HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT - 1403-1422

 

CHAPITRE XI. — L'ADMINISTRATION DU DAUPHIN.

 

 

§ II — FINANCES, MONNAIES, COMMERCE, INDUSTRIE, ARMÉE.

Situation financière du gouvernement. — Abolition des aides. — Le Dauphin tire sa principale ressource du produit des monnaies : ordonnances rendues à ce sujet ; affaiblissement progressif de la monnaie. — Réforme opérée : retour à la forte monnaie en septembre 1422. — Subsides votés par les États généraux et provinciaux. — Autres ressources : emprunts, engagements et aliénations de terres du domaine ; fleuron de la couronne mis en gage. Bilan financier des années 1421-1422 ; libéralité du Dauphin : dons d'argent, dons de chevaux, dons de terres ; résistance qu'il rencontre dans le conseil du Dauphiné, relativement à l'abandon de terres de son domaine. — Personnel de l'administration financière ; absence de réglementation. — État de l'agriculture, du commerce et de l'industrie : interdiction de l'exportation des denrées ; création de foires franches ; mesures en faveur de l'industrie ; situation désastreuse du pays. — Organisation de l'armée : convocation de la noblesse et des milices des bonnes villes ; routiers, Écossais, Lombards ; garde du Dauphin ; artillerie ; désordres des gens de guerre ; impuissance du pouvoir.

 

On a vu, par le tableau, nécessairement fort incomplet, que nous venons de présenter des rapports du gouvernement du Dauphin avec les villes, que la question financière dominait alors toutes les autres. C'est, en effet, sur ce point que devait se concentrer l'attention, car on avait à pourvoir à d'immenses besoins, que les circonstances rendaient chaque jour plus impérieux. Le Dauphin avait un Grand Conseil et un Parlement ; la noblesse était accourue à son appel ; le clergé faisait preuve de dévouement ; les villes restées fidèles étaient prêtes à tous les sacrifices ; il trouvait enfin, dans les États, soit généraux, soit provinciaux, un concours zélé et un consentement presque unanime aux demandes de subsides présentées en son nom. Mais comment faire face à des dépenses sans cesse croissantes ? Comment percevoir les impôts dans un pays désorganisé, sillonné par les gens de guerre, déserté souvent par ses habitants, appauvri par les charges effroyables que depuis longtemps il avait à supporter ? Écoutons à cet égard un témoin oculaire, qui avait pu sonder la profondeur de l'abîme. Après nous fault aucunement entendre, dit Alain Chartier dans son Quadrilogue invectif, pour congnoistre la difficulté du fait que nous menons, se nostre finance se puet estendre selon nostre necessité... Ce puis-je savoir que la finance, telle que nostre prince la requeult, n'est pas prise de revenue, mais vient par industrie et diligence. Et la despence qu'il fait pour noz affaires n'est pas une chose limitée, mais c'est une droicte abisme où tout se font et despend. Car qui maine guerre ne puet mettre compte ne nombre en la mise, soit sa recepte petite ou grande. Or est le demaine en partie occupé par les ennemis, et de l'autre partie degasté par ceulx qui sur les pays vivent. Et si sont les aides, qui lever se souloient pour la guerre, cessées du tout pour le relievement du peuple. Et se on demande d'autre part quel aide vient au prince de ses subgiez, la response en est clère : car la verité est congneue à chascun... Et se plus large estoit la finance, l'aide et la revenue, assez y a gens et besognes où l'employer : comme souldées de gens d'armes, estatz de seigneurs, mises d'engins de guerre, fraiz d'armées de mer, voyages d'ambassadeurs, presens aux estrangiers, dons à ceux qui servent, biens fais avx aidans, corruptions aux nui-sans. Et plus y a, dont je me tais à tant : que ceulx qui sont plus tenuz de servir se font plus chier achapter, et convient traire par lalgesse les plusieurs à faire le devoir, où loyaulté ne les pourroit mener[1].

Les ressources de la Couronne se composaient, en temps ordinaire, des revenus du domaine, des impositions ou aides votées par les États généraux ou provinciaux, du produit des gabelles et des péages. Mais, au milieu de l'anarchie où le pays était plongé, ces ressources, partagées d'ailleurs entre trois pouvoirs — celui du Dauphin, celui de Charles VI, celui du roi d'Angleterre, — étaient bien insuffisantes. Une autre complication résultait de l'attitude prise, dès le début, par le gouvernement de la Reine et du duc de Bourgogne, siégeant à Troyes : par lettres du 30 janvier 1418, Isabeau, rappelant une ordonnance antérieure de Jean sans Peur (1er octobre 1417) avait prescrit que aucuns quatriesmes, impositions, vingtiesmes, maletostes, ne autres aides, redevances, subsides ou autres exactions quelconques qui ont esté levez en ce royaume soubz ombre et à l'occasion de la guerre, ne soient imposez... affin que ung chascun, de quelque estai ou condition qu'il soit, puisse vendre et acheter toutes denrées et marchandises franchement et quictement, sans pour ce payer aucune redevance, aide, coustume, ou autre exaction quelconque[2]. Une telle mesure avait naturellement été accueillie avec enthousiasme par les bourgeois des villes, qui s'étaient empressés d'ouvrir leurs portes aux envoyés de la Reine et du duc : c'est ainsi qu'au commencement de 1418 le Languedoc presque entier était -devenu bourguignon.

Les moyens auxquels le gouvernement royal avait dû recourir, de 1416 à. 1418, pour résister à la fois au roi d'Angleterre et au duc de Bourgogne : aide en mars 1416 ; nouvelle aide en août ; troisième aide en février 1417 ; quatrième aide en avril[3] ; vente de joyaux[4] ; emprunts contractés[5], indiquent assez quelle était dès lors la pénurie du trésor. La situation financière du Dauphin, au moment où il eut à organiser son gouvernement, n'était pas moins précaire. Tandis que le duc de Bourgogne, donnant un impudent démenti à ses promesses, remplaçait les aides pour la guerre par une taille personnelle, levée sur toutes gens, de quelque estat ou condicion qu'ils soient[6], le Dauphin en était réduit à tous les expédients. Sur les instances qui lui furent adressées[7], il se vit dans l'obligation d'abolir à son tour les aides. Cette mesure, qui reçut d'abord une exécution partielle[8], ne tarda pas à devenir générale : les aides ne devaient être rétablies qu'en 1436[9].

Pour pourvoir à ses besoins financiers, le Dauphin s'adressa aux provinces formant son apanage, à toutes celles qui lui restaient fidèles, et à ses bonnes villes ; de même que les hommes, l'argent ne tarda pas à venir : en faisant l'énumération de tous les paiements opérés en vertu de mandements du Dauphin, au lendemain de son installation à Bourges, — mandements qui, pour la plupart, sont accompagnés d'une quittance portant presque la même date, — on est étonné de trouver son trésor aussi promptement garni[10]. Nous avons vu plus haut que les États des provinces du centre avaient voté une aide pour le fait de la guerre[11], mais la principale ressource du Dauphin, pendant sa régence, fut le produit des monnaies.

La royauté avait seule le privilège de battre monnaie[12]. Elle pouvait non seulement ordonner la fabrication des nouvelles espèces, mais en régler le cours et bénéficier de ce qu'on appelait le droit de seigneuriage[13]. Elle pouvait même, pour se procurer des ressources, augmenter ou diminuer la valeur des monnaies : L'altération des monnaies, dit Edgard Boutaric, était un droit royal et seigneurial reconnu au moyen âge, que les besoins pressants du trône et la gravité des circonstances semblaient justifier[14].

Le premier soin de Charles, dès qu'il fut investi du titre de Dauphin, avait été de pourvoir aux offices de gardes des monnaies dans ses trois monnaies du Dauphiné[15]. Par lettres du 17 mai 1417, le Roi l'avait autorisé à faire fabriquer dans ce pays telles et semblables espèces que dans les monnaies du royaume, à la double condition de ne point donner aux marchands un prix supérieur du marc d'or et d'argent, et de faire apporter les boites en la Chambre des monnaies pour y être vérifiées[16]. Dès le 18 mai, Charles, usant de cette prérogative, prescrivit la fabrication de diverses espèces[17] ; dans le même mois il confirma les privilèges des officiers et ouvriers des monnaies de Crémieu et de Romans[18]. Le 29 mai, le Roi ordonnait d'affermer toutes monnaies du royaume[19]. Dans le courant de cette année, et dans les premiers mois de 1418, des ordonnances réglant le cours des monnaies, ou prescrivant la fabrication de nouvelles espèces, furent rendues par Charles VI[20]. Nous savons, par une lettre missive du Dauphin, datée du 26 janvier 1418, que les monnaies royales besognoient très fort, et qu'il en venait grand profit ; il paraît qu'il n'en était pas de même en Dauphiné, car Charles recommandait au maître de la Chambre des comptes d'y mettre ordre[21].

La reine Isabeau s'était empressée de donner au duc de Bourgogne la haute direction des monnaies[22] ; l'occupation de Paris mettait le duc en possession d'une autorité encore plus grande. Il était urgent de prendre des mesures d'une part, pour s'assurer la fidélité des maîtres particuliers et des gardes des monnaies, d'autre part, pour tirer parti des ressources qu'offraient les monnaies de l'obéissance du Dauphin. Nous avons la trace de deux voyages faits, en août, septembre et octobre 1418, vers le trésorier du Dauphiné et les maîtres des monnaies de Lyon et de Saint-Pourçain, tant pour veoir au juste les estez des monnoyes et iceux rapporter, comme pour les autres besoingnes et affaires[23]. A ce moment le prix du marc d'argent fut porté de neuf livres à neuf livres dix sous[24]. Une ordonnance prescrivit la fabrication de moutons d'or, et enjoignit de donner aux marchands quatre-vingt-seize livres tournois du marc d'or fin[25]. Par lettres du 20 décembre 1418, le Dauphin, considérant que, pour le paiement des gens d'armes et de trait ordonnez et mis sus pour la garde et gouvernement des royaume et seigneurie du Roi, il était nécessaire d'avoir et recouvrer briefment très grant finance, et que le domaine et les revenus du Roi ne lui permettaient pas de la trouver aussi promptement que besoin en était, à cause des grandes charges qui les grevaient et de leur diminution, occasionnée par les guerres advenues au royaume depuis longtemps ; et aussi que, pour l'occupation et empeschement que a mis et met le duc de Bourgoingne en partie d'icelles revenues, en les applicquant à son prouffit, à lui, comme seul fils, héritier du Roi et sucesseur de la couronne et royaume de France, appartient en son absence, lui estant en l'estat qu'il est de present, detenu au pays de France par ses rebelles et desobeissans, pourvoir aux affaires du royaume, d'autant qu'il lui avait plu l'ordonner son lieutenant général, déclarait commettre et ordonner Pierre Gencien, trésorier de France et général maître des monnaies, et Jean Chastenier, pour faire commandement exprès, de par le Roi et lui, à ses receveurs, maîtres particuliers, gardes et contre-gardes des monnaies du Dauphiné, et à tous autres officiers des monnaies, de leur montrer et bailler par écrit au juste, sous leurs seings manuels, les états et valeur de leurs recettes et monnaies depuis qu'elles appartenaient au Dauphin, et de les contraindre à payer réellement et de fait, au trésorier du Dauphiné, tous les deniers qui apperront être dus, en lui rendant compte à bref délai de tout ce qu'ils auront fait touchant leur commission[26].

C'est à la suite de la mission donnée à Pierre Gencien et à Jean Chastenier que Charles rendit, en date du 27 mars 1419, une ordonnance par laquelle, après avoir constaté l'insuffisance des revenus du domaine, des aides et des autres ressources du trésor, et la nécessité d'avoir à bref délai une grant finance d'argent qui, comme le lui avaient affirmé plusieurs de ses conseillers, ne se pouvait trouver sans mettre sus nouvelle monnoye ; voulant avant tout, avec l'assistance des princes de son sang et de ses bons et loyaux sujets, pourvoir aux besoins de la guerre, et aussi afin que l'or et l'argent demeurât dans le royaume et qu'il y fût même attiré, prescrivait la fabrication de nouvelles espèces[27]. Les généraux maîtres des monnaies reçurent l'ordre de se transporter dans toutes les monnaies de l'obéissance du Dauphin, pour faire mettre cette ordonnance à exécution[28].

Par lettres du 12 février 1419, le Dauphin avait autorisé le comte de Foix, gouverneur du Languedoc, à changer le siège des ateliers monétaires établis dans les villes rebelles[29]. Dans le même mois, le gouvernement de Charles VI, avisé qu'il y avait dans le Velay, le Gévaudan, le Vivarais et le Valentinois, de grandes quantités d'or et d'argent propres à être monnayés, prescrivit l'établissement d'une monnaie à Marvejols en Gévaudan[30] ; il travaillait ainsi, à son insu, pour le Dauphin, qui ne devait point tarder à être maitre de cette contrée. A ce moment, Charles VI prescrivit la fabrication de nouvelles espèces, et donna au duc de Bourgogne le profit de plusieurs monnaies[31]. Mais on éprouvait de grandes difficultés à faire transporter aux hôtels des monnaies, pour les convertir en espèces, les matières d'or et d'argent : il fallait souvent traverser des pays ennemis, et nulle part les routes n'étaient sûres. Des habitants du Puy ayant voulu porter dans les monnaies de Charles VI cinq cents marcs d'argent fin et sept cents marcs de billon, Pierre de Montmorin, bailli de Saint-Pierre-le-Moustier pour le Dauphin, s'en empara au profit de son maitre, qui, par lettres du 30 mars 1419, le récompensa de cette prise[32].

Le 17 juin 1419, le Dauphin prescrivit encore la fabrication de nouvelles espèces, savoir des écus à la couronne, de 60 deniers de poids, ayant cours pour 50 sous tournois, et de petits écus de 120 deniers de poids, ayant cours pour 25 sous tournois. Il invoquait les nécessités de la guerre et les besoins du trésor, auquel le fait des monnoyes pouvait seul donner satisfaction, et il ordonnait aux généraux des monnaies de faire donner 140 livres tournois du marc d'or fin, avec faculté d'augmenter et diminuer les deniers d'or dessus diz en pois, loy et cours, ainsi qu'ilz verront estre affaire, et de faire fabriquer la monnaie d'argent sur le pied de monnaie 96e et 100e[33]. On ne tarda pas à arriver au pied de monnaie 108e : une nouvelle ordonnance prescrivit de fabriquer des espèces dans ces conditions[34].

Le 20 juin, les commissaires des finances, ayant en leur compagnie Guillaume de Champeaux, le futur évêque de Laon, l'archidiacre de Passais et Jean Chastenier, secrétaire du Dauphin, partirent avec mission de se rendre compte de l'état des monnaies, et de hâter le paiement des sommes qu'on en pouvait tirer. Cette commission, qui fonctionna pendant deux cent-vingt-six jours, visita successivement les monnaies de Poitiers, Angers, Tours, Bourges, Chinon, etc.[35]. A la suite de cette enquête, Charles, considérant l'urgente necessité d'augmenter les revenus de ses monnaies pour pouvoir travailler efficacement au recouvrement du royaume, et agissant pour le bien, utilité et proffit evident du Roi et de lui, donna à ferme, pour un an à dater du 1er novembre, vingt-deux monnaies du royaume à Marot de Betons, échevin de Poitiers, qui, de concert avec vingt coassociés, s'en porta soumissionnaire, moyennant une somme annuelle de deux millions cent soixante mille livres tournois, à charge d'y fabriquer certaines espèces dont le poids et la valeur étaient déterminés[36]. Le Dauphin promettait de ne mettre en circulation, pendant la durée du bail, aucune monnaie nouvelle et de ne point changer le cours de hi monnaie blanche. Le preneur s'engageait à payer chaque nuis une somme de dix-huit mille livres tournois, à partir dit 30 novembre ; comme avance et caution, il devait verser à Bourges, avant le 15 novembre, une somme de quatre-vingt-dix-mille livres[37].

Par deux lettres du même jour, le Dauphin ordonna de faire fabriquer, à partir du 1er novembre, dans toutes les monnaies de son obéissance, des gros aux conditions fixées[38], et de faire clore le 31 octobre les bottes de ses monnaies pour être portées à Bourges et vérifiées par ses généraux maîtres des monnaies[39]. Le 8 novembre, le Dauphin prescrivit de mettre Marot de Betons et ses compagnons en possession de la maîtrise de ses monnaies[40]. Trois mois plus tard, faisant droit aux plaintes de ses sujets du Dauphiné relativement à la rareté de la monnaie divisionnaire[41], il ordonna de fabriquer en Dauphiné de la monnaie noire, jusqu'à concurrence de cinquante marcs, en dédommageant Marot de Betons du préjudice qui lui serait causé[42].

Tandis que le Dauphin se procurait ainsi les ressources nécessaires au fonctionnement de son gouvernement, le Conseil de Charles VI continuait ses incessantes mutations et fabrications d'espèces[43]. C'est seulement en août 1420 que les monnaies situées dans les pays soumis au gouvernement dont le siège était à Paris, et qui étaient au nombre de huit[44], furent affermées pour six mois, moyennant cinq cent mille livres tournois, à une compagnie de marchands changeurs[45].

Mais, malgré l'abandon fait par le Dauphin à Marot de Betons d'un premier versement de vingt mille livres[46], la charge était trop lourde pour le fermier des monnaies : dès le passage de Charles à Lyon (22-26 janvier 1420), Matot et ses compagnons se plaignaient de la concurrence que leur faisaient les monnaies du Languedoc, que le comte de Foix avait affermées, et celles de Monzon et de Dijon, où l'on donnait aux marchands vingt-quatre ou vingt-cinq francs du marc d'argent, alors qu'ils étaient tenus de n'en donner que dix-huit. Pour les dédommager, le Dauphin, par lettres du 22 avril 1420, leur fit une nouvelle remise de dix mille livres[47]. Peu après, il se vit dans l'obligation de prononcer, sur la demande des bailleurs, la résiliation du bail, à partir, du 1er mai, et de remettre en sa main l'administration de ses monnaies[48]. De nouvelles ordonnances réglèrent aussitôt tout ce qui concernait le fait des monnaies[49], et deux commissaires furent désignés pour les mettre à exécution dans les ateliers monétaires du Languedoc, de Lyon et du Dauphiné, que ces commissaires eurent mission de visiter, afin de procéder à la réforme et d'en tirer le meilleur parti[50]. Une commission semblable, mais s'étendant à toutes les monnaies, fut donnée quelques jours plus tard à Jean Gencien, trésorier de France et général maître des monnaies[51].

Le Dauphin prescrivit en même temps la fabrication de nouvelles espèces sur le pied de monnaie 180e[52]. Par ordonnance du 24 août 1420, considérant que, malgré les ordres formels donnés pour que le cours des monnaies fût maintenu au taux fixé par lui, et par defaut de justice et punition, les monnaies d'or et d'argent avaient cours pour un prix variable, en grande deception et dommage du Roi et de lui, et de tout le peuple, donna l'ordre de faire crier et publier par tous les lieux de son obéissance qu'aucune monnaie n'aurait cours, sauf dans les conditions suivantes : les doubles d'or pour huit livres tournois ; les demi-doubles pour quatre livres ; les gros pour vingt deniers ; les deniers blancs à l'écu pour dix deniers ; les demi-blancs pour cinq deniers ; les deniers doubles pour deux deniers ; les petits tournois pour un denier, et il décria toutes autres monnaies ; stipulant que, dans chaque sénéchaussée, des personnes compétentes seraient chargées de veiller à l'exécution de son ordonnance, et que les amendes et confiscations auxquelles les délinquants seraient condamnés devraient être appliquées au paiement des gens de guerre[53]. Nous voyons par des lettres du 10 octobre 1420 que le Dauphin tirait pourtant bon profit de ses monnaies[54]. Le 9 novembre, il est fait allusion à de nouvelles ordonnances dont on prescrit l'exécution en Dauphiné[55]. Le 17, une commission fut donnée à Jean Jarze, maitre des monnaies, pour visiter les monnaies du Dauphiné[56].

A l'époque où nous sommes arrivés, malgré les plaintes qui retentissaient de toutes parts[57], le gouvernement du Dauphin — aussi bien, d'ailleurs, que le gouvernement de Charles VI[58] — en était arrivé à pratiquer l'avilissement des monnaies jusqu'à la plus extrême limite[59].

En 1421, des commissaires, nommés par le Dauphin, furent chargés de percevoir le profit des monnaies : Jean de Sarre, dit Vigneron, avait la charge des monnaies de Tours, Chinon, Loches, Angers, Poitiers et La Rochelle ; André de Villeneuve, des monnaies de Bourges, Saint-Pourçain, Limoges, Le Puy, Monzon, Guise et Villefranche[60]. Les monnaies du Languedoc et du Dauphiné restaient à part : le 4 avril, une commission fut nommée pour visiter ces dernières[61]. Il y avait une monnaie à Pamiers, mais elle avait été supprimée par une ordonnance du Dauphin. Cette mesure n'ayant point été exécutée, la monnaie fabriquée à Pamiers, laquelle était faible et de mauvais aloi, fut décriée par lettre du 4 mai 1421[62]. Le revenu des monnaies continuait à être la principale ressource budgétaire : en parcourant les comptes de la Chambre aux deniers, on rencontre la mention de fréquents voyages faits vers les maîtres particuliers des monnaies pour hâter l'envoi des sommes dont le trésor, de plus en plus appauvri, avait un pressant besoin[63]. On avait même recours aux procédés les moins avouables pour tirer profit des monnaies : aussi le secret était-il strictement recommandé, tant par le Dauphin à ses représentants, que par les commissaires des finances aux gardes des monnaies, relativement aux ordonnances et instructions qui leur étaient envoyées[64]. On en arriva à donner aux changeurs et marchands quarante-deux et même cinquante livres tournois du marc d'argent[65]. La fabrication de nouvelles espèces se poursuivait sans relâche[66]. Dans certains ateliers monétaires, les ouvriers refusaient de travailler, à cause de la faiblesse de la monnaie[67]. Il est à présumer que si les choses avaient continué de la sorte, les gardes des monnaies auraient eux-mêmes abandonné leur poste[68].

On commençait à sentir la nécessité de s'arrêter sur cette pente qui ne pouvait aboutir qu'à la ruine. Dès le mois de décembre 1420, le gouvernement de Charles VI, se conformant aux vœux d'une assemblée réunie à Paris, avait pris des mesures pour remédier aux graves inconvénients résultant de l'affaiblissement des monnaies[69]. Mais, prétextant les grans frauldes, mauvaistiez et deceptions de celui qui se dit Daulphin et ceulx de sa partie, qui faisaient forger à ses armes et coins des gros de petite valeur pour attirer à eux les bons gros qu'il faisait fabriquer et s'enrichir ainsi de sa bonne monnaie, Charles VI — ou plutôt le conseil anglo-bourguignon siégeant à Paris — n'avait pas voulu mettre en circulation la monnaie de fabrication nouvelle[70]. On s'y décida pourtant : des lettres du 26 juin et du 12 octobre 1421 donnèrent cours, au taux de cinq deniers, puis de deux deniers parisis, aux gros qui avaient valu vingt deniers tournois[71]. De son côté, le Dauphin résolut de prendre des mesures décisives. Dans les premiers jours de février, il avait fait de nouvelles ordonnances sur le fait des monnaies[72], et donné commission à Regnier de Bouligny, auquel un garde des monnaies fut adjoint, de se transporter en Dauphiné pour procéder à une enquête sur l'état des monnaies[73]. Par lettres du 16 mai 1422, Charles prit l'engagement solennel de remettre la monnaie à sa juste valeur[74]. Le 10 juin, dans une lettre missive aux habitants de Lyon, il annonçait qu'une assemblée de ses plus especiaulx officiers et serviteurs se tiendrait dans cette ville le 4 juillet, pour remédier aux grans inconveniens que ses sujets avaient à supporter par suite de l'affaiblissement des monnaies[75]. Sur plusieurs points du royaume, la même question fut agitée devant des assemblées d'États provinciaux[76]. La mesure ne tarda pas à être mise en exécution. Dans des lettres du 22 septembre, le Dauphin déclara que le malheur des temps l'avait contraint, depuis son départ de Paris, afin de pouvoir résister à la damnable entreprise de son ennemi et adversaire d'Angleterre, et de ses adhérents et complices, à affaiblir les monnaies, dans le but d'en augmenter le profit et de se procurer les ressources nécessaires, à la moindre grevante et charge de son peuple ; mais, que des plaintes lui étaient venues de toutes parts sur le préjudice causé à la chose publique et la ruine qui en résultait pour les gens de tous états, et en particulier pour les laboureurs et le menu peuple, qui n'ont de quoi vivre sinon de leur labeur et sont condamnés à acheter les vivres à un taux excessif, sans parler du commerce anéanti par l'impossibilité de faire accepter dans les autres pays la monnaie avilie ; voulant donc relever ses sujets de la fâcheuse situation à eux faite, pour la pitié et compassion, dit-il, que nous avons et bien devons avoir des autres tribulacions et misères que en eulx acquittant vers nous de leurs loyautez ils ont paciamment pourtées et souffertes à cause de la guerre et autrement, il prescrivait la fabrication d'espèces sur le pied de monnaie 400 ; les changeurs devaient recevoir soixante-dix-huit francs du marc d'or fin, et six livres du marc d'argent[77].

Mais la réforme ne s'opéra pas sans difficultés. Les écrivains spéciaux qui ont traité de ces matières ont exposé les perturbations auxquelles donnait lieu toute variation de la monnaie, et plus particulièrement le rehaussement de son taux[78]. Nous n'y insisterons pas. Contentons-nous de dire que la forte monnaie ne fut mise en circulation qu'à la date du 7 novembre[79].

Nous avons voulu poursuivre jusqu'au bout l'exposé de ce qui concerne les monnaies ; il faut maintenant revenir sur nos pas pour examiner les autres sources de revenus et chercher à préciser la situation financière du gouvernement du Dauphin.

 

Nous avons dit que le Dauphin fit appel aux États. Voici le bilan des sommes reçues, tel que nous permet de le dresser l'état des documents. Les États de Languedoc accordèrent : 1° un impôt sur le sel, jusqu'à concurrence de 68.000 francs, le 2 octobre 1419 ; 2° 200.000 francs le 17 mars 1420 ; 3° 150.000 francs en mai 1421 ; 4° une somme sans doute égale en 1422 ; 5° un don de joyeux avènement de 22.000 francs. Les États généraux des provinces du Languedoil votèrent à Clermont, en mai 1421, une somme de 800.000 francs. Peu après une aide d'un écu d'or sur chaque bête aumaille (gros bétail), d'un mouton d'or sur chaque porc et de soixante sous sur chaque bête à laine, fut imposée dans les pays entre la Loire et l'Allier jusqu'à Lyon[80]. Nous n'avons pas la somme totale votée dans la réunion partielle qui parait avoir été tenue à Limoges vers le mois de juin 1418, mais nous avons quelques données sur les contingents fournis par chaque province 'pendant la durée de la régence. Les États du Poitou votèrent : 42.000 francs en décembre 1420 ; 24.000 écus en 1421 ; 100.000 francs en 1422. Les États d'Auvergne votèrent : 25.000 francs en 1419 ; 22.000 environ en 1420 ; 80.000 le 8 janvier 1422 ; 20.000 écus le 6 juillet. Les États de Limousin votèrent 24.000 francs en septembre 1419. Les États de la Marche votèrent 10.000 francs en janvier 1422. Les États de Touraine votèrent 26.252 francs à la même date. Les États du Dauphiné votèrent en 1421 100.000 florins ; les gens des trois États de l'élection du Lyonnais votèrent 24.000 francs en janvier 1422, et 6.000 écus en juillet[81].

Mais ces sommes étaient bien vite absorbées ; en outre, elles étaient d'un recouvrement lent et laborieux : souvent, au moment où il fallait faire face à des paiements urgents, le trésor était vide. On avait recours alors à des emprunts. Dans l'été de 1418, le président Louvet prêta une somme de 4.500 livres, qui lui fut remboursée par lettres du 25 août[82]. En décembre 1420, Guillaume d'Avaugour prêta 6.000 livres, remboursées le 14 septembre 1421[83]. Dans les premiers mois de 1421, Henri de Pluscallec et deux autres écuyers fournirent 13.000 écus d'or pour le transport de l'armée d'Écosse, et reçurent en gage les châteaux de Taillebourg et de Chastelaillon[84]. En mai 1421, le président Louvet bailla comptant 7.500 moutons d'or, valant 31.875 livres tournois, pour le même objet, et reçut en paiement la chatellenie de Meulhon en Dauphiné[85]. Gabriel de Bernes, écuyer d'écurie du Dauphin, prêta une somme de 2.000 écus d'or, pour le paiement de laquelle la châtellenie de Serre lui fut abandonnée par lettres du 24 août 1422[86]. Le maréchal de la Fayette avait prêté 4.350 livres, dont il donna quittance le 8 avril 1423[87]. Parfois, pour avoir de l'argent comptant, on était obligé de s'adresser aux bonnes villes[88], de puiser dans la bourse des conseillers de la couronne[89], ou même de contracter des emprunts forcés, soit sur les officiers royaux, soit sur des personnes dont les noms figuraient dans des listes dressées à l'avance[90]. D'autres fois, on avait recours à n'importe quel expédient[91].

On ne se contenta point d'engager les terres du domaine en nantissement ; le moment arriva où, à bout de ressources pour payer les gens de guerre qu'on assemblait de toutes parts, on se vit dans la nécessité de recourir à l'aliénation[92]. Par lettres du 26 novembre 1421, le Dauphin, après grande et meure deliberacion des gens de son conseil, estans en grant nombre pour ce assemblez, ordonna de procéder à la vente de deux terres de son domaine en Dauphiné : les châteaux, terres et seigneurie de Morestel et de Saint-Nazaire devaient être engagés à temps ou vendus avec faculté de rachat, jusqu'à concurrence de six mille écus d'or[93]. Conformément à cette ordonnance, la terre de Morestel fut vendue le 16 mars 1422, à Guillaume de Roussillon, seigneur du Bouchage, pour la somme de 4.200 écus d'or[94]. En mars 1422, la situation était encore plus critique : pour payer les nombreux gens de guerre employés contre l'ennemi et pour faire face à la dépense de ceux qu'on attendait d'Écosse, de Lombardie et d'ailleurs, il fallait avoir grandes finances de toutes parts. Le produit des monnaies et du domaine était insuffisant : on avait reconnu la nécessité de recourir aux emprunts, vendicions à temps, et engagement de revenus, chasteaulx, villes et forteresses. Par lettres du 31 mars, le Dauphin désigna deux commissaires[95] pour se transporter en Dauphiné, et ailleurs où bon leur semblerait, le plus promptement possible, et y faire finances par tous les moyens en leur pouvoir. Les commissaires avaient charge de s'emparer du produit des monnaies, aussi bien que des autres revenus et de l'aide dernièrement octroyée en Dauphiné, nonobstant quelques charges ou assignations, d'emprunter de toutes personnes les plus grandes sommes d'or et d'argent qu'ils pourraient trouver, par fait de change ou autrement, en quelque manière et à quelque perte que ce soit ou puisse estre, et, pour cela, d'engager tels rentes, terres, seigneuries, possessions, villes, châteaux et forteresses qu'ils jugeraient convenable, tant en Dauphiné que dans les autres parties du royaume[96].

Nous voyons enfin que le Dauphin, à défaut d'argent, se servait des fleurons de sa couronne : quand, dans l'été de 1422, il envoya en Écosse pour faire venir un nouveau corps de troupes, il remit à ses ambassadeurs, avec tout l'argent qu'on avait pu se procurer, un fleuron de sa couronne[97].

Assurément, nous l'avons dit, les charges financières du Dauphin étaient immenses, et l'on se demande comment il y put subvenir et poursuivre vigoureusement les opérations militaires pendant toute la période de sa régence. Mais n'y eut-il pas de sa part, soit dans les dépenses de son hôtel, soit dans un faste peu en rapport avec sa situation précaire, soit enfin dans une excessive prodigalité, des motifs d'épuisement du trésor ? C'est ce qu'il convient de rechercher, à l'aide des documents du temps, et en particulier des Comptes de l'écurie et de la Chambre aux deniers qui, par une heureuse fortune, nous ont été conservés presque intégralement[98].

Essayons de dresser le bilan financier du Dauphin pendant les années 1424 et 1422.

Pour le premier semestre de 1421, la recette de 10. Chambre aux deniers est de 68.963 l., 13 s., 6 d. parisis ; la dépense de 83.201 l., 19 s., 10 d. parisis. En outre, le compte constate qu'il restait à payer une somme de 13.190 l., 2 s., 2 d. parisis.

Pour le second semestre de 1421, la recette est de 92.981 l., 7 s., 10 d. ; la dépense de 124.778 l., 16 s., 9 ob. Les debtes demourées à payer s'élèvent à 26.690 l., 1 s., 9 d.

Pour le premier semestre de 1422, la recette manque ; la dépense est de 189.167 l., 2 s., 3 d. ob. Les dettes sont de 40.475 l., 13 s., 2 d.

Pour les cinq mois courant du 1er juillet au 30 novembre 1422, la recette est de 118.967 l., 6 s., 8 d. ; la dépense de 146, 546 l., 2 s., 2 d. ; les dettes de 27.578 l., 15 s., 6 d.[99].

Il est difficile de dégager de ces chiffres un résultat précis et concluant, à cause des variations perpétuelles du cours de la monnaie ; mais on peut constater ce double fait : le déficit 1.st constant et la dette s'accroît incessamment.

En entrant dans le détail et en recherchant quel fut l'emploi des sommes dépensées, pour la maison ou pour la personne du Dauphin, nous constatons les faits suivants. Le maître de la Chambre aux deniers eut à sa disposition[100], pour la dépense ordinaire de l'hôtel durant le premier semestre de 1421, une somme de 37.200 livres tournois[101] ; durant le second semestre, une somme de 108.000 livres (soit 18.000 livres par mois) lui fut allouée[102]. Il eut encore deux allocations supplémentaires : l'une de 9.175 livres (lettres du 30 novembre 1421), l'autre de 31.908 livres (lettres du 21 janvier 1422). Cette crue de la dépense ordinaire de l'hôtel avait été occasionnée : en août, par la célébration des noces de Richard de Bretagne avec Marguerite d'Orléans ; en octobre et dans les mois suivants, par la grant affluence et venue de plusieurs chevaliers, escuiers et autres estrangiers[103]. Ajoutons que, malgré ces allocations, le maître de la Chambre aux deniers eut grand peine, d'une part à faire face aux dépenses courantes, de l'autre à assurer la rentrée de l'argent dont il pouvait disposer.

Le grand maître de l'écurie reçut, du 12 octobre 1419 au 26 septembre 1420, des allocations s'élevant à une somme de 77.678 livres tournois. Or, la dépense afférente au compte de cette année monta à une somme totale de 61.429 livres tournois, se décomposant ainsi : achats de chevaux, 46.317 livres ; harnais de guerre, etc., 7.401 livres ; draps de laine et de soie, 1461 livres ; forge et ferrure de chevaux, 390 livres ; fourrages, 561 livres ; gages d'officiers, 1.586 livres ; voyages, chevauchées, etc., 397 livres ; dépenses des journées, 2.999 livres. Il aurait dû y avoir tin excédant de recettes, et pourtant le compte constate que 16.248 livres tournois restaient à payer[104].

Du 3 octobre 1420 au 14 septembre 1421, le grand maître de l'écurie reçut des allocations s'élevant à 95.130 livres tournois.

La dépense de l'année courant du 1er octobre 1420 au 30 septembre 1421 s'éleva à 116.207 livres tournois, se décomposant ainsi : achat de chevaux, 84.792 livres ; harnais de guerre, 11.205 livres ; draps de laine et de soie, 374 livres ; forge et ferrure, 753 livres ; fourrages, 826 livres ; gages d'officiers, 2.646 livres ; voyages et chevauchées, 631 livres ; dépenses des journées, 4.969 livres. Le compte constate qu'on redevait au grand maitre 11.677 livres.

Le compte comprenant la période comprise entre le 1er octobre 1421, et le 31 décembre 1422 n'est pas moins instructif. Du 5 octobre 1421 au 27 août 1422, des mandements-sont délivrés pour une somme de 139.800 livres tournois ; en outre d'autres recettes s'élèvent à 2.095 écus d'or. La dépense est de 174.597 livres tournois et 2.250 écus d'or, se décomposant ainsi (paiements faits en faible monnaie) : achat de chevaux, 99.380 livres (et 1.130 écus d'or) ; harnais, etc., 32.746 livres (et 1.120 écus d'or) ; draps de laine et de soie, 3.510 livres ; forge et ferrure, 2.382 livres ; fourrages, 8.532 livres ; gages d'officiers, 5.978 livres ; voyages et chevauchées, 6.600 livres ; deniers portés en recettes et non reçus, 10.800 livres ; dépenses des journées 3.659 livres. On constate un déficit de 32.462 livres en monnaie et de 155 écus en or.

Remarquons ici que les comptes de l'écurie du Dauphin ne purent jamais être apurés. Malgré tous les soins apportés à leur vérification par la Chambre des comptes, il-fut impossible d'arriver à un résultat. En désespoir de cause, le Roi, à la date du 15 avril 1440, délivra à Pierre Frotier des lettres de décharge[105].

Le chapitre des dons est fort curieux, et atteste avec quelle libéralité le Dauphin récompensait les services rendus. Suivant en cela les traditions de son père, Charles regardait comme un devoir de se montrer généreux envers ses serviteurs. Les principes qu'il professait en cette matière se trouvent exposés dans les considérants de l'ordonnance du 7 novembre 1420, en faveur de Robert le Maçon, qu'on a pu lire plus haut[106]. De 1418 à 1422, nous trouvons des dons d'argent, de chevaux et même de terres, montant à des sommes considérables. Tanguy du Chastel, maréchal des guerres du Dauphin, touchait, pour l'estat de sa personne, une pension mensuelle de mille livres tournois, dès le mois d'août 1419. Le vicomte de Narbonne, à partir de mai 1419, a 500 livres par mois pour le même objet. Pierre Frotier qui, comme grand maitre de l'hôtel, touche 600 livres parisis de pension annuelle (depuis le 20 septembre 1419) reçoit, pour son mariage, une somme de 10.000 livres tournois (lettres du 13 août 1421). Pierre de Beauvau a 600 livres (26 juillet 1418) ; Hugues de Noé, 2.000 livres (9 février 1420) ; Tanguy du Chastel, 2.000 livres. pine sa femme (27 juillet 1420), et 2.200 livres pour lui (21 décembre 1421). En janvier 1420, pendant son voyage de Languedoc, le Dauphin distribue des étrennes à tous ses conseillers Regnier de Bouligny, Guillaume de Lucé, Raymond Baguier, Alexandre le Boursier ont chacun 400 livres ; Charles de Bourbon, Bernard d'Armagnac, le sire d'Albret, l'archevêque de Bourges, chacun 300 ; le vicomte de Narbonne, le maréchal de la Fayette, Jean Louvet, Jean Cadart, Guillaume d'Avaugour, Robert Manière, chacun 200. L'archevêque de Bourges et l'archevêque de Sens ont en outre 200 livres chacun, pour leur robe. L'argentier Denis du Chesne a 150 livres. Les huit valets de chambre reçoivent 150 livres à se partager. En outre, nous relevons dans le même mois les dons suivants : le comte d'Aumale, 600 livres ; l'évêque de Laon, 400 ; Adam de Champgiraut, écuyer tranchant, 300 et 150 ; Isabeau des Barres, demoiselle, femme d'Antoine de Varennes, écuyer d'écurie, 300 ; le comte de Ventadour, 200 ; Negri du Mesnil, premier pannetier, 200 ; Guillaume du Bec, chambellan, 200 ; Jean d'Arpajon, chambellan, 120 ; Jean de Bonnay, sénéchal de Toulouse, 100 ; Bertrand de Rochefort, chambellan, 100 ; Pierre de Chantelle, confesseur du roi Charles VI, 100 ; Morelet de Carville, Rogerin Blosset, Prégent de Coëtivy, tous trois pannetiers, 100 chacun ; Philibert de Maleret, Jean Gour-fier, Jean Boschet, chambellans ; Hernauton d'Andines, Guillaume Boniface, Chatart de Rochedragoux, Yvon de Begaignon, 60 chacun ; Charles Labbé, écuyer d'écurie, Charles Garnier, Jacques de Villiers, écuyers tranchants, 50 chacun[107]. En outre, le 30 janvier, à Saint-Symphorien d'Auzon, le Dauphin fait distribuer une somme de 1.200 livres à des chevaliers, écuyers, capitaines et gens d'armes de la compagnie du grand maitre des arbalétriers Torsay[108].

Si nous nous arrêtions à l'énumération des dons de chevaux, nous aurions une liste encore plus imposante à dresser : tout le personnel de l'entourage du prince y figurerait, depuis les chefs militaires, les seigneurs écossais, jusqu'aux conseillers, aux chambellans, aux officiers de la maison, aux secrétaires, à l'huissier d'armes et au premier queux[109].

Les dons de terres, forment aussi un chapitre qui n'est point sans importance. Deux incidents vont nous montrer, d'une part la facilité avec laquelle le Dauphin aliénait son domaine au profit de certains de ses serviteurs, d'autre part la résistance qu'il rencontrait parmi les membres de son Conseil de Dauphiné, gardiens vigilants des lois du royaume.

Guillaume de Martel, seigneur de Grandmont, conseiller et chambellan de Charles VI, puis du Dauphin, n'avait pu, depuis 1407, être mis en possession des châteaux de Saint-Laurent-du-Pont et Meisieu en Dauphiné, achetés par lui avec la permission du Roi. Le 2 octobre 1419, la chancellerie du Dauphin lui délivrait, relativement à cette affaire, des lettres de provision[110]. L'année suivante, dans des lettres du mois d'août, rendues pendant son séjour à Jargeau[111] et contresignées par La Fayette, Torsay, Tanguy du Chastel et Louvet[112], Charles donna définitivement à Martel les deux châteaux, en compensation de la somme de six mille livres dont on lui était redevable pour ses gages et dépens. Mais les gens du conseil du Dauphiné ne se tinrent pas pour battus. A la date du 29 août 1420, ils adressèrent de vives remontrances au Dauphin. Son pays de par deçà, lui disaient-ils, est en bonne disposition ; chacun s'efforce de le seconder dans sa résistance contre l'ennemi ; les États se sont réunis et ont voté les sommes demandées. Mais le conseil et les seigneurs ont été moult emerveillez de ce qu'on leur ait présenté, au nom de Guillaume de Martel, des lettres par lesquelles le Dauphin lui donnait ses châteaux de Saint-Laurent et de Meisieu. Conformément à leur devoir et au serment qu'ils ont prêté relativement au domaine, ils ont mis la chose en délibération, et d'un avis commun ils ont conclu que, par les motifs qu'ils énumèrent, il ne leur était possible de procéder à l'entérinement de ces lettres. Ils ajoutent que plusieurs des nobles du pays murmuraient fort à ce sujet, car il leur semblait bien étrange que, embesogné comme il l'était, le Dauphin aliénât son domaine d'une façon qui ne lui serait ni honorable, ni profitable ; et si la chose venait à effet, on craignait qu'il ne s'en suivît un préjudice irréparable[113].

Le 11 septembre, nouvelle lettre du Dauphin à son conseil en Dauphiné. Il a su par Guillaume de Martel le refus qu'on lui oppose pour l'exécution de ses lettres de don, et il enjoint expressément de le mettre en possession sans plus tarder, en faisant cesser tout débat et opposition de la part de son procureur : car tel est nostre plaisir. — Si en faites tant à ceste foiz, ajoute-il, que plus n'en doyons oïr parler, car plus que tout nous sentons attenuz au dit Guillaume, et ne l'avons fait sans cause ni sans grant advis et deliberacion[114]. Quelques jours plus tard le président Louvet joignit ses instances à celles de son maitre[115].

Les gens du conseil, loin de se laisser convaincre, revinrent à la charge. Dans une lettre en date du 12 octobre, ils expriment leur étonnement de ce que le Dauphin n'ait fait aucune réponse aux lettres du 29 avril ; ni lui ni son conseil ne doivent être bien informés de la matière ; ils reproduisent les raisons déjà exposées ; ils envoient un secrétaire, chargé de mettre le prince et son conseil au courant[116]. Des lettres furent adressées en même temps au chancelier, à l'archevêque de Bourges, au maréchal de la Fayette, au président de Provence et à Guillaume Cousinot[117].

Tous ces efforts demeurèrent vains : par lettres du 12 novembre 1420, le Dauphin, considérant les services rendus, tant dans les guerres que dans des missions diplomatiques, par Guillaume de Martel, seigneur de Grandmont en Savoie, lui confirmait le don des deux châteaux et de leurs dépendances, à titre perpétuel[118]. Le conseil de Dauphiné voulut encore résister : des lettres missives de Charles, en date du 1er décembre, lui enjoignirent dé Mettre un terme à ses délais et d'enregistrer les lettres[119].

Le second incident se rapporte au président Louvel lui-même, et il n'est pas moins significatif.

Par lettres du 29 septembre 1419, le Dauphin avait l'ait un premier don de terres de son domaine à Louvet : il lui avait octroyé la baronnie de Theis et les châtellenies de Falavier, Pierre et Dommène en Dauphiné[120]. Ce n'était pas sans peine que Louvet avait obtenu l'enregistrement de ce don : prévoyant les difficultés qu'il rencontrerait, il avait fait écrire par le Dauphin lettres sur lettres aux gens des comptes et au procureur général, au trésorier général et au gouverneur du Dauphiné pour enjoindre de la manière la plus formelle de mettre ses lettres à exécution ; il avait même fait donner une mission spéciale, dans ce but, à l'évêque de Saint-Papoul et au seigneur du Bouchage[121], et il avait fini par l'importer : des lettres données le 13 novembre 1420 — au lendemain même de la date de celles relatives à Guillaume de Martel — mettaient définitivement Louvet en possession de ses quatre seigneuries. Le 8 mai 1421.1e président Louvet reçut un nouveau don de terres du domaine : en récompense de ses services et en dédommagement d'un prêt par lui fait spontanément et argent comptant pour les frais de l'armée d'Écosse, lequel prêt montait à 7.000 moutons d'or, valant 31.875 livres tournois, le Dauphin lui abandonna la châtellenie de Meulhon en Dauphiné[122]. Par une lettre missive du 15 mai, Charles informa le gouverneur et les gens de son conseil en Dauphiné du don qu'il venait de faire, et ordonna de mettre son féal conseiller et chambellan en possession dudit château ; car, disait-il, vous pouvez penser, et aussi le congnoistrez vous assez par noz dictes lettres, que ce n'avions fait sans Brant cause et deliberacion[123]. Pourtant, le 24 juin, revenant sur la décision prise le 8 mai, le Dauphin, pour certaines causes à ce nous mouvans, réintégrait la châtellenie de Meulhon dans son domaine ; mais voulant récompenser son conseiller, il lui donnait la châtellenie de Nyons, avec toutes ses dépendances, aux mêmes conditions que la précédente[124]. Quatre jours après, une lettre missive du Dauphin prescrivait de faire droit à ses lettres[125].

Mais la substitution ne se fit pas aussi facilement qu'on l'espérait : le Dauphin rencontra la plus sérieuse opposition, et cette fois on fit agir les habitants de Nyons. C'est ce qui ressort d'une lettre missive en date du 20 août, par laquelle Charles, considérant les difficultés qu'ils opposent à l'exécution de ses lettres, ordonne de procéder contre eux et d'en faire telle punition que ce soit exemple aux autres[126]. Nous possédons également une lettre adressée par lui aux habitants pour les amener à composition[127]. Un mandement du 1er octobre, rendu par le gouverneur du Dauphiné au nom du Dauphin, ordonna la mise à exécution des lettres du 24 juin[128].

Nous avons vu plus haut que certaines terres du domaine avaient été engagées ou aliénées pour rembourser des avances faites ou pour se procurer des ressources[129]. D'autres furent l'objet de dons purs et simples. C'est ainsi qu'en janvier 1420 Jean Cadart, conseiller et premier médecin du Dauphin, reçut les château et châtellenie de Beauvoir du Marc, au diocèse de Vienne[130] ; que Guillaume d'Avaugour eut la châtellenie d'Ubrils[131] ; que le président Louvet reçut, outre la baronnie de Theis et les châtellenies de Domène, la Pierre et Falavier, données plus tard au bâtard d'Orléans[132], la châtellenie de Mirandol[133] ; que le bâtard d'Orléans reçut la seigneurie de Vaubonnais[134] ; et qu'enfin un capitaine lombard, Borno Cacaran, connu sous ce nom : Le Borgne Caqueran, reçut la châtellenie de Cayras[135], bientôt remplacée par la châtellenie de Saint-George d'Espéranche[136].

H serait superflu de chercher à cette époque la trace d'une organisation sérieuse et d'une réglementation précise en matière financière. Il y avait bien une Chambre des Comptes, établie d'abord à Poitiers, puis à Bourges, puis à Tours, et finalement à Bourges, par lettres du 6 mars 1422[137] ; un receveur général des finances, Jean Merichon[138], auquel succéda bientôt Guillaume Charrier[139] ; un trésorier général, Jean Gerbe[140] ; deux trésoriers des guerres, Macé Heron et Hémon Raguier[141] ; des commissaires sur le fait des financés, siégeant à Bourges[142] ; des généraux maîtres des monnaies[143] ; un maître de la Chambre aux deniers[144] ; un contrôleur et un garde de la même Chambre[145] ; un général réformateur des dépenses de l'hôtel[146] ; un argentier[147]. Mais aucun des services correspondant à ces diverses fonctions ne fonctionne avec régularité. Les recettes se fout très difficilement ; les paiements ne sont effectués qu'avec une lenteur extrême, et parfois plusieurs années après la date du mandement du Dauphin. Certaines dépenses faites pour l'hôtel du prince, en 1421 et 1422, ne furent définitivement soldées qu'en 1436[148]. Les comptes, on l'a vu, ne sont clos que bien tardivement, et leur apuration offre de telles difficultés qu'on est même obligé d'y renoncer.

On peut juger, par la situation financière du Dauphin, de l'état de l'agriculture, du commerce et de l'industrie dans les provinces soumises à son obéissance. Moins malheureuses peut-être que Paris, — où la famine et les épidémies sévissaient d'une façon presque permanente, où les vivres, dont les pris variaient sans cesse, atteignaient un taux exorbitant, — et que les parties du royaume en proie à l'invasion et victimes de luttes incessantes, elles n'étaient pas moins cruellement éprouvées par les excès des gens de guerre, par l'absence de sécurité dans les communications, par les entraves de toute nature qu'occasionnaient les menaces de guerre, les disettes, les épidémies[149], et aussi, il faut le dire, certaines mesures administratives nécessitées par les circonstances. Ainsi le Dauphin dut interdire, à plusieurs reprises, l'exportation du blé, du vin et d'autres denrées, soit hors du royaume[150], soit hors de certaines provinces plus voisines de l'ennemi[151]. Les ordonnances stipulant cette interdiction présentent un triste tableau de la situation : les pauvres laboureurs ne peuvent ni n'osent labourer, fumer et ensemencer leurs terres ; les vivres sont devenus rares et d'un prix excessif[152] par la convoitise d'aucuns faux marchands qui vont les vendre aux Anglais, et qui, en particulier dans le Poitou, les transportent par les rivières pour en tirer parti, facilitant ainsi le ravitaillement des places ennemies[153]. D'autres ordonnances furent rendues pour empêcher le transport des denrées hors des ports du Languedoc[154], et pour interdire toute relation commerciale avec les Anglais[155]. Nous avons aussi des lettres autorisant, en vue du ravitaillement d'une place, à aller chercher du blé hors du royaume[156].

Pour favoriser le commerce intérieur dans une contrée où il avait des sujets fidèles et ayant besoin d'une protection spéciale, le Dauphin accorda à la ville de Lyon le privilège d'avoir deux foires franches. Dans les lettres données à cet effet, à la date du 9 février 1420, on expose que cette ville, qui est de très grant circuit en grandeur comme la ville de Paris ou environ, est en plusieurs partie inhabitée de gens et foiblement emparée et fortifiée ; qu'en outre, elle est très petitement peuplée, par mortalitez de pestilences, chertez de vivres, guerres, passages de gens d'armes, et autres charges, dommages et inconveniens ; qu'il importe donc de l'accroitre et augmenter de peuple, de gens de tous estaz et de biens, comme doit desirer chascun prince en ses bonnes villes et citez. Dans ce but on y établit, après enquête faite par le bailli de Mâcon, sénéchal de Lyon, et autres commissaires, et après examen de cette enquête par le Dauphin, deux foires et marchés publics chaque année, lesquels seront d'une durée de huit jours et francs de toutes impositions, avec privilège d'user de toutes monnaies, même étrangères, pendant la durée des deux foires[157].

La ville de Castelsarrasin obtint aussi, en mai 1420, le privilège de tenir trois foires par an[158].

L'industrie ne fut pas complètement oubliée. En février 1420, des statuts furent donnés aux tisserands de Vierzon : l'ordonnance constate que Vierzon est devenu le rendez-vous de nombreux ouvriers affluant de plusieurs villes et villages, et elle contient des dispositions fort minutieuses[159]. Les privilèges donnés aux barbiers, en 1410, par le duc de Berry, furent confirmés (janvier 1420), en faveur de Colinet Candillon, premier barbier et valet de chambre du Dauphin, et de tous les barbiers résidant en Poitou[160]. Les salines de Passais furent l'objet d'une réglementation[161]. Nous avons des lettres par lesquelles le Dauphin, considérant qu'au nombre des marchandises qui affluent dans la sénéchaussée de Poitiers, il y a une grande quantité de cuirs tannés et à tanner, vendus souvent sans être visités, — ce qui est préjudiciable au peuple, exposé par là à acheter de mauvaise marchandise, — ordonne de faire crier qu'aucun marchand ne vende, sous peine d'amende, des cuirs n'ayant point été visités et signés ainsi qu'il appartient[162].

Mais ce qui paralysait surtout le commerce, c'étaient les disettes et le renchérissement des denrées qui en était la conséquence. On eut, sous ce rapport, à traverser des années exceptionnellement malheureuses. L'année 1421 fut terrible, au dire des chroniqueurs[163] : il y eut comme un redoublement de tous les maux dont on souffrait depuis plusieurs années[164]. Et en bonne verité, dit le Journal d'un bourgeois de Paris[165], il fist le plus long yver que homme eust vu passé avoit quarante ans. Beaucoup de gens moururent de froid. Au printemps, à Paris, le pain était si cher que peu de mesnagiers en mangeoient leur saoul[166] ; quant à la viande et aux légumes, il n'y fallait point songer. La famine sévissait cruellement sur tous les points, et une épidémie occasionna une terrible mortalité[167]. Pour comble de malheur, l'hiver reparut de bonne heure : à la Toussaint, il gelait très fort. En outre, les variations continuelles des monnaies, leur affaiblissement porté aux plus extrêmes limites étaient une cause de ruine pour le commerce et l'industrie : le Dauphin constate, dans ses lettres du 22 septembre 1422, citées plus haut, que la marchandise était du tout avilie et aneantie. Le retour à la forte monnaie, dont les conséquences devaient être favorables à la fortune publique fut, au moment où le fait se produisit, une nouvelle cause de perturbation : Quand la monnaie est rehaussée, dit M. Vuitry, la baisse du prix des denrées et des marchandises ne peut être que le résultat des transactions commerciales et. l'effet de la concurrence ; elle ne succède jamais à la hausse de la monnaie aussi instantanément que celle-ci, par un acte de l'autorité publique, succède à l'affaiblissement[168]. Les chroniqueurs constatent que la sage mesure prise par le Dauphin fut tout d'abord la source d'une foule de procès et de dissensions, à cause des marchés faits en faible monnaie, en quoy il y avoit grande decevance, tromperie et confusion pour les acheteurs[169].

Pour achever le tableau de l'administration sous le gouvernement du Dauphin, il nous reste à examiner comment l'armée fut organisée et quelles mesures furent prises pour satisfaire aux besoins de la lutte.

Les armées royales s'étaient jusque-là composées : 1° des nobles qui, sur la convocation du Roi, devaient le servir pendant quarante jours[170], avec un nombre déterminé de vassaux, et formaient la cavalerie ; 2° des milices communales, formées par les villes, lesquelles devaient équiper un nombre déterminé de gens qui n'étaient soldés par le Roi que quand ils dépassaient une certaine limite : ces milices formaient l'infanterie ; 3° de troupes soldées, dont l'origine remonte à Philippe-Auguste, qui reçurent successivement les noms de routiers, brabançons, compagnies, etc. : mélange de cavalerie et d'infanterie, ces troupes offraient un ramassis d'aventuriers et de gens sans aveu que le Roi prenait temporairement à son service ; 4° de troupes étrangères, composées principalement d'archers et arbalétriers génois.

Mais, dans les moments de détresse, quand le royaume était en danger, il était admis en principe, depuis Philippe le Bel[171], que tout sujet du Roi devait prendre les armes. Charles VI avait, par lettres du 2 février 1418, recouru à ce moyen suprême. Courroucé de tout son cœur des manières que tenait son adversaire d'Angleterre, avec intention de mettre à effet l'outrageux propos qu'il avait de s'attribuer la seigneurie royale, et touché des maux qu'il faisait souffrir à son très amé peuple, le Roi avait convoqué le ban et l'arrière-ban ; car, disait-il, il appert que ès cueurs des diz Anglois est enracinée une mortelle haine contre ceste seigneurie et ses subgietz, et une envie du bien, felicité et bonne renommée de ce dit royaume, à icelui avoir et mettre en destruction, se provision n'y estoit mise par resistance ; et avecques ce, selon tout droit, chascune personne, de quelque estat ou condition qu'elle soit, de quelque dignité qu'elle use, spirituelle ou temporelle, de glesie (d'église) ou de siècle, puet et doit rebouter de soy toute force et violence, et à icelle resister, et encore plus si le bien commun et la seigneurie estoit touchée. On appelait à la fois les nobles et gens ayant coutume de porter les armes, les prélats et gens d'église pouvant payer de leur personne ou se faire représenter, enfin les bourgeois des bonnes villes et gens du peuple qui, dans chaque paroisse, devaient désigner quatre hommes des plus habiles à porter les armes[172].

Le Dauphin, devenu maître du pouvoir et obligé de pourvoir rapidement aux besoins de la défense, recourut d'abord à la noblesse, et convoqua les nobles des provinces demeurées fidèles[173]. Mais ce n'était plus le temps du service des quarante jours. D'ailleurs, ce service n'avait jamais été partout obligatoire et encore moins gratuit[174]. Il fallait donc assurer une solde à ceux qui répondaient à l'appel du prince. Les gages di' chevalier banneret étaient alors de soixante francs par mois ; le chevalier bachelier en avait trente et le simple écuyer quinze. Le capitaine d'arbalétriers à cheval avait quarante francs ; le connétable vingt-quatre ; le simple arbalétrier douze. Le capitaine d'arbalétriers à pied avait trente livres ; le connétable seize ; l'arbalétrier huit. L'archer à cheval avait dix francs ; l'archer à pied sept livres dix sous[175]. Aussitôt que le chevalier banneret, le chevalier bachelier ou l'écuyer étaient à la tête de leur compagnie, le prévôt des maréchaux ou le commissaire désigné par les maréchaux passait la montre, c'est à dire qu'il constatait par écrit quel était le nombre des hommes, et sou attestation était envoyée, sous le sceau de la maréchaussée, au trésorier des guerres, qui délivrait le mandat pour le paiement de la solde. C'est ce qui se passa à Bourges, et dans les lieux environnants, les 20, 21 et 24 juin 1418, lors de la convocation faite par le Dauphin[176]. Mais il importait de régulariser la situation des chevaliers ou écuyers qui venaient avec tant d'empressement se ranger sous la bannière du prince : c'est ce qui se fit par des lettres de retenue données aux plus considérables d'entre eux. Ces lettres déterminaient le nombre des hommes d'armes et de trait étant sous les ordres de chaque capitaine et la solde que chacun devait recevoir[177]. C'est ainsi que Pierre, seigneur de Beauvau, eut quatre cents hommes d'armes et cinq cents hommes de trait ; Guillaume d'Avaugour, cent hommes d'armes et soixante hommes de trait ; Pierre de Rochefort, maréchal de France, cinq cents hommes d'armes et trois cents hommes de trait ; Jean de Torsay, grand maître des arbalétriers, six cents hommes d'armes et cinq cents hommes de trait ; le sire de Barbazan, deux cent quarante hommes d'armes et autant d'hommes de trait ; Guillaume Bataille, cent hommes d'armes ; Charles le Bouteiller, cent vingt hommes d'armes, etc.[178] Pendant le second semestre de 1418, de nombreux mandements sont délivrés par le Dauphin pour le paiement des gens de guerre et l'achat de munitions[179].

Mais la noblesse ne fut pas seule convoquée : un appel fut en même temps adressé aux bonnes villes.

Dès le douzième siècle, les communes avaient été organisées militairement ; elles devaient le service directement au Roi[180]. Cette obligation avait, à la vérité, été rachetée par beaucoup de villes, moyennant une somme fixe, exigible quand le Roi convoquait son armée, ou moyennant un impôt annuel[181]. Le dédain de la chevalerie, au quatorzième siècle, pour l'infanterie, avait éloigné les milices communales des champs de bataille. A la veille de la défaite d'Azincourt, les bourgeois de Paris offrirent six mille arbalétriers : un des seigneurs de la suite du duc de Berry fit repousser cette offre en disant : Qu'avons-nous besoin de ces boutiquiers ? Nous sommes trois fois plus nombreux que les Anglais ![182] Les compagnies d'archers et d'arbalétriers établies dans les villes pouvaient rendre d'importants services ; elles obéissaient à un chef nommé par le Roi, et devaient marcher à sa première réquisition ; le Roi pouvait les appeler à son armée dans toute l'étendue du royaume et les garder tout le temps qu'il voulait, mais alors elles étaient soldées à ses propres frais, et non plus aux dépens des villes. Celles-ci avaient, en outre, conservé leurs anciennes milices bourgeoises, qui veillaient à la garde des remparts et dont l'organisation était permanente[183]. Nous voyons en février 1418 les habitants de Lyon faire partir leurs gens d'armes pour Villefranche[184]. On a vu plus haut que les communes de la basse marche de Rouergue, aussi bien que les gens d'église et les nobles, furent mandés au rendez-vous donné à Chartres pour le 1er mai 1418. Dans les lettres du 5 août 1421, il est prescrit de faire mettre sur pied le plus grand nombre d'hommes habiles à défense que les villes pourront fournir, et, après les avoir choisis et pourvus d'armes selon leur état, de les envoyer au rendez-vous assigné à tous les gens de guerre[185]. Lors de son expédition de La Rochelle, en octobre 1422, le Dauphin avait dans son armée des compagnies franches du Poitou[186]. Les villes fournissaient non seulement des hommes, mais encore des munitions.

Le Dauphin n'avait pas seulement à tenir campagne et à réunir sous sa bannière une nombreuse armée ; il avait à pourvoir à la sûreté de ses places et à mettre partout de bonnes garnisons : nombre de retenues concernent des capitaines préposés à la garde des places. Il y eut même une sorte de répartition des troupes par bailliage. Ainsi le Dauphin ayant, par lettres du 23 octobre 1418, retenu Guillaume d'Avaugour, bailli de Touraine, pour être employé à la garde et défense de cette province avec deux cents hommes d'armes et cent hommes de trait[187], détermina quels seraient les postes occupés par les troupes du bailli[188]. Après la campagne de 1421, nous constatons que les troupes, momentanément dispersées, furent envoyées dans des cantonnements qui leur avaient été assignés[189].

Mais les ressources ordinaires ne suffisaient pas. Le Dauphin dut faire appel à ces troupes d'aventuriers dont on achetait bien cher les services, car ils ne se contentaient point de leur solde et vivaient le plus souvent sur le pays. En date du 1er mars 1419, des lettres de protection furent donnés à Amaury de Séverac, chambellan du Dauphin, chargé de rassembler le plus grand nombre possible de gens de guerre[190]. Séverac s'était signalé depuis longtemps par ses hardis exploits : on conservait le souvenir de l'expédition entreprise par lui, dans sa jeunesse, en Lombardie. En revenant, dénué de tout, avec ses compagnons, à travers le Dauphiné, il avait rencontré sur son passage les nobles de ce pays qui avaient voulu lui barrer la route : Séverac les avait taillés en pièce et était rentré avec un riche butin, sans parler des grosses rançons tirées des prisonniers qu'on avait faits[191].

On rechercha aussi le concours d'auxiliaires étrangers[192], et nous avons vu plus haut quel précieux contingent fut fourni par l'Écosse : à la fin de 1419, une armée de six mille hommes débarqua en France ; une nouvelle armée arriva au commencement de 1421. En 1422, un renfort de gens d'armes lombards vint grossir l'armée du Dauphin. On lui a fait un reproche[193] d'avoir eu recours à des troupes étrangères. Mais la prolongation de la lutte, soutenue à la fois contre les Anglais et contre les Bourguignons, et l'épuisement du royaume, dont la noblesse ne fournissait plus, malgré des appels réitérés, aux besoins de la défense, rendaient cette mesure inévitable. Que fût-il advenu si le Dauphin n'eût pas obtenu ces contingents écossais qui lui permirent de faire face à de si puissants adversaires et de remporter à Baugé une éclatante victoire ?

C'est peut-être encore par une nécessité de la situation que fut constitué un corps d'élite, composé d'archers écossais, chargé de la garde de la personne du prince. L'expérience du passé avait appris aux conseillers du Dauphin que tous lei-moyens pouvaient être mis au service de l'ambition et de la haine, et les circonstances leur imposaient le devoir de veiller avec un soin jaloux sur la sécurité de leur jeune maître. Quoi qu'il en soit, dès le 5 octobre 1418, Jean Stuart, escuier du païs d'Escoce, cappitaine d'archiers du dit païs, déclarait devant la court du seel étant à Niort avoir reçu de Macé Heron, trésorier des guerres, la somme de 102 livres 10 sous tournois, sur ses gages et ceux de onze archers de sa compagnie employés contre les Anglais, en la compaignie et soubz le gouvernement de monseigneur le Dauphin et lieutenant general, du nombre et retenue de cent archiers par lui ordennez au dit cappitaine pour la dicte cause[194]. Le 22 novembre suivant, par lettres données à Loches, Charles retenait à son service Michel de Normanville, écuyer, capitaine d'archers écossais, pour le servir, avec cent archers, à raison de vingt francs par mois pour lui, et les gages accoutumés pour ses gens. Était-ce là la garde écossaise ? au moins c'en était le germe. Le 24 avril 1419, Guillaume Bel, écuyer du pays d'Écosse, recevait les gages des treize écuyers de sa compagnie faisant partie des Écossais ordonnés en la compaignie et soubz le commandement de monseigneur le Regent, au nombre et retenue de trente hommes d'armes et quatre-vingts archiers[195]. En mai suivant, Thomas de Seton, écuyer du pays d'Écosse, avait sous ses ordres vingt-sept hommes d'armes et cent vingt-trois archers[196], et recevait cinquante francs par mois pour l'estat de sa personne[197]. Nous voyons par une quittance de Seton, en date du 8 juin 1419, qu'il était capitaine de vingt-sept hommes d'armes et cent archers à cheval, employés tant pour accompaignier monseigneur le Regent, pour la seurté de sa personne, que pour servir le Roi et le Régent contre les Anglais[198]. Thomas de Seton est désigné dans les comptes de l'écurie parmi ceux qui chevauchent après monseigneur le Regent ; il reçut un cheval pendant la campagne de Languedoc[199], et ne tarda pas à être promu à la charge d'écuyer d'écurie[200]. Par lettres du 9 mars 1420, le Dauphin ordonnait de payer neuf cents livres tournois à Marc Balize ; écuyer écossais, pour l'état de sa personne et les gages des gens à lui ordonnés, au nombre de quatre-vingts hommes d'armes et cent hommes de trait[201]. En avril 1420, André Baventin, écuyer du pays d'Écosse, était employé entour monseigneur le Regent à la garde et seurté de sa personne[202].

Mais, indépendamment de sa garde écossaise, le Dauphin eut d'autres gens de guerre attachés à sa personne. Pendant son voyage du midi, il avait vingt-cinq arbalétriers à cheval lombards, sous le commandement de Jean Gonsalve, écuyer[203]. Henri du Trec, écuyer du pays d'Allemagne, était également employé à la garde du corps du prince, en mai 1420[204]. Il y avait aussi une garde composée de gentilshommes français : le 17 mars 1421, un mandement était donné par le Dauphin pour le paiement de mille livres tournois, devant être employées à l'achat de draps de laine pour la livrée de certains gentilshommes de la garde dudit seigneur[205]. Cette garde avait été formée par le grand maître de l'écurie, Pierre Frotier, et était placée sous son commandement[206] : parmi les chevaliers ou écuyers qui en faisaient partie, figurent Louis de Blanchefort, Jean du Vernay, Jean de Villeneuve, Jean Elye, etc.[207]

Dans l'organisation militaire, une part fut faite à l'artillerie. Nous avons vu que, par lettres du ter octobre 1420, le Dauphin avait nommé Pierre Bessonneau maître général et visiteur de l'artillerie[208]. Il y avait, pour le Languedoc, un commis au gouvernement de l'artillerie, sous le commandement de Charles de Bourbon, lieutenant général du Dauphin[209]. Les rares documents que nous possédons permettent de constater que des approvisionnements abondants furent faits, pour pourvoir à la défense d'es places aussi bien qu'aux besoins de la lutte[210].

Par malheur, les faits qui déjà, sous le pouvoir incertain de Charles VI, avaient donné lieu à de si nombreuses plaintes, ne manquèrent pas de se produire : les désordres des gens de guerre vinrent compliquer la situation, et les populations eu arrivèrent à redouter, presque autant que les ennemis, les gens de guerre du Dauphin et surtout les auxiliaires étrangers[211]. A la faveur de l'anarchie qui régnait presque partout, des bandes d'hommes armés se réunissaient et opéraient pour leur propre compte[212]. En août 1420, des gens d'armes et de compagnie, sous ombre des Anglais, tentèrent d'occuper les forteresses du Poitou qui n'étaient point en état de défense[213]. Des plaintes s'élevaient de toutes parts relativement aux déprédations exercées par les gens du Dauphin, et en particulier par les Écossais, qui faisaient preuve de la plus entière indiscipline. En juin 1422, les habitants de Tours s'adressèrent au bailli d'Avaugour pour lui remonstrer les maux commis par les gens d'armes tant d'Escosse que d'ailleurs, qui pillent, robent, rançonnent, prennent prisonniers hommes et femmes, emmènent les bestes et beufs, etc. Le bailli se borna à répondre que, en tant que touche les grans maulx et inconveniens que font lesdictes gens d'armes, il luy en desplaisoit bien, et que ce n'estoit pas seulement en Touraine, mais partout ailleurs, et que monseigneur le Regent, pour le present, ne y pouvoit pourveoir, mais que du tout il escriproit voulentiers à monseigneur le prevost de Paris (Tanguy du Chastel), qui estoit devers monseigneur le Regent, afin qu'il y fust pourveu au mieulx pourroit[214].

Plusieurs ordonnances attestent cependant la grande desplaisance qu'éprouvait le Dauphin des pilleries et oppressions ayant cours dans le royaume, à cause des guerres[215], et son vif désir d'en préserver ses sujets[216]. Mais tous ses efforts étaient impuissants. Comment eût-il pu remédier à un tel, état de choses, alors qu'il avait, dans son armée et dans son entourage même, certains des plus déterminés pillards dont les chroniques fassent mention ? Le maréchal de Séverac avait à se reprocher bien des méfaits de ce genre, et le grand maitre de l'écurie Frotier devait se faire sous ce rapport une triste célébrité. Quand la concussion, la rapine et la violence partent des chefs mêmes — et ce fut alors trop souvent le cas[217] — la bride est lâchée à toutes les mauvaises passions. Voilà le mal que Charles VII dut subir pendant de longues années, sans qu'il fût possible de l'empêcher. Or est à juger, écrit Alain Chartier dans le saisissant tableau qu'il a tracé de la situation en 1422, or est à juger l'estat et l'infelicité des princes qui, pour acquerir seigneurie, ou pour demourer seigneurs de celles qui leur appartiennent, sont faiz serfs et subgetz à gens de diverses affections et contraires voulentez, et à pourveoir et avoir l'ueil à choses repugnans, et aux cas qui soubdainement leur surviennent, soit à leur avantage quant bien en veulent user, ou en leur prejudice se obvier n'y açavent. Dont se puet ensuivre clerement que se le plus saige prince que oncques Dieu mist sur terre estoit environné des pesans affaires et des cuisans poinctures qui pour relever ceste seigneurie opprimée surviennent un chascun jour, dur luy seroit à y pourveoir au bien de la chose publicque et aux divers appetitz des hommes[218].

Ce passage peut servir de conclusion à notre aperçu de l'administration du Dauphin, et en même temps au tableau que noua avons essayé de présenter de cette période de la régence de Charles, si imparfaitement connue.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] Le Quadrilogue invectif, fait par maistre Alain Chartier, dans l'édition des Œuvres donnée par André du Chesne (Paris, 1617, in-4°), p. 441-42.

[2] Sauf le droit de gabelle, qui était maintenu. Ordonnances, t. X, p. 429.

[3] Archives de Lyon, CC 65, f. 1 v°, 58 v°, 71 v°. — Lettres des commissaires du Roi en date du 28 juillet 1417, aux mêmes archives.

[4] Lettres de Charles VI des 29 juillet, 2 septembre, 21 septembre, 12 octobre, etc., dans le Compte de la vente des joyaux, ms. fr. 6747.

[5] Obligations de plusieurs marchands de pierreries à eux baillées en gage et sûreté de sommes prêtées en avril 1417. Archives J 426, n° 351 à 358. — Emprunts aux officiers royaux et autres : voir décharge du 21 août 1417. Pièces originales, 547 : BUDÉ. — Les religieux de Saint-Denis prêtèrent, à des conditions fort onéreuses, une somme de vingt mille francs. Lettres du 22 avril 1418. Ms. fr. 20903, f. 51.

[6] Lettres du 14 octobre 1418 : Archives de Reims. La ville, diocèse et élection étaient taxés à 30.000 livres tournois. — Paris dut payer aussitôt 200.000 livres.

[7] Le 16 juillet 1418, on désignait à Lyon deux commissaires chargés d'aller vers le Dauphin pour requérir l'abolition des aides. Registres des délibérations, BB I, f. 61.

[8] Lettres portant exemption pour l'Auvergne, en date du 9 juillet 1418. Ordonnances, t. X, p. 455.

[9] On lit en tête des ordonnances du 28 février 1436 : Instructions et ordonnances faictes et advisées par le Roy nostre seigneur et les seigneurs de son sang et grant conseil sur la manière de lever et gouverner le fait des aides qui souloient avoir cours pour la guerre, lesquelz le Roy nostre dit seigneur, depuis son partement de Paris, abatit, et, du consentement des trois estaz de son obeissance, a remis sus le XXVIIIe jour de fevrier l'an mil IIIIc XXXV. Ordonnances, t. XIII, p. 211.

[10] Catalogue des actes. Lettres des 24 juin, 26 et 29 juillet ; 7, 15, 16, 26, 30 août ; 9, 10, 17, 18, 30 septembre, etc.

[11] Voir chapitre X.

[12] On ne peut doubter que à nous et à nostre majesté royale n'appartiengne seulement et pour le tout, en nostre royaume, le mestier, le fait, la provision et toute l'ordonnance de monnoye, et de faire monnoyer telle monnoye et donner tel cours, pour tel prix, comme il nous plaid et bon nous semble. Lettres de Philippe de Valois du 16 janvier 1346 Ordonnances, t. II, p. 254. Cf. Lettres du Roi Jean du 20 mars 1361 : Ordonnances, t. III, p. 555.

[13] Philippe le Bel regardait la monnaie comme un droit domanial dont il pouvait user et abuser ; il paraissait tout naturel que le Roi recourût, pour se procurer des ressources, à son domaine, revenu, profit et emolument de la monnaie, et l'on indiquait cette voie comme le meilleur moyen de ne point trop charger le peuple du royaume. Ordonnances, t. III, p. 218 et 266.

[14] La France sous Philippe le Bel, p. 325. — Voir la préface de Secousse, dans le tome III des Ordonnances, p. CIII-CIV.

[15] Lettres du 1er mai 1417, nommant les gardes des monnaies de Crémieu, de Romans et de Mirabel. Archives de Grenoble, B 2824, f. 38, 59, 60 v°, 64, 65, 66.

[16] Ordonnances, t. X, p. 411.

[17] Archives de Grenoble, B 2845 (original), et B 2824, f. 53 v°.

[18] Ordonnances, t. XX, p. 163 ; Archives de la Monnaie de Paris, cité par Morin, Numismatique féodale du Dauphiné, 1854, in-4°, p. 237.

[19] Ordonnances, t. X, p. 413.

[20] Lettres des 14 juin, 3 août et 21 octobre 1117 ; 17 et 27 février, 8 mars, 16 avril 1418. Ordonnances, t. X, p. 417, 422 ; Ms. fr. nouv acq., 4139 (non paginé).

[21] Voir cette lettre aux Pièces justificatives.

[22] Lettres du 8 janvier 1418. Collection de Bourgogne, 51, f. 76 v°.

[23] Lettres du 30 novembre 1418. Clairambault, 75, p. 5845.

[24] Dès le 12 août, Jean de Mareuil, auditeur des Comptes en Dauphiné et commissaire sur le fait des monnaies, parlait de cette crue. Archives de Grenoble, B 5844, f. 91 v°.

[25] Archives de Grenoble, B 5844, f. 91 v°, et ordonnance du 16 octobre 1418, f. 95 v°. Une lettre missive aux gouverneur et gens du Conseil en Dauphiné, en date du 18 octobre, montre que le Conseil de Dauphiné avait sollicité la crue (f. 97).

[26] Archives de Grenoble, B 2825, f. 1.

[27] Archives de Grenoble, B 2834, f. 113.

[28] Archives de Grenoble, B 2834, f. 117.

[29] Indiqué dans des lettres de mai 1423. Doat, 214, f. 6.

[30] Ordonnances, t. X, p. 506.

[31] Ordonnances, t. X, p. 508-509 et 512 ; t. XI, p. 7-10.

[32] Clairambault, 77, p. 6071 ; Quittance du 5 avril 1419, ibid.

[33] Archives de Grenoble, B 2824, f. 136. — II y a aussi des lettres du 11 juin 1419, prescrivant la fabrication de nouvelles espèces. Id., ibid., f. 128 v°.

[34] Lettres du 19 septembre 1419, appliquant la mesure au Dauphiné. B. 2824, f. 141.

[35] Quittance de Jean Chastenier de 567 l. 10 s. (à 40 sous parisis par jour), 2 février 1420, Clairambault, 30, p. 2201.

[36] Les espèces émises devaient être sur le pied de monnaie 120e ; on devait fabriquer des gros ayant cours pour 20 deniers tournois, à 3 deniers 8 grains de loi et de 8 sous 4 deniers de poids ; le prix du marc d'argent était établi à 16 l. 10 s. t.

[37] Lettres données à Loches, le 12 octobre 1418. Ordonnances, t. XI, p. 23-26.

[38] Archives de Grenoble, B 2824, f. 148 v°. — Des lettres missives du 24 octobre 1419 furent adressées à cet effet aux gouverneur et gens du conseil du Dauphiné. Idem, f. 147.

[39] Archives de Grenoble, B 2824, f. 145 v°.

[40] Archives de Grenoble, B 2824, f. 162.

[41] Lettres du gouverneur du Dauphiné, en date du 4 septembre 1419, mentionnant la clameur du peuple du Dalphiné. Minute originale, B 2824 (encartée dans les folios 113-133).

[42] Ordonnances, t. XI, p. 44.

[43] Ordonnances, t. X, p. 508, 510, 511 ; t. XI, p. 7, 9, 10, 14, 29, 52-53, 78, 83, 94.

[44] Paris, Tournay, Saint-Quentin, Châlons, Troyes, Mâcon, Nevers et Auxerre.

[45] Ordonnances, t. XI, p. 96.

[46] C'est ce qui résulte de lettres des commissaires des finances en date du 15 novembre 1419. Ms. fr. 11156, 1re partie, f. 74 v° et 101.

[47] Ms. fr. 11156, f. 74 v. et 101.

[48] Ms. fr. 11156, f. 73 et 100. Ces lettres se trouvent aussi dans un Recueil d'édits et déclarations conservé dans la Bibliothèque du musée, à la Monnaie (années 1420-26). Voir aussi les lettres des commissaires sur le fait des finances et des généraux maîtres des monnaies, en date du 29 juillet, contenant la liquidation faite avec Marot de Betons et ses compagnons, desquelles il résulte qu'on leur était redevable de 74.574 livres. Ms. fr. 11156, f. 75 v° et 102.

[49] Il est fait allusion à ces ordonnances dans les lettres patentes du 26 mai 1420, et dans des lettres missives du surlendemain. Archives de Grenoble, B 2824, f. 171 v° et 172 v°.

[50] Lettres de commission données à Regnier de Bouligny et Jean de la Tillaye, en date du 27 mai 1420. B 2825, f. 125.

[51] Lettres du 9 juin 1420. B 2825, f. 3. — Il se produisit, au sujet de cette nouvelle commission, un incident assez curieux. Le conseil delphinal auquel Gencien exhiba ses lettres, refusa d'y faire droit, alléguant que les lettres étaient scellées avec de la rire blanche, et qu'elles ne s'adressaient ni au gouverneur, ni à son lieutenant. Mais, prenant en considération la qualité du personnage, le gouverneur du Dauphiné, Gilbert, seigneur de la Fayette, lui délivra une commission pour lui, Jean de la Barre, trésorier, et Jean de Mareuil, auditeur des comptes du Dauphiné. Lettres du 25 août tao, aux Archives de Grenoble, B 2845, f. 9-13.

[52] Lettres du 11 juin 1420, s'appliquant au Dauphiné, et visant d'autres lettres pour tout le royaume. Archives de Grenoble, B 2824, f. 128 v°. Cf. lettres des commissaires Gencien, La Barre et Mareuil, du 3 septembre (B 2825, f. 17). Le détail des espèces est donné par M. Morin, Numismatique féodale du Dauphiné, p. 243-44.

[53] Ordonnances, t. XI, p. 101-103. — L'original est aux Archives de Grenoble, titres non classés.

[54] Par ces lettres, la monnaie de Mirabel est affermée et les bailleurs doivent prêter, dans le délai d'un mois, la somme de 12.000 l. t. B. 2825, f. 74. — Un autre bailleur s'engageait à prêter 10.000 l. t. sur le produit de la monnaie de Romans (Id., f. 42).

[55] B 2825, f. 28.

[56] B 2825, f. 45. La teneur de ces lettres est semblable à celles du 9 juin 1420, citées plus haut. Le même registre contient (f. 58 à 87 v°) l'information faite par Jean Jarze à Romans.

[57] Elles se manifestèrent à Paris, au sujet des mesures prises par le gouvernement de Charles VI, dans une assemblée tenue au mois de décembre 1420.

[58] Voir les lettres de Charles VI des 31 octobre et 19 décembre 1420, et du 11 février 1421. Ordonnances, t. XI, p. 107 et 117.

[59] C'est ce qui ressort des comptes de cette année. Archives, KK 53, f. 2 v°, 6, etc. Le 2 janvier 1420, le mare d'or vaut 250 l. t. (f. 2 v°). Le setier d'avoine, qui vaut 40 et 50 sous en janvier, arrive en mars à valoir 60 et 70 sous, et en avril 100 sous (Id., f. 44 et s.).

[60] Archives, KK 50, f. 2-3 v°, 23 et 23 v°.

[61] Commission à Guillaume Toreau et Jean de Ponchier. Archives de Grenoble, B 2825, f. 101.

[62] Données à la relation de Charles de Bourbon, capitaine général en Languedoc et Guyenne. Ordonnances, t. XI, p. 120.

[63] Archives, KK 50, f. 13-14, 30 v°-33, 62-63 v°, etc.

[64] Si vous prions et neantmoins requérons et sommons, de par mon dit seigneur, que les dictes lettres faciez exequter ès dictes monnoyes du Dalphiné, et que la dicte ordonnance soit tenue secrete, car ou revelement peut avoir grant dommaige pour Monseigneur. Lettre missive des généraux mantes des monnaies, en date du 15 avril 1421, aux gouverneur et gens du conseil du Dauphiné, Archives de Grenoble, B 2825, f. 35, reproduite par M. Morin, Numismatique féodale du Dauphiné, p. 250, note 4. — Et ces choses tenés secretes, sans les reveller à quelconque personne que ce soit, sous peine de privation de voz offices et d'emande arbitrayre, fors seulement à l'aissayeur et au maistre particulier, des quels prenez le serment de non reveller ces choses sur les dictes peines. Lettre du gouverneur du Dauphiné aux gardes de la monnaie de Crémieu, en date du 22 avril. Morin, l. c., p. 252 note — Le 9 octobre, les généraux des monnaies écrivent au gouverneur de mettre à exécution certaines choses secrètes contenues dans des lettres du Dauphin. B 2825, f. 129 v° ; cf. Morin, p. 256 note.

[65] Lettres des généraux malices des monnaies en date des 10 août et 8 octobre 1421. B 2825, f. 117 v° et 130.

[66] Le 9 août 1421, le gouverneur du Dauphiné écrit qu'on a ordre de faire fabriquer : 1° des écus à la couronne ; 2° de petits blancs ; 3° des deniers noirs. On donne aux changeurs et marchands soixante-quatre des écus au marc d'or fin. Morin, l. c., p. 253-54. Le 2 octobre, les généraux maîtres des monnaies ordonnent de faire fabriquer de nouveaux écus à la couronne. Idem, p. 255. — Le 8 octobre, les mêmes ordonnent de fabriquer des gros. B 2825, f. 130.

[67] Supplique du maître de la monnaie de Mirabel, décembre 1421 ; lettre des généraux des finances, 11 décembre 1421. B 2825, f. 137.

[68] On verra plus loin que le gouvernement du Dauphin se décida à recourir à un emprunt forcé sur les maîtres particuliers et gardes des monnaies du Dauphiné : c'est ce qui résulte de lettres de commissions données, vers la fin de 1421, à Jean Girard, lequel eut charge en même temps de vérifier l'état des monnaies, et les papiers et registres de gardes, contre-gardes et contrôleurs. Ms. fr. 5271, f. 141 v°.

[69] Lettres du 19 décembre 1420. Ordonnances, t. XI, p. 107.

[70] Lettres du 12 octobre 1421. Ordonnances, t. XI, p. 133.

[71] Ordonnances, t. XI, p. 122 et 132.

[72] Ces ordonnances, que nous ne possédons pas, sont visées dans des lettres du 11 février, prescrivant leur application au Dauphiné. On y lit : En tenant la chose secrete, ainsi que necessité en est, sur quant que vous et eulx (les maîtres des monnaies) vous povez meffaire. On voit par ces lettres que le Dauphin avait supprimé dans ses monnaies l'office de contrôleur. Archives de Grenoble, B 2825, f. 140 v°.

[73] Lettres du 10 février 1422. Archives de Grenoble, B 2825, f. 142. A peine Bouligny commençait-il à remplir sa mission, qu'il fut appelé en Languedoc. Simon Roque, garde de la monnaie de Saint-Pourçain, qui lui avait été associé, continua seul à opérer en son absence. Idem, ibid., f. 140-41. Les monnaies qui faisaient l'objet de son inspection étaient, outre les trois du Dauphiné, Romans, Crémieu et Mirabel, celles de Saint-Pourçain, Le Puy, Villefranche et Lyon. Les trois monnaies du Dauphiné furent affermées le 12 mars ; on donnait soixante-dix livres du marc d'argent. A Crémieu et à Romans, le nouveau maître devait prêter six mille livres avant la fin du mois. Morin, p. 259, d'après le registre B 2825, f. 142 et s.

[74] Ces lettres sont ainsi visées dans l'Inventaire des titres de la maison ducale de Bourbon, t. II, p. 221, n° 5179 : Charles, régent de France, promet de remettre les monnaies à leur juste valeur et envoie des commissaires dans la Marche pour lever des subsides. Original sur parchemin, signé, P 1378a, cote 3055. — Cette pièce manque aux Archives, dans le registre indiqué.

[75] Archives de Lyon, AA 20, f. 27. Voir cette lettre aux Pièces justificatives.

[76] Voir plus haut, chapitre X.

[77] Ces lettres, qui se trouvent dans le registre D 2827, f. 1, aux Archives de Grenoble (Cf. B 2825, f. 186), ont été publiées en partie et soigneusement analysées par M. Morin, dans l'estimable ouvrage que nous avons déjà cité, p. 235 note, et 260 et s. — Le marc d'argent, dont le prix était thé à six livres, en valait quatre-vingt-dix au mois de juillet. Voici quelles étaient les espèces nouvelles : 1° francs à cheval d'or tin ayant cours pour 16 sous ; 2° gros deniers blancs an K couronné, ayant cours pour 16 deniers ; 3° blancs deniers à l'écu couronné (8 deniers) ; 4° petits blancs au Dauphin appelés liards (4 deniers) ; 5° deniers noirs appelés doubles viennois (2 deniers) ; 6° deniers noirs (1 denier) ; 7° autres deniers noirs (une maille). Toutes ces espèces valaient le double en monnaie delphinale. — Dans les lettres d'exécution du gouverneur du Dauphiné, on lit : Gardez bien, sur tant que vous pourrés offendre Monseigneur, que vous ne soyés sy hardis de roveller le poys ne la loy des dictes monnoyes à quelques personnes que ce soit, ainz la tenés secrete, etc. Morin, l. c., d'après B 2827, f. 3.

[78] Voyez les travaux si remarquables de M. Vuitry, et en particulier son dernier mémoire : Les monnaies sous les trois premiers Valois (Paris, 1881, in-8° ; extrait du Compte rendu de l'Académie des sciences morales et politiques), p. 4 et s., 29 et s., 64, 120.

[79] C'est ce que nous apprennent les Registres des Comptes de Tours, vol. XX, f. 3. Cf. vol. XIX, f. 90 v°. En septembre, l'écu valait encore 40 livres (Archives, KK 53, f. 131, et 50, f. 79) ; en novembre, 30.000 livres tournois de faible monnaie représentaient 1.500 livres de forte monnaie (Ms. fr. 6749, f. 2). Le 18 octobre, le corps de ville de Lyon prenait des mesures pour remédier au retard apporté à la mise en circulation de la bonne monnaie, laquelle, disait-on, n'est pas preste d'avoir cours de deux moys vennans (BB I, f. 164 vs).

[80] Lettres du 23 et du 24 décembre 1421. Archives de Lyon, Pièces non classées.

[81] Pour les sources, nous renvoyons aux indications données au chapitre X, dans le paragraphe relatif aux États.

[82] Voir la quittance de Jean Louvet, en date du 30 octobre 1448, dans Clairambault, vol. 67, p. 5211.

[83] Voir la quittance dans D. Morice, t. II, col. 1089. On a la trace d'un autre prit de 1.000 livres, remboursé en janvier 1422. Pièces originales, 152 : AVAUGOUR.

[84] Lettres du 27 avril 1421. Archives, J 183, n° 136.

[85] Lettres du 8 mai 1421. Archives de Grenoble, B 3044, f. 102.

[86] Archives de Grenoble, B 3044, f. 252. Par d'autres lettres, en date du 16 novembre (f. 149), le Dauphin prescrivit le remboursement en argent.

[87] Clairambault, 46, p. 3447.

[88] Le 31 mai 1421, le Dauphin demandait aux habitants de Lyon de lui prêter 10.000 livres, remboursables sur le produit de l'aide votée par les États généraux assemblés à Clermont. Voir la lettre de ce jour, aux Pièces justificatives. Cf. Archives de Lyon, Registres des délibérations, BB I, f. 129 et s.

[89] C'est ainsi qu'au mois de janvier 1420, Hue, seigneur d'Arpajon, bailla comptant 500 livres pour rétribuer certains services secrets rendus par Jean de Varengnes et autres habitants de Toulouse (Clairambault, 136, p. 2349), et qu'en février 1420, Louvet et d'Avaugour fournirent les 1.200 fr. nécessaires pour les dons de vaisselle d'argent faits aux comtes de Buchan et de Vigton (voir plus haut, chapitre IX).

[90] Un Formulaire nous fournit des lettres sans date (Fr. 5271, f. 141 v°), où le Dauphin expose qu'il envoie présentement grosses gens delà les rivières, pour secourir ses bons et loiaulx subgiez, assegiez dedens Meaulx (le siège de Meaux commence le 6 octobre1421 et dura sept mois) ; que d'autre part qu'il est décidé à se mettre bientôt sur les champs, à toute puissance, ce qui ne se peut faire sans grosses finances ; et que, en attendant le paiement de raide octroyé par les pays de son obéissance, il est besoing de fere emprunts sur officiers et serviteurs de mon dit seigneur et nostres ; le Dauphin donne donc commission à Jean Girard, son conseiller, de se transporter par devers les maîtres particuliers et gardes des monnaies du Dauphiné, et de leur demander le prêt des sommes portées dans ses lettres closes, avec mission de les y contraindre au besoin, par arrest et emprisonnement de leurs personnes, par prinse, vendue et exploitation de leurs biens meubles et les suspendre de leurs diz offices. — Par d'autres lettres, également sans date, que nous trouvons dans le même Formulaire (f. 141), le Dauphin donnait commission à Denis du Moulin, maître des requêtes de son hôtel, Bertrand Campion, son maître d'hôtel, et Jean le Vavasseur, de requerir et demander, tant par voye amiable que aussi de sommation, se mestier est, à toutes les personnes escriptes et denommées en certain roole de la date du jour d'uy, signé de nostre main et scellé de nostre seel secret que pour ce à vous avons baillé, ils prestent et aident à mondit seigneur et à nous les sommes contenues audit roole, chascun selon la declaracion et specification d'icellui roole.

[91] Le 27 juin 1422, le Dauphin ordonne de faire finances de 1.500 écus d'or sur la traite des vins d'Anjou et du Maine, pour rembourser Pierre le Carbonnel, serviteur de Jacques d'Harcourt, de l'avance qu'il avait faite de cette somme pour le ravitaillement du Crotoy. Chartes royales, XIV, n° 14.

[92] Le gouvernement de Charles VI avait, lui aussi, eu recours à ce procédé : voir lettres du 7 décembre 1418 donnant pouvoir d'engager des terres du domaine, jusqu'à concurrence de dix mille livres. Ordonnances, t. X, p. 501.

[93] Ordonnances, t. XI, p. 141.

[94] Ms. fr. 89, pièce 24 ; Archives de Grenoble, B 3044, f. 165 ; B 3045, f. 5 et 236 v° ; vidimus original, B 3028.

[95] C'étaient Regnier de Bouligny, maître des comptes et commissaire sur le fait de toutes finances, et Jean de La Barre, trésorier général du Dauphiné.

[96] Ordonnances, t. XI, p. 159.

[97] Voir lettres du 20 octobre 1422. Archives, J 475, n° 983. Cette pièce a été publiée dans les Archives historiques du Poitou, t. II, p. 294.

[98] En voici l'énumération : 1° Premier Compte de l'hôtel (1er janvier-30 juin 1421). Archives, KK 50, f. 2-21. — 2° Second compte de l'hôtel (1er juillet-31 décembre 1451). Id., f. 23-56. — 3° Troisième compte de l'hôtel (1er janvier-31 juillet 1455). Les premiers feuillets, comprenant la recette, manquent dans le registre KK 50. Ce registre commence avec les Despens des journées (f. 58-78 v°). — 4° Quatrième compte de l'hôtel (1er août-30 novembre 1422). Bibl. nat., Fr. 6749. Il est établi en faible monnaie. — Le cinquième compte commence au moment où le cours de la forte monnaie venait d'être rétabli, savoir le 1er décembre 1452, et s'arrête au 30 juin 1453 (KK 50, f. 86-96).

[99] Archives, KK 50, passim ; Bibl. nat., Fr. 6749. — Je ne me lancerai point ici à la recherche de l'insoluble problème qui consiste à convertir ces sommes en monnaie de nus jours. On peut consulter à ce sujet le savant mémoire de M. de Wailly sur les variations de la livre tournois (Paris, impr. impériale, 1857, in-4° de 251 pages, extrait du t. XXI, 5e partie, des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres), et le récent et si remarquable travail de M. Vuitry : Études sur le régime financier de la France avant la Révolution de 1789 ; le premier volume a seul paru (1878), et s'arrête à l'avènement de Philippe le Bel ; niais la suite nous est déjà connue par les communications faites par l'éminent académicien à l'Académie des sciences morales et politiques, insérées dans le Recueil de ses travaux, et tirées à part. Voir en particulier les Monnaies sous les trois premiers Valois. Paris, 1881, in-8° de 140 pages. — Pour avoir une idée approximative de la valeur actuelle des sommes énoncées, on petit les multiplier par quarante. C'est ce que nous disent tous les auteurs ; mais, d'après des érudits distingués, ils se seraient trompés, ne se basant que sur le prix du pain, qui a considérablement baissé depuis quarante ans : il faudrait donc multiplier les sommes (en forte monnaie) qu'on rencontre ici par soixante et même par quatre-vingts.

[100] Par lettres du 30 janvier 1421. Archives, KK 50, f. 24.

[101] KK 50, f. 2.

[102] KK 50, f. 23-24.

[103] KK 50, f. 23 v°, 24.

[104] KK 53, passim.

[105] Pour les comptes de la Chambre aux deniers, les trois premiers furent clos le 30 août 1428, et le cinquième le 16 juin 1429 ; mais une nouvelle vérification dut être faite, et la clôture définitive n'eut lieu que le 18 décembre 1435. KK 50, f. 15 v°, 35, 63 v°, etc.

[106] Voir chapitre VI. — Alain Chartier, qui, dans son éloquent Quadrilogue invectif, a sondé d'un œil si clairvoyant et avec un si noble patriotisme les abîmes de la situation, dit à ce propos (p. 442) : Et combien que règle ci estroicte ne sy doye donner, que la vertu de liberalité, qui tant bien siet en hault seigneur, n'ait tousjours vers le prince son effect, toutesvoies puis-je bien soustenir que celle vertu pour circonstances regarde lieu et temps de donner, et que en temps de habondance et de oysiveté telle donation seroit dicte euvre de largesse qui maintenant se devroit appeler prodigalité. Bien doivent avoir regard à ce que dit est ceulx qui trop pour eulx y pourchassent, et plus en est sur eulx le peché et la charge que sur le prince, que franchise et noblesse de couraige fait doubter des siens esconduire. Alain Chartier semble viser le président Louvet, quand il ajoute : Et quiconques se veulle enrichir avecques ung prince neressiteux et accroistre trop grandement sa substance et son estat des biens de celuy qui peu en a, pour la sienne sauver, monstre par sa privée affection que son courage est indigne de service publicque.

[107] Catalogue des actes. Il faut faire observer que nous n'avons certainement qu'une partie des actes de ce temps.

[108] Clairambault, 218, p. 9915.

[109] Archives, KK 53, passim.

[110] Indiqué dans les lettres du 3 août 1420.

[111] Du 6 au 12 (Itinéraire).

[112] Archives de Grenoble, B 3044, f. 34 Le chancelier ne figure pas parmi les signataires, mais on y trouve le vice-chancelier Boisratier, archevêque de Bourges.

[113] Archives de Grenoble, B 3044, f. 44.

[114] Archives de Grenoble, B 3044, f. 56.

[115] Archives de Grenoble, B 3044, f. 57.

[116] Archives de Grenoble, B 3044, f. 68 v°.

[117] Archives de Grenoble, B 3044, f. 70 v° à 74 v°.

[118] Archives de Grenoble, B 3044, f. 76 v° et 88 v°. — Les lettres sont contresignées par le chancelier, les archevêques de Reims et de Bourges, le maréchal du Dauphin (du Chastel), le seigneur de Belleville, le seigneur de Falavier (Louvet), etc.

[119] Lettre au gouverneur ou à son lieutenant ; lettre aux gens du Conseil. Archives de Grenoble, B 3044, f. 83 et 84.

[120] Archives de Grenoble, B 3044, f. 22 v°.

[121] Trois lettres missives du 30 septembre ; lettre du 1er octobre ; deux lettres du octobre 1419. Il y a encore une lettre, en date du 30 septembre, au trésorier général du Dauphiné. Id., ibid., f. 9 à 14.

[122] Archives de Grenoble, B 3044, f. 102 et 117 v°. Les lettres sont contresignées par le comte d'Aumale, Bernard d'Armagnac, le chancelier, les évêques de Laon et de Maillezais, le maréchal de Séverac, le maitre des arbalétriers (Torsay), le maréchal de mondit seigneur (du Chastel), etc. Rarement un tel nombre de signatures figure au bas d'un acte : il n'y en a pas moins de dix-huit.

[123] Archives de Grenoble, B 3044, f. 107.

[124] Lettres données au siège devant Galardon, et contresignées par l'évêque de Tulle (Hugues Comberel), le maréchal de Séverac, le maitre des arbalétriers (Torsay), le maréchal du régent (du Chastel), etc. Archives de Grenoble, B 3044, f. 117 v°.

[125] Lettre donnée en nostre ost devant Galardon, le 28 juin 1421. B 3044, f. 125 v°.

[126] B 3044, f. 134.

[127] B 3044, f. 134 v°. — On trouvera ces deux documents aux Pièces justificatives.

[128] B 3044, f. 127.

[129] Voir plus haut.

[130] Lettres du 25 janvier 1420. Archives de Grenoble, B 3044, f. 29 et 185. — Cadart, se fondant sur ce qu'il ne pouvait vacquer à la garde du château, le vendit à Aymard de Beauvoir, seigneur de la Palu, et le Dauphin approuva cette vente par lettres du 11 novembre 1421. Idem, f. 191.

[131] Lettres du 20 octobre 1420. B 3223 bis, f. 174. Voir aux Pièces justificatives, une lettre missive du Dauphin, en date du 25 avril 1421, relative à l'exécution de ce don. Cf. lettres patentes du 5 août et lettre missive du 26 septembre 1422. B 3044, f. 197 v° et 200 v°.

[132] Lettres du 31 juillet 1422. Archives, JJ 187, pièce 59, et Archives de Grenoble, B 3044, f. 207 v°.

[133] Lettres du 15 mai 1420. Archives de Grenoble, B 3223 bis, f. 171.

[134] Lettres du 4 novembre 1421. B 304.4, f. 142. Voir sur l'exécution de ce don une lettre missive du Dauphin, en date du 9 novembre 1421, aux Pièces justificatives.

[135] Lettres du 24 novembre 1421. B 3044, f. 169.

[136] Lettres du 6 février 1422. B 3044, f. 175. Cf. autres lettres, sans date, dans un Formulaire : Ms. fr. 5271, f. 107. Voir aux Pièces justificatives une lettre missive du Dauphin, en date du 27 avril 1422, relative à l'exécution de ce don.

[137] Blanchard, Compilation chronologique, t. I, p 237, d'après Mémorial de la Chambre des Comptes, H bis, f. 5 ; Archives, PP 2298, f. 5 v°.

[138] On lit dans un état, dressé par les élus en Poitou le 17 mars 1451, des noms et surnoms de tous ceux qui selon nostre recordance pouvons savoir avoir eu charge de recette de per le Roy nostre dit seigneur depuis l'an mil cccc xvm jusques à present : — Item, cellui an M IIIIc XVIII, le Roy, à sa venue de Paris, receut maistre Jehan Meurichon receveur general de toutes finances, auquel office ne demoura guieres. — Item, après ledit Meurichon, fut feu maistre Guillaume Charrier receveur desdictes finances. Ms. fr. 26080 (Quittances, 89), n° 6330. Jean Merichon figure comme receveur général des finances dans des actes des 24 septembre, 11, 15, 19 et 31 octobre, 10 décembre 1418.

[139] Il est qualifié, dans des lettres du 9 janvier 1420, de commis au fait de la recette générale, et dans les Comptes (KK 50 et 53, passim) de commis à la recette de toutes finances, tant en Languedoil comme en Languedoc.

[140] Il est ainsi qualifié dans des lettres du 21 juin 1417 (Cabinet de l'auteur), et resta en fonctions pendant toute la régence du Dauphin.

[141] Aussitôt après l'installation à Bourges du gouvernement du Dauphin, Regnier de Bouligny, l'un des conseillers du jeune prince, fut commis au fait de l'office de trésorier des guerres ; il est ainsi désigné dans des actes des 20 juin 1418 et jours suivants (Clairambault, 77, p. 6071 ; Pièces originales, 1668 : LAVAL ; Clairambault, 52, p. 3971 ; 76, p. 6191 ; 82, p. 8479, etc.). Nous trouvons Macé Heron qualifié trésorier des guerres, dans une lettre des maréchaux, en date du 1er septembre (Pièces originales, 191 : BARBO, et Hémon Baguier, avec la même qualité, dans une quittance du 8 septembre 1418 (Histoire de Bertrand du Guesclin, par Paul Hay du Chastelet, p. 423).

[142] De sont mentionnés comme nouvellement ordonnés dans des lettres du Dauphin, en date du 9 novembre 1418. Doat, 213, f. 1. C'étaient Regnier de Bouligny, Guillaume de Lucé et Alexandre le Boursier. Nous avons des lettres rendues, dès le 16 août 1418, au nom des commissaires ordonnés sur le fait et gouvernement de toutes finances, tant en Languedoil comme en Languedoc, et contresignées par Jean Chastenier, secrétaire du Dauphin. Pièces originales, 1574 : JAUNE. — Il y avait aussi des commissaires sur le fait des aides, bien qu'elles aient été supprimées en 1418 : François de L'Hospital est mentionné dans des lettres du 26 juillet 1421, comme l'un des commissaires sur le fait des aides. Anselme, Histoire généalogique, t. VII, p. 433.

[143] C'étaient Jean Gencien, ainsi qualifié dès le 20 décembre 1418 (Archives de Grenoble, B 2825, f. 1), et qui s'intitule, dans une lettre du 26 juillet 1420, trésorier de France, général maitre des monnaies et commissaire général par tout le royaume sur le fait des dictes monnaies (B 2824, f. 182) ; Bernard Braque, mentionné dans des lettres du 20 décembre 1419 (Clairambault, 21, p. 1469) ; Jean Jarge, mentionné dans des lettres du 17 novembre 1420 (B 2825, f. 45), et Jean de Ponchier, qualifié de général maitre des monnaies dans des lettres du 4 avril 1421 (B 2825, f. 101).

[144] D'abord Thibaud de la Croix ; puis, à partir du 4 janvier 1421, Pierre Pelletier. Archives, KK 50, f. 1.

[145] C'étaient Étienne Renverse, dit le Bailly, et Jean Luillier. KK 50, f. 2, 6, 10, etc.

[146] François de l'Hospital, nommé par lettres du 15 février 1422 général et seul réformateur sur le fait des dépenses de l'hôtel du Dauphin et de la Dauphine, des provisions et de l'argenterie. Le P. Anselme, Histoire généalogique, t. VII, p. 433.

[147] Denis du Chesne. Il est mentionné dans des lettres du Dauphin du 15 novembre 1419 (Clairambault, 31, p. 2321). — Il y avait aussi un contrôleur de l'argenterie, Jacques de Caulers, mentionné dans des lettres du 2 mai 1420 (idem, 24, p. 1775).

[148] Archives, KK 60, f. 66 v°, 73 v°, 78 v°, 80 v°.

[149] Labeur a perdu son esperance ; marchandise ne trouve chemin qui la puisse sauvement adresser ; tout est proye ce que l'espée ou le glaive ne deffend, fait dire au Peuple Alain Chartier, dans son Quadrilogue invectif (p. 417). Et il ajoute : Que appelé-je guerre ? Ce n'est pas guerre qui en ce royaume se maine. C'est une privée volerie, ung larrecin habandonné, force publique soubz umbre d'armes, et violente rapine que faulte de justice et de bonne ordonnance ont fait estre loisibles... Or conviendra il les champs demeurer desers, inhabitables, et habandonnez aux bestes sauvages, et ceulx qui par travail de loyalle marchandise ont les aucuns en leurs necessitez secourus, demeurer despourveuz et esgarez, et perdre par courroux la vie après les biens ? (p. 417-18)

[150] Par grant et meure deliberacion de conseil, avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons par ces presenles que doresenavant ii ne voise à aucuns marchans estraingers ne autres, de quelzque estai ou auctorité qu'ilz soient, transporter ou faire transporter aucuns blez, vins, ne autres vivres hors du Royaume, ne aussi avaler aval la rivière de Loire aucuns desdiz blés ou vins, afin que les parties de France ne soient et demeurent depourveues et desgarnies desdiz blés et vins, et que nous et nostre ost n'en puissions estre soustenuz et avitaillez et en avoir deffaulte, se celui ou ceulx qui vouldront mener ou transporter lesdiz vivres n'ont sur ce congié et licence de nous par nos lettres patentes seellées de nostre grant seel... Lettres du 12 avril 1419 : Archives, X1c 117. — Cf. lettres de 13 septembre 1419. Ordonnances, L XI, p. 20.

[151] Lettres du 27 septembre 1419, interdisant l'exportation hors du Poitou. Ordonnances, t. XI, p. 22.

[152] Par lettres du 20 décembre 1419, le Dauphin donne la somme de 200 livres à Bernard Braque, général maître des monnaies, attendu la cherté des vivres. Clairambault, 21, p. 1469.

[153] Lettres des 23 et 27 septembre 1419. — Malgré les mesures prises pour mettre cette mesure à exécution (voir lettres des commissaires sur le fait des finances, en date du 31 mars 1420, Clairambault, 88, p. 6915), les exportations continuèrent à se produire sur divers points du royaume : le 18 août 1421, les conseillers de la ville de Lyon écrivaient au gouverneur du Dauphiné pour lui faire savoir qu'on transporte des blés du Dauphiné en Savoie et dans d'autres pays, hors l'obéissance du Dauphin (Archives de Lyon, BB I, f. 153). Par lettres du mois de janvier 1421, le Dauphin donna son approbation aux mesures prises par Armand, vicomte de Polignac, lieutenant et capitaine général en Velay, Vivarais, Gévaudan et Valentinois, pour faite observer l'interdiction stipulée par ses ordonnances (Archives, K 59, n° 31 et 31 bis).

[154] Lettres du 1er août 1420. Germain, Histoire du commerce de Montpellier, t. I, p. 211.

[155] Lettres du 13 avril 1421. Archives X1a 8604, f. 32.

[156] Lettres sans date, dans un Formulaire, Ms. fr. 5053, f. 76.

[157] Ordonnances, t. XI, p. 45-48. — Ce ne fut pas sans peine que les Lyonnais obtinrent ce privilège : ils l'avaient sollicité dès le mois de décembre 1418, et deux messagers avaient été trouver le Dauphin dans ce but (BB I, f. 68) ; ils renouvelèrent leur demande en novembre 1419 (BB I, f. 90 et 92) ; après le passage du Dauphin par Lyon, ils déclarèrent qu'ils refusaient les foires, parce qu'on ne voulait les leur octroyer franches (délibération du 29 janvier 1420, id., f. 99) ; puis, ils se résignèrent à les prendre telles qu'on les leur donnait (délibération du 7 février, id., f. 100 v°). Ils finirent, on l'a vu, par obtenir pleine satisfaction. Mais il leur fallut plusieurs mois avant d'avoir leurs lettres expédiées : deux messagers furent envoyés vers le Dauphin, pour les obtenir, au mois de mars, et reçurent pour leur voyage, le 19 mai, une somme de 88 l. 16 s. 8 d. t. (CC 392, n° 38).

[158] Doat, 92, f. 518.

[159] Ordonnances, t. XVII, p. 323.

[160] Ordonnances, t. XV, p. 307.

[161] Lettres de 1422, visées dans une ordonnance d'août 1441. Ordonnances, t. XV, p. 679.

[162] Lettres sans date, dans un Formulaire, Ms. fr. 5271, f. 133.

[163] Chronique rouennaise, à la suite de la Chronique normande de Pierre Cochon, édition de M. Ch. de Beaurepaire, p. 344.

[164] Voir Journal d'un bourgeois de Paris, p. 111 et suivantes.

[165] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 150.

[166] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 151.

[167] Voir ci-dessus, chapitres II et VII. Cf. note de M. Tuetey, dans son édition du Journal, p. 151.

[168] Les monnaies sous les trois premiers Valois, p. 65.

[169] Berry, p. 495.

[170] Ce chiffre a été contesté, et l'on s'est appuyé pour cela sur une ordonnance de saint Louis ; mais E. Boutaric le maintient dans son savant ouvrage : Institutions militaires de la France, p. 120, 189-90.

[171] Voir Boutaric, Institutions militaires, p. 235.

[172] Ordonnances, t. X, p. 434-36. Le rendez-vous était fixé à Chartres, au 1er mai 1418. — Par lettres en date du 6 mai, données à la relation dit grand Conseil tenu par le Dauphin, Charles VI exempta les gens d'église, nobles et communs de la basse marche de Rouergue de venir au rendez-vous fixé, attendu que leur pays était exposé aux attaques des Anglais, et qu'ils ne pouvaient supporter les frais du voyage, ayant déjà payé 8.000 l. t. pour le recouvrement de La Réole. Doat, 212, f. 273. — Après l'occupation bourguignonne, une nouvelle convocation fut faite, par lettres de Charles VI du 8 septembre 1418, données à la relation du grand Conseil tenu par le duc de Bourgogne : tous nobles et non nobles tenant fief ou arrière-fief, ou autres quels qu'ils soient qui ont coutume ou peuvent porter armes ou harnois devaient se rendre à Beauvais, avant le 15 octobre. Tout homme ayant quatre livres de revenu et au-dessus devait être pourvu d'un cheval, armé comme il appartenait. Archives de Reims.

[173] Voir ci-dessus, chap. IV et chap. X. Nous avons une lettre missive, datée de Poitiers le 14 août (1418), faisant mention de lettres closes écrites par le Dauphin à plusieurs barons et nobles du Limousin. Voir aux Pièces justificatives.

[174] Voir Boutaric, Institutions militaires, p. 127, 196.

[175] C'est le taux fixé par Charles VI dans les lettres de retenue du duc de Bourgogne, avec 4.000 hommes d'armes et 2.000 hommes de trait, en date du 12 août 1418. D. Plancher, t. III, p. CCCIX.

[176] Voir plus haut, chapitre IV.

[177] Sur ces lettres de retenue, voir ms. fr. 7858, f. 339 v°-40, 342 v°, 346 et s.

[178] Lettres des 29 juillet, 7, 15 août 1418, etc. ; montres passées en juin et juillet.

[179] Lettres des 29 juillet, 15, 26, 30 août, 9, 18, 24 septembre, 11, 15 octobre, etc.

[180] Voir Bréquigny, préface du t. XI des Ordonnances, p. XXII, XXIII et XLI.

[181] Boutaric a publié l'état de ce qui était dû de sergents par les communes relevant directement du Roi, et par les abbayes de l'ancien domaine de la couronne. Institutions militaires, p. 206-207.

[182] Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 548.

[183] Boutaric, Institutions militaires, p. 219-21.

[184] Se sont les payemens des gens d'armes de Lion pour aler à Ville Franche, fes le IIIe et le IIIIe jour de fevrier l'an mil IIIIC et XVIIe. Original, Archives de Lyon, CC 392, n° 14.

[185] Ordonnances, t. XI, p.127.

[186] Thibaudeau, Histoire de Poitou, t. II, p. 4.

[187] Compte de Maré Heron, dans D. Morice, t. II, col. 985.

[188] Lettres du 26 février 1419, indiquées dans le Ms. fr. 7858, f. 340. Il y avait soixante hommes d'armes et quarante-sept arbalétriers à Tours ; trente hommes d'armes et vingt arbalétriers à Chinon ; vingt hommes d'armes et vingt arbalétriers à Loches ; quatre hommes d'armes et quatre arbalétriers à Châtillon ; six hommes d'armes et cinq arbalétriers à Rochecorbon.

[189] Monseigneur le Regent, au departir de son ost, bailla certains pals à ses capitaines, pour vivre eut et leurs gens un certain temps. Archives de Tours, Registres des délibérations, vol. I, part. V, au 27 juillet 1421.

[190] Chartes royales, XIV, n° 1.

[191] Voir Jouvenel, p. 116.

[192] Dès le mois de juillet, Nicolis du Carret (del Caretto), marquis de Savonne, était employé à la défense de Melun avec seize écuyers, quatre connétables et quatre-vingt arbalétriers (Clairambault, 25, p. 1851 et 1853) ; Ferrandon de Séville servait dans le même mois sous les ordres de Tanguy du Chastel (id., 103, p. 8011) ; Luquin Ris faisait partie de la garnison de Melun avec quarante-six écuyers, un connétable et vingt-huit arbalétriers (Id., 95, p. 7403) ; le 2 août 1418, Guillaume Chapelain, chevalier, va de Tours, où était l'armée du Dauphin, à Blois et à Orléans, avec mission de faire faire des cordes pour ses arbalétriers turquois (id., 28, p. 2105) ; en décembre suivant, Sanche Gassies et d'autres capitaines d'arbalétriers figurent au siège de Tours (Archives, K 59, n° 20 44-46).

[193] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 341-48.

[194] Original au British Museum, Additional charters, n° 11446.

[195] Ms. fr. 7858, f. 346 v°.

[196] Dom Villevieille, Titres originaux, vol. III, n° 118. Cf. quittance du 30 mai 1419, Pièces originales, 266 : BEL.

[197] Clairambault, 40, p. 3003.

[198] Clairambault, 40, p. 3003. — Cf. autre quittance du même, du 10 octobre 1419, ms. fr. 24000 (Gaignières, 781), p. 123.

[199] Il est ainsi désigné : Thomas Sion, Escossoys, cappitaine de gens d'armes. Le cheval qui lui fut donné, de poil clair brun, était du prix de mille livres tournois. Archives, KK 53, f. 6.

[200] On lui donne cette qualité dans les Comptes de l'écurie, à la date du 24 septembre 1422, époque où le Dauphin lui fit présent d'un nouveau cheval. Archives, KK 53, f. 122. Un troisième cheval lui fut donné en novembre. Id., ibid., f. 159 v° et 160 v°.

[201] Indiquées dans une quittance du fer avril 1420. Clairambault, 9, p. 513. Cf. lettres des maréchaux du 12 mars, et autre quittance du 3 mai, id., ibid., p. 513 et 515.

[202] Quittance du 24 avril 1420. Clairambault, 10, p. 637. Cf. quittances des 30 mai, 27 août et 30 septembre, id., ibid., p. 637, et 11, p. 639.

[203] Quittances de Jean Gonsalve des 12 février et 22 mars 1420. Clairambault, 54, p. 4071.

[204] Comptes de l'écurie. Archives, KK 53, f. 8.

[205] Archives, KK 53, f. 72. — Huguet de Chillon, marchand à Poitiers, donne, le 14 mai 1421, quittance de cette somme, employée à la confection de certaines huques aux trois couleurs, lesquelles mon dit seigneur a ordonné estre faictes pour les gens d'armes ordonnés pour la garde de son corps. Archives, KK 53, f. 86 v° et 95.

[206] Par lettres du 30 mai 1421, le Dauphin ordonnait de payer à Pierre Frotter la somme de 5.340 l. t., pour lui et les gens de sa retenue employés à la garde de la personne du prince : Qui sont, dit la quittance où ces lettres sont visées, en paies d'hommes d'armes au feur de XXX s. t. pour chascune paye, desservis et à desservir à la garde et seurté de la personne de mondit seigneur le Regent, en la compagnie de Pierre Frotier, premier escnier de corps et maistre de l'escuierie de maudit seigneur le Regent. Clairambault, 112, p. 8723. Cf. quittance du 8 juin 1421, id., ibid.

[207] Clairambault, 112, p. 8723 ; Archives, KK 53, f. 76 v°, 77, et 123.

[208] Le P. Anselme, Histoire généalogique, t. VIII, p. 131. — Le 8 juin 1421, à Tours, on livra à Pierre Bessonneau, maitre de l'artillerie, des pièces d'artillerie pour le siège de Boisruffin. Archives de Tours, Registres des délibérations, vol I, part. V.

[209] Il se nommait Pierre Caresme. Lettres du 7 janvier 1422, données à la relation de Charles de Bourbon. P. Anselme, Histoire généalogique, t. VIII, p. 131.

[210] Voir deux inventaires des arbalestes, traits, artilleries, canons, lances et autres abillemens de guerre se trouvant au château de Blois, en date des 16 avril 1418 et 2 mars 1422, publiés dans la Revue des Sociétés savantes, année 1861 (4e série, t. V), p. 311-316. Cf. Pièces originales, 1586 : JONTERON. — Le 15 mai 1421, un marché est passé avec maître Jean Thibaut, maitre des œuvres du Dauphin au pays de Touraine, pour faire deuz engins nommés et appelez Loyllars (catapultes destinés à lancer de grosses pierres), l'un d'iceulx portant CCCC livres poisant, et l'autre CCC livres poisant. Archives de Tours, Registres des Comptes, vol. XVIII, cité par M. de Grandmaison, Documents sur les arts en Touraine, p. 124.

[211] En deffault de ceulx dont on se devroit aider, dit Alain Chartier, a fallu prendre ceulx qu'on a peu finer, et faire sa guerre de gens acquis par dons et par prières, au lieu de ceulx que leur devoir et leaulté y semonnoit. Si est raide la guerre par gens sans terre et sans maisons, ou la graigneur part, que necessité a contrains de vivre sur autruy. Et nostre besoing nous a convaincus à le souffrir. Quadrilogue invectif, p. 447.

[212] A bien enquerir, dit encore Alain Chartier, il sera trouvé que gens de peuple et de bas estai se mettent sus soubz le nom d'armes, et sont coulpables de ces horribles excès. Quadrilogue invectif, p. 427.

[213] Ordonnances, t. XII, p. 286.

[214] Archives de Tours, Registres des Comptes, XIX, f. 86 v°. Cf. Registres des délibérations, I, part. V, au 14 mai 1422.

[215] Lettres du 5 août 1421. Ordonnances, t. XI, p. 127.

[216] On trouve dans un Formulaire (Ms. fr. 5024, f., 122 v°) des lettres du Dauphin, sans date, portant défense à tous chevaliers, escuiers, cappitaines, rotiers, gouverneurs et conduiseurs de gens d'armes, archiers, arbalestriers et autres gens de guerre, de se loger dans les terres de son amé et féal conseiller tel (il s'agit évidemment de Regnault de Chartres, archevêque de Reims), et d'y prendre ou souffrir prendre ou fourragier blez, vins, avoines, olives, volailles, bestial, chevaulx, jumens, muletz, mesnaiges utenciles d'ostel, ne autres biens ou choses quelzconques, sinon du consentement des possesseurs. Cet acte atteste à lui seul la profondeur du mal. — Au mois de janvier 1421, Jean le Saintier alla trouver le Dauphin, au nom de la ville de Tours, pour implorer l'intervention du prince : Charles lui remit trois lettres closes pour les comtes de Buchan et de Wigton, et pour le connétable de l'armée d'Écosse, et par un mandement du 13 janvier ordonna à tous les capitaines de gens d'armes et de trait, et aux commandants des forteresses de la Touraine, de laisser les voituriers apporter librement les vivres à Tours (Archives de Tours, EE, liasse 2). Après la campagne de juin-juillet 1421, le Dauphin ayant, comme nous l'avons vu, réparti ses troupes entre différentes contrées, avait déclaré que se il y avoit aucuns de ses gens qu'ilz pillassent ou feissent aucuns excès auz champs ne en la ville, que tantost qu'il viendroit à la congnoissance du cappitaine ou de la justice, que incontinent on les pugnist selon les cas. Des ordres furent donnés dans ce sens par le grand maître des arbalétriers au capitaine et au lieutenant de Tours. Archives de Tours, Registres des délibérations, vol. I, part. V, au 27 juillet 1421.

[217] Alain Chartier le dit clairement : D'ung autre inconvenient ne me puis-je taire. C'est que aucuns chiefs et conducteurs de gens prennent l'argent des gaiges de leurs souldoyers sans le leur departir, en les faisant vivre sur le peuple. Si encourent la villaine tache de larrecin, farcie de desloyaulté. Et en soy constituant comme les grans larrons, qui emblent à la seigneurie, fleurissent et soustienent une niée d'autres larronneaux, pour rober sur le peuple. Quadrilogue invectif, p. 443. — Et il ajoute plus loin (p. 445-46) : Que diray-je donques de nous, ne quelle esperance pourray-je prendre en noz entremises et armées, se discipline de chevalerie et droicturière justice d'armes n'y sont gardées ? Autre chose ne se puet dire, lors que, en ce cas, nous allons comme la nef sans gouvernail et connue le cheval sans frein.

[218] Quadrilogue invectif, p. 438-39.