29 MAI 1418-10 SEPTEMBRE 1419 Initiative personnelle de Charles. — Il fait sur Paris un retour offensif. — Après l'insuccès de cette démonstration, il s'établit à Bourges, et y organise la résistance. — Circulaire aux bonnes villes. — Le Dauphin se met en campagne. — Lettre écrite d'Aubigny aux habitants de Lyon. — Tentative infructueuse sur Tours ; prise d'Azay-le-Rideau. — Reprise des négociations avec la Cour déclaration du 4 août ; intervention du duc de Bretagne ; traité de Saint-Maur. — Refus du Dauphin de ratifier le traité ; la rupture devient définitive. Personnel de son gouvernement. — Le Dauphin entre en campagne : prise de Tours. — Le Dauphin prend le titre de Régent. — Organisation militaire ; marche vers les frontières de la Bourgogne. — Négociations avec les Parisiens, puis avec la Cour. — Trêve dg trois mois, prélude d'un rapprochement entre le Dauphin et le duc de Bourgogne. C'est au cri de Vive le Dauphin ! — comme plus tard, sous une autre terreur, au cri de Vive le Roi ! — que tombaient à Paris les prisonniers du Châtelet sous les coups de leurs bourreaux[1], attestant par là que le Dauphin était bien le représentant de la cause nationale[2]. Nous allons voir maintenant le jeune Charles à l'œuvre, s'efforçant de faire face aux périls qui le menaçaient de toutes parts. Monseigneur le Dauphin, dit l'évêque Jouvenel des Ursins, combien qu'il fust jeune d'âge, toutefois il avoit bien bon sens et entendement[3]. Pierre de Versailles, moine de Saint-Denis, écrivant à ce moment à Jean Jouvenel, père de l'évêque de Beauvais, l'un des conseillers du jeune prince, parle aussi de ses heureuses dispositions[4]. Jamais tâche plus lourde et plus difficile n'avait pesé sur des épaules de quinze ans : mais si la tâche était au-dessus des forces du Dauphin, 'elle se trouva à la hauteur de son courage. Dans ces conjonctures graves et périlleuses, il fit preuve d'une singulière énergie. A peine échappé des mains de la faction bourguignonne, qui s'apprêtait à le saisir pour s'en faire un instrument ainsi qu'elle fit du malheureux Charles VI[5], le jeune prince s'était rendu à Melun, où il avait réuni ses gens de guerre[6]. Dès le 31 mai, il se porta sur Charenton, avec l'espoir de rentrer dans Paris par la Bastille et d'en chasser les Bourguignons. Son ardeur était telle que ses conseillers, malgré tous leurs efforts, furent impuissants à le retenir : Et ne l'a pu homme garder, écrivait le même jour Robert le Maçon aux gens du Conseil en Dauphiné, que en personne il n'y soit allé[7]. Le 1er juin, à trois heures du matin, le maréchal de Rochefort, Barbazan et Tanguy du Chastel pénétrèrent dans Paris par la porte Saint-Antoine, avec quinze à seize cents hommes d'élite, aux cris de Vive le Roi ! Vive le Dauphin ! Vive le connétable d'Armagnac ! Une relation bourguignonne, récemment publiée[8], nous donne sur cet événement des détails circonstanciés et fort intéressants. Mercredy matin derrenier passé (1er juin), environ trois heures après minuit, sur le point du jour, Monseigneur le Dauphin, accompaigné de environ quatorze cens hommes d'armes qui en la nuit estoient au pont de Charenton, vindrent devant la ville de Paris à la porte Saint-Anthoine. Et lors ceulx qui estoient en la Bastille, saichans la venue et entreprinse des dessusdiz, vindrent aussi du costé de la ville, au nombre de cinquante hommes d'armes, rompre ladicte porte Saint-Anthoine ; à quoy ceulx de ladicte ville de Paris ne povoient résister, pour ce que ceulx de ladicte Bastille faisoient gecter contre eux bombardes, canons, et[9] très terrible trait, à grant foison, et tellement que lesdiz gens de mon dit seigneur le Dauphin entrèrent par ladicte porte derrière[10] ladicte ville, et nonobstant la grant chaîne de fer tendue devant Saincte-Katerine, ils vindrent en la Bastille, en reboutant noz gens, à très grant force, jusques devant la croix en la porte Baudet. Toutes voyes, nos dictes gens qui, par ladicte nuit, avoient fait grant guait et garde, saichans aucunement l'assemblée desdiz ennemis, reboutèrent les dessus diz en combattant par l'espace de trois heures, jusques hors de ladicte porte, où les attendoit Monseigneur le Dauphin et son estandart, lesquels les recueillirent. Et, en ce faisant, ot desdiz ennemis mors jusques au nombre de huit-vingt chevaliers et escuiers, et des prisonniers grant foison, qui depuis furent tuez pour ung ery qui lors fut fait que on tuast tout, et aussi en y ot de ceux de la ville, leurs complices, prins et morts. Et ce fait, se retrahirent mon dit seigneur le Daulphin et ses genz au pont de Charenton, et de là sont alez à Meleun, au nombre[11] de cinq ou six cens hommes d'armes, et aucuns d'iceulx se sont boutez en ladicte Bastille avec aucuns de ceulx qui desjà y estoient. Ce que ne dit pas la relation bourguignonne, mais ce qui nous est révélé par d'autres témoignages, c'est que les Dauphinois furent accueillis avec faveur par les Parisiens. Déjà l'on prenait la croix droite[12] ; un revirement allait s'opérer ; mais des soldats bretons s'arrêtèrent pour piller, et leur indiscipline compromit l'entreprise[13] : après une lutte acharnée, il fallut battre en retraite[14]. On alla rejoindre le Dauphin, qui attendait près de la, Bastille, avec son escorte, le résultat de l'attaque, et l'on gagna Charenton. Le jour même, le cardinal de Saint-Marc vint dans ce
village trouver Charles et le supplier d'entendre au
bien de paix, non obstant l'inconvenient de la ville de Paris. Le
Dauphin répondit au cardinal qu'il était toujours prêt à opérer l'accord, et
qu'il n'avait cessé de s'en occuper, bien que, sous
ombre de paix, la trahison eût été faite, ce dont il était moult dolent et courroucé. Et il ajouta en propres
termes : Je sais bien qu'ils feront faire à
Monseigneur (le Roi) tout ce qu'ils voudront ; et, quant au regard du
gouvernement, je suis content que Monseigneur y commette comme bon lui
semblera. Toutefois, soient avisés ceux qui auront la charge comme y gouverneront, car sans faute une fois nous
rendrons compte[15]. Le Dauphin regagna aussitôt Melun, d'où, traversant Montargis et Gien, il alla s'établir à Bourges[16]. Au temps de Philippe de Valois, quand une invasion anglaise menaçait déjà la France, la royauté française avait fait un solennel appel à la nation pour la défense du territoire. Dans un manifeste qu'il fit lire dans toutes les églises de France, le Roi s'exprimait ainsi : Pour ce que, en toutes bonnes besognes, especialement en fait de guerre, l'on doit mettre son esperance en Dieu, de qui tous biens, viennent, et son aide requerir humblement, nous requerrons et prions bien acertes que processions generaux soient faites en vostre cité, et chascun prestre regulier et seculier dise oraisons speciales... Et jaçoit-ce que nous ayons bon droit et juste cause, selon le jugement de tout nostre Conseil, toutes voies, pour ce que bon droit a bien mestier d'aide, nous recourons humblement à l'aide de Dieu et aux oraisons de nostre peuple, auxquelles nous avons grande fiance, et proposons que, en paix ou victoire, nous faisons tant envers la bonne gent de tout nostre royaume, que ils se tiendront à bien payé de nous[17]. Comme son aïeul Philippe de Valois, le Dauphin Charles mit son espérance en Dieu et en son peuple. Il fit d'abord appel aux princes : la reine de Sicile et ses enfants, le duc de Bretagne, le duc de Savoie, le duc d'Alençon, le comte de Foix[18], d'autres encore, reçurent des lettres sollicitant leur concours, ou les appelant auprès de sa personne afin d'aviser aux mesures à prendre[19]. Puis il s'adressa aux villes du royaume : par lettres patentes du 13 juin, il leur notifiait les événements survenus à Paris, et leur enjoignait de persévérer en leur obéissance envers le Roi et envers lui, avec défense d'obéir aux mandements scellés du grand sceau, dont les rebelles s'étaient emparés. Le même jour, la circulaire suivante était signée par le Dauphin et adressée à toutes les villes de son obéissance : Chiers et bien amez, la Brant loyaulté et entière obeissance que Monseigneur et nous avons tousjours trouvée en vous et aux aultres ses bons subgiez, nous donnent cause de vous plus voulentiers escripre et faire savoir nostre entencion, et singulièrement ès choses touchans le bien de mondit seigneur et de sa seigneurie et l'entretenement de tous ses subgiez en sa vraye obeissance. Et pour ce que, puis nagaires, comme il est assez nottoire, sont advenuez plusieurs nouvelletés à Paris et ailleurs, et que, par traison, aucuns des gens du duc de Bourgoigne sont entrés en ladicte ville de Paris, en laquelle ilz font plusieurs inaulx, cruaultez et inhumanitez, comme par noz lettres patentes, lesquelles nous vous envoyons avecques ces presentes, vous faisons savoir plus à plain, et que en leur dicte entrée ilz ont prins la personne de mondit seigneur et de nostre tres chière et tres amée compaigne la Daulphine, et les Brans seaulx de mondit seigneur et les nostres, desquieulx ilz seellent plusieurs lettres, au prejudice de luy, de nous et de sa seigneurie, pour decepvoir vous et ses aultres bons subgiez, soubz colleur desdictes lettres, et les subvertir de leur bonne loyaulté, vous prions et neantmoins mandons que nulles quelxconques lettres à vous envoyées, soyent ou nom de mondit seigneur ou de nous, vous ne recepvez desormaiz et n'y obeissiez, se elles ne sont seellées de notre seel de secret et signées de nostre main, jusques ad ce que aultrement en ayons ordonné et vous en [ayons] fait savoir nostre entencion ; et que, attendu que mondit seigneur est de present et par ladicte traison ès mains des dessusdiz ses rebelles et desobeissans et destruiseurs de ceste seigneurie, et à nous, qui sommez son seul filz, tant par vertu du pouvoir de lieutenant general que il nous a donné comme par droit naturel, appartient plus que à nul aultre pourveoir à la bonne garde et entreteneinent de sa seigneurie, à laquelle chose faire chescun doit avoir à nous recours et nous y faire ayde et preste obeissance, par especial en tel cas, et pour reprimer telles traisons et mauvaitez, vous vueillez tousjours perseverer en vostre bonne et entière loyaulté et estre près obeissans à nous pour mondit seigneur et à nul aultre, comme en vous en avons très parfaicte confiance. Et nos dictes lettres faictes publier partout où il est accoustumé de faire en tel cas ; saichans que, quant est de nostre part, nous sommez tousjours prestz, ne en nous n'a tenu, ne tient, ne tiendra, que en tout et partout ne soit entendu ad ce que les subgiez de mondit seigneur puissent vivre en paix soubz son obeissance. Et nous faictez continuelment savoir de l'estai de pa,r delà, que souvent et deligemment vous ferons savoir du nostre. Chiez (sic) et bien amez, Nostre Seigneur soit garde de vous. Escript en nostre ville de Bourges, le XIIIe jour de juing. CHARLES. ALAIN[20]. En même temps le Dauphin annonçait qu'il tiendrait une assemblée à Poitiers le 1er août, et ordonnait d'y envoyer des délégués pour délibérer sur les moyens de travailler efficacement au relièvement et apaisement du pays[21]. Charles était animé d'une grande confiance. En passant par
Gien, il avait dit au comte de Vertus, venu d'Orléans pour le saluer[22] : Monseigneur (le Roi) et nous verrons maintenant la bonne volonté de nos sujets
et vrais obéissants[23]. — Si vous certifie, écrivait Jean Caille au conseil
de ville de Lyon en racontant ces faits, que c'est
un seigneur qui a très grand cœur, et que, incontinent que il a dit une
chose, la veut maintenir. A la date du 13 juin, le comte de Foix, le
seigneur d'Albret, les seigneurs du pays d'Auvergne, les États du Velay
avaient déjà envoyé leurs assurances de fidélité et promis leur concours[24]. La reine de
Sicile, les ducs d'Anjou, de Bretagne et d'Alençon annoncèrent leur venue
pour le 6 juillet[25]. De tous côtés
les messages arrivaient et s'entrecroisaient. Le 27 juin, Charles reçut les
assurances de dévouement des habitants de Lyon : Voici
loyaux gens ! dit-il, en pleine salle, après avoir lu leurs lettres : Monseigneur et nous leur sommes bien tenus[26]. Tandis qu'on s'efforçait à Paris de faire revenir à tout prix le Dauphin, et qu'on se disposait à lui envoyer une ambassade pour le supplier de retourner dans la capitale et de lie point rester éloigné du Roi, de la Reine et des autres seigneurs du sang qui estoient ou seroient en la compagnie du Roy[27], Charles organisait son armée. Rendez-vous avait été donné à Bourges aux nobles du royaume, et ils affluaient de toutes parts[28]. On pourrait presque, à l'aide des innombrables montres qu'on rencontre, dresser l'effectif des gens de guerre rassemblés à Bourges et aux environs, à partir du 20 juin[29]. C'était un mouvement vraiment national, attestant la vérité de cette parole prononcée peu avant par l'Université de Paris : La présence et entreprise du prince double le hardiment de ses sujets[30]. Louis d'Escorailles fut envoyé aussitôt à Melun et à Meaux pour mettre ces places en état de défense[31]. Un des anciens gouverneurs du prince, Pierre de Beauvau, eut mission de réunir auteur de sa personne un certain nombre de gens de guerre et, dès les derniers jours de juillet, il était à la tête de quatre cents hommes d'armes et de cinq cents hommes-de trait[32]. Jean de Torsay, grand maitre des arbalétriers de France, eut le commandement de six cents hommes d'armes et de cinq cents hommes de trait[33] ; le maréchal de Rochefort eut cinq cents hommes d'armes ; Charles de Bourbon, Daudonnet Cran, Guillaume d'Avaugour, Guillaume Bataille, le seigneur de Pousauges et plusieurs autres eurent chacun un certain nombre de gens de guerre. Regnault de Chartres reçut la lieutenance du Languedoc et des pays du Midi[34], avec l'adjonction, pour les opérations militaires, de Philippe de Lévis, seigneur de la Roche, qui exerçait déjà les fonctions de capitaine général pour la garde du Languedoc[35]. Tanguy du Chastel alla s'établir à Meaux, avec le titre de lieutenant et capitaine général dans l'Ile-de-France ; la Champagne et la Brie, au nord de la Seine[36]. Barbazan fut placé à la tête de deux cent quarante hommes d'armes et d'autant d'hommes de trait, et ne tarda pas à se rendre à Melun, dont la garnison fut renforcée[37]. Le comte de Vertus eut charge de pourvoir à la garde des provinces du Centre. Pierre de Montmorin, bailli de Saint-Pierre le Moutier, fut investi de la garde de Saint-Pourçain, avec charge de veiller à la sûreté du Bourbonnais et des pays d'alentour[38]. Le Dauphin ne tarda pas à mettre à profit le zèle de ses gens de guerre. Il s'avança vers la Touraine, en passant par Aubigny, Montrichard et Amboise[39]. D'Aubigny, Charles adressa aux habitants de Lyon la lettre suivante, qui présente un curieux tableau de la situation. A noz très chiers et bien amez les consuls, bourgois, manans et habitans de la ville de Lyon. DE PAR LE DAULPHIN DE VIENNOIS, DUC DE BERRY, DE TOURAINE, CONTE DE POITOU, ET LIEUTENANT GÉNÉRAL DE MONSEIGNEUR EN SON ROYAUME. Très chiers et bien amez, pour la Brant loyauté, vraie subgecion et entière obeissance qui a esté trouvée en vous, et qui de jour en jour se remonstre par bonne continuacion et perseverance en mieulx, et comme nous avons bien sceu par voz lettres, nous qui, à l'aide de Dieu, de vous, et des autres bons et loyaulx subgiez de Monseigneur et de nous, n'avons riens si devant les yeulx comme de tousjours querir, garder et pourchacer le bien et la conservacion de sa seigneurie et de ses subgiez, vous escrivons de present et communiquons nostre entencion ès affaires de mondit seigneur, comme à ceulx desquelx le bon vouloir et loyal affeccion nous donne singulière confiance. Vous avez assez sceu, et mesmement par noz lettres, les oultrageuses nouvelletez lesquelles sont advenues à Paris, puis pou de temps, et comme, par trayson, commocion, et sedicion de peuple, aucuns rebelles et desobeissans à mondit seigneur sont entrez de nuit, par aguet et despourveuement, en ladicte ville, le jour mesmes que avions deliberé de mettre finale conclusion au traictié de la paix de ce Royaume, longuement pourparlé entre les, ambaxades d'une partie et d'autre, et pour rompre et empescher ladicte conclusion. En laquelle ville ilz ont prins la personne de mondit seigneur, laquelle ilz ont detenue et detiènnent, fait pluseurs cruaultez, pilleries, meurdres et inhumanitez ; et, en criant la paix, les espées nues et plaines de sang, ont murdry ou emprisonné, pillié, robé et destroussé generalement tous les bons et loyaulx serviteurs de mondit seigneur et de nous qu'ils ont peu aprehender, et semblablement plusieurs evesques, prelas, gens d'eglise et autres chevaliers, escuiers, notables bourgeois et marchans, sans pitié ne misericorde, ne sans faire quelconque differance ès personnes ne ès estas. Durant lesquelles choses, pour esloingner la fureur, eviter plus grant inconvenient, nous retraysmes en la bastille Saint-Anthoine ; et nous, voyans leur ostinacion, nous venismes à Meleun, et de là en nostre ville de Bourges, pensans que ladicte fureur se deust aucunement moderer, et que, par l'advis, conseil et aide de plusieurs du sang et lignage de mondit seigneur, lesquelx nous avons mandé venir par devers nous et qui nous ont fait responce que de brief y seront, en ce et autres choses peussions mettre provision, au bien de mondit seigneur et de sa seigneurie. Et depuis ces choses, et que nous les vous eusmes escriptes et fait savoir, lesdiz rebelles et desobeissans, non contens d'avoir fait et perpetré les maulx, crimes, desobeissances et cruaultez dessus diz, furieusement et desordonneement, comme "gens sans congnoissance de Dieu et tous hors de la pitié humaine, se sont transportez en toutes les prisons qui estoient en ladicte villè, et là ont inhumainement et crueusement meurdry et detrenchiez les connesta.ble et chancellier de mondit seigneur, plusieurs prelas, evesques, chevaliers, escuiers, officiers de mondit seigneur, et autres gens,d'eglise, notables bourgeois et marchans, jusques au nombre de deux à trois mil personnes, qui là estoient prisonniers, lesquelx, tailliez en pièces comme bestes, ils ont tous mis, gectez et detraynez sur les quarreaux de ladicte ville, sans avoir aucune compassion de l'effusion du sang humain, et mesmes les femmes et enfans des dessus diz ont-ilz occis, layez et mis à mort, et mis ladicte ville, qui est chief de ce royaulme et à laquelle chascun avoit recours en justice, ainsi que à gast, perdicion et desolacion. Lesquelles choses sont tant horribles, tant deshonnourables et si dolereuses à recorder que tout bon cuer en doit avoir grant frayeur et abhominacion, mesmement qu'elles soient advenues en ce dit royaume, qui tousjours a eu la glorieuse renommée de debonnaireté et, de clémence entre les autres, et ne fut oncques veu, oy, ne leu en escripture, que tel si desordonné et, detestable cas y soit oncques mais advenu, qui est en très grant esclande, reprouche et deshonneur. Sy vous signiffions ces choses, très Chiers et bien amez, et afin que d'icelles soies veritablement informez, et que, ainsi que plus est besoing, soiez et demourez tousjours en vostre bonne loyauté, dont vous avez eu et avez de present, entre les autres, grant los et renommée ; et aussi que vous soies, comme bons et loyaulx subgiez, en amour et unité ensemble pour servir, secourir et aidier mondit seigneur avecques nous et en nostre ayde, qui sommes son seul filz, heritier, successeur de sa couronne, et auquel par raison et, droit naturel appartient, mondit seigneur estant ainsi empeschié et detenu, pourveoir au gouvernement et administracion de sa seigneurie, comme cellui à qui la chose touche principalment après lui, sans obeyr à quelxconques autres, fors à nous pour mon-dit seigneur. Et pour ce que lesdiz rebelles et. desobeissans, en leur dicte rebellion, ont ainsi meurdry son chancellier et. prins ses grans seaulx et les nostres, desquelx ilz puent abuser à leur voulenté, vous defendons de par mondit seigneur et de par nous que à quelxconques lettres ou mandemens à vous envoies, de quelxconques personnes que ce soient, sinon aux nostres, seellées de nostre seel secret, et signées de nostre main, vous ne obeissiez, jusques à ce que nos grans seaulx soient refais, et que par mondit seigneur et nous autrement. en soit ordonné. Et nous, au plaisir de Dieu, recongnoistrons la loyauté de vous et des autres bons subgiez, à l'onneur, avancement d'iceulx, et à la honte et reprouche desdiz rebelles ; et des bonnes manières que en ce avez tenues et tenez aurons à tousjours mais bonne memoire et souvenance. Et se aucuns s'efforcoient de vous faire guerre, nous mandons au seigneur de la Faiete que en toutes manières entende à vous garder et de-fendre, et aussi à nos officiers de nostre pais du Daulphiné, lesquels nous reputons une mesme chose avecques vous. Et, bien brief envoierons par devers vous de nos gens, pour faire savoir plus à plain de nos nouvelles et de nostre entencion, et pour vous donner en toutes choses aide et confort. Et estoit nostre entencion de nous traire en personne près de vous, ce que delayons à faire jusques à ce que ayons eu l'advis de belle,mère la Royne de Secille et de beaulx frères et cousins les ducs de Bretaigne, d'Anjou et d'Alencon, lesquelx assembleront devers nous dedens le vie du mois prouchain, et plusieurs autres seigneurs que nous avons mandé venir par devers nous. Très chiers et bien amez, NostreSeigneur soit garde de vous. Escript en nostre ville d'Aubigny, le xxixe jour de juing. CHARLES. ALAIN[40]. Le premier acte du Dauphin fut de se présenter devant Tours. Il espérait que cette démonstration militaire suffirait pour lui faire ouvrir les portes de cette ville. Mais les habitants, qui subissaient le joug de la domination bourguignonne, et qui, outre le capitaine Charles Labbé et le gouverneur Guillaume de Remenueil, investis de leurs fonctions en novembre 1417 par la Reine et le duc de Bourgogne, avaient dans leurs murs le maréchal de Montberon, envoyé par la Reine en juin 1418, restèrent sourds à la sommation qu'il leur adressa, comme seul filz du Roi, son lieutenant général et représentant sa personne et aussi comme leur droiturier et naturel seigneur[41]. Ceci se passait vers le 20 juillet. Après cet échec, Charles se replia sur Chinon. Sur sa route se trouvait le château d'Azay-le-Rideau, occupé par les Bourguignons. Les troupes dauphinoises furent accueillies, à leur passage, par des cris et des injures : C'est le demeurant des petits pâtés de Paris ! criait-on, avec force quolibets à l'adresse du jeune prince et des gens de sa compagnie. Le Dauphin, furieux, s'écria : Il faut que j'aie la place ! et il ordonna l'assaut. Le château fut emporté, démoli, et tous ceux qui y étaient enfermés furent impitoyablement mis à mort[42]. C'est peut-être le seul cas où Charles céda aux entraînements de la lutte, car il se montra toujours clément ; Mais lui et les siens avaient été exaspérés par les grossières insultes de la garnison. Cependant les Parisiens ne perdaient pas tout espoir de ramener le Dauphin au milieu d'eux, et restaient en relation avec lui. Plusieurs messages furent envoyés de part et d'autres, en juillet et en août[43]. De leur côté, le duc de Bourgogne et la Reine, sentant bien que la présence du Dauphin faisait toute la force du parti adverse, cherchaient à le lui enlever. Le cardinal dé Saint-Marc eut mission d'aller de nouveau trouver le jeune prince. Il quitta Paris le 13 juillet, et le joignit à Amboise[44]. La Reine, lui dit-il, avait l'intention d'aller à Paris, et lui mandoit et requeroit qu'il la vint accompagner jusques en ladicte ville, et, que par ee moyen, la paix seroit faite. C'était une façon un peu sommaire de trancher les difficultés. Le Dauphin répondit qu'il vouloit obeir à la Reine et la servir en toutes manières, mais d'entrer dans une cité où maux si merveilleux et tyranniques avoient été faits, seroit trop à sa grande desplaisance et non sans cause[45]. Si Charles se refusait justement à revenir dans une ville en proie à la plus complète anarchie, il ne repoussait point toute pensée de conciliation. Dédaignant les outrages que la chancellerie royale prodiguait à son parti, et qui, par là même, rejaillissaient sur lui[46], oubliant l'humiliation qu'on lui avait fait subir devant Tours, il consentit à reprendre les négociations. Une assemblée fut tenue à Chinon, par l'initiative de la reine de Sicile, où se trouvèrent, avec Yolande, le duc de Bretagne, les jeunes ducs d'Anjou et d'Alençon, et un grand nombre de prélats, de barons, de chevaliers et d'autres gens notables[47]. Là, conformément aux supplications et requestes de la reine de Sicile et des princes[48], on rédigea, sous le titre d'Avis faits pour le bien de la paix et union de ce royaume, une déclaration devant servir de base à un traité. Il convient d'entrer dans l'analyse de ce document, afin de bien préciser l'attitude du gouvernement du Dauphin, au moment où toute la direction des affaires du royaume venait de passer entre ses mains. Le Dauphin déclarait d'abord que, pour faire service et plaisir à Dieu, et pour montrer son désir, d'une part d'éviter aux sujets du Roi las maux de la guerre et au contraire de les faire vivre en paix, d'autre part de s'occuper avant tout de la défense du royaume contre les Anglais, à quoi il voulait employer sa propre personne et y entendre, disait-il, comme à lui touche et appartient, après le Roi son père, plus qu'à nul autre ; et non obstant tous les cas advenus, dont l'honneur du Roi, le sien, et de tout le royaume étaient tant grevés comme chacun pouvait le connaître, — il était content que bonne paix fut faite et entière réconciliation du duc de Bourgogne avec le Roi et lui, et que le duc demeurât leur bon parent, subjet et vassal, et en leur bonne grâce, sans dorénavant avoir souvenance de nulle des choses passées. Après avoir indiqué diverses conditions relatives aux serments à prêter de part et d'autre, à la publication de la paix, à la remise entre ses mains de la ville de Tours, le Dauphin disait que son intention, en faisant la paix, était que le duc de Bourgogne s'employât, de fait et incontinent, à la lutte contre les Anglais, et que ses garnisons se rassemblassent dans ce but ; le Dauphin en ferait autant de son côté, moyennant le serment prêté par les habitants d'être fidèles au Roi et à lui. Et afin que le duc connût la bonne fiance qu'il voulait avoir désormais en lui, le Dauphin déclarait consentir à ce que, sous l'autorité du Roi et la sienne, le duc fût lieutenant et capitaine général de la guerre dans les parties anglaises de la Normandie, la Picardie, la Champagne et l'Ile-de-France, avec tel nombre de gens d'armes et de trait qu'on jugerait nécessaire. Pour cela, le duc serait autorisé à mander tous nobles dans lesdits pays, et les sujets du Roi seraient tenus de lui obéir et de le seconder dans la lutte contre les Anglais. Il aurait en outre la disposition des revenus des pays susdésignés, jusqu'à concurrence de la somme afférente aux dépenses de la guerre. De son côté, le Dauphin, voulant s'employer en personne à la lutte contre les Anglais, déclarait se charger, de concert avec le duc de Bretagne et les autres princes, des opérations militaires en Basse Normandie et en Guyenne. Pour cela, il profiterait des ressources en hommes, et en argent qu'offraient les provinces étrangères à celles dont le duc serait chargé. Après-plusieurs clauses relatives au partage des ressources financières, aux nominations aux offices, aux restitutions de biens, à une abolition générale n'exceptant que le cas advenu à Paris et les exclusions prononcées parle traité de Chartres, le Dauphin déclarait que, pour entretenir la paix dessus dicte et éviter toutes suspections d'une part et d'autre, il consentait, si c'était jugé utile, à avoir auprès de lui et dans son Conseil plusieurs notables serviteurs du duc, lequel, de son côté, recevrait près de lui des serviteurs du Dauphin. Enfin, reprenant une des clauses des préliminaires rédigés à la Tombe, il demandait que se aucuns alliances, convenances, pactions ou abstinence de guerre avoient aucunement esté ou estoient faites, traitées, promises et accordées par le duc de Bourgogne avec le Roy des Romains, les Anglois ou autres quelconques ennemis et adversaires du Roy, de mondit seigneur le Dauphin, et du royaume, le duc y renonçât et baillabt sur ce ses lettres convenables[49]. Il était, ce semble, impossible, en traçant un programme de réconciliation, de faire preuve de plus de sagesse et de modération. Ce partage dans le pouvoir, en donnant à chacun sa part d'autorité et d'action, paraissait résoudre les difficultés du moment et prévenir les conflits dans l'avenir. La reine Yolande, qui avait obtenu, non sans peine, l'assentiment du Dauphin et de ses conseillers, mit en avant le duc de Bretagne comme négociateur, et ce prince accepta de reprendre les pourparlers au point où ils avaient été si brusquement interrompus par l'invasion nocturne du 29 mai 1418. Jean VI, duc de Bretagne, alors âgé de vingt-huit ans, s'était fait connaître jusque-là par sa prudence et par son humeur pacifique ; on vantait ses qualités aimables et sa paternelle administration[50] ; dans les querelles politiques du temps, tout en inclinant vers le parti bourguignon, il avait toujours gardé mie sorte de neutralité. Gendre du Roi par son alliance avec Jeanne de France[51] ; neveu, par sa mère Jeanne de Navarre, du duc Philippe de Bourgogne, qui avait été son tuteur et avait même gouverné son duché pendant sa minorité ; beau-fils du roi d'Angleterre Henri IV, qui avait épousé en secondes noces la duchesse Jeanne[52], il était mieux préparé que personne à servir de médiateur. Ce n'était point, d'ailleurs, la première fois qu'il était appelé à jouer œ rôle. En décembre 1415, après la défaite d'Azincourt, il était venu solliciter le Roi de rendre ses bonnes grâces au duc de Bourgogne et de le laisser venir vers lui à toute sa puissance[53] ; en janvier 1417, il avait été mêlé aux pourparlers pour le retour du Dauphin Jean[54], et tout récemment, on l'a vu, il avait servi d'intermédiaire pour préparer les conférences de la Tombe. Il fut convenu que le duc se rendrait à Paris, pour traiter avec le duc de Bourgogne, et qu'il serait suivi d'une ambassade du Dauphin. Trois graves personnages, restés étrangers aux luttes de partis, Jacques Gelu, archevêque de Tours, Jean Tudert, doyen de Paris, et Robin de Braquemont, amiral de France, furent désignés pour remplir cette mission ; ils étaient accompagnés par un secrétaire au Dauphin, Jean Chastenier[55]. Le duc de Bretagne partit de Chinon le 10 août[56], en compagnie de Richard de Bretagne, son frère, et du duc d'Alençon, qui était encore un enfant[57]. Il séjourna un moment à Blois, pour conférer avec le comte de Vertus, qu'il quitta vers le 20, suivi de conseillers de ce prince[58]. En arrivant à Beaugency, — où il était le 24[59], — il trouva deux chambellans du duc de Bourgogne, qui l'attendaient, et l'accompagnèrent jusqu'à Corbeil[60]. Paris était encore en pleine terreur ; en outre, une épidémie terrible y sévissait : le duc de Bretagne prit son logis à Corbeil, puis à Brie-Comte-Robert. Une trêve de trois semaines fut aussitôt conclue, au grand soulagement des Parisiens qui, courbés sous un joug odieux, profitèrent de ce moment de répit pour fuir en grand nombre de la capitale et pour faire évader plus d'un prisonnier[61]. Les négociations s'ouvrirent à Charenton, en présence des ambassadeurs des parties, des cardinaux des Ursins et de Saint-Marc, et des conseillers et ambassadeurs du duc de Bretagne, de la reine de Sicile, du comte de Vertus et du duc d'Alençon. Le 13 septembre, le.duc de Bretagne vint à Charenton et eut une entrevue avec Jean sans Peur, qui le retint à dîner en son hôtel de Conflans, avec les cardinaux, le comte de Saint-Pol, Charles de Bourbon et un grand nombre de seigneurs[62]. Les conditions du traité avaient été fixées à l'avance en conseil royal[63], et tout, dans cette entrevue, semble avoir été combiné entre les deux princes[64] ; il ne restait plus qu'une formalité à remplir : communiquer aux ambassadeurs les articles rédigés, après quoi leur mission était terminée En procédant de la sorte, le duc de Bretagne sortait de son rôle de médiateur, et oubliait qu'il n'avait pas le pouvoir de conclure[65]. Il passa outre pourtant, sous la pression du duc de Bourgogne qui ne négligea rien pour atteindre son but[66], et en se berçant du vain espoir de tout faire, ratifier par le Dauphin[67]. Après deux jours de pourparlers à Charenton et à Saint-Maur-les-Fossés, alors que rien n'était encore décidé[68], une conférence fut tenue chez la Reine, le 16 septembre, au château de Vincennes. Puis le duc de Bourgogne alla diner à Saint-Maur[69] ; c'est là que, en dehors des ambassadeurs du Dauphin qui étaient à Brie-Comte-Robert[70], les clauses furent définitivement arrêtées. Le traité fut scellé le même jour, et publié le 19 à son de trompe[71]. Par lettres du 18, le Roi en ordonna la stricte exécution[72]. Quoi qu'on puisse dire des stipulations du traité de Saint-Maur[73], c'était une paix baclée : Là firent une paix telle quelle, dit le fougueux auteur du Journal d'un bourgeois de Paris, qui s'indigne de l'indulgence témoignée aux faux traistres arminacs anglois, complices de l'invasion, qui voulaient livrer le Dauphin aux Anglais[74]. Voilà ce qui se disait couramment à Paris, où les mêmes réjouissances qui avaient accompagné l'annonce du traité de la Tombe, accueillirent la publication du traité de Saint-Maur[75]. C'était, il faut en convenir, une singulière façon de pacifier le différend que de trancher arbitrairement les questions les plus délicates, sans l'agrément de l'une des parties[76], et de prétendre imposer la solution en en faisant un fait accompli. A la nouvelle de ce qui s'était passé, le mécontentement fut grand à la Cour du Dauphin. En cédant aux instances de la reine de Sicile et du duc de Bretagne, on avait poussé le désir de conciliation jusqu'aux eus extrêmes limites[77], et c'est ainsi qu'on était récompensé ! Le médiateur, ne se souvenant que de ses vieilles sympathies pour la cause bourguignonne[78], avait oublié son mandat et trahi la cause qu'il prétendait servir. Ne savait-il pas que le traité de Saint-Maur était entaché de nullité et qu'en tout cas il ne pouvait avoir force de loi qu'après la ratification des deux parties ? Pourquoi agir ainsi, au mépris de toutes les règles ? Pourquoi cette précipitation insolite ? En avait-on usé de la sorte jadis avec le duc de Bourgogne ? Dans une circonstance analogue et bien plus pressante, quand il s'était agi de faire rentrer le duc 'dans le devoir, à Arras, en 1414, n'avait-on pas attendu près de cinq mois pour publier le traité ? Il y avait là de légitimes, griefs, qui devaient éloigner le Dauphin des pensées de conciliation. Pour le calmer et le disposer favorablement[79], on fit partir
la Dauphine, sa fiancée, enfermée dans Paris' depuis la catastrophe du 29
mai, et qui, de l'hôtel de Bourbon où on la gardait prisonnière, avait été
témoin des excès d'une populace furieuse et exposée aux plus grands dangers.
Le 22 septembre, le duc de Bretagne emmena, en grande pompe, la jeune
princesse, à laquelle on restitua ses bagues et joyaux, et qui reçut
plusieurs présents du Roi[80]. Le duc était
accompagné à la fois d'une ambassade parisienne[81] et d'une
ambassade bourguignonne[82], ayant mission
de poursuir le final appointement du traité de paix
pourparlé et mis en terme en la convention qui avoit esté par avant faite à
la Tombe, entre Bray-sur-Seine et Saint-Mor-des-Fossés, et aussi
d'exposer au Dauphin et à ses conseillers certaines choses pour l'appaisement des distords estans entre aucuns
seigneurs du royaume, afin de procéder à l'expulcion de ses ennemis et
adversaires d'Angleterre[83]. On voit par là
que le gouvernement dirigé par le duc ne se faisait guère d'illusion sur la
portée des stipulations consenties par le duc de Bretagne au nom du Dauphin. Le cortège de la Dauphine s'avança avec une grande lenteur. A Orléans, on s'embarqua sur la Loire pour gagner Tours. On fit une station à Marmoutiers, où la jeune princesse entendit la messe. Les bourgeois de Tours vinrent au devant d'elle dans deux grands chalands et l'accompagnèrent jusqu'au moment où elle monta en croupe derrière le duc de Bretagne pour se rendre à son logis[84]. La Dauphine passa à Tours la journée du 6 octobre, et repartit pour Saumur, où le duc comptait trouver le Dauphin. Les historiens racontent les difficultés faites à Saumur par le Dauphin, les instances de la reine de Sicile pour lui faire recevoir le duc de Bretagne, les vifs reproches que lui adressa celui-ci, l'impression produite sur le jeune prince ; mais, en suivant ici le Religieux de Saint-Denis[85], ils sont tombés avec lui dans une erreur complète. Charles n'était point à Saumur. Il avait quitté Poitiers dans les derniers jours d'août, et, après s'être arrêté successivement à Lusignan, Saint-Maixent, Niort et Maillezais[86], il était revenu à Lusignan au moment où le duc de Bretagne arrivait à Saumur[87]. Tout ce qu'on a raconté est donc erroné, et la reine de Sicile, qu'on nous montre parvenant à triompher des résistances de son gendre, était alors sans nouvelles de lui, et ne savait même point s'il acceptait ou non le traité de Saint-Maur[88] ! On attendait à Saumur la décision du Dauphin ; elle ne tarda pas à être connue : dès le 29 septembre, aussitôt après le retour de ses ambassadeurs, Charles avait manifesté hautement son intention de ne point poursuivre les négociations[89], et déclaré, dans un document où il exposait longuement les faits ; qu'il tenait pour non avenue une paix conclue sans sa participation[90]. Le duc de Bretagne dut renoncer à poursuivre son voyage devers Monseigneur le Roy pour le bien de la paix et union du royaume[91], et bientôt une ambassade du Dauphin le mit au courant des dispositions de ce prince[92]. C'est le sort des armes qui allait en décider. Le Dauphin ne devait plus songer désormais qu'à poursuivre la lutte avec vigueur et à organiser son gouvernement. Le 21 septembre, par lettres patentes où il faisait
l'historique complet des événements accomplis dans la capitale depuis le 29
mai, Charles avait établi le siège de son Parlement à Poitiers[93], et donné
commission pour remplir la charge de chancelier en l'absence de Robert le
Maçon, qui suivait le prince dans ses déplacements[94]. Le 14 octobre,
par une lettre adressée aux habitants de Lyon, il leur faisait savoir son
intention de ne point accepter la cédule publiée
à Paris, et déclarait que, quelque chose qui lui dût advenir, il ne
souffrirait pas qu'il y eût d'autre gouverneur
que le Roi et lui[95]. Le 30 octobre,
une ordonnance fut rendue pour défendre d'obéir aux lettres et mandements du
Roi pendant sa détention et maladie
[96]. Le même jour le
Dauphin adressa des lettres à tous les capitaines de ses places, pour leur
enjoindre de lutter énergiquement contre le duc de Bourgogne et ses
partisans, et de bien garder les villes, châteaux et forteresses[97]. On répondit à
ces mesures en enlevant au prince, par lettres en date du 13 novembre[98], la lieutenance
générale, et en le sommant (27 février 1419),
dans les termes les plus violents, de mettre à exécution le traité de
Saint-Maur[99]. Le duc de Bourgogne, après avoir constaté l'insuccès de ses intrigues et de ses démarches pour faire revenir le Dauphin dans la capitale[100], levait le masque une fois de plus, et cherchait à donner le change à l'opinion par des accusations violentes et calomnieuses lancées contre le Dauphin et ses conseillers. On le représentait, dans les lettres du 13 novembre, comme se disposant à traiter avec les Anglais, au très grand avantage d'iceulx Engloiz, honte et dommage de nous et de nosdiz royaume et subgiez ; c'était lui qui, en menaçant la ville de Paris par les garnisons qu'il tenait à Melun, à Meaux et à Montlhéry, empêchait de secourir la ville de Rouen, assiégée par l'ennemi ; il était gouverné par une coterie de gens de petite extraction, qui le tenaient en chartre privée, si enclos que homme ne parle à lui, que gens esleux à leur pooste e qu'ilz scevent estre enclins à leur dampnable entencion. Et l'on dénonçait publiquement le chancelier Robert le Maçon, le président de Provence Jean Louvet, et Raymond Raguier, comme sedicieux et perturbateurs de toute paix obstinez[101]. Le moment est venu d'examiner quels étaient ces hommes qu'on signalait ainsi à l'animadversion publique et d'étudier tout le personnel du gouvernement du Dauphin. Si nous envisageons d'abord les capitaines — appelés naturellement à un rôle prépondérant auprès d'un prince qui avait son royaume à conquérir, — nous trouvons en première ligne l'ancien prévôt de Paris, Tanguy du Chastel. Né en 1359, il avait déjà fourni une longue carrière. Attaché tour à tour au duc d'Orléans, au roi de Sicile, au duc de Guyenne, on l'avait vu, tant en France que dans des expéditions lointaines, en Angleterre, en Aragon, en Portugal, en Italie, donner des marques d'une vaillance qui rappelait le temps de la chevalerie, et d'une activité que l'âge ne devait pas ralentir. Nommé prévôt de Paris en 1413, après la chute des Cabochiens, il avait apporté une indomptable énergie dans l'exercice de ces difficiles fonctions, et c'est à lui — nous l'avons vu — que le Dauphin dut principalement son salut dans la nuit du 29 mai 1418. Tanguy, qui est déjà conseiller et chambellan du Dauphin, ne tardera pas à devenir son maréchal des guerres[102]. C'est, au dire des plus hostiles, un très brave chevalier[103], mais c'est surtout un homme d'action : chaud, soudain et hatif, comme le disait un des avocats dans le procès de Barbazan, il prend vite un parti et n'apporte dans l'exécution aucun scrupule[104]. S'il a été jugé sévèrement par des auteurs peu suspects, tels que Cousinot[105] ; si parfois sa conduite a pu donner prise au blâme[106], il serait injuste de méconnaître son intrépidité, ses qualités militaires, son infatigable ardeur, et surtout cet incomparable dévouement qui ne se démentit pas un instant durant le cours d'une vie presque centenaire. L'éclat de cette figure ne saurait être obscurci par quelques taches que, d'ailleurs, l'esprit de parti n'a pas manqué de grossir. A côté, sinon au-dessus de Tanguy du Chastel, dans ce
groupe qui s'occupe à la fois des affaires politiques et des affaires
militaires, il faut placer le sire de Barbazan, conseiller et premier
chambellan du Dauphin, vrai type d'honneur, de bravoure et de fidélité, qui
mérita le surnom de chevalier sans reproche, et
eut le glorieux privilège d'être enterré à Saint-Denis. Parent du comte de
Foix et des plus notables seigneurs du royaume, ayant suivi les guerres
depuis l'âge de dix-huit ans, attaché successivement à la maison du duc
d'Orléans puis à celle du duc de Berry, chambellan du Roi et sénéchal
d'Agenais, Arnaud Guilhem, seigneur de Barbazan, est réputé par tout le
monde, amis comme ennemis, pour un des plus vaillants hommes de guerre de son
temps ; à titre de premier chambellan, il a la garde du seel de secret de son maître, qui lui a donné en
outre toute la charge, autorité et gouvernement du
fait de sa guerre. Il est constamment près de la personne de Charles,
qui ne décide rien sans son avis. Les contemporains le regardent comme prince de la chevalerie du Dauphin, et le conducteur et principal gouverneur de toutes ses affaires[107]. Au second plan, nous trouvons : le vicomte de Narbonne, un grand seigneur du Midi, neveu du connétable d'Armagnac, qui a échappé au massacre de Paris et brûle de venger la mort de son oncle ; Guillaume Bataille, encore un paladin des vieux temps, l'un des plus anciens et des plus notables parmi les serviteurs de la maison d'Orléans ; un nouveau venu, Guillaume d'Avaugour, que le Dauphin a créé chambellan et investi du poste important de bailli de Touraine, et qui, Breton comme Tanguy du Chastel, est pour ainsi dire un de ses lieutenants. Les trois gouverneurs, Beauvau, Maillé et Noé, assistent constamment le Dauphin de leurs conseils. Parmi les grands officiers de la couronne, il a auprès de lui l'amiral de Braque-mont, qui est au moment de terminer sa glorieuse carrière ; lé maréchal de Rochefort, qui vient d'être destitué par le gouvernement royal, et auquel vont être adjoints les seigneurs de la Fayette et de Séverac, deux capitaines renommés ; le grand'maître des arbalétriers Torsay ; le grand-maître des eaux et forêts Guillaume de Chaumont-Quitry ; l'ancien grand-veneur Guillaume de Garmaches. Enfin nommons de grands seigneurs comme le comte de Tonnerre, le vicomte de Thouars, le seigneur de Mortemart, le sire d'Arpajon, le seigneur du Bouchage, le sire de Pousauges, et des hommes de guerre comme La Hire, Saintrailles, Louis de Culant, Guillaume de Montenay, Louis d'Escoraillès, Robert de Lairé, Ambroise de Loré, Charles Le Bouteiller de Senlis, Guillaume de Meulhon, Regnault de Montejean, Guillaume Taveau, seigneur de Mortemer, Olivier Leer, Jean et Hervé du Mesnil, Olivier de Fleschal, Guillaume d'Argenton, etc. L'Angleterre, depuis la bataille d'Azincourt, retient en captivité la plupart des princes du sang : le duc d'Orléans, le comte d'Angoulême, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme, le comte d'Eu sont prisonniers. La cause du Dauphin n'a pour défenseurs, parmi les princes, que Philippe d'Orléans, comte de Vertus, destiné à devenir un de ses plus brillants et plus intrépides champions ; le jeune duc d'Anjou, que son expédition pour la conquête du royaume de Sicile enlèvera bientôt à la défense nationale ; trois Bourbons de la branche de Préaulx ; Pierre, seigneur de Préaulx ; Jacques, seigneur de Thury, et Charles ; enfin, deux princes de la maison de Blois, le comte de Penthièvre et le seigneur de Laigle., Dans l'entourage intime du Dauphin, parmi les familiers ayant charge de Cour, nous remarquons : Thibaut Oudart, premier maître d'hôtel ; Bertrand Campion, maître d'hôtel, mêlé aux négociations diplomatiques ; Pierre Frotier, écuyer d'écurie, destiné bientôt à une faveur toute spéciale ; Prégent de Coëtivy, neveu de Tanguy du Chastel, qui remplit l',office de pannetier, et a déjà un commandement militaire ; Pierre Jardin, également pannetier ; les deux Pluscallec, écuyer d'écurie et écuyer d'honneur, jeunes Bretons qui se distingueront dans les luttes contre les Anglais ; Louis d'Avaugour, échanson ; Jean Havart, écuyer tranchant, qui commence déjà sa carrière d'ambassadeur. Le Dauphin a pour confesseur Gérard Machet, pour aumônier Étienne de Montmoret, pour physicien Jean Cadart, pour chirurgien Regnault Thierry. Et, disons-le en passant, ce n'est pas la partie la monis infl‘iente dans le personnel de sa maison. Nous verrons plus loin quel était dès lors le goût, du prince pour les savants et les lettrés. Si nous arrivons enfin à ceux qu'on peut, à proprement parler, appeler les ministres, à ceux qui expédient les affaires et siègent dans le Conseil, nous rencontrons d'abord des figures déjà connues et qui resteront au premier plan, comme celles du chancelier Robert le Maçon et de Jean Louvet, président de Provence. Parmi les prélats, nous avons nommé deux personnages considérables : Regnault de Chartres, archevêque de Reims, et Martin Gouge de Charpaigpes, évêque de Clermont ; il faut ajouter à ces deux notables conseillers Jacques Gelu, archevêque de Tours, un des prélats, les plus éminents de son temps, qui avait siégé au concile de Constance et obtenu des voix pour la papauté lors du conclave de 1417, où il représentait la France ; Jean de Norry, archevêque de Sens, ancien conseiller de Charles VI, qui avait aussi pris part au concile ; Guillaume de Boisratier, archevêque de Bourges, autrefois chancelier du duc de Berry, qui avait joué, soit dans le Conseil du Roi, soit à Constance dans le conclave, un rôle important[108] ; enfin Simon de Cramaud, appelé le cardinal de Reims, revêtu de cette dignité depuis 1413, transféré alors de Reims à Poitiers, et qui terminait sa longue carrière, signalée par de glorieux travaux. Au nombre des conseillers laïques sont Raymond Raguier, l'un des trois personnages exclus de l'amnistie par le traité do Saint-Maur, qui, de simple clerc du Roi en sa chambre aux, deniers, s'est élevé au poste de conseiller, et possède une fortune exorbitante ; Regnier de Boulligny, un ancien trésorier du Roi, commis au fait de l'office de trésorier des guerres, avant de devenir commissaire général des finances ; Hemon Raguier, frère aîné de Raymond, ancien conseiller et trésorier général de la reine Isabeau, que le Dauphin a nommé trésorier des guerres, charge qu'il avait déjà remplie de 1400 à 1414 ; Jean Merichon, receveur général des finances, qui cédera bientôt ce poste à Guillaume Charrier ; puis de simples secrétaires qui ont un rôle actif et une sérieuse influence, comme Jean le Picart, ancien secrétaire de la reine Isabeau ; Alain Chartier, le poète destiné à devenir célèbre ; Jean Lampion, Jean de Villebresme, Robert Mallière, dont les noms se retrouvent au bas des lettres missives du Dauphin. Enfin, il faut citer, parmi les conseillers au Parlement de Poitiers, choisis pour la plupart dans le sein du Parlement et du Châtelet, tous des plus anciens et des plus notables[109], le président Jean de Vaily, autrefois chancelier du duc de Guyenne, mêlé à toutes les négociations importantes de cette époque ; le doyen de Paris Jean Tudert, son compagnon dans ces missions diplomatiques ; Jean Jouvenel, un des plus graves personnages de la Cour de Charles VI ; Guillaume Toreau, l'ancien chancelier de la Reine, Hugues Comberel, bientôt appelé au siège de Tulle[110]. Après cette énumération, faite d'après les actes et les sources les plus authentiques, nous pouvons constater, sans crainte d'être démenti, que les véritables forces de la France se trouvaient rassemblées autour de la personne du Dauphin, et que les accusations si violentes formulées contre son entourage étaient dénuées de fondement. Tandis que le duc de Bourgogne comblait, par la nomination de ses créatures, les vides laissés dans l'administration par le meurtre, les proscriptions ou la fuite, le Dauphin avait autour de lui la plus grande et la meilleure partie des anciens conseillers et serviteurs de la Couronne. Tout n'était pas irréprochable dans ce personnel de gouvernement, mais on peut dire que le Conseil était composé d'hommes éminents ; ajoutons que le Dauphin ne faisait qu'user du droit de légitime défense en résistant, avec fermeté, mais avec modération, aux exigences du duc de Bourgogne, et en entamant avec ce prince une lutte à main armée. Le jeune Charles ne devait point tarder à prendre une part personnelle à cette lutte. Après avoir pourvu aux besoins de la défense dans les provinces qui lui restaient fidèles et concentré ses forces sur divers, points[111], il convoqua ses gens de guerre à Chinon[112], et se mit en campagne. En passant par Loches, il se fit recevoir solennellement (6 novembre 1418) chanoine de Loches[113]. Une pensée pieuse se mêlait toujours à ses entreprises : au moment où il prenait les armes, il fit faire en son nom un pèlerinage au Saint-Sépulcre[114]. Charles 'avait sous ses ordres belle et grande compagnie de gens de guerre[115]. Le 9 il était à Romorantin, le 13 à Jargeau. Cédant aux instances de Tanguy du Chastel et du président Louvet[116], il se porta sur Sully, où-le sire de la Trémoille tenait renfermé l'évêque de Clermont Martin Gouge, qu'il avait saisi à Jargeau comme il s'enfuyait de la capitale. On voulait d'ailleurs s'assurer en même temps des dispositions de Georges de la Trémoille, qui, depuis son intervention à la Tombe comme médiateur, gardait une attitude suspecte[117]. Il fallut faire battre la ville et le château ; enfin l'intervention du comte de Vertus amena la soumission de La Trémoille, qui promit de servir loyalement le Dauphin[118]. Le 26 novembre, Charles était devant Tours, qui ne lui ouvrit ses portes qu'après un long siège[119]. Par lettres en date du 30 décembre, le Dauphin accorda pleine et entière abolition aux habitants[120]. Dans ces lettres d'abolition, données au siège devant Tours, le Dauphin se qualifie de fils du Roy de France, Regent le royaume, duc de Berry et de Touraine et comte de Poitou ; et on lit à la fin cette formule : Par Monseigneur le Regent et Daulphin en son grant Conseil. Charles venait, en effet, de prendre Je titre de Régent. Dans un conseil tenu le 26 octobre, et où figuraient les princes, prélats et conseillers de l'entourage du prince, il avait été décidé qu'on substituerait à l'appellation de lieutenant général du Roi celle de Régent[121]. Mesure hardie et habile, comme l'a remarqué le dernier historien de Charles VII[122], qui ne laissait plus au Roi que le vain simulacre d'une couronne dont sa tête ne pouvait soutenir le poids, et qui transportait à son fils et héritier le véritable et souverain exercice du pouvoir royal. Le duc de Bourgogne s'était rendu maître du gouvernement et le dirigeait au gré de ses caprices, de ses passions, de sa cupidité surtout ; il convenait qu'on montrât au pays un pouvoir indépendant de celui qui parlait au nom du Roi et se couvrait du prestige de la royauté, bien qu'il fût peu soucieux d'arrêter les progrès de l'invasion et qu'il compromît gravement les intérêts de l'État au profit d'une ambition personnelle. Maître de la Touraine, ayant son gouvernement solidement établi dans les provinces du Centre, avec le Parlement à Poitiers, la Chambre des Comptes à Bourges, le Conseil partout où il résidait — et il ne séjournait pas longtemps dans les mêmes lieux, — le nouveau Régent était en mesure d'agir. Il déploya en effet une grande activité : négociations avec les Anglais et avec la Cour de Charles VI ; lutte activement poursuivie contre Henri V et contre le duc de Bourgogne ; part personnelle dans les événements, rien ne fut épargné pour faire face aux nécessités de la situation. Les commandements militaires furent distribués de manière à former une véritable organisation. Le seigneur de Beauvau, gouverneur du Maine et de l'Anjou, commandait dans ces provinces, et avait pour lieutenants Ambroise de Loré et Guérin de Fontaine[123]. A côté de lui, avec le titre de lieutenant de monseigneur le Régent et capitaine général des pays d'Anjou et du Maine, du Perche et de la Basse Normandie[124], le vicomte de Narbonne opérait sur la frontière de Basse Normandie. Tanguy du Chastel, qui avait pris le titre de maréchal des guerres[125] du Dauphin, résidait à Meaux, comme lieutenant général au delà de la Seine[126], avec le sire d'Offemont pour lieutenant sur les frontières de Picardie[127]. Regnault de Chartres avait la lieutenance générale en Languedoc et en Dauphiné[128], mais ses pouvoirs devaient bientôt prendre fin en Languedoc, par la nomination du comte de Foix, investi du titre de lieutenant et capitaine général du Languedoc[129], qui allait faire battre en retraite le prince d'Orange, gouverneur désigné par la Reine et le duc de Bourgogne[130]. Le sire de la Fayette était lieutenant et capitaine général en Lyonnais et Mâconnais[131] ; le vicomte de Polignac était lieutenant et capitaine général en Velay, Gévaudan, Vivarais et Valentinois[132] ; Aubert Foucaut était capitaine général en Limousin, Nivernais et Donziols[133] ; enfin le comte de Vertus était à la veille d'être nommé lieutenant et capitaine général dans le Poitou et la Guyenne[134]. Le Régent avait daigné accorder un pardon complet aux habitants de Tours ; mais il n'avait pas voulu leur faire l'honneur d'entrer dans leur ville[135]. Aussitôt après l'occupation, il avait pris le chemin du Berry, et s'était arrêté à Loches[136]. C'est là qu'il reçut une députation composée de six des plus notables bourgeois de Tours, qu'il avait mandés pour ore aucunes choses qu'il leur avoit à dire[137]. Une de ces choses, c'était qu'il lui fallait un prêt de trente mille francs. Le Dauphin déclarait d'ailleurs que si les habitants se voulaient conduire en bons et loyaux sujets, il leur donnerait son amitié, et tiendrait tout le passé pour non avenu[138]. Les Tourangeaux s'exécutèrent : le 14 janvier, à la réception d'une lettre pressante du Dauphin, ils déclarèrent qu'ils étaient prests d'obéir de corps et de bien à Monseigneur le Daulphin[139]. De Loches, où Charles avait reçu une ambassade de la ville de Melun[140], il se dirigea sur Issoudun, et s'avança par Bourges jusqu'à Sancerre[141], où se fit une grande concentration de forces destinées à agir contre les pays du duc de Bourgogne. Le Dauphin y séjourna trois semaines, et, après avoir pourvu aux besoins de la défense sur les frontières du Nivernais et dans ses garnisons du Centre[142], il se dirigea vers Gien et Montargis[143]. Voulait-il se rapprocher de la capitale, où des négociations secrètes avaient été entamées ? Cette conjecture paraît la plus probable. La première mention des négociations entamées par le Dauphin avec les Parisiens apparaît dans les Registres du Parlement à la date du 18 février 1419. On y constate la présence dans les prisons de la Conciergerie de frère Jacques Pelant et, de frère Thomas de la Mare, religieux augustins, arrêtés comme porteurs de lettres datées de Bourges[144], contentant créance en partie adressans à personnes inconnues ci, escriptes en termes de paroles feintes et couvertes[145]. Mais auparavant il parait y avoir eu, à Brie-Comte-Robert et à Melun, des conférences secrètes entre des membres du grand Conseil, gagnés par le Dauphin, et des envoyés de celui-ci[146]. Le 21 février, le Parlement, en présence du chancelier et de plusieurs seigneurs bourguignons, tint conseil pour adviser quelle response estoit à faire sur le contenu de certaines lettres patentes que on disoit estre envoyées de par Monseigneur le Daulphin et signées de son signe manuel, lettres qui furent lues en plein Conseil. On désigna quatre commissaires pour préparer une réponse, et l'on décida que le lendemain on répondrait verbalement à Romarin, héraut du Dauphin, qui avait apporté les lettres de son maître. Le 22, nouvelle réunion, où se trouvaient des représentants du corps de ville et de notables bourgeois. On y lut une seconde fois les lettres du Dauphin, et Hue de Lannoy, chevaliez bourguignon, donna réponse au héraut. On approuva les termes de la réponse écrite adressée au Dauphin, et l'on communiqua la teneur d'une trêve avec les Anglais jusqu'à Quasimodo, conclue récemment par les ambassadeurs de ce prince, et dont on avait reçu une copie venant de Galardon[147]. Cependant les dispositions du Parlement devenaient plus favorables au Dauphin. Le 8 mars, la Cour autorisait le renvoi du frère Jacques Pelant au Provincial des Augustins[148]. Le 13, une grande assemblée de deux à trois cents personnes était convoquée pour entendre la lecture d'une lettre -close du Dauphin, datée de Gien, le 7 mars, et apportée par Romarin. Tout en faisant ses réserves sur la qualité de Régent, prise par le prince, l'assemblée décida de lui faire réponse et approuva la teneur des lettres à lui adresser. Le 3 avril, nouvelle réunion, pour la lecture d'un nouveau message du Dauphin et de lettres de sauf-conduit pour douze personnes que venait d'apporter Romarin. On décida d'écrire au Roi et au duc de Bourgogne que, pour appaiser les divisions de ce royaume, il leur plust ordonner et envoyer ambassadeurs devers monseigneur le Dauphin, conformément aux lettres de sauf-conduit, lesquelles n'étaient valables que jusqu'au 16, et d'écrire en même temps au Dauphin pour le remercier, lui réitérer la demande de faire abstinence de guerre par aucun temps pour traictier plus aisément de l'appaisement desdictes divisions, et le prier de prolonger la durée de son sauf-conduit[149]. C'était un résultat très important pour le gouvernement du Dauphin que d'avoir amené le Parlement et les Parisiens — et à leur suite le Conseil royal, composé entièrement de Bourguignons, — à prendre l'initiative de négociations entre la Cour et le Régent en vue d'aboutir à un accord. Charles ne négligea rien pour tirer parti de ces bonnes dispositions : il envoya un de ses chambellans, Guillaume, seigneur de Montenay, afin de rendre les habitants de la capitale favorables à sa cause[150]. Le duc de Bourgogne dut se repentir amèrement d'avoir livré les Parisiens à eux-mêmes, laissant, pour exercer les fonctions de gouverneur, le comte de Saint-Pol, un enfant de quatorze ans ! Tandis qu'il fulminait contre le Dauphin, et le dénonçait au pays dans les termes les plus violents[151], les Parisiens se mettaient officiellement en rapports avec lui, et tenaient des assemblées solennelles pour recevoir ses communications et y répondre ! Le gouvernement royal se trouvait donc ainsi mis en demeure d'accueillir des propositions de paix[152], et, malgré toutes les répugnances du duc, il lui était impossible d'y opposer une fin de non recevoir. Le Dauphin, au dire d'un contemporain, n'était nullement
belliqueux[153]
; il n'avait pris les armes que contraint par la nécessité et ne demandait qu'à trouver moyens de paix[154]. C'était lui
qui, de nouveau, comme au lendemain de sa sortie de la capitale, prenait
l'initiative dans ce sens. Pour rendre la solution plus facile, il proposa
une trêve de trois ans afin qu'on eut pleine latitude de combattre les
Anglais et de les chasser entièrement du royaume. Mais le duc de Bourgogne ne
l'entendait point ainsi : mettant en avant le prétexte qu'une trêve à courte
échéance permettrait d'arriver plus vite à la paix définitive, il ne voulut
point entendre parler de la proposition du Dauphin[155]. Aussi, bien
que le terme de deux ans semble avoir été un instant adopté[156], il fit rendre
par Charles VI une ordonnance, en date du 14 mai 1419, dans laquelle le Roi,
en vertu d'une délibération de la Reine, du
Dauphin, des ducs de Bourgogne et d'Anjou,
du comte de Vertus, et de plusieurs autres de son sang et Conseil,
déclarait qu'il y aurait abstinence de guerre dans tout son royaume pendant
trois mois, afin de vacquer et entendre à trouver
bonne union, appaisement et sedation totale des divisions, discors, debaz et
discensions qui régnaient parmi ses sujets[157]. Le Dauphin s'empressa de donner son adhésion : Pour le grant bien et fruit qui en peut advenir ou ensuyr, avons voulu et voulons estre obey à icelles lettres, disait-il dans ses lettres de ratification en date du 20 mai[158]. Le duc, en adhérant le 23, se borna à cette brève déclaration : Lesquelles lettres et tout le contenu en icelles, en tant comme il nous touche, enterinerons et accomplirons[159]. Mais quand, le 26 mai, les hérauts du Dauphin vinrent à Provins apporter les lettres de ratification de leur maître, ils n'y trouvèrent plus le duc, qui était allé, en compagnie de la Reine, poursuivre les négociations entamées avec lés Anglais, et ne semblait plus se soucier de traiter avec le Dauphin[160]. Et n'est doubte, dit un grave historien du temps, que se le duc de Bourgongne eust voulu soy retraire de avoir tout le gouvernement, et se disposer et les siens à resister aux ennemys anciens, et laisser le fils avec les père et mère à faire aussi le mieux qu'ils pourroient, la paix estoit bien aisée à faire. Mais il vouloit tout faire et entièrement avoir le gouvernement du royaume et des finances. Et sembloit par ses manières, comme aucuns disoient, que il se vouloit à peine faire Roy[161]. C'est, en effet, avec Henri V, et non avec le Dauphin, que Jean sans Peur avait l'intention de traiter. Il venait de renouveler pour trois semaines la trêve conclue, le 7 avril précédent, entre Charles VI et le roi d'Angleterre, et les gens du Dauphin étaient exclus de cette trêve. Tout occupé des préparatifs de l'entrevue qu'il allait avoir avec Henri V[162], il était parti pour Pontoise, en compagnie du Roi et de la Reine : le 29 mai s'ouvraient à Meulan des conférences qui devaient se prolonger pendant un mois, et où la reine Isabeau n'avait pas eu honte d'amener sa fille Catherine, laquelle devait servir d'enjeu à la partie engagée. Charles, toutefois, ne se découragea pas. Il attendit lé moment favorable, et apprenant les difficultés que le duc et la Reine rencontraient, non dé la part du roi d'Angleterre, mais au sein de leur propre Conseil, qui ne voulait pas se faire Anglais, il députa à Pontoise Tanguy du Chastel[163], Barbazan et plusieurs autres, pour faire savoir qu'il était toujours disposé à traiter[164]. A l'arrivée de ces ambassadeurs, le duc hésita. Il osa mettre en délibération la question de savoir s'il valait mieux traiter avec les Anglais qu'avec le Dauphin, et fit prévaloir le premier parti. Cependant l'influence française finit par l'emporter, et Jean sans Peur dut rompre — du moins en apparence — avec le roi d'Angleterre. Cédant aux instances de ses principaux conseillers, il quitta Pontoise le 7 juillet, pour se rendre à Corbeil et aller joindre le Dauphin. Mais avant de mettre les deux princes en présence et de faire l'exposé des négociations dont le dénouement devait être si fatal, nous devons nous arrêter devant cette personnalité qui tient en quelque sorte la première place dans l'histoire du temps, et étudier de plus près la figure du duc Jean sans Peur. |
[1] Lors allèrent au petit Chastelet, où il y avoit foison prisonniers, et commenchérent entrer ens ; et les prisonniers qui bien apercheurent qu'il n'y avoit remède en leurs vies montèrent amont et se deffendirent bien et vaillaument, et crioient : Vive le Doffin ! Pierre de Fenin, p. 96.
[2] Il s'est trouvé de nos jours des historiens assez patriotes pour prétendre que le Dauphin s'arrogea le titre de lieutenant général, et pour soutenir que son enlèvement eut pour la cause nationale de fatales conséquences : Sans l'enlèvement du Dauphin, a-t-on dit, la guerre civile eût été finie : il est étrange qu'on ait célébré comme un acte de dévouement et de fidélité cette action intéressée d'un FACTIEUX, action qui eut de fatales conséquences ! (Henri Martin, Histoire de France, t. VI, p. 39 et 44.) — C'est ainsi qu'on écrit l'histoire ! L'auteur se trouve ici d'accord avec les plus fougueux chroniqueurs bourguignons qui, dans leur fureur contre Tanguy du Chastel, lui donnent le nom de Ganelon (Chronique anonyme, p. 257). M. Vallet de Viriville, au contraire, a très bien reconnu que le prévôt de Paris, en sauvant le lieutenant du royaume, héritier désigné de la couronne, conservait aussi le gage le plus précieux du pouvoir et de l'autorité, et il constate que le Dauphin représentait la cause de la monarchie et de la nation. Histoire de Charles VII, t. I, p. 102, et Nouvelle Biographie générale, art. LA FAYETTE.) Le bon droit, la cause nationale avait pour symbole vivant Charles Dauphin, a-t-il dit encore dans un Mémoire inédit sur la domination anglaise à Paris (dont la partie composée s'arrête en 1422 à la mort de Charles VI), que M. Vallet de Viriville nous a fait l'honneur de nous communiquer. — M. Michelet, qui ne s'est pas fait bourguignon, comme la plupart de nos historiens, reconnait lui aussi — on l'a vu — que le parti Armagnac était, dès 1416, celui de la défense nationale.
[3] Jouvenel, p. 335.
[4] ... Dominum delphinum, adolescentem bonarum indolum, necdum intus vitii irretitum, sed adhuc innoxium... Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1726. Chastellain parle aussi (t. II, p. 281) du sens qu'avoit de nature le jeune prince. Cf. l'ordonnance du 6 novembre 1417, citée plus haut. On voit combien est peu fondée l'assertion de M. Vallot, qui prétend (t. I, p. 159) que diverses causes arrêtèrent en lui jusqu'à un terme fort tardif le développement de ses facultés.
[5] Le firent monter à cheval et le menèrent parmi la ville de Paris, car à cette heure là il n'estoit pas bien sensible. Berry, p. 435.
[6] Lettre de Robert le Maçon, déjà citée, et Berry, p. 435.
[7] Lettre citée.
[8] Nous l'avions rencontrée dans les extraits faits par D. Villevieille, et formant le ms. nouv. am. fr 1037 (f. 160) ; elle a été publiée en 1877 dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris, d'après une communication de M. Garnier, qui l'avait tirée du riche dépôt de Dijon, dont il a la garde (B 11942).
[9] Il y a dans l'imprimé : à.
[10] Il y a dans l'imprimé : de.
[11] Il y a dans l'imprimé : ou n'avoie.
[12] Par opposition à la croix de Saint-André des Bourguignons.
[13] Jouvenel, p. 313-50 ; Berry, p. 435 ; Monstrelet, t. III, p. 264-65 ; Cousinot, p. 170-71 ; Religieux, p. 236 ; Chronique anonyme, p. 255 ; Journal de Nicolas de Baye, dans Félibien, t. IV, p. 567.
[14] Les Bourguignons l'avaient échappé belle : ils gardèrent le souvenir de la peur que leur avait faite l'attaque du Dauphin. Dans des lettres de rémission données par Charles VI en août 1421, et rédigées par la chancellerie bourguignonne, il est fait allusion en ces termes à l'attaque du 1er juin : A l'eure que ledit qui se dit Daulphin cuida par force gaingnier et entrer en nostre dicte ville de Paris. Longnon, Paris pendant la domination bourguignonne, p. 22.
[15] J'emprunte ces curieux détails à une lettre de Jean Caille, élu de la ville de Lyon, envoyé à Bourges vers le Dauphin, et qui, le 15 juin 1418, rendait compte aux conseillers de sa mission. Archives de la ville de Lyon, AA 84. — La démarche du cardinal parait avoir été faite en secret et sous sa responsabilité personnelle. Le lendemain 2 juin, il assistait à un conseil tenu au Louvre, où il fut décidé qu'on enverrait une ambassade au Dauphin, pour l'engager à revenir à Paris et à ne se point éloigner du Roi, de la Reine et des autres seigneurs du sang, afin de tenir et fortifier ce royaume en paix, amour et bonne union, pour mieux resister aux Anglois et anciens ennemis du royaume. Le cardinal de Bar, le cardinal de Saint-Marc, Jean d'Harcourt, l'évêque de Paris, etc., furent désignés pour remplir cette mission ; ils devaient partir le 3 juin pour Melun. Mais, avant qu'ils eussent leurs sauf-conduits, on apprit que le Dauphin avait quitté cette ville. Journal de Nicolas de Baye, dans D. Félibien, p. 568.
[16] Dans une lettre du 18 juin 1423, Charles VII parle du don qui lui fut fait alors par un de ses serviteurs, Robinet d'Estampes, pour son installation à Bourges, d'une riche chambre de haute lice qui bien valuit VIe escuz. Clairambault, 159, p. 4479.
[17] Cité par M. Boutaric, Institutions militaires, p. 235.
[18] Lettre de Jean Caille.
[19] Lettre de Jean Caille ; lettres missives des 13 et 29 juin, aux habitants de Lyon, données ci-dessous.
[20] Le texte que nous possédons est adressé à noz chiers et bien amez les conseilliers, bourgois, manans et habitans de la ville de Lyon. Il est en original, avec sceau (conservé en partie), aux Archives de Lyon, AA 22, f. 19.
[21] Circulaire aux villes du royaume, ms. fr. 5271, f. 162.
[22] Philippe d'Orléans, comte de Vertus, dirigeait les affaires de son frère le duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre, et résidait à Orléans.
[23] Lettre de Jean Caille du 15 juin.
[24] Lettres patentes du 13 juin ; lettre de Jean Caille du 15 juin.
[25] Lettre missive du Dauphin aux Lyonnais en date du 29 juin, reproduite plus loin.
[26] Lettre de Jean Caille du 28 juin. Le Dauphin était alors à Aubigny ; il répondit aussitôt aux Lyonnais.
[27] Journal de Nicolas de Baye, déjà cité. — Le 8 juin on nommait en Parlement deux conseillers pour aller vers la Reine et le Dauphin avec les ambassadeurs déjà désignés. L'en atant les ambessours de Paris, que l'en dit que doivent venir, écrivait Jean Caille le 15. Le 29 juin, Osy, héraut du duc de Bar, recevait une somme de 100 s. t. pour être venu apporter au Dauphin une lettre de son maitre (Clairambaut, 82, p. 6479). Le cardinal de Saint-Marc revint aussi trouver le Dauphin à Bourges (Relation publiée dans le Bulletin de la Soc. de l'Histoire de Paris, t. II, p. 108). Les seigneurs du sang dont parlaient les Parisiens n'étaient qu'au nombre de deux : le jeune Charles de Bourbon et le cardinal duc de Bar ; mais on attendait le duc de Bourgogne.
[28] En la cité de Bourges s'en ala monseigneur le Daulpbin après son partir de Melun ; où lui vindrent les nobles de plusieurs contrées qui toute obéissance lui firent. Cousinot, p. 172. — Lequel vint ès païs de Berry et Touraine, avec sesdis gouverneurs et plusieurs vaillans et saiges capitaines, et autres qui bien et loyaulment le servirent. Raoulet, dans Chartier, t. III, p. 164.
[29] Nous avons relevé tous les documents de cette nature qui sont tombés sous notre main ; mais combien ont dû disparaître ! Nous avons jusqu'ici rencontré sept montres passées à Bourges le 20 juin ; trente-deux montres passées à Bourges et à Croces-lès-Bourges le 21 ; quarante le 24 ; six passées à Sancerre le 25.
[30] Lettre de janvier 1417, adressée au Dauphin Jean, dans Hist. univ. Paris., t. V, p. 306.
[31] Quittance du 25 juin. Clairambault, vol. 43, p. 3217.
[32] Quittance du 30 juillet, de 5400 l. t. à lui allouées par lettres du 29, pour avoir amené ces troupes au Dauphin. Clairambault, vol 12, p. 751.
[33] Il fut retenu par lettres du 15 août. Anselme, Hist. généalogique, t. VIII, p. 70.
[34] Lettres du 16 août, visées par le P. Anselme, Hist. généalogique, t. VI, p. 399. Cf. lettres du même jour portant paiement de 360 l. t. à Regnault, dans Clairambault, vol. 29, p. 2151. On a des lettres missives du Dauphin, en date du 23 août, annonçant aux Lyonnais le départ de l'archevêque. — Voir dans le ms. 7858, f. 335-366, l'état des gens d'armes et de trait qui ont servi le Roy et monseigneur le Dauphin de Viennois, son lieutenant general par tout le royaume, sous monseigneur Regnault de Chartres, archevesque de Reims, lieutenant desdis seigneurs audit pays de Languedoc et de Lionnois et Masconnois.
[35] Pièce du 13 juillet 1418 : Ms. lat. 9117, f. 205. — Philippe de Lévis leva et entretint à ses frais pendant six mois 200 hommes d'armes et 100 hommes de trait, et vendit pour cela sa vaisselle d'or et d'argent. Voir D. Vaissète, t. IV, p. 447. C'est par erreur qu'il est appelé Jean ; cf. p. 592.
[36] Berry, p. 435 ; Chronique anonyme, p. 257 ; annotations de Godefroy, p. 796.
[37] Clairambault, vol. 9, p. 555 ; vol. 56, p. 4286 ; Jouvenel, p. 355, — Barbazan contresigne des lettres du Dauphin en date des 24 juin et 16 août ; il est de retour près du prince le 13 novembre 1418.
[38] Pièces du 20 juillet, Clairambault, vol. 40, p. 3031 ; vol. 55, p. 4177 ; vol. 73, p. 5675.
[39] Itinéraire Aubigny, 27-29 juin ; — Montrichard, 9 juillet ; — Amboise, 15 juillet.
[40] Original, avec sceau, Archives de Lyon, AA 22, f. 20. — Cette pièce a été publiée en 1839 par M. Péricaud (ou plutôt, croyons-nous, M. Godemard), dans le recueil intitulé : Documents pour servir à l'histoire de Lyon, p. 161.
[41] On manque de renseignements précis sur cette première tentative devant Tours. Voir, à ce sujet, l'avis, cité ci-dessous, qui se trouve dans l'appendice aux Mémoires de Fenin, p. 276, et les lettres du Dauphin du 30 décembre 1418, portant abolition aux habitants de Tours. — Le 27 juillet 1418, Charles VI recommandait à ceux-ci de résister à son fils, et leur promettait de les secourir en cas d'attaque. — Cf. l'excellente dissertation de M. J. Delaville Le Roulx : La Domination bourguignonne à Tours (1417-18), p. 18-20.
[42] Jouvenel, p. 354 ; Cousinot, p. 172. — Le premier dit que le capitaine eut la tête tranchée, et que deux à trois cents hommes, qui n'estoient que brigans, furent pendus ; le second dit qu'on fit périr tous ceux qui furent trouvés dedans, même les femmes et les enfants. Voir sur l'attribution à Azay-le-Rideau, et sur les circonstances, une notice de M. l'abbé Chevalier, dans le Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. II, p. 464 et s., et la brochure de M. Delaville Le Roulx citée plus haut.
[43] Le 15 juillet, Romarin, poursuivant du Dauphin, recevait 12 livres pour un voyage fait d'Amboise, où était le prince, à Paris ; le 9 août, il reçoit encore 20 livres pour titre allé de Loudun à Paris. Clairambault, vol. 97, p. 7559.
[44] C'est ce qui parait résulter de l'itinéraire du Dauphin.
[45] Jouvenel, p. 352 ; Religieux, t. VI, p. 252.
[46] Voir les considérants des lettres de Charles VI du 9 juin, contenant révocation des confiscations, condamnations, etc., portées contre le duc depuis sa sortie de Paris. Ordonnances, t. X, p. 453.
[47] Lettre missive du Dauphin aux habitants de Lyon, en date du 14 octobre 1418.
[48] Après aucunes supplications et requestes à lui (le Dauphin) sur ce faictes par plusieurs de son sang et lignaige et autres. Acis, l. c., p. 275. — Mesmement à la supplication de nostre très chière et très amée mère la Royne de Jerusalem et de Secile, et de nos chiers et très aurez frères les ducs de Bretaigne, d'Anjou et d'Alençon. Lettres du 29 septembre 1418, l. c., p. 271.
[49] Appendice aux Mémoires de Pierre de Fenin, p. 276.
[50] Voir le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 52, et Thomas Basin, t. I, p. 193. Le fâcheux incident rapporté par Monstrelet (t. II, p. 36) ne parait pas avoir laissé de traces dans l'esprit des contemporains.
[51] Née le 24 janvier 1391, mariée par contrat du 19 septembre 1396.
[52] Le duc de Bourgogne s'était en vain opposé à ce mariage, qui avait eu lieu en 1401. Voir Religieux, t. III, p. 40.
[53] Monstrelet, t. III, p. 132.
[54] Il avait reçu peu avant 50.000 fr. en sus des 150.000 fr. accordés pour son mariage. Quittance du 11 décembre 1416, ms. fr. 26086 (Quittances, 95), n° 7453 (mal classé). — Le duc est, en 1417, en relations assidues avec Henri V, avec lequel il conclut une trêve le 18 novembre.
[55] Lettre du Dauphin du 29 septembre (Appendice aux Mémoires de Fenin, p. 272) ; quittances de Braquemont et de Jacques Gelu des 6 et 9 août ; Clairambault, vol. 21, p. 1481, et 52, p. 3929). L'archevêque était encore à Blois le 18, jour où il écrivit aux habitants de Tours ; il était à Meung le 27. — La Domination bourguignonne à Tours, par J. Delaville Le Roulx, p. 64.
[56] Cette date est donnée par la Chronique d'Alençon, attribuée à Perceval de Cagny, dans Du Chesne, 48, f. 82 v°. Cf. Religieux, t. VI, p. 260 et 278, et D. Morice, t. II, col. 968.
[57] Il était né le 2 mars 1409.
[58] Quittances, 51, en 5283 et 5306. Les ambassadeurs orléanais étaient François de Crignaux et Jean du Refuge, docteur ès-lois, conseiller du duc d'Orléans. Le premier parait avoir été envoyé d'abord à Angers, vers la reine de Sicile. Voir sa lettre du 13 août aux habitants. de Tours, et celle de Jean des Croix du 23, publiées par M. J. Delaville Le Roulx, l. c., p 58-59.
[59] Nous avons une lettre de lui, adressée le 24 août aux Anglais pour se plaindre d'hostilités commises sur mer contre ses sujets. Bréquigny, 79, f. 279.
[60] Comptes cités par La Barre, t. II, p. 97, note c, et 120, note e ; cf. p. 121, note e. — Collection de Bourgogne, 100, p. 802.
[61] Voir Jouvenel, p. 356. — La reine Yolande s'empressa de faire publier cette trêve dans l'Anjou et le Maine, et en envoya la teneur à la ville de Tours. Registre des Comptes, vol. XVII, f. 68, aux Archives de Tours.
[62] Ce jour (13 septembre) le duc de Bretaigne, qui estoit venu à Corbueil avec lez ducs d'Anjou et d'Alençon, pour traictier de l'apaisement des debas et divisions estans en ce royaume, vint au pont de Charenton pour parler au duc de Bourgongne ; et furent ce jour ensamble au disner en l'ostel de Conflans ; et après disner se departi le duc de Bretaigne pour retourner à Brye Conte Robert, pour ce qu'il y avoit mortalité à Corbueil. Et pour entretenir le dit traictié demourèrent audit lieu de Charenton les ambassadeurs de monseigneur le Dauphin et des autres seigneurs dessus dis, auquel lieu furent envoyez aucuns du Conseil du Roy et du duc de Bourgongne pour traictier de la matière dessusdicte. Registres du Parlement, aux Archives, X1a 1480, f. 147, passage reproduit dans Félibien, t. IV, p. 571. — Cf. Comptes cités dans Archives de Dijon, etc., par Gachard, p. 240.
[63] Sub condicionibus tamen in regali consilio prius tactis et previsis. Religieux, t. VI, p. 278.
[64] Chronique anonyme, p. 264-65.
[65] C'est ce que rappelle, avec beaucoup de précision, le Dauphin, dans ses lettres du 29 septembre au Conseil en Dauphiné. Appendice aux Mémoires de Fenin, p. 273.
[66] Jacques de Courtiamble, seigneur de Commarieu, et Regnier Pot ne quittèrent pas le duc de Bretagne depuis son arrivée à Beaugency jusqu'à son retour en Bretagne. Cela est établi par les comptes de Pierre Gorremont, qui mentionnent aussi les présents faits au duc, à son frère et au duc d'Alençon. Collection de Bourgogne, 100, f. 801-802 et 784 ; La Barre, t. II, p. 97, note c, 120, note a, 121, note a.
[67] Et de ladite paix faire jurer par monseigneur le Daulphin et par ses aliez se chargea le duc de Bretaingne. Cousinot, p. 174.
[68] C'est ce qui résulte d'une manière formelle des documents. Voir note supplémentaire à la fin du tome Ier.
[69] Comptes de Dijon.
[70] Jacques Gelu, archevêque de Tours, donne quittance, à Brie-Comte-Robert, le 16 septembre, d'une somme de 200 l. — Clairambault, vol. 52, p. 3929.
[71] Ordonnances, t. X, p. 4731. Cf. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 114. L'original avec sceau du traité de Saint-Maur est aux Archives, J 250, n° 23 ; cf. une expédition où le sceau manque, P 13591, cote 699.
[72] Ordonnances, t. X, p. 475.
[73] Elles ne différaient pas notablement du texte des préliminaires de la Tombe. — La principale clause était celle-ci : Item que les offices, comme raison est, demourront en la disposition du Roy, et quant mondil seigneur le Daulphin sera devers le Roy, quant aucuns offices vaqueront, ou à aucuns n'aura esté ou sera souffisamment pourveu, le Roy y pourverra, euz les advis de mondit seigneur le Daulphin, de mondit seigneur de Bunrgongne et des autres seigneurs du. sang royal qui lors seront devers le Roy. La situation s'était notablement modifiée depuis le 23 mai. 11 ne s'agissait plus pour le duc d'être, à toute sa puissance, à la Cour, mais d'y faire revenir le Dauphin, afin de l'avoir à sa discrétion. Pour Jean sans Peur, le traité de Saint-Maur n'avait pas d'autre but.
[74] Et si estoit tout prouvé contre eulx qu'ils estoient consentans de la venue du Roy d'Engleterre, et qu'ils en avoient eu grans deniers dudit Roy... Et si convint tout mettre ce à ayant, ou se non ilz eussent destruit tout le royaume de France et livré aux Engloys le Daulphin qu'ils avoient devers eulx. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 114 ; cf. p. 87.
[75] Religieux, t. VI, p. 282.
[76] Il faut noter ce point, qui est capital. Voir plus loin note complémentaire sur le traité de Saint-Maur.
[77] Auxquels, combien qu'ils feussent à la grant charge et foule de mondit seigneur et de nous, neantmoins, pour honneur et reverence de Dieu et pour la pitié que nous avons du povre peuple, nous nous accordasmes et condescendimes. Lettre du 14 octobre.
[78] Le duc de Bourgogne estait fort son ami, écrit Berry (p. 436), en parlant du voyage du duc de Bretagne.
[79] Afin que ledit Daulphin feust plus enclin de venir à Paris devers le Roy son père. Monstrelet, t. III, p. 292.
[80] On lui donna une haquenée du prix de 225 livres, et deux cents écus d'or pour employer à l'achat d'un livre à sa dévotion. Collection de Bourgogne, 100, p. 779 et 792 ; La Barre, t. II, p. 144, note e. La princesse était alors âgée de quatorze ans à peine.
[81] Elle se composait de Angèle de l'Aigle, maitre en médecine ; Guillaume de Neuville, dit le Moine, écuyer ; Jean de l'Olive et Jean Sac, bourgeois de Paris. Compte de Pierre Gorremont, Arch. de Dijon, B 1598, f. 245 ; extrait dans la Collection de Bourgogne, 100, p. 804.
[82] Elle se composait de Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges ; de Regnier Pot ; de Jean le Clerc, conseiller du Roi, et de Jean de Pocquières, échanson du duc de Bourgogne, auxquels on avait adjoint Jean Milet, notaire et secrétaire du Roi. Id., B 1598, f. 249, et Collection de Bourgogne, p. 802-803 ; cf. La Barre, t. II, 144, note d. — Dans une relation faite par deux Bourguignons, Philippe de Morvilliers et Pierre de Veirat, aux habitants de Tournai, à la date du 2 octobre 1419, on lit ce qui suit au sujet du traité de Saint-Maur et de cette ambassade :
Fut advisé et tant fait pour reduire Mgr le Dauphin en la compagnie du Roy et par les ambassadeurs dudit Mgr le Dauphin, de la royne de Secille et autres ; et pour avoir le consentement dudit Mgr le Dauphin ont envoyé Mgr de Saint-Jorge et autres, qui ne peurent avoir achès de parler à lui, mais furent pillés et desrobés et en perd de leurs vies. Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai, publiés par H. Vandenbrœck (Tournai, 1861, in-8°), p. 185.
[83] Collection de Bourgogne, l. c.
[84] Archives de Tours. Reg. 17 des Comptes, B. 71 v° et s., 83 v° et 84 ; Reg. I des Délibérations, part. IV, f. 40 v° et s.
[85] Religieux, t. VI, p. 290. — Berry dit aussi (p. 436), que le duc amena le Dauphin par devers son mari à Saumur. Cette version est acceptée sans réserve par M. Vallet de Viriville (t. I, p. 133-34). Elle est pourtant démentie par un document émané de la chancellerie royale à Paris : dans les lettres données le 13 novembre et dirigées contre le Daulphin, il est dit en propres termes que le Dauphin a été mené en plusieurs et divers lieux pendant les négociations, de telle sorte que ni le duc de Bretagne, ni les ambassadeurs chargés d'obtenir sa ratification au traité n'ont peu avoir accès à lui. Ordonnances, t. X, p. 489. Cf. Registres de Tournai, cités ci-dessus.
[86] Itinéraire : 23 août, Poitiers ; — 26, 30 août, 1er septembre, Lusignan ; — 7, 9, 10, 12, Saint-Maixent ; — 17, 21, 24, Niort ; — 29, Maillezais.
[87] Itinéraire : 6 octobre, Niort ; — 11, Saint-Maixent ; — 14, Lusignan.
[88] Copin, chevaucheur du seigneur de Saint-Georges, l'un des ambassadeurs bourguignons, était à Tours en octobre, attendant certaine response de la royne de Secile qui avoit envoié devers monseigneur le Daulphin savoir se il vouloit tenir l'accord et appointement fait par le duc de Bretaigne au Roy nostre sire et au duc de Bourgoigne. (Registre 17 des Comptes, f. 73 v°.) Remarquons que la reine de Sicile ne parait pas avoir été si mécontente du duc que son gendre, car à son retour, elle lui fit présent d'une coupe et d'une aiguière d'or (D. Lobineau, t. II, p. 922).
[89] Quant ilz furent retournez devers mon dit seigneur le Daulphin et il eut ouy ce qu'ilz avoient appoinctié, il se marrit et troubla, et dist qu'il ne vouloit point d'appoinctement que par justice à celui qui avoit mauvaisement meutry, ou fait faire, son oncle, son contestable, son chancelier, et les aultres bons et loyaulx serviteurs de son père et de lui. Chronique d'Alençon, attribuée à Perceval de Cagny (dans Du Chesne, vol. 48), chap. LXVIII.
[90] Lettre aux gouverneur, gens du conseil et chambre des comptes du pays de Dauphiné, dans l'Appendice aux Mémoires de Pierre de Fenin, p. 271-74.
[91] Ce sont les expressions qu'il emploie dans des lettres du 13 octobre, datées de Saumur. D. Morice, t. II, col. 968.
[92] Jacques Gelu, archevêque de Tours, un des négociateurs, et Jean Belart, doyen du Mans, conseiller et maitre des requêtes de l'hôtel du Dauphin, partirent de Chinon le 24 octobre pour aller vers le duc. Clairambault, vol. 52, p. 3931, et vol. 12, p. 773.
[93] Ordonnances, t. X, p. 477. Voici quelle en était la composition : Jean de Vaily, président ; Jean Jouvenel, Guillaume Toreau, Arnaud de Marie, Bureau Boucher, tous les quatre anciens maîtres des requêtes du Roi ; Jean Tudert, doyen de Paris ; Guillaume de Marie, doyen de Senlis ; Guillaume de Launay, archidiacre de Meaux ; Guillaume Guérin, archidiacre de Poitiers ; Nicolas Potin, Jean Gentien, Jean Girard, Adam de Cambray, Hugues Comberel, Thibaut de Vitry, Guillaume de Quiefdeville et Nicolas Eschalart.
[94] Ordonnances, t. X, p. 481.
[95] Car nostre entencion n'est pas de accorder ladicte cedule ainsi que elle gist, ne pour quelconque chose qui nous doye avenir, consentir ne souffrir que vous ne les autres bons subgiez de mon dit seigneur, aiez autre gouverneur que mon dit seigneur et nous ; et de ce ne doublez. Archives de Lyon, AA 22, f. 25. — La même déclaration se retrouve dans une lettre du 31 octobre. Si vous signifiions et vous certifiions par ces presentes que, quelque paix qu'il se face, nostre entencion n'est pas que jamaiz, tant que Dieu nous donnera vie, que autre que Monseigneur et nous ait gouvernement sur vous ne sur les autres subgiez de mon dit seigneur.
[96] Nous n'avons pas le texte de ces lettres, dont l'indication est donnée dans l'Histoire généalogique du P. Anselme, t. VI, p. 395, et qui sont visées dans les lettres de Charles VI du 13 novembre. Ordonnances, t. X, p. 490.
[97] Ce n'est pas sans doute la même pièce que la précédente. Nous avons trouvé de celle-ci une copie sans date dans le ms. nouv. acq. fr. 1001, f. 4.
[98] Ordonnances, t. X, p. 489.
[99] Ces lettres ont été publiées par Besse, p. 264, mais avec des lacunes, et dans Marlène : Thesaurus novus anecdot., t. I, col. 1751. Elles se trouvent en copie collationnée du temps aux Archives, XII, 8604, f. 44 v°. — Besse a donné également des lettres missives des 13 et 26 mars, par lesquelles le Roi et le duc de Bourgogne ordonnaient de publier les lettres patentes du 27 février. Monseigneur le Roy, disait le duc, s'est mis en tout devoir, et plus que devoir, de trouver et mettre bonne paix et union en ce royaume, et n'a pas tenu et ne tient en mondit seigneur, nous, ne les autres qui sont entour luy, que bonne paix et union ne soit ; et quant à nous l'avons par plusieurs fois requise et poursuivie et fait poursuir de notre loyal povoir, niais tout ce n'y a peu valoir prouffiter par la rigueur et male voulenté de ceux qui sont entour Mgr le Dauphin et le gouvernent à leur voulenté, et a convenu par necessité que monda seigneur ait fait et envoyé à mondit seigneur le Dauphin les lettres de sommation dont il vous envoye les pareilles (p. 294-95).
[100] Voir Religieux, t. VI, p. 302 ; Monstrelet, t. III, p. 273.
[101] Ordonnances, t. X, p. 489.
[102] Il est désigné ainsi, pour la première fois, dans une pièce du 21 août 1419. Quittances, 52, n° 5404.
[103] Miles in armis strenuus. Religieux, t. VI, p. 5.
[104] Très perilleux homme, chault, soudain et hatif, et fault que soubdainement ce qu'il pense soit fait et accomply. Paroles de l'avocat Labat, dans sa plaidoirie en faveur de Barbazan (ms. fr. 5061, f. 125).
[105] Cousinot, Geste des nobles, p. 190.
[106] Voir Laborde, Les ducs de Bourgogne, t. III, p. 282.
[107] Ce sont les articles sur lesquels pourra estre interrogué Barbazan, etc. Pièce rédigée par la chancellerie après la prise de Melun (1420). La Barre, t. I, p. 304-308 ; Plaidoirie de Rapioust, dans le procès de Barbazan, ms. fr. 5061, f. 111.
[108] L'archevêque de Bourges avait porté la parole au nom de la grande ambassade envoyée en Angleterre en juin 1415, et eut le courage de répondre hardiment à Henri V, qui se prétendait le vrai roi de France : Sire, le Roy de France, nostre souverain seigneur, est vray Ray de France, ny ès choses ésquelles dictes avoir droit n'avez aucune seigneurie ; non mie encore au royaume d'Angleterre, mais compète aux vrais heritiers du feu Roy Richard, ny avec vous nostre souverain seigneur ne pourroit seurement traicter. Jouvenel, p. 289.
[109] Or pour le fait de la justice souveraine du royaume, on ordonna un Parlement à Poitiers, composé de presidens et conseillers, c'est assavoir de ceux qui estoient sortis de Paris, des plus anciens et notables de la Cour de Parlement et du Chastelet. Jouvenel, p. 360.
[110] Voir la liste donnée ci—dessus.
[111] A Charroux (Vienne), les 1er septembre et jours suivants ; à Beaugency (Loiret), le 9 septembre ; à Ruffec (Charente), les 12 septembre et jours suivants ; au Blanc et à Bel-arbre (Cher), les 7 et 13 septembre. — Montres du temps, au nombre d'environ cinquante.
[112] Montres des 1er et 23 octobre ; retenues du 3 novembre.
[113] En qualité de duc de Touraine, il était chanoine né de cette collégiale Dom Housseau, vol. IX, n° 3828, 3829 ; Vallet, t. I, p. 137.
[114] Paiement de cinquante livres à un religieux de Saint-François, par lettres du 6 novembre 1418. Clairambault, 49, p. 3681.
[115] Jouvenel, p. 355.
[116] Voir Jouvenel, p. 355. — Ces deux personnages avaient eu à se louer de l'évêque de Clermont, qui avait moult profité étant distributeur des finances, puis exécuteur testamentaire du duc de Berry, et avait été à même de leur faire beaucoup de plaisirs.
[117] Les ambassadeurs chargés de reconduire le Dauphin, en octobre 1418, avaient en même temps mission de s'entendre avec messeigneurs de la Trémoille et de Parthenay pour affaires secrètes au service du Roi. Collection de Bourgogne, 100, p. 802.
[118] Jouvenel, p. 355 ; Cousinot, p. 174 ; Berry, p. 436. — Jouvenel a beau dire que la Trémoille tint sa parole, il n'en est pas moins vrai que, selon la remarque de M. Vallet (t. I, p. 140), il conserva toujours un pied dans le camp bourguignon.
[119] Chronique d'Alençon ; attribuée à Perceval de Gagny, dans Du Chesne, vol. 48 ; Jouvenel, p. 355 ; Berry, p. 436 ; Monstrelet, t. III, p. 293 ; Cousinot, p. 174 ; Raoulet, p. 164. — M. J. Delaville Le Roulx a très bien résumé (l. c., p. 41 et s.), tout ce que les auteurs du temps et les documents inédits fournissent de renseignements.
[120] D. Housseau, t. IX, n° 3826. — Pour être plus assuré d'atteindre son but, le Dauphin avait, à la date du 29 novembre, stipulé une trêve entre ses partisans et les gens du duc de Bourgogne, en Bourgogne, Charolais et Nivernais. Archives, P 13771, cote 2827.
[121] Voir notes complémentaires à la fin du tome I.
[122] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 135-36.
[123] Voir Jouvenel, p. 358-59.
[124] Il est ainsi désigné dans une quittance du 12 février 1419. Clairambault, 12, p. 717.
[125] La première pièce où nous lui voyons donner ce titre est du 21 août 1419 (Quittances, 52, n° 5404), mais il devait en exercer les fonctions dés le siège de Tours.
[126] Berry, p. 435.
[127] Jouvenel, p. 359.
[128] Par lettres du 16 août 1418, comme on l'a vu plus haut ; il agit encore en cette qualité les 8 décembre 1418 ; 11, 18 et 27 janvier, II, 24 février, 14 avril 1419. Il se fixa au commencement de mai à Lyon (D. Vaissète, t. IV, p. 448), où il parait avoir représenté la personne du Dauphin pendant tout le cours de cette année.
[129] Il est ainsi désigné dès le 24 octobre 1418, dans des lettres du Dauphin. Cf. Derry, p. 436. — D. Vaissète dit vaguement qu'il fut nommé lieutenant vers le mois de décembre. Voir t. IV, p. 448, et note, et p. 590 et s.
[130] En mai 1419, après avoir pris possession, à la fin d'avril ; du gouvernement de la province. D. Vaissète, t. IV, p. 449-50.
[131] Il est qualifié de la sorte dans une pièce du 4 décembre 1418. Clairambault, 87, p. 6829.
[132] Lettres du 4 février 1419, indiquées par D. Vaissète, t. IV, p. 448.
[133] Le P. Anselme, t. VII, p. 578.
[134] Lettres du 22 mars 1419.
[135] C'est ce que dit formellement Cousinot (p. 175) : Mais en la ville ne daigna entrer en celle fois.
[136] C'est ce qui ressort d'une quittance de Louis d'Escorailles du 18 janvier, visant des lettres du 11. Clairambault, 64, p. 3219.
[137] Archives de Tours. Registres des délibérations, vol. I, part. IV, f. 47.
[138] Archives de Tours. Registres des délibérations, vol. I, part. IV, f. 47. Le rapport des députés fut fait le 13 janvier. Le bruit courait alors à la petite Cour de Loches, que le Roi Charles VI était en captivité, qu'on lui avait ôté ses serviteurs, et qu'on l'avait emmené en Flandre.
[139] Archives de Tours. Registres des délibérations, vol. I, part. IV, f. 47 v°.
[140] Quittance de Louis d'Escorailles, Clairambault, 64, p. 3219.
[141] Itinéraire : Issoudun, 22-30 janvier ; — Bourges, 4 février ; — Sancerre, du 12 au 28 février.
[142] Voir le compte des gens de guerre qui ont servi sous Regnault de Chartes en Languedoc, visant des lettres du Dauphin des 22, 23, 25, 26 et 27 février 1419. Ms. fr. 7858, f. 351 v°, 352, 343, 340, 352 v°.
[143] Itinéraire : Gien, 7 mars ; — Montargis, 22, 30.
[144] Le Dauphin avait quitté Bourges vers le 10 février.
[145] La Cour, par délibération en date du 18 février, décida, à l'instance des religieux et couvent des Augustins, que les deux prisonniers seraient remis au prieur et couvent, pour en faire justice, correction et punicion telle qu'il appartiendrait. X1a 1480, f. 147 ; Félibien, Histoire de Paris, t. IV, p. 576-77.
[146] Religieux, t. VI, p. 314 ; Jouvenel, p. 361.
[147] C'est la trêve du 12 février 1419. Voir plus loin, chapitre VIII.
[148] X1a 1480 et Félibien, Histoire de Paris, t. IV, p. 576-77.
[149] X1a 1480. — Le Dauphin était resté à Montargis pendant ces négociations. Il ne quitta cette ville qu'après le 5 avril. — On a la trace de relations actives, à ce même moment, entre lui et le duc de Bretagne, qui négociait alors avec le roi d'Angleterre.
[150] Lettres du 25 avril 1419, accordant à ce seigneur une somme de doux cents francs, en récompense de ses services. Pièces originales, 2014 : MONTENAY.
[151] Lettres de Charles VI des 27 février et 13 mars ; lettres du duc de Bourgogne du 26 mars.
[152] Après l'assemblée du 3 avril, Jacques Branlart, président des enquêtes, et Benoît le Viste, conseiller au Parlement ; furent députés à Provins pour accelerer et solliciter par dever le Roy le traictié de la paix et pour lui exposer certaines choses touchans le bien et conservation de son royaume.
[153] De sa personne luy mesme n'estoit pas homme belliqueux. Chastellain, t. II, p. 181.
[154] Jouvenel, p. 361.
[155] Jouvenel, p. 361.
[156] C'est ce qui nous semble résulter d'un texte que nous avons rencontré dans plusieurs formulaires du temps et qui, bien que non daté, se rapporte évidemment à ces négociations. Ce sont des lettres de Charles VI, où on lit : Comme chose soit toute congneue et notoire que, soubz umbre des divisions, discos et discension qui ont esté et sont encores en nostre royaume, gens de tous estas, comme nobles, marchans et laboureurs, ont ou supporté pertes et dommages innumerables et s'en sont ensuivi plusieurs meurtres, occisions et autres maulz très enormes..... Et tellement ont esté continuées les dictes divisions que nostre très chier et très tué fils Charles, Dalphin de Viennois, puis certain temps en ça, a esté et est encore absent de nous, et soubz timbre de lui est faicte guerre à aucuns de noz subgetz.... voulons et ordonnons abstinence de guerre estre entre les parties contentieuses jusques à deux ans prochainement venons, et que chascun de nostre dit royaume et autres dessusdiz joyssent de nostre presente abstinence de guerre sans reservacion aucune, etc. Ms. fr. 6022, f. 90, et 14371, f. 81 ; ms. lat. 17184 (Bl. Maint., 8), f. 107 v°.
[157] La Barre, t. I, p. 251.
[158] Le Dauphin, qui s'était replié sur le Berry à la fin d'avril, était revenu dans l'Orléanais, pour suivre de plus près ces négociations. Il était le 11 mai à Jargeau, et le 20 à la Ferté-Hubert, aujourd'hui la Ferté-Saint-Aubin, à 20 kilom. d'Orléans. C'est là qu'il donna son approbation à la trêve. Le texte de ses lettres est dans La Barre, t. I, p. 253.
[159] La Barre, t. I, p. 254.
[160] Voir Jouvenel, p. 363.
[161] Jouvenel, p. 362. — J'ai rétabli ce passage d'après les versions manuscrites, et spécialement le ms. fr. 5031.
[162] Sans oublier ses intérêts pécuniaires, car il se fit payer en mai et juin, par Charles VI, des sommes énormes, et se fit donner une pension annuelle de 36.000 livres. Voir D. Plancher, t. III, p. 510-511.
[163] Tanguy du Chastel avait, à la cour du duc, un ancien compagnon d'armes, Guy Turpin, ce qui facilitait son intervention (Chron. anon., dans Monstrelet, t. VI, p. 258).
[164] Voir sur ces négociations ce que dit le chapelain de Henri V, Elmham (Vita Henrici V, p. 224 et s.).