le duc de Glocester, ne fut point formulée dans ses dernières dispositions testamentaires. Voir Proceedings, préface du t. III, p. IX et suivantes ; préface du t. V, p. LXXXIII.

[43] Rymer, t. V, part. I, p. 81 et 83. Cf. Archives, K 65, n° 15-154.

[44] C'étaient le chancelier (10.000 saluts), l'archevêque de Narbonne(6.000), le comte de Tancarville (6.000), le seigneur de Maillé (1.000), le seigneur de Lohéac (4.000).

[45] Voir Proceedings, t. V, p. LXXXVII.

[46] Voir Rymer, t. V, part. I, p. 87-89.

[47] La duchesse de Bourgogne s'engagea (10 juillet) pour 15.000 nobles ; le comte de Nevers (17 juillet) pour la même somme ; le comte d'Étampes pour 6.000 écus. Archives, K 72, n° 569 ; K 65, n° 1524 ; K 72, n° 56. Voir liste des scellés remis par le duc d'Orléans au roi d'Angleterre, K 65, n° 1517, et autres listes, n° 1519 et 1599.

[48] Le 16 juillet, un chevaucheur de l'écurie portait de Hesdin des lettres closes de la duchesse aux ambassadeurs à Saint-Omer ; le 28 juillet, un messager portait d'autres lettres de la duchesse au chancelier de France et à Jean Le Fuzelier, conseiller du duc d'Orléans, leur mandant de se rendre près d'elle, pour aviser sur le fait de monseigneur d'Orléans et autres grans affaires. Archives du Nord, B 1969, f. 189 et 191 v°.

[49] 9 juillet 1440 : voyage de Bertrand, roi d'armes d'Artois, à Calais ; 2 avril : voyage de Franche-Comté à Calais ; 7 août : voyage de Chasteaubelin le héraut ; 18 août : voyage de Franche-Comté. Archives du Nord, B 1969, f. 188 v°, 192 v° et 194 v°.

[50] Une ballade du poète prisonnier (Ballade Cl. Poésies, p. 188-189.) fait allusion à ces négociations avec la cour de Bourgogne. Il faut que le duc d'Orléans dissimule, car il est avec la gent ennemie du duc :

Vous et moi avons maint servant

Qui convoitise fort mestrie.

il ne fault pas, ne tant ne quant,

Qu'ilz saichent nostre compaignie.

Peu de nombre fault que manie

Noz faiz secrets, par bien celer.

Tant qu'il soit temps qu'on me publie

Vostre loyaument sans faulcer.

Il envoie un messager qui en dira plus long, et termine par son refrain de fidélité :

Dieu me fière d'espidimie

Et ma part ès cieulx je renie

Se jamais vous pouvez trouver

Que me faiugne par tromperie

Vostre loyaument sans faulcer.

[51] Emprunts contractés près de la comtesse de Namur, des villes de Hainaut, de Flandre, etc. Archives du Nord, B 1969, f. 193 et suivants, et 204 v°.

[52] Le 12 août, la duchesse faisait porter an chancelier de France, à Saint-Omer, un à compte de 600 l. Archives du Nord, B 1969, f. 193. Cf. f. 199-200.

[53] Ces ambassadeurs sont nommés dans la lettre du 16 août. La date de l'arrivée est fixée par celle du passage à Reims, où on leur fit présent d'un poinçon de vin du prix de 6 l. 8 s. p. Or le paiement fut fait par mandement du 13 août. Comptes de 1439-1440, aux Archives de Reims. Communication de M. Demaison.

[54] Lettres contresignées par l'archevêque de Narbonne, l'évêque de Poitiers, le bâtard d'Orléans, Guillaume Le Tur et Jacques Jouvenel, et par le secrétaire Étienne du Beur. Rymer, t. V, part. I, p. 89-90. — On remarquera que le chancelier ne figure point parmi les signataires ; pourtant il devait être à Saint-Omer, où nous le retrouverons à l'arrivée du duc.

[55] Voyage fait le 18 août par Gorquem le poursuivant, pour aucunes choses secretes touchant le bien du Royaume et lesdiz seigneurs, et aussi le fait de monseigneur d'Orleans. Archives du Nord, B 1969, f. 194 v°.

[56] Proceedings, t. V, p. 122-23.

[57] Lettres du 28 octobre 1440. Rymer, l. c., p. 93. — Le 2 septembre, dans une lettre adressée à l'archevêque de Cologne, Henri VI se déclarait prêt à conclure la paix avec la France à des conditions raisonnables. Correspondance of Thomas Bekynton, t. II, p. 71.

[58] Lettres du 28 octobre. Rymer, l. c., p. 93-94.

[59] Rymer, l. c., p. 94-96.

[60] Rymer, p. 85.

[61] Original, Archives de la Loire-Inférieure, E. 121 ; D. Morice, t. II, col. 1342 (avec la date fautive du 18 octobre, au lieu du 13).

[62] Rymer, l. c., p. 100. —Sur l'abstention du duc de Glocester, voir Paston letters, éd. Gairdner, t. I, p. 40.

[63] Rymer, l. c., p. 96.

[64] Original, Archives, K 65, n° 14 ; Rymer, l. c., p. 97.

[65] Original, Archives, K 65, n° 14 bis ; Rymer, l. c., p. 98.

[66] Rymer, p. 99.

[67] Rymer, p. 100.

[68] Rymer, p. 100 et 102.

[69] Rymer, p. 100.

[70] Cette date est établie par les lettres du duc d'Orléans en date du 6 octobre 1441. ... Le jour de la Saint Martin qui fu le xi jour de novembre derrenier passé, que nous arrivasmes à Gravelingues, aprez nostre delivrance d'Angleterre ; et depuis par deux jours entiers que nous fumes et demourasmes audit lieu de Gravelingues avecques beau frère et belle cousine de Bourgoigne. Pièces originales, 678 ; CHARDON.

[71] Registre de l'Hôtel de Ville de Saint-Orner, cité par D. Devienne, Histoire d'Artois, t. III, p. 77.

[72] Monstrelet, t. V, p. 437.

[73] Rymer, t. V, part. I, p. 101.

[74] Monstrelet, t. V, p. 439.

[75] Acte passé à Saint-Omer le 16 novembre : Archives nationales, K 553 ; acte sans date passé antérieurement, en Angleterre : Histoire de Bourgogne, t. IV, Preuves, p. CLXIX. Cf. Inventaire des Archives du Nord, par M. l'abbé Dehaisnes, t. IV, p. 147.

[76] Monstrelet, t. V, p. 438 et suivantes.

[77] Monstrelet, p. 441 et suivantes.

[78] Monstrelet, p. 444.

[79] Monstrelet, p. 444.

[80] Lettre du 18 décembre 1440. Original, Archives nationales, K' 66, n° 128.

[81] Acte du 19 décembre 1440. Archives de la Loire-Inférieure, E 125 ; Bibl. nat., ms. fr. 2714, p. 116.

[82] Parmi les conseillers du duc chargés d'accompagner Charles d'Orléans et de se rendre avec lui près du Roi, on peut nommer Simon de Lalaing, qui revint au bout de trente jours, et Louis Domessant, secrétaire, qui fut employé à cette mission pendant cent-huit jours (19 décembre-6 avril). Archives du Nord, B 1472, f. 72 v° et 139 v°. — Le duc avait en outre, en sa compagnie, Bertrand, roi d'armes d'Artois, et le héraut Chasteaubelin. Id., B 1969, f. 209 et 210 v° ; 1972, f. 126 v°.

[83] Monstrelet, p. 452.

[84] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 356 ; Archives, LL 218, f. 27.