HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT - 1403-1422

 

CHAPITRE V. — LE MEURTRE DE MONTEREAU.

 

 

10 SEPTEMBRE 1419

L'assassinat du duc d'Orléans : Jean sans Peur s'en déclare l'auteur. — Son attitude, ses tentatives pour s'emparer du pouvoir jusqu'au traité d'Arras (septembre 1414). — Double violation des engagements contractés par lui à Arras : machinations dans la capitale ; alliance secrète avec les Anglais. — Entrevue du Ponceau entre le Dauphin et Jean sans Peur. — Traité de Pouilly. — Duplicité du duc de Bourgogne après le traité. — Il se décide enfin à se rendre à Montereau. — Les deux princes en présence ; paroles échangées ; altercation ; le duc est tué. — Examen des accusations produites contre le Dauphin et ses conseillers.

 

Le mercredi 23 novembre 1407, le duc d'Orléans avait soupé chez la reine Isabeau, et, au sortir de l'hôtel Barbette, il chevauchait sur sa mule, en fredonnant. Tout à coup, d'une maison de la vieille rue du Temple, des hommes masqués se précipitent sur lui, criant : à mort ! à mort ! Le duc, vêtu d'une simple robe de damas noir, tomba, criblé de coups d'épée, de hache et de massue, et sa cervelle jaillit sur le pavé.

Trois jours auparavant, le duc de Bourgogne avait juré une éternelle amitié à son cousin d'Orléans et communié avec lui en signe de réconciliation. En présence du corps, qu'on avait déposé dans l'église des Célestins, il déclara que oncques mais n'avoit esté commis au royaume plus méchant et plus traître meurtre ; à la cérémonie des obsèques, il tint un des coins du drap, et se fit remarquer par la violence de sa douleur : les contemporains nous disent qu'il pleurait, et même qu'il sanglotait[1].

Pourtant, le bruit public accusait Jean sans Peur du crime, et quand le duc entendit le prévôt de Paris demander qu'on l'autorisât à fouiller dans son hôtel, il se troubla : tirant à part le duc de Berry et le roi de Sicile, il leur dit en pâlissant : C'est moi qui ai fait le cas ; le diable m'a tenté[2].

Mais, dans cet aveu, le repentir n'avait aucune place ; il n'y avait que du cynisme : chez le duc, comme on l'a dit, l'orgueil tua le remords[3]. Il osa paraître au Conseil et avouer hautement son crime ; puis il sortit, et on le laissa impunément gagner la Flandre. Là, il fit répandre le bruit que le duc d'Orléans lui dressait depuis longtemps des embûches, et qu'ils n'avaient fait que le prévenir. Peu après, il revint à la tête de trois mille hommes, et, à son entrée dans Paris, où il pénétra malgré les princes, il se trouva des gens pour crier noël sur son passage ? Le 8 mars 1408, devant toute la Cour, il fit faire pax Jean Petit l'apologie de son crime, et déclarer en trois points, dans un épouvantable fatras, qu'il avait tué : 1° pour Dieu ; 2° pour le Roi ; 3° pour la chose publique. C'était, écrit Michelet, un outrage après la mort, comme si le meurtrier revenait sur cet homme gisant à terre, ayant peur qu'il ne revécût, et tachant de le tuer une seconde fois [4]. Et la chancellerie royale tenait déjà toutes prêtes les lettres où l'on faisait dire au Roi que le duc de Bourgogne lui ayant exposé comment, pour son bien et celui du royaume, il avait fait mettre hors de ce monde son frère, le duc d'Orléans, lui ôtait toute déplaisance qu'il pouvait avoir contre lui, et le gardait en singulier amour[5].

Le duc de Bourgogne justifiait, on le voit, le surnom de Jean sans Peur, qu'il reçut bientôt : sans peur des hommes et sans peur de Dieu, comme on l'a dit justement[6].

Il devait donner plus d'une fois des marques de cette audace et de cette impudence. Maître de Paris en 1408, il se fait — malgré la détresse des finances — payer la dot de sa belle-fille Michelle de France, mariée au comte de Charolais. A la fin de 1408, menacé de la vengeance des princes, il reprend les armes, occupe de nouveau la capitale, refuse d'obéir à Charles VI, qui s'était retiré à Tours, et, procédant par l'arbitraire et la violence, ne reculant même pas devant dès exécutions sommaires, il dicte la loi à son souverain. En 1410, demeuré seul contre tous les princes ligués contre lui, il appelle ses hommes d'armes à Paris, fait prendre l'oriflamme au Roi, et, jusqu'au triomphe de la faction cabochienne, ce n'est qu'une succession de luttes, à peine interrompues par le traité d'Auxerre (août 1412). Quand prend fin la domination des Cabochiens (parmi lesquels se trouvaient ses propres familiers), il quitte soudain la capitale[7] (août 1413), pour aller préparer la résistance et revenir bientôt en armes (janvier 1414). Mais cette fois il doit battre en retraite devant Charles VI qui, déployant l'oriflamme et s'avançant vers le Nord, lui enlève Compiègne, Soissons et Saint-Quentin, et reprend Arras, dont le duc s'était emparé par ruse. Pourtant le rebelle reçoit encore une fois son pardon : par un traité signé à Arras le 4 septembre 1414[8], il rentre en grâce, à certaines conditions, entre autres celle de ne jamais paraître à la Cour sans avoir été mandé expressément et par lettres patentes. Au mépris de cet engagement, il revient en armes, quelques mois plus tard (décembre 1415), s'établit à Lagny, et ne craint pas de solliciter l'autorisation d'entrer dans Paris avec deux mille hommes. Voyant sa requête repoussée, il noue les trames d'une exécrable conspiration[9], qui devait éclater le vendredi saint, enveloppant dans une commune et sanglante proscription, la Reine, les princes, la plupart des membres du Conseil. Enfin, il reprend les armes en août 1417, avec le saint propos, comme il disait, de procurer le bien de Roi et du royaume[10], et l'on a vu comment, au lendemain des conférences de La Tombe, il se rendit maître de la capitale. On se demande s'il ne préféra pas alors, à un accord qui ne lui laissait qu'un pouvoir partagé, une rupture qui mettait entre ses mains la puissance absolue[11].

Ainsi, à tout prix, le duc voulait s'emparer du gouvernement, du Roi et du royaume. A travers tant d'incidents, de phases diverses, il ne s'était proposé qu'un but : devenir seul maître et maître incontesté du pouvoir. Les faits, les documents, le témoignage des contemporains, même les plus favorables à sa cause[12], tout le démontre d'une manière irréfragable. Dans l'âpre poursuite de ce but, il n'avait reculé devant aucun moyen fourberie, hypocrisie, intrigues, conspirations, exécutions, massacres, jusqu'à l'assassinat, rien ne lui avait coûté.

Mais le tableau serait incomplet si nous ne mettions en lumière un point que les historiens ont passé sous silence ou rejeté comme dénué de fondement : nous voulons parler de l'alliance secrète du duc de Bourgogne avec les Anglais.

Dès le mois de septembre 1411, des négociations avaient été entamées entre le duc de Bourgogne et le roi d'Angleterre Henri IV[13], qui, le mois suivant, lui donna une assistance armée pour se maintenir au pouvoir[14]. En 1414, au mépris du traité d'Auxerre (22 août 1412), par lequel il s'était engagé à ne jamais traiter avec les Anglais[15], il envoyait des ambassadeurs à Henri V, qui venait de monter sur le trône, et avec lequel il avait entretenu, comme prince de Galles, des relations amicales[16]. Le 23 mai était signée à Leicester une convention préliminaire[17], stipulant une alliance réelle et perpétuelle, offensive et défensive, entre le roi et le duc, lequel offrait d'aider Henri V à s'emparer des possessions du comte d'Armagnac, du seigneur d'Albret, du comte d'Angoulême, et même, selon le gré du roi, de le seconder dans la conquête des États du duc d'Orléans, du duc de Bourbon, du comte de Vertus et du comte d'Eu. Ainsi, par haine pour ces princes qui lui barraient le chemin du pouvoir, le duc de Bourgogne s'alliait à l'ennemi juré de la maison royale, et s'engageait à le faire pénétrer jusqu'au cœur, de la France ! On exceptait, il est vrai, du traité le Roi et le Dauphin[18] ; mais une telle clause n'était-elle pas illusoire, alors qu'au nord le comté d'Alençon, au centre le duché d'Orléans, le comté de Blois, le comté d'Angoulême et le duché de Bourbonnais, au sud le comté d'Armagnac et la seigneurie d'Albret devenaient provinces anglaises ou bourguignonnes, car le duc devait avoir part au butin[19] ? Un pareil scrupule, d'ailleurs, pouvait paraître étrange chez un prince qui n'avait jamais hésité à déployer l'étendard de la révolte, et qui, au moment même où se signait la convention de Leicester, était en lutte ouverte avec son Roi, lequel avait dû prendre les armes pour le châtier[20].

Le 4 juin, en exécution de la convention du 23 mai, Henri V autorisait cinq de ses conseillers à traiter avec les représentants de Jean sans Peur de son mariage avec Catherine de Bourgogne, en même temps que d'une ligue, confédération et amitié perpétuelle ; il donnait même commission pour recevoir l'hommage lige du duc[21]. Les choses n'en restèrent pas là : le 7 août, pendant que Charles VI assiégeait Arras, le duc de Bourgogne signait à Ypres un traité qui confirmait, en les aggravant, les stipulations faites à Leicester, et qui l'inféodait complètement à la politique anglaise[22].

Le pas décisif était fait. Cela n'empêcha pas Jean sans Peur de faire déclarer, à ce moment même, à Arras, par le duc de Brabant son frère, la comtesse de Hainaut sa sœur, et les députés des États de Flandre, qu'il n'avait aucune alliance avec les Anglais, et de faire jurer en son nom qu'il ne traiterait pas avec eux sans le consentement du Roi, de la Reine et du duc de Guyenne[23]. Le traité d'Arras est du 4 septembre, moins d'un mois après le traité d'Ypres ; or, le 29 septembre suivant, une convention additionnelle était signée à Saint-Omer avec les ambassadeurs anglais[24].

Au commencement d'août 1415, Henri V, qui n'avait cessé d'être en rapports avec le duc de Bourgogne[25], lui envoyait (10 août) une nouvelle ambassade pour confirmer les alliances précédentes et régler divers points[26] ; le 13 août, il faisait voile vers la France, assuré, comme le dit un auteur bourguignon, qu'il y trouverait foison de ses amis[27].

Que signifient, en présence de tels faits, et les serments du duc[28], et les déclarations réitérées qu'il n'hésitait point à faire[29], et toutes ses protestations de loyauté et de dévouement à la couronne[30] ? Si Jean sans peur faisait montre de si beaux sentiments ; s'il proclamait bien haut qu'on ne pouvait l'empêcher de prendre part à la défense du royaume ; s'il promettait d'envoyer contre les Anglais, non pas seulement cinq cents hommes d'armes et trois cents hommes de trait, comme on le lui demandait, mais un nombre bien plus grand ; s'il annonçait enfin que son fils le comte de Charolais viendrait au service du Roi aven le plus de navires et d'artillerie qu'il pourrait, c'est que, sous prétexte de défense nationale, il avait la secrète espérance de reprendre sa place à la Cour et de s'emparer du gouvernement. Quand il eut reconnu que cette espérance était vaine, tout changea soudain de là l'abstention forcée du comte de Charolais, gardé à vue par ses gouverneurs d'après l'ordre formel de son père, et qui ne se consola jamais de n'avoir point combattu à Azincourt[31] ; de là l'injonction faite, par lettres patentes, aux seigneurs de Picardie de ne point quitter leurs hôtels — injonction qui ne les empêcha pas, d'ailleurs, de se rendre au mandement du Roi[32] ; de là la présence, dans les rangs de l'armée anglaise, d'un seigneur picard qui semblait être un agent secret du duc[33] ; de là enfin, en même temps que l'absence des navires flamands qui avaient été promis au Roi, la présence dans la flotte anglaise de huit cents vaisseaux hollandais[34]. C'est ainsi que Jean sans Peur remplissait ses devoirs de doyen des pairs, et qu'il évitait le péché de félonie, dont il avait l'impudence de parler dans sa lettre du 24 septembre 1415[35] ! Comment, après tout cela, prendre au sérieux, l'envoi de son gantelet au Roi d'Angleterre, le lendemain de la bataille, et ce défi à feu et à sang à l'occasion de la mort de son frère le duc de Brabant[36] ? On s'explique les rumeurs qui circulaient dans le royaume sur les alliances du duc avec les Anglais[37], et les sévérités de la chancellerie française qui, un peu plus tard, l'accusait d'avoir agi en cette occasion comme s'il eût été l'ami du roi d'Angleterre[38]. Le mot de la situation a été dit par un chroniqueur normand qui n'avait pas perdu tout sentiment de patriotisme : Il semblait vraiment qu'il fût du parti du roi d'Angleterre[39].

Dès le commencement de 1416, les relations entre le duc et le roi d'Angleterre recommencèrent. Le 15 janvier, deux envoyés bourguignons recevaient un sauf-conduit pour se rendre en Angleterre ; quelque temps après, un nouveau sauf-conduit était délivré[40]. Par un traité signé à Calais le 22 mai, la trêve, spéciale à la Flandre, que Henri IV avait conclue en 1411 avec le duc de Bourgogne, était renouvelée pour un an[41]. Le 28 mai, peu, après l'arrivée de l'empereur Sigismond, un sauf-conduit était délivré à cinq conseillers du duc[42]. Le 24 juin, une trêve, non plus spéciale à la Flandre, mais générale, était conclue jusqu'à la Saint-Michel de l'année 1417[43]. Le 5 août, l'évêque de Coventry et le comte de Warwick, gouverneur de Calais, avaient mission d'aller traiter avec Jean sans Peur de certaines matières concernant l'état et avantage de l'Église universelle et du présent concile de Constance[44]. Le même jour, un autre pouvoir était donné à l'évêque de Coventry et à plusieurs autres, pour traiter d'une entrevue entre le roi et le duc, qui aurait lieu à Calais[45]. Le 1er octobre, conformément à la convention faite avec les ambassadeurs du duc, Henri V délivrait à ce prince et à huit cents personnes de sa suite un sauf-conduit valable jusqu'au 15, et autorisait la remise de son frère le duc de Glocester, comme otage, entre les mains du comte de Charolais. Enfin, le 2 octobre, il donnait pouvoir pour recevoir les serments qui devaient être prêtés par le duc et son fils.

Quels furent les arrangements préalables faits avec le duc, et auxquels Henri donna sans doute la dernière main dans l'entrevue qu'il eut à Calais avec les envoyés bourguignons, entrevue qui se passa si joyeusement, au témoignage de son chapelain[46] ? Les documents que nous avons sous les yeux fournissent à cet égard les renseignements les plus précis.

Jean sans Peur, reconnaissant le droit du roi d'Angleterre, qui, sur le refus de son adversaire de France d'en tenir compte, lui a déclaré être décidé à procéder par la force pour se mettre en possession du royaume et de la couronne de France, et considérant les grandes victoires que Dieu, par sa grâce, a octroyées au roi d'Angleterre et à ses nobles prédécesseurs, lui promettra, par lettres écrites de sa main et scellées de son privé scel, que, nonobstant que, croyant bien faire, il ait, faute de bonne, information sur le droit et titre du roi d'Angleterre sur les royaume et couronne de France, tenu le parti de son adversaire, présentement, mieux informé, il tiendra désormais le parti du roi d'Angleterre et de ses héritiers, comme celui et ceulx qui de droit sont et seront roys de France et qui de droit auroient en possession réale les royaulme et corone de France.

Le roi d'Angleterre n'exigeait pas immédiatement l'hommage que le duc reconnaissait lui être dû ; mais si tôt que, à l'aide de Dieu, de Nostre-Dame et de monseigneur Saint-George, le roi d'Angleterre aurait conquis une notable partie du royaume, le duc lui ferait hommage lige et lui prêterait serment de fidélité, comme soubgit du royaume de France doit faire à son soveraine seigneur roy de France.

Le duc s'efforcerait, par toutes les voies et manières qu'il saura ou qui lui seront infourmées, et qui sont secrètes, de faire arriver le roi d'Angleterre à ses fins, et de lui faire avoir réelle et pleine possession du royaume.

Pendant que le roi serait occupé à sa conquête, le duc attaquerait ceux que Henri appelait ses ennemys du royaume de France, c'est à dire les princes restés fidèles à Charles VI et ennemis de la faction bourguignonne.

Non seulement on a, sous forme de minute[47], le texte de cet appointement, mais il est reproduit textuellement dans des lettres, au nom du duc, préparées à l'avance, et dont la date est restée en blanc[48]. Il n'est donc pas douteux que Jean sans Peur ait consenti à traiter sur ces bases.

Tels furent les préliminaires de l'entrevue de Calais[49].

Que se passa-t-il dans cette entrevue[50], à laquelle prit part l'empereur Sigismond ? Le pacte entre le petit-fils de Charles V et l'arrière petit-fils d'Édouard III fut-il conclu ? Le duc de Bourgogne, en plaçant sa signature au bas du traité, consomma-t-il son crime de haute trahison[51] ? L'histoire est muette à cet égard. Les historiens anglais contemporains, comme s'ils obéissaient à un mot d'ordre, gardent le silence ; et l'un d'eux, qui déclare ignorer ce qui sortit de ce colloque, lance en passant à la fourberie française un trait qui n'atteint que la fourberie bourguignonne[52]. Mais on crut alors en France à une entente entre les deux princes[53], et il ne nous paraît pas douteux — surtout après les conventions de Leicester et d'Ypres — que Jean sans Peur n'ait été jusqu'au bout et ne se soit allié, sinon officiellement au moins implicitement, à l'ennemi de la France. S'il n'apposa pas sa signature au traité, ce n'est pas qu'il reculât devant de tels engagements — on l'a vu suffisamment par ce qui s'était passé deux ans auparavant, et il y avait longtemps qu'on le jugeait capable d'une telle alliance[54]. Il est probable ; comme l'a dit Michelet, qu'il fit entendre au roi d'Angleterre qu'il ruinerait le parti bourguignon par une alliance ouverte et qu'il le servirait mieux par sa neutralité que par son concours[55].

L'amitié secrète de Jean sans Peur suffisait d'ailleurs au roi d'Angleterre, et c'est à l'abri de cette amitié qu'il fit la conquête de là France[56]. Henri V put descendre en Normandie et s'avancer rapidement, grâce à la diversion du duc[57], qui, pendant ce temps, acculait les Armagnacs d'abandonner le pays aux Anglais et d'être cause de la ruine de la France[58].

Ce rôle équivoque du duc, accusant les autres de trahison pendant qu'il trahissait[59], il ne s'en départit pas quand il eut ressaisi le pouvoir. Il laissa Henri V, qui avait soin de ménager les possessions bourguignonnes[60], continuer tranquillement sa promenade militaire[61] à travers la Normandie, avec une armée divisée en quatre corps, et se rendre maitre de Rouen. Même dans son parti, on s'étonnait de la petite résistance qu'il opposait aux Anglais[62].

Mais l'amitié secrète ne devait pas tourner au détriment de Jean sans Peur. S'il laissait les Anglais conquérir une portion du territoire, c'était avec la pensée qu'il en aurait sa part[63]. Quand il vit que le roi d'Angleterre gardait tout pour lui, il se refroidit soudain. Un chroniqueur qui vivait à, la fin du quinzième siècle nous semble avoir, dans les lignes suivantes, tracé un tableau assez exact de la situation : Tantost aprez le duc de Bourgongne, combien qu'il eust secrète alliance audit Roy d'Engleterre, voyant qu'il s'efforcoit de conquerir le royaume pour lui et qu'il ne lui voulloit pas tenir aucunes promesses qu'il lui avoit faictes à Calais, par le conseil d'aucuns de ses gens, proposa de laisser l'alyance dudit Roy d'Engleterre, et de soy allier et reconcilier à monseigneur le Dauffin contre les Anglois[64].

Ainsi le duc Jean avait passé sa vie à tromper tout le monde, jurant des traités :qu'il n'était point décidé à tenir, donnant au peuple de mensongères assurances qui lui valaient une popularité de mauvais aloi. C'est ainsi que, per fas et nefas, il avait élevé sa puissance, et qu'il était parvenu à se rendre maitre des destinées de la France. En le voyant agir de la sorte, aucuns se demandaient — un contemporain nous l'a dit, si son ambition n'était pas plus haute et ne visait point le trône même[65].

Le samedi 8 juillet 1419, on pouvait voir près de Pouilly, à une lieue de Melun, aux extrémités d'une longue chaussée, appelée le Ponceau-Saint-Denis, se dresser deux tentes, au milieu desquelles on avait construit, sur le ponceau même, un petit pavillon garni de branchages dissimulés par des tapisseries de laine et de soie[66]. C'est là qu'allaient se rencontrer le Dauphin et le duc de Bourgogne. Des forces considérables avaient été rassemblées, de part et d'autre, pour leur servir d'escorte, et le duc avait fait venir Jean de Luxembourg avec ses Picards. Les deux princes, quittant, l'un Melun, l'autre Corbeil, arrivèrent vers six heures du soir. Se détachant du gros de leurs troupes, ils descendirent de cheval, et, accompagnés chacun de dix personnes, ils entrèrent dans les tentes qui avaient été préparées. De là ils s'avancèrent vers le pavillon, où ils pénétrèrent seuls, laissant les personnes de leur suite au dehors[67]. Le duc, raconte-t-on, s'inclina plusieurs fois ; moult humblement, en s'approchant du Dauphin, et se mit à genoux. Charles, après l'avoir embrassé, voulut le faire se relever. Monseigneur, dit le duc, je suis bien. Je sais bien comment je dois parler à vous. Il se releva pourtant, et la conversation commença. — Elle se prolongea jusqu'à onze heures de soir, au grand déplaisir, dit un contemporain, de ceux qui attendaient à la porte. Le Dauphin sortit enfin, triste et soucieux : ses propositions d'accommodement n'avaient point été agréées par le duc[68].

Cependant Charles ne voulut pas rompre les négociations, et le lendemain il envoya une ambassade à Corbeil : elle était composée de l'évêque de Léon, légat du Saint-Siège, de l'évêque de Clermont, de Tanguy du Chastel, du sire de Barbazan, et de plusieurs autres[69]. Les envoyés du Dauphin ne rapportèrent aucune bonne réponse, car le duc refusoit offres raisonnables et alloit tousjours à cavillacions[70]. — Tant valoit, disaient les ambassadeurs, parler à ung asne sourt comme à luy[71].

Il fallut de nouvelles instances et un second message pour triompher de ses hésitations : le Dauphin, qui moult desiroit le bien du royaume[72], lui envoya un de ses conseillers Louis, seigneur d'Escorailles, renommé pour son éloquence[73]. Le ciel se mit aussi de la partie. Le Religieux de Saint-Denis raconte gravement que, pendant qu'on travaillait ainsi à la paix avec un empressement qui paraissait sincère, survint un événement auquel les gens sages attachèrent assez d'importance pour qu'il croie devoir le mentionner : un épouvantable ouragan se déchaîna sur la contrée, et sur plusieurs points du royaume, occasionnant de grands ravages[74].

Jean sans Peur, cédant enfin à l'éloquence persuasive de Louis d'Escorailles, consentit à une nouvelle entrevue, qui fut fixée au lendemain 11 juillet[75]. Elle eut lieu, comme la première, sur le Ponceau, et faillit aboutir, à une rupture. Dans l'entretien entre les deux princes, une altercation se produisit. Le Dauphin sortit fort courroucé, déclarant qu'il allait reprendre le chemin du Berry[76]. Il faudra bien, disait-on autour de lui, que nous aussi nous conférions avec ces Bourguignons, et le jugement de Dieu décidera quelle est la bonne cause[77]. Mais l'intervention de la dame de Giac vint changer la face des choses. Gardons-nous cependant de voir, avec la plupart des historiens, dans cette vénérable et prudente dame[78], une maîtresse du duc, gagnée à la cause du Dauphin. Mère de l'un des familiers de Jean sans Peur, attachée comme dame d'honneur à la reine Isabeau, la dame de Giac représentait auprès du duc l'influence de la Reine et avait un grand crédit sur lui, aussi bien que sur le Dauphin, qu'elle avait connu tout enfant[79]. Elle avait été mêlée dès le début aux négociations, et, de concert avec son fils et quelques autres serviteurs du duc, elle avait vivement insisté près de lui pour qu'il se décidât à traiter. Elle alla trouver les deux princes dans leurs tentes, et à force de supplications' et de larmes, les détermina à reprendre la conférence[80]. Une heure à peine s'était écoulée, quand on entendit retentir des acclamations : Noël ! Noël ! criaient les seigneurs des deux escortes, en levant les mains au ciel. Bientôt, se mêlant les uns aux autres et oubliant tout ressentiment, ils s'embrassèrent comme des frères. Après avoir signé le traité, les deux princes se tendirent la main, et jurèrent, en se donnant le baiser de paix, de rester étroitement unis ; ils se firent, au départ, de grandes démonstrations d'amitié : malgré tous les efforts du Dauphin, le duc lui tint l'étrier pour monter à cheval. Ils chevauchèrent quelques instants de compagnie ; puis Charles regagna Melun et Jean retourna à Corbeil[81].

Quelles étaient les bases du traité conclu entre les princes, et qui, après l'échec des conférences de La Tombe, après la paix bâclée de Saint-Maur, semblait mettre enfin un terme à de longues et funestes divisons ?

Dans des lettres[82] données en leur nom commun, au lieu de nostre convencion et assemblée sur le ponceau qui est à une lieue de Melun, ou droit chemin de Paris, assez près de Poilly le Fort, le mardi onzième jour de juillet, l'an de grâce mil quatre cent et dix-neuf, le Dauphin et le duc, — voulant s'occuper de concert des affaires du royaume et résister aux Anglais qui, à la faveur des divisions, avaient occupé une grande partie du territoire, et considerans les tant grans et innumerables maulx et inconveniens qui, pour le fait desdictes divisions, se appaisées n'estoient, se pourroient encore plus ensuir, à la très grande foule, ou, par adventure, perdicion totale de ceste dicte seigneurie, — déclaraient avoir, d'un commun accord, pour honneur et reverence de Dieu principalement, et aussi pour le bien de paix auquel ung chascun catholique [est et] doit estre enclin, et pour relever le povre peuple des grans et si dures oppressions que, à ceste cause, a eu à souffrir, promis et juré, entre les mains d'Alain, évêque de Léon, envoyé du Saint-Siège apostolique pour le fait de l'union et de la paix du royaume, les choses suivantes, et ce sur la vraie croix et sainctes évangiles, pour ce touchiez de noz mains, par la foy et serement de nostre corps, pour ce prestez l'un à l'autre sur nostre part de paradis, en parole de prince et autrement, le plus avant que faire se peut :

ENGAGEMENT DU DUC : Nous, Jehan, duc de Bourgongne, que, toutes les choses passées mises en oubly, tant comme nous vivrons en ce monde, nous, après la personne de mondit seigneur le Roy, honnourerons, servirons et de tout nostre cuer et pensée, plus et devant que nuls autres cherirons et aymerons la personne de mondit seigneur le Daulphin, et, comme à son estat appartient, lui obeirons et ne ferons ne souffrirons estre fait à nostre pouvoir nul chose qui soit en son prejudice, et de tout nostre pouvoir lui aiderons à garder et maintenir son estat et. prerogatives en toutes manières, et luy serons tousjours vray et loyal parent, son bien et honneur procurerons, mal et dommaige escheverons, par toutes voies à nous possibles, et d'icellui l'advertirons ; et s'il advenoit que aucuns, de quelque estat qu'ilz feussent, lui voulsissent fais ou porter guerre ou autre dommaige, nous, en ce cas, le secourerons, aiderons et servirons de toute nostre puissance, enver et contre tous, et en ce- nous emploierons comme en nostre propre fait.

ENGAGEMENT DU DAUPHIN : Et pareillement, nous, Charles Daulphin, devant nommé, que, tant qu'il plaira à Dieu nous donner vie ou corps, et à quelque estat, seigneurie ou puissance que puissons parvenir le temps à venir, nous, toutes les choses passées mises en oubly, aymerons et de bonne et loyalle affection cherirons nostre très chier et très amé cousin le duc de Bougoingne dessus nommé, et, en tous ses faiz et besoingnes le traiterons comme nostre prouchain et loyal parent, son bien, honneur, avancement, vouldrons et pourchasserons, son mal et donmmaige escheverons, en ses estaz et prerogatives le garderons et maintiendrons en tous ses affaires, s'aucun, de quelque estat qu'il soit, le vouloit en aucune manière grever, le soustendrons, porterons, et si test que nous en requerra le aideronè et deffendrons à toute puissance, envers tous ceux qui puevent vivre et mourir et mesmement, se aucuns de nostre sang et lignaige, ou autres quelxconques, vouloient, pour raison des choses advenues le temps passé en ce royaulme, ou aultrement, demander ou quereller aucune chose à nostre dit cousin de Bourgoingne ou à ses pays ou subgiez, nous, de nostre puissance lui aiderons, et le deffendrons et soustendrons contre les dessusdiz ou autres quelxconques qui grever ou dommagier le vouldroient.

Les deux princes promettaient ensuite d'entendre et vaquer désormais, par bonne verité et alliance, chacun selon son état, à tous les grans faiz de ce dit royaulme, sans vouloir riens entreprendre ne avoir aucune envie l'un sur l'autre ; de se prévenir mutuellement, de bonne foi, si quelque rapport leur était fait à la charge de l'un ou de l'autre, et de n'y ajouter aucune foi ; de s'employer principalement, d'une même voulenté et sans fixion aucune, comme bons et loyaulx parens si prouchains de mondit seigneur le Roy et de la couronne de France, à la repulsion des Anglais, à la restauration du pays, au relèvement des sujets du Roi. Ils promettaient, en outre, de ne prendre avec les Anglais aucuns traictiez ou alliances, sinon par le bon plaisir et consentement l'un de l'autre, et pour l'evident bien de ce royaulme ; et si des traités antérieurs avaient été conclus, avec les Anglais ou autres, au préjudice de l'un des princes, ils déclaraient y renoncer et vouloir qu'ils soient nuls et de nul effet.

Enfin les dernières stipulations portaient, que si le traité venait à être rompu volontairement par l'une des parties, les gens, vassaux, sujets pt serviteurs de celui qui aurait commis cette infraction, ne seraient pas tenus de le servir, mais serviraient l'autre partie, étant, dans ce cas, tenus quittes de tous serments de fidélité et de toutes promesses et obligations de service ; que, pour plus grande sûreté et confirmation, et pour bannir tout soupçon à l'égard des officiers de chacune des parties, les principaux officiers et serviteurs des deux princes jureraient le traité. On constatait que le serment avait été prêté, sur les saints Évangiles, entre les mains de l'évêque de Léon, par les serviteurs du Dauphin et du duc[83]. Devaient également prêter serment tous les princes du sang, les gens d'église, nobles et gens des bonnes villes. En terminant, les princes déclaraient se soumettre, pour l'observation du traité, à la cohertion et contraintes de leur mère la sainte Église, de notre Saint Père le Pape et de ses commis et deputez, acceptant d'être contraints au besoin par voie d'excommuniement, ou anathémathisation, aggravation, réaggravaccion, interdit et autrement par la censure de l'Église, le plus avant que faire se pourra.

Le traité fut en effet juré, séance tenante, par les princes et par les seigneurs de leur suite[84]. Le duc donna au Dauphin un riche fermail d'or, garni de très gros diamants. Charles, auquel son trésor ne permettait pas d'être si libéral, lui envoya le lendemain un coursier bai brun à longue queue[85]. Enfin, les principaux serviteurs du Dauphin, Robert le Maçon, le président Louvet, Tanguy du Chastel, Louis d'Escorailles, le sire de Beauvau, Hugues de Noé, Guillaume d'Avaugour et Jacques du Peschin reçurent chacun de la main du duc une cédule pour toucher cinq cents moutons d'or[86]. Les seigneurs dauphinois trouvèrent sans doute que l'or bourguignon était toujours bon à prendre ; mais Barbazan, plus soucieux de sa dignité, refusa, ne voulant recevoir d'argent que des maîtres qu'il servait[87].

Le jeudi 13 juillet, le Dauphin se rendit à Corbeil, et y passa deux jours, en compagnie du duc de Bourgogne[88]. On raconte qu'ils entendirent ensemble la messe et qu'ils reçurent la communion avec une hostie partagée en deux[89]. Charles quitta Corbeil le 15, après avoir longuement conféré avec le duc[90]. En se séparant, les princes convinrent d'avoir une nouvelle et prochaine entrevue, qui parait avoir été dès lors fixée au 26 août, à Montereau[91]. Jean sans Peur semblait animé des meilleures intentions : il jura au Dauphin, par la foy de son corps, qu'avant un mois il ferait guerre ouverte aux Anglais[92].

Conformément aux arrangements pris, le duc fit aussitôt publier des lettres patentes du Roi, données à Pontoise, en date du 19 juillet, et ses propres lettres de ratification du traité du 11 juillet[93].

Les lettres de Charles VI contiennent le détail des dispositions arrêtées à Pouilly et à Corbeil, dispositions qui, dans leurs lignes générales, s'écartent d'une manière peu sensible des stipulations de La Tombe (23 mai 1418) et de Saint-Maur (16 septembre 1418)[94].

Après des considérations générales sur les divisions passées[95], et sur l'union faite et jurée, venaient les clauses suivantes :

I. Amnistie générale, de part et d'autre[96].

II. Abolition de toutes confiscations ; restitutions des biens, et des villes, châteaux et forteresses[97].

III. Les garnisons seront évacuées, de part et d'autre, et, pour cela deux chevaliers seront désignés par chaque partie[98].

IV. Les sièges de Parthenay et de Rochebaron seront levés, ainsi que tous autres, pour qu'on puisse s'employer immédiatement contre les Anglais. Le duc de, Bourgogne mettra un capitaine à Parthenay, mais en le faisant agréer par le Dauphin[99].

V. Les comtés d'Étampes et de Gien, dont le duc requiert d'être remis en possession, lui seront rendus[100].

VI. Les offices demeureront, comme de raison, à la disposition du Roi ; et quand le Dauphin sera venu devers lui, le Roi pourvoiera à ces offices et en ordonnera comme il lui, plaira, par l'avis de son fils, de son cousin de Bourgogne et de son Conseil[101].

VII. Cet article contenait des stipulations relatives aux serments que devaient prêter solennellement le Roi, la Reine, le Dauphin, le duc de Bourgogne, les autres princes du sang, les membres du Conseil, aussi bien que les gens d'Église, nobles et gens des villes du royaume, qui tous ensuite devaient se disposer prestement à combattre les Anglais et à les repousser[102].

Ne craignons pas de le dire : dans ces négociations, le beau rôle avait été du côté du Dauphin. Il en avait pris l'initiative, et malgré les justes défiances que pouvait lui inspirer la conduite astucieuse du duc de Bourgogne, malgré les fâcheux incidents survenus, il se maintenait sur le terrain où il s'était placé à La Tombe et à Charenton. C'est donc avec pleine justice que, quelques mois plus tard, dans une lettre aux habitants de Carcassonne, il pouvait se rendre le témoignage d'avoir, de tout son cœur, travaillé et mis paine, par diverses ambassades, messageries et escriptures, à ce que les subgetz de mondit seigneur et nostres peussent vivre en paix sous luy et nous, et estre preservés de l'emprise des anciens ennemis de ce royaume, comme celuy à qui le bien et tranquillité de ceste seigneurie touche plus et est plus prouffitable après mondit seigneur[103].

Une allégresse universelle accueillit la nouvelle du traité de Pouilly. Les Parisiens, qui paraissaient fort las de la domination bourguignonne, allumèrent des feux de joie ; on sonna les cloches et l'on chanta des Te Deum dans les églises ; une procession solennelle eut lieu à Saint-Martin-dés-Champs[104]. Dans tout le royaume, la joie ne fut pas moindre. On remarquait avec bonheur que les rivalités s'effaçaient pour faire place à la concorde, et que déjà les gens de guerre des deux partis se réunissaient contre l'ennemi commun[105]. C'était maintenant au duc de Bourgogne à faire son devoir, en remplissant les engagements solennels qu'il avait contractés.

Henri V, à ce moment, venait de reprendre l'offensive : il s'était emparé de plusieurs places, et allait, par la réduction de Gisors, de La Roche-Guyon et de Château-Gaillard, achever la conquête de la Normandie. Or, on ne voit point que Jean sans Peur ait rien fait pour s'opposer à ces progrès. Nous le trouvons surtout préoccupé d'exploiter à son profit l'omnipotence dont il jouissait à la Cour[106]. Loin de se disposer à entrer en campagne contre Henri V, il ne tarda même pas, au mépris de sa parole, à entamer avec lui de nouvelles négociations[107].

Le roi d'Angleterre, qui connaissait le duc de vieille date, savait à quoi s'en tenir sur la rupture des conférences de Meulan. Il était tellement persuadé de ses bonnes dispositions à son égard que, cinq jours plus tard, le 5 juillet 1419, au moment même où l'on convenait de l'entrevue du Ponceau, il donnait pouvoir à l'archevêque de Canterbury, au comte de Warwick, à Gaston de Foix, comte de Longueville, à Philippe Morgan (le grand négociateur des traités secrets), et à trois autres ambassadeurs, .pour aller près de son cousin de France, traiter de la paix finale, et convenir du jour où il s'assemblerait avec la reine Isabelle et le duc de Bourgogne[108]. Le même jour, il autorisait ses ambassadeurs à négocier son mariage avec Catherine de France[109], et le 18 juillet suivant, alors que le duc venait à peine de quitter le Dauphin à Corbeil et de jurer de ne pas traiter séparément avec les Anglais, il renouvelait ce dernier pouvoir au comte de Warwipk, au comte de Longueville, à Jean Kempe et à trois autres[110]. Le lendemain, nouveau pouvoir pour prolonger la trêve, qui expirait le 29 juillet[111]. Vers le 20, des ambassadeurs anglais se trouvaient à Pontoise, près du Roi et du duc[112]. Le 22, Henri V délivrait un sauf-conduit, valable jusqu'au 29, à quatre conseillers de Jean sans Peur, Regnier Pot, Antoine de Toulongeon, Henri Gœdhals et Jean Gelenier, ambassadeurs de son cousin de France, pour se rendre près de lui à Mantes[113]. Presque en même temps, il envoyait à Catherine de France un magnifique présent[114].

Pendant le cours de ces négociations, où durent être renouvelées certaines conventions particulières[115], Pontoise tombait (31 juillet) entre les mains d'Henri[116]. Ce fut un cri général d'indignation contre Jean sans Peur. Pontoise était gardée par l'un de ses familiers, l'Isle-Adam, qui s'était laissé surprendre, et n'avait opposé aucune résistance. On accusait tout haut le duc de trahison[117]. Le mécontentement et la crainte redoublèrent, quand on le vit quitter Saint-Denis, — où restait une garnison qui pilla la ville et se livra aux derniers excès, — et se diriger sur Lagny, sans même entrer dans Paris, qu'il laissait exposé à une attaque imminente du roi d'Angleterre. Il sembloit proprement, disait-on, que tous s'enfouissent devant les Anglois, et qu'ils (le Roi et le duc de Bourgogne) eussent grande haine à ceux de Paris et du royaume[118]. Mais si le duc abandonnait les Parisiens, les, laissant à la merci des Anglais, il demeurait près du roi d'Angleterre en la personne de ses ambassadeurs qui, le 6 août, sept jours après la prise de Pontoise, se trouvaient dans cette ville auprès de Henri V[119]. Une seconde ambassade lui fut même bientôt envoyée[120], et les négociations se poursuivirent ainsi, en violation flagrante des serments prêtés par le duc.

Jean sans Peur restait pourtant en relation avec le Dauphin. Vers le 25 juillet, il députa-vers lui Pierre de Giac et Nicolas Rolin, pour lui parler d'aucunes choses touchant le bien du royaume[121] ; le 28, il fit partir à leur suite deux de ses chevaucheurs, afin de luy rapporter hastivement ce qu'ils auront fait[122]. En même temps il recevait à Saint-Denis, où il était arrivé le 23, deux envoyés du prince, Robert Mallière et Jean Campion, venant de Paris, où ils avaient porté les lettres de ratification de leur maître[123].

Le Dauphin se préparait à remplir ses engagements et à pousser vigoureusement les hostilités. Il réunit ses gens de guerre[124], et envoya un détachement sous les murs de Paris, où des troupes de Henri V avaient paru le 9 août[125]. Aussitôt le duc, qui semblait redouter davantage les succès du Dauphin que le progrès de l'invasion anglaise, fit reprendre aux Parisiens le signe de sa faction, la croix de Saint-André, et défendit qu'on donnât accès ni passage aux forces du prince[126]. De son côté, la Reine écrivit au Dauphin, et les Parisiens lui députèrent une ambassade pour le presser de revenir au milieu d'eux et de s'employer à la défense commune[127]. Quant au duc, il envoyait message sur message au jeune Charles, comme s'il eût voulu le persuader de son zèle et de sa fidélité. Du 1er au 7 août, il fit, partir Jean de la Baume, puis Antoine de la Marche et un autre de ses serviteurs[128]. D'autre part, nous le voyons, le 9 août, adresser des mandements à tous ses capitaines tenant garnison en Champagne et en Bourgogne, pour qu'ils aient à se rendre en armes à Provins dans le plus bref délai[129]. A ce moment Henri V venait de rompre les dernières négociations, entamées au mépris du traité de Pouilly. Le duc voulait-il enfin remplir ses engagements, et, de concert avec le Dauphin, commencer énergiquement la lutte ? Le 11, il arriva à Troyes en compagnie du Roi et de la Reine. C'est là que, le 14[130], il reçut une ambassade du Dauphin, qui avait quitté Bourges vers le 12 pour se rapprocher du lieu de la conférence : Tanguy du Chastel, Louis d'Escorailles et Jacques du Peschin (frère de la dame de Giac) venaient régler avec le duc les points relatifs à la prochaine entrevue des deux princes ; ils étaient porteurs d'une lettre du Dauphin. Le même jour, des envoyés du duc de Bretagne arrivèrent à Troyes[131].

Jean sans Peur, cependant, ne cessait de faire venir de nouvelles troupes. Par lettres patentes du 17 août, datées de Troyes[132], il ordonne de faire fortifier et garnir de vivres et de troupes ses châteaux et forteresses de Bourgogne, de Franche-Comté et de Charolais, pour s'opposer aux tentatives du roi d'Angleterre et à ses damnables entreprinses[133]. Le même jour, il dépêche Huguenin du Bois, l'un de ses écuyers d'écurie, pour faire avancer en toute diligence les gens d'armes et de trait qui étaient en Bourgogne et en Charolais, et venir joindre le Roi à Troyes[134]. Le 20, il annonce, dans des lettres missives, l'envoi de ses lettres patentes du 17, et ordonne de les accomplir très diligemment. Or ces lettres, d'une si grande urgence, furent onze jours à parvenir de Troyes à Dijon, où elles n'arrivèrent que le 31 août[135].

Que signifient ces préparatifs ? Était-ce bien contre les Anglais que le duc de Bourgogne prenait ces mesures ? Voulait-il sincèrement les combattre ? Certains ont vu ici — et peut-être ne se sont-ils pas trompés, — une pensée hostile au Dauphin[136]. Quoi qu'il en soit, le duc répondit aux envoyés du jeune prince que Montereau n'avait pas été choisi d'une manière formelle pour le lieu de l'entrevue, et que, puisque le Roi et la Reine se trouvaient à Troyes, il ne convenait pas que le Dauphin, étant aussi près, songeât à un autre lieu 4e réunion[137]. Le duc affichait donc une fois de plus la prétention de faire revenir Charles près de son père, afin de l'avoir à sa discrétion.

Quelques jours après, le 21 août, Jean sans Peur mandait à ses maîtres des comptes à Dijon que, dans peu de jours, il devait avoir avec le Dauphin une nouvelle entrevue sur la rivière de Seine, qu'il aurait alors besoin de plusieurs de ses vassaux, pour s'en aider en conseil et autrement, et de trois cents hommes d'armes au moins pour la garde de sa personne. Il envoyait en même temps de nouvelles lettres, adressées à ses capitaines, pour leur mander de venir le trouver avec le plus grand nombre de gens de guerre qu'ils pourraient, et il recommandait de faire marcher les messagers nuit et jour, afin, disait-il, que les puissions avoir pour estre à ladicte convention, qui sera bien brief, sans aucunement y faillir, sur tant que doubtez à mesprendre envers nous[138].

La lumière commence à se faire. Il y avait, ostensiblement, des préparatifs dirigés contre le roi d'Angleterre ; or, malgré toute la diligence possible, les lettres patentes du 17 août et les lettres missives du 20 n'arrivaient à Dijon que le 31. Et, parallèlement, il y avait des ordres secrets, lesquels ne comportaient point de délais, pour grouper autour de la personne du duc, en vue d'une entrevue avec le Dauphin, le plus grand nombre possible de gens de guerre.

Pendant ce temps les négociations n'avançaient pas. Ne fallait-il pas donner aux troupes le loisir d'arriver ? — Personne d'ailleurs ne croyait à une paix complète et durable. S'il n'y eust eu que le père et le fils, disait-on, elle eust esté tantost faicte, comme il estoit tout notoire[139]. Mais le duc de Bourgogne n'était nullement pressé d'en finir. Les articles ayant été rédigés, signés, solennellement jurés à Pouilly et à Corbeil, il ne manquait plus qu'une convention pour parfaire la chose, et avoir bonne amour et union[140]. Cette convention avait été décidée en principe[141] : fidèle à sa parole, le Dauphin était arrivé à Montereau (24 août), et Jean sans Peur restait immobile à Troyes.

Charles lui écrivit encore pour le presser de venir, et lui envoya plusieurs de ses conseillers. Le duc se décida enfin à s'ébranler : le 28 août, il quitta Troyes, et s'avança jusqu'à Bray-sur-Seine, à la tête d'un nombreux corps de troupes[142]. Bray n'était qu'à cinq lieues de Montereau. Là de nouveaux ambassadeurs du Dauphin vinrent trouver le duc : le 31 août, le seigneur d'Escorailles avec plusieurs autres ; le 1er septembre, Tanguy du Chastel et d'autres envoyés[143]. Le 3 septembre, des ambassadeurs du Roi et de la Reine arrivèrent à leur tour ; puis vint un nouveau conseiller du Dauphin, Jean de Poitiers, évêque de Valence, frère de l'évêque de Langres, attaché comme conseiller à la personne du duc[144]. Jean sans Peur qui, à. une défiance naturelle, joignait, à ce qu'il paraît, une grande indécision[145], et qui était le plus long homme en toutes ses besongnes qu'on peust trouver[146], résistait à toutes les sollicitations.

Comme le dit un auteur contemporain, il y avait, d'un côté et de l'autre, beaucoup de divers langaiges et paroles merveilleuses[147]. Dans l'entourage du duc, certains lui représentaient qu'il ne se devait pas fier à des gens qui, pour la plupart, avaient à se plaindre de lui ou des siens, et que les anciens serviteurs du duc d'Orléans pouvaient être animés du désir de venger soit la mort de leur maître, soit la perte de leurs amis massacrés dans les guerres civiles. Un juif, Philippe Mouskes, conseillait fort au duc de ne point aller à l'entrevue, lui disant que, s'il y alloit, jamais n'en retourneroit[148]. D'autres, au contraire, lui remontraient qu'il ne pouvait se refuser plus longtemps à se rendre près du Dauphin. Enfin les Parisiens, instruits de ses cavillations, lui envoyaient des messages réitérés pour qu'il en vînt à une conclusion[149].

Autour du Dauphin, si l'on était moins perplexe, on n'était pas sans inquiétude sur l'issue de la conférence. On faisait observer qu'il n'était pas prudent de mettre ainsi la personne du prince et tout le royaume à l'adventure. Évidemment le duc voulait usurper ou occuper le royaume. Quelle foi pouvait-on ajouter à ses promesses ? Ne s'était-il pas allié en 1416 avec le roi d'Angleterre ? N'avait-il pas eu récemment avec lui, auprès de Mantes, une conférence secrète ? A la vérité, il avait rassemblé une armée : mais quel desplaisir avait-il causé aux Anglais ? On rappelait les promesses solennelles et les serments si souvent renouvelés au feu duc d'Orléans, les traités tant de fois violés[150]. Ne pouvait-on craindre un nouveau crime de la part de celui qui en avait commis un premier[151] ?

Le Dauphin ne se laissait point ébranler par ces considérations : fidèle à l'engagement contracté, il s'était rendu à Montereau, et, malgré une épidémie qui y régnait[152], il attendait avec persévérance la venue du duc de Bourgogne. Celui-ci consentit à faire un pas en avant : le 5 septembre il mit son nom au bas d'un manifeste annonçant une prochaine et commune démonstration contre les Anglais.

Nous avons le texte de ce document, adressé aux habitants d'Amiens.

DE PAR LE DAULPHIN DE VIENNOIS, DUC DE BERRY ET DE TOURAINE ET CONTE DE PONTIEU ;

ET LE DUC DE BOURGOINGNE, CONTE DE FLANDRES, D'ARTOIS ET DE BOURGOINGNE.

Très chiers et bien amez, pour ce que nous savons que,vous desirez savoir de l'estat et disposition en quoy sont les fais de-ce royaume pour résister à l'entreprinse du Roy d'Angleterre, veuillez savoir que' Monseigneur et nous, d'un commun acord et consentement, sommes du tout disposez par force et puissance de rebouter le Roy d'Engleterre de ce royaume, garder et preserver les bons, vrays et loyaulx subgez de mondit seigneur des grana tirannies et inhumanitez que ledit d'Angleterre a intencion de faire sur iceulx, et les maintenir et garder en la vraye obéissance de mondit seigneur, ainsi que nous savons qu'ilz le veulent et desirent. Et de mondit seigneur et nous monstrerons par affect et experience de fait bien brief, et telement que vous, ne les autres bonnes villes de ce royaume, n'aurez cause de vous doubter dudit d'Angleterre. Pour quoy nous vous raquerons de par mondit seigneur et prions de par nous, que la ville d'Amiens vous veulliez garder de jour et de nuit, en grant diligence, et vous tous tenir en bonne amour et union ensemble, comme mondit seigneur et nous en avons en vous très parfaite fiance, sachans certainement que nous labourons chascun jour d'un commun acord et consentement pour l'execucion des choses dessus dictes. Et se, pendant le temps de nostre presente armée, vous avez mestier de quelque provision que ce soit, faictes le nous savoir, et nous y pourverrons tantost et hastivement. Et pour ce que nous désirons souvent oir de vos nouvelles, faictes nous en savoir le plus souvent que vous pourrez, ensemble de l'estat du pays et des marches de par delà.

Très chiers et bien amez, afin que mieulx soiez acertenez de nostre voulonté et intencion, nous avons signé ces lettres de nos seings manuelz. Nostre Seigneur soit garde de vous. Escript le Ve jour de septembre.

CHARLES. JEHAN.

PICART. CAMUS[153].

A peine arrivé à Bray, le duc, comme s'il eût voulu s'assurer un concours plus dévoué de la part de ses hommes de guerre et de ses familiers, avait répandu de nombreuses largesses[154]. Mais, persistant dans ses hésitations et dans ses lenteurs, il rejeta successivement trois propositions différentes que le Dauphin lui fit faire[155]. Enfin le 7 septembre[156], les instances de l'évêque de Valence, jointes à celles de Tanguy du Chastel, aux observations des envoyés de la ville de Paris, — sans doute aussi l'intervention de la dame de Giac et de Philippe Jossequin[157], — triomphèrent de l'obstination du duc : il annonça la résolution de se rendre le 10 à Montereau, pour y conférer avec le Dauphin. Tanguy du Chastel, Hugues de Noé, et peut-être Jacques du Peschin et le sire d'Escorailles[158], réglèrent avec lui les conditions de l'entrevue. Le Dauphin devait abandonner au duc le château de Montereau[159], et se retirer dans la ville ; la ville et le château de Moret seraient en outre donnés en gage au duc. L'entrevue aurait lieu sur le pont de Montereau, dans un parc palissadé, ayant une ouverture de chaque côté, gardée par les gens des princes. Des barrières fermeraient ce pont à ses extrémités. Les deux princes auraient l'un et l'autre une suite de dix personnes[160].

On fit aussitôt construire le parc en bois, et disposer le pont, selon les conventions faites. Le 8 septembre, Tanguy du Chastel et le sire d'Escorailles revinrent près du duc, pour le renouvellement des serments jurés lors du traité de Pouilly, tandis que Pierre de Giac et Nicolas Rolin allaient recevoir ceux du Dauphin et des siens[161]. En même temps, le jeune prince, abandonnant le château de Montereau, se retira à Moret[162] ; le duc, de son côté, fit à l'avance préparer son logement au château[163].

Tout était prêt pour l'entrevue. Le dimanche 10 septembre, au matin, le dauphin Charles quitta Moret pour se rendre à Montereau, où il descendit dans une hôtellerie située près du pont[164]. De son côté le duc de Bourgogne, accompagné d'au moins trois mille hommes[165], commandés par Charles de Lens, amiral de France, et Jacques de la Baulme[166], partit de Bray, après avoir entendu la messe[167], et vint camper sur les champs, non loin des murs du château. Il était environ trois heures. Séguinat, secrétaire du duc, avait devancé son maitre : sous prétexte de prendre son logis, il allait sans doute s'assurer de l'état des lieux[168]. Le duc mit ses gens en bataille, puis il envoya au Dauphin les seigneurs de Saint-Georges et de Navailles et Antoine de Vergy, pour l'avertir de sa venue et prendre avec lui les derniers arrangements[169]. Le Dauphin répondit que tout avait été convenu à l'avance entre ses gens et ceux du duc, et comme les seigneurs bourguignons demandaient de nouvelles sûretés, il fut décidé que, de part et d'autre, on prêterait encore une fois serment, et qu'on remettrait une cédule contenant les noms des dix personnes accompagnant- chacun des princes[170].

Au retour de ses trois envoyés, le duc de Bourgogne tint conseil, sans descendre de cheval, et examina encore une fois s'il devait ou non aller en avant. Des rumeurs menaçantes étaient venues jusqu'à lui[171]. Un rapport favorable de Pierre de Giac, dépêché pour s'assurer s'il n'y avait pas de gens armés à l'entrée de la barrière du pont, et la relation que lui firent Saint-Georges, Navailles et Vergy triomphèrent de ses hésitations. Il déclara hault et cler qu'il se fiait à la loyauté du Dauphin, et qu'il tiendrait la journée[172]. S'avançant vers le château, suivi de deux cents hommes d'armes et de cent archers, il y pénétra par la porte de derrière. Une partie de ses troupes resta au dehors, rangée en bataille[173]. Le duc dîna[174], reçut le rapport de son secrétaire Séguinat, qui le rejoignit à ce moment[175], et fit écrire le rolet contenant les noms des seigneurs de sa suite. Saint-Georges et Navailles eurent mission d'aller le porter au Dauphin et en même temps de recevoir les serments. Avant de quitter le château, le duc reçut la liste envoyée par le Dauphin[176].

Il n'est pas inutile de faire connaître les personnages qui devaient accompagner chacun des deux princes. Auprès de Jean sans Peur étaient Charles de Bourbon, fiancé à sa fille Agnès de Bourgogne ; Jean de Vergy, seigneur de Fouvans ; Antoine de Vergy, seigneur de Champlite ; Jean ; comte de Fribourg ; Guy de Pontailler ; Archambault de Foix, sire de Navailles ; Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges ; Jean de Neufchastel, seigneur de Montagu ; Charles de Lens, amiral de France, et Pierre, sire de Giac. Les cinq derniers figurent parmi ceux qui avaient juré le traité de Pouilly. Le duc avait, en outre, avec lui son secrétaire Jean Séguinat.

Le Dauphin avait en sa compagnie Tanguy du Chastel, le seigneur de Barbazan[177], le vicomte de Narbonne, Pierre de Beauvau, Hugues de Noé, Guillaume d'Avaugour, Olivier Leer ou Leet, Louis d'Escorailles, Pierre Frotier et Robert de Lairé. Il était, de plus, assisté de son chancelier Robert le Maçon, et du président Louvet. Neuf de ces personnages étaient au nombre de ceux qui avaient juré le traité de Pouilly.

Tandis que le Dauphin n'attendait plus que l'arrivée de Jean sans Peur, un avis lui parvint, émanant de gens du duc de Bourgogne : on le prévenait qu'il se donnast garde de sa personne, car l'entreprinse estoit faicte contre lui[178].

Cependant le duc avait quitté le château, y laissant la dame de Giac, et donnant à son fidèle Jossequin, le plus féable de ses serviteurs[179], la garde de ses joyaux. Jacques de la Baulme et ses troupes occupaient la porte du château[180]. Arrivé près de la barrière du pont, le duc rencontra le seigneur de Beauvau, député pour recevoir son serment et celui des gens de sa suite[181]. Pendant que se faisait la prestation du serment, on s'assurait de part et d'autre que, selon la convention faite, les seigneurs qui accompagnaient les princes ne portaient que la cotte et l'épée[182].

Tandis que Pierre de Beauvau retournait auprès du Dauphin, le duc posait une dernière fois la question de savoir s'il devait avancer ou reculer. Il ne lui suffisait pas d'avoir, à plusieurs reprises, fait vérifier l'état des lieux ; en vain les rapports faits par ses envoyés avaient été favorables : il hésitait à passer outre, et se demandait s'il était suffisamment en sûreté. Ses conseillers lui répondirent unanimement qu'il pouvait être tranquille, et que bien oseroient prendre ladicte adventure de y aller avec luy[183]. Le sort en était jeté : Jean sans Peur, précédé de quelques-uns des siens, franchit la première barrière[184]. Il était environ cinq heures[185].

Le pont était entièrement palissadé. A chaque extrémité, il était fermé par une barrière ; sur le pont même, mais plus près de la ville, était construit un parc, ou enceinte réservée ; on y pénétrait par une sorte de guichet. En. s'avançant, après avoir passé la première barrière, le duc rencontra les conseillers du Dauphin : Venez devers Monseigneur, lui dirent-ils ; il vous attend. — Je vais devers luy, répondit le duc. Il franchit alors le guichet, suivi des dix chevaliers désignés par lui et de son secrétaire Séguinat[186], et laissant son escorte au dehors. — On était convenu en effet que les gens de chacun des princes occuperaient les barrières aux extrémités du pont[187]. — Dès que le duc fut passé, le guichet fut fermé[188]. Tanguy du Chastel se trouvait à l'entrée du parc, et tira même par sa manche le secrétaire Séguinat pour le faire avancer[189]. Le duc, apercevant Tanguy, lui toucha amicalement l'épaule, disant aux siens : Véez cy en qui je me fie[190]. Il s'avança alors vers le Dauphin, qui se trouvait au fond de l'enceinte, à l'un des angles, adossé à la palissade, et qui attendait, armé et l'épée ceinte[191]. Jean sans Peur, ôtant son aumusse de velours, s'inclina humblement et mit un genou en terre[192].

Mon très honouré et doubté seigneur, dit-il, je prie à Dieu qu'il vous doint bon soir et bonne vie[193]. — Beau cousin, répondit le Dauphin, vous soyez le très bien venu. — Mon très honouré et doubté seigneur, reprit le duc, je viens devers vous de par mon souverain seigneur monseigneur le Roy, vostre seigneur et père, que Dieu veuille garder, pour lui et vous servir, et vous accompaigner à l'encontre de ses ennemis anciens et des vostres, et aussi les miens, les Englois. Vous offre ma personne, mes biens, mes parens, mes vassaulx, subjets, amis et alliés, pour employer avecques vous ou autrement, ainsi qu'il vous plaira l'ordonner, à la reparacion et entretenement de la seigneurie de mondit seigneur le Roy et de vous, à la repulsion et reboutement de ses ennemis ; et vous prye qu'il vous plaise moy benignement recevoir et recueillier, et avoir ma personne, mes gens et ma compaignie en vostre bonne grace et amour. Car je vous jure par ceste ame (en se signant et mettant la main sur sa poitrine) que oncques en ma vie je n'eus et n'ay intencion ne voulenté d'avoir avecques lesdis Englois ne autres, confederation ne alliances, ne autres traictiez prejudiciables à mondit seigneur le Roy, à vous, ne au royaume[194]. — Monseigneur, et entre vous mes seigneurs, poursuivit le duc en se tournant vers les conseillers du Dauphin, dis-je bien ?[195]Beau cousin, dit le Dauphin en donnant la main au duc, vous dites si bien que l'on ne pourroit mieux ; levez-vous et vous couvrez[196]. En même temps Robert de Lairé lui prenait le bras, en disant : Levez-vous, levez ! vous estes trop honnourable[197]. — Mais, reprit le Dauphin, vous ne seriez point bon abbé. — Pourquoi ? dit le duc. — Pour ce que vous ne rendez pas bien. — Comment cela ?Parce que derrenièrement que parlasmes ensemble, vous me promistes et eustes en convenant vuider dedens ung mois toutes vos garnisons, comme savez qu'il avoit esté ordonné... Et combien que j'aye très diligamment fait poursuivre devers les gens de vostre conseil la commission de vostre part sur ce necessaire, offrant bailler la mienne, toutes voyer je ne l'ay pas obtenue. Mais si Dieu plaist et vous, il se fera bien, car encores est assez temps[198].

Le Dauphin rappela alors qu'il avait été convenu à Pouilly qu'on se réunirait dans le délai d'un mois, pour traiter des affaires du royaume et organiser la résistance contre les Anglais ; que Montereau avait été choisi, et qu'il y avait attendu plus de quinze jours ; que le duc pouvait venir plus tôt s'il l'eût voulu, car il n'était qu'a quinze lieues. — Mon très honnoré seigneur, interrompit le duc, je suis venu quand je l'ai pu[199]. — Le Dauphin insista sur les maux que faisaient les gens de guerre des deux partis[200], et sur les progrès de l'ennemi ; il pressa le duc d'aviser à ce qu'on pourrait faire. Je tiens la paix desja toute faite, dit-il, ainsi que l'avons jà juré et promis ; c'est pourquoy trouvons moyen de resister aux Anglois[201]. Le duc répondit qu'on ne pouvait rien aviser qu'en présence du Roi, et qu'il fallait que le Dauphin y vînt[202]. Je suis mieux ici qu'avec lui, reprit le prince, et j'irai vers monseigneur mon père quand bon me semblera, et non à votre volonté. Mais, poursuivit-il, je me merveille de vous, de ce que deviez défier les Anglais et ne l'avez fait. Ici le Dauphin revint encore sur les torts que le duc s'était donnés. — Monseigneur, dit le duc, je n'ai fait autre chose que ce que je devais faire[203]. Des démentis furent échangés[204]. Le sire de Navailles s'approcha alors de son maître, dont le visage s'enflammait. Monseigneur, dit-il en s'adressant au Dauphin, quiconque le veuille voir, vous viendrez à présent à vostre père ; et il lui mit la main gauche sur l'épaule, tandis que de la droite il sortait à demi son épée du fourreau[205]. Le duc, lui aussi, avait porté la main à son épée. — Mettez-vous main à l'espée en la présente de monseigneur le Dauphin ? s'écria Robert de Lairé[206]. Bataille, d'Avaugour, du Chastel et Frotier sommèrent à la fois le duc et les siens de reculer, craignant un attentat contre la personne du Dauphin[207]. Au milieu du tumulte, les épées sont tirées, les cris : Alarme ! Alarme ! retentissent[208]. Le Dauphin est emmené à la hâte hors du parc[209]. Alors, par le guichet entr'ouvert, se précipitent des gens armés, en criant : Tuez ! Tuez ![210] Mais déjà Jean sans Peur était tombé mort sous les coups de plusieurs des chevaliers dauphinois[211]. Le sire de Navailles qui, seul avec Jean de Vergy, avait essayé de défendre son maître, fut blessé mortellement[212]. Les autres seigneurs bourguignons, à l'exception du seigneur de Montagu, lequel, à ce qu'on prétend, se sauva du côté de la ville[213], furent faits prisonniers par quatre des conseillers du Dauphin, seuls restés sur le pont, avec l'aide des gens de leur parti qui étaient accourus[214].

Bien que la chose ait été soudaine, on s'étonne que les gens du duc, qui occupaient la barrière du pont du côté du château, ne soient pas survenus[215]. Un contemporain nous en donne l'explication : Ceux du chastel, dit-il, qui estoient le plus près de nuis du parc, oncques ne s'en esmurent, cuidans que ce feust monseigneur le Dauphin qu'on eust tué[216]. Le bruit se répandit en effet, dans le château et dans la ville, que le Dauphin était mort, et il dut monter à cheval pour démentir ce bruit par sa présence.

Nous avons exposé dans ses moindres détails le tragique événement qui s'accomplit sur le pont de Montereau ; nous en avons examiné avec soin les préliminaires. Si nous n'avons pu faire luire une lumière complète sur un événement que les contemporains eux-mêmes n'ont pu connaître qu'imparfaitement[217], et que les historiens modernes ont déclaré impossible à éclaircir, nous avons du moins fourni au lecteur tous les éléments d'information qui étaient à notre disposition.

Quelles sont les conclusions qui ressortent de ce récit ? Nous croyons devoir les dégager brièvement[218].

Le simple récit des faits prouve, à notre sens, que le Dauphin agissait loyalement en traitant avec le duc, qu'il voulait sincèrement la paix[219], et que c'était de bonne foi qu'il venait à Montereau, pour concerter les mesures arrêtées en principe au Ponceau et à Corbeil. Si le Dauphin se refusait à 'se rendre auprès du Roi, c'est qu'il ne voulait pas se mettre à la discrétion du duc de Bourgogne, dont il redoutait à juste titre la politique cauteleuse et le caractère fourbe et violent. Ses conseillers voulaient-ils, comme les historiens l'ont tant de fois répété, se défaire de la personne du duc ? Mais alors pourquoi n'avoir pas mis ce dessein à exécution pendant les premières négociations, avant que, la réconciliation ait été conclue et scellée par des serments sacrés et solennels ? Les circonstances n'étaient-elles pas favorables ? Cet étroit ponceau, cette cabane de feuillage, l'isolement du duc de ses gens, l'obscurité qui régnait, puisqu'on ne se sépara qu'à onze heures du soir, tout facilitait l'attentat. Et si l'où avait reculé à la première entrevue, ne pouvait-on mieux prendre ses mesures pour la seconde, qui eut lieu trois jours après ?

Qu'invoque-t-on d'ailleurs pour prouver le complot ? L'insistance mise par le Dauphin à faire venir le duc à Montereau ? Mais il est établi que le jour et peut-être le lieu de l'entrevue avaient été fixés à l'avance. — Les craintes manifestées autour du duc, les avis menaçants qui lui parvinrent depuis Bray jusqu'à Montereau, et au moment même où il allait franchir la barrière ? Mais ces craintes, ces défiances n'avaient point arrêté l'homme le plus soupçonneux ; du reste, elles se manifestèrent aussi autour du Dauphin, et assurément elles avaient bien plus de fondement à l'égard d'un prince notoirement connu pour l'assassin du duc d'Orléans, et qui était passé maître dans l'art de trahir[220]. — La disposition des lieux, les précautions secrètes prises contre le duc, certaines paroles de Tanguy du Chastel, le signe fait par le Dauphin alors que le duc était à ses genoux ? Toutes ces circonstances ne sont rien moins qu'établies, et les témoignages qui les rapportent sont trop passionnés, trop inexacts dans les principales circonstances, trop contradictoires même, pour ne pas être justement suspects. En vain nous montre-t-on le duc de Bourgogne traîtreusement frappé, au moment même où il s'agenouillait et faisait au Dauphin des protestations de dévouement : il faut désormais renoncer à ce vieux mensonge historique, que des documents nombreux et péremptoires ne permettent plus de répéter[221].

Quel avantage, — il importe de le faire remarquer, — le parti du Dauphin aurait-il eu à se défaire du duc de Bourgogne ? Jean sans Peur, comme le dit M. Michelet[222], était tombé bien bas, lui et son parti. Il n'y avait bientôt plus de Bourguignons. Rouen ne pouvait jamais oublier qu'il l'avait laissé sans secours. Paris, qui lui était si dévoué, s'en voyait de même abandonné au moment du péril. Tout le monde commençait à le mépriser et à le haïr.

Comment enfin, si l'attentat a été prémédité, s'est-on si peu mis en mesure d'en recueillir les fruits ? Le Roi et la Reine étaient à Troyes, assez petitement accompaignez, — eux-mêmes le déclarent dans leurs lettres du 11 septembre, — et, s'il faut en croire Monstrelet, le Dauphin avait à sa disposition des forces considérables. Les gens du duc étaient dans un complet désarroi[223]. N'était-il pas naturel de se porter rapidement sur Troyes, de s'assurer de la personne du Roi et de la Reine, de marcher ensuite sur Paris, où l'alarme était plus grande encore que l'indignation, et d'empêcher ainsi la reconstitution du parti antinational ? Au lieu de cela, le Dauphin reste à Montereau ou à Nemours jusqu'au 20 septembre, se répandant en excuses inutiles, en protestations illusoires, et allant jusqu'à entamer des négociations avec le nouveau duc de Bourgogne. Le 21 septembre, il se dirige sur Sens ; le 24, il est à Château-Renard, se repliant vers la Loire, et arrive à Gien le 26. Une telle attitude suffit à elle seule pour faire rejeter toute pensée de préméditation[224].

Mais cette préméditation a été admise pourtant : et non content d'en faire peser la responsabilité sur les conseillers du Dauphin, on a été jusqu'à accuser formellement le jeune Charles, alors âgé de seize ans et demi[225].

Je sais que cette accusation est formulée dans certains récits dictés par le fanatisme bourguignon, et qu'elle se retrouve dans des actes émanés de la chancellerie royale, je veux dire des lettres patentes, solennellement publiées et enregistrées en Parlement[226]. On pourrait même la lire sous la plume de la propre mère du Dauphin. Mais que vaut contre le jeune prince le témoignage d'ennemis acharnés ? Que vaut le témoignage de ce pauvre roi imbécile, qui n'avait point conscience de ses actes[227], ou de cette reine, tombée si bas, qui par un honteux marché allait livrer la France à l'étranger ? Il est superflu de s'arrêter à une telle accusation. En présence des faits que nous avons exposés, il n'est plus possible d'incriminer le Dauphin. Ceux qui ont voulu charger sa mémoire d'un lâche assassinat ont reçu d'ailleurs un démenti formel des contemporains, même les plus hostiles[228].

S'il fallait, en terminant l'exposé de ce tragique épisode, exprimer notre pensée, nous dirions que tout a été fortuit dans l'événement de Montereau[229]. Par sa déloyauté, par son insistance intéressée à raire revenir le Dauphin à la Cour, au lieu de s'employer à l'exécution sincère du traité de Pouilly, Jean sans Peur fut lui-même l'artisan de sa ruine. Le ton arrogant qu'il avait déjà fait paraître au Ponceau, et dont il usa dans les explications échangées, la sorte d'intimation faite au Dauphin, le démenti donné, tout contribua à exciter l'indignation et à faire naître l'alarme chez les conseillers du jeune prince. Au milieu des aigres paroles échangées de part et d'autre, un conflit s'engagea. On en vint aux armes, et les anciens serviteurs de la maison d'Orléans, prompts à tirer l'épée, firent justice de l'insolence et des menaces du duc, en mettant à mort celui qui avait fait périr leur maitre.

L'histoire n'en doit pas moins sévèrement blâmer un tel meurtre et flétrir ceux qui s'en rendirent coupables. D'ailleurs, par cet acte de violence, ils portèrent à la cause qu'ils servaient un coup terrible. On rapporte que François Ier, passant par Dijon en 1521, voulut voir le crâne de Jean sans Peur. Le chartreux qui accompagnait le Roi dit, en lui montrant l'ouverture béante qu'on y remarquait : Sire, c'est le trou par où les Anglais passèrent en France[230]. Ce ne fut pas, à la vérité, le meurtre du duc de Bourgogne qui permit aux Anglais d'entrer en France, car ils y étaient depuis deux ans, et personne plus que le duc n'avait facilité leur invasion ; mais les conséquences de cet événement n'en furent pas moins désastreuses : tous les bons Français pouvaient répéter ce qu'avait dit Barbazan au Dauphin en apprenant la fatale nouvelle : Pourquoi a-t-on fait cela ? On a mis la couronne de France en grand péril[231]. D'ailleurs le Dauphin, lui aussi, témoigna un vif regret, et, dans son entourage, plusieurs partageaient le sentiment de Barbazan[232].

 

 

 



[1] Voir Michelet, t. IV, p. 151. — Je ne puis m'empêcher de renvoyer le lecteur aux admirables pages que l'historien consacre à cet épisode et aux remarques si éloquentes, qu'il lui inspire.

[2] J'ai perdu mes deux neveux ! s'écria à cette parole le duc de Berry, en fondant en larmes.

[3] Le duc de Bourgogne s'en alla accablé, humilié, et l'humiliation le changea. L'orgueil tua le remords. Il se souvint qu'il était puissant, qu'il n'y avait pas de juge pour lui. Il s'endurcit, et puisqu'enfin le coup était fait, le mal irréparable, il résolut de revendiquer son crime comme vertu, d'en faire, s'il pouvait, un acte héroïque ! Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 161.

[4] Histoire de France, t. IV, p. 175. — Par mandement daté de Bruges le 6 août 1408, le duc donna au chef des assassins du duc d'Orléans, Raoulet d'Octonville, 500 fr. d'or, pour les agréables services par lui rendus. La Barre, t. II, p. 148, note.

[5] Voir sur l'apologie de Jean Petit le curieux mémoire de M. Kervyn de Lettenhove, où il utilise une relation envoyée à la duchesse de Bourgogne par Thierry le Roy, qui est conservée à Bruxelles sous le n. 14840 (Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XI).

[6] Michelet, l. c., p. 183. — Il faut dire cependant que la chambre forte que le duc fit faire, dans son hôtel d'Artois, prouve qu'il craignait plus encore les hommes que Dieu.

[7] Il y a sur cette fuite un document curieux : c'est une lettre du chancelier du duc à la duchesse, en date du 23 août 1413 : Plaise vous savoir que Monseigneur est aujourd'hui party de cy, donnant esperance à moy et à aucuns de ses autres serviteurs d'aler devers le Roy, qui dez hier au soir alla gesir au Bois ; mais il a prins son chemin vers son pays de Flandres, sans avoir parlé ne prins congé au Roy, à la Royne, ni à monseigneur de Guyenne, et sans le avoir denoncié à moy ne à ses autres serviteurs qu'il a laissié en ceste ville à tel dangier que on peut bien savoir et presumer. Dieu doint la conclusion qui en devra estre soit bonne et à son honneur ! Plancher, Histoire de Bourgogne, t. III, preuves, p. CCXCVII.

[8] Monstrelet, t. III, p. 32. Voir le texte des lettres de promulgation de Charles VI, en date de février 1415, dans les additions, t. VI, p. 164-76. — On le trouve aussi dans les anciennes éditions de Monstrelet (éd. de 1595, t. I, fol. 218) et dans Du Mont, Corps diplomatique, t. II, part. II, p. 21. Le meilleur texte se trouve dans Du Puy, 247, f. 243 v° ; dans Brienne, 197, f. 89, et, en copie moderne, aux Archives, K 58, n° 10 2.

[9] Conspirationem detestandam. — Ce sont les propres expressions du Religieux de Saint-Denis qui, on le sait, est assez favorable au duc.

[10] Dans les Comptes du duc on retrouve partout cette formule : Voyage que Monseigneur fait en France pour le bien du Roy, ou pour le bien du Roy et du royaume, ou à son saint propos pour le bien de S. M., de son royaume, et le relèvement du royaume. Voir Collection de Bourgogne, 57, f. 115, 141, 216, 233, 235. — Le duc disait aussi, dans un acte du 23 mai 1418 (Archives de Reims) : La guerre que nous avons pour le bien de Monseigneur le Roy, de son royaume et de la chose publique d'icellui. — En écrivant le 21 mars 1418 au gouverneur du Dauphiné, la reine Isabeau disait de son côté : Icelui nostre cousin s'est mis sus en armes à très grant compaignie de chevaliers et escuiers, afin que la santé de ce royaume soit procurée.

[11] Le Dauphin dit formellement, — on l'a vu dans les lettres du 29 juin citées plus haut (p. 98), — que les Bourguignons, en entrant dans Paris, voulaient empêcher la conclusion de la paix.

[12] ... Ducis Burgundie, ut publice ferebatur, aviditas gubernandi regnum et distribuendi ad nutum ipsius pecuniales (Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 584.) — Le duc de Bourgoingne, qui desiroit avoir le gouvernement du Roy et du royaulme. (Le Fèvre de Saint-Remy, t. I, p. 291.) — Le duc de Bourgongne envoya ses lettres patentes avec ses lettres closes... pour les bonnes villes attire de son parti pour lui mesure avoir le gouvernement dudit royaume. (Monstrelet, t. III, p. 174-75.)

[13] Voir les pièces en date du fer septembre 1411, dans Rymer, t. IV, part. I, p. 196, et les curieuses instructions du roi d'Angleterre de la même date, dans Proceedings and ordinances, t. II, p. 19 et s.

[14] Cela se fit à l'insu du Roi, ainsi qu'il résulte du passage suivant de Jouvenel (p. 236.37) : Et tous les frais, mises et despens qui furent faits furent faits aux despens du Roy, en manières couvertes, sans qu'il en sceust rien : car tout malade qu'il estoit, qui lui eust parlé d'Anglois il eust fait manière de les combattre plus que de leur donner.

[15] Voir ce traité dans le Religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 714, et dans D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. III, preuves, p. CCXCIII.

[16] Du camp devant Bourges, le 14 juin 1412, le duc écrivait au prince de Galles, en réponse à une lettre de celui-ci datée de Schafort, le 22 mai. Il lui envoie la teneur des lettres de son père le roi d'Angleterre, adressées aux quatre membres du pays de Flandre en faveur de ses bons amis les ducs de Berry, d'Orléans et de Bourbon, etc., et se plaint à lui ; il s'en donne, écrit-il, grant merveille, attenduz les grans desir et affection que j'avoie d'avoir une grant, bonne et parfaicte amictié avec vostre dit père, vous et toute sa lignie, en especial avec vous, par le moyen du mariage pourparlé de vous et de ma très chière et très amée fille Anne..... considerées aussi les notables ambassades, lettres et amistiés à moy par lui envoyées et de moy à lui, tant sur le traictié dudit mariage, comme pour le bien, paix et transquillité desdis Roys et royaumes de France et d'Engleterre, et moy attendant une notable ambassade qu'il me devoit envoyer pour conclure en ladicte matière, etc. Le duc prie le prince de se charger de sa réponse au roi ; il termine en lui communiquant les nouvelles politiques. Copie du temps, Moreau, 1424, n° 55.

[17] Le texte de cette convention, qui n'a point été publié, se trouve dans deux manuscrits de la Bibliothèque nationale (V C Colbert, 64, p. 529, et Moreau, 802, f. 29). Il y est fait allusion par D. Plancher (Histoire de Bourgogne, t. III, p. 409) et par lord Brougham (History of England and France under the house of Lancaster. London, 1855, p. 98 et s. et 387), mais d'une façon qui n'est point toujours exacte. L'original est aux Archives de Dijon, pièces mêlées, n° 1720 (Cachard, Archives de Dijon, p. 84-85).

[18] Adversario Franciæ, quem dominum suum superiorem esse pretendit, Delphino Viennæ et eorum successoribus. — Le duc exceptait encore le duc de Brabant, le comte de Nevers, le comte de Savoie, le comte de Hainaut, le roi de Castille et le duc de Bretagne.

[19] Et in ista conquesta erant prœfatus dominus noster Rex et duc Burgundiæ tanquam fatals et socii, et conquesta communes pro rata gentium armorum quos utraque pars secum duxerit.....

[20] Voir ci-dessus.

[21] Rymer, t. IV, part. I, p. 70-80. Cf. Gachard, l. c., p. 85.

[22] Dans ce traité, visant tous les points qui avaient été débattus à Leicester, le duc donne pleine satisfaction aux exigences du roi d'Angleterre, sauf quant à l'exception faite de la personne du Roi et du Dauphin, question qu'il déclarait vouloir réserver et sur laquelle il promettait d'envoyer prochainement â Henri V une réponse qui lui donnerait satisfaction (nos respondemus quod in breve millemus super hoc dicto domino Regi tale et tantum resporesum quod ipse mellus contentabitur ut aperamus). Mss. V C Colbert, 64, p. 529, et Moreau, 802, f. 29. — Sur le séjour des ambassadeurs anglais, voir Cachard, l. c., p. 226-27.

[23] Voir dans le Religieux de Saint-Denis les articles proposés par le duc de Brabant, et ratifiés par le Conseil ; on y lit (t. V, p. 384) : Iterum idem dux asseruit fratrem ad annela Dei evangelia jurasse quod CUM ANGLICIS nec allia quilbuscumque CONFEDERATIONES NON FACIET NEC CONNUBIA PROCURABIT, nisi de consesus regis, regine ac dicte ducis Guienne, et iterum QUOD NULLUM PACTUM CUM EXTRANEIS HABEBAT, ET SI ALIQUA HABUERAT, ILLA PENITUS ANNULLABAT. Cf. Monstrelet, t. III, p. 38.

[24] Archives de Dijon, layette 81, liasse 2, n° 28 (aujourd'hui B 11926).

[25] Le 27 mai 1415, on s'occupait dans le Conseil de rédiger des instructions pour des ambassadeurs à envoyer au duc. Proceedings, etc., t. II, p. 167.

[26] Dans les lettres de pouvoir données à Waltham, le 10 août 1415, Henri V dit que, dans les négociations qui avaient eu lieu, tant en Angleterre lors de l'envoi d'une ambassade du duc de Bourgogne pour conclure un traité, que depuis, près du duc, auquel il avait député des ambassadeurs, des conventions ont été faites : varia et diversa prolocutiones, tractatus et appunctuamenta processerint hactenus, habitaque fuerint et facta, prout in eisdem tractatibus et appunctuamentis et aliis exinde factis et conscriptis, liquere poterit plenius per extensum ; mais que, voulant confirmer, consolider et conclure Jes confédérations et alliances existant entre son très cher cousin et lui, il donne pouvoir à Philippe Morgan de traiter avec lui de et super quibus cumque ligis, confœderationibus et amicitiis, generalibus sive particularibus, realibus sive personalibus... etiam de modo et forma et quantitate auxilii, subventionis seu subsidie hinc inde ministrandorum, necnon de et super communicationibus inter subditos unius et alterius partis, in mercimoniis et ahis licitis secure et amicabiliter faciendis. Rymer, t. IV, part. II, p. 144.

[27] Chronique normande de Pierre Cochon, éd. de M. de Beaurepaire, p. 273. Cf. p. 275. — Le chroniqueur se trompe en plaçant ici l'entrevue de Calais, mais il est dans le vrai en disant à cette date que le roi d'Angleterre et le duc firent appointement et allianches ensemble.

[28] Il est constant que le duc de Bourgogne, après avoir fait jurer la paix d'Arras par lés mandataires qui avaient stipulé en son nom, par les princes de sa famille, par ses serviteurs, par tous ses vassaux (voir Monstrelet, t. III, p. 40 et 62-66), la jura lui-même. Cela ressort, entre autres documents, des lettres de réparation que Charles VI donna le 31 août 1415, et lui fit remettre par ses ambassadeurs : Laquelle paix, y lit-on, icellui nostre cousin de Bourgogne a solennellement, sur la vraye croix et saints evangiles de Dieu, juré et de ce baillé ses lettres patentes scellées de son grand seel. (Jouvenel, p. 301.) C'est le 30 juillet que ce serment avait été prêté (original aux Archives de Dijon, lay. 75, liasse 5, n° 34. Cf. Réponses du duc dans Jouvenel, p. 302, et ses lettres patentes du 24 septembre, p. 306 ; on y lit : premier au lieu de penultiesme), avec quelques réserves auxquelles le duc renonça par lettres du 24 septembre (Jouvenel, l. c. ; cf. Saint-Remy, t. I, p. 205). La clause du traité d'Arras relative à l'alliance anglaise, était ainsi conçue : Et avecques ce avons deffendu et deffendons à nostre cousin de Bourgongne et autres de nostre sang et lignaige et à tous nos autres subgects qu'ils ne lacent aucunes alliances avecques les Anglois par quelconque manière ; et avons enjoint et enjoignons à iceux et bien expressement commandons que, se dès maintenant aucunes en avoient faictes, ils rendent et baillent à iceux à qui ils les ont faits ; et que chascun d'iceux nous baillent lettres telles quit appartiendra. Lettres de Charles VI du mois de février 1415, dans Monstrelet, t. VI, p. 172.

[29] Au mois d'août 1415, le duc ayant envoyé des ambassadeurs à Paris pour poursuivre l'octroi des lettres de réparation et d'abolition données le 31 août suivant, faisait dire par son aumônier Jean de Montléon : Que son dit seigneur avoit sceu que aucuns menteurs s'estoienf efforcez de publier qu'il avoit alliance avec les Anglois et qu'il les avoit fait venir en France. De ce n'excusa, en monstrant la bonne volonté qu'il avoit tousjours eu pour le Roy, son fils et le Royaume, mesme qu'il estoit tout prest de venir au mandement du Roy avec toute sa compagnie pour combatre iceux Anglets. (Jouvenel, p. 293.) — Deux ans après, en août 1417, il disait dans sa réponse à un envoyé du Roi : Tous ceulx qui client le duc de Bourgongne est alyé et serementé aux Anglois, ils mentent mauvaisement et faulsement. (Monstrelet, t. III, p. 200.)

[30] Voir la lettre qu'il écrivit au Roi à la date du 24 septembre 1415, où il citait la Bible, et où, comme doyen des pairs, beau-père du duc de Guyenne et de Michelle de France, il revendiquait hypocritement le droit de prendre part à la défense du territoire, — c'est à dire de venir en armes près du Roi pour s'emparer du gouvernement. Et me veut-on sous couleur bien légère, disait-il, priver du service que je dois et suis obligé de faire, sur peine de mon honneur, qui me lie et que je veux garder plus que chose terrienne. — Et comme le Roi lui avait écrit que la paix était de fraiche date, et qu'il valait mieux que lui et le duc d'Orléans restassent à l'écart, il répondait : Je veux et dois aussi bien garder paix nouvelle comme si elle estoit ancienne de cent ans et plus, et de tant plus qu'elle est fraische et nouvelle, de tant plus doit avoir chascun bonne memoire de la bien garder et seroit plus grande faute de l'enfraindre. (Jouvenel, p. 297-300.) Le même jour, il fit écrire une protestation et une supplique en sa faveur par les nobles du duché et de la comté de Bourgogne (Id., p. 308-10).

[31] Ja soit ce que le comte de Charrolois desirast de tout son cœur estre en personne en la bataille, et aussi que ses gouverneurs luy donnassent à entendre qu'il y seroit, neantmoins leur estoit deffendu de par le duc de Bourgoingne son père et sur tant qu'ilz povoient mesprendre devers luy qu'ilz gardassent que il n'y allast pas ; et pour ceste cause, affin d'eslongier, le menèrent de la ville d'Arras à Aire... Ses gouverneurs en la fin lui declairèrent, pour l'appaisier, la deffense qu'ilz avoient du duc son père, dont il ne fut pas bien content, et, comme je hiz depuis informez, pour la desplaisance qu'il en eult, se retrait' tout plourant en sa chambre... Et j'ay oy dire audit conte de Charrollois, depuis qu'il avoit actaint l'eage de Lx vit ans, que il estoit desplaisant de ce qu'il n'avoit eu la fortune d'avoir esté à ladicte bataille fust pour la mort ou pour la vie. Le Fèvre de Saint-Remy, t. I, p. 238-40. Cf. Monstrelet, t. III, p. 98-100.

[32] Le Fèvre de Saint-Remy, p. 228. — Semblable injonction dut être faite aux nobles d Artois et de Flandres. Voir Saint-Remy, p. 239.

[33] Ce personnage n'était autre que Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy. C'est M. Michelet qui a supposé qu'il était l'agent bourguignon près de Henri V (t. IV, p. 298).

[34] Voir Michelet, t. IV, p. 291.

[35] Quant est de moy, avait-il dit encore dans cette lettre, où sa fourberie éclate si visiblement, au plaisir de Dieu, je ne laisseray point tousjours à faire mon devoir, en gardant la profession et possession de mon doyenné des pairs, à la fin desirée et glorieuse que vous demandez à l'encontre de votre adversaire. Jouvenel, p. 300.

[36] Henri V lui renvoya son gantelet, disant que s'il avait eu la victoire sur les nobles du royaume de France, ç'avait été par la grâce de Dieu (Jouvenel, p. 320). — Il semble, dit très bien M. Michelet (t. IV, p. 311), à propos du duc de Brabant, il semble être venu là pour laver l'honneur de la famille.

[37] Et disait-on communement, rapporte Jouvenel (p. 280), en racontant l'expédition de 1414, que ledit duc de Bourgogne avoit envoyé devers le Roy d'Angleterre et les Anglois pour avoir secours. Et il ajoute, ce qui montre qu'il était bien au courant des intrigues du duc : Auxquelz il offrit grandes alliances et faisoit plusieurs promesses. De fait furent aucunes choses accordées et fermées. — Cum ut celebri fama per totum regnum Franciæ ferebatur dux Burgondionum fœdus cum Anglorum rege percussisset, dit aussi un auteur contemporain, Th. Basin (t. I, p. 26).

[38] Dans la déclaration de Charles VI contre le duc, en date du 5 septembre 1417, on lit ce passage : Ledit de Bourgongne, en venant directement contre sesdictes promesses, serment, foy et loyauté, et comme s'il fut allé avecques nostre dit adversaire, fut refusans de nous envoyer lesdictes gens d'armes et de trait (contre les Anglais), et par exprès deffendit à tous sesdits feaulx, vassaulz et subgiez, qu'ils ne nous fissent aucun ayde ou service à l'encontre de nostre adversaire. Recueil de Besse, p. 126.

[39] Et pour appercevoir la faveur que le duc de Bourgongne avoit aux Anglois, en ce temps mesmes que d'Engleterre le Roy descendit à Touque (août 1417), le duc de Bourgongne se mist sur les champs et vint à Paris sans faire guerre au roy d'Engleterre, mais sembloit mieulx qu'il fust de sa partie. Les Cronicques de Normendie, p. 30-31. — Le fougueux Pierre Cauchon dit la même chose des partisans du duc : Et après eulz il vint (à Rouen) Mgr Guy le Boutellier, capitaine de la ville, de par le duc de Bourguongne, avec XIIIe ou XVe Bourguenonz et estrangiés pour garder la ville contre les Engloiz, mais ils estoient miex Englois que Franchois. Chronique de P. Cochon, p. 278.

[40] Rymer, t. IV, part. II, p. 153, 154. Ce dernier sauf-conduit, sans date, valable jusqu'au 1er juin, était délivré à des ambassadeurs non désignés, venant ob certas causas et materias nobis ex parte prœfati consanguinet nostri intimandas et declarandas.

[41] Rymer, t. IV, part. II, p. 161.

[42] Rymer, t. IV, part. II, p. 162.

[43] Rymer, t. IV, part. II, p. 199 et part. III, p. 7.

[44] Rymer, t. IV, part. II, p. 169.

[45] Rymer, t. IV, part. II, p. 170 ; cf. lettres de Henri V, du 7 août (ibid.).

[46] Et tunc ab omnibus expectatur adventus ducis Burgundiai, sed pullulavit opinio consilium suum nolle tolerare eum venire absque obsidibus duobus ducibus illustribus et quatuor de comitibus clarissimis Angliæ. Et dum permansit hæc opinio per aliquot dies venerunt oratores sui, personas spectabiles, qui libere et lœtanter suscepti ad secreta regia, demum latente omnibus preterquam concilio ad quid venerant, cum responso, vultu hilari, et ut dicebatur non sine exuviis redierunt. — Gesta Henrici V, éd. Williams, p. 95.

[47] Rymer, t. IV, part. III, p. 177-78.

[48] Rymer, t. IV, part. III, p. 178.

[49] Chose digne de remarque, tandis que le duc de Bourgogne se préparait à son entrevue avec le roi d'Angleterre, on faisait écrire au Dauphin Jean, livré à l'influence bourguignonne, une lettre (datée du Quesnoy, le 27 septembre), qui fut adressée aux bonnes villes. Le jeune prince y disait qu'il avait su nouvellement que le roi d'Angleterre était descendu à Calais, dans l'intention de porter tout le dommage qu'il pourrait au Roi et au Royaume ; il annonçait vouloir s'employer au service du Roi et à la défense du Royaume, exhortant à se préparer à venir en aide au Roi, quand on serait mandé. Tout scrupule et note de division devaient être mis de côté pour résister à l'adversaire d'Angleterre. — Lettres de Tours, publiées par M. Luzarche, p. 47.

[50] Le duc arriva à Calais le 6 octobre et y séjourna jusqu'au 13. D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. III, p. 451 ; Gachard, Archives de Dijon, p. 234.

[51] Rapin Thoyras l'affirme (Histoire d'Angleterre, t. III, p. 389), mais sans preuve suffisante, et c'est ce qui a porté les historiens à nier l'existence de ce traité. Le P. Daniel a été le seul, avec Saint-Foix, à croire au traité de Calais. Ce qui est certain, c'est qu'un serment fut prêté par le duc avant de se rendre à Calais, et que ce serment parait avoir compris les clauses stipulées dans les préliminaires. Voici en quels termes les lettres de pouvoir de Henri V (2 octobre 1416) parlent du serment du duc : Cum inter deputatos et commissarios nostros, ex una, et deputatos et commissarios Johannis, ex altera parte, de et super mutua visione sive conventione, necnon de et super sufficientibus securitatibus pro hujusmodi conventione sive mutua visione pro ipso consanguines nostro ac dilectissimo et amantissimo fratre nostro Humfrido  quam, pro ipso consanguines nostro in obsidem et securitatte ostagium in manus.... transmittere et dare promisimus, etiam cum eum juramentorurn ad sacra Dei Evangelia, invicem, sub certis modo et forma, interpositione et prtestatione, per ipsos Johannem ducem et Philippum comitem, consanguineos nostros, faciendorum, nonnuilte proviatones habite aussi et conduira, prout in litteri nostris et ipaorum Johannis durés et Philippi cornais, sigillis consignais, ezpressius continetur, nos, de fidelitate, etc. (Suit le pouvoir.)

[52] ELMHAMI Liber metricus de Henrico Quinto, dans les Memorials de Ch.-Aug. Cole, p. 146.

Cum Duce colloquia secreta nimis tenuit Rex ;

Amphibologia danda veretur ibi,

Nescio suid sit in bis quæ multa loquuntur

Sed scio quod Franci fœdera nulla tenent.

Voir à la fin du présent volume le témoignage du chapelain de Henri V.

[53] Voir note complémentaire III à la fin du volume.

[54] Quand le duc se sauva en 1407, après le meurtre de Louis d'Orléans, le Conseil décida qu'il seroit besoin que Monseigneur de Berry, qui estoit son oncle et son parrain, allant par devers luy, afin qu'il ne se fist Anglets. Berry, p. 417.

[55] Il est probable que Jean sans Peur fit entendre au roi d'Angleterre que s'il l'aidait activement, c'en était fait du parti bourguignon en France, qu'il servirait mieux les Anglais par sa neutralité que par son concours. Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 340, note.

[56] Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 230-31. — M. de Barante, si favorable au parti bourguignon, a écrit (t. IV, p. 305) Le Roi d'Angletere qui, du moins, selon l'apparence et la renommée, était secrètement allié avec lui (le duc). Jean sans Peur continua d'ailleurs ses relations diplomatiques avec les Anglais. Voir le pouvoir de Henri V, en date du 24 avril, pour le renouvellement de trêves avec le duc, lesquelles n'expiraient qu'à la Saint-Michel ; le traité du 8 mai, conclu à Calais entre les ambassadeurs du duc et de Henri V ; les sauf-conduits des 1er et 24 juin, délivrés à Goodhals, Champdivers et Ostende, envoyés du duc ; le sauf-conduit, le pouvoir et le traité du 23 juillet, le traité du 31 juillet, etc. Rymer, t. IV, part. II, p. 198-99 et 201 ; part. III, p. 4 et 20.

[57] Il parait certain que Jean sans Peur avait combiné sa manifestation armée avec l'invasion anglaise ; un grave auteur du temps le dit en propres termes : Le duc Jehan de Bourgoigne, voient et cognoisant que Anglois ses alliez en icellui temps alloient conquerans la Normandie, pour empescher que du Roy n'eussent Norman secours, à grant puissance se mist sus, et le Roy prinst à guerroier. Cousinot, Geste des nobles, p. 164-65.

On lit à ce sujet dans des lettres patentes du Dauphin, adressés aux habitants de Reims, en date du 19 août 1417 : Encore plus, ledit de Bourgongne, non content de ce que dit est, s'est mis sus à tous son effort et puissance depuis la venue dudit ancien ennemy et adversaire d'Angleterre, en soy demonstrant notoirement et clerment son allé, bien veuillant, favorisant, aidant et confortant en soy faisant partie formée avecques lui à l'encontre de mordit seigneur. Archives de Reims, communication de M. Louis Paris.

[58] Voir les lettres du 8 octobre 1417, adressées aux villes du royaume par le duc, et les lettres d'Isabeau des 11 novembre 1417 et 21 mars 1418, où on lit que les gouverneurs ont abandonné le pays aux Anglais, faisant revenir toutes les garnisons.

[59] Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 339.

[60] On lit dans un récit, tracé par la chancellerie du Dauphin, des événements qui précédèrent Montereau : Et en est advenu depuis que l'adversaire d'Angleterre et feu mon dit seigneur de Bourgoingne ont esté en armes et faisans guerre aux subjez de ce royaume auprès l'un de l'autre, sans s'entregrever eulx ne leurs gens, ains gardoient entr'eulx telle convenance que l'un d'eulx n'attentoit aucunement contre les forteresses qui obeyssoient à l'autre, pourquoy lesdis Anglois ont eu l'avantage qu'ils ont, et en est demeuré deffiance et doubte ès courages. — Moreau, 1425, pièce 94.

[61] Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 331.

[62] Les Registres du Parlement, qui ne sont point suspects assurément, disent que le duc de Bourgogne et les autres seigneurs de France jusques cy ont fait petite résistance audiz Anglois et à leurs entreprinses. Cité dans M. Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 356, note.

[63] Michelet, Histoire de France, t. IV, p. 340.

[64] Chronique antonine, ms. fr. 1371,.f. 236 v°.

[65] Mesmes, il sembloit, par ses manières de faire, comme aucuns disoient, qu'il se voulust faire Roy (Jouvenel, p. 362). Et ce n'est pas là une conjecture gratuite. Henri V, qui connaissait à fond le duc, fait allusion à cette éventualité au lendemain du meurtre de Montereau : Il avoit, dit-il aux ambassadeurs de Philippe, très bonne voulenté de pleinement procéder avec mondit seigneur de Bourgogne ; mais tant estoit qu'il vouloit bien que l'on sceust que, se mondit seigneur de Bourgogne contendoit à la couronne, il lui feroit guerre jusques à la mort. Procès-verbal original, cité par M. Kervyn, éd. de Chastellain, t. I, p. 73, note.

[66] Religieux, t. VI, p. 328. — Pouilly-le-Fort (Seine-et-Marne), près de la Seine, cinq kilomètres de Melun, est aujourd'hui un hameau de la commune de Vert-Saint-Denis.

[67] Religieux, t. VI, p. 328, Monstrelet, t. III, p. 322 ; Abrégé français du Religieux, dans Jean Chartier, t. III, p. 218-19.

[68] Religieux, t. VI, p. 328, Monstrelet, t. III, p. 322 ; Abrégé français du Religieux, dans Jean Chartier, t. III, p. 218-19.

[69] Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[70] Abrégé français, p. 219.

[71] Abrégé français, p. 219.

[72] Abrégé français, p. 219.

[73] Religieux, t. VI, p. 332 : Ludovicus de Conralle, militem utique facundissimum.

[74] Religieux, t. VI, p. 330.

[75] Religieux, t. VI, p. 332.

[76] On a peu de renseignements sur ces deux conférences du Ponceau, qu'il serait fort intéressant de pouvoir comparer, dans les menus détails, avec celle de Montereau. Cela a d'autant plus d'importance que, après la mort de Jean sans Peur, les partisans du Dauphin et du duc se renvoyèrent mutuellement l'accusation d'avoir dès lors préparé une machination. Voir les articles de l'interrogatoire de Barbazan, dans La Barre, t. I, p. 307, et la plaidoirie de Labat, dans le Ms. fr. 5061, f. 116.

[77] Religieux, p. 332, et Abrégé français, p. 219. — M. Vallet (t. I, p. 155) a rectifié le mot conférions, mal traduit dans l'édition Bellaguet.

[78] Quædam venerabilis et prudens domina, cognominata de Gyac. (Religieux, p. 332.) — Elle avait épousé en 1376 le sire de Giac, et avait alors près de soixante ans.

[79] Religieux, t. VI, p. 332.

[80] Religieux, t. VI, p. 332 ; Monstrelet, t. III, p. 322.

[81] Religieux, t. VI, p. 332 ; Monstrelet, t. III, p. 322.

[82] L'original est aux Archives de Dijon, layette LXXVIII, n° 1 (actuellement B 11896) le texte se trouve dans les Mémoires de La Barre (t. I, p. 255-58), dans Monstrelet (t. III, p. 324-29), mais d'une manière souvent fautive, et dans la Chronique anonyme (t. VI, p. 272-76).

[83] Il n'est point indifférent à notre sujet de connaître les signataires du traité de Pouilly.

Du côté du Dauphin figurent :

Jacques de Bourbon, seigneur de Thury ; Robert le Maçon, chancelier ; le vicomte de Narbonne ; le sire de Barbazan ; le sire d'Arpajon ; le sire du Boschage (Guillaume de Roussillon) ; le sire de Beauvau ; le sire de Montenay ; le sire de Gamaches, messire Tanguy du Chastel ; messire Jean Louvet, président de Provence ; Guillaume d'Avaugour ; Huguet de Noyers (Noé), tous conseillers et chambellans ; Jean du Mesnil, Pierre Frotter, Guitart de Besordon, et Colart de La Vigne (La Bigne), écuyers d'écurie

Du côté du duc :

Le comte de Saint-Pol ; messire Jean de Luxembourg ; messire Archambault de Foix, seigneur de Navailles ; le seigneur d'Antoing ; messire Thibaut, seigneur de Neufchastel ; messire Jean de Neufchastel, seigneur de Montagu ; messire Jean de la Trémoille ; Guillaume de Vienne ; messire Pierre de Bauffremont, grand prieur de France ; messire Gauthier de Ruppes ; messire Charles de Lens ; messire Jean, seigneur de Cotebrune, maréchal de Botirgogni ; messire Jean, seigneur de Thoulonjon, messire Regnier Pot ; messire Pierre, sire de Giac ; messire Antoine de Thoulonjon ; messire Guillaume de Champdivers ; Philibert Musnier, dit Jossequln, et maitre Nicolas Rotin.

[84] Les lettres contenant les serments des conseillers du Dauphin sont publiées dans La Barre (p. 259) ; elles sont datées du mardi 11 juillet, au lieu de la convencion et assemblée de noz diz très redoubtez seigneurs, sur le Ponteau qui est à une lieue de Melun. Ces lettres sont en original aux Archives de Dijon (lay. LXXVIII, n° 2). C'est par erreur que M. Gachard leur donne (p. 48) la date du 14 ; M. Vallet a été trompé par lui (t. I, p. 456).

[85] Troisième Compte de Jean Fraignot, dans la Collection de Bourgogne, vol. 65, f. 121, et Déposition de Séguinat dans La Barre, p. 272 ; cf. p. 214.

[86] Troisième Compte de Jean Fraignot, dans la Collection de Bourgogne, vol. 65, f. 121, et vol. 57, f. 306 ; cf. La Barre, t. I, p. 214 et 217, et la Déposition de Séguinat, p. 272. — Et y ot, disent les comptes, la plus grant partie des gens de mondit seigneur le Daulphin aux despens de mondit seigneur le duc. Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[87] Barbazan refusa les 500 moutons, car il ne princt oncques argent, fors des maistres qu'il servoit. Plaidoirie de Labat, dans son Procès, Ms. fr. 5061, f. 116 v°.

[88] Comptes de la chambre aux deniers, visés par D. Plancher, t. III, p. 515 ; cf. Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[89] Et pour mieulx et plus fermement ces promesses asseurer et entretenir, le dit Dauphin Charle de Valois et monseigneur le duc Jehan communiquèrent tellement enssamble que [ils se trouvèrent] en l'église du Plaissiet aux Tournelles au païs de Brie, eulx deux enssamble, où ung champelain lor administra, après la messe ouye, le benoit Saint Sacrement de l'autel, en une hostie sacrée seulle partie à eux deux, dont le peuple fit moult resjoy. Le livre des trahisons de France envers la maison de Bourgogne, publié par M. Kervyn de Lettenhove, dans la collection in-4° de l'Académie royale de Bruxelles, 1873, p. 143.

[90] Registres du Parlement, dans Félibien, t. IV, p. 579.

[91] Ce point est important à établir, car la plupart des historiens ont fait prendre au Dauphin l'initiative d'une proposition pour une nouvelle entrevue. Le Dauphin, dans les deux documents que nous venons d'alléguer, dit formellement qu'il fut convenu que, dans un délai d'un mois ou environ, on se réunirait de nouveau pour besongnier aux affaires du royaume et à la deffence contre les ennemis. Jouvenel des Ursins dit aussi qu'une nouvelle entrevue fut décidée, et fixée ensuite au 26 août à Montereau (p. 360-70), et il répète (p. 371), en citant les propres paroles de Charles au duc : Beau cousin, vous savez que, au traité de la paix naguères fait à Melun entre nous, nous fusmes d'accord que dedans un mois nous nous assemblerions en quelque lieu pour traiter des besongnes de ce royaume. Cousinot, dans la Geste des nobles, écrit : Jour en prindrent ou mois d'aoust à Monteraul où Fault Yonne, pour la perfection du traitié encommencié (p. 176). Enfin le Religieux de Saint-Denis dit que des démarches avaient été faites en vue d'un concert amiable près du Dauphin (t. VI, p. 388 et 370), et le duc lui-même, dans les lettres qu'il adressa le 21 août à ses gens des comptes à Dijon, parle d'une entrevue convenue avec le Dauphin, et qui devait avoir lieu sur la rivière de Seine.

[92] Lettre du Dauphin du 15 septembre 1419, et Instructions au comte d'Aumale, dans Moreau, vol. 1425.

[93] Ordonnances, t. XII, p. 263, 266, 267. — Les lettres de ratification du Dauphin portent la date du lendemain 20 juillet, et leur teneur est la même.

[94] On n'a pas, nous l'avons vu, le texte du traité de La Tombe, dont les dispositions avaient été arrêtées entre les représentants des parties, et qui n'attendait plus que les formalités de la chancellerie pour recevoir sa forme définitive ; la comparaison ne peut donc s'établir, pour ce traité, qu'avec les demandes formulées par la Reine et le duc de Bourgogne.

[95] Le préambule est textuellement celui du traité de Saint-Maur. — Ce traité, on se le rappelle, avait été conclu en dehors de la participation des ambassadeurs du Dauphin. La grande différence entre le traité de Saint-Maur et le traité de Pouilly, c'est que, dans les lettres du 16 septembre 1418, Charles VI présuppose un accord qui reste à faire, tandis que, dans celles du 19 juillet 1419, il règle des points convenus d'avance.

[96] Conforme aux deux précédents traités.

[97] Conforme aux deux précédents traités.

[98] Reproduction de l'art. 4 du traité de Saint-Maur, avec cette seule différence que chacun ne désignait qu'un chevalier.

[99] Stipulation spéciale au traité de Pouilly.

[100] Stipulation spéciale au traité de Pouilly.

[101] Conforme au texte modifié à La Tombe par les médiateurs, et à l'article 9 du traité de Saint-Maur. On remarquera l'addition du mot venu ; le traité de Saint-Maur portait : Quand mondit seigneur le Daulphin sera devers le Roy. De même qu'à La Tombe la pierre d'achoppement était la venue du duc et de la Reine, qui n'étaient point alors au siège du gouvernement, à Saint-Maur et à Pouilly c'était la venue du Dauphin. Voilà, à vrai dire, le seul but que se proposât le duc de Bourgogne en traitant : il voulait avoir le Dauphin Charles à sa discrétion, comme il avait eu le Dauphin han, et, le plus souvent, le Dauphin Louis. Dès le lendemain du 29 mai 1418, cette préoccupation ne l'abandonna plus, et un auteur bourguignon nous dit qu'il fût moult dolent et courroucié de la mort du connétable d'Armagnac, car, pour ledit comte d'Armignac et autres illec occis, il avoit esperance de ravoir le Daulfin de Viennoix, seul filz du Roy, que tenoit ledit Tanguy du Chastel. Chronique anonyme, t. VI, p. 260. — Rien n'était d'ailleurs formulé d'une manière précise, sur ce point, dans le traité de Pouilly, et c'est là dessus que le conflit éclata à Montereau.

[102] Les considérants de la fin sont la reproduction textuelle du dernier article du traité de Saint-Maur. — La clause du serment des gens d'église, nobles et bourgeois, est spéciale au traité de Pouilly. Il y a aussi une déclaration relative à une sentence d'excommunication à Faire prononcer par le Pape contre les infracteurs ou violateurs de la paix.

[103] Lettres du 27 septembre 1419, dans le Recueil de Besse, p. 318.

[104] Registres du Parlement, dans Félibien, t. IV, p. 579 ; Religieux, t. VI, P. 98.

[105] Plusieurs Daulphinois et Bourguignons avoient grant confidence les ungs avecques les autres depuis le traictié de la paix, esperans que icelle deust estre pardurable, et souvent s'assembloient plusieurs d'un commun accord pour faire guerre aux Anglois, anciens ennemis du royaume de France. Monstrelet, t. III, p. 338.

[106] 21 juillet. Don de 2.000 l. t. à la comtesse de Charolais (Collection de Bourg., vol. 57, f. 299) ; 22 juillet. Don de 6.000 l. t. au comte de Charolais, (id., ibid.) ; 25 juillet 1419. Lettres par lesquelles Charles VI donne au duc de Bourgogne le comté de Tonnerre, en accroissement du duché de Bourgogne (Ordonnances, t. XI, p. 16). — Noter que le possesseur légitime de ce comté était Hugues de Châlons, un des seigneurs de la cour du Dauphin.

[107] Voir les instructions au comte d'Aumale, et surtout la relation encore plus développée rédigée par ordre du Dauphin, Collection Moreau, vol. 1425, pièce 94. Item et ce pendant, nonobstant lesdictes promesses, et en venant contre icelles et ladicte pais, feu mondit seigneur de Bonrgongne incontinent retourna à Pontoise, et envoya de rechief, aucun temps après des siens convenir avec lesdiz ennemis, et, par une seconde ambaxade, continua et convint de rechief aucun temps après avec lesdiz ennemis, et continua et entretint lesdiz traictiez desdictes alienacions des terres du Roy et desdictes alliances.

[108] Rymer, t. IV, part. III, p. 124.

[109] Rymer, t. IV, part. III, p. 125.

[110] Rymer, t. IV, part. III, p. 125.

[111] Rymer, t. IV, part. III, p. 128.

[112] Lettre d'Isabeau de Bavière à Henri V, publiée plus loin. Le duc quitta Pontoise le 23.

[113] Rymer, t. IV, part. III, p. 129. Voici un exemple de la véracité des auteurs bourguignons : Chastellain dit, après avoir parlé du traité de Pouilly : Luy (le duc), après cette paix faite, pour montrer son bon courage François, et qu'il estoit bien prince pour les en déjeter (les Anglais) quand il voudroit... désirant le bien du royaume sur tous les vivans, machina et délibéra de les en debouter par puissance ; et l'eust fait si ce ne fust la fortune de sa prochaine mort. Ed. de M. Kervyn de Lettenhove, t. I, p. 21.

[114] Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 364.

[115] Item, post pacem firmatam, renovavit et confirmavit regi Angliæ certas conventiones et capitula qua ; inter se habebant, et super hoc idem Dalphinus dicitur sibi ostendisse litteras, manu propria scriptes. Rapport sur les ouvertures faites au Pape de la part du Dauphin, publié par M. Quicherat, dans les preuves de son édition de Thomas Basin, t. IV, p. 279. La pièce avait été éditée pour la première fois par M. Champollion, dans ses Lettres de rois, reines, etc., t. II, p. 355. Mais le texte de M. Quicherat est plus correct.

[116] Jouvenel des Ursins dit le 28 (p. 368), et Monstrelet le 31 (t. III, p. 332). Pontoise fut pris dans la nuit du 30 au 31. Voir Journal d'un bourgeois de Paris, p. 126.

[117] Et disent quelques-uns que les Anglois y entrèrent par le moyen d'aucuns de ceux de dedans. Jouvenel, p. 368. — Tost après fist le duc de Bourgoigne mener le Roy, la Royne et Madame Katherine à Troyes, et par le seigneur de l'Isle Adam fist livrer et mettre ès mains du roy d'Angleterre la ville et le chastel de Pontoise. Geste des Nobles, par Cousinot, p. 176-77. — Item fuit causa captionis Pontisaræ, lit-on dans le rapport cité ci-dessus. M. Quicherat, l. c., p. 279. — Il faut noter que, malgré la surprise, l'Isle-Adam eut le temps de prendre sa finance et ses bagues, et que plusieurs habitants purent emporter de leurs meilleurs biens, et par especial or, argent, vaisselle et joyaux ; c'est un auteur bourguignon qui le constate (Monstrelet, t. III, p. 332-33).

[118] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 126. — Il est curieux de comparer avec le langage du fougueux bourguignon celui que tenait le Dauphin dans sa lettre en date du 27 septembre 1419, adressée aux habitants de Carcassonne : Tantost après, et incontenent après ces choses, nostre dit cousin, en allant contre sesdictes promesses, foy et serment, se tray à Pontoise, et de rechief envoya vers l'adversaire d'Angletterre, en continuant et entretenant les traictiés qui estoient entre eux, ou prejudice de mondit seigneur et de sa seigneurie, et les alliances faictes par lesdits d'Angleterre et de Bourgongne, dès lors qu'ils firent ensemble à Calais, et s'en mil tost après que la ville de Pontoise, qui est auprès de Paris et sur passage, fut sans nulle force, et, ainsi que Dieu scet, ès mains dudit d'Angleterre, qui encore la tient et occupe, et depuis n'a fait ou fait faire ledit de Bourgongne guerre auxdits ennemis, comme promis l'avoit. Recueil de Besse, p. 319.

[119] Rymer, t. IV, part. III, p. 129 ; Kervyn de Lettenhove, Histoire de Flandre, t. III, p. 154.

[120] Récit du Dauphin et lettres du 27 septembre. — Par lettres de Henri V, en date du 6 août, un sauf-conduit, valable jusqu'au 14, est accordé à deux envoyés, avec quarante personnes de leur suite, que son cousin de France veut lui députer à Pontoise, ob bonum pacis et unionis inter Franciæ et Angliæ regna nostra, comme il appert des lettres dudit cousin (prout ex suarum serie litterarum, nobis jam tarde transmissarum, aocepimus evidenter). Rymer, t. IV, part. III, p. 129.

[121] Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 95 ; cf. vol. 25, f. 21 ; vol. 65, f. 121 v°, et D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. III, p. 518.

[122] Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 95. M. de Barante, suivant le récit de Prosper Bauyn, publié par La Barre, sous le voile de l'anonyme, s'est trompé en plaçant (t. IV, p. 429) cette ambassade au 28 juin, par conséquent avant le traité de Pouilly.

[123] Monstrelet, t. III, p. 331 ; Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 95, et 65, f. 121 v° et 122. Ils reçurent du duc 100 écus d'or le 29 juillet, et par mandement daté de Lagny, le 2 août, 150 fr.

[124] On a de nombreuses lettres de retenue données par le Dauphin les 13 et 15 août à Jargeau. Le 26, il concentrait des forces considérables à Melun, sous les ordres de Barbazan et de Tanguy du Chastel.

[125] Monstrelet, t. III, p. 330 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 128.

[126] Après la prise de Pontoise, et que nous eusmes fait passer de la sorte les garnisons que avions fait vuider, lesquelles, sous la conduite de nos mareschal et premier chambellan, ordonnasmes tirer vers ledit lieu de Pontoise et environ, pour resister ausdits ennemis, à très grant requeste des prevosts des marchans et bourgeois de Paris, il fit susdits chiefs et gens d'armes refuser les passages, forteresses et retraits, et fist nouvelles alliances avecques aucuns seditieux de Paris et autres contre ladicte paix et en nostre prejudice, en les faisant promettre de non laisser entrer nous ne les nostres en ladicte ville de Paris et autres d'environ, lesquels dès lors refrechirent et renouvelèrent l'enseigne du saultoir qu'ils ont porté contre Monseigneur et nous à cause de ladicte division. Lettres du 27 septembre, Recueil de Besse, p. 319-20. Cf. Instructions au comte d'Aumale, et récit du Dauphin.

[127] Religieux de Saint-Denis, t. VI. p. 369. Le 5, Jean de Neuville, dit le Moine, était parti pour certain voyage secret ; sans doute pour aller trouver le roi d'Angleterre. Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 85.

[128] D. Plancher, t. IV, p. 518. — Le Dauphin parle de ces messages dans ses lettres du 27 septembre : Nous a tousjours requis et fait requerir d'aller devers mondit seigneur en nostre estai ou à aucun petit nombre de gens, et s'est essayé de induire plusieurs, tant de nostre hostel comme plusieurs ses gens et autres... à luy aidier à avoir nostre personne... et... nous a plusieurs fois, par lettres qu'il a fait faire ou nom de mondit seigneur, ainsi empeschié comme chascun scet, fait requerir et sommer d'aller vers mondit seigneur, eri nous menassant, en cas de refus ou delay, de nous exhereder et debouter de la succession de mondit seigneur et de nous faire declarer indigne comme desobeissant. Recueil de Besse, p. 321.

[129] Collection de Bourgogne, vol. 25, f. 2 v., 15 v°. 54, 57 ; vol. 56, f. 95. Prosper Bauyn dit le 7, par erreur. Mémoire anonyme, publié par La Barre (t. I, p. 218), et pris par lui aux Archives de Dijon. Nous avons constaté l'identité avec le texte de Bauyn, sur une copie de son Mémoire qui se trouve à la Bibliothèque de l'Institut.

[130] Et non le 10, comme le dit M. Vallet de Viriville. — Voir Collection de Bourgogne, vol. 25, f. 52.

[131] Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[132] Collection de Bourgogne, vol. 55, f. 334.

[133] Afin de resister à l'encontre desdictes volontez et damnables entreprinses. Lettres du 17 août 1419. Collection de Bourgogne, vol. 55, f. 334. — A coup sûr, les Anglais n'étaient pas à craindre de ce côté !

[134] Collection de Bourgogne, vol. 55, f. 334 v° ; La Barre, t. I, p. 218 ; D. Plancher, t. III, p. 518-19.

[135] Collection de Bourgogne, vol. 55, f. 334 v°. Receues en la Chambre des comptes de Monseigneur à Dijon, que y a apportées mons. le Pardessus, le dernier d'aoust 1419, avec les lettres patentes.

[136] Voir M. Kervyn de Lettenhove, Hist. de Flandre, t. III, p. 156.

[137] C'est au moins la réponse que prêtent au duc Bauyn, dans son Mémoire (l. c., p. 218), et D. Plancher, t. III, p. 521.

[138] Collection de Bourgogne, vol. 58, t 15 ; vol. 56, f. 95, et La Barre, t. II, p. 119, note b. — Ce même jour, 21 août, Jaquemin de Rhosne, chevaucheur du duc, alla porter lettres hastives de par luy de Troyes à Paris, vers certaines personnes secrettes. Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 85.

[139] Jouvenel, p. 369.

[140] Jouvenel, l. c.

[141] D'après Jouvenel, elle avait été fixée au 26 août, l. c., p. 370.

[142] Atout grant puissance de gens d'armes et de trait. Pierre de Fenin, p. 112. Cf. D. Plancher, p. 542.

[143] Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[144] Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52 ; Monstrelet, t. III, p. 339. — C'est par erreur que Bauyn, qui, dans son Mémoire mêle beaucoup de choses erronées à d'exactes informations, prétend que Barbazan vint à Bray. Le fait est formellement nié par l'avocat de Barbazan, dans son procès. Ms. 5061, f. 116.

[145] Vagus et inconstans animo fluctuanti. Elmham, Hist. Henrici V, p. 235. Homme soupçonneux, dit un historien du XVIe siècle, tant de sa nature que du ver qui luy picquoit la conscience, pour tant de massacres commis dont il craignoit la vengeance. Du Haillon, Histoire de France (Paris, 1581, in-8°), t. III, f. 265.

[146] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 113. On l'avait appelé quelquefois Jean le Long.

[147] Jouvenel, p. 369.

[148] Il est remarquable que ces renseignements nous viennent d'un partisan du Dauphin, Jouvenel des Ursins ; Monstrelet garde le silence à cet égard.

[149] Ils lui envoyèrent successivement quatre ambassades. Instructions de la duchesse de Bourgogne à Jean de Saint-Ylaire et autres, envoyés à la duchesse de Bourbon. La Barre, t I. p. 291.

[150] Jouvenel, p. 370.

[151] Vient-on volontiers à commettre une faute seconde, quant on a fait la première, dit Chastellain lui-même, dans un sens moins étendu, en parlant du duc Jean (t. I, p. 17).

[152] Récit du Dauphin, déjà cité. Ubi erat pestilentia, dit le rapport de Rome.

[153] La pièce, en copie du temps, est adressée à nos très chiers et bien amez les maire et eschevins, bourgois, manans et habitans de la ville d'Amiens. — On lit au dos : Copie des lettres envoiées par le Daulphin et feu Monseigneur aux bonnes villes par avant son trespas. — Moreau, 1425, pièce 81. Cf. Abrégé français du Religieux de Saint-Denis, dans Chartier, t. III, p 226-27. — On remarquera que, dans ce document, le Dauphin ne prend pas la qualité de Régent.

[154] 1er septembre. Dons à frère Hugues d'Arcey, chevalier de Rhodes ; à Guillaume d'Igney, chevalier ; à Pierre de Giac, pour reconnaître ses services passez et se l'attacher davantage ; à Pierre de Berdenaiche, écuyer ; à Pierre Derdieu et Vidal Voerrier, ses conseillers ; à quatre valets des faucons ; à sept pages. — 4 septembre. Don à Jean de Roux, physicien du duc. — Collection de Bourgogne, vol. 56, f. 85 et 95.

[155] Récit du Dauphin et lettres du 27 Septembre, dans Besse, p. 322.

[156] La date du 7 est dans une pièce émanant de la duchesse de Bourgogne. La Barre, t. I, p. 292.

[157] D. Plancher, t. III, p. 523. Cet auteur parle aussi d'ordres venus de Troyes. La dame de Giac était allée plusieurs fois trouver le Dauphin. Monstrelet, t. III, p. 341.

[158] Mémoire de Bauyn, dans La Barre, t. I, p. 220, d'après les articles rédigés pour l'interrogatoire de Barbazan (p. 308). Noé est nommé dans la plaidoirie de Labat, l. c., t. 116. Cf. D. Plancher, t. III, p. 523.

[159] Beau, grand et bien fort, dit Jouvenel des Ursins, p. 369. Place moult forte et de grant defense, dit Chastellain, t. I, p. 143 et 145.

[160] Le héraut Berry, dans Godefroy, p. 438 ; Jouvenel, p. 369 ; Pierre de Fenin, p. 112 ; Mémoire de Bauyn, l. c., p. 220.

[161] Relation inédite, publiée par M. Kervyn de Lettenhove dans les Bulletins de la commission royale d'histoire de Belgique. Tirage à part, p. 4 ; Mémoire de Bauyn, qui dit que ce fut le 9. Cf. lettres du Roi du 11 septembre, dans La Barre, t. I, p. 296.

[162] Lettres du 27 septembre, dans Besse, p. 323, et plaidoirie de Labat dans le procès de Barbazan, Ms. fr. 5061, f. 116 v°.

[163] Ce point, assez important, est établi par la Chronique anonyme publiée à la suite de Monstrelet, t. VI, p. 278, et par Pierre de Fenin, p. 113.

[164] Plaidoirie de Labat, l. c., f. 116 v°.

[165] Monstrelet parle d'environ cinq cents hommes d'armes et deux cents archers, ce qui fait environ 3.000 hommes, en comptant la lance pour cinq hommes. Il est vraisemblable que les convocations du duc avaient amené un grand nombre de gens de guerre. Fenin dit, nous l'avons vu, qu'il était à Bray, atout grant puissance de gens d'armes et de trait ; or il partit avec toute sa gent (p. 113). Monstrelet donne pour l'armée du Dauphin le chiffre de 20.000 hommes, qui est certainement exagéré.

[166] Et non de La Lune, comme on lit dans la version de M. Douët-d'Arcq, qui porte aussi fautivement le 11 pour le 10 septembre (t. III, p. 340).

[167] Après disner, lit-on dans la Copie de la manière de la mort de feu Mgr Jehan duc de Bourgogne, récit que fit faire la duchesse de Bourgogne pour être remis à la duchesse de Bourbon (La Barre, t. I, p. 287). Mais c'est une erreur. Montereau étant à cinq lieues de Bray, il n'est pas possible que le duc fût parti si tard. Il partit, comme le dit la Chronique anonyme (t. VI, p. 278), après ses messes oyes.

[168] Déposition de Séguinat, dans La Barre, t. I, p. 273. Et luy qui parle s'en alla de devant audit Monsteraul, c'est assavoir ès fauxbourgs, pour prendre son logeis.

[169] Dépositions de Saint-Georges et de Vergy, en date du 19 février 1421, dans La Barre, t. I. p. 281 et 284. — Il est bon de faire remarquer que ces deux dépositions sont identiques.

[170] Mêmes dépositions. Cf. Relation inédite, p. 5.

[171] Copie de la manière de la mort, l. c., p. 288 ; Chronique anonyme, p. 278 ; Monstrelet, t. III, p. 348.

[172] Copie de la manière de la mort, p. 288 ; Monstrelet, t. III, p. 340. — Giac était, comme on le sait, fort avant dans les bonnes grâces du duc.

[173] Monstrelet ; Chronique anonyme, p. 278 ; Pierre de Fenin, p. 113. Cet auteur place du Chastel auprès du duc pendant le trajet de Bray à Montereau, ce qui n'est point exact.

[174] Chronique anonyme, p. 279. — Va dîner à Montereau, dit Jean de Velery. Extrait de son compte, dans la Collection de Bourgogne, vol. 21, f. 52.

[175] Déposition de Séguinat, l. c., p. 273.

[176] Déposition de Séguinat, p. 273 ; dépositions de Saint-Georges et de Vergy, p. 282 et 284 ; plaidoirie de Rapioust, dans le procès de Barbazan, ms. 5061, f. 109 et 110.

[177] Barbazan, d'après la plaidoirie de son avocat, n'était pas à l'entrevue, et n'arriva qu'après le meurtre. Ms. fr. 5061, f. 116 v°.

[178] Récit du Dauphin et lettres du 27 septembre.

[179] Monstrelet, t. III, p. 341.

[180] Pour la seureté de sa personne et aussi à garder la commocion. Monstrelet, l. c.

[181] Déposition de Séguinat, p. 273. Pareillement l'avoit fait ledit Daulphin et lesdiz dix de sa compaignie.

[182] Ils furent d'un costé et d'autre visitez, et n'avoient pas plus l'un que l'autre de harnois ou armures, c'est à sçavoir seulement haubergeons et espées. Jouvenel des Ursins, p. 371. Il est complètement invraisemblable, en dépit des assertions qui se trouvent dans les récits bourguignons, que Tanguy et les autres Dauphinois (fissent armés de haches, alors que le duc et ses gens n'auraient eu que leurs épées. En présence des précautions prises par Jean sans Peur et des vérifications faites à plusieurs reprises, c'est chose inadmissible. Il faut s'en tenir à la déclaration de Jouvenel, qui répète (p. 373) que ceux qui entrèrent au parc, tant d'un costé comme de l'autre, avoient pareils harnois, c'est à sçavoir espées et haubergeons.

[183] Monstrelet, t. III, p. 342.

[184] Monstrelet, t. III, p. 342.

[185] Registres du Parlement, et les deux Relations inédites.

[186] Certains auteurs prétendent que le duc n'était pas suivi par ses dix chevaliers. C'est une erreur, démentie par la déposition de Séguinat, la Copie de la manière de la mort, etc. Montagu seul n'y était pas, s'il faut en croire la Relation inédite (p. 5) ; comme Barbazan, il serait arrivé trop tard.

[187] Il est constant, d'après la déposition de témoins oculaires, que la première barrière, ou porte du pont, était occupée par de nombreux soldats : Et ipsi loquentes, cum aliorum virorum multitudine copiosa, remanserant foras. Déposition de Bertrand de Navailles et de Guillaume de Paleur, en date du 14 septembre, dans La Barre, t. I, p. 278. Jouvenel des Ursins dit (p. 371) que, quand ils furent entrez, ils mirent garde aux deux huis chacun de ses gens. Ainsi le duc ne fut point, comme on le croirait en s'en fiant uniquement aux récits bourguignons, privé de communications avec les siens.

[188] Toutes les relations bourguignonnes mentionnent le fait. Monstrelet est le seul à prétendre (t. III, p. 343) que la seconde barrière fut tantost fermée à clef, après que luy et ses gens furent ens. La Relation inédite dit que le sire de Quitry, bailly de Sens, qui gardoit ladicte entrée, ferma tantost et hastivement ledit guichet après euxl (p. 5). Mais il n'est pas probable que Quitry, qui ne figurait pas parmi les dix, se trouvât là. Quant à voir dans ce fait une preuve de trahison, cela n'est pas possible. Est-il croyable que le duc se fût ainsi laissé enfermer comme dans une souricière ?

[189] Déposition de Séguinat, p. 273. Peut-être Séguinat ne voulait-il pas pénétrer dans l'enceinte réservée.

[190] Monstrelet, t. III, p. 343 ; Relation inédite, p. 5.

[191] Monstrelet ; Nouvelle Relation inédite, p. 5 ; dépositions de Saint-Georges et de Séguinat.

[192] Les mêmes ; Fenin, p. 214 ; plaidoirie de Rapioust dans le procès de Barbazan, ms. 5061, f. 110 ; Registres du Parlement.

[193] Les paroles échangées entre les deux princes sont diversement rapportées dans les récits contemporains. Nous avons cherché à combiner les diverses relations, de manière à présenter les choses de la façon la plus vraisemblable. Il importe de faire remarquer ici que la plupart des historiens ont prétendu que, à peine agenouillé, le duc, sur un signe du Dauphin, fut frappé mortellement. Cette grave erreur a été l'une des principales causes de l'opinion, si accréditée, qui a fait voir dans l'événement un guet-apens prémédité. Elle a été empruntée aux relations bourguignonnes, que nous pouvons prendre ici en flagrant délit d'erreur : Post pauca verba, disent les Registres du Parlement (en date du 12 septembre), ou de mensonge : Incontinent, sans autres paroles avoir d'un costé ni d'autre, dit la relation officielle de la duchesse de Bourgogne (La Barre, t. I, p. 288).

[194] J'ai suivi jusqu'ici la Relation inédite, publiée par M. Kervyn de Lettenhove. Ce récit, dû à un Bourguignon très prononcé, prouve déjà que le Dauphin ne commença pas par les reproches et les rigoureuses paroles dont parlent Monstrelet et le Religieux de Saint-Denis. Il est d'ailleurs confirmé par un document inédit, qu'on n'a pas non plus utilisé jusqu'ici : c'est le récit fait par l'avocat Rapioust, qui porta la parole contre Barbazan, lors de son procès. Le duc, raconte Rapioust, si tost qu'il peut apercevoir icelluy Daulphin, se agenouilla, et lui fit reverence, et après qu'il fut devant luy, de rechef se agenoillat osta son ausmuce de veloux, et luy dit que après Dieu il n'avoit autre à servir que le Roy son souverain seigneur et luy, et pour eulx en leur service vouloit exposer corps et devance, en luy priant que si on luy avoit fait aucuns rappors de sa personne, qu'il ne les voulsist pas croire. Et quant aux traictiez qui avoient estés faiz, ce peut ou trop cy avoit, il estoit d'accord que par son conseil il fust advisé. (Ms. fr. 5061, f° 110.) — Cf. le rapport fait au conseil de ville de Tournai le 2 octobre 1419, par Morvilliers et Veirat (Extraits des Registres des Consaux, t. I, p. 187), ut la déposition de Séguinat, l. c., p. 273-74. Luy sembloit qu'ils parloient amoureusement et gracieusement ensemble, racontent, dans les mêmes termes, Saint-Cemes, Vergy et Pontailler (p. 282, 285 et 286).

[195] Séguinat ; plaidoirie de Rapioust.

[196] Les mêmes ; Relation inédite. D'après certaines versions bourguignonnes, le Dauphin aurait, à ce moment, par un coup d'œil au, président Louvet, donné le signal du meurtre. Ce n'est pas admissible. Les paroles qui suivirent, et qui se trouvent dans plusieurs relations contemporaines, n'ont pu être inventées.

[197] Relation inédite ; Nouvelle relation inédite ; Monstrelet. Le mot est placé, dans la Relation inédite, avant les paroles du duc, et au moment même où il s'agenouilla. La Nouvelle relation inédite ne rapporte pas le discours du duc.

[198] Relation inédite, p. 6-7.

[199] Jouvenel des Ursins, p. 371. Cf. Rapport des agents anglais à Rome, dans M. Quicherat, t. IV, p. 280.

[200] Voir à ce sujet ce que dit le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 364.

[201] Jouvenel, p. 371.

[202] Jouvenel ; rapport de Rome. — C'était bien là, comme nous l'avons dit plus haut, le nœud de la question. Les Bourguignons soutinrent plus tard — ce que n'avait point dit leur maître — que le Dauphin, lors du traité du Pouilly, avoit... promis d'estre devers le Roy dedens un mois, ou qu'il fust. Voir relation faite à Tournai le 2 octobre 1419 : Extraits des registres des Consaux, t. I, p. 186.

[203] Rapport de Rome.

[204] Dixit Dalphinus : Certe imo, alter : Certe non. Rapport de Rome. La Relation inédite rapporte que le Dauphin dit au duc qu'il avoit menty faulsement par la gorge. — Parolles se enaigrirent, dit une chronique redigée à Tournai, et montèrent en tele arrogance que par fait, après icelles, ledit duc et aucuns de ses aidans y furent occis par les gens dudit Dalphin. Chronique de Flandre, t. III, p. 371.

[205] Jouvenel, p. 371 ; récit du Dauphin et lettres du 27 septembre. Il est constant que le duc mit la main à son épée ; seulement Monstrelet prétend que ce fut étant agenouillé, et pour la remettre plus devant à son aise. Il y a ici un doute à signaler sur ces paroles et sur cet acte, qu'on a généralement attribué à Navailles. Le texte de Jouvenel est ainsi conçu : Et se approcha ledit de Nouailles dudit duc, qui rougissoit, et lequel dist : Monseigneur, etc. L'édition de 1614 supprime le mot lequel, qui ne se trouve pas non plus dans les manuscrits.

[206] Monstrelet. Le mot de Lairé s'explique bien mieux à cet endroit que suivant la version de Monstrelet.

[207] Lettre du Dauphin au duc Philippe ; instructions au comte d'Aumale et récit du Dauphin ; Chronique de J. Raoulet, dans Chartier, t. III, p. 166.

[208] Dépositions de Bertrand de Navailles et de Jean de Paleur, p. 279.

[209] Messire Tanneguy prit monseigneur le Dauphin entre ses bras et le mit hors de l'huis de l'entrée du parc. Jouvenel, p. 372. Monstrelet dit que ce fut le président Louvet qui emmena le Dauphin. La Relation inédite met fautivement le prince en scène : Et lors dist ledit Daulphin, qui avoit sackié son espée et la tenoit toute nue en sa main : Je croy qu'il en a assez. — L'auteur bourguignon nous parait s'être souvenu ici du grand homme à chaperon rouge qui, le 23 novembre 1407, sortit de la maison de l'Image Notre-Dame et dit, après avoir regardé le corps de Louis d'Orléans : Allons nous en ; il est bien mort ! Il ose même ajouter que le Dauphin, tenant toujours son épée nue, resta à voir dépouiller le duc de ses vêtements (p. 7 ; cf. Nouv. relat. inédite, où se trouvent les mêmes détails).

[210] Séguinat, Saint-Georges, Vergy, Pontailler.

[211] Après plusieurs paroles, dit Raoulet, ils frappèrent sur le duc de Bourgogne et le tuèrent. D'après la déposition de Bertrand de Navailles, Tanguy du Chastel aurait frappé le duc d'une hache, et, après l'avoir abattu, aurait tué le sire de Navailles ; d'autres (Poulailler, Monstrelet, la Relation inédite, la Chronique anonyme, etc.) parlent aussi de ce coup de hache ; Saint-Georges raconte qu'il fut pris par Tanguy, et qu'il vit là Barbazan (qui n'y était pas). Voilà trois actions différentes mises au compte de Tanguy, qui, s'il faut en croire Jouvenel, emmenait pendant te temps le Dauphin, et qui, plus tard, selon le même historien, protesta énergiquement contre l'accusation d'avoir été l'un des meurtriers du duc. — Le grand homme brun qui frappa le duc de son épée (Séguinat) dut être Bataille, et il fut assisté par Lairé et Narbonne, qui reconnurent plus tard, avoir mis la main sur feu Mgr de Bourgogne (Jouvenel), et par d'Avaugour et Frotier, nommés dans d'autres relations (Raoulet). Tu couppas le poing à mon maistre, aurait dit Bataille, et je te couperay le tien. — Bataille, Lairé et Narbonne étaient d'anciens serviteurs de la mai-sen d'Orléans. Olivier Leer joua aussi un rôle dans le meurtre. Remarquons que d'Avaugour et Frotier ne sont pas nommés par Nicolas Rotin dans sa complainte officielle du 23 décembre (Voir Chastellain, t. I, p. 196 et Monstrelet, t. IV, p. 18), — M. Clerc a donné, dans son Essai sur l'histoire de la Franche-Comté (t. II, p. 372), un dessin du crâne de Jean sans Peur, dont le corps fut exhumé à Dijon en 1840. Le front est déprimé, la partie inférieure de la tête à un développement significatif. On remarque les fissures produites par les coups réitérés qui tirent portés. Voir aussi Mémoires de la commission des antiquités de la Côte-d'Or, t. I, p. 419.

[212] Les mêmes et Chronique anonyme, p. 279. Barbazan n'arriva qu'à ce moment.

[213] Chronique anonyme, p. 280. Plusieurs témoignages mentionnent la fuite de Montagu ; on a vu que, d'après la Relation inédite, il ne devait pas être sur le pont.

[214] Jouvenel, p. 372.

[215] Ils ne parurent qu'après : un conflit s'engagea un moment, sur le pont, entre les gens du duc, qui gardaient la barrière, et les gens du Dauphin (Monstrelet, t. III, p. 344). C'est là sans doute que se trouvaient le maitre d'hôtel du duc, Guillaume Binet (La Barre, t. II, p. 135), son valet servant Jean Le Voir (id., p. 138), et que fut tué Philibert Brigandet (Épitaphe dans la Collection de Bourgogne, vol. 18, f. 676).

[216] Jouvenel, p. 372.

[217] Combien que, en tant que touche la mort dudit duc de Bourgongne, plusieurs ayent escript en diverses manières, lesquels n'en scavoient que par ouy dire, et les presens menues n'en eussent bien sceu deposer, car la chose fut trop soudainement faite... Jouvenel, p. 372.

[218] Au dernier siècle, Saint-Foix, dans ses Essais historiques sur Paris (t. III, p. 309 et suivantes), et Villaret, dans son Histoire de France, avaient combattu avec force la version bourguignonne. De nos jours M. Kervyn de Lettenhove, dans sa savante Histoire de Flandre (t. III, p. 156), a fait usage, pour la première fois, des documents inédits qui sont utilisés dans notre récit, et soutenu que la préméditation était, non du côté du Dauphin, mais du côté du duc.

[219] Dans des lettres closes, datées de Jargeau le 14 août, le Dauphin écrivait aux Lyonnais, qui avaient hésité à faire publier le traité de Pouilly : Et toutefois, pour ce que veritablement bonne paix a esté faicte en ce royaume par Monseigneur et par nous... nous voulons et nous plaist que icelles lettres vous faictes publier solempnellement, gardées les solempnitez en tel cas acconstumées. Et oultre que icelle paix vous faictes garder et entretenir, car ainsi Monseigneur et nous l'avons ordonné pour le bien commun de tout ce royaume. Archives de la ville de Lyon, AA 22, f. 17.

[220] Quand on se rappelle d'ailleurs la conduite antérieure du duc de Bourgogne, son assassinat du duc d'Orléans et les circonstances qui l'accompagnèrent ; quand on réfléchit sur sa perfidie, sur son ambition démesurée, sur l'audace de son caractère ; quand surtout on se souvient qu'il avait voulu faire venir à Auxerre, quelques années auparavant, tous les princes de la famille royale sous prétexte d'une entrevue pacifique, mais dans le dessein de les y assassiner, on n'est pas disposé à rejeter sur son rival tout l'odieux de cette catastrophe. Boissy d'Anglas, Mémoire sur quelques événements de la fin du règne de Charles VI, dans les Mémoires de l'Institut, t. IV, p. 551.

[221] Il est bon de montrer ici en passant comment l'histoire s'est faite ici bourguignonne. Monstrelet et les auteurs de son parti ont été presque les seules sources où aient puisé les écrivains du xvi siècle, qui ont accrédité tant de notions erronées : on sait de quelles fables, inventées à cette époque, il nous faut encore aujourd'hui dégager l'histoire du XVe siècle (par exemple les faits relatifs à Jeanne d'Arc et à Agnès Sorel). Mézeray, au XVIe siècle, donna créance au récit de Monstrelet, et fit croire à l'existence d'une barrière, placée au centre de l'enceinte, et qu'il aurait fallu franchir pour frapper le duc. La publication faite par La Barre, en 1729, des documents recueillis par Dom des Salles, et d'un mémoire anonyme, puisé exclusivement à des sources bourguignonnes, — lequel fut généralement attribué à l'éditeur, mais dont Prosper Bauyn, maitre des comptes de Dijon, mort en 1587, était l'auteur, — contribua encore à accréditer la version hostile au Dauphin. Le P. Griffet, dans une dissertation jointe à son édition du P. Daniel ; D. Plancher, dans son Histoire de Bourgogne, adoptèrent pleinement le récit de Bauyn. Villaret, qui vint ensuite, résuma avec une critique éclairée les divers témoignages, faisant ressortir les contradictions qu'ils présentent et la difficulté d'arriver à une conclusion. C'est ce que fit à la même époque un judicieux historien (Lévesque) qui se demandait comment nous pourrions résoudre aujourd'hui ce qui paraissoit impénétrable aux plus sages des contemporains. L'histoire commençait à entrer dans une voie meilleure. Déjà Saint-Foix, dans ses Essais sur Paris, avait, avec son esprit hardi et aventureux, combattu résolument les traditions reçues. Boissy d'Anglas, en traitant incidemment la question (1809), n'arriva qu'à des conclusions négatives. De nos jours, si dans un trop grand nombre d'histoires et dans les abrégés qui malheureusement dictent l'opinion, on suivait aveuglément les sentiers battus, M. de Barante donnait un résumé fidèle et habile de tous les témoignages, et M. Michelet les appréciait avec sagacité, en réagissant contre des tendances dont les savantes recherches de M. Kervyn de Lettenhove et de M. Vallet de Viriville devaient achever de faire justice.

[222] Histoire de France, t. IV, p. 359-360.

[223] Chronique anonyme, t. VI de Monstrelet, p. 281 ; Pierre de Fenin, p. 117. — C'est ce que constate aussi Olivier de la Marche : Toute son armée se derompit et s'égara, chacun tirant et allant, sans ordre ne mesure, là où Dieu le conseilla (p. 352).

[224] On serait presque tenté de dire que ce meurtre ne fut pas prémédité, tant on avait mal pris ses mesures pour en soutenir les suites, a dit Voltaire : Essai sur les mœurs et l'esprit des nations, ch. LXXIX.

[225] Il serait trop long, et d'ailleurs superflu, de mentionner tous les historiens qui se sont fait l'écho de cette accusation. L'un des plus violents a été Rapin-Thoyras, qui, dans son Histoire d'Angleterre, s'exprime ainsi (t. III, p. 407) : Je dis que le Dauphin le fit assassiner, quelque peine que certains historiens aient prise pour le disculper. L'action se commit sous ses yeux et à ses pieds, et il garda toujours à son service les meurtriers. Il n'en faudrait pas davantage pour le faire juger coupable de ce crime, quand même il n'y aurait pas d'historiens d'assez benne foi pour l'avouer franchement. Nous avons eu le regret de rencontrer, chez un grave historien, le passage suivant : Le crime ne pouvait rien sauver, mais on en conçoit la pensée possible en un jeune prince qui avait été naguère arraché aux massacres de Paris, et qui s'était accoutumé à considérer le duc de Bourgogne comme le mortel ennemi de la France. Meurtrier ou non, le Dauphin sentit que l'État ne pouvait vivre dans cette affreuse anarchie. S'il débuta par un forfait, l'histoire a le droit de le maudire ; mais tout en frémissant, elle le loue pour n'avoir pas désespéré de la patrie. Laurentie, Histoire de France, t. IV, p. 198.

[226] Lettres de septembre 1419 (Ordonnances, t. XII, p. 268) ; du 17 janvier 1420 (id., ibid., p. 273) ; du 19 février 1420 (id., ibid., p. 278) ; du 9 mai 1420 (Collection de Bourgogne, vol. 99, p. 173) ; du 23 décembre 1420 (original, Moreau, 1425, pièce 103 ; éd. La Barre, t I, p. 347).

[227] Le Roy son père est mort civilement, et n'est point ydoisne à gouverner, lit-on dans la Réponse d'un bon et loyal François (La Barre, t. I, p. 319). — Chastellain l'appelle Roy sans régir, et dit que, selon qu'il avoit gens autour de luy, il accordoit si bien en son préjudice comme en son prouffit : tout luy estoit ung et d'ung poix (t. I, p. 116-17 et 239).

[228] Sans nous arrêter à ce que dit Jouvenel : Il n'y eut oncques personne qui chargeast Mgr le Dauphin qu'il en fut consentant (p. 372), nous citerons, entre autres, les deux passages suivants de Chastellain : ... Le meurtrirent à Montereau... devant le fils de son souverain seigneur le Roy, Mgr le Dauphin, jeune enfant pour lors, dont les acteurs se couvroient, luy ignorant (veuille Dieu ! et ainsi le croy), dans leur mauvaistié (t. I, p. 22). — ... Icelui Mgr le Dauphin, qui avoit esté présent en ce meurtre, non pas que je l'accuse, fors du regard (p. 39). — Le Bourguignon compilateur de l'abrégé français des grandes chroniques, publié par M. Vallet (l. c., p. 232), dit, en parlant des lettres du Roi, de septembre 1419 : Lesdictes lettres contenaient en oultre, combien qu'il ne fut pas vérité, qu'il estoit coulpable de la mort du duc de Bourgogne, et qu'il avoit donné signe aux meurtriers. — Dans son Traité sur les différends entre la France et l'Angleterre, Jouvenel des Ursins apporte ce grave témoignage, qui nous parait être celui de l'histoire (ms. fr. 9667, f. 49) : ... Car je te asseure que mon maistre et seigneur Charles n'avoit ne n'a en ladicte mort coulpe ou faulte ; et que il se deust faire, il n'en savoit riens. Et non faisoient tes aultres. Et fut la chose l'aide par l'oultrage du merl, et par ce que il vouloit amener ledit Roy Charles, pour lors Dolphin, et de fait mist la main à luy, et ung mitre qui fut aussy mort. Et quant ceulx qui estoienl presens virent que on mettoit ainsy la main en leur maistre, ilz le deffendirent, tellement que la mort s'en ensuivit ; dont ledit Charles fut desplaisant...

[229] M. Kervyn de Lettenhove, le savant historien de la Flandre, qui connaissait quelques-uns des documents utilisés dans le présent travail, a, ce nous semble, été bien loin en mettant la préméditation au compte du duc de Bourgogne, et en disant que Jean sans Peur regardait, en 1419 comme en 1407, le crime comme la dernière ressource de la haine (t. III, p. 156 et s.). Il convient de faire remarquer que, depuis, l'auteur a en peu.atténué l'appréciation de son Histoire de Flandre, en disant, dans les notes de son édition de Chastellain, qu'il avait développé l'opinion que Jean sans Peur voulait s'emparer à Montereau de la personne du Dauphin, et qu'il expia par sa mort un complot qui n'était dirigé que contre la liberté du jeune prince (t. I, p. 31).

[230] M. Vattel de Viriville, qui cite cette anecdote (t. I, p. 184), ne donne pas pour garant l'ouvrage où elle a paru tout d'abord, savoir l'Histoire de France de Du Hainan (éd. in-8°, t. III, p. 268 v.).

[231] Et luy arrivé bien près des barrières apparceut une grant noise et tumulte en icelles, et voit espées nues, par quoy se arresta ; et incontinent au devant de luy vint ledit Huguet de Noyers, tout pleurant, qui lui dist et mena la mort dudit deffunct duc de Bourgoigne. Laquelle chose oye s'en retourna en la ville, moult doutent de ce, et incontinent qu'il peut seoir le Daulphin luy dist pour quoy il avoit ce fait et qu'il avoit mis la couronne de France en grant perd. Plaidoirie de Labat, ms. fr. 5061, f. 117.

[232] De laquelle mort soudaine mon dit seigneur le Dauphin fut au contraire très desplaisant, ainsi que plusieurs autres gens tenans son party. — Quoi qu'il en soit, il est constant que, du cas advenu ainsi que dit est, monseigneur le Daulphin en fut très, desplaisant, et ceux qui estoient en sa compagnée, gens de bien, cognoissant qu'il n'en pou-voit venir que tout mal. Jouvenel, p. 372 et 373. Cf. Monstrelet, t. III, p. 347.