HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE II. — LE ROI DE BOURGES - 1422-1435

 

CHAPITRE III. — GOUVERNEMENT DU CONNÉTABLE DE RICHEMONT ET ARRIVÉE DE LA TRÉMOILLE AU POUVOIR.

 

 

1425-1428

Réunion d'États généraux à Poitiers. — La Cour à Mehun-sur-Yèvre ; le comte de Foix et ses Gascons ; la curée. — Voyage d'Issoudun : rendez-vous militaire. — Le Roi à Montluçon et à Poitiers. — Révocation de toua dons et nomination d'un conseil de gouvernement. — Faveur du sire de Giac, qui ne tarde pas à devenir premier chambellan ; hauts faite de ce personnage ; rivalités à la Cour. — Querelle du maréchal de Séverac avec le sire d'Arpajon, d'une part, du sire de Culant avec le sire de Lignières, de l'autre. — Apparition de La Trémoille ; il a une altercation avec Giac, et se retire à Sully. — Giac est créé comte d'Auxerre. — Situation précaire de Charles VII, au milieu de ces rivalités et de ces conflits. — Voyage de Montluçon ; arrivée du connétable ; départ du comte de Foix. — Le connétable se saisit de Giac, et le fait enfermer à Dun-le-Roi. — Lettre de Richemont aux habitants de Lyon au sujet de cette arrestation ; il fait mettre à mort le aire de Giac. — Le connétable place auprès du Roi le seigneur de Chalençon, à titre de premier chambellan ; Le Camus de Beaulieu devient premier écuyer, et s'empare de la faveur royale. — La Trémoille reparaît à la Cour, où il représente l'influence du connétable. — Richemont, au retour de son expédition en Bretagne, fait assassiner Le Came. de Beaulieu ; il impose La Trémoille au Roi, qui ne l'accepte qu'à contre-cœur. — Portrait de La Trémoille. — Anarchie dans le gouvernement : arrestation du chancelier par le comte de Clermont ; Martin Gouge n'obtient sa mise en liberté qu'au prix d'une rançon. — La Trémoille maître du gouvernement. — Coalition du connétable et des comtes de Clermont et de Pardiac contre lui ; les princes prennent les armes. — L'hiver de 1427-1428 et passe en négociations et en préparatifs militaires. — Dispositions du Roi à l'égard du connétable ; symptômes de retour vers ses anciens conseillers. — Enlèvement de La Trémoille à Gençais ; il se libère moyennant rançon. — Le Roi occupe Chinon, résidence de la duchesse de Guyenne ; réunion d'États dans cette ville. — Les comtes de Clermont et de Pardiac s'installent à Bourges ; le connétable est mis dans l'impossibilité de les joindre. — Le Roi marche sur Bourges et force. les princes à la soumission. — Conditions stipulées par eux. — Le Roi accueille leurs demandes et leur donne des lettres d'abolition. États généraux de tout le royaume tenus à Chinon. — Caractère imposant de cette assemblée ; requêtes des députés ; réponses faites au nom du Roi. — Situation de Charles VII au lendemain de la réunion des États : de plus en plus accablé par la fortune adverse, il place en Dieu seul sa confiance.

 

Les États généraux avaient été convoqués à Poitiers pour le 1er octobre 1425, et la convocation avait été adressée à la fois aux pays de Languedoil et de Languedoc. Mais la session ne commença que la 16 octobre, et elle fut scindée : les États de Languedoc se réunirent le mois suivant à Mehun-sur-Yèvre ; ceux de Languedoil s'ouvrirent à Poitiers, en présence du Roi, de la reine de Sicile, du connétable, des comtes de Clermont, de Vendôme, d'Étampes, de Foix, de Comminges et d'Harcourt, du sire d'Albret et d'un grand nombre de seigneurs d'un rang élevé. Les séances eurent lieu, deux fois par jour, dans le château de Poitiers ; la clôture fut faite le 20 octobre par le chancelier, en présence du Roi[1]. Pendant cette réunion, Charles VII rendit par manière de loy, édit, constitution, pragmatique sanction, une ordonnance (18 octobre) portant révocation de tous dons, cessions, transports, aliénations, etc., faits au temps de sa régence et depuis, et déclarant de nulle valeur les aliénations qui pourraient être faites dans l'avenir[2]. Malgré ces précautions, la règle devait souffrir plus d'une exception.

La Cour se transporta le 23 octobre de Poitiers à Mehun-sur-Yèvre, pour la réunion des États de Languedoc, fixée au 1er novembre. En dépit des promesses du connétable, les pilleries et roberies des gens de guerre ne cessaient point : des plaintes se produisirent avec véhémence au sein de l'assemblée. Les députés des bonnes villes déclarèrent qu'ils aideraient volontiers le Roi, mais à la condition qu'on se mit en mesure de remédier à ces graves abus, qui faisaient le désespoir du peuple et la ruine du royaume. Un des membres du grand conseil, Hugues de Comberel, évêque de Poitiers, prit la parole, et insista vivement dans ce sens. En entendant cette énergique protestation, le sire de Giac eut peine à se contenir ; quand il fut dans la chambre du Roi, il s'écria, en reniant Dieu, que, si on le croyait, on jetterait à la rivière Comberel et tous ceux qui avaient été de son avis. Une telle violence de langage excita, dans l'entourage même de Charles VII, de vifs murmures[3].

Après la tenue de ces deux sessions d'États, la Cour s'établit à Mehun. La reine de Sicile, qui ne devait pas quitter sou gendre jusqu'à la fin de juillet 1427, y représentait l'influence du duc de Bretagne et du connétable. Sauf un voyage à Issoudun et à Montluçon (du 29 janvier au 24 avril 1426), et un autre voyage à Poitiers et à Saumur (mai-juin), le Roi résida pendant toute l'année à Mehun ou à Bourges. Essayons de nous rendre compte de ce qu'est devenue à ce moment l'autorité royale.

 

Au premier rang des conseillers du trône, après la reine de Sicile et le connétable, figurent les comtes de Clermont, de Vendôme et de Foix. Ce dernier surtout paraît exercer un grand ascendant. L'évêque de Laon, Guillaume de Champeaux, et le sire de Giac sont avec lui les personnages les plus influents. Ce qui frappe tout d'abord quand, à l'aide des actes, on cherche à se rendre compte de ce qui se passe à la Cour, c'est l'âpreté avec laquelle chacun s'efforce d'exploiter la situation à son profit. N'est-ce point l'éternelle histoire des pouvoirs qui se succèdent ? On trace à l'avance, à grand fracas, un programme de réforme, on promet de faire cesser les abus dénoncés et flétris jusque-là avec véhémence : le lendemain, les promesses sont oubliées et les abus plus criants que jamais. L'arrivée aux affaires du connétable devait être le signal d'une ère nouvelle ; son programme comprenait trois points : la paix avec le duc de Bourgogne, le rétablissement de l'ordre dans le gouvernement, la réforme de l'armée[4]. La paix, on verra plus loin comment il y travailla ; le gouvernement et l'armée, l'étude des documents nous montre qu'on s'en préoccupa fort peu : les belles paroles qui avaient retenti à cet égard restèrent à l'état de lettre morte. L'arrivée du comte de Foix, accompagné de son frère le comte de Comminges, du sire d'Albret, de Guillaume d'Albret, seigneur d'Orval, du comte d'Astarac et de tant d'autres seigneurs du midi, n'avait procuré aucun des avantages qu'on attendait : les Gascons devinrent bientôt aussi redoutés des populations que les Écossais, et ne firent que manger le pays[5]. Le gouvernement royal paya très cher leur concours, et n'aboutit qu'à appauvrir le trésor et à ruiner les provinces du Centre. Quand on parcourt toutes ces ordonnances portant mandat de paiement, on se demande, comment il était possible de faire face à de pareilles exigences. Le comte de Foix touche deux mille livres tournois var mois, soit une pension annuelle de vingt-quatre mille livres[6], et il n'est familier ou protégé du comte qui, sur sa recommandation, ne soit abondamment pourvu[7]. Le comte de Comminges a cinq cents livres par mois, soit six mille livres par an, plus une pension de deux mille livres[8]. Le sire d'Albret touche douze mille livres pour la garde de ses châteaux de Guienne[9]. Si du chapitre des pensions — où figurent naturellement tous les conseillers de la couronne, — nous passions à celui des dons, la liste serait longue et tristement éloquente. Le chancelier Martin Gouge touche, à plusieurs reprises, des sommes s'élevant à quatre mille six cents livres[10] ; le sire de Giac, des sommés formant un total de six mille cinq cents livres[11] ; le comte d'Astarac a deux mille livres[12] ; la reine de Sicile, trois mille ; l'évêque de Laon, mille d'abord, puis deux mille[13] ; le comte Dauphin d'Auvergne, dix-huit cents[14] ; le vicomte de Carmaing, deux mille[15] ; le comte de Clermont, deux mille[16] ; Philippe de Lévis, comte de Villars, mille[17]. D'autres libéralités ont du moins un objet déterminé : ainsi le comte de Vendôme est autorisé à toucher six mille livres pour faciliter le paiement de sa rançon[18], et Jean Stuart, connétable de l'armée d'Écosse, reçoit mille livres pour le même motif[19].

A côté des dons en argent, il y a les dons en nature, car le trésor est impuissant à satisfaire toutes les convoitises. Les aliénations du domaine se poursuivent ; après le connétable, c'est le comte de Foix qui en profite : il obtient le comté de Bigorre et la seigneurie de Lourdes[20], pour prix des services rendus, et dont les lettres royales contiennent la trop complaisante énumération, avec un certificat de fidélité singulièrement octroyé[21].

Mais il semble qu'un bruit d'armes retentisse à la Cour de Mehun. Il est sérieusement question d'une expédition contre les Anglais. Le Roi fait des présents de chevaux à plusieurs seigneurs de son entourage[22]. Dès le 8 décembre 1425, il écrit pour inviter ses bonnes villes des pays de Languedoil à se faire représenter à une réunion d'États qui doit se tenir le 16 janvier à Issoudun, afin d'y exposer ce qui est relatif tant à la provision des affaires du royaume qu'au fait de la guerre, au bien du royaume et de tout le peuple, et avoir sur toutes choses leurs avis et conseils[23]. Bientôt Charles VII se transporte (29 janvier) à Issoudun, non pour l'assemblée des États, qui ne fut point tenue, mais pour un véritable rendez-vous militaire. Du chapitre des dons nous passons ici au chapitre des retenues : retenue du comte d'Astarac pour servir en la compagnie du comte de Foix, avec soixante hommes d'armes ; retenues de Jean de Bonnay, du sire de Coarase, du sire de Montléon, pour servir chacun avec cent hommes d'armes ; retenues de Bernard de Coarase et de Jean, seigneur de Mauléon, pour servir avec cent hommes d'armes et cinquante arbalétriers ; retenues des sires de Grignan et de Saint-Remesy, avec soixante hommes d'armes et vingt-cinq arbalétriers, et payement de mille livres ; retenues d'Antoine et Antoinet Hermentier, avec chacun cinquante hommes d'armes, cinquante sacquemans et cinquante arbalétriers ; retenues de Guy d'Estaing, de Seuffre Léonart, de Thomas Moras, de Lancelot Rogre, d'André Bedos, de Pierre de Cabassolles, de Guillaume, bâtard de Valentinois, de Moreton de Perelade, du bâtard de Champeaux, etc. Toutes ces lettres sont du 18 février 1426, et débutent par la formule suivante : Comme pour resister aux grana entreprinses de nos anciens ennemis et adversaires les Anglois eti autres noz rebelles et desobeissans, et iceulx, à l'aide de Dieu, extirper de nostre seigneurie dont ils ont jà occupé partie, soyons deliberez nous mettre sus ceste saison nouvelle à grant puissance, et faire venir par devers nous, pour emploier en ce que dit est plusieurs de nostre sang et lignage, et autres nos vassaulx, subgiez, bien vueillans et aliez2[24]...

Cette prise d'armes devait se faire sous le commandement du comte de Foix, et l'on espérait porter aux Anglais un coup décisif. A ce moment, il était question du retour en France de Louis III, duc d'Anjou, après sa malheureuse expédition de Naples : des lettres du 22 février portent paiement de dix mille livres à la reine Yolande, pour l'aider à supporter les frais qu'elle aura à faire à l'arrivée de son fils[25]. En même temps, le connétable se préparait à entamer les hostilités en basse Normandie. Un succès de Richemont aurait sans doute déterminé un mouvement en avant. Mais on ne tarda pas à apprendre qu'il avait échoué sous les murs de Saint-James-de-Beuvron : le projet de campagne fut abandonné avant même d'avoir reçu un commencement d'exécution. D'Issoudun, la Cour se transporta à Montluçon (23 mars), où fut tenue une nouvelle réunion d'États. Charles VII était en brillante compagnie : dans sa suite figuraient la reine de Sicile, les comtes de Clermont, de Vendôme, de Foix et de Comminges, le chancelier, le comte Dauphin d'Auvergne, l'archevêque de Toulouse, le maréchal de la Fayette, le sire de Giac, etc. Le séjour de Montluçon se prolongea jusqu'au 12 avril. Puis le Roi reprit le chemin de Mehun, où il était revenu le 24 avril.

Il ne tarda pas à se remettre en route pour aller joindre le connétable en Anjou. Il était le 11 mai à Poitiers, et le 23 à Saumur, où il rendit une ordonnance en faveur du duc de Bretagne[26]. Nous le retrouvons le 27 mai à Poitiers, où il Séjourna un instant. C'est dans cette ville que fut prise une mesure importante qui, par son caractère politique aussi bien que financier, mérite de fixer ici notre attention.

Richemont n'avait point constaté sans déplaisir que le sire. de Giac lui avait, comme parle son écuyer Gruel, haussé son chevet devers le Roy ; il crut remédier au mal en faisant de nouveau déclarer solennellement au Roi — par lettres données à Poitiers le 12 juin 1426, après une délibération à laquelle prirent part, avec le connétable, la reine de Sicile, les comtes de Clermont, de Vendôme et de Comminges — le comte de Foix était retourné passagèrement dans le Midi, où il présida à Montpellier, au mois de juin, une réunion d'États —, et le sire d'Albret — que tous les dons faits jusqu'à présent sur le trésor étaient révoqués ; que tous les revenus du domaine, tant ordinaires qu'extraordinaires, étaient mis entre les mains du Roi, et qu'un conseil de gouvernement était institué, sans l'intervention duquel rien ne pourrait être fait. La même ordonnance désignait, pour prendre place dans ce conseil : la reine de Sicile, les comtes de Clermont, de Richemont, de Foix, de Vendôme et de Comminges, le sire d'Albret, le chancelier Martin Gouge, l'archevêque de Toulouse, les évêques de Laon et de Séez, le maréchal de la Fayette, le maitre des arbalétriers Graville, l'amiral de Culant, le sire de Giac, le sire de Trèves (Robert Le Maçon), et les généraux conseillers sur le fait des finances[27].

On remarquera que le connétable n'avait point exclu le sire de Giac de ce conseil dirigeant formé par lui, et dont la reine Yolande devait avoir la haute direction. Il espérait encore parvenir à contrebalancer l'influence du favori. Mais son calcul fut trompé par l'événement. A. peine revenu à Mehun avec le Roi, Giac fit donner au maréchal de Boussac, par lettres du 17 juillet, la garde de la personne royale, avec cent hommes d'armes et cinquante hommes de trait[28]. Lui-même fut, par lettres du 3 août, retenu continuellement au service du Roi[29], et il ne tarda pas à recevoir la charge de premier chambellan. Les auteurs contemporains, aussi bien que les documents que nous avons recueillis, permettent de constater le degré de faveur dont il jouissait b. Le Roy s'en vint après à Issoudun, dit Guillaume Cousinot — nous avons précisé la date de ce voyage, qui eut lieu en février 1426, — et estoit avec luy le seigneur de Giac, qui estoit bien hautain ; et disoit-on que le Roy l'aimoit fort, et qu'en effet il faisoit ce qu'il vouloit, dont les choses alloient très mal[30]. Le chroniqueur officiel, Jean Chartier, dit à son tour : Pou après, le sire de Giac fut principal conseilller du Roy, par lequel, ainssi com disoit, se gouvernoit le Roy et tout le fait du Royaume[31].

C'est le moment de faire connaître ce conseiller que le connétable avait laissé auprès du Roi, et qui avait su si bien s'insinuer dans la confiance de son souverain.

On se souvient que Pierre de Giac avait été élevé à la cour du duc Jean sans Peur, et l'on peut dire qu'il s'y était trouvé à bonne école. Aussi, dans un temps où pourtant le vice s'étalait sans vergogne, arriva-t-il à dépasser ses contemporains par le cynisme de ses allures. La comtesse de Tonnerre, Catherine de l'Isle-Bouchard, qui, en 1423, avait été marraine du Dauphin Louis, était devenue veuve. C'était une belle et bonne dame, qui, en outre, possédait de grands biens. Giac la trouvait fort à son gré ; mais pour l'épouser, il y avait un obstacle : il était marié, et sa femme, Jeanne de Naillac, était même enceinte. Giac n'était pas homme à s'embarrasser pour si peu : il fit empoisonner Jeanne ; puis, quand elle eut prit le poison, il la plaça en croupe derrière lui, et, au galop de son cheval, lui fit faire quinze lieues sana débrider. En arrivant au terme du voyage, la pauvre femme rendait le dernier soupir[32]. Comment Giac s'y prit-il ensuite pour conquérir la main de la comtesse de Tonnerre ? L'histoire ne nous le dit pas. Toujours est-il que le mariage ne tarda pas à s'accomplir. Comme l'heureux époux avoua plus tard avoir donné une de ses mains au diable, la chose paraîtra moins étonnante[33].

Parmi les hauts faits du sire de Giac, il faut citer l'arrestation de l'ancien chancelier Robert Le Maçon. Au mois d'août 1426, celui-ci se rendait de sa seigneurie de Trèves à Thouarcé, en compagnie de quelques serviteurs, quand il fut assailli par quarante hommes armés, que commandaient Jean de Langeac et Robert André. Après l'avoir battu et détroussé, on ne craignit pas, malgré son âge, de le mettre à cheval et de lui faire faire dix-sept lieues, tout d'une traite, jusqu'au château d'Usson en Auvergne, où il fut placé sous la garde de Langeac. En arrivant, le vieux conseiller rendait le sang à pleine bouche : il se crut à sa dernière heure. Le sire de Langeac, qui agissait de la sorte, était châtelain d'Usson, sénéchal d'Auvergne et chambellan du Roi ; chose inouïe ! il croyait se conformer en cela aux ordres royaux. Giac avait, en effet, trouvé moyen de faire dresser des lettres authentiques, donnant commission au sénéchal d'Auvergne de procéder à cette arrestation. Robert Le Maçon s'empressa d'agir pour sa délivrance : il s'adressa au Roi, qui envoya un de ses écuyers d'écurie pour le faire mettre en liberté. Mais Langeac avait des instructions du sire de Giac : il refusa d'obéir au Roi. Nouvel ordre de Charles VII, transmis cette fois par le prévôt des maréchaux. Nouveau refus. Charles, alors, écrivit au sénéchal ; la Reine en fit autant, sans obtenir de résultat. Ce n'est qu'au bout de deux mois de captivité que Robert Le Maçon, ayant consenti à subir la loi de Son geôlier et à verser une somme de mille écus d'or, fut mis en liberté[34]. Le Roi vint en aide à son vieux serviteur en payant une partie de la rançon.

Signalons ici un des traits du caractère de Charles VII. Au milieu de cette déplorable faiblesse qui lui fait tout supporter de la part de favoris devenus plus maîtres que lui, il conserve le souvenir de ses anciens et fidèles conseillers. C'est ainsi que, le 13 décembre 1425, il confirme le privilège accordé à Robert Le Maçon par ses lettres du 7 novembre 1420[35]. C'est ainsi encore que, le 14 mars 1426, se rappelant que son ancien premier chambellan, l'héroïque Barbazan, est toujours dans les fers, il ordonne de lui payer une somme de six mille livres : Considerans, disent les lettres, les très grans, très honnorables et prouffitables services à nous faiz moult longuement et vaillamment en noz guerres et autrement... mesmement la garde et deffense de noz chastel et ville de Meleun... lesquels il tint et garda moult longuement et à sa très grant louenge, et y exposa sa personne jusques à ce que, par famine, fut contraint de rendre la dicte place et sa dicte personne en la main de noz diz ennemis qui, depuis lors, l'ont tousjours detenu prisonnier à Paris en grant pouvreté et misère, sans l'avoir voulu mettre à finance ou raençon, ne autrement entendre à sa delivrance[36]. Un autre capitaine était alors captif, et son absence se faisait vivement sentir : c'était le sire de Gaucourt ; par lettres du 14 avril 1426, le Roi lut fit don d'une somme de douze mille livres, pour l'aider au paiement de sa rançon[37]. D'autres lettres, en date du 14 mars, révèlent un don de trois mille deux cent soixante-une livres, fait — peut-être en acquit d'une dette — au bâtard d'Orléans et au président Louvet[38].

On connalt très imparfaitement les intrigues de la Cour à cette époque ; mais le 'peu de renseignements qu'on possède suffit pour montrer que les rivalités y étaient non moins violentes qu'avant la retraite des conseillers congédiés. On s'explique avec peine comment la reine Yolande, si prompte à agir contre les anciens serviteurs de son gendre, assistait impassible aux désordres dont le château de Mehun était alors le théâtre. Ce n'étaient, autour du Roi, que querelles et altercations. Tous ces seigneurs du midi, venus à la suite du comte de Foix, arrivaient à la Cour avec leur tempérament fougueux et leurs vindictes personnelles. Le maréchal de Séverac, qui, en reparaissant sur la scène en décembre 1425, avait très largement fait rémunérer ses services, était depuis de longues années en lutte avec le sire d'Arpajon, lequel, après avoir figuré en 1417 dans le conseil du Dauphin, était accouru, à la tête de ses hommes, à la nouvelle du désastre de Verneuil. Marié à Jeanne de Séverac, le sire d'Arpajon était neveu du maréchal[39]. La querelle personnelle de ces deux puissants seigneurs menaçait de s'étendre à leurs possessions : le Roi leur interdit toute voie de fait, et- les ajourna l'un et l'autre devant le Parlement[40]. Ils résidaient à la Cour pendant que l'affaire se plaidait à Poitiers. Charles VII et plusieurs de ses conseillers s'employèrent à les réconcilier, mais sans y parvenir. Enfin, un jour, Séverac sortait de la chambre du Roi, quand Arpajon, qui ignorait sa présence, vint pour y pénétrer. Et se rencontrèrent l'un l'autre, dit un chroniqueur, se heurtèrent des poitrines, et s'accolèrent et baisèrent soudainement, pleurans à chaudes larmes, et pardonnèrent l'un à l'autre tous maltalents[41]. Le 27 décembre 1425, le sire d'Arpajon déclara que si, comme on le prétendait, il avait écrit une lettre accusant le maréchal de Séverac d'avoir trahi le comte d'Armagnac, ce ne pouvoit estre que par chaleur ; qu'il en estoit très fâché, et qu'il prioit le maréchal de vivre en ami avec lui, ainsi que de bons parens le devoient. Acte de cette réconciliation fut dressé, en présence du comte de Clermont, du connétable, du comte de Foix, du sire d'Albret, du chancelier, du connétable d'Écosse et de l'amiral de Culant[42].

Nous avons la trace d'un autre différend entre Jean Poignant, chevilier, et Pierre Gueho, écuyer, au sujet de paroles prononcées en présence de Charles VII : le Parlement renvoya la solution au Roi, après qu'il aurait entendu les parties.

Une querelle entre Louis, sire de Culant, amiral de France, et Jean, sire de Lignières, nécessita également l'intervention royale, et fut l'occasion d'un grave incident. C'était vers le mois de septembre 1426. Les deux seigneurs avaient été ajournés à Mehun devant le Roi. Le sire de la Trémoille se trouvait à la Cour, où résidaient encore les comtes de Foix et de Comminges, avec foison de capitaines et de gens d'armes de leur pays. Envoyé en mission près du duc de Bourgogne, au mois de décembre 1425, La Trémoille avait été arrêté à La Charité, au mépris de son sauf-conduit, par Perrinet Grasset, capitaine bourguignon, et n'avait pu obtenir sa mise en liberté que moyennant une rançon de quatorze mille écus, sans parler de libéralités faites à la femme et aux compagnons du capitaine, montant à six mille écus. Au retour, le Roi, voulant le dédommager, lui donna, en sus des deux mille écus reçus pour son voyage : 1° la terre et seigneurie de Melle, en Poitou, pour le complément des six mille écus qu'il devait recevoir[43] ; 2° le produit de toutes les impositions dans ses terres et seigneuries pendant dix ans[44] ; 3° une somme de deux mille six cent quatre livres[45]. L'affaire des sires de Culant et de Lignières préoccupait alors la Cour. Giac avait embrassé la cause de Lignières ; La Trémoille soutint le parti de Culant, qui était son parent. Or, un jour qu'on parlait du débat en présence du Roi, le sire de Giac, selon sa coutume, tint un langage plein de hauteur, et ne craignit pas de mettre en cause le sire de la Trémoille. Celui-ci répondit avec vivacité, et, dans la chaleur de la dispute, il donna un démenti à son contradicteur, au grand mécontentement du Roi. Après cette altercation, La Trémoille quitta le château ; et le comte de Foix, son beau-frère par alliance[46], l'ayant fait prévenir que s'il ne se retirait pas immédiatement, il pourrait lui arriver malheur, il gagna Issoudun en toute hâte. De là il alla le lendemain s'installer dans son château de Sully, sans pour cela se croire à l'abri des poursuites de Giac[47].

Furieux de sa déconvenue, La Trémoille se mit aussitôt en rapport avec le connétable, et le pressa de faire justice de l'arrogant favori. De son côté, Giac ne cessait d'exciter le Roi contre La Trémoille. Un nouveau duel commençait, et il allait prendre des proportions redoutables.

Malgré son affinité avec La Trémoille, le comte de Foix se maintenait en possession d'une suprématie dont les actes du temps nous révèlent l'étendue. C'est ainsi qu'il fit ordonnancer le payement à un chevalier aragonais, enrôlé sous sa bannière, de l'énorme somme de quatorze mille cent moutons d'or pour les gages de ce chevalier et de ses gens[48] ; qu'il fit mer quatre cents livres à un autre[49], cinq cents livres à Jean de Carmain[50], et qu'il fit faire au maréchal de Séverac une assignation pour 97.000 francs à lui dus[51].

Dans les documents, assez rares d'ailleurs, que nous offre la période où nous entrons, on rencontre le nom de La Hire : Étienne de Vignolles était alors écuyer d'écurie du Roi ; il reçoit un cheval en présent[52]. Nous trouvons aussi un souvenir donné à l'ancien premier physicien Jean Cadart, qui, malgré son exil, est l'objet d'une marque de la faveur royale[53].

Plusieurs des lettres rendues à ce moment portent la signature du comte d'Auxerre[54]. Quel est ce nouveau personnage qui apparaît sur la scène, et prend une part active au gouvernement ? Ce personnage n'est autre que le sire de Giac, qui s'est fait investir de ce titre pompeux, peut-être avec le secret espoir d'arracher un jour son comté aux mains du duc de Bourgogne. Quoi qu'il en soit, Giac est le maitre : il fait nommer le maréchal de Boussac lieutenant général du Roi en Mâconnais, Lyonnais et Charolais[55], et donner de nouvelles lettres de retenue au maréchal de la Fayette, ennemi personnel de La Trémoille[56]. Charles VII avait alors une situation si précaire qu'au dire d'un auteur bourguignon, il était tenu en apatis, dans sa résidence, par Perrinet Grasset[57] : c'est-à-dire que le pauvre Roi de Bourges se trouvait à la merci d'un capitaine au service du duc de Bourgogne !

Au milieu des rivalités et des conflits, une nouvelle réunion d'États s'était tenue à Mehun-sur-Yèvre, vers le 15 novembre 1426. Les députés s'y plaignirent très vivement des intolérables abus commis par les gens de guerre et de l'exagération des impôts ; le Roi promit de donner satisfaction à ces plaintes. Il partit ensuite pour Montluçon, où il séjourna durant près de deux mois, et où fut tenue une autre réunion d'États. La reine de Sicile était toujours en sa compagnie, ainsi que les comtes de Clermont et de Vendôme, les comtes de Foix et de Comminges, le maréchal de Boussac, l'amiral de Culant et, le sire de Giac. L'argent étant devenu un peu moins rare, grâce aux allocations votées, on s'empressa de rouvrir le chapitre des dons, et naturellement les seigneurs ou capitaines de la suite du comte de Foix y eurent la plus large part[58]. Mais, ici encore, nous trouvons la trace des préoccupations personnelles du Roi. Outre des lettres portant don à La Hire d'un cheval[59], des lettres patentes, et même une lettre missive, attestent la double intention de récompenser les longs services de Jean Stuart de Derneley et d'acquitter une dette contractée à l'égard de Tanguy du Chastel. Les lettres patentes sont du 11 janvier 1427, et portent don de six mille livres à prendre sur les revenus de la monnaie de Saint-André-les-Avignon[60] ; la lettre missive est du 14 janvier, et elle est adressée aux habitants de Lyon[61].

Le connétable était venu rejoindre le Roi. Nous trouvons son nom, avec ceux de la reine de Sicile, des comtes de Clermont, de Foix, de Montpensier, de Vendôme et de Comminges, des sires d'Albret et de la Trémoille, au bas d'un autre acte par lequel Charles VII, en considération des hauts, honorables, recommandables, profitables et agréables services et plaisirs à lui faits, depuis longtemps, par son cher et féal cousin Jean Stuart, seigneur de Derneley, connétable de l'arillée d'Écosse, et en dédommagement des frais qu'il avait eu à supporter, lui donnait, pour lui et pour ses descendants mâles et légitimes, le comté d'Évreux, avec tout ce qui en dépendait, à tenir en apanage[62].

Des mesures importantes furent prises à Montluçon, dans le but de remédier aux désordres des gens de guerre : quatre grands commandements furent créés. Le connétable eut l'Anjou et les contrées au sud de cette province ; le comte de Foix eut la Touraine et le Blésois ; le comte de-Clermont le haut pays ; Charles d'Albret la Guienne[63]. Mais il ne paraît pas que cette organisation ait produit aucun résultat, ni même qu'elle ait été sérieusement réalisée. Le comte de Foix, maintenu dans la lieutenance générale du Languedoc[64], ne tarda pas à prendre congé du Roi. Il se fit suppléer dans son commandement militaire de Touraine par deux lieutenants[65], et retourna à son gouvernement cru midi, ne laissant de son passage qu'une trace aussi stérile pour la guerre que ruineuse pour le trésor. Guillaume de Champeaux, évêque de Laon, lui fut adjoint comme unique auxiliaire pour l'administration générale des finances[66]. Il ne partit point sans avoir obtenu, soit pour lui, soit pour les seigneurs de sa suite, de nouvelles gratifications[67].

Pendant ce séjour de Montluçon, le connétable s'était rendu à Moulins, en compagnie du comte de Clermont, pour suivre les négociations entamées avec le duc de Bourgogne. Les Princes rejoignirent le Roi à la fin de janvier. Le 29, Charles VII reprit le chemin du Berry. Il s'arrêta à Issoudun, où il séjourna durant une partie du mois de février. C'est là qu'allait s'exercer, aux dépens du comte d'Auxerre, la justice sommaire du connétable[68].

Tout avait été combiné par Richemont, de concert avec La Trémoille et le sire d'Albret, frère utérin de celui-ci, qui avait vivement épousé sa querelle[69]. On dit même que la reine de Sicile et les princes avaient donné à l'avance leur approbation[70]. Le vendredi soir 7 février[71], le connétable se fit apporter les clés de la ville, disant qu'il voulait aller le lendemain, dès le point du jour, à Notre-Dame du Bourg-Dieu. Richemont se leva de grand matin ; son chapelain allait commencer la messe, et avait déjà revêtu les ornements sacerdotaux, quand on vint dire au connétable : Il est temps. Il sortit aussitôt, et suivi des gens de sa maison et de ses archers, rejoignit La Trémoille et d'Albret, qui l'attendaient pour se rendre au château où logeait le sire de Giac[72]. Celui-ci dormait tranquillement près de sa femme, lorsqu'il entendit frapper à sa porte : Levez-vous ! disait-on. Vous êtes trop à votre aise[73]. C'était La Trémoille qui parlait de la sorte. Sans prendre alarme, et habitué, paraît-il, à de semblables visites[74], Giac fit ouvrir. Soudain la chambre se remplit d'hommes armés. En reconnaissant les gens du connétable, il s'écria : Je suis un homme mort ![75] On le força de se lever, et, sans même lui donner le temps de se vêtir, on l'emmena, enveloppé d'un manteau, et à peine chaussé[76]. On le fit monter sur une petite hacquenée, et il fut conduit tout d'une traite au château de Dun-le-Roi[77].

Le bruit des gens d'armes, les cris de la dame de Giac, plus sensible à l'enlèvement de sa vaisselle qu'à l'arrestation de son mari[78], avaient causé un certain émoi dans le château. Charles VII se leva aussitôt, et, craignant une trahison, se mit en armes[79]. Les gens de sa garde, réunis à la porte de sa chambre, se tenaient prêts à marcher. Le connétable vint leur enjoindre de ne pas bouger : Allez-vous en, dit-il ; ce que je fais est pour le bien du Roi ! Charles, vivement froissé du procédé violent de Richemont, témoigna hautement son mécontentement[80]. Trois jours plus tard, le connétable, revenu à Bourges avec le Roi, écrivait (11 février) à ses chers et bons amis les habitants de Lyon, pour leur demander d'intervenir en sa faveur. La lettre est assez curieuse pour mériter d'être reproduite.

Tres chiers et bons amis, nous Croyons à vous estre assez notoire le mauvais gouvernement qui, par cy devant, a esté entour Monseigneur le Roy, par faulte de bonne conduite, dont plusieurs, qui pieça en ont esté deboutez, en esperance que par leur absence bon ordre se peust mettre, ont esté cause et moyen. Et pour ce que encores y avoit de la semence des autres, congnoissans clerement les grans maulx, dommaiges et inconveniens avenuz, et qui estoient encores vraissemblablement d'avenir, pour la conduite et intercession du seignéur de Gyac, adez continuant les termes par avant acoustumez, et parseverant en sa mauvaistié et voulenté dampnable, au dommaige evident de mon dit seigneur le Roy et de ses bons et loyaulx subgez et à la totale perdition de sa. seigneurie, par le bon conseil et aide de noz tres chiers et amez cousins les sires d'Alebret et de la Tremoille, et plusieurs autres nobles à ce presens, nous, comme connestable, et par ce chief et portant l'espée de la conservacion de la seigneurye et justice de mon dit seigneur, pour noz serement et loyauté acquitier envers lui, avons prins de fait, privé et debouté à tous jours le dit Giac de sa compaignie, ayans seulement regard aux tres grans desloyaultez, mauvaistiés et traysons par lui commises contre la magesté et seigneurie de mon dit seigneur, et pour la conservacion et garde d'icelle, tendant au bien universel de toute la chose publique du royaume.

Duquel exploit mon dit seigneur, mal adverti, et non congnoissant les grans desloyaultez et trayson du dit Gyac, s'est indigné à l'encontre de nous, et prins en son cuer couroux et desplaisance, comme rapporté nous a esté. Pour quoy nous, qui voulons et desirons sur toutes choses terriennes le bien de mondit seigneur et de sa seigneurie, vous escripvons et signifions ces choses presentement, en vous priant et requerant, très chiers et bons amis, que comme bons, vraiz et loyaulx subgiez de mondit seigneur, vous vueilliez employer de tenir la main de voz puissances avecques nous au bien de mon dit seigneur et de sa seigneurie et de vous-meismes à qui la chose touche, en acquitant voz loyaultez, comme tous-jours avez fait, pour le rapaisement de mon dit seigneur, en ayant regard aux inconveniens irreparables qui, par son courroux ensuyr se pourroient, lui vueillez rescripre, actendu que ce est fait pour le tres grand bien de lui et de sa seigneurye, qu'il lui plaise osier et mettre hors de son cuer tout couroux et desplaisance s'aucuns en a euz et prins pour ceste cause, et qu'il lui plaise interpreter en bien la dicte prinse ; et aussi lui supplier qu'il luiplaise prendre et mettre entour lui notables gens proudommés, dont il trouvera assez en son royaume, qui doresenavant le puissent et saichent conseiller aubien de lui et de sa seigneurie. En tenant de vostre part telz termes envers nous, comme seurté et fiance y avons, sans pogr quelconque lettre où mandement que vous escripve ou face faire mon dit seigneur au contraire, ne vouloir penser que jamais voulsissiens rien faire ne tendre à mitre fin que tout au bien universel de toute la chose publique de son royaume ; en quoy, voyans la desolacion d'icelui, desirons sur toutes choses nous employer et exposer de corps et de puissance, par le bon conseil et ayde de vous et des autres loyaulx vassaux et subgiez de mon dit seigneur. Vous priant et requerant que sur ce nous faites savoir de voz nouvelles et entencion.

Tres chiers et bons amis, Nostre Seigneur soit garde de vous.

Escript à Bourges, le XIme jour de fevrier.

Le conte de Richemont, connestable de France,

ARTUR.

GILET[81] .

Le connétable, depuis deux ans bientôt qu'il dirige les affaires, est-il fondé à" s'en prendre à la semence des autres s'il y a encore dans le gouvernement de grands maux, dommages et inconvénients ? N'est-il pas le maitre ? N'exerce-t-il pas un pouvoir absolu ? Et la meilleure preuve n'en est-elle pas dans cette singulière façon de tenir l'épée de justice, tout comme un simple prévôt des maréchaux, en faisant appréhender, sans autre forme de procès, un favori qui tient de lui son investiture et qui a eu le malheur de lui déplaire ? A quelque effacement, à quelque humiliation qu'ait été condamnée la personne royale, on comprend que Charles VII ait trouvé la mesure comble, et qu'il se soit indigné d'un tel mépris de son autorité. Le connétable put obtenir le pardon du Roi, il ne regagna point sa confiance.

S'il perdait du terrain à la Cour, Richemont était loin d'en gagner dans le pays. On commençait à sentir le vide de ces promesses toujours renouvelées et jamais suivies d'effet. Ceux qui avaient gardé le souvenir des pompeux manifestes de Jean sans Peur auraient pu se croire reportés à dix ans en arrière. Ce dut être l'impression des conseillers de la ville de Lyon quand ils reçurent une lettre du connétable, un peu antérieure à celle duit février, où il leur déclarait que s'ils ne s'empressaient de payer la somme restant due sur l'aide de Poitiers et qui lui avait été attribuée, il s'en prendrait au premier qu'il trouverait de la ville[82]. Les magistrats de Lyon furent très choqués du ton de cette lettre ; ils répondirent un peu ironiquement, en rappelant les termes dont s'était servi Richemont dans sa dernière communication, que si haut et si puissant seigneur, chef du royaume et portant l'espée de la conservation de la seigneurie et justice du Roi leur seigneur, ne voudrait certainement procéder en tel cas que gracieusement et par justice ; et ils ajoutèrent qu'ils se refusaient à croire que les lettres en question eussent été faites par son commandement et de son sçu. Insistant sur la misère publique, la mutation des monnaies, leurs charges multiples, la cherté des vivres, la dépopulation de leur ville, ils persistèrent dans la demande d'une remise de leur dette[83]. Enfin, pour attendrir ce maître implacable, ils s'adressèrent à deux conseillers dont ils invoquèrent le bienveillant appui : Guillaume Cousinot et le seigneur de Châteaubriand[84].

Cependant le connétable avait fait instruire le procès de Giac par son bailli de Dun et par ses gens de justice, qui, après une enquête sommaire, prononcèrent une condamnation à mort. Giac implora pour sa vie, offrant de payer comptant à Richemont cent mille écus, de lui remettre en gage sa femme, ses enfants et ses places, et de ne jamais approcher de la personne du Roi à une distance moindre de vingt lieues. Tout fut inutile : le connétable répondit qu'eût-il tout l'argent du monde, on ne lui ferait point grâce, car il avait mérité la mort. Giac suppliait, pour l'amour de Dieu, qu'au moins, avant de le faire mourir, on lui coupât la main 'qu'il avait donnée au diable. Un bourreau fut envoyé de Bourges, par ordre du connétable, pour procéder à l'exécution. La Trémoille ; voulant s'assurer que sa victime ne lui échapperait pas, se promenait à cheval sur les bords de l'Auron, au moment où Giac y fut précipité. Le corps du malheureux fut ensuite retiré de l'eau et livré à ses gens pour être inhumé[85].

Grâce à l'intervention de ses familiers, le Roi avait fini par s'apaiser. N'était-il pas, d'ailleurs, selon l'expression de Tacite, obligé d'approuver sans examen ce qui pour lui était sans remède[86] ? Chacun s'embesogna pour faire l'appointement[87]. Quand il eut appris de quels crimes Giac s'était rendu coupable, Charles VII changea de sentiment ; les chroniqueurs prétendent même qu'il se déclara satisfait : Il fut content, dit l'un ; Il fut très content, dit un autre[88]. Le 7 mars, Richemont, faisant allusion à sa démarche près des Lyonnais pour qu'ils intervinssent en sa faveur, leur écrivait : Quant à la responce des lettres que vous avons escriptes touchant au fait du feu Giac, vous ferez bien, pour vous acquitter de vos loyaultez, d'en escripre à mon dit seigneur le Roy, ainsi que vous en avons èscript, combien que, Dieu mercy, il est bien appaisié et est bien content de nous ; et avons esperance, l'aide de Nostre Seigneur, que les besoingnes se, porteront bien[89].

Le connétable — sauf un rapide voyage à Orléans[90] — resta à Bourges jusqu'au commencement d'avril[91]. C'est lui qui, suppléant au silence des chroniqueurs, va nous renseigner sur ce qui se passe à la Cour.

Le 13 mars, il écrit à la dame de Saligny[92] : Combien que par deça ait eu moult de troubles et empeschemens, neantmoins, la mercy Nostre Seigneur, les choses sont à present en bonne disposiciou, esperant icelles prandre bonne conclusion. Et est à present vostre nepveu de Chalançon premier chambellan de monseigneur le Roy, en l'office que souloit tenir feu Gyac, et est ung des principaulx d'entour mon dit seigneur ; par quoy j'espère que les choses, à l'aide Dieu, sortiront bon effect[93].

Le 4 avril, Richemont écrit encore à la même : Et vueillez savoir, que sur les choses que naguières escriptes m'avez, j'ay uncores bien pou besoigné, pour plusieurs choses et occupacions qui me sont sourvenues, par quoy je n'ay bonnement peu ; mais, au plaisir Dieu, j'en parleroy bien acertes à beau cousin de la Trimouille, et y feroy, à vostre intention, tout ce que faire j'en pourroy[94].

De la première de ces deux lettres, il résulte que le successeur en titre de Pierre de Giac ne fut pas Le Camus de Beaulieu, comme l'ont dit les chroniqueurs, mais Louis, seigneur de Chalençon. Ce personnage, qui a passé jusqu'à présent inaperçu, était fils de Pierre-Armand de Chalençon, vicomte de Polignac, et de Marguerite de Saligny, dame de Randan. Chambellan du Dauphin dès le mois de mars 1420, époque à laquelle il reçut un don d'argent[95], il avait été armé chevalier de la main de Charles le 16 mars suivant[96]. En 1423, il était conseiller et chambellan du Roi : par lettres du 24 novembre, une somme de trois mille livres lui fut octroyée en récompense de ses services[97]. Mais s'il recueillit l'héritage de Giac, le seigneur de Chalençon ne lui succéda pas dans la faveur royale : elle se porta sur un simple écuyer d'écurie, faisant partie depuis longtemps de la garde du Roi, et ayant été l'objet des libéralités de son maitre : nous voulons parler de Jean du Vernet, connu sous le nom de Camus de Beaulieu[98]. Il fut, avec l'agrément du connétable[99], appelé au poste de premier écuyer[100], et ne tarda pas, dit Berry, à avoir grand gouvernement et pouvoir devers le Roy, et plus qu'il ne lui appartenoit[101].

La seconde lettre du comte de Richemont nous montre que, malgré les craintes qu'il avait éprouvées après sa coopération à l'arrestation de Giac, La Trémoille, rassuré par les sûretés qu'on lui avait octroyées sur sa demande[102], n'avait pas tardé à reparaître à la Cour, et qu'il y était en possession d'une certaine influence. Dès cette époque, il était devenu le confident du connétable, qui comptait sur lui pour maintenir son ascendant. La Trémoille était alors tout entier à ses intrigues matrimoniales, qui ne tardèrent point à être couronnées de succès, car le 2 juillet, au château de Gençais en Poitou, il épousait la veuve de Giac[103].

Dans les premiers jours d'avril, la reine de Sicile et le connétable emmenèrent le Roi et la Reine en Touraine[104]. Ils passèrent le 12 par Tours[105]. De là on se rendit à Saumur, où la Cour séjourna jusqu'au 25 mai, et où le sire de la Trémoille rejoignit le Roi[106]. Pendant ce temps le comte de Richemont était allé en Bretagne, dans le dessein de secourir Pontorson. Après la stérile expédition dont il a été fait mention plus haut, il se hâta de revenir, et rejoignit Charles VII à Poitiers, où nous le trouvons le 12 juin, écrivant aux habitants de Lyon pour les presser de lui fournir de l'argent[107].

A. son retour, le connétable fut très mécontent des termes que tenoit Le Camus de Beaulieu. Car, nous dit le biographe de Richemont, l'ancien écuyer d'écurie de Charles VII, devenu grand maître de l'écurie et capitaine de Poitiers[108], gastoit tout et ne vouloit que homme approchast du Roy ; et faisoit pis que Giac[109]. La reine de Sicile et tous les seigneurs en gémissaient : on se demandait comment on aurait raison de ce nouveau favori, qui avait su si bien s'emparer de la confiance royale[110]. Charles VII lui faisoit du bien, et rien n'égalait l'insolence du parvenu[111]. Richemont n'hésita pas : il donna ordre au maréchal de Boussac de faire disparaître Le Camus de Beaulieu.

Celui-ci était allé, avec un de ses gentilshommes, nommé Jean de la Granche, se promener à cheval dans un pré situé non loin du château de Poitiers, sur les rives du Clain. Là des hommes apostés par Boussac se jetèrent sur lui, avec une telle impétuosité, qu'il tomba raide mort, ayant la tête fendue et une main coupée. Du château, le Roi vit Jean de la Granche revenir seul, avec la mule de son favori, et fut informé de l'assassinat dont celui-ci avait été victime. Dieu sait, dit un chroniqueur, s'il y eut beau bruit. Furieux, Charles VII, ordonna qu'on se mit aussitôt à la recherche des meurtriers pour les arrêter et en faire justice. Plusieurs de ses gens montèrent à cheval et se mirent à leur poursuite, mais sans résultat. Les soupçons se portèrent sur des innocents. Bref, la chose en resta là[112]. C'était, a dit justement un historien, une triste condition de roi d'avoir à subir les attentats de ce connétable furieux. Le jeune prince ne savait où prendre un conseil de force et de sagesse pour se soustraire à cette domination souillée de meurtre[113].

L'heure de La Trémoille était venue : Richemont le fit entrer au gouvernement. Cette fois, ce n'est plus la fantaisie royale, c'est l'inflexible volonté du connétable qui met le pouvoir aux mains d'un homme destiné à être pendant six ans le mauvais génie du Roi et de la France. Comme le connétable, pour vaincre la répugnance de Charles VII, lui faisait observer que La Trémoille était puissant et qu'il pourrait le bien servir : Beau cousin, répondit-il, vous me le baillez, mais vous en repentirez, car je le connais mieux que vous. Et La Trémoille, ajoute le chroniqueur, ne fit point le Roy menteur[114].

Assurément il y avait eu chez Charles VII, comme l'écrivait en juin. 1425 le connétable aux Lyonnais, faulte de bonne conduite[115] ; il y avait eu parfois, de sa part, une facilité déplorable à donner sa confiance. Mais ce mauvais gouvernement, cet abandon du pouvoir entre des mains indignes, le Roi en est-il seul responsable ? La responsabilité ne remonte-t-elle pas en grande partie au comte de Richemont ? Lui qui, tient, ainsi qu'il le dit, l'épée de la conservation de la seigneurie et justice[116], n'a-t-il d'autre rôle à remplir que celui d'exécuteur des hautes œuvres à la Cour d'un jeune prince, faible et malheureux, qui lui a tout abandonné comme au sauveur de la monarchie ? Supposez un Du Guesclin au lieu d'un Richemont, remplacez ce rude Breton à la main de fer, qu'aucune considération n'arrête quand il s'agit d'arriver à son but, par un type d'honneur, de loyauté, de dévouement : Charles VII, retrouvant l'initiative et l'énergie dont il a fait preuve au temps de sa régence, deviendra un autre homme ; nous n'aurons plus ces mesquines intrigues de Cour, cette stérilité dans les négociations, cette impuissance dans les réformes et dans les combats. Richemont a échoué dans la triple tâche qu'il avait assumée : il a indisposé le Roi, par ses violences, il achève de ruiner son crédit par l'insuccès de sa politique. La situation est devenue plus grave qu'après Verneuil. Loin d'avoir ramené le duc de Bourgogne à la cause royale comme il avait promis de le faire, il va lui laisser perdre l'alliance bretonne qui semblait assurée. Voilà donc le résultat des sacrifices personnels imposés au Roi à Angers et à Saumur ! Voilà à quoi ont abouti ces traités dont on se promettait de si merveilleux effets ! Les Anglais, tranquilles du côté de la Bretagne, ayant affermi leur alliance avec le duc de Bourgogne, vont pouvoir, reprendre l'offensive ; l'armée est plus désorganisée que jamais ; les finances sont de plus en plus délabrées ; la division est toujours profonde dans le Conseil ; et bientôt la guerre civile, comme aux plus tristes jours de la rivalité d'Orléans et de Bourgogne, va mettre les débris du royaume à la merci des Anglais.

Le connétable de Richemont croyait avoir trouvé en La Trémoille un serviteur dévoué : il venait de se donner un rival. Il reconnut bientôt, mais trop tard, combien le Roi avait été perspicace.

Nous avons rencontré, à plusieurs reprises, cette figure diverse et ondoyante de La Trémoille. Mais il faut la contempler de plus près. On comprendra mieux par quelles racines le tout puissant ministre avait su s'implanter dans ce sol qu'il devait exploiter, sans trêve ni relâche, pendant six années.

Fils d'un père illustre — Guy VI, sire de la Trémoille, de Sully, de Craon et de Jonvelle, conseiller et chambellan du roi Charles VI, premier et grand chambellan héréditaire de Bourgogne, garde de l'oriflamme de France, mort prisonnier des Turcs contre lesquels il avait glorieusement lutté, avant Nicopolis, dans trois expéditions successives, — petit-fils d'un grand pannetier de France, Georges de la Trémoille était né vers 1385. Par sa mère, Marie de Sully, épouse en premières noces du comte, de Montpensier, fils du duc de Berry, et qui, après la mort de Guy de la Trémoille, s'était remariée en troisièmes noces à Charles, sire d'Albret, il se trouvait allié aux plus puissantes maisons. Sa fortune avait été rapide. Placé dans l'hôtel du duc Jean sans Peur par le sire d'Albret, il était à vingt-deux ans premier chambellan du duc de Bourgogne ; en 1410, il faisait déjà partie du Conseil de Charles VI, et fut élevé un moment, grâce à la protection de Jean sans Peur, à la charge de grand maître des eaux et forêts de France (mai-août 1413). Mêlé aux orgies du duc de Guienne, il faillit être tué pendant la domination cabochienne, et c'est encore à l'influence du duc de Bourgogne qu'il dut la vie[117]. Non moins assidu près de la reine Isabeau qu'auprès du Dauphin Louis, il avait fait partie de cette troupe de joyeux compagnons qui, par ses scandaleux débordements, excitait à juste titre l'indignation de tous les honnêtes gens[118]. En 1413, il a la charge lucrative de gouverneur du Dauphiné ; en 1414, il est qualifié de capitaine de Cherbourg ; en 1417, il devient grand chambellan de France. Comme son père, il épouse la veuve d'un prince du sang : marié le 16 novembre 1416 à la duchesse de Berry, il était dès lors — ainsi qu'on le constatait plus tard dans un procès devant le Parlement — bien grand seigneur et l'un des plus grans terriens barons du royaume[119]. Son mariage avec Jeanne, comtesse d'Auvergne et de Boulogne, âgée de dix ans de plus que lui et veuve depuis juste cinq mois, plaçait, en effet, le sire de la Trémoille à la tête d'immenses possessions territoriales. Mais il ne bénéficia guère de la situation qu'aurait pu lui faire son alliance avec la duchesse de Berry, car des conflits ne tardèrent point à se produire entre les deux époux ; les mauvais traitements se joignirent même aux disputes : la comtesse Jeanne fut reléguée en Auvergne, où bientôt elle mourut prématurément (vers 1423). Brouillé de la sorte avec sa femme, La Trémoille était, dès 1416, en froid avec son ancien maître et bienfaiteur le duc de Bourgogne[120] ; et il eut alors, entre les partis, cette attitude de neutralité que nous lui avons vu prendre, en avril-mai 1418, lors des conférences de La Tombe, où il remplit le rôle de médiateur. Un peu plus tard, il osa insulter gravement le Dauphin Charles, en retenant prisonnier un de ses conseillers, Martin Gouge, évêque de Clermont : assiégé par le jeune prince dans son château de Sully, il s'attira un châtiment mérité. Malgré sa soumission apparente au Dauphin, il conserva un pied dans le camp bourguignon. Un acte de cette époque nous montre qu'il fut l'objet des rigueurs du Dauphin, qui flétrit publiquement sa conduite à l'égard de sa femme[121], et qui, plus tard, devenu roi, dut envoyer le maréchal de la Fayette (1423), pour s'emparer des places que La Trémoille tenait en Auvergne du chef de la comtesse Jeanne, et dont les garnisons ravageaient la contrée, détroussant les habitants au cri de : Vive Bourgogne ![122] Le sire de la Trémoille était resté à l'écart jusqu'au moment où l'arrivée au pouvoir du connétable de Richemont le rapprocha de la Cour[123]. Sa mission près du duc de Bourgogne, au début de l'année 1426, acheva de le mettre en évidence. Nous- avons vu la part prise par lui à l'arrestation du sire de Giac : son rôle fut plus odieux peut-être que celui du connétable ; car si Richemont frappait un instrument rebelle, La Trémoille poursuivait un ennemi personnel et un rival. Tout porte à croire qu'il avait séduit la femme de Giac, laquelle, on l'a vu, ne tarda pas à se donner à lui, au grand scandale de la Cour.

Voilà l'homme qui, au mois de juillet 1427, devenait premier ministre. Vu d'un mauvais œil par le Roi, il n'avait pas davantage les sympathies des vieux serviteurs de la couronne. Ceux-ci n'envisageaient pas sans terreur l'arrivée au pouvoir de l'ancien premier chambellan du duc Jean sans Peur, du puissant baron dont toute la famille appartenait au parti bourguignon, et qui lui-même avait montré jusque-là une fidélité douteuse[124].

Confiant dans l'amitié de La Trémoille, et sans se douter que sa ruine était imminente, le connétable de Richemont alla tranquillement, à la fin de juin 1427, rejoindre sa femme à Chinon. Au même moment, la reine Yolande, qui n'avait cessé de résider à la Cour depuis trois années, se sépara de Charles VII. Son influence, d'ailleurs, s'était amoindrie, et elle avait bien perdu de son prestige. De son côté, le Roi partit pour faire une tournée en Poitou, en compagnie du comte de Vendôme, du sire de la Trémoille, de Regnault de Chartres, archevêque de Reims, des évêques de Séez et d'Orléans, de Robert Le Maçon et du sire de Gaucourt, récemment délivré de sa prison d'Angleterre. Du 1er au 17 juillet, Charles VII visita successivement Lusignan, Saint-Maixent, Niort, et regagna le Berry. Il était le 29 juillet à Bourges et le 17 août à Issoudun, où le connétable le rejoignit un instant[125] avant d'aller organiser le ravitaillement de Montargis. Mais le brillant fait d'armes accompli le 5 septembre fut, on l'a vu, tout à l'honneur du bâtard d'Orléans et de La Hire : le connétable, resté à Jargeau, s'abstint d'y paraître[126]. Le Roi était à Loches quand il apprit le triomphe remporté par ses capitaines[127]. Nous avons une lettre adressée par lui le 17 septembre aux habitants de Tournai, où il leur raconte la délivrance de Montargis et sollicite leur concours pour le paiement de la rançon du sire de Gaucourt[128]. En même temps qu'il témoignait ainsi sa sympathie à son vieux serviteur, Charles VII n'oubliait pas les vainqueurs de Montargis ; il ne tarda pas à leur donner des marques dé sa satisfaction : le bâtard d'Orléans reçut deux mille livres, et La Hire mille moutons d'or[129].

Le comte de Clermont, qui venait d'être chargé de l'administration des terres et seigneuries de son père le duc de Bourbon, toujours prisonnier en Angleterre, avait quitté la Cour au mois de mais 1427[130]. Quelques jours plus tard, il se signala par un de ces actes violents et irréfléchis qui devaient à plus d'une reprise marquer sa carrière. Sous un prétexte futile, il ne craignit pas de faire arrêter le chancelier de France et de le retenir prisonnier pendant plusieurs mois, au mépris de toutes les lois. Un tel fait atteste à lui seul l'anarchie qui régnait sous le gouvernement du connétable[131]. L'arrestation eut lieu dans les derniers jours de mars. Le Parlement fut aussitôt saisi de la question : en vertu d'une délibération du 3 avril, une députation se rendit près du Roi pour concerter les mesures à prendre[132]. Le 24, après avoir entendu le rapport de ses députés, le Parlement décida que le comte de Clermont serait sommé de mettre le chancelier en liberté. A la date du 5 mai, le premier président Jean de Vaily, et deux conseillers, Jean Tudert et Guillaume Le Tur, furent désignés pour aller en ambassade vers le comte, au nom du Roi et du Parlement, et requérir la délivrance du chancelier[133]. Mais cette démarche demeura sans résultat. Pour vaincre l'obstination du comte de Clermont, on dut s'adresser au pape, qui lui écrivit à trois reprises, le menaçant de l'excommunier s'il persévérait dans sa résistance[134]. Martin V prit la chose fort à cœur. Des lettres furent adressées par lui, à ce sujet, à la duchesse de Bourbon[135], au Roi[136], au nonce du pape en France[137], au maréchal de la Fayette[138], au président du conseil de Dauphiné, et même — chose curieuse ; qui prouve que Louvet n'avait pas perdu tout crédit à la Cour —, au président de Provence[139].

Enfin, au bout de plusieurs mois, l'évêque de Clermont recouvra la liberté ; mais ce fut au prix d'une lourde rançon[140]. Le Roi dut venir à son aide, comme, dans des circonstances analogues, il l'avait fait pour son fidèle serviteur Robert Le Maçon : il autorisa Martin Gouge à faire fabriquer à son profit, dans une des monnaies royales, une quantité déterminée d'espèces d'or et d'argent[141].

C'est à ce moment que le connétable, peu ému, paraît-il, du traitement infligé à un personnage qui pourtant avait été un de ses plus zélés auxiliaires, jugea à propos de resserrer les liens qui l'unissaient à son beau4rère le comte de Clermont. Un pacte d'alliance fut conclu le 4 août entre les deux princes ; il avait pour objet de continuer, entretenir et accroistre la grant et singulière amour, dont ils étaient animés l'un pour l'autre. L'alliance devait durer à perpétuité, au bien et prouffit de monseigneur le Roy et de sa seigneurie ; mais les princes avaient soin d'ajouter : et de nous mesmes. Ils juraient de garder, soutenir et défendre mutuellement leurs personnes, de poursuivre le bien, profit et honneur de chacun, de s'aider, servir et secourir en tout ce qui concernerait leurs personnes et leurs biens. Enfin, ils déclaraient vouloir toujours procurer le bien, prouffit et honneur de monseigneur le Roy et de sa seigneurie, et de nous, envers et contre tous ceulx qui feroient ou pourroient ou vouidroient faire ou procurer le dommaige, desplaisir ou deshonneur de mon dit seigneur le Roy, de nous, et de l'un de nous, ou de nos chevances et seigneuries[142].

On voit le soin et l'habileté que mettaient les princes à confondre leurs propres intérêts avec ceux de la couronne.

Quelques jours plus tard (31 août), un autre traité fut signé. Celui-ci était passé entre le comte de Clermont et le comte de Pardiac, lequel agissait en même temps au nom de son frère aîné le comte d'Armagnac, et de son beau-père le roi de Hongrie (Jacques de Bourbon)[143], qui ratifia le 9 septembre l'alliance conclue[144].

Que signifient ces alliances et confédérations entre les princes du sang ? Si l'on rapproche des traités du 4 et du 31 août une ordonnance du 17 août, rendue à Issoudun, en présence du connétable, et portant ordre de paiement d'une somme de douze mille écus d'or, donnée au comte d'Armagnac[145], la situation s'éclaire ; on reconnaît dans tous ces actes une même pensée dirigeante : c'est une coalition qui se forme, et le connétable en est l'âme.

Dans cette coalition, les intérêts des princes étaient aussi divers que le caractère de chacun d'entre eux. Le comte de Richemont n'avait qu'un but : reconquérir le pouvoir dont il s'était vu si inopinément frustré. Le comte de Clermont, que Georges Chastellain qualifie de facondeux, obéissait à ces visées ambitieuses et à ces prétentions personnelles qui étaient le trait distinctif de son caractère. Le comte de Pardiac, dont la loyauté et le désintéressement ne sauraient être mis en question, cédait à un entraînement passager, et était sans doute poussé par son frère le comte d'Armagnac. Ce prince, en effet, avait profité de la longue absence du comte de Foix pour trancher plus que jamais du souverain ; son humeur violente et son attitude équivoque venaient de se manifester, d'une part, par la séquestration arbitraire du maréchal de Séverac, qu'il fit assassiner après lui avoir extorqué la cession de tous ses biens[146] ; de l'autre, par l'appui plus ou moins déguisé qu'il prêtait à un aventurier, alors à la solde des Anglais, qui s'intitulait le bâtard d'Armagnac[147], et dont les gens, revêtus de la croix rouge, avaient occupé plusieurs des places du comte[148].

Ce n'est pas sans surprise, d'ailleurs, qu'on assiste à la levée de boucliers qui se prépare. Quel moment choisissait le connétable pour se mettre ainsi en campagne, et poursuivre, à travers tous les obstacles, la revendication du pouvoir ? Celui où son frère, le duc de Bretagne, venait de signer le pacte qui l'inféodait à l'Angleterre[149] ! celui où les Anglais, rassurés du côté de la Bretagne, s'avançaient dans l'Ouest, et menaçaient l'Anjou[150] ! Laissant ses lieutenants poursuivre la lutte contre les Anglais, Richemont revint à Angers et s'avança vers Loudun, dans le dessein de joindre les comtes de Clermont et de Pardiac, avec lesquels il avait pris rendez-vous à Châtellerault pour le 24 octobre[151].

Mais La Trémoille était au courant de tous les mouvements du connétable. Il avait emmené le Roi en Poitou. Parti de Loches vers le 25 septembre[152], Charles VII, qui avait en sa compagnie le jeune Dauphin[153], traversa Châtellerault, passa le 27 devant Poitiers, sans s'y arrêter[154], et se rendit à Lusignan, d'où il écrivit aux habitants de Lyon pour solliciter leur concours financier[155]. Quand La Trémoille vit que Richemont entrait en Poitou, il fit rendre une proclamation par laquelle le Roi défendait que nul ne fût si hardi de mettre le connétable en quelque ville ou château que ce fût, ni de lui faire ouverture de places. Aussi, quand celui-ci se présenta devant Châtellerault, il trouva les portes fermées, et dut se retirer après avoir, pour constater la désobéissance des habitants, fait jeter une masse d'huissier d'armes par-dessus la barrière. Richemont se logea sur les champs, entre Châtellerault et Chauvigny[156].

Cependant les comtes de Clermont et de Pardiac s'étaient avancés pour opérer leur jonction avec le connétable. Du camp de Richemont, on les aperçut, chevauchant en belle ordonnance de bataille, sur la rive droite de la Vienne. Aussitôt, le connétable fit sonner ses trompettes pour avertir les princes de sa présence. Les deux troupes se rapprochèrent, et les communications s'établirent à travers la rivière. On convint de se réunir le lendemain à Chauvigny, après avoir couché sur les champs. Le connétable trouva pourtant un gîte chez un gentilhomme, qui consentit à le recevoir dans son château. De Chauvigny, les princes, après avoir délibéré, allèrent s'établir à Chinon, où la duchesse de Guyenne leur fit très bon accueil. Ils avaient dans leur suite plusieurs capitaines et gens de grand'façon, entre autres le maréchal de Boussac[157].

Bientôt arriva à Chinon une ambassade du Roi. Elle se composait de Philippe de Coëtquis, archevêque de Tours, et du sire de Gaucourt. Les princes répondirent par l'envoi d'une autre ambassade ; mais aucun accommodement ne sortit de ces pourparlers. La saison d'hiver était venue ; on ne pouvait songer à commencer immédiatement les hostilités : la prise d'armes fut ajournée.

Si nous cherchons à démêler quelles étaient, au milieu de ces rivalités aboutissant à une guerre civile, les dispositions personnelles de Charles VII, nous constaterons tout d'abord, qu'après avoir, pendant deux années, subi avec résignation le joug du connétable ; après avoir, durant cette période, fait preuve d'une longanimité qu'il est impossible de méconnaître, il en était arrivé à ressentir à son égard un insurmontable dégoût. Le meurtre de Le Camus de Beaulieu, succédant à l'enlèvement et à l'exécution de Giac, avait achevé de révolter le Roi. Quelle que fût la placidité de son caractère, quelque disposé qu'il se montrât à accepter, avec une singulière facilité, le fait accompli, il avait trop le sentiment de son autorité et le souci de sa dignité personnelle pour subir plus longtemps une domination non moins humiliante qu'odieuse. L'arrivée aux affaires de La Trémoille, coïncidant avec l'éloignement momentané du connétable et la retraite de la reine de Sicile, le livra sans réserve à des influences hostiles ; et La Trémoille, profitant avec habileté de ces dispositions, sut bien vite s'insinuer dans l'esprit du Roi et se rendre maître de la situation. D'ailleurs, les événements qui venaient de se produire, l'attitude prise par le connétable étaient de nature à ruiner définitivement son influence. Charles VII pouvait-il oublier que Richemont, au lieu de conduire au secours de Pontorson cette armée rassemblée au prix de tant d'efforts et de sacrifices, s'était arrêté devant les conseils intéressés de son frère le duc de Bretagne, et renonçant à tenir la journée sur laquelle comptaient les héroïques défenseurs de la place, avait laissé les Anglais l'occuper sans coup férir ? Pouvait-il oublier que, deux mois plus tard, le duc de Bretagne, rompant des engagements solennellement contractés et placés en quelque sorte sous la garde du connétable, s'était déclaré le vassal de Henri VI ? Pouvait-il enfin ne point s'être aperçu qu'il s'en était fallu de peu que Montargis n'éprouvât le sort de Pontorson ? Car, s'il est vrai, comme l'affirme son écuyer, que Richemont se soit imposé, pour secourir cette place, d'importants sacrifices pécuniaires, il n'en est pas moins Indubitable qu'il s'abstint systématiquement de prendre part à l'expédition : peut-être craignait-il de s'exposer à un échec semblable à celui qu'il avait subi sous les murs de Saint-James-de-Beuvron, et qui lui avait été si sensible. Quand le connétable avait reparu un instant à la Cour, pendant le séjour du Roi à Issoudun (18 août), il avait dû s'apercevoir que son règne avait pris fin. En quelques semaines, une révolution s'était opérée : l'heure de la déchéance était venue pour lui, et il avait été l'artisan de sa propre ruine.

Nous devons ajouter que, si Charles VII n'avait rien fait pour secouer le joug du connétable, plus d'un indice atteste combien, dans les derniers temps, il subissait ce joug à contre-cœur. La pensée du Roi se reporta vers les anciens serviteurs du temps de sa jeunesse : ceux-là du moins, malgré leurs torts, ne l'avaient jamais ni trompé, ni insulté : du fond de leur exil, ils lui demeuraient invariablement fidèles. Dès le 16 décembre 1426, on l'a vu, les libéralités du souverain s'exercent en faveur de son premier médecin Jean Cadart, qui obtient une pension à vie[158]. Le 17 juin 1427, c'est la dame de Mirandol, femme du président Louvet, qui reçoit un don d'argent, tant, disent les lettres, pour consideracion des agreables services et plaisirs qu'elle a faiz le temps passé à nostre très chière et très amée compaigne la Royne, lorsqu'elle estoit en sa compaignie, comme pour lui aidier à avoir des atours et aultres mêmes choses qui sont necessaires à dames et qui appartiennent à leur estat [159]. Le 21 octobre 1427, c'est l'ancien maréchal des guerres et grand maître d'hôtel Tanguy du Chastel, qui, outre sa pension annuelle de douze cents livres et sa rente viagère de deux mille écus d'or, obtient une allocation de cent livres à prendre chaque mois sur les finances du Languedoc[160]. En outre, nous voyons reparaître dans le Conseil les conseillers de l'époque de la régence : le sire de Maillé y siège dès le 26 mai 1427[161]. Le 7 juillet, Hugues de Noé, un autre des gouverneurs du Dauphin, reçoit la charge lucrative de visiteur des gabelles du Languedoc[162]. Bientôt arrive le sire de Gaucourt, le héros de Nicopolis et d'Harfleur, qui, au sortir d'une captivité de dix ans, vient prendre dans le Conseil une place qui ne tardera pas à devenir prépondérante[163]. Le bâtard d'Orléans, gendre du président Louvet, resté depuis deux ans en disgrâce, reçoit des gratifications pour la brillante rescousse de Montargis, et figure de nouveau parmi les conseillers de la couronne[164]. Les vieux serviteurs du Dauphin retrouvent près du Roi une influence qu'ils n'avaient point eue depuis longtemps : Robert Le Maçon, l'ancien chancelier de la Régence, le dispute en crédit à La Trémoille : car s'il n'a pas les ressources dont celui-ci dispose, il possède au moins toute la confiance de son maître ; l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, ce diplomate doublé d'un homme de guerre qui rappelle les prélats guerriers des vieux âges, ne tardera pas à recevoir les sceaux ; l'évêque de Séez, Robert de Rouvres, maître des requêtes dès le temps de la Régence, est un des principaux membres du Conseil. Si le comte de Clermont, l'un des meilleurs appuis du trône depuis 1419, se montre maintenant oublieux des bontés royales au point de se mettre en révolte contre son souverain, le comte de Vendôme demeure inébranlable dans une fidélité qui lui vaudra à jamais l'estime et l'amitié du Roi.

Quelque fût le prétexte allégué par le comte de Richemont et les princes ses alliés pour colorer leur prise d'armes, elle avait le caractère d'une véritable rébellion. Ajoutons que rien ne justifiait une telle attitude. Car, si de graves abus existaient encore dans le gouvernement, moins qu'à tout autre il appartenait au connétable, qui avait eu en main le pouvoir le plus absolu et qui n'avait pas su porter remède à ces abus, de se poser en réformateur.

Il le fit pourtant, avec cette audace et cette assurance qui lui étaient habituelles. Nous avons la trace de démarches faites par lui, de concert avec les comtes de Clermont et de Pardiac, près du Parlement et des bonnes villes, pour les attirer h son parti. Le 14 janvier, une lettre des trois princes fut lue au Parlement de Poitiers : on décida qu'il n'y serait point fait de réponse et qu'elle serait envoyée au Roi, pour en faire à son bon plaisir[165]. Dans cette circulaire, qui fut envoyée de tous les côtés[166], les princes parlaient des remèdes necessaires à apporter au gouvernement du Roi et du royaume, afin de paix avoir ; ils énonçaient leur programme de gouvernement et leur intention de mettre hors de la compaignie et service du Roi le sire de la Trémoille et Robert Le Maçon ; ils demandaient qu'on se joignît à eux contre ceux qui détenaient le pouvoir[167]. La communication des princes fut accueillie très froidement. Les habitants de Lyon, durant les relations qu'ils n'avaient cessé d'entretenir avec le connétable[168], avaient appris à connaître ce que valaient ses belles paroles. Après avoir examiné à loisir la demande des princes, ils décidèrent que' la lettre qu'ils avaient reçue serait transmise au Roi, avec prière de faire connaître à ce sujet son bon plaisir, et avec l'assurance qu'on était toujours prêt à lui obéir. En même temps, un simple messager fut envoyé aux trois comtes pour leur déclarer que les habitants de Lyon, tout en les félicitant du bon vouloir qu'ils témoignaient aux affaires du royaume[169], n'obéiraient en tout qu'aux ordres du Roi.

Un épisode assez obscur ne doit point être passé sous silence, car il se rattache évidemment aux intrigues du connétable. Pendant le séjour du Roi en Poitou, La Trémoille était venu rejoindre sa femme au château de Gençais, situé à quelques lieues de Poitiers[170]. Il y fut l'objet d'une tentative d'enlèvement à laquelle font allusion des lettres patentes du Roi[171]. Il ne parait pas douteux que Richemont ait été l'inspirateur de ce coup de main. Mais les compagnons qui réussirent à s'emp5ser de la personne de La Trémoille n'étaient point, insensibles à certaines séductions : moyennant une somme de dix mille écus, ils lui firent grâce de la vie, et le remirent bientôt en liberté. Cet attentat n'eut d'autre résultat que d'accroître la haine de La Trémoille à l'égard du connétable, et d'imposer bientôt au trésor un nouveau sacrifice, car le tout-puissant ministre se fit rembourser le montant de la rançon qu'il avait dû payer[172].

Le duc d'Alençon, fait prisonnier à Verneuil, venait, moyennant l'engagement de verser cent mille saluts aux Anglais, de reconquérir sa liberté. Il se rendit à Lusignan pour saluer le Roi[173], qui l'accueillit avec empressement. Charles lui donna, pour raider au payement de sa rançon, une somme de dix mille écus à prendre sur le produit des monnaies[174], et le nomma son lieutenant général en Normandie[175]. Le jeune duc ne tarda à recevoir des avances du duc de Bretagne, qui, en le félicitant sur sa délivrance, lui fit offrir un grand drap cramoisi brodé d'or[176], et entretint avec lui des relations suivies[177]. Le duc de Bretagne secondait activement les princes révoltés : nous le voyons faire don d'une somme de cinq cents livres au connétable d'Écosse, Jean Stuart, que le connétable cherchait à attirer à son parti, et qui se disposait à passer en Écosse[178]. Peu auparavant, Richemont avait pris possession de la seigneurie de Parthenay, et avait fait prêter à tous les nobles et capitaines le serment de fidélité à leur nouveau seigneur[179].

De son côté, La Trémoille ne négligeait aucune précaution pour s'assurer la victoire. Il fit confirmer à son frère utérin, Charles d'Albret, l'octroi d'une somme annuelle de douze mille livres pour la garde des places situées du côté de la Dordogne[180] : il voulait par là prévenir les entreprises du comte d'Armagnac, l'allié du connétable. Le jeune roi de Sicile venait d'arriver en France : on lui compta une somme de six mille écus, en sus des dix mille qui lui avaient été donnés pour venir au service du Roi[181]. Jean Stuart obtint le glorieux privilège d'écarteler ses armes de celles de France[182]. Pour contrebalancer la ligue des princes, La Trémoille signa à Blois, le 28 février 1428, des lettres d'alliance personnelle avec le comte de Foix[183]. Enfin, comme pour répondre au déloyal abandon du duc de Bretagne, on fit reparaître sur la scène un de ses ennemis personnels, Jean de Blois, seigneur de l'Aigle. Le frère du comte de Penthièvre avait été jadis un des conseillers du Dauphin : il prit place dans le Conseil du Roi[184]. En même temps, les seigneurs bretons restés fidèles à Charles VII furent l'objet de diverses libéralités[185].

Dans les derniers jours de décembre 1427, les habitants de Tours reçurent une lettre close par laquelle le Roi leur mandait de se rendre près de lui, à Amboise, au nombre de dix à douze. Les députés s'y trouvèrent à la date du 27 décembre. Charles VII les félicita de leur empressement et leur fit exposer, par Robert Le Maçon, l'objet de sa convocation : le Roi était moult esmerveillé du rassemblement de gens de guerre fait à Chinon et aux environs par les comtes de Richemont, de Clermont et de Pardiac, et il chargeait les députés de faire savoir qu'il défendait au capitaine et aux habitants de Tours de, laisser entrer dans la ville aucunes personnes de son sang ou autres, excepté la reine de Sicile et le duc d'Alençon, jusqu'à ce qu'il ait été informé de leurs intentions[186]. Un peu plus tard, il fit dire par le capitaine Alain Haussart, venu en mission près de lui, qu'il recommandait aux habitants de prier Dieu et de faire prier pour lui, et de ne laisser entrer dans leur ville aucun des seigneurs de son sang étant à Chinon, ni personne de leurs gens, sans son commandement ou sans celui de la Reine[187].

Ce n'était pas sans raison que le Roi se préoccupait de cette réunion insolite de gens de guerre, se prolongeant de façon à jeter l'alarme au sein des populations. A Tours, dans les premiers jours de février, on envoya un messager à Chinon pour savoir si les trois comtes, qui se trouvaient là avec des troupes nombreuses, n'en délogeraient point bientôt, et de quel côté ils devaient se diriger. Il fut rapporté à la ville que les princes ne délogeraient point encore, et qu'ils attendaient la venue de la reine de Sicile à Saumur ou à Loudun, afin d'aller conférer avec elle[188].

Plus que jamais les princes persistaient dans leur dessein de révolte. A la date du 30 janvier 1428, fut signé un acte fort étrange, par lequel ils déclaraient qu'ayant su l'intention où était Jean de Blois, seigneur de l'Aigle, de leur faire grevance et desplaisir, ils s'étaient adressés au duc de Bretagne pour obtenir son assistance, et que, conformément à la demande à eux faite par ce prince, ils prenaient rengagement de ne pas employer contre le roi d'Angleterre et ses alliés les troupes que le duc de Bretagne pourrait mettre à leur disposition[189]. Pour forcer la main au Roi, les princes poursuivaient la tenue d'une assemblée d'États généraux, que Charles VII avait successivement prorogée du 16 novembre au 8 janvier et au 8 mars[190] ; ils provoquèrent même la réunion à Montluçon, pour le 18 mars, d'une assemblée préparatoire, ayant mission d'adresser au Roi une supplique pour qu'il convoquât les États généraux, et pourvût avec eux aux affaires de son royaume. Le 16 mars 1428, les habitants de Lyon désignaient les députés qui devaient se rendre à Montluçon, et auxquels ils donnèrent l'injonction formelle de ne traiter d'autre question que celle de la réunion des États[191]. En même temps, ils envoyèrent une ambassade au Roi, afin de lui faire part de la communication des princes, et de recevoir ses instructions, ne voulant agir que suivant son bon plaisir[192].

Mais l'initiative, à cette date, avait déjà été pris par le Roi. La campagne s'ouvrit par un coup hardi : Chinon fut occupé sans coup férir. En se rendant à Parthenay, le connétable avait laissé la garde de cette place au capitaine Guillaume Bellier, sur lequel il comptait : il ne s'attendait pas à l'intervention personnelle du Roi. Charles VII, arrivé à Blois dans les derniers jours de février, se porta sur Chinon vers le 1er mars[193], et adressa au capitaine une sommation à laquelle celui-ci n'osa résister. Madame de Guyenne, restée seule au logis, et qui se voyait à la discrétion du Roi, se montra fort alarmée. Elle fut bientôt rassurée : Charles la traita, ainsi que les gens de sa maison, avec une courtoisie toute chevaleresque ; il eut avec elle un long entretien, eu présence de tout son Conseil, où se trouvaient le sire de la Trémoille, Robert Le Maçon, l'archevêque de Reims, Guillaume d'Albret, les sires de Gaucourt et de Belleville, et lui offrit, soit de demeurer à Chinon, soit' de s'installer en telle autre place de son royaume qu'elle voudrait choisir, pourvu qu'elle n'y reçût pas le connétable. Mais la fille de Jean sans Peur répondit fièrement que jamais elle ne voudrait être en un lieu où elle ne pourrait voir son mari. Charles VII eut beau faire déployer à Regnault de Chartres toutes les ressources de son éloquence, Madame de Guyenne fut inflexible : elle fit répondre par le bailli de Senlis qu'elle persistait dans son refus. Elle obtint son congé, et se retira à Saumur, d'où, escortée par les Écossais, elle gagna Thouars, et alla rejoindre son mari à Parthenay[194].

Charles VII passa à Chinon, en compagnie de la Reine ; qui était venue le rejoindre, les mois de mars et d'avril et une partie du mois de mai. A peine installé, il adressa (5mars) une circulaire à ses bonnes villes pour leur enjoindre de se faire représenter à une assemblée des barons qu'il avait convoqués à Niort dans le but de faire cesser les pilleries[195]. La lettre se croisa avec celle du connétable dont il a été parlé plus haut. Le Roi n'attendit pas l'issue de l'assemblée de Montluçon pour convoquer les États à Chinon, à la date du 8 avril[196]. Cette réunion fut peu nombreuse : l'Anjou, la Touraine, le Berry et le Poitou y furent seuls représentés ; elle parait s'être prolongée pendant plus de quinze jours. Nous avons une lettre adressée par le Roi, le 13 avril, aux habitants de Lyon : elle nous apprend qu'il attendait à ce moment les députés qui venaient vers lui au nom de l'assemblée de Montluçon ; un conseiller de la ville de Lyon, Eynard de Villeneuve, qui avait le titre d'écuyer d'écurie du Roi, était encore à la Cour : Charles annonçait qu'il ne le ferait partir qu'après l'arrivée de cette députation. En retournant à Lyon, Eynard tomba aux mains du comte de Pardiac, qui le retint sous prétexte que, dans sa mission près du Roi, il avait desservi les princes, et il resta longtemps prisonnier. Cet incident émut vivement les habitants de Lyon, et donna lieu à d'actives démarches dont nous trouvons la trace dans les archives de cette ville[197].

Les comtes de Richemont, de Clermont et de Pardiac avaient la prétention de traiter avec le Roi de puissance à puissance. Mais ces négociations ne pouvaient aboutir : elles furent rompues peu après l'arrivée des députés venus de Montluçon. Le Roi ne tarda pas à faire ses préparatifs pour entrer en campagne. Le duc d'Alençon, qu'on voulait se rattacher étroitement, reçut un nouveau don de quatorze mille écus sur les deniers du premier aide qui serait octroyé par les États[198]. Le 20 mai fut signé à Tours, entre le duc et La Trémoille, en la présence et par ordre du Roi, un traité par lequel les deux contractants se juraient une fidélité et une affection inviolables, en s'unissant dans une alliance intime pour le service du Roi et le bien du royaume[199]. Au moment où Charles VII s'ébranlait, une tentative fut dirigée contre les Anglais qui occupaient le Mans : Guillaume d'Albret et le seigneur de Tucé furent chargés de cette expédition ; ils devaient ensuite rallier les garnisons du Poitou et les gens de Jean de la Roche pour rejoindre le Roi[200]. Celui-ci s'avança vers le Berry et s'établit à Loches (18 juin). Il y reçut un message du comte de Foix : Jean d'Aulon venait l'informer que le comte d'Armagnac ne bougerait pas[201]. Le 22, le Roi confirmait la prolongation des trêves avec le duc de Bourgogne, conclues (22 mai) par le duc de Savoie. Le 25, il donnait des gratifications à Gaucourt, à La Hire, à Xaintrailles et à d'autres capitaines[202]. Le 28, il signait des instructions à des ambassadeurs envoyés au roi de Castille, lesquels, entre autres charges, avaient mission d'insister pour qu'une prompte attaque fut dirigée par mer contre le duc de Bretagne[203]. Enfin, avant de quitter Loches, le Roi convoqua les États de Languedoil à Tours pour le 18 juillet[204], et donna l'ordre à ses bonnes villes de n'ouvrir aucunes lettres, de quelque part qu'elles vinssent, sinon les siennes[205].

Cependant les comtes de Clermont et de Pardiac, après s'être assuré l'adhésion de puissants seigneurs d'Auvergne, parmi lesquels figurait l'ancien premier chambellan Louis de Chalençon[206], s'étaient avancés vers Bourges, en compagnie du maréchal de Boussac. Ils comptaient sur les intelligences qu'ils avaient dans cette ville parmi les bourgeois. Les portes leur furent ouvertes, non seulement avec le concours des habitants, mais — ce qui était plus grave — avec la connivence de certains officiers du Roi. Dans une assemblée convoquée par les princes, on entendit l'exposé de ce qu'ils se proposaient de faire pour le très grand bien et la conservation de la seigneurie et de la ville[207]. Pleine approbation leur fut donnée. Le sire de Prie, grand pannetier de France, et le sire de Bonnay commandaient à Bourges au nom du Roi. Ce dernier, cédant au mouvement, donna son adhésion aux princes ; mais le sire de Prie refusa de reconnaître leur autorité et se retira dans la grosse tour, dont Philippe de Melun, seigneur de la Borde, était capitaine. Tous deux se disposèrent à attaquer la ville. De leur côté, les comtes de Clermont et de Pardiac investirent la tour : au début des hostilités, un trait vint frapper mortellement le sire de Prie[208].

A la première nouvelle de l'occupation de Bourges, le Roi, ayant assuré le ravitaillement de Loches, s'empressa d'accourir, escorté par sa garde[209], et accompagné de bon nombre de gens de guerre rassemblés à Selles et à Issoudun par le bâtard d'Orléans, le seigneur d'Orval, les sires de Gaucourt et de Villars, La Hire, Xaintrailles, Florent d'Illiers, etc.[210] Le vicomte de Turenne était également dans l'armée royale, avec un renfort qu'il avait amené[211]. Charles VII occupa le château, situé dans un faubourg de Bourges et voisin de la grosse tour. De là il envoya aux comtes de Clermont et de Pardiac une sommation d'évacuer la ville. Mais cette sommation resta sans effet. Les princes comptaient sur le concours du connétable ; ils lui avaient fait part de leur premier succès, et ils espéraient le voir arriver d'un moment à l'autre.

Le comte de Richemont s'était, en effet, mis en campagne, avec des gens de guerre que son frère s'était empressé de mettre à sa disposition[212] ; il trouva les passages si bien gardés qu'il fut obligé de faire un long détour ; il se dirigea sur Limoges, espérant gagner l'Auvergne par le Limousin. Mais Jean de Bretagne, sire de l'Aigle, occupait cette province à la tête d'un corps de troupes, et barra la route au connétable. Celui-ci, d'ailleurs, n'eut pas le temps de songer à s'ouvrir un passage à main armée : il fut arrêté par la nouvelle de la soumission des princes, qui ne tarda pas à lui parvenir[213].

L'énergique démonstration du Roi, la supériorité de ses forces avaient bien vite convaincu les princes que la lutte n'était point possible, et que mieux valait pour eux entrer en négociations. Toutefois ils n'entendaient pas faire une soumission sans conditions. Un curieux document, conservé aux Archives nationales, nous fait connaître leurs prétentions.

Les princes demandaient tout d'abord, en raison de la grande nécessité où l'on était, la convocation de l'assemblée den trois États représentant le corps public du royaume, afin, disaient-ils, que par le bon conseil du chef et corps, ensemble par la grâce du Saint-Esprit, laquelle reluit en toute congregation, et plus efficacement en une generale congregation qu'en une petite, on pût rétablir la paix et la tranquillité. Pour que cette réunion des États généraux produisît de bons résultats, il semblait nécessaire : 1° que le Roi bannît toutes indignations, ires (courroux) ou desplaisances, s'il en avait, à l'égard des princes de son sang, de leurs officiers ou serviteurs, et aussi de ses propres officiers, en même temps que contre tous ceux qui auraient prêté leur concours aux princes ; 2° que le sire de la Trémoille, le sire de Trèves (Robert Le Maçon) et tous les autres membres du Conseil se réconciliassent avec les princes, en déposant leurs ires et malveillances, à l'honneur de Dieu et du Roi, en compassion du pauvre peuple et au grand profit de la chose publique ; 3° que toutes desplaisances étant ainsi mises en oubli, une alliance fut de nouveau, par ordre du Roi, conclue entre les princes et les conseillers du trône.

Les princes réclamaient certaines garanties, ou manières de suretés, assurant la tenue des États généraux aux jour et lieu fixés, la sécurité dés communications, la liberté des délibérations, la stricte observation de ce qui aurait été conclu, d'un commun accord, par le Roi et les États. Dans ce but, ils indiquaient les mesures qui leur paraissaient devoir être prises. Ils priaient en particulier le Roi, afin de faciliter le concours de nombreux députés, d'insister, dans ses lettres de convocation, sur la réconciliation opérée entre lui et les princes du sang, d'une part, et entre les princes et les conseillers de la couronne, d'autre part. Relativement à la liberté des délibérations, ils proposaient que tout port d'armes fût interdit, sauf à ceux qui seraient assignés par le Roi pour la garde de l'Assemblée, lesquels devraient prêter serment de protéger les membres des États, de quelque condition qu'ils fussent, contre toutes violences, injures et oppressions de fait ou de parole. Quant à la dernière sureté, ils demandaient que la reine de Sicile et ceux qu'il lui plairait de désigner, fussent chargés de veiller à l'exécution des délibérations prises Et comme, disaient-ils, ce serait grande illusion à la chose publique et irrision (moquerie) à si haute et solennelle assemblée si la conclusion faite n'était fermement gardée, au moins durant le temps fixé par le bon plaisir du Roi, en considération de la présente et extrême nécessité, il leur semblait désirable que le Roi, de sa grâce et humaine justice, donnât dès à présent des lettres assurant l'inviolable observation de cette clause, afin que, sans le moindre délai, les puissances du Roi et des seigneurs pussent être exploitées, par la volonté et ordonnance du Roi, d'un commun accord, au bien de la seigneurie et de la chose publique.

Enfin les princes exprimaient la pensée que ce serait chose honorable au Roi et à ceux de son sang que, les choses étant ainsi accordées et affermies par le bon vouloir et ordonnance du Roi, le comte de Clermont, le connétable et le comte de Pardiac pussent, par son bon plaisir, venir vers lui, là où bon lui semblerait, en leur état accoutumé, pour démontrer obéissance et amour au Roi leur seigneur souverain, à la consolation du Roi, de sa seigneurie, et de tous ceux qui bien lui veulent. Les trois princes pourraient de la sorte, en présence des États, confirmer personnellement toutes les choses susdites, et aviser, avec les seigneurs et autres du Conseil du Roi, à ce qui serait soumis aux délibérations de l'assemblée[214].

Le Roi ne fit aucune difficulté : il accueillit les requêtes des princes, et leur donna des lettres d'abolition, datées du chasteau lez nostre dicte ville de Bourges, le 17 juillet. Dans ces lettres, il faisait l'exposé des faits. On lui avait donné à entendre que les comtes de Clermont, de Richemont et de Pardiac voulaient entrer dans Bourges pour y exercer leur autorité ; il avait, soit par lettres patentes ou closes, soit par messagers et commissaires, fait défense de leur donner entrée. Malgré cela, par l'aide et faveur de certains habitants, par la tolérance des autres, les comtes de Clermont et de Pardiac s'étaient introduits dans la ville. De là des voies de fait et des actes d'usurpation qui avaient motivé l'intervention royale. Mais le Roi, — voulant accueillir favorablement les raisons mises en avant par les comtes de Clermont, de Richemont et de Pardiac, et aussi par le roi Jacques et par le comte d'Armagnac, lesquels avaient adhéré à ce qui s'était fait, en même temps que par plusieurs notables prélats, seigneurs et barons, officiers ou serviteurs du Roi et des princes, et par les habitants de Bourges, lesquels s'étaient entremis, et qui, bien reverement, ont remontré au Roi leur bonne et vraie intention et le grand bien qu'ils sont en volonté de faire ; considérant la prochaineté de lignage des princes, qui autorisait à ne point croire que, pour rien, ils voulussent courrousser le Roi, aussi bien que les grandes et honorables offres et soumissions par eux faites de s'employer, comme ils y sont tenus, au relèvement du royaume, et la faculté qu'ils ont de le faire tant par eux-mêmes que par leurs parents, amis et alliés ; ayant égard enfin à la grande, loyale et vraie obéissance dont avaient toujours fait preuve les officiers, bourgeois et habitants de la ville de Bourges, — déclarait ôter de son cœur et de sa pensée la déplaisante et malveillance qu'il pouvait avoir eue au sujet de l'entrée des princes à Bourges et de tout ce qui était advenu ; il abandonnait à ses cousins ce qu'ils pouvaient avoir perçu sur l'émolument des monnaies et des greniers, et leur donnait, ainsi qu'à tous ceux qui avaient participé aux faits survenus, pleine et entière abolition, promettant en parole de Roi de ne jamais aller ni venir au contraire, en quelque manière que ce fût[215].

Le Roi fit aussitôt son entrée dans Bourges[216]. Grâce aux avances d'argent que lui fit La Trémoille, il se montra libéral envers ses capitaines. Dès le 22, il adressa à ses bonnes villes des lettres de convocation pour les États généraux, dont la date avait été fixée, d'un commun accord, au 10 septembre. Dans cette circulaire, le Roi faisait allusion à unité et bonne amour qui existait désormais entre lui et les comtes de Clermont et de Pardiac, qui, ainsi que le duc d'Alençon, l'entouraient et l'assistaient de leurs conseils ; il convoquait les représentants de tous les pays de son obéissance, tant de Languedoil que de Languedoc et du Dauphiné ; il annonçait qu'il appellerait l'assemblée à délibérer sur les grandes affaires de son royaume ; enfin il déclarait que chacun des députés aurait pleine liberté de dire loyalement tout ce que bon lui semblerait, pour le bien des besognes[217].

Le jour même où Charles VII, se conformant aux vœux exprimés dans le mémoire des princes, convoquait en ces termes les États généraux de tout le royaume,' La Trémoille signait un pacte d'alliance avec le comte de Clermont[218] ; il se séparait ainsi définitivement de son beau-frère le connétable, qui, loin de chercher à se rapprocher de la Cour, se lançait en ce moment même dans une guerre contre Jean de Penthièvre, sire de l'Aigle, Jean de la Roche, et d'autres lieutenants du Roi[219]. Le connétable ignorait-il donc que, le 24 juin précédent, le comte de Salisbury était débarqué à Calais, à la tête d'un corps d'armée destiné à conquérir les provinces du centre ? Mais Richemont n'écoutait plus la voix du patriotisme et de l'honneur : il n'obéissait qu'à dès ressentiments personnels. Ce n'est que lorsque la victoire aura donné comme une consécration nouvelle au pouvoir de Charles VII ; qu'on verra le connétable reparaître sur la scène et revendiquer l'honneur de combattre les Anglais.

C'est au moment le plus critique pour la royauté française qu'allaient se tenir ces grandes assises où, spectacle inusité, on devait voir siéger les représentants des provinces les plus éloignées, qui d'ordinaire ne se réunissaient que dans des assemblées particulières. Une première fois les États de Languedoil et de Languedoc avaient été convoqués à Montluçon, à la date du 22 octobre 1424 : il s'agissait alors de l'union des princes de la Maison de France, et l'on sollicitait le concours des députés pour parvenir à l'heureuse conclusion des grandes et hautes matières ouvertes et encommencées touchant le bien et réunion de la seigneurie et des sujets du Roi, et l'appaisement des divisions qui avaient régné jusque-là à ses très grands préjudice et déplaisance. Mais, alors, on avait dû scinder la réunion : les États de Languedoil s'étaient tenus à Poitiers en octobre, et les États de Languedoc le mois suivant, à Riom. Une seconde fois, quand il s'était agi de consacrer le traité de Saumur et d'inaugurer définitivement le gouvernement du connétable de Richemont (octobre 1425), les États généraux du royaume avaient été convoqués à Poitiers ; mais, encore une fois, il y avait eu deux sessions distinctes : l'une à Poitiers pour les États de Languedoil, l'autre à Mehun-sur-Yèvre pour les États de Languedoc. Cette fois, la réunion plénière eut lieu : elle fut tenue, non dans la ville de Tours, située trop près du théâtre où les Anglais avaient transporté la guerre, mais à Chinon, à la fin d'octobre 1428. Cette imposante assemblée, qui emprunte à la gravité des circonstances politiques un caractère exceptionnel, mérite de fixer ici notre attention.

La reine de Sicile s'était rendue à Chinon, ainsi que deux princes du sang, le jeune duc d'Alençon et le comte de Vendôme. L'assemblée paraît avoir été ouverte vers le 15 septembre[220]. Elle accorda aussitôt au Roi une aide de cinq cent mille francs, dont trois cents pour les pays de Languedoil et deux cents pour les pays de Languedoc : cette somme était votée dans le but de permettre au Roi de résister aux Anglais, qui occupaient avec toute leur puissance les rives de la Loire[221], et de pourvoir aux autres affaires de l'État. Par une délibération spéciale à leur ordre, les gens d'Église ordonnèrent que chaque vendredi serait faite, dans toutes les églises notables du royaume, une procession solennelle pour la prospérité des armes du Roi, et ils consentirent au paiement de l'aide par leurs hommes et vassaux sans préjudice de leurs privilèges. Les députés des pays de Languedoc adressèrent verbalement leurs requêtes au Roi ; elles furent ensuite formulées dans un cahier qui nous a été conservé[222], et qui paraît conforme au cahier des représentants des pays de Languedoil. C'est donc comme un écho de la voix de la France entière qui retentit à Chinon, en cet instant suprême, et cette manifestation offre un grand et émouvant spectacle.

Les députés supplient le Roi de leur accorder des lettres constatant que leur venue lui a été agréable, et qu'il tient les absents pour excusés.

Ils demandent qu'il plaise au Roi, pour le bien et conservation de sa seigneurie, et pour parvenir au recouvrement d'icelle par toutes les voyes et moyens possibles, de réunir autour de lui tous les seigneurs de son sang et de sa parenté.

Ils sollicitent le Roi de vouloir bien entendre, par tous les bons moyens possibles, à la paix de monseigneur de Bourgoigne, et trouver manière de le rejoindre et unir à sa seigneurie.

Un autre article est relatif au connétable : la requête des députés devait être faite de bouche, et elle avait été omise. On demande, conformément à l'avis et délibération du Conseil de Languedoil, qu'il plaise au Roi attraire par devers lui, en bon amour et obéissance, et en son service, monseigneur le connestable ; et, pour cela, de continuer les ambassades et traités qui ont été commencés.

On demande encore au Roi de donner provision d'avoir un bon chef de justice, de pourvoir de bonnes et notables personnes aux offices touchant le fait de la justice et aux autres offices ; d'établir l'unité dans les monnaies, de révoquer toutes aliénations de son domaine ou de ses revenus, de faire cesser toutes pilleries et roberies, qui detruisent et gatent tout le peuple et la chose publique de tout le royaume, en corps et en biens ; de lever les prohibitions existant sur le transport des marchandises hors du royaume.

Beaucoup de requêtes sont spéciales au Languedoc, et nous n'avons point à nous en occuper ici. Notons seulement celles qui ont trait à la réduction de la somme accordée au Roi et aux termes des paiements ; à la dispense de siéger dans une assemblée convoquée pour le far mars 1429 ; aux impositions à mettre en Languedoc, et qui devraient toujours être soumises à l'approbation des États ; aux divers modes de perception, etc.

Les députés terminent en demandant qu'il soit délivré des lettres patentes relativement aux articles de leurs cahiers.

Le document qui contient les doléances des députés de Languedoc offre également le texte des réponses du Roi, lesquelles furent données à Chinon, le 11 novembre 1428, sous forme authentique, et après délibération du Conseil. La plupart de ces réponses expriment un consentement sans réserve aux demandes formulées.

En ce qui concerne les princes, le Roi se borne à dire que les députés savent la bonne réponse que le Roi leur a sur ce faite.

Pour la paix avec le duc de Bourgogne, le Roi s'en réfère aussi à la réponse donnée verbalement, et il fait allusion aux diligences qui sur ce ont été faites.

Sur le retour du connétable, la réponse est ainsi conçue : Par le Roi ni par ceux qui sont autour de lui n'a tenu ni ne tiendra, et en ont été faites grandes diligences, comme il leur a été exposé, et encore sera fait.

Quant aux autres points, on se borne à dire : Il plaît au Roi, ou Il a été fait, ou Il le fera de tout son pouvoir.

Relativement aux sacrifices d'argent que les députés voudraient voir restreindre, il est répondu : Le Roi a toujours eu et aura compassion de son peuple ; mais à présent chacun sait sa nécessité et celle de la seigneurie, par quoi doucement ils doivent être enclins à le secourir et à payer la dite aide à plus brefs termes.

Enfin, quant à la dispense demandée pour la présence des députés à l'assemblée du 1er mars et à l'exemption de contribuer aux charges, en dehors des termes de paiements fixés, jusqu'au mois de septembre 1429, le Roi répond : Il ne se peut faire, attendu l'état de la seigneurie.

D'après un document cité par Dom Vaissète, les États sollicitèrent encore. le Roi de faire appel au roi de Sicile, au roi Jacques, aux comtes de Clermont, d'Armagnac, de Pardiac, de Foix et d'Astarac, et au sire d'Albret, pour venir le servir, en cette extrémité, avec toutes leurs forces[223].

C'est au milieu des craintes les plus vives, des plus poignantes angoisses que fut tenue cette réunion d'États généraux qui se prolongea pendant six semaines, Déjà maîtres d'un faubourg d'Orléans, les Anglais assiégeaient cette ville depuis le 12 octobre. On a prétendu que le Roi, tout entier à ses plaisirs, négligeait alors les intérêts de l'État, et qu'il ne fit rien pour secourir Orléans. Nous verrons plus loin s'il est vrai qu'il ait cherché dans les divertissements et dans les frivolités une diversion à ses malheurs. Ce que nous devons constater — et cela est mis hors de doute par les documents contemporains, — c'est la sollicitude déployée pour venir en aide à la ville qui semblait être le dernier boulevard de la monarchie. Charles VII met à son service les capitaines les plus expérimentés[224], il fait venir des artilleurs des divers points du royaume, il envoye son propre chirurgien pour soigner les blessés[225], il s'occupe sans relâche d'assurer la solde des troupes[226], il entretient des rapports assidus avec les chefs préposés â la défense : le bâtard d'Orléans, Graville, La Hire, Xaintrailles, Villars, etc., qui viennent le trouver à Chinon ou reçoivent de lui de fréquents messages[227] ; enfin, il fait au duc de Bourgogne des ouvertures de paix[228], et va même — comme nous le verrons plus loin — jusqu'à sacrifier une de ses meilleures provinces pour obtenir de ses alliés un secours permettant de faire face au péril. Tandis que La Trémoille, tout en prêtant de grosses sommes au trésor[229], poursuit le cours de ses dilapidations et de ses intrigues[230], le Roi est tout entier aux soins de la défense, car, malgré l'inégalité de la lutte, il conserve encore bonne affection et espérance en Dieu[231].

Mais la journée des harengs porte le dernier coup à sa fortune ; sa tristesse est à son comble, car il voit de toutes parts, selon la remarque de Monstrelet, ses besognes venir au contraire et persévérer de mal en pis[232]. Le connétable, sans s'émouvoir des périls de la couronne, continue à guerroyer en Poitou contre les gens du Roi[233]. Charles est abandonné par la plupart des princes et par les plus notables seigneurs, qui regardent sa cause comme perdue[234], et il est bien près de s'abandonner lui-même. C'est alors que surgit la pensée d'une retraite et que les résolutions les plus désespérées sont agitées. Le Roi avait déjà dit-on, songé à aller s'embarquer à La Rochelle pour chercher un refuge en Écosse[235]. Au moment où Orléans est à la veille de succomber, où l'on ne peut plus compter sur aucun secours humain, car selon l'expression d'un contemporain, on est quasi du tout au bas, la plupart sont d'avis qu'il n'y a qu'un parti à prendre : se retirer en Dauphiné, et là en attendant la grâce de Dieu, défendre pied à pied le Lyonnais, l'Auvergne et le Languedoc[236]. Quelques-uns se demandent même si le Roi, recueillant ses objets les plus précieux et faisant argent de tout, ne doit point aller demander un asile au Roi de Castille. D'autres proposent de faire la part du feu, et, pour conserver intacte une partie du royaume, d'abandonner le reste à l'ennemi[237].

Voilà donc à quelles extrémités se trouve réduit le descendant d'une race qui au neuvième siècle avait contenu les flots de l'invasion normande, qui sous Hugues Capet et ses successeurs avait fondé l'unité nationale, qui avait préservé la France de l'invasion allemande sous Philippe-Auguste, et lutté victorieusement sous saint Louis et Charles V contre l'invasion anglaise ! La France est-elle désormais condamnée au démembrement ? va-t-elle être réduite au simple rang d'une province anglaise ? Au milieu de ces perplexités, Charles VII refuse de céder aux timides conseils de son entourage : il a foi dans la Providence ; par ses larmes et par ses prières, il espère fléchir la colère divine[238], et il attend de Dieu le salut qui ne peut plus lui venir des hommes.

 

 

 



[1] Voir les détails et les sources plus loin, au chapitre XII.

[2] Chartes royales, XIV, n° 35.

[3] Cousinot, p. 237 ; Discours de Jean Jouvenel des Ursins, Ms. fr. 2701, f. 45.

[4] La reine de Sicile, dans sa lettre aux Lyonnais en date du 28 juin 1425, indique bien le but que l'on devait atteindre, grâce au concours du connétable : Pourveoir aux choses necessaires au relevement de ce royaume et union des seigneurs du sanc de mondit seigneur, mettre sus justice, et osier toutes roberies et pilleries. Revue du Lyonnais, 1859, p. 333.

[5] C'est l'expression dont se sert Cousinot le chancelier, dans sa Geste des nobles (p. 199).

[6] Lettres du 9 novembre 1425. Il reçut en outre un don de 3.000 livres, par lettres du 3 décembre, sur les 12.000 livres supplémentaires accordées par les États de Mehun.

[7] 1.000 l. t. à l'évêque de Lodève, membre du Conseil de Languedoc (19 novembre) ; 1.000 l. à Artaut, sire de Lucé (4 décembre) ; 1.000 l. à Jean Rogier de Comminges, seigneur de Terride (15 décembre) ; 600 l. à Peroton Ysalguier (1er et 3 décembre) ; 400 l. à Gaston de Caumont, seigneur de Lauzun (20 décembre) ; 600 l. à l'évêque de Pamiers (22 décembre) ; 100 l. à Jean de Navailles, écuyer d'écurie du comte (20 janvier 1426).

[8] Lettres du 9 novembre 1425. Par lettres du 30 décembre 1425, il reçut en outre 4.000 livres.

[9] Lettres du 13 novembre 1425 et du 9 février 1426.

[10] 600 l. le 14 novembre ; 500 l. le 26 novembre ; 1.500 l. le 3 décembre ; 2.000 l. le 16 décembre 1425.

[11] 2.000 l. le 3 décembre ; 4.000 l. le 20 décembre ; 500 l. le 10 février 1426.

[12] Lettres du 1er décembre 1425.

[13] Lettres du 3 décembre 1425, portant paiement d'une somme totale de 12.000 l. t. à diverses personnes ; lettres du 18 février 1426.

[14] Lettres du 6 décembre 1425.

[15] Lettres du 17 décembre 1425.

[16] Lettres du 6 février 1426.

[17] Lettres du 17 février 1426.

[18] Lettres du 7 janvier 1426.

[19] Lettres du 26 novembre 1425.

[20] Lettres du 18 novembre 1425.

[21] Considerans la grant loyauté et entière volonté et affection que nostre dit cousin a tousjours eue, et dès son enfance, à feu nostre tres chier seigneur et pere, dont Dieu ayt rame, à nous, et à la couronne de France, et les grans, notables et profitables services par luy fais à feu nostre dit seigneur et pere et à nous, tant au fait de nos guerres comme autrement en plusieurs et diverses manières, specialemenl tantost après nostre parlement de Paris et du temps de nostre regence, au recouvrement de nostre pais de Languedoc que aucuns occupoient et tenoient sous fausses et exquises voyes, couleurs et occasions, en rebellion et desobeissance, à l'encontre de nous ; lesquels, par son sens, travail, peine, vaillence et diligence, il jetta hors de nostre dit pais de Languedoc, et iceluy nous rendit et delivra en bonne et vraye obeissance, comme encores il est de present ; considerant aussi la fervente, cordiale et singulière amour qu'il a à nostre personne.... lesquelles choses devons et bien les voulons envers lui recognoistre. Doat, 214, f. 249 v°.

[22] Au comte de Vendôme (6 janvier 1426) ; à Guillaume, seigneur de Gamaches (17 janvier) ; à Le Camus de Beaulieu (18 janvier).

[23] Archives de Lyon, AA 68.

[24] Catalogue des actes.

[25] Il revint quelques mois plus tard, en décembre 1426. Voir Lecoy, t. I, p. 50.

[26] Lettres abandonnant au duc le profit de la traite de 600 pipes de vin. Clairambault, 123, p. 533. Les considérants sont à noter : le Roi invoque les grans, plaisirs et aides que nostre dit frère nous a fais en plusieurs et diverses manières, et fait chascun jour.

[27] Ordonnances, t. XIII, p. 117.

[28] Lettres indiquées par le P. Anselme, t. VII, p. 71.

[29] Lettres indiquées par le P. Anselme, t. VI, p. 345.

[30] Chronique de Cousinot, p. 237. Cousinot le chancelier dit aussi, dans la Geste des nobles (p. 200), en parlant de Giac : Qui plus ot auctorité que nul autre entour le Roy.

[31] Jean Chartier, t. I, p. 54.

[32] Cousinot, p. 239 ; Gruel, p. 384-85.

[33] Gruel, p. 384-85.

[34] Ces faits ont été exposés déjà par M. Vallet de Viriville d'après une communication de M. Crouzet (Nouvelle biographie générale, art. LE MAÇON, et Histoire de Charles VII, t. I, p. 450). Les pièces visées, et en particulier un arrêt du Parlement en date du 9 mai 1439, se trouvent aux Archives nationales, sous la cote M 450.

[35] Bodin, Recherches historiques sur Saumur, t. I, p. 236.

[36] Il faut rapprocher de ces lettres, données au Bourg-Dieu, et dont l'original se trouve dans le dossier BARBAZAN (Pièces originales, 187), d'autres lettres du même jour portant don de 200 l. t. à Gaillardet de Sorea, écuyer, serviteur de nostre ainé et feal conseiller et premier chambellan le sire de Barbazan, pour l'aider à supporter les frais qu'il a eus en pourchassant la finance dudit premier chambellan. Cabinet des titres, SOREA. Barbazan donna, le 25 juin suivant, quittance de 3.000 l. sur les 6.000.

[37] Les lettres sont à Londres, au British Museum, Additionnal Charters, n° 3594 (voir Bibliothèque de l'École des chartes, t. VIII, p. 141) ; elles sont visées dans une quittance de 6.000 livres, donnée par Gaucourt le 3 juin 1427. Pièces originales, 1292 : GAUCOURT.

[38] Lettres du 14 mars 1426, portant reçu de 14.000 livres du duc et de la duchesse de Bourbon, et contenant l'indication de l'emploi de cette somme. Archives, P 13671 cote 1547. — Par lettres du 18 février 1426, le Roi confirmait, en faveur de la dame de Mirandol, ses lettres du 20 février 1425, qui n'avaient point reçu d'exécution. Pièces originales, 1763 : LOUVET.

[39] Il avait épousé Jeanne de Séverac, fille de Guy, baron de Séverac, frère aîné du maréchal, et de Jeanne Dauphine d'Auvergne. D. Villevieille, Trésor généalogique, IV, f. 55 v°.

[40] Voir Archives, X2a 18, f. 2 v° ; 9197, f. 213 v°, 276, 308 v°-309.

[41] Cousinot, p. 235-36.

[42] Archives, X2a 21, au 16 mars 1426, n. st. ; D. Villevieille, Trésor généalogique, IV, f. 50, et XXVI, f. 52 ; Gaujal, Études sur le Rouergue, t. II, p. 289-92, et t. IV, p. 131.

[43] Lettres du 20 juillet 1426.

[44] Lettres du 29 juillet 1426.

[45] Lettres du même jour, indiquées dans une quittance de 1434. Clairambault, 205, p. 8779.

[46] Le comte avait épousé en secondes noces Jeanne d'Albret, fille de Marie de Sully comme La Trémoille.

[47] Cousinot, p. 238.

[48] Lettres du 28 août 1426.

[49] Lettres du 14 décembre 1426.

[50] Lettres du 23 octobre 1426.

[51] Lettres du 16 novembre 1426.

[52] Lettres du 12 novembre 1426.

[53] Lettres du 16 décembre 1426.

[54] Le premier document où se trouve cette désignation porte la date du 12 novembre 1426.

[55] Lettres de 1426, visées par le P. Anselme, t. VII, p. 69.

[56] Lettres du 28 novembre. P. Anselme, t. VII, p. 57.

[57] Olivier de la Marche, éd. du Panthéon littéraire, p. 353.

[58] Lettres du 23 janvier ; plusieurs lettres des 27 et 28 janvier 1427.

[59] Lettres du 13 janvier 1427 et quittance du 16 mai suivant, signée La Hire. Cabinet des titres : VIGNOLES.

[60] Indiquées dans la quittance du 27 janvier 1427. Cabinet des titres : STUART.

[61] Voir aux Pièces justificatives.

[62] Archives, J 216, n° 20A, et X1a 8604, f. 100 ; Brasseur, Histoire du comté d'Évreux, preuves, p. 119.

[63] Archives de Tours, Registres des délibérations, IV, au 16 et 19 janvier 1427.

[64] Lettres du 23 janvier 1427. Clairambault, 957, p. 83.

[65] Le sire de Villars et Bernard Albert. Archives de Tours, l. c., au 1er février 1427.

[66] Lettres du 19 janvier 1427, révoquant Alexandre Le Boursier et Jean de La Barre de leur office de généraux conseillers sur le fait des finances en Languedoc, et leur interdisant l'exercice de leurs fonctions, au profit de l'évêque de Laon, seul et pour le tout. Ms. fr. 20936, f. 111. — Par lettres du 29 janvier, le Roi donna à l'évêque 2.000 l. t., en récompense de ses services, et pour le dédommager des frais qu'il avait eus à supporter pendant son séjour à la Cour, depuis le mois de juillet. Ms. fr. 20883, f. 47.

[67] Lettres du 29 janvier, portant don de 3.000 l. t. au comte de Foix (Ms. fr. 20587, f. 33) ; lettres du même jour, portant don de 3.500 l. t. en remboursement de sommes par lui données, pour le service du Roi, à divers capitaines : 200 l. au comte d'Astarac ; 500 au sire de Coaraze ; 600 au sire de Mauleon ; 250 au sire de Lavedan, etc. (Ms. fr. 20594, pièce 24). Lettres du même jour, portant ordre de paiement de 2.000 l. au comte de Comminges, pour partie de 4.000 l. à lui données en récompense de ses services (Fontanieu, 115-116).

[68] Le 1er février 1127, on recevait à Tours des détails sur l'accueil fait par le connétable aux vives remontrances présentées par Léonard Champenays, chanoine de Saint-Martin, au nom de la ville, relativement à l'installation du comte de Foix et de ses gens. Le connétable avait dit en propres termes au chanoine : Il y a un seigneur qui s'en va d'avec le Roi ; attendez son partement, et l'on y besognera mieux. Archives de Tours, Registres des délibérations, IV, au 1er février 1427.

[69] Gruel (p. 364) met seul le connétable en scène ; Cousinot (p. 339) nomme La Trémoille avec le connétable ; Berry désigne en outre le sire d'Albret.

[70] C'est ce que dit Gruel ; il excepte le comte de Clermont et le comte de Foix ; mais celui-ci était déjà parti pour le midi.

[71] La date est fixée par les Registres de Tours (Délibérations, vol. IV, au 12 février 1427 : Et a dit le dit Masse, que sepmadi dernier (8 février) le dit monseigneur le connestable fist prendre le sire de Clac, principal gouverneur du Roy, et le fist emmener ne scet en quel lieu.

[72] Ce fait nous est expliqué par la situation à la Cour de sa femme, Catherine de l'Isle Houchard, qui était dame de la Reine.

[73] J'ai publié, dans mon étude sur le Caractère de Charles VII, un curieux récit de l'arrestation de Giac, tiré de lettres royales du 3 mars 1438, conservées dans les archives du duc de la Trémoille.

[74] Et tellement que le dit de Giac, non pensant le mal qui lui estoit advenu, fist ouvrir l'uys de sa chambre, cuidant que le dit de la Tremoille venist veoir sa femme au lit, ainsy que autres foiz avoit fait... (Lettres royaux.)

[75] Gruel, p. 365. D'après l'écuyer du connétable, on pourrait croire que sou maitre monta lui-même, et fit forcer la porte ; mais le récit des lettres royaux nous parait plus vraisemblable.

[76] Atout une robbe, sans pourpoint, chausses, ni chapperon (Lettres royaux). Berry dit : Sans estre chaussé ny vestu, sinon d'un manteau et d'une bote qu'il avoit chaussée. Gruel : Il n'avoit que sa robe de nuit et ses bottes.

[77] Et l'emmenerent hors d'icelle ville (d'Issoudun), et de là à Dung-le-Roy, disent les lettres royaux, confirmées par Gruel. Pourtant, d'après Cousinot et Berry, il aurait été conduit à Bourges avant d'être enfermé à Dun-le-Roi. — Dun faisait partie du douaire de la comtesse de Richemont.

[78] Et prindrent et emporterent sa vaiselle et ce que bon trouveront en la dicte chambre. (Lettres royaux.) — Et madame sa femme se leva toute nue, dit Gruel ; mais ce fut pour sauver la vaisselle. — Berry dit aussi que la dame de Giac était en son lit toute nue. M. Vallet fait remarquer (t. I, p. 453 note) que l'usage général était encore, au quinzième siècle, de dormir tout nus et sans chemise. La chemise était un vêtement de jour.

[79] Raoulet, p. 189.

[80] Ne demandez pas si le Roy fut bien courroucé (Gruel). Cf. Geste des nobles, p. 200, et Chartier, t. I, p. 22-23 et 54.

[81] Original, Archives de Lyon, AA 77. Cette lettre fait partie des documents publiés en 1859 dans la Revue du Lyonnais. — Le connétable écrivit également dans le même sens aux habitants de Tours ; nous voyons dans les Registres des délibérations (III, f. 195 v°, et IV aux 16 et 27 février 1427) que le 16 février, ceux-ci ayant reçu de lui une lettre faisant mencion de la prinse et execucion du sire de Giac, envoyèrent vers leur archevêque pour avoir son avis sur ce qu'ils devaient faire sur le contenu esdictes lettres, qui, disaient-ils, estoient bien poisentes.

[82] Cette lettre était arrivée à Lyon le 16 février : Pour ce qu'ilz ont esté trop petit nombre, ilz n'ont osé ouvrir les lettres de monseigneur le connestable, lit-on dans les Registres des délibérations (BB 11, f. 36 v°). On remit au lendemain, après avoir décidé que l'on remande conseillers vieux et nouveaux, et notables gens. Ce fut le 18 qu'on se réunit, sans prendre encore de détermination, vu le petit nombre des conseillers présents. Enfin, le 20, on put délibérer. La nouvelle lettre du connétable, en date du 11, était arrivée sur ces entrefaites ; on en parle dans la délibération, dont les termes sont ainsi conçus : Ilz ont conclus que incontinent l'on envoye par devers monseigneur le connestable touchant les IIm IIIc fr. qu'il demande ; car l'on ne povoit avoir meilleur marchié et plus grant rabais maintenant, que qui attendroit que la division qui est maintenant feust accordée. A quant aux lettres de l'exequcion de Gyacb, que l'on s'assemble avec monseigneur de Lion, les gens d'eglise et monseigneur le bailli, avec lesqueulx se fera la conclusion que sera de fere sur ce ; et que pour ce fere les conseillers eslisent cinq ou six notables et saiges, qui poursuivent et conduisent la dicte assemblée pour la response des dictes lettres. Archives de Lyon, BB Il, f. 37 ; Revue du Lyonnais, l. c., p. 33748.

[83] Le 23 février, Jean Violet acceptait de se rendre près du connétable, et jurait de non y fere autre chose que le fait de la ville. Il partit le vendredi 28, porteur de lettres des Lyonnais, datées du 28. Archives de Lyon, BB II, f. 37 v° ; Revue du Lyonnais, l. c., p. 338-40.

[84] Lettres visées ou reproduites dans la Revue du Lyonnais, l. c., p. 340-41.

[85] Et pour retire que le dit de Giac fut ainsi mort et nayé, le dit de La Tremoille estoit sailly de nostre dicte ville de Bourges et venu au plus près de là où il fut nayé, et se pourmenoit ilec à cheval en attendant nouvelles de la mort du dit de Giac. Lettres royaux. Cf. Gruel, Cousinot et Berry ; Chartier, Chronique latine, p. 22, et Chronique française, p. 54.

[86] C'est ce que Tacite (Hist., I, VII) dit de Galba : Quoquo modo acta quia mutai non poterant comprobasse.

[87] Puis après tout le monde s'embesoignoit à faire l'appointement (Gruel). — Et disoit-on que Gyac gouvernoit mauvaisement et ne souffroit pas que ceulx de son sang vinssent autour de lui ; qui fut cause de le faire mourir, et que aussi toute sa vie il avoit esté Bourguignon (Raoulet, p. 190). — L'accusation relative aux princes du sang est étrange, car nous avons vu que, pendant toute la durée de la faveur de Giac, la reine de Sicile, le comte de Clermont, le comte de Vendôme, les comtes de Foix et de Comminges n'avaient pas cessé d'être près du Roi.

[88] Mais le Roy, bien informé du gouvernement et vie dudit Giac, fut très content (Gruel). — Mais aprez ce qu'il eult esté informé du fait dudit Giac, fut content dudit connestable (Chartier).

[89] Archives de Lyon, AA 77 ; publié dans la Revue des Lyonnais, p. 342.

[90] Archives d'Orléans, Compte d'Étienne de Bourges. Communication de M. Boucher de Molandon.

[91] Le connétable, poursuivant ses revendications près des Lyonnais, leur envoya Jean de Dijon, qui exposa sa créance au conseil de ville le 27 mars. Il s'agissait du paiement de 2.200 I. t., d'une part, et de 500 1. t. de l'autre (BB II, f. 39). On fut assez longtemps en pourparlers à ce sujet, et les conseillers s'efforcèrent d'en être quittes moyennant 800 fr. à paier aux plus longs termes que l'on pourra prendre (f. 39 v°). L'envoyé du connétable consentit à rabattre 1.100 fr., mais il fallait payer comptant les 1.100 fr. restant sur les 2.200. La ville décida de laisser les choses en l'état (délibération du 31 mars), et d'envoyer porter au connétable une supplication bien dictée, narrant les povretés et charges de la ville, et aussi l'offre faicte audit Dijon (f. 40). Le 15 avril, on offrit 800 fr. payables à la Saint-Michel, et, par une lettre reçue avant le 6 juillet (f. 43), Richemont accepta cet arrangement.

[92] Sans doute, d'après M. Marchegay, Jeanne de Braque, veuve de Jean Lourdin, capitaine des royaumes de Naples et de Sicile.

[93] Bulletin de la Société archéologique de Nantes, 1868, t. VIII, p. 240, publié par M. Marchegay, d'après l'original, Ms. fr. 2920, f. 2.

[94] Bulletin de la Société archéologique de Nantes, 1868, t. VIII, p. 240, d'après l'original, Ms. fr. 2931, f. 27.

[95] Lettres du 21 mars. Voir quittance du 26 mars, Clairambault, 149, p. 3491.

[96] Chronique d'Estienne Médicis, bourgeois du Puy, t. II, p. 193.

[97] Clairambault, l. c.

[98] Par lettres des 18 janvier et 17 février 4426, il avait reçu : 1° 100 l. pour acheter un cheval ; 2° 300 l. à titre de don (Pièces originales, 583 : CAMUS). Il était en juillet 1420 dans la compagnie du vicomte de Narbonne, et en juin 1421 au nombre des écuyers employés, sous le commandement de Pierre Frotier, à la garde de la personne du Roi (Clairambault, 80, p. 6268, et 112, p. 8723). C'est lui qui figure, comme signataire de plusieurs ordonnances (15 février 1426, 19 mars et juin 1427), sous le nom de seigneur de Beaumont.

[99] C'est ce que dit formellement Jean Chartier, dans sa Chronique latine : Dictus illico conestabularius Symum de Saulieu ut in regis curie auctoritate premineret ac regni comodius regimen possideret, regi serenissimo obtulit. Bulletin de la Société de l'histoire de France, 1857-58, p. 238. Cf. édit. de Jean Chartier, t. I, p. 23.

[100] Et lors, dit Cousinot (p. 239), un escuyer nommé Le Camus de Beaulieu se mit près du Roy.

[101] Berry, p. 374.

[102] Après icelle mort le dit de la Tremoille n'osa venir par devers nous en nostre chastel de Meung, où nous estions, sans avoir grans semiez et promesses de nous et d'antres seigneurs de nostre sang, et d'autres notables gens qui lors estoient entour nous, que ne le ferions prendre, detenir, ne faire aucun dommaige pour occasion duldit cas. Lettres du 3 mars 1438, déjà citées.

[103] Et peu de jours après, le dit de la Tremoille se transporta en nostre dit chastel de Meung devers la dicte Katherino de l'Isle, où elle monstroit encores faire le deul de son dit mary ; et combien qu'elle sceust certainement qu'il estoit cause et principal de faire mourir son dit mary, toutesfois ils parlerent ensemble, et lui fist la dicte Katherine tres bonne chiere. Et tellement furent apointez entre euh que incontinent après la dicte Katherine bailla au dit de la Tremoille grant quantité de joyaux d'or et d'argent du dit seigneur de Giac, et les emporta ou fist emporter là où bon lui sembla. Et de fait s'en ala la dicte Katherine avec le dit de la Tremoille, lequel l'emmena au chastel de Gencay en nostre pais de Poitou, et là furent espousez et coucherent ensemble. Dont tout le monde fut esmerveillé que sy hastivement elle se mist entre les mains du dit de la Tremoille et le prist à mary, consideré les choses dessus dictes ; par lesquelles peut apparoir veritablement que la dicte Katherine estoit consentant ou du moins très joieuse de la mort du dit seigneur de Giac en son vivant son mary. Lettres royaux du 3 mars 1438.

[104] Et s'en vindrent le Roy, la Royne, et la royne de Secile, et mon dit seigneur le connestable en Touraine (Gruel, p. 365).

[105] Archives de Tours, Registres des délibérations, III, f. 200 v°-202 ; IV, au 12 avril 1427.

[106] Archives de Lyon, AA 77.

[107] Le 11 juillet 1427, on ordonnançait à Poitiers le paiement d'un voyage fait par un messager de la ville à Saumur et à Angers, en la compagnie de monseigneur de la Tremoille, par devers le Roy, et où il demeura dix-huit jours. Archives de Poitiers, Registres des délibérations, II, f. 40.

[108] V. le P. Anselme, t. VIII, p. 488.

[109] Gruel, p. 366.

[110] Et après se mist en grant auctorité avec le Roy Le Camus de Beaulieu. Chartier, t. I, p. 54.

[111] Environ ce temps, Le Camus de Beaulieu, lequel estoit près du Roy en grant crédit, et auquel le Roy faisoit du bien, commença à entrer en aucune haultesse de courage en mesprisant aucuns (Cousinot, p. 247-48).

[112] Gruel, p. 386 ; Cousinot, p. 248.

[113] Laurentie, Histoire de France, t. IV, p. 234.

[114] Gruel, p. 366.

[115] Lettres publiées dans la Revue du Lyonnais, 1859, p. 335.

[116] Lettres publiées dans la Revue du Lyonnais, 1859, p. 335.

[117] Monstrelet, t. IV, p. 253.

[118] Religieux, t. V, p. 78 ; Monstrelet, t. II, p. 360.

[119] Réponse faite par Prégent de Coëtivy dans un procès contre La Trémoille. Archives du duc de la Trémoille.

[120] Monstrelet, t. III, p. 161. — Le 14 novembre 1414, La Trémoille est ainsi qualifié dans un acte : Naguères lieutenant de monseigneur de Bourgogne. Clairambault, 204, p. 8761.

[121] Le dit de la Trimoille, puis la consummacion du dit mariage, a mené très dure vie à notre dicte cousine, et, dès deux ans a ou environ, l'a mise hors de sa compagnie et l'a envoyée demourer ou pays d'Auvergne dont elle est contesse à cause de son heritaige, et a prins et occuppé ses terres, chasteaulx et forteresses, et d'icelles a reçeu et reçoit les fruitz, proulliz, rentes, revenues et emolumens, et n'en a riens voulu ne veult bailler pour le vivre, estat, et soustenement de nostre dicte cousine ne de ceulx de sa compaignie, tellement qu'il a convenu et convient à nostre dicte cousine faire sa demourance en aultruy hostel, et vivre à l'aide et confort d'aucuns ses parens et amis, et à l'occasion dessus dicte est en voye de cheoir en mendicité. Ms. fr. 5053, t. 102.

[122] Archives, X1a 18, au 6 juillet 1424.

[123] A ce moment La Trémoille avait encore une attitude douteuse. Nous lisons dans les Registres de Tours que, le 6 juillet 1425, le Conseil de ville délibère sur le contenu d'unes lettres closes esquelles n'a jour ne datte, envoiées par monseigneur de la Trimoille à monseigneur d'Estissac, lesquelles ont esté trouvées Amboise en la rue et apportées d'illec en ceste dicte ville, pour ce qu'elles touchoient du fait de la dicte ville. Et a esté appointé que les dictes lettres seront bien gardées et que secretement le dit cappitaine de ce rescripra à la royne de Seille, duchesse de Touraine, en lui envoient le double des dictes lettres trouvées audit lieu d'Emboise, pour sur icelles pourveoir, etc. Registres des délibérations, III, f. 39 v°.

[124] Qui à plusieurs tourna à desplaisance, pour tant que entour le duc de Bourgoigne furent tous ceulx de son parenté, avecques ce que lui-mesme avoit le Roy guerroyé, et par son moyen avoit esté mis ès mains du seigneur de Rochefort, son prouchain parent, qui le parti tint des Anglois, le chastel d'Estampes, avec Penthiviers et autres places, dont il faisoit au Roi guerre. Cousinot, Geste des nobles, p. 201.

[125] Il contresigne des lettres du 17 août en faveur du comte d'Armagnac.

[126] Il l'avait désapprouvé ; d'ailleurs tout le monde lui avait dit qu'une telle entreprise n'était pas digne de lui : un connétable de France aller ravitailler une place ! (Gruel, p. 367.) Et pourtant qu'avait donc fait le connétable au mois d'avril précédent ? N'avait-il pas marché au secours de Pontorson, qu'il aurait peut-être délivré s'il ne s'était arrêté devant l'opposition de son frère ? — Berry nous fait connaître (p. 375) le dépit de Richemont et du connétable d'Écosse, Jean Stuart, resté près de lui à Jargeau : Et quand ils sceurent que ledit siège estoit levé, ils en furent moult courroucez pour ce qu'ils n'y avoient point esté.

[127] Les chefs de l'armée étaient Guillaume d'Albret, seigneur d'Orval, le bâtard d'Orléans et le sire de Graville, grand maitre des arbalétriers. Instructions du 28 juin 1428 à des ambassadeurs en Castille. Ms. lat. 6024, n° 26. Cf. Fr. 20684, p. 550.

[128] Voir aux Pièces justificatives.

[129] 1° Lettres du 22 octobre 1427 ; quittance (signée) du bâtard d'Orléans du 26 janvier 1428. Ms. fr. 20382, f. 10 ; — 2° Lettres sans date en faveur de La Hire, indiquées dans le Catalogue Joursanvault, n° 334.

[130] Les dernières lettres où l'on trouve sa signature sont datées du 19 mars 1427.

[131] La date est fixée par les Registres du Parlement cités ci-dessous. — L'émotion fut très vive dans le royaume, à la nouvelle de cet attentat. Nous lisons dans les Registres des délibérations du Conseil de ville de Lyon, à la date du dimanche 6 avril 1427 (BB II, f. 40) : Les signés à oy ont esté de conclusion que l'on escripve au Roy et à monseigneur le conte de Clermont sur la prime de monseigneur le chancelier, et les signés à non ont esté de contraire oppinion que la ville ne s'en ouste encoures de rien escripre jusques l'on soit plus largement informés de la besoigne, et afin de obvier aux haines et malvueillances qui pour escripre encoures se povoient année, en les advertissans des dommages, incenveniens irreparables que par moyen de la dicte prisse et autres divisions se puevent ensuivre en ce royaume. Il y eut douze oui et quinze non.

[132] 1427, 3 avril. Ce jour, sur ce que le Roy a escript du cas de la prise de monseigneur le chancelier de France, faicte par Charles Monseigneur de Bourbon, conte de Clermont, la Cour a deliberé envoyer par devers le Roy et de là devers le dit conte, s'il plaist au Roy, etc. Extraits des Registres du Parlement, Ms. fr. 21302.

[133] Extraits des Registres du Parlement, Ms. fr. 21302. — Il est fait mention de cette ambassade par Blanchard, les Presidens au mortier du parlement de Paris (1647, in-fol.), p. 76.

[134] Lettre du 9 des calendes de septembre (24 août), publiée dans Gallia Christiana, t. II, Instrumenta, col. 99. — Ter ei scripsimus, dit le pape dans sa lettre du même jour au maréchal de la Fayette.

[135] Lettre du 8 des ides de juillet (8 juillet). Regeste de Martin V, aux Archives nationales, LL1a, f. 63.

[136] Regeste de Martin V, f. 60 et 127 (en double).

[137] Regeste de Martin V, f. 63.

[138] Lettre du 9 des calendes de septembre. Gallia Christiana, l. c., col. 98.

[139] Ces lettres sont visées dans Gallia Christiana, col. 99, et dans le Regeste, f° 60 v° et 127.

[140] Gallia Christiana, t. II, col. 92 ; procuration de l'évêque en date du 14 septembre 1427, pour comparaître devant le commissaire apostolique ; accord fait à Lyon le 29 septembre entre l'évêque et le comte de Clermont ; absolution donnée le même jour au comte par le commissaire apostolique. Archives, P 13731, cotes 2181 et 2181 bis.

[141] Indiqué par M. Vallet de Viriville, t. I, p. 457. — Je n'ai pas retrouvé la mention des lettres du Roi dans l'inventaire P 1382, qu'il cite.

[142] D. Morice, t. II, col. 1199.

[143] Toujours au bon prouffit et honneur de monseigneur le Roy et sa seigneurie, et de nous mesmes et de chascun de nous. Lettres datées d'Ébreuil le 31 août 1427. Archives, P 13731, cote 2155.

[144] Lettres datées du château de Roquecerbe, le 9 septembre 1427. Original signé, Archives, P 13731, cote 2155.

[145] Laquelle somme nous lui avons ordonnée et donnée, ordonnons et donnons de grace especial par ces presentes, pour ceste presente année, tant en recompensacion du dommaige, charges et despences que à l'occasion des patiz que prennent sur ses hommes et subgiez les Anglois anciens ennemis et adversaires de nous et de nostre royaume par composicion... comme pour lui aidier à supporter plusieurs autres pertes et dommages que pour cause de la guerre il a euz et soustenuz et que chascun jour il a et supporte, et pour certaines autres causes et consideracions qui a nous ont meu et meuvent. Pièces originales, 93 : ARMAGNAC.

[146] Chronique de Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 63.

[147] Il s'appelait André de Ribes. Le 29 mai 1426, le comte d'Armagnac lui avait donné, sa vie durant, les terres et baronnies de Fumel et de Gordon, en récompense de ses services. D. Villevieille, Trésor généalogique, t. IV, f. 45 v°.

[148] Chronique de Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 63, et Preuves, p. 126-28 et 139-40 ; Chronique de Jean de Wavrin, t. I, p. 337 note ; D. Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 469-70. D'après D. Vaissète, le comte, pour cacher son double jeu, avait trouvé moyen de se faire donner la mission de défendre la sénéchaussée de Beaucaire contre les routiers. Cf. l'exposé fait par M. Quicherat, dans Rodrigue de Villandrando, p. 31-33, et spécialement la note 1 de la p. 32.

[149] 8 septembre 1427.

[150] Voir ci-dessus, chapitre premier.

[151] Gruel, p. 367.

[152] Le Roi était encore à Loches le 20 septembre.

[153] Le Dauphin était attendu le 16 septembre à Poitiers. Un diner lui avait été préparé dans la chapelle de la Madeleine, au faubourg de la Tranchée ; mais le jeune prince alla tout droit à Vivonne, à cinq lieues de Poitiers, où le dîner lui fut porté par ses gens. On a le menu de ce diner, qui avait coûté 26 l. 2 s. 10 d. t. Il se composait de vingt douzaines de pain, soixante pots de vin blanc, douze pots de vin clairet, douze chapons, vingt-quatre poulets, vingt-quatre pigeons, deux poitrines de bœuf, une longe de bœuf, deux chapons veilz, des fruits, tels que poires, figues, raisins, pèches et noix ; on mentionne encore la façon de vingt-quatre pâtés de poulets. Archives de Poitiers, J 683-687 ; Extrait des comptes de dépenses de la ville de Poitiers, par M. Redet, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, t. VII, p. 390-92. — C'est à tort que l'auteur prétend qu'il s'agit de Charles VII sous le titre de monseigneur le Dauphin, et que le Roi n'étant pas sacré, il continuait de porter le titre de Dauphin.

[154] Un diner fut offert au Roi, le 27 septembre, à Saint-Sornin, hors la ville de Poitiers. Archives de Poitiers, J 734, liasse 30 ; Registres des délibérations, II, f. 41

[155] Lettre du 3 octobre. Archives de Lyon, AA 20, f. 11.

[156] Gruel, p. 368.

[157] Gruel, p. 367.

[158] Ms. fr. 20593, pièces 30 et 31 ; Pièces originales, 566 : CADART.

[159] Pièces originales, 1763 (LOUVET), n° 11 ; quittance (signée) du président Louvet, 2 octobre 1427, n° 16. — Les lettres du Roi sont contresignées par Le Camus de Beaulieu.

[160] A titre de capitaine de Beaucaire, pour le paiement des gens de guerre étant sous ses ordres. Quittance (signée) du 1r octobre 1428, Pièces originales, 703 : CHASTEL (DU), n° 20.

[161] Catalogue des actes.

[162] Clairambault, 219, p. 9939.

[163] Pièces originales, 4292 : GAUCOURT. — Le sire de Gaucourt avait reçu, par lettres du 14 avril 1426, 42.000 livres pour l'aider à payer sa rançon. De nombreux dons attestent que, pendant cette période, ses loyaux services furent généreusement récompensés. Messire Regnault de Chartres, le seigneur de la Tremoille, le sire de Gaucourt, qui lors gouvernoient le corps du Roy et le fait de la guerre... Chronique dite de Perceval de Cagny, dans Quicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. IV, p. 30.

[164] Le 15 décembre 1427, le bâtard d'Orléans reçoit un don de 400 écus d'or ; en outre, une somme de mille livres lui est allouée par lettres du 1er mars 1428. Clairambault, 82, p. 6457 ; La Roque, Histoire de la maison d'Harcourt, t. I, p. 711.

[165] Extraits des Registres du Parlement, Ms. fr. 21302.

[166] Il y a trace de cet envoi aux Archives de Tours (Registres des délibérations, IV, au 15 janvier ; Registres des comptes, XXIV, f. 45 v°) aux Archives d'Albi (CC 182 ; Inventaire-sommaire, p. 43), aux Archives de Lyon (BB II, f. 55), aux Archives d'Orléans (Compte d'Étienne de Bourges), etc.

[167] Voici ce qu'on lit à ce sujet dans les Registre des délibérations de Tours, à la date du 15 janvier (vol. IV) : Pour délibérer sur unes lettres closes et certains articles endos en icelles, envoiées à la dicte ville par messeigneurs les contes de Richemont, connestable de France, de Clermont et de Perdriac, faisant menden que leur entencion estoit de debouter et mettre hors de la compaignie et service du Roy, le sire de la Tremoille et maistre Robert le Mazçon, principaux conseillers et gouverneurs du Roy nostre dit seigneur, et de mettre sus justice à leur pouvoir et faire cesser les pilleries, et plusieurs autres choses contenues et declerées esdides lettres et articles qui seroient moult longues a declerer, et que à ce les dictes gens d'eglise, bourgois et habitans de la dicte ville voulsissent estre avec eulx adherens et que ilz leur en feissent savoir leur voulenté. — Les habitants de Tours, au reçu de cette communication, en firent part aussitôt à la reine de Sicile.

[168] Le 16 février 1427, on recevait une lettre du connétable réclamant 2.300 fr. à lui dus ; nouvelles lettres en date des 28 février, 12 et 13 juin ; le 29 juin, on assemblait le plus de monde qu'on pouvait, au conseil de ville, pour le fait de monseigneur le connestable ; le 8 août, nouvelles lettres de Richemont ; le 6 septembre, le connétable apprenait aux Lyonnais la levée du siège de Montargis. Le 29 novembre, il écrivait encore pour réclamer un paiement immédiat des sommes dues par la ville. Archives de Lyon, AA 77 ; Registres des délibérations, BB II, f. 36 v°-37, 42 v°, 48 v°.

[169] BB II, f. 57 v°.

[170] C'est là, on l'a vu, que le 2 juillet 1427 s'était accompli le mariage.

[171] Lettres du 7 février 1429.

[172] Ces lettres du 7 février 1429 (nouveau style) portent don à La Trémoille de 10.000 écus d'or, pour lui aider à payer certaine grosse finance qu'il promist et accorda à ceulx qui en l'an passé mil CCCC vint et sept le prindrent dedans le chastel de Gençay et laquelle lui, convint leur paier et baillier pour lui sauver la vie et delivrer sa personne. Clairambault, 204, p. 8763.

[173] Il était le 13 novembre à Lusignan, car il figure parmi les signataires d'une ordonnance rendue ce jour-là.

[174] Lettres du 10 novembre 1427.

[175] Il est ainsi qualifié dans les lettres du 27 novembre 1427, nommant Louis d'Estouville, seigneur d'Auzebosc, lieutenant du roi au Mont-Saint-Michel et au baillage de Cotentin, en l'absence du duc. Moreau, 1422, f. 44.

[176] 2 décembre 1427. Compte dans D. Morice, t. II, col. 1205.

[177] En janvier 1428, D. Morice, t. II, col. 1205. — Un message fut également envoyé par le duc de Bretagne à la reine de Sicile.

[178] 24 novembre 1427.

[179] Gruel, p. 368.

[180] 20 avril 1428.

[181] Lettres du 10 janvier 1428.

[182] Lettres du 4 février 1428. Du Puy, I, f. 218, et Brienne, 274, f. 214.

[183] Archives des Basses-Pyrénées, E. 439, 2887 ; cité par M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 486, note A ; copie communiquée par Mme Vallet de Viriville.

[184] Il contresigne des lettres patentes en date du 2 décembre 1427. — L'année précédente, des démarches avaient été faites près de Henri VI par les Penthièvre, et le 16 mars 1426 le chancelier du roi d'Angleterre délivrait, à Leicester, des lettres de sauf-conduit à Jean de Blois et à son frère Olivier, comte de Penthièvre, pour se rendre en France ou ailleurs, vers le duc de Bedford. Rymer, t. IV, part. IV, p. 120.

[185] Lettres du 16 octobre 1427 en faveur du vicomte de Rohan ; — du 29 novembre 1427 en faveur de Charles de Rohan ; — du 7 octobre 1427 en faveur du sire de Chateaubriand.

[186] Archives de Tours, Registres des délibérations, IV, au 29 décembre 1427 ; Registres des comptes, XXIV, f. 45.

[187] Archives de Tours, Registres des délibérations, au 30 janvier 1428.

[188] Archives de Tours, Registres des comptes, XXIV, f. 45 v°.

[189] Archives de la Loire-Inférieure, E 181 (voir Inventaire-sommaire, t. III, p. 77) ; copie de cet acte dans le Ms. fr. de la Bibliothèque nationale, 2715, f. 63.

[190] Lettres de Charles VII du 3 octobre 1427. Archives de Lyon, AA 22, p. 36 (publiées par M. A. Thomas, les États Généraux sous Charles VII, p. 48-49 ; Archives de Tours, Registres des délibérations, IV, au 28 octobre 1427 ; D. Vaissète, Histoire de Languedoc, t. IV, p. 471).

[191] Archives de Lyon, BB II, f. 58.

[192] Archives de Lyon, BB II, f. 58 v°.

[193] Gruel dit (p. 368) que la place fut ouverte au Roi environ le douziesme jour de mars ; mais nous avons la preuve que Charles VII était à Chinon dès le 4 mars.

[194] Gruel, p. 368.

[195] Archives de Poitiers, Registres des délibérations, II, f. 90-91.

[196] Archives de Tours, Registres des délibérations, IV, au 5 avril 1428 ; Registres des comptes, XXIV, f. 46 v°.

[197] Archives de Lyon, Registres des délibérations, BB II, 59 et s. A la date du 25 juin (f. 61), on lit : Jehan Violet a apporté unes lettres closes, les unes de par nos seigneurs les contes de Clermont et de Pardiac, unes autres de par le dit monseigneur de Clermont, et unes autres de par Aynart de Villenovo, prisonnier à Montagu en Combraille, et a le dit Violet rapporté sa creance contenue es dictes lettres. C'est assavoir que, après plusieurs requestes et supplicacions ausdiz seigneurs contes par plusieurs personnes et divers moyens, a esté respondu au dit Violet par les diz seigneurs, et par especial par monseigneur de Pardiach, que, pour ce que le dit Aynart avoit grandement mesprins envers euh en l'ambassade où il a esté prins et dont ilz lui donnoient grant blasmo, ilz ne povoit encoures estre delivré ne aussi ses lettres. Sur quoy a esté conclus de renvoyer autreffois par devers mes diz seigneurs les contes lettres de prière pour la delivrance du dit Aynart, et au cas qu'il ne sera delivré de lors envoyer sur ce pardevers le Roy, combien que grant partie des dessus assemblés, et mesmement Estienne de Villenove, Barthelemi de Varey et pluseurs autres, estoient de conclusion de envoyer dès maintenant par devers le Roy, actendu pluseurs reffus fais par les diz seigneurs contes de la delivrance du dit Aynart, et ont esleu le dit Behan Violet d'y aller, pour œ qu'il est plus instruict de la matière que nul autre. — Il y a en outre, aux mêmes Archives, toute une série de lettres originales relatives à cette affaire : AA 68, 79, 80, 104.

[198] Lettres du 5 mai 1428.

[199] D. Fonteneau, vol. 26, p. 359.

[200] Lettres du mois de mai (avant le 23) et du 31 mai 1428 ; lettres du 21 juin 1428.

[201] Indiqué dans des lettres du 26 juillet 1428, données à la relation du comte de Foix. Cabinet de l'auteur.

[202] Lettres du 25 juin et rôle du 19 octobre 1428.

[203] Ms. lat. 6024, n° 23.

[204] Archives de Lyon, BB II, f. 62.

[205] Archives de Lyon, BB II, f. 62.

[206] Par un traité en date du 54 juin, Guillaume de Chalençon, évêque du Puy et comte de Velay ; Armand, vicomte de Polignac et seigneur de Chalençon, et Louis de Chalençon, seigneur de Beaumont, fils du vicomte et neveu de l'évêque, certifient que pour la grande et parfaite amour qu'ils ont au comte de Clermont, voyant la grande et familière bienveillance qu'il a envers eux, ils promettent que bien et loyalement ils le serviront, honoreront, aimeront, aideront et secoureront de tout leur pouvoir et de leur puissance en toutes ses entreprises, au bien du Roi et de sa seigneurie, etc. Archives, P 13731, cote 2199.

[207] Lettres du 17 juillet 1458, citées plus loin.

[208] Cousinot, p. 250-51 ; Gruel, p. 368-69.

[209] Lettres des 24 mai et 4 juin 1428, portant mandat de paiement à Cristy de la Chambre, écuyer, capitaine de certain nombre de gens d'armes et de trait ordonnez pour la garde du Roy.

[210] Voir les noms des seigneurs et capitaines dans l'extrait du treizième compte de Hémon Raguier, déjà cité. Ms. fr. 40684, p. 565.

[211] Le vicomte de Turenne s'était empressé de prendre abstinence de guerre avec un capitaine anglais, pour ses terres, afin d'être libre d'accourir sous la bannière royale. Lettre de rémission de 1450. Archives, JJ 180, n° 140.

[212] Voir Lobineau, t. I, p. 574, et Taillandier, t. I, p. 504.

[213] Gruel, p. 369.

[214] Archives, P 13883, pièce cotée Beaujeu, CXIV bis. Cette pièce figure au Musée des Archives, et est décrite dans le volume consacré à l'inventaire de ce Musée (Paris, 1872, in-4°), p. 459-280. Le rédacteur s'est légèrement trompé sur la date, qu'il a cru devoir placer au mois de novembre 1427.

[215] Original, Archives, P 13582, cote 574. — Ces lettres avaient été communiquées par Vyon d'Herouval à La Thaumassière, qui les donna dans son Histoire de Berry. Elles s'y trouvent aux pages 158-59, et dans la nouv. édit. (1865), t. I, p. 310. — On voit que c'est à tort qu'on on a dit que le connétable fut exclu de l'amnistie.

[216] Le 21 juillet 1428, le maire de Poitiers faisait délivrer deux écus d'or à un poursuivant du seigneur de Belleville et à un trompette qui avaient apporté nouvelles que le Roy entra dimanche dedans Bourges, et que l'acort estoit fait entre le Roy et Charles de Bourbon et monseigneur de Pardiac. Extraits des comptes de dépenses de la ville de Poitiers, publiés par Redet, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, t. VII, p. 406.

[217] Original, Archives de Lyon, AA 22, f. 42 ; publié par M. Thomas, les États généraux sous Charles VII, p. 49-50. Cf. D. Vaissète, t. IV, p. 471, qui mentionne d'autres lettres de convocation du même jour, et en cite un passage. Nous avons retrouvé ces lettres dans la Collection de Languedoc, vol. 89, f. 72.

[218] Archives, P 13731, cote 2156. — La pièce est donnée au nom de La Trémoille, et porte sa signature originale : Pour appaisier certaine hayne et malveillance que don tres redoubté seigneur monseigneur le conte de Clermont a eue envers nous par aucun temps et nourrir bonne amour et transquiflité avec mon dit seigneur le conte, avons promis et promettons en bonne foy, sur la foy et serement de nostre corps et sur nostre honneur, au dit monseigneur le conte, que doresnavaut ne ferons, porterons ou pourchasserons... chose qui soit ou puisse estre en son deshonneur, dommage ou prejudice... et de tout nostre povoir ayderons a entretenir en la bonne grace et amour du Roy nostre dit seigneur, etc. Voir Musée des Archives nationales, p. 260, avec reproduction en fac-simile de la signature.

[219] Gruel, p. 369.

[220] Le Roi était arrivé à Chinon au plus tard le 22. Il parait, d'après le Registre IV des délibérations de Tours, que les députés, nommés le 6 septembre, se trouvèrent le 10 à Chinon. Enfin des lettres des 16 décembre 1428, 7 et 25 janvier 1429 parlent de l'aide octroyée en septembre.

[221] Dès le 22 septembre, on recevait avis à Tours que Gaucourt et La Hire étaient arrivés à Chinon pour demander un secours d'argent immédiat afin de pourvoir à la défense des frontières et secourir Beaugency. Le Roi leur alloua aussitôt quinze mille écus, dont partie fut empruntée tant aux principaux officiers et conseillers du Roi qu'aux députés présents à l'assemblée, et dont l'autre partie fut demandée aux villes, à titre de prêt sur l'aide. Registre des délibérations, IV, à la date.

[222] S'ensuivent les suplications et requestes qui ont esté faictes de bouche au Roy nostre souverain seigneur par les gens du pays de Languedoc, en tant que peut touchier chascun estat d'eux. Ms. lat. 9177 (Collection de D. Pacotte, t. V), f. 271.

[223] D. Vaissète, Histoire générale de Languedoc, t. IV, p. 471-73.

[224] Le Roy Charles de France... s'estoit conclud avec ceulx de son conseil que de tout son povoir il deffenderoit ycelle ville (d'Orléans), creant que, se elle estoit mise entre les mains de ses ennemis, ce seroit la destruction totale de ses marches et pays et de luy aussy, et pour tant il envoia grand partie de ses meilleurs et plus feables capitaines... et plusieurs très vaillants hommes rennommés en armes et de grande auctorité. Monstrelet, t. IV, p. 301.

[225] Voir le Fait de l'advitaillement et secours sur les Anglois de la ville d'Orliens (Ms fr. 7858, f. 41 à 55, publié par M. Loiseleur, Orléans, Herluison, 1868, gr. in-8°), où ces faits sont mis en pleine lumière : A Maistre Jehan de Montesclerc, canonier demeurant à Angers, la somme de sept vingt escus d'or... laquelle, dès le mois d'octobre qu'il le manda venir par devers lui audit lieu de Chinon pour l'envoyer audit lieu d'Orléans, etc. (p. 186). — A Maistre Jehan de Jondoigne, cirurgien, pour aller audit Orléens appareiller les bleciez, 10 l. t. (p. 171). Autre paiement à Jehan Jodoigne, en mars 1429 (p. 189). Autre paiement au même, en avril (p. 196). Jodoigne était attaché dès 1418 à la personne de Charles VII.

[226] Sommes versées aux capitaines : Septembre, 1.999 écus d'or et 3.124 l. payés à Orléans et Chinon aux capitaines ; 150 écus d'or et 114 l. t. à La Hire. — Octobre, 1,293 l. à Gaucourt ; 390 écus d'or à des capitaines envoyés à Orléans ; 100 l. à Graville, venu d'Orléans vers le Roi ; 370 l. aux capitaines écossais employés à Orléans ; 1.200 l. à Gaucourt pour la garnison ; paiement aux lieutenants des compagnies pour les dédommager de l'insuffisance de leur solde ; 2.352 l. distribués à Blois aux gens de guerre envoyés à Orléans ; 2.500 l. envoyés par Pierre de Fontenil, écuyer d'écurie du Roi. — Novembre, 6.050 l. distribués par Fontenil ; 100 écus d'or et 825 l. à La Hire ; 1.200 à Lesgo et Termes, envoyés à Orléans. — Décembre, 3.106 l. pour la garnison. — Janvier 1429, 5.130 l. ; 1.170 l. ; 500 l. ; 600 l. ; 3.900 à Stuart, connétable de l'armée d'Écosse. Février, 3.750 l. —Au commencement de novembre 1428, Charles VII ordonna aux habitants de Tours de payer 600 à l. à La Hire pour la défense d'Orléans (Délibérations du 9 novembre, aux Archives municipales de Tours, cité par M. Vallet, Bulletin de la Société de l'Histoire de France, 1859-60, p. 45) ; le 15 janvier 1429, Bouzon de Fages est envoyé à Chinon et à Angers pour emprunter 8.000 l. pour la défense d'Orléans. Il résulte de lettres du 12 juillet 1432 qu'une somme de 10.000 l. fut prêtée par La Trémoille pour subvenir aux dépenses du siège.

[227] Voyages des capitaines vers le Roi : Octobre 1428 : A monseigneur le bastard d'Orliens, pour despense par luy faicte à Chinon, Selles et Romorentin, à venir devers ledit seigneur dudit lieu d'Orliens, IXXXXIII l. t. (p. 167). A messire Jehan, seigneur de Graville.... pour defraier lui et aucuns gentilshommes et sa compagnie... venus de la ville d'Orliens en la ville de Chinon par devers ledit seigneur... C l. t. (p. 171). Novembre : A Estienne de Vignolles, dit La Hire... à Chinon, au mois de novembre, cent escus, pour deffrayer lui et aucuns autres gentilshommes qu'il avoit amenez en sa compagnie de la ville d'Orleans au dit lieu de Chinon... (p. 173). — Décembre : A messire Raymon, seigneur de Villars, chevalier, IIIIc l. t. — A Peton, seigneur de Sainterailles, escuier, IIIc l. t. (p. 179). — Janvier 1429 : A messire Patris d'Ogilby, vicomte d'Angus, au pays d'Escoce, chevalier... la somme de VIc l. t. (p. 182). A Jean de Barnaire dit Cornillan, escuier..., venu de la ville d'Orleans... par devers iceluy C l. t. (p. 182-83). A messire Raymon, seigneur de Villars, chevalier, et Poton, seigneur de Sainterailles, escuier..., venus de la ville d'Orliens en la ville de Chinon, etc., L l. t. (p. 184).

[228] Monstrelet, t. IV, p. 310.

[229] De janvier à août 1428, il prêta, en diverses fois, d'une part, 11.107 écus d'or, et de l'autre, 10.000 l. t., pour lesquels il se fit engager d'abord le château et la châtellenie de Chinon, puis la ville et châtellenie de Lusignan. Lettres du 29 octobre 1428.

[230] Voir Berry, p. 376.

[231] Monstrelet, t. IV, p. 310.

[232] Monstrelet, t. IV, p. 313.

[233] Richemont assiégeait en ce moment le château de Sainte-Neomaye, près de Saint-Maixent. Voir Gruel, p. 369.

[234] Monstrelet, t. IV, p. 310. Le comte de Clermont, en particulier, après s'être montré un instant à la tête des hauts barons d'Auvergne et du Bourbonnais, se retira après la journée des harengs, et, tout en faisant de belles promesses, ne reparut plus. Cousinot, p. 266-69 ; Berry, p. 376.

[235] Rex Franciæ nimio pavore perterritus, iterum se ad regem Scotiæ Jacobum hujus nomine primum, omnibus viribus se preparare disposuit..... Et sic appropinquando se ad Rupellam, ubi ipsi intendebat ascendere navem, transmutando locum, se inclusit, Pictavis vocata, ubi pro tempore erant domini Parleamenti Parisiensis, de dicta villa Parisiensi fugati, qui ad tenendum in aptum propositum omnino consultaverunt. Religieux de Dumferling, dans Quicherat, t. V, p. 339-40. — Le Roi était allé de Saint-Aignan à Poitiers le 4 août 1428 (Itinéraire).

[236] On avoit mis en deliberacion que l'on debvoit faire se Orléans estoit peins ; et fut advisé par la plus grant part, s'il estoit prins, qu'il ne.falloit tenir compte du demourant du royaume, yeti l'estai en quoy il estoit, et qu'il n'y avoit remède fors tant seulement de retraire mondit seigneur le Dahlphin en cestuy pays du Daulphiné, et là le garder en attendant la grace de Dieu. Matthieu Thomassin, Registre Delphinal, dans Quicherat, t. IV, p. 308. — ... Avoit ja esté traicté par plusieurs fois en son conseil que le meilleur estoit qu'il se retirast en Daulphiné, et le gardast avecques les pays de Lyonnois, Languedoc et Auvergne, au moins se on les pouvoit sauver se les Angloys gaignoyent Orléans. Journal du siège, t. IV, p. 127.

[237] Aliquando enim tant dejectus inimicorum, tuni ex regno, tum ex vetuslis et antiquis hostibus anglici viribus et potentia, depressus fuit, ut prope aliquando fuerit ejus animi... fines regni excedere et ad Hispanias proficisci ; vel, una parte retenta, aliam hostibus cedere, cum tune eorum viribus et machinamentis obsistere posse minime confideret. Thomas Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I. p. 34. — Cf. Pierre Sala dans Quicherat, t. IV, p. 480 ; Robert Blondel, p. 349, et Pie II, p. 509.

[238] Voir, sur les dispositions du Roi, la chronique publiée par le chanoine de Smet dans son Recueil des Chroniques de Flandre, t. III, p. 405.