§ VI. — LE CONGRÈS D'ARRAS. Reprise des négociations, sur l'initiative de René d'Anjou ; réunion de Chambéry ; le duc de Savoie obtient de son neveu que les pourparlers pour la paix soient entamés de nouveau. — Intervention du concile de Bêle ; trêves conclues le 17 septembre 1434 par le connétable de Richemont, et le 2 décembre par le duc de Bourbon ; conférence de Nevers ; préliminaires de paix ; journée fixée à Arras au 1er juillet 1435. — Le duc de Bourgogne se prépare au congrès d'Arras ; il reçoit l'acceptation de Charles VII et de Henri VI. — Arrivée à Arras des premiers ambassadeurs ; le congrès s'ouvre le 5 août, sous la présidence du cardinal de Sainte-Croix, légat du pape, et du cardinal de Chypre, envoyé du concile de Bâle. — Conférences avec les ambassadeurs anglais ; offres faites de part et d'autre ; les ambassadeurs anglais refusent de renoncer à la couronne au nom de leur maitre ; arrivée du cardinal de Winchester ; dernières offres des ambassadeurs de France ; rupture des négociations. — Réunion des plénipotentiaires dans l'église Notre-Dame ; acte de la rupture ; départ des ambassadeurs anglais. — Acte du 7 septembre, constatant les offres faites par les ambassadeurs de France, et préparant une reprise des négociations ; cet acte est porté en Angleterre. — Hésitation du duc de Bourgogne à conclure une paix particulière ; mémoires rédigés pour éclairer sa décision. — Assemblée solennelle tenue le 6 septembre dans l'abbaye de Saint-Vaast ; supplique adressée au duc au nom des cardinaux ; le chancelier Rotin laisse entrevoir une issue favorable. — On célèbre l'anniversaire de la mort du duc Jean ; le soir même, le duc déclare qu'il consent à traiter. — Les négociations en vue d'une paix particulière s'ouvrent dès le lendemain ; le chancelier Rolin dépose ses conclusions ; toutes les demandes faites au nom du duc ne tardent pas à être agréées. — On apprend la mort du duc de Bedford. — Le 20 septembre, les cardinaux adressent une sommation au duc et le relèvent de ses serments ; le chancelier de France déclare accepter, au nom du Roi, les articles proposée ; serment prêté de part et d'autre ; lettres patentes délivrées par les ambassadeurs contenant les offres ; teneur de ces offres. — Grande cérémonie le 21 septembre dans l'église de Saint-Vaast ; sermon ; lectures des actes ; amende honorable pour le meurtre du duc Jean faite au nom du Roi ; serment du duc ; serment des princes, des ambassadeurs et seigneurs, et de toute l'assistance ; allégresse universelle. — Lettres patentes du duc de Bourgogne donnant son approbation au traité. — Derniers pourparlers en vue du règlement de divers points ; concession du duc relativement à la restitution des villes de la Somme. — Conclusion. C'est à la cour de Savoie que devaient se renouer les négociations tant de fois et si vainement poursuivies en vue d'opérer un rapprochement entre Charles VII et le duc de Bourgogne. Le 12 février 1434 étaient célébrées les noces de Louis, comte de Genève, fils aîné du duc de Savoie, avec Anne de Chypre. Il y eut à Chambéry, à l'occasion de ce mariage, une grande affluence de princes et de seigneurs : le duc de Bourgogne s'y rendit, en compagnie des damoiseaux de Nevers et de Clèves, du prince d'Orange et du comte de Fribourg ; il s'y rencontra avec René d'Anjou et les ambassadeurs de Charles VII[1]. Quelques mois auparavant, en quittant la Lorraine, René avait, au passage, visité le duc de Bourgogne[2], et l'avait entretenu de la paix avec la France. Il lui avait dit qu'en se rendant en Provence près de sa mère, il devait s'arrêter à la cour de France, et lui avait demandé qu'elles étaient ses intentions, afin de les faire connaître au Roi. Philippe avait déclaré qu'il n'avait jamais cessé d'être favorable à la paix générale du royaume, mais qu'il n'y voulait travailler que de concert avec le roi d'Angleterre ; qu'il savait que Henri VI, le régent Bedford et les membres du Conseil étaient très désireux de cette paix ; que pour lui, ses sentiments n'avaient pas varié, et qu'il ne tiendrait point à lui qu'on n'en vînt à un accord. Après avoir rendu visite au Roi[3], le duc René avait envoyé-un de ses conseillers au duc de Bourgogne, pour lui faire part des bonnes dispositions de Charles VII et solliciter un sauf-conduit pour le chancelier de France, le bâtard d'Orléans, et Christophe d'Harcourt, afin qu'ils pussent se rendre près de lui. Mais Philippe avait refusé de délivrer le sauf-conduit, déclarant qu'il ne voulait rien faire sans le concours du gouvernement anglais, et qu'il attendrait le résultat de la conférence projetée à Calais, au sujet de laquelle il avait reçu une lettre du roi d'Angleterre, avant d'accepter aucune journée particulière. Les choses en étaient là quand eut lieu la réunion de Chambéry. Le duc de Bar y était venu sur l'avis du Roi, et en compagnie des ambassadeurs de France, dans le but de sonder le duc de Savoie relativement à la reprise des négociations, sous ses auspices, en quelque lieu de son pays de Bresse. Cette ouverture avait précédé l'arrivée du duc de Bourgogne[4]. Amédée VIII fit part aussitôt de la proposition à son neveu, qui répondit, comme il l'avait fait antérieurement au duc René, qu'il s'occuperait volontiers de la paix ; qu'il savait que le roi d'Angleterre, le régent et leur conseil étaient dans les mêmes dispositions, et qu'il était prêt à entrer en négociations si le roi d'Angleterre y consentait. Le duc ajouta qu'il était disposé à faire une démarche auprès de celui-ci, afin de renseigner à cet égard le duc de Savoie. Amédée VIII se décida à écrire lui-même au régent Bedford, et remit sa lettre à un conseiller et chambellan du duc, Girard Rolin, qui se chargea de la porter. Philippe fit part de cette ouverture à son chancelier et à son Conseil en Bourgogne, en leur donnant ordre de communiquer ces faits, en toute diligence, au Conseil anglais, et de s'informer s'il était d'avis de convenir d'une journée avec le duc de Savoie et le duc de Bar. Le duc recommandait à ses gens de lui donner prompte réponse et de lui transmettre leur opinion à ce sujet, car, le duc de Savoie l'avait fort pressé d'accepter une journée, et il avait déclaré ne vouloir rien faire sans connaître le bon plaisir et la volonté du roi d'Angleterre. Dans ses instructions à Girard Rolin, datées de Chalon-sur-Saône le 28 février 1434, Philippe le chargeait de faire savoir à son Conseil qu'il lui semblait bon et expédient que le roi d'Angleterre se montrât favorable à la paix et qu'il entrât dans les vues du duc de Savoie, pourvu qu'en continuant ce qui avait été fait, sur l'initiative du Pape, par le cardinal de Sainte-Croix, celui-ci fût sollicité de prendre part à la conférence au nom du Saint-Père, et qu'on conviât également les Pères du concile de Bâle à s'y faire représenter. Le duc, tout en insistant sur les dispositions favorables à la paix dont le roi d'Angleterre et lui étaient animés, exprimait la crainte qu'en raison de l'attitude de ses ennemis, et de leurs manières coustumièrement mauvaises et perverses, l'effet ne fût point aussi immédiat qu'il le désirait, et il recommandait de préparer les opérations militaires de la saison prochaine, d'autant que ses ennemis se disposaient à lui faire très forte guerre ; il ordonnait en même temps d'insister auprès du Conseil anglais pour qu'on formât une armée d'au moins quatre mille combattants, et qu'on lui donnât l'assistance financière qui lui était indispensable[5]. Le duc de Bourgogne avait profité de son séjour à la cour de Savoie pour signer (12 février 1434) un traité d'alliance avec le duc son oncle contre Charles, duc de Bourbon, qui, depuis la mort de son père, refusait de faire hommage aux deux princes des terres qu'il possédait dans leurs états[6]. Nous avons vu que Philippe avait l'intention de faire intervenir le concile de Bâle dans les négociations qui venaient d'être acceptées en principe. Vers le mois d'août 1433, une ambassade du Concile, à la tête de laquelle se trouvait l'évêque de Wexio, était venue le trouver, et avait tout particulièrement insisté près de lui en faveur de la paix, le sollicitant de députer à Bâle des ambassadeurs chargés de travailler à ce résultat, et d'écrire au roi d'Angleterre pour que celui-ci en fit autant. Le duc y avait consenti : la paix était pour lui une nécessité, et il avait hâle de mettre un terme aux lourds sacrifices qu'entraînait pour lui l'alliance anglaise. Philippe n'avait pas tardé à désigner des ambassadeurs, à la tête desquels étaient l'archevêque de Rouen, les évêques de Coutances, d'Auxerre, de Chalon et de Nevers. Dans les instructions, en date du 1er septembre 1433, qu'il leur avait données, il déclarait persister dans ses intentions favorables à la paix générale, malgré l'insuccès des négociations poursuivies sous les auspices du cardinal de Sainte-Croix, la violation des trêves par ses adversaires, et les autres torts qu'ils s'étaient donnés ; il demandait que le Concile désignât un cardinal ou un notable prélat pour négocier, de concert avec le cardinal de Sainte-Croix, légat du pape, et avec le duc de Savoie ; il proposait même que les conférences fussent tenues à la cour de Savoie ; ses ambassadeurs avaient ordré de se concerter pour toutes choses avec ceux du duc de Savoie ; et de se conformer entièrement à leurs conseils[7]. Le concile de Bâle avait été convoqué pour travailler à la pacification générale en même temps qu'à la réforme de l'Église ; il se regardait comme investi de la mission d'amener un rapprochement entre la France et l'Angleterre. Dès l'année 1433, dés démarches avaient été faites par le Concile auprès de la cour d'Angleterre[8] ; peu après la réunion de Chambéry, des ambassadeurs furent envoyés à Charles VII et à Henri VI. Au mois de mai 1434, les Pères écrivirent au Roi, et une ambassade, composée du cardinal de Chypre, de l'archevêque d'Auch (Philippe de Lévis), de l'évêque de Glascow, de l'abbé de Saint-Honorat et de Gilles Carlier fut députée vers lui pour le solliciter de faire la paix : on a la réponse, conçue dans les termes les plus favorables, qui fut faite aux ambassadeurs du Concile au nom de Charles VII. L'archevêque de Vienne porta la parole, en réponse à Gilles Carlier, qui avait parlé au nom du Concile. Le Roi voulait la paix avec tous ses adversaires ; plus intéressé que personne à la pacification du royaume, il avait déjà fait quatre tentatives pour y parvenir : la première par l'entremise du duc de Savoie ; la seconde par l'entremise du duc de Bretagne ; la troisième lors de son sacre ; la quatrième sous les auspices du cardinal de Sainte-Croix. Le Roi était heureux de voir les ducs de Bretagne et de Bourgogne, de concert avec le cardinal de Chypre et le duc de Savoie, joindre leurs efforts pour procurer la paix. Il s'offrait à accepter et à mettre à exécution tout ce que décideraient les Pères réunis à Bâle[9]. Il fit connaître lui-même au Concile ses dispositions favorables par une lettre en date du 10 juin[10]. Le roi d'Angleterre reçut de son côté une semblable ouverture, et, par une lettre du 3 juin 1434, il désigna des ambassadeurs pour se rendre à Bâle, et s'y occuper, non seulement d'une façon générale de la réforme de l'Église universelle et de la concorde entre les princes, mais spécialement d'une paix perpétuelle ou d'une trêve à conclure avec son adversaire de France[11]. Ces pouvoirs furent renouvelés les 10 juillet 1434 et 10 février 1435[12]. Cependant Philippe le Bon avait quitté la Bourgogne, au commencement d'avril 1434, pour se rendre en Flandre. Sur son chemin[13], et tandis que la duchesse de Bourgogne et le conseil de Dijon entamaient avec le duc de Bourbon des négociations particulières qui devaient se poursuivre durant toute l'année[14], il fit partir pour l'Angleterre une ambassade[15], chargée de faire connaître au roi d'Angleterre la situation des affaires de France et d'exposer les moyens d'arriver à un apaisement. Henri VI répondit au duc à la date du 11 juin, et lui fit remettre par ses ambassadeurs un long mémoire[16], dans lequel il rappelait tout ce qu'il avait fait pour arriver à la pacification du royaume, et les démarches faites par le concile de Bâle, à deux reprises, et par l'empereur en faveur de la paix. A ces démarches le roi d'Angleterre avait répondu que des négociations avaient été entamées sous les auspices du cardinal de Sainte-Croix et qu'on en attendait bonne et fructueuse conclusion ; qu'il ne lui paraissait donc ni honnête ni convenable d'interrompre ces négociations, et que d'ailleurs, dans le cas où les choses n'aboutiraient pas, il enverrait ses ambassadeurs au Concile, munis de tels pouvoirs qu'il apparaîtrait à tous que si la paix ne se faisait pas, cela ne tiendrait point à lui. Le roi ajoutait que le cardinal ayant définitivement échoué dans sa mission, il envoyait présentement au Concile, conformément à ce qu'il avait écrit aux Pères de Bâle et à l'empereur, une ambassade chargée de négocier la paix, et qu'il priait le duc de donner ordre à ses représentants au Concile de s'entendre avec ces ambassadeurs afin d'agir de concert, non-seulement en ce qui touchait à la paix, mais aussi à toutes les affaires concernant l'Église, le roi d'Angleterre et ses royaumes et seigneuries. Le roi remerciait le duc de l'avoir informé des intentions de ses ennemis, qui se proposaient de contester devant le Concile son droit à la couronne, exprimant l'espoir que, grâce à ses avis et à son assistance, et eu égard au bon droit et juste titre qu'il avait à sa couronne, la malice de ses ennemis serait confondue. En ce qui regardait les opérations militaires, le roi d'Angleterre félicitait le duc sur les grands et honorables exploits par lui faits, et dont il avait été moult réjoui, et le remerciait des nouvelles qu'il lui avait données de la guerre qu'il se préparait à poursuivre en Picardie et en Bourgogne ; il lui annonçait qu'il avait ordonné au comte d'Arundel d'une part, au sire de Talbot d'autre part, et en troisième lieu aux sires de Scales et de Willoughby de se mettre en campagne, notablement accompagnés, et que présentement une autre belle et notable armée allait être envoyée pour résister aux malicieusetés et damnables entreprises des ennemis. Le roi d'Angleterre exprimait enfin le regret de ne pouvoir, vu la grande povreté et la necessité du royaume, répondre, comme il l'aurait désiré, à la demande du duc de Bourgogne en lui donnant un secours armé ; mais si les ennemis s'assemblaient pour lui livrer bataille, les armées du roi et du duc pourraient s'unir pour lutter de concert et se porter secours[17]. Les négociations dont le concile de Bâle prenait l'initiative ne pouvaient avoir une prompte issue. A ce moment la guerre était rallumée sur tous les points avec plus de violence que jamais, d'une part entre l'Angleterre et la France, et d'autre part entre le duc de Bourgogne et le Roi, que la duchesse Isabelle ne craignait pas d'appeler, dans des documents publics, le Daulphin, ennemi de monseigneur le Roy et de monseigneur de Bourgogne[18]. Comme nous l'avons vu plus haut, cette guerre se compliquait d'une querelle particulière entre le duc de Bourgogne et le duc de Bourbon. De ce côté, on arriva bientôt à s'entendre : une première trêve partielle avait été signée le 24 octobre 1433 ; elle devait durer du 3 novembre au 1er janvier ; de nouvelles trêves furent conclues en novembre 1433, puis en juin 1434, à Pont de Veyle, pour le Maconnais et le Beaujolais ; enfin une trêve générale, d'une durée de trois mois, fut signée au même lieu le 2 décembre 1434[19]. Une autre suspension d'armes, d'une importance bien plus considérable fut signée dans le nord de la France le 17 septembre 1434. Le connétable occupait la Picardie, et ses troupes venaient de s'emparer de Ham. Richemont, après s'être assuré l'assentiment du Roi et du duc de Bourgogne[20], interrompit brusquement les opérations militaires, et conclut avec le comte d'Étampes, lieutenant du duc, une trêve de six mois[21]. Ce traité était fait pour et en entencion de parvenir à paix generale en ce royaume... et adfin, disait le texte, de tant et sy avant que possible nous est avanchier le bien de ladicte paix generale, à quoi, par moyen de bonnes triefves et abstinences de guerre, 'l'en porra, au plaisir de Dieu, plus tost et aisiément parvenir. Il était donné pour et au nom de monseigneur le Roy, et en ensievant son bon vouloir, et conformément à l'avis et délibération de plusieurs de ses officiers et conseillers, étant en la compagnie du connétable[22]. Étaient compris dans la trêve tous les pays au nord de l'Aisne, de la Sambre et de l'Oise, c'est-à-dire le Laonnais, le Beauvoisis et la Picardie. Non-seulement toutes les possessions septentrionales du duc de Bourgogne en bénéficiaient, mais encore celles des comtes de Nevers, d'Étampes, de Ligny et de Vaudemont. Les traités du 17 septembre et du 2 décembre 1434 ouvraient la voie à une reprise des négociations. Le duc de Bourgogne était en relations assidues avec le comte de Richemont[23]. Dès le courant de décembre, une ambassade française, à la tête de laquelle était Christophe d'Harcourt, partit pour aller trouver le due de Bourgogne[24]. De son côté Philippe, par lettres du 17 décembre, donna pouvoir à ses ambassadeurs à Baie de traiter de la paix avec ceux du Dauphin, son adversaire, sous les auspices du Concile[25], et écrivit à ses beaux-frères de Bourbon et de Richemont[26], au comte de Nevers, et à un grand nombre de seigneurs bourguignons[27], pour les convoquer à la journée qui devait se tenir à Decize, et qui, fixée d'abord au 15 janvier, se tint quelques jours plus tard à Nevers. Le duc de Bourgogne quitta Dijon le 9 janvier, et s'avança par Nuits, Beaune, Autun et Moulins-Engilbert[28] ; il arriva à Nevers le 16 janvier, en compagnie du comte de Nevers et d'un grand nombre de seigneurs[29]. Bientôt vinrent successivement, à travers les neiges et les frimas d'un hiver rigoureux, la duchesse de Bourbon avec deux de ses fils, le duc de Bourbon, les ambassadeurs du Roi, le chancelier Regnault de Chartres, Christophe d'Harcourt et le maréchal de la Fayette[30] ; enfin le connétable de Richemont[31]. Dans cette brillante réunion, les dissentiments passés furent bien vite oubliés : Là firent grant feste fes ungs aux aultres, dit Saint-Remy. Et si grant chière faisoient qu'il sembloit que jamais n'eussent eu guerre ensemble[32]. Le soir même les princes soupèrent chez le seigneur de Croy, et les coupes se vidèrent gaiement : chacun buvait à la paix, ce qui fit dire à quelques assistants, tout ébahis de cette harmonie qui s'était établie entre les princes, que bien fol estoit celui qui en guerre se boutoit et se faisoit tuer pour eulx[33]. C'était comme une réunion de famille, où l'on se retrouvait avec bonheur. Le duc de Bourgogne n'avait pas revu sa sœur Agnès depuis sa plus tendre enfance, alors qu'elle avait été fiancée au comte de Clermont[34] : une grande intimité s'établit bien vite entre le frère et, la sœur, et ne contribua pas peu à favoriser l'important résultat diplomatique obtenu à Nevers au milieu des banquets, des danses et autres joyeusetez[35]. Les conférences s'ouvrirent le 20 janvier 1435, par un discours du bénédictin Georges Cholet, prieur de Savigny, qui fit connaître les offres du duc de Bourbon. Bientôt de plus hautes questions furent agitées : les ambassadeurs du Roi produisirent les offres de leur maître au sujet de la mort du duc Jean, et ces offres paraissent avoir été aussitôt agréées par le duc de Bourgogne[36]. Les points en litige entre les ducs de Bourbon et de Bourgogne furent réglés par un acte en date du 6 février[37]. Quant aux négociations pour la paix générale, elles aboutirent à la signature de préliminaires signés le même jour[38] et contenant les stipulations suivantes : I.
— Pour parvenir à la conclusion de la paix générale et finale, il est expédient
de tenir une journée, où viendront les
ambassadeurs des parties, et où seront faites, au nom du Roy Charles[39], des offres raisonnables
au Roy Henry et à la partie d'Angleterre, et
telles qu'ils en doivent être satisfaits ; si, comme il y a lieu de
l'espérer, ils en sont contents, le duc de Bourgogne traitera sur les bases
présentement fixées ; et ainsi la paix générale et finale pourra s'ensuivre. II.
— Dans le cas où les ambassadeurs du roi Henri ne voudraient entrer en négociations
et accepter les offres raisonnables qui
seront faites, le duc de Bourgogne, à leur défaut, fera de son côté, pour l'apaisement de ce royaume, tout ce que, son
honneur étant sauf, il pourra et devra faire, tellement
que un chascun appercevra clerement qu'il en fera assez. III.
— Dans le ras où le duc de Bourgogne se departira
dudit Roy Henry et s'unira audit Roy Charles,
alors, en considération des charges que le duc aurait vraisemblablement à
supporter dans ses possessions voisines du royaume d'Angleterre, tant en ce royaume
comme au dehors, le roi Charles, outre ce qui est stipulé d'ores et déjà dans
un premier traité, cédera à perpétuité au
duc et aux siens toutes les villes, terres et seigneuries appartenant.
à la couronne de France sur les deux rives de la Somme, avec le comté de
Ponthieu, les villes de Montreuil, Doullens, Saint-Riquier, et toutes les
places pouvant appartenir à la couronne sur la Somme du côté de l'Artois et
de la Flandre, avec la pleine jouissance de tous droits et émoluments, sauf
les foi, hommage, ressorts de juridiction et souveraineté ; et cela avec
faculté de rachat par le roi Charles, moyennant paiement d'une somme de
quatre cent mille écus d'or. IV.
— Pour la stricte observation du traité, des sûretés, les meilleures et plus
amples que l'on pourra, seront données de part et d'autre. V.
— Il a été pourparlé du mariage du comte de
Charolais avec une des filles du roi Charles, et d'autres mariages particuliers
qui pourront être très profitables au bien de Ce royaume. VI.
— On a été d'avis que, pour parvenir à la réalisation des choses susdites, il
était expédient de tenir une journée en la
ville d'Arras, le 1er juillet prochain, où se trouveront, au nom du roi
Charles, messeigneurs de Bourbon et de Richemont, et autres qu'il lui plaira
d'y envoyer, munis de ses pouvoirs pour régler toutes les questions relatives
à la paix ; et à l'égard du roi Henri, le duc de Bourgogne lui signifiera la
tenue de cette journée pour qu'il s'y fasse représenter, et lui fera faire à
cette fin les remontrances et requêtes que bon lui semblera ; quant à lui, il
sera en personne à la journée, prêt à entendre par effect au bien de ladicte paix et à
travailler à sa réalisation, spécialement près du roi Henri et de ses gens.
Et s'il advenait que le roi Henri ne voulût entendre à la paix et qu'il
refusât les offres raisonnables qui lui
seront faites d'e la part du roi Charles, le duc montrera
par effect le desplaisir qu'il a de la destruction et désolation de ce
royaume et, en ce cas, entendra à ladicte
réunion et appaisement avec ledit Roy Charles si avant qu'il lui sera possible,
son honneur sauf, et tellement que Dieu et tout le monde en seront contens et
congnoistra chascun qu'il en aura assez fait. VII.
— Notre Saint Père le Pape sera requis par le roi Charles et par le duc de
Bourgogne de venir à la journée, ou d'y envoyer
les cardinaux de Sainte-Croix et d'Arles, avec pouvoirs suffisants pour agir
comme médiateurs ; on lui demandera également d'écrire au roi Henri pour
l'exhorter à se faire représenter à la journée. VIII.
— Pareille requête sera faite au concile de Bâle de se faire représenter par
les cardinaux de Chypre, de Saint Pierre et autres, et d'en écrire également
au roi Henri[40]. Dès le 7 février, l'assemblée de Nevers était terminée. On se sépara joyeusement, en se donnant rendez-vous à Arras, à la journée du grand parlement[41]. Que s'était-il passé à Nevers ? Comment le duc Philippe, si difficile à persuader jusque-là avait-il été amené à souscrire aux préliminaires d'un traité de paix ? Question délicate, et que nous n'avons pas la prétention de résoudre. Toutefois, l'exposé de ces longues et épineuses négociations nous semble avoir fait apparaître clairement deux choses : la première, c'est que les obstacles ne vinrent jamais du côté de Charles VII qui, dès le début, avait montré les dispositions les plus conciliantes ; la seconde, c'est que Philippe, en se décidant enfin à faire la paix, ne fut conduit à cette résolution ni par le sentiment du devoir, ni par la sympathie qu'il aurait éprouvé pour la cause française, mais uniquement — malgré ce qu'ont pu dire les auteurs bourguignons[42] — par la lassitude et par l'intérêt personnel. Il n'avait plus rien à obtenir des Anglais, dont la puissance était sur son déclin et pour lesquels il s'épuisait vainement ; il avait tout à craindre de Charles VII qui, depuis la miraculeuse intervention de Jeanne d'Arc, n'avait cessé de gagner du terrain, et qui, un jour ou l'autre, pouvait être en mesure de parler et d'agir en maître à l'égard d'un vassal révolté. La duchesse de Bourgogne était restée à Dijon, où elle ordonna des prières publiques, dans tous les états du duc, pour le succès des négociations. Elle fut rejointe le 13 février par son mari, qui envoya des ambassadeurs pour porter au Pape, au Concile[43], au roi d'Angleterre[44], au Conseil siégeant à Paris[45] et au duc de Bretagne[46], la nouvelle de ce qui s'était fait à Nevers. Philippe ne tarda pas à être informé par le connétable de Richemont que le Roi acceptait la journée projetée, et qu'il enverrait ses ambassadeurs à Arras[47]. Le duc et la duchesse quittèrent Dijon le 31 mars pour se rendre dans le nord. Ils traversèrent la capitale, où ils firent leur entrée le 14 avril, au milieu des acclamations populaires[48]. Les Parisiens, las enfin de la domination anglaise qui les avait conduits à la ruine[49], saluaient dans le duc et la duchesse de Bourgogne les représentatifs de la paix. Les damoiselles et les bourgeoises vinrent trouver Isabelle pour la supplier d'agir en faveur de la paix : Mes bonnes amies, répondit-elle, c'est une des choses de ce monde dont j'ay plus grant desir, et dont je prie plus Monseigneur et jour et nuit, pour le très grant besoin que je voy qu'il en est ; et pour certain je sçay bien que Monseigneur en a très grande voulenté de y exposer corps et chevance[50]. De son côté, Philippe reçut une députation de l'université de Paris, qui lui adressa une harangue dans le même sens. Le duc de Bourgogne n'avait pas trouvé à Paris son beau-frère le duc de Bedford : celui-ci avait quitté la capitale le 10 février précédent, pour ne plus y revenir ; mais il conféra avec les membres du Conseil anglais, qui se montrèrent favorables à la paix[51]. Il partit le 21 avril, et arriva à Arras dans les premiers jours de mai. Les réponses aux messages expédiés de Dijon commençaient à lui parvenir. Les ambassadeurs anglais au concile de Bâle le félicitaient de ce qu'il avait fait à Nevers et se déclaraient disposés à travailler à la paix, dans la limite de leurs pouvoirs[52]. Bientôt le duc reçut un bref du Pape, daté du 1er mai[53], par lequel il lui annonçait qu'il avait désigné comme légat le cardinal de Sainte-Croix[54] ; Eugène IV avait écrit en même temps aux rois de France et d'Angleterre[55]. Le concile de Bâle s'était empressé d'envoyer au duc son adhésion[56] ; il désigna le cardinal de Chypre pour son représentant, et en donna avis à Philippe par une lettre du 3 juin[57]. Les pouvoirs remis aux ambassadeurs du Concile sont datés du 2 juin[58]. Le duc fit partir, à la date du 16 mai, une ambassade pour l'Angleterre[59]. Dans les instructions très développées données aux seigneurs de Crèvecœur et de Sautes et au prévôt de Saint-Orner, le duc faisait allusion à des ouvertures de paix que lui avait faites secrètement, en 1422, peu de temps avant sa mort, le feu roi d'Angleterre. Il insistait sur l'impérieuse nécessité de la paix, écartant à la fois et la voie des armes — dont l'impuissance pour parvenir à une solution était suffisamment démontrée, non-seulement par les événements, mais par les très grandes faveurs que les adversaires ont de la plus grande partie du peuple de ce royaume, qui est moult enclin à eulx[60], — et la voie des trêves, à cause des inextricables difficultés résultant des enclaves, aussi bien que de l'opposition de la partie adverse et de l'impossibilité même où celle-ci était de faire observer une suspension d'armes. La paix était nécessaire, car les pays du duc étaient ruinés, son trésor était appauvri d'un million d'or par quatre années de guerre dont il avait eu toute la charge, et en outre ses adversaires lui avaient suscité des ennemis dont les attaques lui avaient été très préjudiciables. Conformément aux intentions pacifiques manifestées à plusieurs reprises par le roi d'Angleterre et aux déclarations verbales de ses ambassadeurs au concile de Bâle, le duc avait consenti à ce qu'une journée fût tenue à Arras, le 1er juillet suivant, pour traiter de la paix générale ; il demandait au roi de s'y faire représenter solennellement et notablement, et de faire venir en France le duc d'Orléans et le comte d'Eu, desquels on attendait beaucoup pour la conclusion de cette paix ; il réclamait en même temps l'envoi d'une bonne et puissante armée, pour tenir eu respect les adversaires, et se trouver prêt, en cas de rupture, à toutes les éventualités[61]. Les ambassadeurs bourguignons ne tardèrent pas à recevoir une réponse favorable. Mais, tout en acceptant de prendre part au congrès, le gouvernement anglais insistait sur la stricte observation du traité de Troyes : ce traité, disait-il, avait été enfanté dans des temps de discorde ; pour pouvoir l'anéantir, il fallait le concours de la justice et de la paix. Dès le 20 mai, le roi d'Angleterre désigna des plénipotentiaires pour se rendre à Arras, et en tête des personnages qu'il investissait de la mission de traiter en son nom figurait le duc de Bourgogne[62]. Le Conseil de Henri VI redoutait, non sans raison, que le duc ne lui échappât : le bruit courait déjà que le Pape l'avait relevé de ses serments. Une ambassade anglaise fut envoyée à Florence pour s'informer s'il était vrai que certains princes et nobles de France eussent été l'objet d'une telle mesure[63]. Eugène IV répondit aussitôt que non seulement il n'avait fait aucun acte semblable, mais qu'il n'avait reçu à cet égard aucune demande[64]. Le roi d'Angleterre fut sollicité de se faire représenter à Arras et par le Pape et par le Concile. On a la réponse, en date du 20 juin, qu'il adressa au Pape[65], et celle, en date du 14 juin, qu'il remit aux ambassadeurs du Concile[66]. Pendant que le duc de Bourgogne agissait de la sorte, et que le gouvernement anglais se montrait disposé à entrer dans ses vues, que se passait-il à la cour de France ? On a vu que le connétable avait mis un grand empressement à informer Philippe de l'acceptation du Roi. Charles VII avait entendu le rapport du connétable, venu vers lui en compagnie du duc de Bar. Nous avons déjà fait connaître les décisions de l'Assemblée convoquée à Tours pour examiner les résolutions à prendre[67]. Le comte de Richemont fut-il autorisé à donner une réponse immédiate ? Écrivit-il de son chef au duc ? Nous ne savons[68]. Ce qui n'est pas douteux, c'est que, dès lors, toutes les mesures furent prises pour que la Couronne eût à Arras une représentation digne d'elle, et qu'on désigna les principaux personnages qui devaient prendre part au congrès[69]. Charles VII n'épargna d'ailleurs aucune démarche pour assurer le succès des négociations qui allaient s'ouvrir. Il écrivit au Pape pour lui demander d'envoyer quatre cardinaux[70] ; il s'adressa également au concile de Bâle[71] ; il sollicita les princes ses alliés de se faire représenter à Arras. Enfin, le 6 juillet, il donna de pleins pouvoirs à ses ambassadeurs[72]. La réunion du congrès d'Arras avait d'abord été fixée au 1er juillet[73]. Mais de part êt d'autre, on reconnut que cette date était prématurée. Pourtant, le 1er juillet, on vit arriver trois ambassadeurs anglais : Guillaume Lyndwoode, garde du Privé-Scel ; Jean Radclif, sénéchal de Guyenne, et Guillaume Érard, vicaire-général de Rouen, docteur en théologie. Ces trois perscinnages firent leur entrée à Arras en compagnie des baillis de Vermandois et d'Amiens. Ne trouvant personne dans la ville, ils imitèrent l'exemple que l'abbé de Vézelay avait donné à Baie, quatre ans auparavant : ils firent dresser, devant le gouverneur d'Arras, un acte notarié, constatant leur présence au jour fixé. Le 8 juillet arriva le cardinal de Chypre, ambassadeur du concile de Bâle[74], accompagné de Philippe de Lévis, archevêque d'Auch, de Nicolas, évêque de Wexio, ambassadeur du roi de Danemark au Concile[75], de Mathieu del Caretto, évêque d'Albinga, ambassadeur du duc de Milan au même Concile, de Nicolas Lazisky[76], grand archidiacre de Pologne, et de Guillaume Hugues, archidiacre de Metz. Le 12 juillet, le cardinal de Sainte-Croix, légat du pape, fit son entrée, accompagné de l'évêque de Vizeu en Portugal, de Louis de Garsiis, chanoine de Bologne, docteur en théologie et auditeur de la Chambre apostolique[77], et de Luc de Sainte-Victoire, archiprêtre de Jumelles. Le duc de Bourgogne se fit excuser par ses conseillers de ne point s'être rendu plus tût à Arras, déclarant qu'il différait sa venue jusqu'à l'arrivée des ambassadeurs du Roi, car il ne voulait rien faire sans leur concours ; mais le chancelier Rotin arriva le 15, avec le comte de Nassau, et présenta lui-même le lendemain aux deux cardinaux les excuses de son maître. Le 25 juillet, arrivèrent Jean Kemp, archevêque d'York ; Guillaume Alnewick, évêque de Norwick ; Thomas Rodburn, évêque de Saint-David ; le comte de Suffolk, Walter, seigneur de Hungerford, et Jean Popham, débutés par le roi d'Angleterre[78]. Le duc de Bourgogne fit son entrée le 29[79], avec son beau-frère le duc de Gueldre, son neveu de Clèves, et une suite très brillante de seigneurs de Brabant, de Hollande, de Bourgogne, d'Artois, de Hainaut et de Flandre[80]. Le lendemain, après sa sieste[81], il tint conseil pour savoir s'il devait aller au-devant des ambassadeurs français qui, arrivés à Reims dès le 20, s'étaient avancés jusqu'à Cambrai. On conclut à l'affirmative. Dès le 30 au matin, avant l'heure de son lever, Philippe reçut la visite des ambassadeurs anglais, très empressés de lui présenter leurs lettres de créance. Ce fut le comte de Suffolk qui porta la parole en français. Le même jour, entre six et sept heures du soir, arrivèrent les ambassadeurs du. Roi. Le duc de Bourgogne, accompagné du duc de Gueldre et des autres princes ses parents, ainsi que des personnages de la suite des deux cardinaux, s'était porté jusqu'à une lieue au delà des portes de la ville. L'ambassade royale se composait du duc de Bourbon, du comte de Vendôme, du connétable de Richemont, de l'archevêque de Reims, chancelier de France, de Christophe d'Harcourt, de Théaulde de Valpergue, du maréchal de la Fayette, du premier président Adam de Cambray, du doyen de Paris Jean Tudert, de Guillaume Chartier, conseiller au Parlement, et d'un grand nombre de conseillers du trône et de seigneurs français, avec une suite de près de mille chevaux[82]. Les princes s'embrassèrent, et les deux escortes se confondirent, monstrant semblant de toutes joies[83]. On s'avança au petit pas. Les ducs de Bourgogne, de Bourbon et de Gueldre marchaient en tête, précédés de sept trompettes qui sonnaient très mélodieusement, et de tous les rois d'armes, hérauts et poursuivants ; au premier rang figurait, comme leur chef, Montjoie, roi d'armes de France. Une foule énorme se pressait dans les rues et à toutes les ouvertures des maisons, criant Noël ! sur le passage des princes[84]. Le lendemain, les ambassadeurs du Roi allèrent rendre visite au cardinal de Chypre, et le chancelier de France porta la parole. Le même jour, les ambassadeurs anglais communiquèrent aux conseillers du duc de Bourgogne la commission du roi d'Angleterre, où le duc était désigné comme son commissaire général et principal, afin de la remettre à leur maître, et de le solliciter d'accepter cette mission. Le 2 août, les ambassadeurs du Roi rendirent visite au cardinal de Sainte-Croix. Le 3 août, arriva la duchesse de Bourgogne, dans une litière magnifiquement ornée, avec un brillant cortège de dames et de demoiselles. Les ambassadeurs du Roi se portèrent à sa rencontre. Comme dans toutes les grandes réunions de ce genre, les divertissements se mêlèrent aux affaires : ce jour-là le duc de Bourgogne fit avec son beau-frère le duc de Bourbon une partie de paume, dont la mention est consignée par le grand prévôt de Saint-Vaast dans le curieux Journal qu'il nous a laissé[85]. Le même jour, le duc fit donner réponse aux ambassadeurs anglais : il déclinait la mission dont le roi d'Angleterre voulait l'investir. Le 4 août, les ambassadeurs anglais se rendirent près de Philippe, et demandèrent à entrer en communication avec les cardinaux. Le duc leur répondit qu'il convenait d'entendre auparavant l'exposé qui serait fait.par la partie adverse. Dans l'après-midi, les ambassadeurs du Roi allèrent visiter le duc, et l'archevêque de Reims prononça un discours. La soirée fut' remplie par des divertissements : on mangea, on but, on dansa et on chanta jusqu'à deux heures du matin. Il y avait alors, ou il y eut bientôt, à Arras, des représentants du duc .de Bretagne, de la reine de Sicile, de René d'Anjou, du duc d'Orléans, du duc d'Alençon, de l'Université, de la ville de Paris, et d'un grand nombre de bonnes villes[86]. Le congrès s'ouvrit le vendredi 5 août, vers trois heures[87], avec une grande solennité, dans la seconde salle de l'abbaye. Le duc de Bourgogne avait désigné comme représentants les évêques de Liège, de Cambrai et d'Arras, le duc de Gueldre, le damoiseau de Clèves, les comtes de Nevers, d'Étampes, de Saint-Pol, de Ligny[88], de Nassau, de Montfort et de Meurs[89], le chancelier Nicolas Rolin, les seigneurs de Croy, de Roubaix, de Sautes, le prévôt de Saint-Omer, Philippe Maugart, etc., etc.[90]. Après quelques difficultés entre les deux cardinaux au sujet de la préséance, le cardinal de Chypre prit place un peu au-dessous du cardinal de Sainte-Croix. Quand le duc de Bourgogne entra dans la salle, le cardinal de Chypre se leva et alla à sa rencontre jusqu'à la porte, ce que ne put faire le cardinal de Sainte-Croix, retenu à son siège par un mal de pied. Le duc salua les deux cardinaux, et s'assit au-dessous d'eux. Nicolas Albergati présenta à Philippe le bref du Pape, dont le chancelier Rolin donna lecture, à genoux devant le duc. Hugues de Lusignan en fit autant pour les lettres du Concile, dont le chancelier donna également lecture. Ni les ambassadeurs de Charles VII, ni ceux du roi d'Angleterre, n'assistaient à cette séance. Le chancelier Rolin prononça quelques paroles en latin, en réponse à la double communication des cardinaux. Puis le prévôt de Cracovie fit un long discours au nom du Pape et du Concile[91]. Après une brève réplique du chancelier Rolin, la séance fut levée. Trois salles avaient été disposées : l'une pour les cardinaux ; l'autre pour les ambassadeurs d'Angleterre ; la troisième pour les ambassadeurs de France. Nous avons nommé ces derniers. Les ambassadeurs anglais, investis d'une mission officielle, étaient au nombre de onze : c'étaient l'archevêque d'York, les évêques de Norwick et de Saint-David, les comtes de Huntingdon et de Suffolk, Walter, seigneur de Hungerford, le gardien du Privé-Scel Lyndwoode, le sénéchal de Guyenne Jean Radclif ; Jean Popham et Robert Shottesbrooke, chevaliers ; enfin Guillaume Sprener, docteur en lois[92]. Le lendemain, 6 août, les ambassadeurs de Charles VII comparurent devant les deux cardinaux, entre huit et neuf heures du matin, dans la salle où avait été tenue la séance d'ouverture. Ils prirent place sur un banc au-dessous des cardinaux. La séance fut ouverte par un discours de l'archevêque d'Albi, qui prit pour texte ces paroles : Pax hominibus borde voluntatis. L'archevêque de Reims lui répondit au nom du Roi, adressant des remerciements aux cardinaux et à l'orateur. Il produisit ensuite ses pouvoirs, et déclara, en son nom et au nom de ses collègues, qu'ils étaient à la disposition des cardinaux toutes et quantes fois qu'ils les voudraient mander, fust au matin, après disner ou par nuict[93]. Le soir, à quatre heures, les cardinaux tinrent séance pour recevoir les ambassadeurs d'Angleterre. Le discours fut prononcé par l'évêque de Wexio, qui prit pour texte ces paroles : Pacem habete ad omnes, et Deus pacis et dilectionis erit vobiscum[94]. L'archevêque d'York le remercia, moult hautement et magnifiquement[95], proclamant les intentions favorables à la paix dont son maître était animé[96]. La journée du dimanche 7 fut remplie par la vérification des pouvoirs et par des pourparlers, soit entre les cardinaux et le duc de Bourgogne, soit entre les cardinaux et les ambassadeurs des deux parties, qui se prolongèrent pendant les deux jours suivants. Des observations furent produites sur la teneur des pouvoirs donnés aux ambassadeurs : on demanda quelques changements de forme, qui furent consentis de part et d'autre ; il fut convenu qu'avant le 15 les pouvoirs seraient produits avec les modifications indiquées[97]. Le 8 août, l'archevêque d'York avait déclaré au nom de son martre, en présence des cardinaux, que le roi d'Angleterre, dans les choses temporelles, ne reconnaissait d'autres supérieurs que Dieu seul, et qu'en se faisant représenter au congrès il n'entendait pas procéder comme devant des juges, mais seulement comme devant d'amiables compositeurs et des médiateurs de paix. Le lendemain, les ambassadeurs d'Angleterre firent aux conseillers du duc de Bourgogne une ouverture relativement à la conclusion de trêves de longue durée avec l'adversaire, sur les bases d'un mariage. Le 10, en présence des cardinaux, les ambassadeurs, sollicités de produire leurs offres[98], se décidèrent à faire des propositions : l'archevêque d'York, parlant en leur nom, demanda que la partie adverse abandonnât au roi d'Angleterre les villes, châteaux, forteresses et territoires injustement détenus, au mépris des droits du roi. Sur l'observation des cardinaux que cette manière de procéder n'était pas favorable à l'issue des négociations, les ambassadeurs promirent de donner satisfaction aux médiateurs dans une prochaine séance[99]. Après un jour de repos, consacré à une joute entre un chevalier espagnol, Jean de Merle[100], et Pierre de Bauffremont, les cardinaux tinrent séance le 12, pour recevoir les ouvertures des ambassadeurs anglais. En l'absence de l'archevêque d'York, malade, ce fut l'évêque de Lisieux, Pierre Cauchon, qui porta la parole. Il demanda d'abord que, jusqu'à ce que la partie adverse eût fait des offres acceptables, la communication qu'il allait faire fût tenue secrète. Puis il proposa le mariage du roi Henri avec une fille de la partie adverse, au choix dudit roi, et la conclusion d'une trêve de vingt, trente ou quarante ans, durant laquelle ce prince, parvenu à rage d'homme, pourrait traiter en personne. Les cardinaux, ayant le même jour donné audience aux ambassadeurs de France, les interrogèrent sur leurs intentions. Les ambassadeurs déclarèrent qu'ils ne voulaient entamer aucune négociation sur les bases d'une trêve, mais uniquement en vue d'une paix finale. Mis en demeure de produire leurs offres, ils formulèrent les propositions suivantes : renonciation du roi d'Angleterre au titre de roi de France, à la couronne et aux armes ; restitution de toutes les villes, forteresses, etc., tenues par les Anglais en France ; en dédommagement de cette restitution, abandon serait fait de tout ce que le roi d'Angleterre possédait en Guyenne, des possessions du Roi dans les sénéchaussées de Bordeaux, des Lannes et de Bazadais ; de la ville de Cahors et du pays de Quercy ; enfin du comté de Périgord, le tout à tenir de la couronne en hommage et sous la suzeraineté du Roi. Ces offres, communiquées par les cardinaux aux ambassadeurs d'Angleterre, furent jugées par eux dérisoires ; ils se retirèrent, manifestant leur indignation, et demandant que les offres de la partie adverse leur fussent remises par écrit. Le 13 août, les cardinaux médiateurs déclarèrent aux plénipotentiaires anglais que les ambassadeurs de France ne remettraient rien par écrit avant que conclusion fût prise[101] ; mais que, tout en restant sur le terrain où ils s'étaient placés, ils ajoutaient à leurs offres l'Agenais, sauf ce qui appartenait au comte d'Armagnac, et toutes les possessions du Roi en Limousin et aussi en Saintonge, au-delà de la Charente, à tenir dans les mêmes conditions ; plus six cent mille écus, payables en six années. Les ambassadeurs de France avaient déclaré, sur l'interpellation des cardinaux, qu'ils se refusaient absolument à entrer en pourparlers relativement à la trêve ou au mariage proposés ; ils réclamaient en outre la mise en liberté du duc d'Orléans[102]. Dans l'après-midi du même jour, les ambassadeurs anglais eurent une conférence avec le duc de Bourgogne, qui les engagea à se conformer à la teneur de leurs instructions et il formuler de nouvelles propositions permettant de fixer une base aux négociations. C'est sans doute à ce moment que les ambassadeurs de France, ayant reconnu l'impossibilité de traiter sur les bases posées par eux, se décidèrent à faire un pas de plus[103]. Ils offrirent d'abord la partie de la Normandie comprise dans les trois diocèses de Coutances, d'Avranches et de Bayeux ; puis, sur l'observation faite par les ambassadeurs anglais qu'ils n'avaient pouvoir de rien concéder en ce qui concernait la Couronne et le Royaume, les ambassadeurs de France se décidèrent, moyennant la mise en liberté du duc d'Orléans, à abandonner la Normandie tout entière, à l'exception du duché d'Alençon, des comtés de Tancarville et d'Harcourt et du Mont-Saint-Michel[104]. Les ambassadeurs anglais continuaient à insister sur la conclusion d'une trêve, et faisaient valoir aux cardinaux que les offres faites par le gouvernement français, à Alençon, lors des négociations de 1418, allaient au delà de celles qu'on venait de produire. Pourtant, les sacrifices consentis par les ambassadeurs de France obligeaient les plénipotentiaires anglais à sortir de la réserve qu'ils avaient gardée jusque-là. Le 15 août, ils se décidèrent à ajouter, aux propositions déjà faites de trêve et de mariage, la libération du duc d'Orléans, moyennant une rançon dont le montant serait fixé. Les ambassadeurs de France déclarèrent qu'ils entendaient traiter de la conclusion, non d'une trêve, mais d'une paix finale. Les Anglais tenant pour non avenues les offres faites, il n'y avait point de base pour les négociations. Il semblait qu'il fût impossible de procéder plus avant. Le 16 août, dans l'après-midi, les cardinaux donnèrent audience aux ambassadeurs anglais, et après avoir résumé la situation, les sollicitèrent d'ouvrir quelque autre voie qui permit d'aboutir. Pour déférer à cette demande, l'évêque de Lisieux formula, au nom de ses collègues, la proposition suivante : Le roi d'Angleterre jouirait en paix de la totalité du royaume et garderait la couronne ; il abandonnerait à la partie adverse tout ce qu'il possédait au delà de la Loire, sauf la Gascogne et la Guyenne[105] ; il lui attribuerait, en outre, à titre de concession royale, un revenu annuel de cent vingt mille saluts dans ces contrées ; le roi épouserait une fille de la partie adverse[106]. Le soir même, les cardinaux firent part de cette proposition aux ambassadeurs de France. Ceux-ci répondirent qu'ils ne traiteraient du mariage qu'en temps et lieu ; que l'offre qui était faite leur paraissait insuffisante ; qu'ils demandaient au moins le maintien du statu quo ; qu'ils s'en rapportaient aux cardinaux pour le chiffre de la rançon du duc d'Orléans ; qu'enfin ils offraient de payer annuellement cent cinquante mille saluts pour l'évacuation du territoire. Les ambassadeurs anglais, mis aussitôt au courant des offres des ambassadeurs de France, donnèrent le 17 leur réponse : ils déclaraient n'avoir pas de pouvoirs pour traiter de la délivrance du duc d'Orléans, et se montraient fort étonnés de la proposition d'une annuité à payer à leur maître, vrai et légitime roi de France, pour qu'il abandonnât le royaume[107]. Le même jour, les ambassadeurs de France produisirent leurs pouvoirs rectifiés[108]. Le 18, les cardinaux firent savoir aux plénipotentiaires anglais que les ambassadeurs de France ne feraient aucune autre ouverture avant que le roi d'Angleterre n'eût déclaré renoncer à la couronne. Les plénipotentiaires répondirent qu'ils n'avaient point été envoyés pour cela et n'avaient pas de pouvoirs à cet égard ; mais, voulant prouver que leur maître était disposé à tout faire pour faciliter la paix, ils offrirent d'abandonner toutes ses possessions au delà de la Loire, sauf le duché d'Aquitaine, le comté de Poitou, et la partie du duché d'Anjou située au sud de la Loire, pourvu que le roi eût la pleine possession de toutes les autres parties du royaume[109]. Ils maintinrent les offres relatives au mariage et à la délivrance du duc d'Orléans[110]. Le 19 août, les cardinaux, après avoir conféré avec les ambassadeurs de France, firent savoir aux ambassadeurs anglais que ces offres n'avaient point été agréées, et qu'ils ne feraient aucune ouverture nouvelle[111]. Les négociations demeurèrent interrompues pendant plusieurs jours. Le 17 août, un grand conseil, auquel prirent part deux cents personnes, avait été tenu par le duc de Bourgogne. Le secret le plus absolu avait été juré sur l'objet de la réunion. Mais le bruit se répandit bientôt qu'on y avait agité la question des réparations que le duc aurait à demander relativement à la mort de son père[112]. On reçut le 20 la nouvelle que le cardinal d'Angleterre était en route pour Arras. Le comte de Huntingdon arriva le 22 ; le cardinal fit son entrée le 23. Le duc de Bourgogne se porta à sa rencontre, et lui rendit visite le 25[113]. Le même jour, le duc de Bourbon, les comtes de Vendôme et de Richemont s'étaient assis à la table du duc de Bourgogne. Dans la soirée, une fâcheuse nouvelle éclata comme un coup de foudre : La Hire et Saintrailles avaient passé la Somme, à la tête d'un corps d'armée, et s'avançaient par Beauquesne et Doullens, ravageant toute la contrée. Philippe, furieux, fit monter à cheval les comtes d'Étampes, de Saint-Pol et de Ligny, qui, à la tête de tous les chevaliers et écuyers présents à Arras, se portèrent à leur rencontre. Au premier bruit de l'invasion, les ambassadeurs de France avaient député Théaulde de Valpergue vers La Hire et Saintrailles, pour leur enjoindre de rebrousser chemin[114]. On parvint à éviter un conflit : les deux capitaines, après un semblant de résistance, rendirent la plupart des prisonniers qu'ils avaient faits, et battirent en retraite[115]. Le 27 août, les négociations furent reprises[116]. Les cardinaux ayant sollicité les ambassadeurs anglais de faire de nouvelles ouvertures permettant d'arriver à une conclusion, ceux-ci, après avoir demandé le secret jusqu'à ce que les bases des négociations eussent été fixées d'un commun accord, offrirent d'abandonner tout ce qui était situé au-delà de la Seine, même dans le duché d'Aquitaine, le comté de Poitou et le duché d'Anjou, à l'exception des places que le roi d'Angleterre occupait présentement. Les cardinaux s'étant ensuite adressé aux ambassadeurs de France pour les presser de faciliter les négociations par de nouvelles offres, reçurent cette déclaration : les ambassadeurs étaient bien décidés à ne pas procéder plus avant, à moins que le roi d'Angleterre n'eût fait la renonciation demandée et accepté de tenir en hommage les possessions qui lui seraient abandonnées. Après avoir délibéré à ce sujet, les plénipotentiaires anglais firent savoir aux cardinaux qu'ils se refusaient à dire ou à faire quoi que ce soit qui pût porter préjudice aux droits qu'avait leur maître au titre et à la couronne de France ; mais ils autorisèrent les cardinaux à produire les dernières offres qu'ils leur avaient remises. Le 28 août, les cardinaux mandèrent les ambassadeurs anglais pour leur faire connaître les résultats de leurs pourparlers avec les ambassadeurs de France. Ceux-ci avaient formulé leurs offres définitives : elles consistaient dans l'abandon de toute la partie du duché d'Aquitaine possédée par les Anglais, et de toute la Normandie, à la réserve du Mont-Saint-Michel, et de l'hommage du duché d'Alençon et des comtés d'Harcourt, de Tancarville et d'Eu ; mais à la condition expresse que le roi d'Angleterre renoncerait au droit sur la couronne, au titre et aux armes, et qu'en outre tous héritages et bénéfices seraient restitués a leurs possesseurs. Enfin les ambassadeurs de France consentaient au mariage proposé, mais sans aucune dot, et s'en remettaient aux cardinaux pour la fixation de la rançon du duc d'Orléans. Le lendemain les plénipotentiaires anglais, après s'être concertés avec le cardinal de Winchester, déclarèrent que les dernières offres produites étaient ridicules et dérisoires, mais que, pour faire apparaître du désir favorable à la paix dont leur maitre était animé, ils consentaient, outre les offres déjà par eux faites, abandonner tout ce que la partie adverse possédait en France, tant au nord qu'au sud de la Loire, avec faculté de faire des échanges pour les terres, villes, etc., enclavées, en dehors toutefois de la Normandie, de l'Île-de-France et de la ville de Paris[117]. Le 30 août, les cardinaux firent connaître aux plénipotentiaires anglais l'ultimatum des ambassadeurs de France : abandon de la Normandie toute entière, à titre d'hommage, moyennant la renonciation de tout droit au titre, à la couronne et aux armes ; alliance sans dot ; libération du duc d'Orléans. Le 31, l'archevêque d'York, au nom des plénipotentiaires anglais, communiqua aux cardinaux la réponse à cet ultimatum. Les propositions étaient rejetées : le roi d'Angleterre n'entendait pas renoncer à sa souveraineté sur les terres qu'il conserverait en France. Les ambassadeurs exprimaient au Souverain Pontife et au Concile de Bale, aussi bien qu'aux cardinaux et aux autres envoyés du Pape et du Concile, toute leur gratitude pour les efforts qu'ils avaient faits en faveur de la paix. Le cardinal de Sainte-Croix, après avoir conféré avec le cardinal de Chypre et ses autres collègues, déclara en leur nom qu'il n'y avait pas lieu de leur adresser des remerciements, puisque leur labeur avait été si infructueux ; il exprima le regret que le maintien des prétentions du roi d'Angleterre eût fait échouer les négociations, alors que des concessions mutuelles auraient permis d'arriver à un accord ; il adressa aux plénipotentiaires une dernière sommation d'accepter les offres qui leur étaient faites, offres vraiment grandes, notables et raisonnables, puisqu'on consentait à l'abandon de la meilleure et plus saine tierce partie du royaume de France ; il ajouta qu'il avait exprès commandement du Souverain Pontife, dans le cas où la conclusion d'une paix générale serait reconnue impossible, de travailler à procurer une paix particulière. Après une réplique des ambassadeurs anglais, la séance fut levée. Le 1er septembre, les ambassadeurs anglais vinrent trouver les cardinaux, et leur firent observer qu'il n'était point possible qu'ils travaillassent à une paix particulière, puisque le duc de Bourgogne s'était engagé par serment à ne jamais traiter avec son adversaire sans le consentement de Henri VI et sans l'avis des États des royaumes de France et d'Angleterre. Les cardinaux répliquèrent qu'ils avaient reçu le mandat de procurer la paix, et que d'ailleurs ils ne feraient rien qui ne fût conforme à la justice et à la raison[118]. Le même jour, le duc de Bourgogne réunit à sa table les ambassadeurs anglais, et déploya dans ce festin tout le faste qui faisait l'admiration de sa Cour[119]. On remarqua qu'après le dîner le Cardinal de Winchester eut un entretien particulier avec le duc, que le cardinal appela ensuite l'archevêque d'York, et que tous deux conférèrent pendant une heure avec Philippe. Thomas Beaufort s'anima tellement dans cette conversation qu'il suait à grosses gouttes. C'est en vain que les seigneurs de la Cour essayèrent de couper court à la discussion en faisant semblant d'apporter les épices. Le soir, entre dix et onze heures, le duc de Bourgogne, accompagné de son chancelier et des seigneurs de Croy et de Charny, se rendit incognito chez le cardinal de Sainte-Croix, avec lequel il conféra fort longuement. Les ambassadeurs de la ville de Paris étaient arrivés le 1er septembre. Dès le lendemain, ils proposèrent devant les ambassadeurs anglais. Ce fut Thomas de Courcelles qui porta la parole. Guillaume Érard prononça un discours au nom des ambassadeurs anglais, et résuma tout ce qui avait été fait[120]. Mais le temps des développements oratoires était passé, et l'intervention des deux docteurs qui avaient pris une si grande part à la condamnation de Jeanne d'Arc n'était point de nature à changer la face des choses. Cependant le bruit de la rupture des négociations commençait à se répandre. Dès le 29 août, on en parlait publiquement comme d'un fait acquis. Le 31, les ambassadeurs de France ne sortirent de l'abbaye qu'entre dix et onze heures du soir. Grande était l'anxiété dans toute la ville, où le mécontentement devint très vif les jours suivants. On voyait les allées et venues des conseillers du duc ; on s'en prenait à eux de l'insuccès de la conférence. Le 4 septembre, la rupture était regardée comme définitive, et l'on nommait tout haut perturbateurs de la paix les Bourguignons qui s'étaient faits connaître par leur sympathie pour les Anglais. Une réunion eut lieu ce même jour en l'église Notre-Dame. Les ambassadeurs de France s'y trouvèrent avec le cardinal d'Angleterre et les autres ambassadeurs de Henri VI. Ceux-ci reçurent communication des propositions définitives faites au nom de Charles VII. Les ambassadeurs anglais acceptèrent de porter à leur maitre ces propositions, si on leur en remettait la teneur par écrit. De cette façon, ils seraient à même d'y répondre en temps et lieu. Ils déclarèrent que, d'ailleurs, ils n'entendaient accepter aucune mission, sinon celle d'être bons messagers[121]. Le lendemain, les ambassadeurs anglais prirent congé du duc de Bourgogne ; ils quittèrent Arras le 6 septembre. Le jour même, les cardinaux médiateurs firent dresser procès-verbal des propositions faites de part et d'autre, et du résultat des négociations. Le 7 septembre, les ambassadeurs de France donnèrent des lettres signées et revêtues de leurs sceaux. Après avoir reproduit le texte des pouvoirs donnés par le Roi, en date du 6 juillet, pour traiter de la paix générale, et avoir constaté l'insuccès des négociations, ils déclaraient, à la requête des cardinaux et des autres ambassadeurs du Concile, et spécialement sur les instances du duc de Bourgogne, qu'ils maintenaient les offres par eux faites au nom du Roi. Voici le résumé de ces lettres[122]. I.
Le roi d'Angleterre renoncera expressément et à tout jamais au titre de roi
de France et au droit qu'il prétend avoir à la couronne de France. II.
Il restituera au Roi toutes les villes, terres et seigneuries auxquelles il
prétend ou qu'il occupe dans le royaume, sauf celles dont mention sera faite
plus loin. III.
Pour ces dernières, le roi d'Angleterre les tiendra de la Couronne en foi,
hommage, ressort et souveraineté, comme les anciens pairs les tenaient. IV.
Tous les gens d'église et séculiers rentreront en possession de leurs
bénéfices, terres, etc., dans les pays cédés au roi d'Angleterre. V.
Le duc d'Orléans recouvrera sa liberté, moyennant une rançon raisonnable. VI.
Moyennant quoi, les ambassadeurs de France consentent, au nom du Roi, en vertu
des pouvoirs à eux donnés, à céder au roi d'Angleterre, à titre d'héritage
perpétuel : Io tout ce qu'il occupe présentement dans le duché de Guyenne ;
2° le duché de Normandie avec ses dépendances, droits et prérogatives, dans
les conditions où le roi Jean et son fils Charles l'ont tenu et possédé comme
ducs ; 3° le droit appartenant au Roi sur les places occupées par les rois
d'Angleterre, dès avant la première guerre, sur les frontières de Picardie,
sauf réserve des droits royaux. VII.
Les ambassadeurs consentent de plus à traiter du mariage de Henri VI avec une
des filles du Roi, pourvu que ce soit sans dot, et sans autres charges que
celles indiquées ci-dessus. VIII.
Les ambassadeurs consentent en outre, moyennant les trois conditions susdites
: 1° l'abandon de toutes les places occupées par les Anglais dans le royaume
; 2° la restitution de leurs possessions aux gens d'église et aux séculiers ;
3° la mise en liberté du duc d'Orléans, à ce que les deux autres stipulations
relatives à la renonciation du roi d'Angleterre à la Couronne et au mariage
projeté restent en suspens durant un intervalle de sept années, de façon à ce
que le roi d'Angleterre, une fois parvenu à sa majorité, puisse en délibérer
en connaissance de cause et. prendre un parti par lui-même. IX.
Les ambassadeurs consentent aussi à ce que le roi d'Angleterre puisse faire
faire hommage au Roi, soit par un de ses enfants légitimes, auquel seraient
transportés les duchés et seigneuries que le roi d'Angleterre possédera en France,
soit par un duc notable, en faveur duquel le
transport serait fait. X.
La paix finale pourrait ainsi se faire entre les deux rois et leurs royaumes
; dans l'intervalle de ces sept années, la France et l'Angleterre seraient en
paix, et les choses resteraient en l'état, chacun conservant ce qu'il possède
présentement. XI.
Les ambassadeurs déclarent en terminant que les présentes offres sont faites
à la condition expresse que l'avis d'acceptation des stipulations sera donné
par le roi d'Angleterre, avant le 1er janvier 1436, aux cardinaux médiateurs
et au duc de Bourgogne, auxquels les ambassadeurs donnent pouvoir pour
recevoir ladite acceptation, et fixer une journée pour le règlement
définitif. Si cette formalité n'était pas remplie dans le délai fixé, les
offres devaient être considérées comme nulles et non-avenues[123]. On envoya ces offres au roi d'Angleterre par un ambassadeur spécialement désigné à cet effet[124], lequel reçut en outre des pouvoirs pour consentir, si c'était nécessaire, à ce que Henri VI fût dispensé, durant sa vie, de l'hommage au Roi pour le duché de Normandie[125]. Le cardinal de Chypre et le duc de Bourgogne écrivirent au roi d'Angleterre pour appuyer la démarche faite auprès de lui[126]. Le duc de Bourgogne se trouvait désormais en présence de cette éventualité qu'il avait paru tant redouter jusque-là et sur laquelle il n'avait jamais eu le courage de prendre un parti : la conclusion d'une paix séparée avec Charles VII. Dans son entourage, on était favorable à la paix. Le connétable de Richemont n'épargnait rien pour l'y amener. L'écuyer Gruel raconte que le soir, après que tout le monde s'était retiré, son maître allait trouver le duc pour triompher de ses hésitations, et qu'il s'entendait dans ce but avec le chancelier Rolin, le seigneur de Croy et les autres conseillers de Philippe favorables à un accord. Le duc se regardait comme engagé par le double serment qu'il avait prêté : à Henri V lors du traité de Troyes, au régent Bedford lors du traité d'Amiens. Malgré les déclarations très catégoriques faites par lui à Nevers[127], il paraissait être dans les plus vives perplexités. Il fallut que les cardinaux usassent de toutes les ressources de la casuistique pour faire cesser son irrésolution. Sur l'initiative du cardinal de Sainte-Croix, un docteur de Bologne, Louis de Garsils, rédigea un mémoire pour élucider la question. L'habile théologien, s'appuyant sur des textes empruntés aux auteurs sacrés et profanes, examinait dans cet écrit : 1° ce qui pouvait être allégué en faveur de la légalité du traité de Troyes ; 2° les motifs qui rendaient ce traité d'une nullité absolue ; 3° les raisons qui non seulement permettaient au duc de Bourgogne de conclure avec Charles VII une paix séparée, mais lui en faisaient un devoir[128]. Pour mieux faire ressortir le caractère odieux du traité de Troyes et l'obligation où était le duc de le rompre, on fit, sous une forme allégorique, un historique complet des événements. Charles VI était représenté par Darius, roi de Perse ; le Dauphin par son fils Assuérus, duc de Galilée ; le roi d'Angleterre par Pharaon, roi d'Égypte. Cet historique était suivi d'une consultation où tous les points de droit étaient posés et résolus[129]. Un autre mémoire fut rédigé dans un sens tout opposé. On y exposait les raisons par lesquelles il semblait que Monseigneur (le duc de Bourgogne) ne puet ni doit prendre ou faire traité particulier avec ses adversaires en délaissant l'alliance et traité qu'il a avec le Roy (d'Angleterre). Après avoir raconté, avec un évident parti pris, les faits accomplis depuis le traité de Pouilly jusqu'au traité de Troyes, en posait les conclusions suivantes : le duc de Bourgogne ne peut traiter avec le roi Charles, parce qu'il a été lui-même la cause principale de la translation de la couronne du roi d'Angleterre et de l'exclusion du roi Charles ; parce qu'il a fait la guerre à celui-ci autant qu'il a été en son pouvoir, et que vraisemblablement le roi Charles lui en gardera une éternelle rancune, et se vengera un jour s'il en trouve l'occasion ; parce que, après l'horrible crime commis par le roi Charles sur la personne du feu duc, il pensera toujours que le duc ne lui pardonnera pas, et qu'il cherchera par des voies obliques et couvertes à lui faire desplaisir et dommaige ; parce que les gens de divers états, en nombre innumerable, tenant le parti du roi Charles, qui ont souffert si cruellement dans les guerres, ont conçu contre le duc une haine mortelle, et qu'il ne sera jamais en sûreté ; parce que, si l'on poursuivait une paix particulière avec le duc, ce n'était qu'afin de le séparer des Anglais et de profiter un jour de l'affaiblissement de sa puissance pour l'attaquer ; parce qu'il y avait lieu de croire que le traité ne serait pas observé, et que le roi Charles s'entendrait ensuite avec les Anglais pour écraser le duc : ou en avait pour preuve les dispositions hostiles persistantes à l'égard du duc, et les ravages qui, durant les négociations, se faisaient dans le pays d'Artois et de Boulonnais. Quel espoir pouvait-on avoir que ce traité aurait plus de force que celui de Pouilly, si outrageusement violé par le roi Charles ? Quels serments plus solennels pouvait-on faire que ceux qui furent prêtés alors ? D'ailleurs l'honneur du duc était engagé ; il ne pouvait revenir sur ses serments : s'il passait outre, il serait dénoncé par le roi d'Angleterre à tous les princes de la chrétienté comme parjure ; au moins devrait-il, puisque son honneur était en jeu, prendre l'avis des chevaliers de son ordre[130]. Les raisons qui militaient en faveur d'une paix particulière furent exposées très longuement dans plusieurs mémoires, où l'on répondait point par point à toutes les allégations contraires[131]. Le jour même du départ des ambassadeurs anglais, une assemblée solennelle fut convoquée pour quatre heures à l'abbaye de Saint-Vaast. Le duc de Bourgogne avait fait dire aux députés des bonnes villes qui se trouvaient à Arras, qu'il les engageait à y prendre part ; il y avait là les ambassadeurs de la ville de Paris et une multitude de gens de tous états. Le duc arriva, entre cinq ou six heures, en notable compagnie, et la séance commença. Les cardinaux et les ambassadeurs de France étaient à leurs sièges. L'archidiacre de Metz exposa en français la marche des négociations ; il fit connaître les propositions faites de part et d'autre, et l'échec final sur le terrain d'une paix générale. Il s'adressa ensuite au duc de Bourgogne, lui montrant la désolation du royaume, les maux affreux qui en étaient résulté : la perdition des âmes, la destruction des églises et de la chose publique, les homicides, les viols et autres malheurs innumerables. Il démontra que les serments contre charité, bonnes mœurs et bien public n'étaient tenables, non plus que serments personnels ; il le supplia, au nom privé des cardinaux, au nom du pape, au nom des cardinaux et ambassadeurs, de vouloir bien entendre au bien de paix finale avec les Français, qui lui faisaient des offres acceptables. Le chancelier Rolin se leva, et répondant à l'archidiacre, déclara qu'il avait toujours été et était encore disposé à traiter de la paix, et qu'il donnerait sur ce réponse à bref délai. Acte de cette séance fut dressé par ordre des cardinaux, et l'on constata que, dans l'assistance, il y avait grand foison de peuple. Le soir, les ambassadeurs de France restèrent jusqu'à minuit en l'hôtel du duc. Déjà l'on disait publiquement que la paix était faite. Le 8 septembre, une messe solennelle fut dite par l'évêque d'Auxerre en l'église de l'abbaye de Saint-Vaast, en présence du cardinal de Sainte-Croix, des princes, des ambassadeurs de France, et d'un grand nombre de seigneurs et de dames, pour consacrer par la prière la paix qui était à la veille de se conclure[132]. La messe fut suivie d'un sermon, prononcé par un jacobin, confesseur du duc de Bourbon. Il y avait là des représentants de la plupart des souverains de l'Europe, venus pour assister à ce congrès d'où semblait dépendre la paix du monde. Le même jour, le duc reçut à sa table le cardinal de Chypre, les ambassadeurs de France, le duc de Gueldre, l'évêque de Liège, et beaucoup de seigneurs et de députés des bonnes villes. L'anniversaire de la mort du duc Jean approchait. Le 10 septembre fut célébré un service solennel dans l'église Notre-Dame, en présence des princes et des ambassadeurs. Dans l'après-midi le duc tint, en son hôtel, un conseil auquel furent convoqués les députés des bonnes villes. L'opinion se manifesta à la presque unanimité en faveur de la paix. Le duc déclara publiquement qu'il consentait à traiter avec les ambassadeurs de France. Quand, le soir, l'évêque d'Auxerre rentra dans la chambre du grand-chantre de l'abbaye : Vous souvenez-vous, s'écria-t-il, que je vous ai dit naguère que si, en ce jour, la paix était confirmée entre nos seigneurs de France ce serait chose miraculeuse ? Il y a seize ans que monseigneur le duc Jean fut mort, et aujourd'hui la paix est faite. On peut bien dire : Unde mors orietur, inde vita resurgeret ! Le 11 septembre, les négociations en vue d'une paix particulière s'ouvrirent sous les auspices des deux cardinaux. Le duc de Bourgogne vint en personne à la conférence, accompagné du duc de Gueldre, du comte de Meurs, des évêques de Liège et d'Auxerre. Le chancelier Rolin prononça un grand discours. Il rappela la requête présentée le 6 septembre par l'archidiacre de Metz, et déclara que, pour la reverence de Dieu, pour l'honneur de nostre Saint Père le Pape, du saint Concile de Basle et des cardinaux, pour le relièvement du Royaume de France, moult désolé, il consentait, au nom de son maître, à faire droit à cette requête, mais sous une double réserve : le duc serait a restitué de tous ses intérêts ; il aurait des lettres des cardinaux, scellées de leur sceaux, relativement aux serments et confédérations qui le liaient aux Anglais. Enfin le chancelier déposa des conclusions devant servir de base au traité[133]. L'archidiacre de Metz répondit à Nicolas Rolin, le remerciant vivement, et en beaux termes, de sa douce, benigne et amiable response. Dans les réunions qui suivirent, on ne discuta que pour la forme. Les articles proposas par le chancelier de Bourgogne furent adoptés sans aucun changement. Il semblait que le duc de Bourgogne imposât sa loi et que les ambassadeurs de France n'eussent qu'à écrire sous sa dictée. Bien plus, certaines dispositions en faveur du duc furent ajoutées à la rédaction primitive[134] : c'est ainsi qu'à la rigueur des conditions imposées au Roi fut jointe la sévérité des pénalités[135]. Tout était disposé pour la signature du traité. On savait dans le public que les plénipotentiaires s'étaient mis d'accord, et, dès le 16 septembre, on s'attendait à le voir publier. Au milieu des conférences, qui paraissaient s'acheminer promptement vers leur terme, une nouvelle d'une haute gravité arriva soudain : bien qu'elle fût désormais sans influence sur l'issue des négociations, elle ne laissa pas que de causer une vive émotion. On apprit le 16 septembre que lé régent Bedford avait cessé de vivre[136]. Ce fut un soulagement pour la conscience du duc Philippe, qui voyait disparaître le dernier survivant des deux princes auxquels il avait engagé sa foi. Le 20 septembre, les cardinaux, conformément à ce qui avait été convenu à l'avance, adressèrent au duc de Bourgogne une sommation pour la conclusion de la paix. Dans des lettres rendues en leur nom respectif[137], ils rappelaient la triste situation du royaume, les négociations entamées, d'abord à Auxerre, puis à Corbeil, reprises enfin à Nevers et à Arras ; après avoir montré l'impossibilité où l'on avait été, par suite des exigences des Anglais, d'aboutir à une paix générale, ils exhortaient le duc à conclure avec le roi de France une paix séparée, déclarant nuls et non valables les serments faits par le duc, soit au roi Henri, soit, après sa mort, à ses frères et cousins, aussi bien que les traités passés avec ces princes, tant comme nuisibles à la chose publique que comme directement contraires à la charité et à toutes bonnes mœurs. Cette formalité remplie, le même jour 20 septembre l'archevêque de Reims, chancelier de France, fit savoir, au nom de ses collègues, que, considérant les grands maux survenus, la diminution et la dépopulation du royaume occasionnée par les divisions existant entre les deux partis ; émus des malheurs du peuple et afin qu'il pût vivre en paix, sans effusion de sang, pilleries, roberies, ou autres énormités ; ayant du Roi pleins pouvoirs pour conclure un appointement et promettre d'observer en son nom ce qui serait réglé, ils avaient pour agréables les articles proposés, bien qu'ils fussent à la très grande charge du Roi et au grand profit du duc. Mais ils envisageaient l'utilité de son royaume, le bien de la paix, et voulaient ainsi sceller la réconciliation entre le duc et le Roi qui, durant vingt années, avaient été en divisions et en guerres mortelles[138]. Les ambassadeurs de chacune des parties prêtèrent ensuite serment, entre les mains des cardinaux, d'observer les conditions du traité, en se soumettant aux censures qui y étaient stipulées. On dressa de part et d'autre des lettres patentes. Les ambassadeurs de France donnèrent leurs lettres, contenant la teneur des offres qu'au nom du Roi ils faisaient au duc de Bourgogne, pour son interest et querelle qu'il a et peut avoir à l'encontre du Roy, tant à cause de la Mort de feu monseigneur le duc Jehan de Bourgogne son père comme autrement, afin de parvenir à la conclusion du traité. Ces offres contenaient les points suivants[139] : I.
Le roi dira par lui-même au duc de Bourgogne, ou fera dire par ses fondés de
pouvoir, que la mort de feu monseigneur le duc Jean de Bourgogne son père,
fut iniquement et mauvaisement faite par ceux qui
perpétrèrent ledit cas, et par mauvais conseil, qu'il lui en a
toujours déplu et présentement lui en déplait de tout son cœur, et que s'il
eût su le cas et qu'il eût eu l'âge et l'entendement qu'il a à présent, il y
eût obvié à son pouvoir ; mais il estoit bien jeune
et avoit pour lors petite connoissance, et ne fut point si advisé que d'y
pourvoir ; et priera à monseigneur de Bourgogne que toute rancune ou haine
qu'il peut avoir à l'encontre de lui, à cause de ce, il oste de son cœur et
que entre eux ait bonne paix et amour. Et de ce sera faite expresse
mention dans le traité[140]. II.
Tous ceux qui perpétrèrent ledit mauvais cas ou qui
en furent consentaus seront abandonnés par le Roi, qui fera toutes les
diligences possibles pour les faire prendre et appréhender, afin de les punir
dans leurs personnes et dans leurs biens ; et s'il ne les peut appréhender,
il les bannira à perpétuité, avec confiscation de leurs biens ; et ils seront
hors de tous traités[141]. III.
Le Roi ne souffrira qu'aucun d'eux soit reçu ou favorisé dans quelque lieu de
son obéissance, et fera publier dans tout son royaume que personne ne les
reçoive ou favorise, sous peine de confiscation de corps et de biens[142]. IV.
Le duc de Bourgogne désignera le plus tôt qu'il pourra ceux qu'il regarde
comme coupables ou consentants dudit mauvais cas,
afin que le Roi puisse procéder a incontinent et diligemment contre eux. Il
aura en outre la faculté, si des révélations ultérieures lui viennent à ce
sujet, de désigner les coupables et de les faire connaître au Roi, par
lettres patentes ou autrement, et le Roi sera tenu de faire procéder contre
eux en la manière susdite[143]. V.
Diverses fondations seront faites pour l'âme du feu duc, du seigneur de
Navailles[144], et des autres victimes des divisions et guerres de
ce royaume. D'abord une chapelle et chapellenie sera fondée à titre
perpétuel, avec dotation convenable, et une messe basse de Requiem y
sera célébrée chaque jour ; le chapelain sera à la collation du duc. VI.
Ensuite, à Montereau, ou à proximité de la ville, le Roi fera construire un
couvent de chartreux pour un prieur et douze religieux, lesquels seront dotés
de rentes annuelles et perpétuelles, bien amorties, jusqu'à concurrence de
huit cents livres parisis par an. VII.
En troisième lieu, sur le pont de Montereau, à l'endroit même où fut commis
ledit mauvais cas, sera construite une belle
croix, qui sera entretenue aux frais du Roi. VIII.
Enfin, dans l'église des chartreux de Dijon, où repose le corps du feu duc,
le Roi fondera à perpétuité une grand'messe de Requiem, qui sera dite chaque
jour au grand autel, avec dotation jusqu'à concurrence de cent livres parisis
par an. IX.
Ces fondations seront faites immédiatement, et les édifices seront commencés
à Montereau dans un délai de trois mois après que la ville sera rentrée en
l'obéissance du Roi, pour être achevés avant cinq années[145]. X.
En compensation des joyaux et autres biens meubles du feu duc qui furent pris
et perdus, le Roi paiera la somme de cinquante mille écus d'or[146], savoir quinze mille à Pâques 1437, quinze mille à
Pâques 1438 et les vingt mille restant à Pâques 1439. Réserve est faite au
duc de Bourgogne de son action et poursuite au sujet du bel collier du feu duc son père. XI.
Pour partie des intérêts, le Roi cédera au duc et lui transportera à nouveau,
pour lui et ses héritiers légitimes, mâles ou femelles, les villes et comté
de Mâcon et de Saint-Gengoux, avec toutes leurs dépendances, sans aucune
réserve, sauf les foi, hommage, ressort et souveraineté. XII.
Le Roi cédera en outre tous les profits et émoluments venant des droits
royaux dans lesdites villes et comté. XIII.
Le Roi cédera encore au duc et à ses héritiers, tous les profits des aides
qui sont ou qui seront imposées dans les élections de Mâcon, Chalon, Autun et
Langres, et abandonnera la nomination de tous les officiers chargés des
recouvrements. XIV.
Le Roi cédera encore au duc et à ses héritiers la ville et le comté
d'Auxerre, avec toutes leurs dépendances. XV.
Il abandonnera également tous les profits et émoluments provenant des droits
royaux dans ledit comté. XVI.
Il abandonnera également tous les profits des aides. XVII.
Le Roi cédera encore au duc et à ses héritiers le château, ville et
châtellenie de Bar-sur-Seine, avec toutes leurs dépendances et tous les
profits et émoluments quelconques. XVIII.
Il abandonnera aussi tous les profits des aides. XIX.
Le Roi cédera encore au duc le comté de Bourgogne et la garde de l'église et
abbaye de Luxeuil, avec tous les droits, profits et émoluments de ladite
garde. XX.
Le Roi cédera encore au duc les villes, châtellenies et prévôtés de Péronne,
Montdidier et Roye, avec toutes leurs dépendances. XXI.
Il en abandonnera aussi tous les profits et émoluments quelconques. XXII.
Il abandonnera aussi tous les profits des aides. XXIII.
Le Roi abandonnera aussi au duc la compensation des aides dans le comté
d'Artois, montant à quatorze mille francs par an ou environ. XXIV.
Le Roi cédera encore au duc toutes les villes, terres et seigneuries
appartenant à la couronne, sur les deux rives de la Somme savoir
Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville, avec tout le comté de Ponthieu,
Doullens, Saint-Riquier, Crèvecœur, Arleux, Mortagne, etc., avec toutes leurs
dépendances. Ledit transport fait avec faculté de rachat, moyennant la somme
de quatre cent mille écus d'or. Le duc donnera des lettres par lesquelles il
s'engagera, pour lui et pour les siens, à remettre les villes de la Somme
toutes et quantes fois il plaira au Roi et à ses héritiers de faire ledit
rachat. Les villes de Tournai, le Tournaisis et Saint-Amand resteront au Roi,
sauf Mortagne, qui est compris dans la cession faite au duc. XXV.
Eu égard au droit que le duc prétend avoir sur le comté de Boulogne, ce comté
restera aux mains du duc et, de ses héritiers mâles seulement, et fera
ensuite retour à ceux qui y ont ou auront droit ; le Roi sera tenu de les
dédommager pour qu'ils ne troublent pas le duc dans sa possession. XXVI.
Les château, ville, comté et seigneurie de Gien-sur-Loire, qu'on dit avoir
été donnés, avec le comté, d'Étampes et la seigneurie de Dourdan, par feu le
duc de Berry au feu duc Jean, père du duc de Bourgogne, seront mis en la main
du duc de Bourbon pendant un an ; durant ce temps, le comte d'Étampes devra
produire les lettres de don, et, si elles sont reconnues valables, le comté
de Gien sera délivré par le duc de Bourbon au comte d'Étampes ou au duc de
Bourgogne[147]. XXVII.
Le Roi fera restituer au comte de Nevers et à son frère le comte d'Étampes la
somme de 32.800 écus d'or à lui due depuis le temps de Charles VI ; quant aux
dettes du feu Roi à l'égard du duc, son droit pour en poursuivre le
recouvrement demeurera dans son entier[148]. XXVIII.
Le duc ne sera point tenu de faire nul hommage ou service au Roi pour les
terres et seigneuries qu'il tient au royaume, ni pour celles qui pourraient
lui échoir par héritage ; il demeurera de sa personne exempt de tous cas de
sujétion, hommage, ressort, souveraineté et autres du royaume, durant la vie
du Roi. Mais après sa mort, le duc devra lesdits foi et hommages et services,
qui seront dus également par les héritiers du duc s'il mourait avant le Roi[149]. XXIX.
Et comme au présent traité, ou dans d'autres lettres, ou de bouche, le duc
nomme et pourra nommer le Roi son souverain, les ambassadeurs déclarent que
cette désignation ne porte aucun préjudice à l'exemption personnelle dont il
jouira sa vie durant. XXX.
Les sujets du duc résidant dans les seigneuries qu'il tient ou qu'il tiendra
de la couronne, ne seront point astreints à s'armer sur l'ordre du Roi ni de
ses officiers, à moins qu'ils ne tiennent d'autres terres du Roi. Mais le Roi
est content que, toutes et quantes fois qu'il plaira au duc de mander ses
sujets étant dans ce cas, pour ses guerres, soit dans le royaume, soit au
dehors, ils soient astreints d'y aller, sans pouvoir ni devoir venir au
mandement du Roi s'il les mandait à ce moment. XXXI.
Si toutefois il advenait que les Anglais ou leurs alliés fissent la guerre au
duc à l'occasion du présent traité ou autrement, le Roi serait tenu de
secourir le duc et ses pays et sujets avec toute sa puissance, comme s'il
s'agissait de sa propre cause. XXXII.
Aucun traité ne sera fait avec les Anglais, soit par le Roi, soit par ses
successeurs, sans le signifier au duc ou à son héritier principal, et sans
les y appeler et comprendre, s'ils veulent y être compris, pourvu que le duc
et son héritier en fassent autant. XXXIII.
Le duc et ses sujets qui ont porté l'enseigne de la croix de Saint-André ne
seront pas obligés de la quitter, dans quelques armées qu'ils se trouvent,
même en présence du Roi ou de son connétable. XXXIV.
Le Roi fera dédommager ceux qui furent pris le jour de la mort du feu duc et
qui perdirent leurs biens ou furent mis à rançon[150]. XXXV.
Abolition générale sera donnée de toutes choses faites, passées et dites à
l'occasion des divisions survenues dans le royaume, sauf en ce qui concerne
le meurtre du duc Jean ; chacun recouvrera ses terres et héritages, sauf pour
les terres confisquées par le duc et son père dans le comté de Bourgogne et
dont ils ont disposé[151]. XXXVI.
En ce présent traité seront éteintes et abolies toutes injures, malveillances
et rancunes de part et d'autre. XXXVII.
Seront compris au présent traité tous gens d'église, nobles, bonnes villes et
autres ayant tenu le parti du duc et de son père ; ils jouiront du bénéfice
de l'abolition et du recouvrement des héritages moyennant leur adhésion au
traité. XXXVIII.
Le Roi renoncera à l'alliance qu'il a faite avec l'empereur contre le duc, et
à toutes autres alliances par lui faites avec quelques princes et seigneurs
que ce soit contre le duc, pourvu que le duc le fasse pareillement. Le Roi
sera tenu en outre — et il le promettra au duc — de le soutenir contre tous
ceux qui voudraient lui faire la guerre et lui porter dommage ; le duc fera
de même, sauf l'exemption personnelle stipulée plus haut. XXXIX.
Le Roi consentira — et il en donnera ses lettres — à ce que, si le présent
traité était enfreint par lui, ses vassaux, féaux et sujets présents et, à
venir ne fussent plus tenus de lui obéir ni de le servir, mais qu'ils soient,
dès lors, obligés de servir le duc contre lui. Dans ce cas, tous sesdits
sujets seront déliés de leurs serments de fidélité et de leurs obligations à
l'égard du Roi, sans que dans l'avenir Ils puissent être inquiétés à ce
sujet. Dès maintenant le Roi leur commande d'agir ainsi, et les décharge, le cas
échéant, de tous serments et, obligations. Le duc de Bourgogne donnera les
mêmes consentement et déclaration. XL.
Le Roi fera les promesses, obligations et
soumissions touchant l'observation du présent traité, entre les mains
des deux cardinaux, et, de la façon la plus ample que l'on pourra trouver, et
sous peine d'excommunication, aggravation, réaggravation, interdit dans ses
terres et seigneuries, et autrement, le plus avant
que la censure de l'Église puisse s'étendre en cette partie, pourvu
que le duc en fasse autant de son côté. XLI.
Le Roi fera remettre, avec son scellé, ceux des princes et seigneurs de son
obéissance, dans lesquels sera inséré le scellé du Roi ; ils s'engageront à
l'observer, et, en cas de violation, de soutenir le duc contre le Roi. Le duc
fera de même de son côté. XLII.
Le roi fera remettre pareils scellés de la part des gens d'église, nobles et
bonnes villes de son obéissance, sur la désignation du duc pour les gens
d'églises, les bonnes villes[152]. XLIII.
S'il advenait qu'il y eût quelque faute ou omission, ou que quelque
infraction à certains articles fût, commise, le traité n'en demeurera pas
moins en pleine vigueur, et réparation ou amendement seront faits aux
infractions ou omissions[153]. Le 21 septembre, une grande cérémonie religieuse eut lieu dans l'église de Saint-Vaast. Le duc de Bourgogne, entouré des princes de sa famille et de ses conseillers, chevaliers et écuyers, occupait la droite du chœur[154]. Les ambassadeurs de France prirent place à gauche. Au milieu on avait disposé un petit autel sur lequel était placé, entre deux chandeliers d'or, le livre des Évangiles, avec un crucifix. Une messe du Saint-Esprit fut dite par le cardinal de Chypre, assisté de l'abbé de Saint-Vaast et de l'abbé de Saint-Nicaise, officiant comme diacre et sous-diacre. Laurent Pinon, évêque d'Auxerre, fit un très notable sermon ; il prit pour texte ces paroles : Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum. Pierre Brunet, chanoine d'Arras, lui succéda : il donna lecture du texte des bulles du Pape et du Concile investissant les cardinaux de leur mission, et lut ensuite le texte du traité qui venait d'être signé, ce qui dura plus d'une heure. Ensuite Philippe Maugart, maitre des requêtes de l'hôtel du duc de Bourgogne, lut une lettre par laquelle les cardinaux promulguaient le traité : cet acte contenait, avec les pouvoirs du Roi, le texte du traité. Cette lecture était à peine achevée, que les assistants, ne pouvant contenir leur joie, poussèrent des acclamations. Les cris de Noël ! Noël ! retentirent sous les voûtes de la basilique avec une telle puissance que, dit un témoin oculaire, on n'eust pas ouy Dieu[155]. Les cardinaux prirent place alors au milieu du chœur. Le chancelier de Bourgogne, s'avançant vers eux, déclara que le duc son maitre n'entendait point que René, duc d'Anjou, son prisonnier, fût compris au traité, et demanda acte de cette déclaration[156]. Acte lui fut donné. Puis on vit se lever un prêtre chargé d'années qui, se dirigeant vers la droite du chœur, alla s'agenouiller aux pieds du duc Philippe : c'était Jean Tudert, doyen de Pâris, l'un des ambassadeurs du Roi. Conseiller au parlement dès 1402, maitre des requêtes de l'hôtel depuis 1418, il avait vieilli dans le Conseil et n'avait cessé d'être mêlé aux négociations poursuivies, soit avec le duc Jean, soit avec le duc Philippe. On l'avait vu aux conférences de La Tombe en avril-mai 1418 ; il avait pris part aux conférences de Bourg en janvier 1423 ; il était aux conférences d'Arras et de Compiègne en août-septembre 1429. Et maintenant c'était à lui qu'était échue la mission de faire amende honorable, au nom du Roi, pour le meurtre accompli à Montereau. Conformément, à la formule arrêtée d'avance, le doyen de Paris prononça, à haute et intelligible voix, les paroles suivantes : La mort de Monseigneur le duc Jehan (que Dieu absoille !) fut iniquement et malvaisement faite par ceux qui perpetrèrent ledit cas, et par mauvais conseil ; il en a tous diz despleu au Roy, et de present desplait de tout son cuer ; et s'il eust sceu ledit cas et eust eu tel eage et entendement qu'il a de present, il y eust obvié à son povoir ; mais il estait bien jeune et avait pour lors petite cognoissance, et ne fust point si advisé que de y pourveoir. Et prie à Monseigneur de Bourgogne que toute rancune ou hayne qu'il pue, avoir à l'encontre de lui, à cause de ce, il le oste de son cuer, et que entre eulx ait bonne paix et amour. Cette humiliante déclaration étant faite, le duc releva Jean Tudert, et, en l'embrassant, déclara qu'avec l'aide de Dieu il accomplirait la promesse qu'il avait faite, et qu'il n'y aurait plus jamais de guerre entre le Roi et lui. Acte notarié fut aussitôt dressé de la déclaration du doyen de Paris et de la réponse du duc[157]. Alors Philippe, se levant à son tour, s'avança vers les
deux cardinaux. Le cardinal de Sainte-Croix sortit l'hostie sacrée du
tabernacle et exposa le Saint-Sacrement. Puis il prit une croix d'or et la
posa sur un coussin. Jurez, dit-il au duc, de ne jamais rappeler la mort de votre père, et
d'entretenir fidèlement bonne paix et union avec le Roi, votre souverain
seigneur, et avec les siens, conformément au traité.
Le duc étendit la main sur la croix et prêta serment. Les deux cardinaux,
étendant leurs mains sur la tête du duc, le déclarèrent absous du serment
qu'il avait fait aux Anglais. Les princes, les ambassadeurs, les seigneurs
présents vinrent à leur tour jurer d'observer la paix. En levant la main pour
prêter serment, un seigneur bourguignon, Jean de Lannoy, dit à haute voix : Voici la propre main qui autrefois a prêté serment pour
cinq paix, dont aucune n'a été observée. Mais je promets à Dieu que celle-ci
sera observée de ma part et que jamais je ne l'enfreindrai[158]. Quand les
seigneurs eurent juré, les cardinaux firent lever la main à tous les
assistants. La cérémonie se termina par une bénédiction solennelle, et par le
chant du Te Deum. On se sépara aux cris répétés de Noël ! Noël ! Les ducs de Bourgogne et de Bourbon sortirent de l'église en se donnant le bras. Le peuple, voyant le bon accord et la familiarité qui régnait entre les deux princes, les suivit en poussant d'enthousiastes acclamations. L'émotion était telle que les larmes coulaient de tous les yeux. Des feux furent allumés sur plusieurs points[159]. Le même jour, 21 septembre, le duc de Bourgogne donna ses
lettres patentes, par lesquelles, considérant les journées
tenues à Auxerre et à Corbeil, les pourparlers qu'on avait eus avec les
ambassadeurs anglais à Arras, sous les auspices des deux cardinaux, et
l'impossibilité où l'on avait été de conclure une paix générale, malgré les grandes et notables offres faites aux ambassadeurs
et qui avaient semblé justes et raisonnables aux deux cardinaux, il
déclarait, cédant aux instances des cardinaux pour qu'il consentît à une paix
particulière et après mûre délibération des seigneurs de son sang et de son
Conseil, faire avec le Roi et ses successeurs bonne
et loyale, sûre et entière paix et réunion, moyennant les offres à lui
faites et consignées dans ses lettres, offres qu'il avait pour agréables et
qu'il acceptait, consentant à faire les renonciations, promesses et autres
choses stipulées ; il déclarait en outre reconnaître lé Roi pour son
souverain seigneur en ce qui concernait les terres et seigneuries qu'il avait
dans le royaume, et s'engager en son nom et au nom de ses héritiers, par la foi de son corps, en parole de prince, sur son
honneur et l'obligation de ses biens présents et à venir, à observer
inviolablement et à jamais ladite paix, se soumettant, en cas d'infraction, à
toutes les censures ecclésiastiques[160]. Tout n'était pas encore fini. Les cardinaux de Sainte-Croix et de Chypre avaient bien donné, dès le 21 septembre, leurs lettres de promulgation du traité[161]. Mais il restait des formalités à remplir et divers arrangements à prendre pour l'exécution du traité. Ce fut l'objet de conférences qui se prolongèrent jusqu'aux derniers jours de septembre[162]. Ces conférences aboutirent à la signature de plusieurs actes. Les ambassadeurs de France promirent de faire ratifier le traité par leur maître avant le 25 décembre[163]. Ils déclarèrent, par lettres patentes données au nom du Roi, que si le duc était cité comme pair, il le serait par une simple lettre comme dans les ajournements hors pairie[164]. Ils s'engagèrent au nom du Roi à surseoir jusqu'au lendemain de la Purification à la poursuite de toutes les causes intéressant les sujets du duc qui étaient pendantes devant le Parlement de Paris[165]. Le duc, de son côté, ordonna, par lettres patentes du 24 septembre, de faire publier le traité solennellement et à son de trompe, avec ordre de l'observer fidèlement[166]. Par lettres du lendemain, il fit la déclaration de ceux qu'il regardait comme coupables du meurtre de son père[167]. Les ambassadeurs de France lui donnèrent, le 1er octobre, acte de sa déclaration[168]. Par lettres du 30 septembre, le duc prit l'engagement, conformément au traité, de restituer au Roi les villes de la Somme, moyennant le paiement de quatre cent mille écus[169]. Le même jour, les ambassadeurs de France obtinrent du duc une importante concession : il s'engagea, an cas où le roi d'Angleterre déclarerait, avant le 1er janvier 1436, renoncer à la couronne de France et où il conclurait une paix finale, à rendre au Roi les villes de la Somme, sans aucune indemnité, aussitôt après la publication du traité de paix. Dans le cas où le roi d'Angleterre accepterait le délai de sept ans qui lui avait été offert, le duc conserverait les villes de la Somme, au titre de rachat ; mais si, à l'expiration du délai, la paix finale était conclue, le duc promettait de les rendre au Roi, se contentant pour toute indemnité de la jouissance des revenus pendant ces sept années, et renonçant à toute réclamation ultérieure pour lui et ses successeurs[170]. Tel fut le dénouement de ce long différent qui avait failli compromettre l'existence de la France et l'avait ensanglantée durant quinze années. Le duc de Bourgogne devait être content : il obtenait pleine satisfaction. Quant à Charles VII, il se résignait, par amour pour son peuple, à tous les sacrifices. Il n'avait pas dépendu de lui que cette pacification, enfin opérée à la grande joie de ses sujets, n'eût été depuis longtemps réalisée. Pour le constater, il suffit de se rappeler les phases diverses par lesquelles avaient passé ces interminables négociations, et de se reporter aux offres que, dès le lendemain de son avènement à la Couronne, le Roi avait fait faire au duc de Bourgogne, offres que ses ambassadeurs avaient renouvelées dans toutes les conférences. Nous ne craignons pas de dire que le beau rôle ne cessa pas d'être de son côté, et que, si le duc Philippe recueillit le profit, l'honneur de ce grand résultat peut être attribué à Charles VII. |
[1] C'étaient Christophe d'Harcourt, Jean de Lévis, seigneur de Vauvert, et Montjoie, roi d'armes de France. Voir, sur les personnages qui assistèrent à cette fête, Saint-Remy, qui en a donné (t. II, p. 287-297) une relation détaillée. En outre, plusieurs dames françaises étaient là : la dame de Vauvert (Isabelle de Chartres, nièce du chancelier, mariée à Philippe de Lévis), la dame de Gaucourt et la dame de Barbazan.
[2] Le duc était alors à Vézelay. Itinéraire, dans Canat, p. 488, et Archives du Nord, B 1948, f. 138 v° et 141. — Aussitôt après le départ du duc de Bar, Philippe envoya Charles de Montmorency vers le comte de Richemont, pour certaines choses secrètes qu'il lui a enchargées. Archives du Nord, B 1948, f. 90.
[3] René passa le 11 novembre par Mâcon, venant de Bourgogne, et se rendant à Lyon, vers le Roi, pour traicter de la paix. Journal de Jehan Denis, bourgeois de Mâcon, dans Canat, t. I, p. 237-38. J. Denis constate que la ville lui donna une botte de vin, huit torches de cire et six livres de confitures. — Le 14 novembre, un chevaucheur était envoyé par le duc de Bourgogne à son chancelier, quelque part qu'il fust, afin de le faire venir devers lui hastivement. Archives du Nord, B. 1948, f. 139.
[4] Le duc de Bourgogne n'arriva à Chambéry que le 7 février 1434 ; mais il n'avait cessé d'être en relations avec son oncle de Savoie : le 1er décembre 1433, un chevaucheur part de Dijon pour aller à Bourg, et de là à Chambéry vers le duc Amédée ; le 6 décembre, le duc de Savoie est à Dijon près du duc ; dans le même mois, un trompette du duc de Savoie apporte au duc certaines nouvelles de la part de son maître. Archives du Nord, B 1948, f. 140 v°, 230 v°, 234.
[5] Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXXXVII et s. — La lettre de créance, donnée le même jour par le duc à ses ambassadeurs, est dans Martene et Durand, Amplissima collectio, t. VIII, col. 834.
[6] Original, Archives de la Côte d'Or, B 11929. — Le texte est dans Guichenon, t. II, p. 288.
[7] Archives de la Côte-d'Or, B 11615 ; Collection de Bourgogne, 70, f. 6-8 v° et 99, p. 338-44. — Voir l'Histoire du Concile de Jean de Segovie, dans Monumenta, t. II, p. 44.
[8] Voir le document cité plus loin.
[9] Jean de Segovie, l. c., p. 707-708.
[10] Amplissima collectio, t. VIII, col. 719. — A ce moment, Charles VII, qui n'avait pas cessé d'entretenir des rapports avec les Liégeois, fit partir prestement Jacques de Montmort, son chambellan, et Jean de Berlemont, seigneur de Floron, en ambassade au pays de Liège pour aucunes choses, disait-il, qui grandement nous touchent. Lettres du 16 mai 1434. Pièces originales, 2030 : Morion. Cf. quittance de Bellemont du 24 mai, Clairambault, 140, p. 2669.
[11] Rymer, t. V, part. I, p. 9-10.
[12] Rymer, t. V, part. I, p. 12 et 15. — Les pouvoirs ne diffèrent que par le choix des mandataires, qui subit quelques variations.
[13] En passant par Auxerre, où il était le 9 avril.
[14] Elles avaient commencé en avril-mai. La journée de Pont-de-Veyle fut tenue au commencement de juin ; puis une autre journée fut fixée à Genève au 1er juillet, mais ne fut point tenue. Les négociations furent reprises le 12 octobre à Belleville, et se poursuivirent à Pont-de-Veyle à partir du 16 novembre. Journal de Jehan Denis, dans Canat, l. c., p. 247-257, et plus loin, p. 343-44, 356 et s. ; Instructions du duc de Bourgogne (2 juin 1434), Collection de Bourgogne, 99, p. 410-16 ; cf. id., p.977-84 ; Archives, P 1358, cote 527 ; Saint-Remy, t. II, p. 303.
[15] Elle se composait de Jacques, seigneur de Crèvecœur, et de Quentin Menart, prévôt de Saint-Omer ; elle partit le 1er mai et arriva à Gand le 20 juin. Archives du Nord, B 1195, f. 40 ; 1954, f. 35 ; 1952, n° 2.
[16] Archives de la Côte d'Or, B 11899 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLI-CXLIII.
[17] Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLI-CXLIII.
[18] Lettres patentes du 10 avril 1434. Canat, l. c., p. 341.
[19] Journal de Jehan Denis, dans Canat, p. 236-38, et plus loin, p. 337, 344 et 359. — Après dix-sept jours de négociations, les deux princes donnèrent le 4 décembre leurs lettres de ratification (Archives de la Côte-d'Or, B 11918). Il était stipulé qu'une nouvelle conférence se tiendrait à Decize le 15 janvier. Dès le 9 décembre, le duc de Bourgogne invitait son beau-frère à venir à Mâcon (Archives du Nord, B 1964, f. 56 v°). Le 21 novembre, un traité particulier avait réglé le différend entre le duc de Bourbon et le duc de Savoie (Gand, p. 358-361).
[20] Gruel rapporte que le connétable empêcha ses capitaines de s'avancer en Picardie, pour ce que tousjours taschoit et desiroit faire la paix entre le Roi et monseigneur de Bourgongne, et il ajoute : Et desjà avoit eu nouvelles de l'un et de l'autre par un poursuivant de mondit seigneur, et de monseigneur de Bourgongne par Pierre de Vauldrey (p. 375). Nous trouvons, en effet, dans les comptes, la mention d'un voyage de Pierre de Vauldrey près de Richemont, à Compiègne, accompli du 4 au 14 août 1434, en compagnie du héraut Franche-Comté. Archives du Nord, B 1954, f. 38 v., et 1951, f. 60 v° et f. 10 v°.
[21] Dom Grenier (d'après le Registre L de l'Hôtel-de-Ville d'Amiens), vol. 100, p. 40. Ce traité a été publié par M. de Lafons-Melicocq dans la Picardie, t. VII (1861), p. 563-69, d'après les Archives de l'hôtel de ville de Lille ; la pièce donnée ici est au nom du comte d'Etampes ; le comte y appelle le Roi : Charles, soy disant Roy de France, adversaire de monseigneur le Roy et de mondit seigneur et oncle.
[22] Les lettres du connétable portant Trèves, en date du 11 septembre 1434, sont contresignées par le bâtard d'Orléans, le maréchal de Rochefort, les sires de Prie, de Moy, de Fontaine et de Valpergue, Peton de Saintrailles, etc., etc.
[23] Le 9 octobre 1434, Pierre de Gueltes est envoyé par le duc de Mâcon à Troyes, vers le conne de Richemont, pour aucunes choses secretes. Le 20 octobre, le duc fait payer 60 fr. à Chasteaulezart, poursuivant du comte de Richemont, venu vers lai à son siège devant Belleville et retournant près de son maître. Le 22 octobre, le duc fait payer le prix de six tasses d'argent données à Geoffroy Chausson, écuyer et maitre d'hôtel de Richemont, venu en ambassade à Dijon vers lui. Le 1er décembre, Pierre de Vaudrey est envoyé à Richemont, et ne revient que le 20 ; Fuzil le poursuivant est en sa compagnie. Par mandement du 2 janvier 1435, un paiement est fait à Chasteaubaillon, poursuivant de Richemont. Le 1er janvier, Vaudrey repart pour aller trouver celui-ci, et vacque jusqu'au 13 février. Le 16 janvier, Chasteaubelin va à Dijon vers la duchesse, que le duc mande près de lui, et de là à Troyes vers Richemont, auquel mon dit seigneur escripvoit touchant certaines ses grans affaires. Le 25 janvier, Fuzil est envoyé de Nevers à Dijon vers la duchesse et vers Richemont. Archives du Nord, B 1951, f. 61, 135, 220 ; 1954, f, 38 v°, 57, 108, 59, 59 v°.
[24] Lettres du Roi du 12 janvier 1435, portant paiement de 600 l. t. Fontanieu, 117-118.
[25] Original, Archives de la Côte d'Or, B 11899 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLIII. — Ce document ne fut lu en congrégation générale que le 26 mars suivant.
[26] Lettres des 13 et 16 janvier. Canat, p. 364.
[27] Lettres des 8 et 9 janvier (Canat, p. 363). Une première convocation avait été faite par le duc le 4 janvier (id., p. 364). — Le 8 janvier, le duc envoyait son héraut Talant en Angleterre pour choses secrètes (id., p. 363).
[28] Le 13 janvier, le duc envoya de cette ville le héraut Charolais, hastivement, jour et nuit, porter une lettre au duc de Bourbon. Archives du Nord, B 1954, f. 59.
[29] Itinéraire dans Canat, p. 490.
[30] Saint-Remy, t. II, p. 303 ; Monstrelet, t. V, p. 107.
[31] Le connétable était encore à Troyes le 16 janvier ; il parait n'are arrivé à Nevers que le 25 ou le 26, après l'ouverture des conférences. Voir Gruel, p 375.
[32] Saint-Remy, t. II, p. 304.
[33] Saint-Remy, t. II, p. 304 ; cf. Monstrelet, t. V, p. 108.
[34] Monstrelet dit (p. 107) : Lequel (le duc) alla au-devant d'elle hors de son hostel, et la receut et conjoy tres joieusement et amoureusement, car pieça ne revoit veue. Les fiançailles dataient de 1412 ; le mariage avait été célébré le 5 août 1425.
[35] Voir ce que dit à ce sujet Jean Jouffroy : Oratio ad Piura Papam de Philippo duce Burgundiœ, p. 149-50.
[36] Lesquelles offres lui furent assez agréables, dit Monstrelet (t. V, p. 109).
[37] Archives de la Côte d'Or, B 11918 ; Archives nationales, P 13591, cote 626 ; Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CCXLV.
[38] L'acte était passé entre le duc de Bourgogne (placé en tête) d'une part, représenté par le chancelier Rolin, les seigneurs de Croy, de Charny, de Bauffremont, de Baussigny et de Ternant, et Quentin Menart, prévôt de Saint-Omer ; et le duc de Bourbon et le comte de Richemont, d'autre part, représentés par le chancelier Regnault de Chartres, Christophe d'Harcourt, le maréchal de la Fayette et Jean de Troissy.
[39] C'est, croyons-nous, la première fois que, dans un document public, la chancellerie bourguignonne désignait ainsi le Roi.
[40] Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLIV-XLV. — L'original, ainsi que les lettres approbatives du duc, est aux archives de Dijon, B 11918.
[41] C'est l'expression de Monstrelet, t. V, p. 115.
[42] Chastellain, Olivier de la Marche, etc.
[43] Pierre de Vaudrey fut envoyé à Bâle le 1er mars. Archives du Nord, B 1954, f. 40 v°. On a une lettre du duc de Bourgogne au Concile, en date du 16 mars 1435. Hardouin, Concil., t. XII, col. 974. — Le duc écrivit encore le 18 mars. Amplissima collectio, t. VIII, col. 799.
[44] C'est Toison d'Or qui se rendit en Angleterre. Il partit le 15 février. Archives du Nord, B 1954, f. 44 v°. Voir les instructions qu'il avait reçues au mois d'août : Collection de Bourgogne, 99, f. 426. — Le 19 février, Fusil le poursuivant est envoyé de Dijon au duc de Bourbon et au comte de Richemont, où qu'ils soient. Archives du Nord, B 1954, f. 60.
[45] Cette réponse était parvenue au duc avant le 13 mars, date d'une lettre aux Parisiens, mal datée de Dijon le 13 mai (Delpit, Collection générale des documents français qui se trouvent en Angleterre, t. I (seul publié), p. 251-52). Il y est fait également allusion dans les lettres du duc au concile de Bâle en date du 16 mars (Hardouin, Concil., t. XII, col. 974-75).
[46] Jean Tirecoq partit le 23 février pour aller trouver le duc de Bretagne. Archives du Nord, B 1954, f. 33 v°.
[47] Lettre du 13 mars. Le duc écrivit en même temps aux Parisiens.
[48] Monstrelet, t. V, p. 116 ; Saint-Remy, t. II, p. 304. Le Journal d'un bourgeois de Paris constate (p. 301) quel était, au milieu de la misère publique, le luxe et l'abondance où vivaient le duc et sa suite. Il note en passant la présence, à ailé du fils légitime du duc (Charles, né le 10 novembre 1433), de trois jeunes jouvenceaux, qui moult beaux estoient, qui n'esloienl pas de mariaige, et d'une belle pucelle. Le 19 avril, le duc fit faire un service aux Célestins pour le repos de l'âme de sa sœur la duchesse de Bedford, qui y était enterrée.
[49] Dès le 20 mars 1432, les Parisiens se plaignaient au roi d'Angleterre de la povreté et misère qui régnait dans leur ville, et lui reprochaient vivement de les laisser perdre. Delpit, l. c., p. 250.
[50] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 305.
[51] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 305.
[52] Nostre très redoublé seigneur, disaient-ils, le plus grand merite que cuidons que Prince puist avoir que en soy employer en tels bi [soingne] s tant necessaire. Aucy plus grant service au Roy ne plus grant proffit à son pueple ne puet l'en faire que de pourchacier et faire icelle paix, laquele, nostre très redoubté seigneur, comme avés dit audit de Richemont, etc., le Roy nostre sire a toujours voulu, desiré et offerte et faicte querir par tontes voyes raisonnables. Lettres des ambassadeurs d'Angleterre à Bâle au duc de Bourgogne, 11 mars 1435. Original, Archives de la Côte d'Or, B 11615 ; D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLVII-VIII.
[53] Il y a deux lettres du Pape, l'une de la veille des calendes de mai, l'autre du jour des calendes. Le texte est dans la Collection de Bourgogne, 95, p. 826 et 828 ; les originaux sont aux Archives de la Côte d'Or, B 11900.
[54] Sommation du cardinal de Sainte-Croix, comme légat, en date du IX des calendes de mai (23 avril). Raynaldi, ann. 1435, § 3 ; Collection de Bourgogne, 95, p. 830 et 838. On a deux pouvoirs donnés par le Pape, l'un du IX des calendes de mai, visant la paix entre la France et l'Angleterre, l'autre du jour des calendes de mai, visant la paix entre Charles VII et les princes français. Archives de la Côte d'Or, B 11910.
[55] A la date du 1er mai, d'après le continuateur de D. Plancher. Voir Raynaldi, ann. 1435, §§ 3 et I. Le Pape écrivit aussi au conseil d'Angleterre, au chancelier de France et au roi René (à la date du 2 mai). Il donna à son légat des instructions détaillées le 27 avril. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 199.
[56] Elle lui parvint à la date du 17 ou du 18 mars. Voir la lettre du duc au Concile, datée du 18. Amplissima collectio, t. VIII, col. 799 ; Hardouin, Concil., t. XII, col. 974.
[57] Avec d'autres ambassadeurs nommés plus loin. Lettres du III des nones de juin. Archives de la Côte d'Or, B 11900 ; Collection de Bourgogne, 95, p. 846.
[58] Instructions données par le concile de Mile à ses ambassadeurs, en date de 2 juin 1435. Archives de la Côte d'Or, B 11900 ; Collection de Bourgogne, 95, p. 852.
[59] Départ de Lille le 16 mai ; retour le 15 juin. Archives du Nord, B 1954, f. 45 v°.
[60] On en donne la preuve à la suite.
[61] Instructions à Philippe, seigneur de Crèvecœur, Hugues de Lannoy, seigneur de Santes, et Quentin Menard, prévôt de Saint-Orner. Collection de Bourgogne, 99, p. 422-28.
[62] Rymer, t. V, part. I, p. 18.
[63] Rymer, t. V, part. I, p. 21. L'ambassadeur principal était Adam Moleyns.
[64]
Lettre du VII des calendes de juillet (25 juin) 1435. Rymer, t. V, part. I, p. 21.
[65] Rymer, t. V, part. I, p. 18.
[66] C'étaient Jean Beaupère — le même docteur qui avait joué un rôle dans le procès de Jeanne d'Arc — et Etienne de Novarre. Ils arrivèrent à Londres le 31 mai. La lettre d'Henri VI et une autre lettre que le dur de Glocester écrivit à son tour, le 4 juillet, se trouvent dans l'Amplissima collectio, t. VIII, cul. 815-818.
[67] Voir plus haut, en fin du chapitre VI.
[68] Nous avons fait remarquer que le duc avait reçu avant le 13 mars la réponse du connétable. Il écrivait à cette date : Freschement nous avons reçeu lettres dudit beau-frère le conte de Richemont, par lesquelles il nous a escript et signifié que ledit adversere a accepté ladicte journée, etc. (Delpit, p. 252). Or, c'est le jour de Carême-prenant, c'est-à-dire le mardi-gras, que, s'il en faut croire son écuyer Gruel (p. 377), Richemont arriva à Chinon, et le mardi-gras tombait, en 1435, le 1er mars.
[69] Gruel, p. 377.
[70] C'est ce qui ressort des lettres du Pape, qui écrivit au Roi et au chancelier. Raynaldi, ann. 1435, § 4.
[71] La lettre au concile de Bâle, en date du 24 mars 1435, est dans Hardouin, Conc., t. XII, col. 975-76.
[72] Il y a deux lettres de pouvoirs, données à Amboise le 6 juillet, l'une visant la paix générale et finale, l'autre, moins développée, visant une paix particulière avec le duc de Bourgogne. La première est en original aux archives de la Côte d'Or, B 11900, et se trouve à la Bibliothèque nationale dans les mss. fr. 5036, f. 310 ; 17847, f. 108 ; Brienne, 30, f. 160 et 164 v° ; Du Puy, 172, f. 41 ; Bréquigny, 81, f. 171 ; elle est imprimée dans Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1784. — La seconde est également en original aux archives de la Côte d'Or, B 11900, et se trouve à la Bibliothèque nationale dans les mss. lat. 9868, f. 7 ; fr. 10745, f. 19 ; V C Colbert, 64, p. 640 ; Du Puy, 172, f. 32 ; Collection de Bourgogne, 95, p. 848. C'est ce dernier pouvoir qui est reproduit dans le texte du traité d'Arras. Il est imprimé dans le Journal de la paix d'Arras, par D. Antoine de le Taverne, p. 120-126, et reproduit dans le texte du traité d'Arras par les auteurs qui ont publié ce traité.
[73] Instructions du concile de Bâle à ses envoyés, dans Bréquigny, 81, f. 207-213 v°. Cf. Collection de Bourgogne, 95, p. 926-33.
[74] C'était Hugues de Lusignan, fils de Janus, roi de Chypre.
[75] On peut lire l'éloge de ce prélat dans Raynaldi, ann. 1435, § 4.
[76] Il est appelé par Jean Chartier : de la Soticeguin et de Bassetegin, et par Saint-Remy : Lassesseguint. Dans les documents, on le nomme : Lassokn, Lasochki, Lasseky, Lasisky. — Monumenta, t. II. p. 716, 768, 772, etc.
[77] Il est nommé avec ces titres dans des documents des 28 mai et 15 juin 1431. Regesto delle pergamene conservate nell' archivio del rev. capitolo della cattedrale di Trieste, dans l'Archeografo Triestino de mars 1882, p. 324, et d'août, p. 201.
[78] Les ambassadeurs anglais se mirent aussitôt en frais d'éloquence : dès le 26 juillet, l'archevêque d'York prononçait, devant les cardinaux de Sainte-Croix et de Chypre, un grand discours dont on a le texte. Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CXLVIII-LI.
[79] Dans le courant de ce mois, le duc fit faire à Pierre de Vaudrey deux voyages secrets : le premier du 11 au 22 juillet, le second du 26 au 31. Archives du Nord, B 1954, f. 47 v°.
[80] Ils sont, pour la plupart, nommés par Saint-Remy, t. II, p. 308-309.
[81] Après son dormir d'après disner, dit Antoine de le Taverne dans son Journal.
[82] Jean Chartier, t. I, p. 186-87. Cf. Monstrelet, t. V, p. 134-35.
[83] Monstrelet, t. V, p. 135.
[84] Monstrelet. t. V, p. 135-36.
[85] On a, sur le congrès d'Arras : 1° un Journal, rédigé en français par Dom Antoine de le Taverne, grand prévôt de l'abbaye de Saint-Vaast, publié par Jean Collart (Paris, 1651, in-12) ; 2° une Relation, en latin, faite par les ambassadeurs anglais, et conservée dans le ms. Harléien 4763 au British Museum. Elle se trouve dans la collection de Bréquigny, vol. 81, f. 149-187 ; 3° un résumé des négociations, en français, qui contient la traduction des lettres du cardinal de Sainte-Croix en date du 20 septembre (lesquelles sont identiques à celles du cardinal de Chypre qui seront citées plus loin), et d'autres lettres du même, en date du 21 septembre (où sont insérés le pouvoir de Charles VII du 6 juillet et le texte du traité). Ce résumé se trouve dans le ms. latin 9888, f. 1-19 v°.
[86] Voir sur les noms des ambassadeurs, Jean Chartier, t. I, p. 186-192 ; Monstrelet, t. V, p. 134-35, 137, 150-51 ; Saint-Remy, t. II, p. 306 et s. ; Ms. du British Museum 11542, analysé par M. Vallet de Viriville dans la Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. VIII, p. 118-151.
[87] C'est la date donnée par Antoine de le Taverne dans le Journal de la paix d'Arras. La Relation anglaise place l'ouverture au 4 août (Bréquigny, 81, f. 161 v°). Dès le 2 août, — avant l'ouverture du congrès, par conséquent — on parlait des offres qui devaient être faites : deux écuyers du duc de Bourbon, dînant chez le grand prévôt de l'abbaye de Saint-Vaast, lui dirent que le Roi offrait le duché de Normandie, sauf le duché d'Alençon et le comté d'Eu. Un bourgeois d'Arras, Jean d'Athies, déclara à ce propos qu'il avait entendu dire à personne qui le devoit bien scavoir que les Anglais demandaient toute la Normandie, et en outre le comté de Ponthieu et la ville d'Amiens. Journal de la paix d'Arras, p. 35.
[88] Ces deux princes n'arrivèrent à Arras que le 8 août.
[89] Le comte de Meurs n'arriva que le 9.
[90] Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 202 ; Journal de la paix d'Arras, p. 42, 50, 54.
[91] Journal de la paix d'Arras, p. 43-45. — C'est donc par erreur que le continuateur de D. Plancher (t. IV, p. 202) qui, par parenthèse, place la séance d'ouverture dans l'église de l'abbaye, dit que Laurent Pinon, évêque d'Arras, prononça le discours.
[92] Ces onze ambassadeurs sont désignés nominativement dans les instructions secrètes données en anglais le 31 juillet, et publiées par M. Stevenson (t. II, p. 431). On remarquera que les noms de l'évêque de Lisieux, Pierre Cauchon, qui intervint dans les négociations, et de Guillaume Erard, mentionné plus haut d'après la relation anglaise, ne figurent pas dans ces instructions. Dans les pouvoirs en date du 20 mai, vingt-sept ambassadeurs — en tête desquels se trouvait le duc de Bourgogne — avaient été désignés. On avait séparé les ambassadeurs en deux groupes : ceux nés en Angleterre et ceux nés en France. Les derniers reçurent des pouvoirs à part. — Voir sur les paiements faits aux ambassadeurs anglais, Stevenson, Introduction, t. I, p. LXVII, note 1, et Rymer, t. V, part. I, p. 19. — Il y a dans Bréquigny (81, f. 143) des pouvoirs donnés, par acte du parlement, aux ducs de Bedford et de Glocester pour traiter avec le Dauphin à Arras.
[93] Journal de la paix d'Arras, p. 45-47.
[94] Son discours est reproduit in extenso dans la Relation anglaise, à la date (erronée) du 4 août (Bréquigny, 81, f. 161 v° 169).
[95] Journal de la paix d'Arras, p. 48.
[96] Le grand prévôt fait remarquer que cette journée du 6 fut signalée par moult cruel et horrible temps : un orage effroyable éclata ; d'énormes pierres de diverses formes tombèrent : dont plusieurs disoient que c'estoit mauvais presage (p. 49).
[97] Relation anglaise, f. 170-71 ; Journal, p. 49-55.
[98] Il est constaté, non seulement par la Relation anglaise, mais par le Procès-verbal que les cardinaux-médiateurs firent dresser le 6 septembre suivant, que ceux-ci mirent immédiatement les ambassadeurs anglais en demeure de produire leurs offres. Ce Procès-verbal se trouve dans Brienne (vol. 30, f. 162) ; du Puy (172, f. 43), et Harlay (Fr. 17847, L 111), en copies modernes.
[99] Nous suivons ici la Relation anglaise. Bréquigny, 81, f. 171-171 v°.
[100] Il est fait mention dans les comptes d'un don à ce chevalier. Archives du Nord, B 1954, f. 179 v°.
[101] On a pourtant la teneur de ces offres dans une copie contemporaine qui se trouve dans le ms. fr. 4054, fol. 168 ; elles portent ce titre : Ce sont les euffres qui ont esté avisées estre à faire aux ambaxadeurs d'Angleterre pour la première fois. Le texte a été publié dans le recueil de M. J. Stevenson, t. I, p. 51. Nous avons tenu compte de ces offres, en précisant les indications de la Relation anglaise.
[102] Ici, nous nous séparons de la Relation anglaise, qui place à la date du 13 août les offres des ambassadeurs de France, lesquelles ne furent produites qu'un peu plus tard. Les secondes offres se trouvent également dans le ms. 4054, et ont été aussi publiées par M. J. Stevenson. t. I, p. 53. Il n'en est pas question dans la Relation anglaise, d'après laquelle, dès le 13 août, les ambassadeurs de France auraient fait leurs offres définitives.
[103] On vient de voir que les premières offres furent faites le 12, d'après la Relation anglaise. Les secondes durent être faites le 13, et c'est évidemment entre le 14 et le 16 qu'il faut placer les troisièmes offres.
[104] Relation anglaise, f. 174 ; Procès-verbal du 6 septembre (ici on ajoute aux exceptions le comté d'Eu).
[105]
A ce moment, les nouvelles instructions signées le 31 juillet, à Westminster,
étaient parvenues ana ambassadeurs anglais. On avait déjà autorisé les
ambassadeurs à faire cette concession dans une première instruction, à laquelle
on se borne ici à renvoyer. Stevenson,
t. II, p. 433.
[106] Le mariage était la seule voie
ouverte par le Conseil anglais, comme acheminement à la paix finale : The uttermest thinge that the kyng wol condescende unto,
shal conclude mariage betwix the kyng and suche of th' adversaries doughters as
shal bel thought moste agreable to the kynges plesir, to take her rather than
faille of a good conclusion of pees for default thereof, withoute lande or
moneye (p. 438).
[107] Relation anglaise, f. 176 v°.
[108] Le texte est donné dans la Relation anglaise, f. 177. Les pouvoirs de Charles VII, donnés à Amboise, en date du 6 juillet (par le Roy en son grand conseil, Allen) se trouvent dans les lettres des ambassadeurs français du 7 septembre (Original : Chartes de Colbert, 355, n° 202). Ils ont été imprimés par D. Martene et Durand : Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1784, dans le mime acte. On les trouve encore, en copie de la fin du XVe siècle, dans le ms. fr. 5036, f. 310-312 v°. — Les changements apportés étaient purement de forme.
[109] Ceci n'était pas conforme aux instructions du 31 juillet, lesquelles indiquaient les offres que les plénipotentiaires anglais devaient faire. — Première offre ; abandon de ce que le roi d'Angleterre possédait au sud de la Loire ; c'est ce qui avait été fait le 16 août. — Deuxième offre : maintien du statu quo entre les parties, qui garderaient chacune leurs possessions respectives. Stevenson, t. II, p. 432.
[110] M. Stevenson, dans l'excellente introduction placée en tête de son précieux recueil, constate que les ambassadeurs de France déployèrent dans les négociations un esprit de conciliation que les ambassadeurs anglais furent loin d'égaler, et que leurs propositions étaient de nature à être acceptées (p. LXVII).
[111] Relation anglaise, f. 180-180 v°.
[112] Journal, p. 60.
[113] Journal, p. 61-64.
[114] Petiot, chevaucheur de l'écurie du duc, conduisit le 25 août les gens de messeigneurs de Bourbon et de Richemont vers La Hire et Saintrailles, qui estoient passé la rivière de Somme et entrez au pays d'Artois. Archives du Nord, B 1954, f. 96 v°.
[115] Journal, p. 64-65.
[116] Je suis le Journal. D'après la Relation anglaise, ce serait le 26.
[117] Relation anglaise, f. 183-183 v° ; Lettre du cardinal de Sainte-Croix, en date du 20 septembre 1435, aux Archives, K 64, n° 36 bis, et traduction française de cette lettre (copie du temps) dans ms. lat. 9868, f. 1 v°-6 ; Lettre du cardinal de Chypre de la même date, V C Colbert, 64, p. 623-37 ; Procès-verbal, en date du 6 septembre, dressé, par ordre des cardinaux, dans Brienne, Harlay et du Puy, l. c.
[118] Relation anglaise, f. 186 v°, 87 ; Lettres du cardinal de Sainte-Croix et du cardinal de Chypre, citées plus haut.
[119] Voir le Journal de Dom de le Taverne, p. 69-71. — Comme ilz furent servis, dit Saint-Remy (t. II, p. 325), ne fault pas demander, car le duc fut, en son vivant, ung trésor d'honneur, et partant je me en passe d'en plus riens dire. On ne manquait jamais, à la cour de Bourgogne, une l'occasion de se livrer à de somptueux festins. L'écuyer du connétable, parlant du séjour de six semaines que son maitre fit à Auras, ne peut s'empêcher de s'écrier : Et Dieu sçait les grands chères et banquets qui là furent ! Gruel, p. 377.
[120] Journal, p. 72 ; Relation anglaise, f. 187.
[121] Lettres du cardinal de Sainte-Croix du 20 septembre. Ms. lat. 9868, f. 3 v° : Lettres des ambassadeurs de France du 7 septembre.
[122] L'original de cet acte est, comme nous l'avons dit plus haut, conservé à la Bibliothèque nationale parmi les Chartes de Colbert, vol. 355, n. 202. Il a été imprimé par Martene et Durand dans leur Thesaurus novus anecdot., t. I, col. 1784-89. Nous signalerons dans le texte imprimé une omission qui a fait changer le numérotage des articles. On a omis ceci (col. 1787) : Tiercement, que au regart de celles dont cy après sera faicte mention, que ou nom du Roy sommes et serons d'accort de leur laissier, ilz les tiengnent da Roy et de la Couronne de France... Et les deux paragraphes doivent porter : Quartement, quintement. Un fragment de cet acte, qui ne contient que les offres, sans le préambule, se trouve en copie contemporaine dans le ms. fr. 5044 (anc. Baluze 9675a), n° 16, avec la date fautive du 8 septembre. — Dans l'analyse que nous donnons, nous avons dû introduire un numérotage continu pour tous les articles.
[123] Original, signé par le duc de Bourbon, le comte de Richemont, le comte de Vendôme, l'archevêque de Reims, Harcourt, La Fayette, Cambray, Tudert, Chartier, Chastenier, Moreau et Manière. Chartes de Colbert, 335, n° 202.
[124] Ce fut Saint-Remy, roi d'armes de la Toison d'or, qui alla porter en Angleterre ce document, sur lequel il donne dans sa chronique d'intéressants détails (p. 558). Il nomme madame Arragonne, fille aisuée du Roy, comme étant celle dont la main était offerte à Henri VI ; mais Radegonde — il l'ignorait sans doute — était déjà fiancée à Sigismond, duc d'Autriche.
[125] Saint-Remy ajoute que l'on offrait encore ceci : le fils aîné du roi d'Angleterre pourrait avoir le titre de duc de Normandie et faire l'hommage au Roi ; de cette façon le roi d'Angleterre ne relèverait pas du roi de France.
[126] Amplissima collectio, t. VIII, col. 861 et 863.
[127] Voir plus haut.
[128] Archives de la Côte d'Or, B 11901 ; Bréquigny, 81, f. 187-99 ; publié Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CLI-LV.
[129] Bréquigny, 81, f. 199-207 ; publié dans l'Histoire de Bourgogne, t. IV, preuves, p. CLV-LVII.
[130] Archives de la Côte d'Or, B 11901 (minute) ; Collection de Bourgogne, 99, p. 348. Cf. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 211-12.
[131] Archives de la Côte d'Or, B 11901. Cf. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 213-15.
[132] Ce n'est pas seulement à Arras que des prières publiques furent faites à ce sujet. Il y en eut generalement par tout le royaume. Chartier, t. I, p. 405.
[133] Ce document est imprimé dans la chronique de Jean Chartier, t. I, p. 194-204, et contient trente un articles, reproduits en substance dans le traité. On a, aux archives de la Côte d'Or (B 11901), la minute de la pièce en question dans un grand rouleau de papier. Cette minute porte les corrections d'un des secrétaires qui accompagnaient les ambassadeurs de France.
[134] Un article, qu'on trouvera plus loin sous le n° XXXII, fut ajouté, au sujet des traités futurs qui pourraient être conclus avec les Anglais ; par une autre disposition, on obligea le Roi à promettre de secourir le duc contre tous ceux qui lui feraient la guerre (art. XXXVIII) ; le duc eut la faculté de désigner les gens d'église et les bonnes villes qui donneraient leurs scellés (art. XLII).
[135] Notamment en ce qui concernait l'abolition générale, dont furent notoirement exceptés les coupables ou consentant de la mort du duc Jean (art. XXVII et XXXV) ; l'ordre à donner aux sujets du Roi, en cas d'infraction du traité, de servir le duc contre lui (art. XXIX et XXXIX) ; les peines et censures canoniques encourues par le Roi s'il manquait à ses engagements (art. XXX et XL).
[136] Il était mort le 14 septembre.
[137] Monumenta, t. I, p. 622 et 695. Cf. ms. lat. 9868, f. 1 (version française des lettres du cardinal de Sainte-Croix).
[138] Jean Chartier, t. I, p. 205-206.
[139] Cet important document, qui forme la teneur même du traité d'Arras, puisqu'il est textuellement reproduit dans les lettres du duc de Bourgogne du 21 septembre 1435, doit être attentivement comparé aux articles des conférences de Bourg-en-Bresse (janvier 1423) et aux offres des conférences d'Arras (16 août 1429).
[140] C'est exactement le texte des offres du 16 août 1429 (voir plus haut, chapitre IX), et c'est aussi la formule qui fut employée pour l'amende honorable, comme on le verra tout à l'heure.
[141] C'est le texte des offres du 16 août 1423. Voir chapitre IX.
[142] Article nouveau. — Comparer ces trois articles avec les cinq premiers articles de janvier 1423, ci-dessus, chapitre VII.
[143] Cet article, qui ne faisait l'objet que d'une phrase incidente dans l'article II de 1429, avait été l'objet d'une déclaration contraire dans la Réponse en date du 27 août 1429, où le Roi demandait que ceux que le duc accusait fussent désignés une fois pour toutes, et qu'aucune demande ultérieure ne pût être introduite. Voir ci-dessus, chapitre IX.
[144] Le seigneur de Navailles n'était pas nommé dans le document de 1429 ; il y avait un article le concernant (art. XVIII) dans celui de 1423.
[145] Ces articles V à IX sont l'amplification très développée, et avec un grand luxe de précautions injurieuses, de l'article III de 1429. Comparer avec les articles VI à VIII de 1423. Voir ci-dessus, chapitre IX et VII.
[146] C'était la somme demandée en 1429. En 1423, on avait estimé la perte à deux cent mille écus.
[147] Toutes ces questions de terres et seigneuries cédées au duc par le Roi n'avaient pu être abordées dans les négociations de 1423 et 1429.
[148] Il était question des dettes de Charles VI dans l'article VI de 1429.
[149] Comparer avec l'article VII de 1429 et l'article XVI de 1423. Ci-dessus, chapitre IX et VII.
[150] C'est l'article VIII de 1429. Ci-dessus, chapitre IX.
[151] Comparer avec l'article IX de 1429 et avec l'article XIX de 1423. Ci-dessus, chapitre IX et VII.
[152] Relativement à ces articles sur les sûretés, on remarquera qu'il n'était plus question d'otages, comme en 1429, prétention à laquelle d'ailleurs le Roi avait opposé alors un refus péremptoire.
[153] Les lettres des ambassadeurs de France, contenant les offres, se trouvent en double original, avec les signatures et les sceaux des ambassadeurs, à la Bibliothèque nationale, dans les Chartes de Colbert, 365, n° 203 (Galerie des chartes), et aux Archives de la Côte d'Or, B 11901 ; en copie du XVe siècle dans un registre in-4° de 9 ff. aux Archives nationales, K 1638 ; à la Bibliothèque nationale, dans Moreau, 1425, pièce 129 ; V C Colbert, 37 (n. p.) ; Fr. 5375, f. 1-29 v° ; dans Monstrelet, t. V, p. 135, et dans tous les textes imprimés du traité d'Arras. — Il y a aussi un abrégé des offres, en date du 20 septembre, sous ce titre : les Vrais articles du traité, qui se trouve : en copie de la fin du XVe siècle dans le ms. fr. 5036 (anc. Baluze 96753), f. 318 v° ; en copie moderne, dans Du Puy, 172, f. 50 ; Brienne, 30, f. 169, et Harlay : ms. fr. 17847, f. 123 v°.
[154] Le Procès-verbal, dressé le jour même, qui relate les faits et résume les conditions du traité, constate la présence de la duchesse de Bourgogne, avec son fils le comte de Charolais, alors figé de moins de deux ans (il était né le 10 novembre 1433) ; de la fille du duc de Clèves, et de dames et damoiselles. Le Journal du grand prévôt dit que la duchesse était dans une tribune donnant sur le chœur (p. 97).
[155] Journal, p. 99.
[156] Copie de l'instrument par lequel le duc déclare qu'il entend que René ne sera pas compris au traité, aux Archives du Nord, B 1504.
[157] Cet acte se trouve, en copie du temps collationnée sur l'original, dans Moreau, 1425, pièce 130. Il est à remarquer que le Journal du grand prévôt passe sous silence cet important incident. — Nous avons emprunté les détails qui précèdent au Procès-verbal de ce qui se passa le 21 septembre en l'église Saint-Vaast d'Arras, qui se trouve dans le ms. fr. 5036, f. 4.
[158] Monstrelet, t. V, p. 183. — D'autres, tels que le comte de Ligny, Hugues de Lannoy et Roland de Dunkerque quittèrent l'église sans prêter serment ; mais les deux derniers le prêtèrent le surlendemain.
[159] Journal, p. 100-101. Le lendemain, une procession solennelle fut faite en l'église Notre-Dame ; elle fut suivie d'une messe et d'un sermon.
[160] Le texte du traité d'Arras, approuvé par Philippe le Bon, se trouve dans Monstrelet, t. V, p. 151 et s. ; dans Saint-Remy, t. II, p. 327 et s. ; dans Léonard, du Mont, etc.
[161] Ces deux documents se trouvent aux Archives de la Côte d'Or (copie collationnée du temps), B 11901 ; dans le ms. V C Colbert, 64, p. 638 et 685, etc. L'original des lettres du cardinal de Sainte-Croix est aux Archives du Vatican (Inventaire aux Archives nationales, L 378).
[162] Le comte de Richemont, malgré les instances du duc, partit le 22 pour aller au secours de la ville de Saint-Denis.
[163] Lettres en date du 21 septembre 1435. Du Puy, 272, f. 32, et Brienne, 30, f. 17.
[164] Lettres en date du 22 septembre 1435. Archives de la Côte d'Or, B 11901.
[165] Lettres en date du 26 septembre, en double original, Chartes de Colbert, 358, n° 208, et Archives de la Côte d'Or, B 11901.
[166] D. Grenier, 100, p. 43 (d'après le Registre L de l'hôtel de ville d'Amiens).
[167] C'étaient Tanguy du Chastel, Jean Louvet, Pierre Frotter et le physicien Jean Cadart. Voir le texte des lettres du duc. Original, Archives de la Côte d'Or, B 11901 ; copie dans la Collection de Bourgogne, 95, p. 880.
[168] Lettres du 1er octobre 1435. Mêmes sources.
[169] Lettres du 30 septembre 1435. Le Grand, VI, f. 15 ; autres copies, avec des lacunes, dans D. Grenier, 100, p. 50.
[170] Cette importante pièce, qui est restée absolument inconnue, se trouve également dans D. Grenier, vol. 100, p. 43, d'après les Registres de l'hôtel de ville d'Amiens. — Le lendemain, 1er octobre, les ambassadeurs de France déclarèrent avoir reçu les deux lettres du duc de Bourgogne du 30 septembre. Original, avec sceau, Archives du Nord, B 1505.