HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT - 1403-1422

 

CHAPITRE III. — LE DAUPHIN JUSQU'À SA FUITE DE PARIS.

 

 

5 AVRIL 1417-29 MAI 1418

Situation de la France en 1417. — Isolement du Dauphin. — Ses gouverneurs : Hugues de Noé ; Pierre, seigneur de Beauvau ; Hardouin, seigneur de Maillé. — Ses conseillers : Gérard Machet, Robert le Maçon ; Jean Louvet, président de Provence, etc. — Influence de la reine Yolande. — La reine Isabeau disparaît de la scène. — Le Dauphin en Touraine et en Anjou. — Il est investi de la lieutenance générale dans tout le royaume. — Le Dauphin à Rouen : fermeté déployée en face de la sédition. — Le Dauphin à Paris : son rôle dans le Conseil, ses lettres aux bonnes villes ; sa harangue au Parloir aux bourgeois, sa réponse au héraut Palis. — Évasion de la reine Isabeau, qui installe un nouveau gouvernement à Troyes. — Confirmation de la lieutenance générale donnée au Dauphin. — Négociations entamées avec le duc de Bourgogne, sous les auspices du duc de Bretagne ; conférences de la Tombe. — Résultat favorable, bientôt suivi d'un échec final. — Entrée des Bourguignons à Paris ; fuite du Dauphin.

 

Jamais peut-être la France n'avait été dans une situation aussi critique qu'à l'époque où le Dauphin Charles était appelé à devenir non seulement l'héritier du trône, mais le vrai Roi, car l'infortuné Charles VI, en proie à des accès de plus en plus violents et prolongés, ne prenait aux affaires qu'une part toute nominale. On pouvait croire, comme le dit un auteur contemporain, que la France, déchue de son antique splendeur, penchait vers son déclin[1]. Dans les villes, dans les moindres villages, les factions rivales se jetaient le nom d'Armagnac et de Bourguignon, et s'entre-déchiraient avec une violence inouïe. Pour faire tuer un homme, il suffisait de dire : Cestuy-là est Armagnac[2]. Or, au témoignage d'un auteur du temps, tout homme riche était tenu pour Armagnac et pillé, dérobé ou tué[3]. Le duc de Bourgogne faisait sillonner le pays par des bandes qui semaient sur leur passage la désolation et la ruine, se livrant à tous les excès, et ne reculant devant aucun sacrilège[4]. Dans les contrées qu'ils occupaient, les Anglais n'épargnaient rien, et les Gascons du connétable d'Armagnac ne se montraient pas plus traitables. Des paysans normands, échappés à prix d'argent des mains de ces Anglais qu'on fuyait pourtant comme des bêtes féroces[5], victimes ensuite des pillards bourguignons qui entouraient Paris, puis des brigands armagnacs chargés de défendre la capitale, affirmaient que plus amoureux leur avoient esté les Anglois que les Bourguignons, et les Bourguignons plus amoureux cent fois que ceulx de Paris[6]. Mais ceux qui faisaient encore le plus de mal, au dire des auteurs les moins suspects[7], c'étaient les gens de guerre de Jean sans Peur. D'ailleurs, dans le camp bourguignon comme dans le camp français, se trouvaient des troupes auxiliaires qui mettaient le pays à feu et à sang[8]. Au milieu des discordes qui régnaient depuis si longtemps, le nombre des proscrits allait toujours grossissant, et ces proscrits, errants, poussés au désespoir, comme pour se venger de leur propre ruine, semaient partout la dévastation, pillaient les monastères et les églises, outrageaient les femmes, torturaient leurs prisonniers pour leur extorquer de l'argent[9].

Les paysans, abandonnant leurs champs dévastés, prirent à leur tour les armes et vécurent de rapines et de pillage, sans que leurs crimes fussent réprimés[10]. Aussi, remarque un contemporain, pouvoit-on mieux dire la Terre Déserte que la terre de France[11]. A Paris, les arrestations et les bannissements se succédaient sans relâche ; les impôts allaient croissant et le taux des monnaies subissait de fréquentes variations ; les vivres atteignaient un prix exorbitant. Dans l'automne de 1417, on ne put faire les vendanges, car nul n'osait sortir de la capitale, de crainte d'être pris et rançonné par les brigands bourguignons, ou de tomber sous les coups des pillards de la garnison de Paris qui, se répandant autour de la ville, rentraient parfois, selon l'expression d'un chroniqueur, gorgés de biens autant qu'un hérisson de pommes[12].

Ces luttes intestines, cette indiscipline d'une soldatesque brutale, ce désordre universel ne favorisaient que trop les projets belliqueux des Anglais qui, après avoir détruit notre armée à Azincourt, n'avaient cessé d'avoir l'œil sur la France, comme sur une proie facile à saisir, et s'apprêtaient à l'envahir de nouveau.

Comme dans les temps de malheurs publics, chacun demandait un sauveur ; de toutes parts on répétait : Vive n'importe qui, pour peu que nous puissions demeurer en paix ![13] Et, ne trouvant pas ce sauveur autour du trône, privé de ses appuis naturels par la mort ou la captivité, on se tournait vers le duc de Bourgogne, dont l'audace et les fallacieuses promesses en imposaient à la multitude : c'était l'homme providentiel qui devait arracher la France à la ruine.

Grande et difficile était donc la tache échue au nouveau Dauphin, que la mort du roi Louis venait de laisser, à ce moment même, privé d'aide et de conseil[14]. Mais si son beau-père n'était plus là, Yolande lui restait : cette princesse, dont l'intelligence et le courage étaient à la hauteur de toutes les situations, dont la vigilance maternelle savait se partager sans s'affaiblir, allait veiller sur cet enfant dont elle était devenue la seconde mère ; elle allait prendre une influence prépondérante sur sa vie et une part active à la direction des affaires publiques. L'histoire ne nous dit point tout ce que Charles dut à sa tendresse, à son infatigable sollicitude ; mais nous en savons assez pour apprécier l'importance de son rôle, et Charles VII lui-même, par le profond et religieux souvenir qu'il garda de ses bienfaits, par le témoignage public qu'il en rendit plus tard, s'est chargé de nous en révéler l'étendue : Feu de bonne memoire Yolande, en son vivant Reine de Jerusalem et de Sicile, disait-il dans des lettres patentes du 22 février 1443, nous a, en notre jeune age, fait plusieurs grands plaisirs et services, en maintes manières, que nous avons et devons avoir en perpetuelle memoire[15].

Pour assister le jeune prince dans la conduite des affaires et en même temps pour le former au rôle auquel il était appelé, la reine Yolande l'avait entouré de gouverneurs et de conseillers choisis avec soin, et dont elle avait pu apprécier la valeur et le dévouement. Charles eut ainsi son Conseil à lui, distinct de celui du Roi, et dont l'influence même s'exerça parfois — nous le verrons plus loin — dans un sens opposé à celui qui prévalait autour du trône. Il importe donc de connaître ce Conseil et de présenter au lecteur les personnages qui le composaient.

Trois hommes paraissent, tout d'abord, avoir eu une part considérable à l'éducation du comte de Ponthieu : Fut nourrit et instruit en science et meurs, dit un auteur du temps, par plusieurs nobles et saiges seigneurs : lingues de Noyers, le seigneur de Beauvau, le seigneur de Mailly[16]. Nous ne croyons pas que ces gouverneurs aient, comme on l'a dit[17], remplacé près de lui, dès l'âge de sept ans, Jeanne du Mesnil et les autres femmes chargées des soins à donner à son enfance ; il est présumable qu'ils ne furent attachés à sa personne qu'après ses fiançailles, et même, selon toute apparence, que postérieurement à son retour de Provence[18].

Hugues de Noyers, ou plutôt Noé, appartenait à une famille du Languedoc. D'abord employé dans les luttes militaires, il reçut la charge d'élu sur le fait des aides ordonnées pour la guerre au diocèse d'Évreux[19]. Il semble avoir abandonné ce poste au commencement de 1416[20], pour passer au service du comte de Ponthieu, à titre de premier écuyer de corps et maitre dé l'écurie[21]. Confirmé dans sa charge par lettres données au château de Rouen le 4 août 1417, il la garda jusqu'après le meurtre de Montereau, en septembre 1419, époque où elle passa à Pierre Frotier. Conseiller du Dauphin dès le mois de juin 1417[22], il ne cessa d'être l'objet des faveurs du prince, soit avant, soit après son avènement au trône[23]. Dans des lettres du 9 février 1420, lui octroyant une somme de deux mille livres, le Dauphin déclare que ce don est fait en considération des grands et bons services que Hugues lui a rendus depuis longtemps[24]. Il est nommé en 1422 châtelain du château de Roquemaure, aux gages de 880 livres[25], et remplit à la Cour les fonctions de maître d'hôtel. Le 7 juillet 1427, le Roi lai donne la charge importante et lucrative de visiteur des gabelles du sel et des salines de Languedoc : Considérant, disent les lettres-patentes, les loyaux, prouffitables et continuels services qu'il nous a fais en tout nostre temps et dès nostre enfance... et confians à plain d'icellui Hugues et de son sens, loiaulté, preudommie et bonne diligence[26]. Fait chevalier en 1429[27], pendant la campagne du sacre, où il accompagne le Roi bien grandement[28], Hugues de Noé paraît avoir résidé constamment à la Cour, avec la charge de conseiller et maître d'hôtel, jusqu'à sa mort, survenue postérieurement à 1447[29].

Pierre, seigneur de Beauvau, né vers 1380, appartenait à une famille attachée de vieille date à la maison d'Anjou ; conseiller du duc Louis II, et l'un de ses exécuteurs testamentaires, il était un des personnages les plus considérables de la Cour de ce prince. Il n'était pas moins en faveur à la Cour de France, où nous le voyons donner à l'un des frères du comte de Ponthieu un coursier remarquable par sa vitesse, et qui, particularité curieuse, servit plus tard de monture à Jeanne d'Arc[30]. Il figura en 1416 parmi les chefs de l'armée envoyée en Normandie et prit part à toutes les luttes militaires du temps. Conseiller et chambellan du Roi et du Dauphin, Pierre de Beauvau était à Paris près du jeune prince lors de l'entrée des Bourguignons ; il l'assista de ses conseils et de son épée pendant sa régence et prit le commandement dans les provinces du Maine et de l'Anjou, dont il devint sénéchal. Il figura parmi les signataires du traité de Pouilly et assista à l'entrevue de Montereau. Après l'avènement de Charles VII, il accompagna en Italie le jeune roi de Sicile, à titre de premier chambellan, et revint avec lui à la fin de 1426 ; peu après il fut nommé gouverneur de Provence, fonction qu'il remplit jusqu'à sa mort, sans pour cela disparaître de la scène, car nous le trouvons en 1429 au sacre de Reims et en 1431 au combat de Saint-Célerin[31]. Pierre de Beauvau, marié à une Bretonne, Jeanne de Craon, cultivait les lettres : on lui doit une traduction française de Troïle et Cressida[32].

Hardouin, seigneur de Maillé, rendait foi et hommage à l'abbé de Saint-Florent de Saumur dès le 20 avril 1404. Le 13 juin 1412, il épousait à Angers Perronnelle d'Amboise, en présence du roi et de la reine de Sicile. Dès le 1er mai 1417, nous le voyons contresigner des lettres de Charles, dont il devait demeurer le fidèle conseiller. En 1418, il défend le Mans avec Pierre de Rochefort, maréchal de France, son compagnon de captivité en Angleterre quelques années plus tard[33]. En 1429, il remplace, au sacre, l'un des pairs de France, absent. Conseiller et chambellan du Roi, grand maître de l'hôtel de la Reine, il remplit cette dernière charge sans interruption depuis 1433 jusqu'à la mort de cette princesse, et ne termina sa carrière qu'en 1468, dans un âge très avancé[34].

Un autre personnage qui exerça sur Charles une grande influence fut celui qu'on a désigné (peut-être à tort) comme son précepteur[35], et qui certainement fut son confesseur à partir d'environ 1417. Nous voulons parler de Gérard Machet, docteur en théologie, professeur puis proviseur au collège de Navarre, vice-chancelier de l'Université après Gerson. Machet, qui avait pris part aux négociations de la Tombe, suivit le Dauphin dans sa fuite en mai 1418[36]. Ce fut lui qui présida en 1429 à l'interrogatoire de Jeanne d'Arc. Nommé évêque de Castres en 1432, il ne cessa pas pour cela de résider à la Cour et de siéger dans le Conseil, où il joua un rôle considérable ; accablé d'infirmités, il se retira en 1447, et mourut l'année suivante[37]. Sa correspondance, qui nous a été conservée[38], le montre en relations avec les personnages les plus éminents ; sa réputation de science et de piété était universelle[39].

Parmi les conseillers qui entourent le comte de Ponthieu, et dont plusieurs étaient, ou d'anciens serviteurs de sa mère, ou des familiers de la maison d'Anjou, deux hommes attirent tout d'abord l'attention : Robert le Maçon, son chancelier, et Jean Louvet, connu sous le nom de Président de Provence.

Robert le Maçon, seigneur de Trèves, qu'un grave auteur du temps qualifie de bien prudent et sage clerc[40], était né en Anjou[41]. Anobli par lettres de mars 1401, il devint conseiller du roi de Sicile et le suivit à la Cour, où il figura d'abord comme conseiller du Roi, puis comme maître des requêtes de l'hôtel ; au moment de l'émeute cabochienne, il était l'un des gouverneurs du duc de Guyenne[42]. Il passa ensuite au service de la Reine comme chancelier[43]. Quand le comte de Ponthieu arriva à Paris, à la fin de juin 1416, Robert le Maçon fût aussitôt attaché à sa personne en qualité de chancelier[44]. Comblé des bienfaits d'Isabeau[45], siégeant assidument au Conseil, chargé de l'administration des monnaies[46], il avait une grande autorité et possédait une fortune considérable[47]. Le fougueux auteur du Journal d'un bourgeois de Paris le qualifie d'un des plus gros de la bande[48], c'est-à-dire du parti d'Armagnac. Ce qui est vrai, c'est que le seigneur de Trèves occupait un rang très important à la Cour, rang justifié d'ailleurs par ses lumières, son expérience, son dévouement, et qu'il était le principal conseiller du jeune Charles.

Jean Louvet, dit le Président de Provence, était loin alors d'avoir la notoriété de Robert le Maçon, mais, comme lui, il avait débuté au service de la maison d'Anjou. Né vers 1370, et selon toute apparence, en Provence, il est ainsi qualifié dans l'acte d'institution du Parlement d'Aix par Louis II, roi de Sicile, en date du 14 août 1415 : Noble et distingué Jean Louvet, chevalier, seigneur d'Eygalières, président de la Chambre des Comptes à Aix[49]. Ramené sans doute par le roi de Sicile lors de son voyage en Provence (octobre 1415)[50], il ne tarda pas à prendre place parmi les conseillers de la couronne. La reine Isabeau, qui cherchait à se rendre favorables les serviteurs du roi de Sicile, lui fit en 1416 une large part dans ses libéralités[51]. Nommé ; au commencement de 1417, commissaire général de toutes les finances, il eut justement alors pour mission d'aller rechercher, au fond de certains monastères, les trésors enfouis par Isabeau[52]. Esprit souple, négociateur habile, financier fécond en ressources mais peu scrupuleux, le président de Provence devait bientôt se révéler sous un triste jour et prendre dans les affaires un déplorable ascendant.

Parmi les autres conseillers du jeune prince figurent[53] : l'archevêque de Reims, Regnault de Chartres, président de la Chambre des Comptes, un des personnages marquants du clergé français, qui venait de jouer un grand rôle au concile de Constance ; l'évêque de Laon, Jean de Roucy, membre du grand Conseil depuis 1413, alors à la veille de terminer sa carrière ; l'évêque de Clermont, Martin Gouge de Charpaignes, attaché depuis 1402 au duc de Berry et désigné en 1416 comme l'un de ses exécuteurs testamentaires, évêque de Chartres en 1406, puis de Clermont en 1415, conseiller général sur le fait des aides, chancelier du duc de Guyenne en 1412, et membre du grand Conseil ; Jean, sire de Torsay, grand martre des arbalétriers depuis janvier 1416 ; Pierre, seigneur d'Amboise, vicomte de Thouars, l'un des plus grands seigneurs du temps, oncle du gouverneur du Dauphin, Hardouin de Maillé ; puis des hommes de guerre comme le sire de Barbazan, Miles de Thouars, seigneur de Pousauges, Louis d'Escorailles, sénéchal de Berry, Guillaume de Meulhon, Guillaume d'Avaugaur.

Il est facile de reconnaître dans le choix de certains de ces conseillers la main de Yolande, cette reine mère qui ; sans avoir le titre de régente, en remplissait en quelque sorte les fonctions, et ne cessait de veiller sur son futur gendre,

Un événement qui s'accomplit au mois d'avril 1417, peu de jours après que Charles eut reçu l'investiture du Dauphiné, vint augmenter l'importance de son rôle politique et bientôt le placer au premier rang.

La reine Isabeau résidait au château de Vincennes, entourée de sa fille Catherine, de sa belle-sœur Catherine d'Alençon, deuxième femme de Louis de Bavière, de sa belle-fille Marie d'Anjou. Ni l'âge ni les infirmités n'avaient tempéré chez elle l'ardeur pour le plaisir. Trois jeunes seigneurs, le sire de la Trémoille, Pierre de Giac et Louis de Bosredon, préposés à la garde de son corps, se livraient à tous les excès. Les précautions illusoires que prit Isabeau — comme de faire change les serrures de la chambre de retrait de ses demoiselles — ne pouvaient remédier à de tels abus, et ce n'est pas sans raison que le bruit courait que en l'hostel de la Royne se faisoient plusieurs choses deshonnestes[54]. La mauvaise réputation de son entourage, les grans et excessifs estats de ses femmes ne donnaient que trop de prise à ces rumeurs : on allait jusqu'à dire que Bosredon, qui exerçait la charge de maître d'hôtel de la Reine, était très avant dans ses faveurs. Il fallut séparer de la Reine les jeunes princesses, qui ne pouvaient plus vivre dans une telle atmosphère[55].

Un jour, on conduisait le pauvre Roi à Vincennes, avec une escorte armée. Comme, après sa visite à la Reine, il revenait en compagnie de son fils, il' se croisa avec Bosredon, qui le salua à peine. Le prévôt de Paris, Tanguy du Chastel, arrêta sur l'heure le familier d'Isabeau et le fit emprisonner au Châtelet. Après des aveux arrachés par la torture, il fut enfermé dans un sac de cuir, sur lequel étaient écrits ces mots. : Laissez passer la justice du Roi, et jeté dans la Seine[56]. Peu après la Reine était reléguée à Blois, sous la surveillance de gardiens vigilants[57].

A quoi faut-il attribuer cette mesure violente prise à l'égard d'une princesse dont la conduite scandaleuse n'était point un fait nouveau et dont le rôle, de plus en plus effacé, ne devait point causer d'ombrage au gouvernement ? Le connétable d'Armagnac, qui venait de prendre la direction des affaires politiques, comme il avait (depuis le mois de janvier 1416) le commandement de l'armée, avait-il surpris quelque intelligence entre la versatile Isabeau et le duc de Bourgogne[58] ? Craignait-il que la Reine ne s'emparât du nouveau Dauphin et ne s'en nt un instrument contre lui ? Voulait-il seulement faire main basse sur les réserves financières qu'elle avait si soigneusement amassées ? On est, à cet égard, réduit à des conjectures.

Le 17 avril 1417, Isabeau adressait des lettres au Roi et à la Reine de Sicile[59]. Était-ce pour leur annoncer la perte de son fils Jean, qui venait de mourir subitement à Compiègne ? Était-ce pour leur faire part de la situation précaire où elle se trouvait et réclamer leur concours ? A ce moment, le Roi de Sicile était à toute extrémité (il mourut, on l'a vu, le 30 avril) ; Yolande ne pouvait songer à le quitter. Elle ne parut donc point à Paris, comme l'affirme un auteur du temps[60], mais nul doute que, malgré son absence, son action ne se soit fait sentir sur les événements.

Par un acte solennel en date du 17 mai, le Roi, considérant qu'il ne lui était demeuré aucun enfant mâle, sauf son très cher et très aimé fils Charles, à présent Dauphin de Viennois, lequel n'était pas suffisamment pourvu de terres pour maintenir son état, considérant aussi qu'il était marié et en âge de puberté, et que dorénavant il emploierait son sens, son entendement, et sa personne, aux besognes et affaires du Royaume, dont le Roi avait l'intention de lui laisser une grande part, déclarait faire don à son fils, pour lui et ses descendants mâles, des duché de Berry et comté de Poitou, avec toutes leurs dépendances, à tenir en pairie, comme les avaient tenus le duc de Berry et le Dauphin Jean[61]. Le même jour, par d'autres lettres, contresignées par le connétable et par le chancelier du Dauphin, Charles était autorisé à faire fabriquer des monnaies en Dauphiné[62].

Le moment était venu où le Dauphin allait payer de sa personne et se montrer au peuple. Parti de Paris dans la première quinzaine de mai, il parait s'être arrêté à Chartres et à Vendôme[63]. Le 22 mai, le conseil de ville de Tours, prévenu de l'arrivée du prince par le bailli Regnault de Montejean, décidait qu'on irait au-devant de lui jusqu'à Meslay, sur la route de Vendôme, et qu'on lui offrirait, comme don de joyeux avènement, un vaisseau d'or pesant trois marcs[64]. Charles fit son entrée solennelle à Tours le ter juin. Les rues étaient tendues de tapisseries et jonchées de fleurs. Conduit, sous un magnifique dais en drap d'or, à la cathédrale, il y fut accueilli par les chanoines, revêtus de leurs chapes, qui le menèrent au chœur ; là, après avoir prêté serment, sur les saints Évangiles, de maintenir les droits et privilèges de l'église de Tours, on le reçut comme chanoine, avec les cérémonies accoutumées[65].

Le 2 juin, le Dauphin rendit une ordonnance importante, par laquelle il enjoignait aux gouverneur et gens du Conseil du Dauphiné d'assembler les États de la province pour aviser aux moyens de résister à l'empereur[66]. De Tours, il se rendit à Saumur, où il avait convoqué les États de Poitou[67], et à Angers, où il assista à un service pour le repos de l'âme du roi Louis[68]. La reine Yolande avait ménagé dans cette ville une entrevue entre son gendre et le duc de Bretagne Jean VI ; par ses soins, un traité fut conclu (2 juillet) pour mettre fin à la lutte engagée, depuis plusieurs années[69], par les gens du comte de Richemont, frère du duc, alors prisonnier en Angleterre, relativement à la possession de la seigneurie de Parthenay[70]. Le 3 juillet fut signé le contrat de mariage de Louis III, fils aîné de la reine de Sicile, avec Isabelle de Bretagne[71]. Ainsi se trouvaient resserrés les liens qui unissaient le duc de Bretagne à la couronne.

Dans le traité d'Angers, le Dauphin est qualifié de filz du Roy de France, daulphin de Viennois, duc de Touraine et de Berry, conte de Poitou, et lieutenant general de Monseigneur en son royaume[72]. Il venait, en effet, par une ordonnance de Charles VI en date du 14 juin, d'être appelé à entendre, en l'absence du Roy, aux affaires du royaume. — Considerant, disait le Roi ; que nostre très chier et très amé fils vient en aage de pouvoir endurer peine et avoir cure et diligence de vacquer et entendre à ce à quoy nous le vouldrions employer, et afin que, en son jeune aage, il commence à savoir et congnoistre les besoingnes et affaiies de nostre dit royaume... et que avons et devons avoir en lui, comme raison le veult et ordonne, toute singulière et parfaite confidence, comme à nostre propre personne ; après mure délibération avec le connétable, le chancelier et les membres du grand Conseil, le Roi déclarait autoriser le Dauphin à s'occuper de l'expédition des affaires, de concert avec les gens du Conseil, toutes les fois que besoin serait[73]. — Par une autre ordonnance qui, selon toute vraisemblance, fut rendue le même jour, mais qui ne nous est point parvenue, les pouvoirs autrefois donnés à la reine Isabeau furent révoqués, et le Dauphin fut nommé lieutenant général du Roi dans tout le royaume[74].

L'occasion ne tarda pas à s'offrir, pour le nouveau lieutenant général, de faire acte d'autorité. Pendant son séjour à Angers, une émeute bourguignonne éclata à Rouen. Charles partit aussitôt à la tête d'une armée. En passant par Chartres, il apprit que des gens du duc de Bourgogne avaient mis le siège devant Saint-Florentin, près d'Auxerre : les sires de Torsay et de Gaules, Guillaume Bataille et Guillaume d'Avaugour furent détachés, avec sept à huit cents hommes d'armes et mille arbalétriers, pour marcher au secours de cette place[75]. Le Dauphin, continuant sa route avec deux mille combattants, arriva à Pont-de-l'Arche le 22 juillet, et envoya sommer les habitants de Rouen de lui ouvrir leurs portes. Mais l'archevêque Louis d'Harcourt, qui s'était chargé de cette mission, trouva ses chanoines sous les armes et mêlés aux bourgeois révoltés. Le Dauphin s'avança alors jusqu'à Sainte-Catherine et manda auprès de lui Jacques de Bourbon, seigneur de Préaulx qui occupait encore le château : Beau cousin, lui dit-il[76], allez en nostre chastel, et par la porte des champs recevez deux cents hommes d'armes et autant d'archers que nous vous envoierons. Le même jour et le lendemain, on fit grant escarmouche devant les portes de la ville[77]. Intimidés par ces démonstrations, les Rouennais ne tardèrent point à parlementer. Leurs ouvertures furent favorablement accueillies, et des lettres patentes du Dauphin, datées de Saint-Maur-lès-Rouen, leur accordèrent pleine et entière abolition[78]. Le prince maintenait leurs droits et privilèges, mais repoussait hautement certaines exigences, relatives à ses soldats, qu'on prétendait lui imposer, disant que à nul n'appartenoit limiter l'auctorité du Roy ne la sienne[79].

Charles fit, le 29 juillet, son entrée solennelle, à cheval, à la tète de ses troupes ; et, après avoir été faire son oraison à la cathédrale, il alla se loger au château[80]. Un nouveau bailli c'était le sire de Gamaches— fut nommé, avec charge de punir ceux qui avaient pris part au meurtre du sire de Gaucourt. Après ce coup d'autorité, accompli avec autant de modération que de fermeté, le jeune prince partit pour Paris, vers le 5 août, laissant à Rouen le comte d'Aumale comme capitaine, avec une garnison de quatre cents hommes d'armes[81].

Un conseil avait été tenu, avant le départ, pour examiner si le Dauphin resterait à Rouen pour s'opposer à l'invasion anglaise (Henri V débarquait, en ce moment même à Touques), ou s'il se rendrait à Paris, menacé par le duc de Bourgogne : c'est ce dernier avis qui avait prévalu.

Charles allait se retrouver, dans la capitale, au milieu des agitations où s'était écoulée son enfance. A l'âge de quatorze ans et demi, il devait descendre dans cette arène où luttaient avec acharnement deux partis hostiles, où il avait en face de lui une faction soutenue par un prince du sang qui ne reculait devant aucun moyen pour s'emparer du pouvoir : rude apprentissage pour cet enfant, .désormais livré à lui-même et condamné à subir la loi des événements ! Pour son joyeux avènement, il voyait, d'une part, le roi d'Angleterre s'avancer victorieux à travers la Normandie et, d'autre part, le duc de Bourgogne attaquer Paris. Nous ne referons pas le tableau de cette situation si critique pour le pouvoir royal, obligé de lutter à la fois contre l'ennemi du dehors et contre l'ennemi du dedans. Constatons seulement que, malgré les accusations de la haine, malgré certaines fautes qu'on est en droit de lui reprocher, le gouvernement dirigé par le comte d'Armagnac fit preuve d'énergie et d'habileté, et sut tenir tête au péril[82].

Quelque effacé que dit être le rôle d'un enfant dans d'aussi graves conjonctures, Charles n'est point complètement absent de la scène. Il préside régulièrement le Conseil, et son nom figure au bas des ordonnances les plus importantes rendues alors par Charles VI[83] ; il assiste aux assemblées appelées délibérer sur les affaires politiques ou religieuses[84] ; il écrit des lettres aux bonnes villes du royaume, pour les mettre au courant des événements et les engager à rester fidèles à la Couronne. C'est ainsi que, le 19 août 1417, des lettres sont adressées par lui aux habitants de Reims pour leur reprocher d'avoir ouvert leurs portes aux gens du duc de Bourgogne, les exhorter à l'obéissance envers le Roi et leur enjoindre de lui envoyer une députation[85] ; c'est ainsi que, le 19 octobre suivant, comme ils persistent dans la rébellion, il leur envoie une nouvelle sommation, déclarant qu'il les considère comme faulx, desloyaulx et désobeissans envers le Roi et lui, pour avoir prêté serment au duc de Bourgogne, lequel, dit-il, a voulu et veult à mondit seigneur tolir et usurper sa seigneurie et la nostre, dont, au plaisir de Dieu, mondit seigneur et nous le garderons bien[86]. Nous avons d'autres lettres, adressées aux habitants de Lyon pour les mettre en garde contre les menées de la Reine et du duc[87].

Le 17 septembre, Charles se rend au Parloir-aux-Bourgeois, où on lui fait débiter un petit discours dans lequel il exhorte les notables à ne point se laisser émouvoir par le danger — le duc de Bourgogne avait la veille mis le siège devant la grosse tour de Saint-Cloud, — à rester unis et à puiser dans cette union la force de résister à l'ennemi[88]. Touchés par l'entrain et la bonne grâce du jeune prince, les bourgeois, levant les mains au ciel, jurent en pleurant d'exposer leurs personnes et leurs biens pour défendre le Roi envers et contre tous, et ce serment est prêté, sur les saints Évangiles, par le Parlement, les docteurs de l'Université, le clergé et les plus notables bourgeois[89].

Quelques jours plus tard, le héraut Palis[90] se présente à une des portes de la ville, porteur d'un message de Jean sans Peur. Le connétable et le Conseil le font comparaître devant le Dauphin, auquel on avait fait la leçon et qui prononce fièrement ces paroles : Hérault ! contre la voulenté de Monseigneur le Roy et de nous, ton seigneur de Bourgogne ja pieça a dégasté son royaume en plusieurs lieux ; en continuant jusques à maintenant, de mal en pis, il monstre mal qu'il soit mon bien vueillant, comme il nous escript. Et si veult que Monseigneur et nous le tenions pour nostre parent, loial vassal et subject, il voise combattre et debouter le Roy d'Angleterre, ancien ennemy de ce royaume, et après retourne devers Monseigneur le Roy, et il sera reçeu. Et ne die plus que Monseigneur le Roy et nous soions à Paris en servage de nulle personne, car nous sommes tous deux en nostre pleine liberté et franchise. Et gardes que tu lui dies ce que nous lui disons publiquement devant ses gens[91].

Le 2 novembre 1417, la reine Isabeau était enlevée par le duc de Bourgogne : un nouveau gouvernement allait s'établir avec certaines apparences de légalité. Pour parer à ce danger, une ordonnance fit rendue à la date du 6 novembre. Le Roi y rappelle la révocation par lui faite de tous pouvoirs donnés à la Reine ; considérant les bonnes manières dont son fils a fait preuve dans l'exercice de sa commission de lieutenant général, certain qu'il a toute bonne et entière voulenté, comme raison et nature le adstraingnent, au bon gouvernement et refformacion de son royaume, à la garde et deffense de ses subgez et les relever des graves charges et oppressions que, pour les causes dessus dictes, ils seuffrent chascun jour ; ayant aussi regard que Dieu luy a donné bon entendement à ce souffisant et très grant desir de soy y emploier, il lui confère de nouveau, par délibération du grand Conseil, où ont été appelés les princes du sang, les membres du Parlement, le recteur et plusieurs maîtres de l'Université, les prévôt des marchands, bourgeois et échevins, et plusieurs autres de divers estaz, la lieutenance générale du royaume, avec pleins pouvoirs, annulant toute commission donnée à la Reine[92].

La situation devenait très critique pour le pouvoir royal. Le gouvernement bientôt installé à Troyes par le duc de Bourgogne et la Reine déploya tant d'astuce et d'activité qu'il devenait chaque jour plus difficile de lui tenir tête. Malgré la surprise mêlée de stupeur qu'excitait l'audace du duc, malgré les murmures que soulevait son attitude chez certains de ses partisans[93], ses manœuvres avaient été couronnées d'un plein succès. D'un autre côté, les Anglais gagnaient chaque jour du terrain. Non seulement le trésor était vide, mais il était obéré pour des sommes énormes. Comment lutter à la fois contre le roi d'Angleterre et contre le duc ? La paix intérieure du royaume s'imposait comme une nécessité[94]. C'est ce que comprirent, avec un noble patriotisme, certains des conseillers de la Couronne qui, pendant que le connétable était en train de faire le siège de Senlis, où il avait emmené en grande pompe l'infortuné Charles VI, firent taire leurs antipathies et leurs rancunes pour préparer un rapprochement avec le duc[95].

Le duc de Bretagne, poussé sans doute par la reine de Sicile, au nom de laquelle il avait, au mois de novembre, conclu une trêve avec Henri V, prit l'initiative auprès de Jean sans Peur. Dès le 15 mars, des ambassadeurs bretons étaient à Troyes ; ils y séjournèrent jusqu'à la fin du mois[96], et s'y rencontrèrent avec trois envoyés de Philippe d'Orléans, comte de Vertus, qui commençait à jouer un rôle important dans les affaires politiques et militaires[97]. Vers le 10 avril, le duc de Bretagne était à Angers[98], où il s'entendit avec la reine Yolande ; il prit, le 15 avril, la route de Paris, avec le jeune duc d'Anjou[99] ; mais il ne paraît pas s'être avancé au delà de la Touraine[100]. De son côté, le pape Martin V, qui venait de ceindre la tiare, s'efforçait d'amener une pacification générale, embrassant les deux pays qui, au grand deuil de la chrétienté, se faisaient une guerre acharnée, et deux légats, les cardinaux de Saint-Marc et des Ursins, avaient été chargés par lui de travailler à ce résultat.

Les pourparlers avaient commencé dès les premiers jours de mars[101] ; les plénipotentiaires français et bourguignons furent désignés dans la semaine de Pâques (qui tombait en cette année le 27 mars). On convint qu'ils seraient, pour lacune des parties, au nombre de seize, et comprendraient un archevêque, deux évêques, quatre gentilshommes, six clercs, deux bourgeois de Paris et un secrétaire. Le lieu de réunion fut fixé à Montereau pour les Français, à Bray, pour les Bourguignons, et les conférences devaient se tenir au monastère de la Tombe, à égale distance de ces deux villes[102]. Le 28 mars, un fourrier partit de Troyes pour Bray, afin de préparer le logement des ambassadeurs de la Reine et du duc[103], qui se mirent en route 4 avril[104]. Ils ne tardèrent pas à se joindre aux ambassadeurs français installés à Montereau, lesquels n'étaient point, quoi qu'en disent les auteurs bourguignons, les plus fougueux d'entre les Armagnacs[105], mais au contraire — comme pour donner un démenti au reproche tant de fois articulé que le gouvernement royal était aux mains de gens de petit état[106] et d'étrangers[107] — des personnages notables, justement estimés pour leurs bons et loyaux services, et, pour la plupart, conseillers personnels du Dauphin[108]. Le duc d'Orléans se fit représenter aux conférences par son chancelier Guillaume Cousinot et par trois autres envoyés[109]. Enfin, le sire de la Trémoille eut mission d'assurer, avec un certain nombre de gens de guerre, la sûreté du lieu des délibérations[110].

Il convient d'entrer dans le détail de ces négociations, dont l'histoire n'a point suffisamment cherché à dissiper les obscurités, et qui ont une grande importance pour l'intelligence des événements.

Les ambassadeurs bourguignons demandaient, au nom de la Reine et du duc de Bourgogne :

1° La promulgation, de part et d'autre, d'une amnistie générale ;

2° L'abolition des confiscations, procès, condamnations, etc. ;

3° La restitution mutuelle des biens ;

4° La restitution des corps de ceux qui auraient été mis à mort, à l'occasion des querelles ;

5° Que les offices royaux demeurassent en la main du Roi pour en ordonner à son bon plaisir, la Reine et monseigneur de Bourgogne étant par devant lui, et par leur avis et délibération ;

6° Que la Reine, le Duc, et les autres princes du sang pussent à leur gré, se rendre et séjourner près du Roi, à Paris et ailleurs ;

7° Que tout ce qui avait été fait et ordonné par la Reine, depuis sa venue à Chartres, sortit son plein effet, en ce qui ne serait point contraire aux choses susdites.

Les ambassadeurs français demandaient, au nom du Roi et du Dauphin :

1° La restitution des villes, châteaux et forteresses pris par le duc, moyennant réciprocité ;

2° La restitution de ce qui appartenait au cardinal de Bar et à d'autres vassaux ou gens d'église ;

3° La mise au néant des nouvelletés faites par le duc, au préjudice de la souveraineté royale, telles que création de parlement, de chambre des comptes, etc. ;

4° La renonciation par le duc à toutes trêves, abstinences de guerres, alliances et autres convenances et pactions quelconques qu'il a ou pourrait avoir avec le roi des Romains, les Anglais, ou autres quelconques ennemis et adversaires du Roi, avec obligation pour le duc de donner à cet égard ses lettres de renonciation ;

5° Le maintien, selon sa forme et teneur, du traité conclu à Arras et confirmé à Saint-Denis ;

6° La cessation par le duc de toutes voies de fait et de guerre ;

7° La promesse de servir, secourir et aider le Roi contre l'Empereur, les Anglais, et tous autres ennemis et adversaires ;

8° Enfin, que la reine de Sicile et le duc d'Anjou fussent, avec tous les parents et vassaux du Roi, compris au traité[111].

Dans une assemblée qui se tint le 18 avril, en la chambre du Parlement, et où assistèrent, avec les membres de la Cour et les évêques de Laon et de Lisieux, bon nombre de personnages notables et de bourgeois de Paris (ils étaient de cent vingt à cent quarante), Jean de Vaily, président au Parlement, prit la parole et exposa l'état des négociations, auxquelles, avec le doyen de Paris et l'un des échevins présents à la réunion, il avait pris une part personnelle. Des mémoires avaient été produits, contenant les demandes, avec les réponses de chacune des parties : le président en donna lecture ; on les avait communiqués au Roi, alors à Creil ; le Dauphin se proposait de faire assembler le Conseil et d'y appeler plusieurs conseillers, clercs et bourgeois pour aviser sur ce qu'il y avait à faire ; il importait donc de bien peser à l'avance la matière, afin que ceux qui seraient mandés fussent prêts à délibérer. Les bourgeois et les personnes étrangères à la Cour se retirèrent ensuite, et le Parlement désigna ; ceux de ses membres qui devraient assister à la réunion projetée[112].

Nous n'avons pas de détails sur cette nouvelle assemblée ; mais nous savons que les prétentions du duc de Bourgogne n'étaient point de nature à faciliter un accord. Ce n'était donc pas trop de l'intervention des deux légats du, pape Martin V pour préparer la solution. Les cardinaux des Ursins et de Saint-Marc, après avoir séjourné à Dijon, près du duc de Bourgogne, du 14 au 18 avril, arrivèrent vers le 20, et prirent part aussitôt aux négociations. Le cardinal des Ursins s'établit à Bray, près des ambassadeurs bourguignons ; le cardinal de Saint-Marc prit son logement à Montereau, près des ambassadeurs français. Ce dernier se rendit à Paris au bout de quelques jours, et assista le 3 mai à une réunion du Conseil, présidée par le Dauphin, où il exposa la mission qu'il venait remplir, faisant ressortir, par plusieurs raisons et exemples notables, les avantages de la paix. Il avait pris pour thème ces paroles : Pax huic domui, et termina son discours en pressant vivement le Conseil d'entendre à l'apaisement des guerres et divisions[113]. Le lendemain, une séance solennelle fut tenue par le Dauphin pour délibérer à ce sujet.

Le jeune prince et ses conseillers n'étaient point opposés à la paix ; mais il fallait que la partie adverse rendît un accord possible. Or, lès ambassadeurs bourguignons s'obstinaient à ne rien rabattre de leurs prétentions. Des envoyés du duc de Savoie, alors à la Cour[114], qui tenaient leur maître au courant des négociations, lui écrivaient que les exigences du duc de Bourgogne paralysaient tout, et que le cardinal de Saint-Marc allait se rendre près de ce prince, pour savoir si nul bon appointement s'y pourrait trouver. Les envoyés savoisiens, fort bien renseignés par l'évêque de Clermont et par Robert le Maçon, racontaient en outre à leur maître un entretien secret qu'ils avaient eu avec le président de Provence. Louvet leur avait dit qu'on pouvait, à la rigueur, aller jusqu'à concéder deux des trois points qui faisaient l'objet du litige (articles 5 et 7), mais que, pour l'article autorisant le duc à venir à Paris, ou autre part, là où seraient le Roi et le Dauphin, avec petite compagnie ou grande, selon que ce serait son plaisir, toutes les fois que cela lui conviendrait, il ne fallait point en entendre parler ; car, disait-il, de venir par devers le Roy et Monseigneur le Dauphin à sa puissance, pour avanture elle seroit plus grande que celle desdiz seigneurs ; à venir à autant de nombre comme leur, il ne seroit point de honneur ; et il ne vouloit venir à plus petite. Et pour rien, ajoutait Louvet, ne s'en pourroit fier en lui de la personne de Monseigneur le Dauphin[115].

Le Conseil royal, désespérant d'arriver à une solution, chargea les ambassadeurs de Savoie de solliciter l'intervention personnelle du duc leur maître, et déclara s'en rapporter à lui, promettant de faire traîner les choses en longueur jusqu'à sa venue. Mais Amédée VIII ne paraissait point disposé à intervenir ; il se borna à envoyer deux ambassadeurs au duc de Bourgogne, plutôt afin de le bien renseigner sur la situation que pour exercer sur lui une pression[116].

Dans l'intervalle, les cardinaux médiateurs et le sire de la Trémoille, qui s'employait de concert avec eux, crurent avoir trouvé un moyen de résoudre les difficultés. Dans une conférence tenue le 23 mai, ils communiquèrent aux ambassadeurs leurs avis sur les prétentions réciproques, avec les changements que, dans le but d'arriver à un accord, ils avaient cru devoir apporter aux demandes de chacune des parties.

Les modifications faites par les médiateurs aux quatre premiers articles bourguignons étaient insignifiantes. Pour le cinquième, ils proposaient une nouvelle rédaction, conçue en ces termes : Tous offices royaux demeureront en la volonté et disposition du Roi, et la Reine et mondit seigneur de Bourgogne venus devers lui et Monseigneur le Dauphin, le Roi en ordonnera à son bon plaisir, eu sur ce le bon avis et conseil de la Reine, de mondit seigneur le Dauphin, de Monseigneur de Bourgogne, et des autres seigneurs du sang royal lors étant devers le Roi et d'autres de son Conseil, tels qu'il lui plaira. Pour le sixième, ils affirmaient que le Roi et le Dauphin désiraient voir la Reine et le duc de Bourgogne, et qu'il plaisait au Roi qu'une convention fut tenue à Melun, dans les conditions qu'ils indiquaient, à un jour déterminé ; et la convention faite, la Reine et le duc pourront, au bon plaisir du Roi, aller par devers lui quelque part qu'il soit, ainsi que autrefois ont fait ; et aussi au bon plaisir de Monseigneur le Dauphin pourra mondit seigneur de Bourgogne aller par devers lui quelque part qu'il soit. Quant à l'article 7, ils déclaraient que ce que la Reine avait fait, selon le pouvoir à elle donné, sortirait son plein effet, et que, pour le reste, le Roi, après avis du Conseil, en ordonnerait à son bon plaisir.

Les médiateurs étaient moins favorables aux demandes des ambassadeurs français. Sur l'article ter, ils faisaient observer que la Reine et le duc n'admettaient pas que les villes en question eussent été mises hors de la main du Roi ni du Dauphin[117] ; que d'ailleurs, le traité passé et la convention tenue, tout serait remis entre les mains du Roi ; ils ajoutaient qu'il devrait en être fait autant pour les villes appartenant au duc. Sur l'article 3, ils s'en référaient à la réponse faite à l'article 7 des Bourguignons. Sur l'article 4, ils affirmaient que le duc n'avait fait ni ne ferait chose qui soit contre la loyauté, mais qu'il avait été et serait toujours bon et loyal parent, vassal et serviteur du Roi et du Dauphin, pour les secourir de corps et de toute sa puissance contre tous leurs ennemis, comme tenu y est[118]. Quant à l'article 5, ils estimaient qu'il était inutile de faire mention de traités antérieurs. Sur l'article 6, ils déclaraient que, par le traité qu'on négociait, toutes voies de fait cessaient, et que pour le surplus on en déciderait à Melun. Sur l'article 7, ils s'en référaient à ce qu'ils avaient dit relativement à l'article 4. Enfin, quant à l'article 8, ils réservaient seulement la poursuite des réclamations pécuniaires du duc contre la maison d'Anjou[119].

La solution proposée par les médiateurs n'était, on le voit, qu'un moyen terme ; elle éludait les questions plutôt qu'elle ne les résolvait, et faisait bien large la part des prétentions bourguignonnes[120]. Il y eut, chez les ambassadeurs français, quelque hésitation et certaines divergences d'opinions ; mais, finalement, on tomba d'accord[121], et le 26 mai[122] l'on décida, conformément à la proposition des médiateurs, que le projet d'accommodement serait soumis à la ratification des parties intéressées.

Tandis que les ambassadeurs bourguignons se rendaient à Troyes, où étaient la Reine et son Conseil, et à Montbéliard, où se trouvait alors le duc, les ambassadeurs français rentraient ce jour même (26 mai) à Paris. Quand on apprit que les plénipotentiaires étaient tombés d'accord, ce fut une réjouissance universelle : la foule parcourait les rues et les carrefours au son des instruments ; des tables étaient dressées de tous côtés, et les bourgeois et leurs femmes offraient à boire aux passants. Pourtant, rien n'était décidé tant que les ratifications ne seraient point échangées. Or si, à Paris, le Roi, le Dauphin, un grand nombre de personnages notables du Conseil et du corps de ville se montraient favorables, une vive opposition éclata de la part du connétable d'Armagnac, du chancelier Henri de Marie, et de quelques autres[123], qui regardaient le traité comme attentatoire à l'honneur de la Couronne et aux intérêts du Roi. Ils déclarèrent hautement qu'ils se retireraient plutôt que d'y donner leur approbation, et le chancelier alla jusqu'à dire : Que le Roi le scelle si bon lui semble ! Pour moi, je n'y apposerai pas le sceau[124].

Le Dauphin ne désespérait pas de triompher de cette résistance. Sous l'inspiration de l'évêque de Paris et de quelques autres de ses conseillers, il convoqua le Conseil au Louvre. Mais le connétable refusa de s'y rendre, protestant contre ce qu'on voulait faire, et disant que ceux qui conseillaient une telle paix étaient des traîtres.

Tout demeurait donc en suspens.

Cependant le Dauphin paraissait décidé à passer outre, et à donner le lendemain son approbation au traité[125].

Quand le bruit de ce conflit se répandit dans le public, un vif mécontentement succéda aux manifestations joyeuses qui avaient salué l'aurore de la paix. La faction bourguignonne veillait : elle profita de l'agitation populaire pour mettre à exécution un projet longuement médité, qui avait échoué à diverses reprises, mais auquel on n'avait point renoncé. Jean sans Peur savait que la trahison seule pouvait le rendre maître de Paris, et, de loin, il dirigeait toujours les fils de la conspiration. Son chambellan l'Isle-Adam, capitaine de Pontoise, et les capitaines des garnisons bourguignonnes de Mantes, Meulan et Vernon étaient d'intelligence avec ses partisans dans la capitale et correspondaient sans cesse avec eux. Durant la seconde quinzaine de mai, des ouvertures avaient été faites par quelques bourgeois au sire de l'Isle-Adam. Justement le prévôt de Paris, Tanguy du Chastel, venait de licencier quatre cents hommes d'armes employés à la garde de Paris, dont les bourgeois ne voulaient plus payer la solde. Le moment était donc favorable pour faire venir les Bourguignons[126].

Le samedi 28 mai, le jour même où l'opposition du connétable tenait tout en suspens, l'Isle-Adam partait de Pontoise et arrivait dans la nuit sous les murs de Paris. A deux heures du matin, il fut introduit dans la ville, où, dans l'espérance d'une paix prochaine, on avait négligé de prendre les précautions accoutumées[127]. Au premier bruit de l'invasion des Bourguignons, Tanguy du Chastel courut à l'hôtel du Petit-Musc[128], dépendant du palais des Tournelles, où le Dauphin dormait tranquillement. Il l'éveilla, le couvrit à la hâte de sa robe à relever, et, à travers les jardins de l'hôtel Saint-Paul, avec l'aide de quelques familiers du jeune prince, le porta jusqu'à la Bastille[129]. Là on l'habilla ; on le fit monter sur un cheval que le chancelier Robert le Maçon s'empressa de lui céder, et il put ainsi gagner Melun à franc étrier[130].

Charles ne devait rentrer que dix-neuf ans plus tard dans la capitale, livrée désormais à la faction bourguignonne, et où le sang allait couler à flots.

 

 

 



[1] Ab aurora clari principii ad obscurum finale vesperum declinasse regnum videbatur. Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 64. Cf. lettre de Pierre de Versailles à Jean Jouvenel, dans Thesaurus novus anecdotorum, t. I, col. 1724.

[2] Jouvenel des Ursins, p. 337. Cf. Monstrelet, t. VI, p. 271.

[3] Jouvenel, p. 339.

[4] Et avoit gens sur les champs qui faisoient tous les maux qu'on pourroit faire, comme pilleries, robberies, meurtres et tirannies merveilleuses, violoient femmes et prenoient à force, entroient par force et autrement dedans les églises, les pilloient et deroboient et en aucunes mettaient le feu, et en icelles faisoient ords et detestables pechez. Jouvenel, p. 335. Cf. Monstrelet, t. III, p. 149-152 ; Religieux, t. VI, p. 64 ; Saint-Remy, p. 414. — Charles VI, au début de ces excès, rendit une ordonnance contre les pillards, en date du 30 août 1416, et l'on énumère dans ces lettres les crimes commis. Voir Monstrelet, t. III, p. 152-160.

[5] Æstimantibus pluribus non Anglos gentem atque homines esse, sed immanes quasdam atque ferocissimas belluas, quæ ad devorandum populum sese effunderent. Thomas Basin, t. I, p. 27.

[6] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 83.

[7] Et avoit (le duc de Bourgogne) gens sur les champs qui faisaient tous les maux qu'on pourroit faire, comme pilleries, robberies, meurtres et tirannies merveilleuses.... Jouvenel, p. 335. — Et aussi les estrangers tenans la partie du duc de Bourgongne... regnoient et destroussoient par tous les lieux et pays où ilz aloient et repairoient... et finallement faisaient maulx inestimables dont le peuple estoit très fort oppressé. Monstrelet, t. III, p. 180. — Cf. Religieux, t. VI, p. 82, 130, 152 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 80 ; Fenin, p. 71 et 79.

[8] Voir ce que dit Cousinot des excès des Bretons de l'armée royale (p. 170).

[9] Religieux, t. VI, p. 64.

[10] Religieux, t. VI, p. 89-91.

[11] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 113. Et tout ce estait, ajoute le fougueux Bourguignon, ou la plus grant partie, par le duc de Bourgongne.

[12] Quant ilz revenoient, ilz estoient aussi troussez de biens que fait le heriçon de pommes. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 82.

[13] Vivat, vivat qui dominari potuit dum tamen manere possit res publia in pulcritudine pacis ! Religieux, t. VI, p. 811.

[14] Pour la mort duquel, icellui Daulphin fut moult affebli de conseil et d'aide. Monstrelet, t. III, p. 180.

[15] Lettres portant don du comté de Gien à Charles d'Anjou. Archives, P 2298 f. 1237 (d'après le Mémorial K de la Chambre des Comptes).

[16] Chronique de Jean Raoulet, publiée par M. Vallet de Viriville à la suite de Chartier, t. III, p. 143. M. Vallet donne, sur ces trois personnages, des notices assez étendues (p. 143-147, en note).

[17] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 5.

[18] Les sires de Beauvau et de Maillé étaient Angevins et furent certainement placés par Yolande auprès du prince ; Hugues de Noé ne parait pas avoir été attaché à sa personne avant son retour à Paris, en juin 1416.

[19] Voir une quittance du 5 décembre 1414 où il prend cette qualité. Pièces originales, 2130 : NOYERS. Cf. Anselme, t. VIII, p. 472.

[20] Dans une quittance du 7 mars 1416, il se qualifie : Naguères eslu ou diocèse d'Évreux, etc.

[21] Le P. Anselme dit (t. VIII, p. 472) que ce fut pendant que Charles était encore comte de Ponthieu, niais nous n'en avons pas de preuve formelle. Nous trouvons cependant une confirmation indirecte de cette assertion dans les lettres de Charles VII du 7 juillet 1427, citées plus loin.

[22] Il contresigne en cette qualité des lettres du Dauphin, données le 21 juin à Angers (Cabinet de l'auteur).

[23] Dès 1417, il recevait les biens confisqués de Nicole d'Orgemont, maître des comptes. Archives, PP 118, f. 79.

[24] Pièces originales, NOYERS.

[25] Revue de quatre hommes d'armes employés par Hugues de Noé à la garde de Roquemaure et paiement de leurs gages. Pièces des 1er avril, 1er mai, 2 et 12 juillet, 1er octobre 1422. Clairamb., vol. 81, p. 6380 et 81). — Noé était encore capitaine de Roquemaure en 1424-1428. Ms. fr. 5024, f. 82.

[26] Vidimus original, Pièces originales, NOYERS.

[27] Dans une quittance du 2 mars 1430, il prend ce titre de chevalier, qu'il ne portait pas encore en octobre 1428 (même source).

[28] Lettres du 5 août 1435 (même source).

[29] La dernière pièce où nous le trouvions mentionné est une quittance du 25 juillet 1447 (même source).

[30] Ce fait est consigné dans un poème latin attribué par M. Vallet à Robert Blondel, et que M. Quicherat a publié dans son édition des Procès de Jeanne d'Arc, t. V, p. 38.

[31] Voir la notice de M. Vallet, édit. de Jean Chartier, t. III, p. 145-47, note (où il y a quelques légères erreurs) ; Sainte-Marthe, Histoire de la maison de Beauvau, p. 116 ; Bouche, Histoire de Provence, t. II, p. 449 et 50, 1044, etc., et les auteurs et les actes du temps : Jouvenel, p. 358-59 ; D. Morice, t. II, col. 1169, etc.

[32] Ms. fr. 25528 (La Vallière, 112), f. 2 v°.

[33] Archives, X1a 9190, f. 303 v° ; 9197, f. 326 v°, 329 ; 9198, f. 136, 152, 217.

[34] Notice de M. Vallet, p. 147 ; le P. Anselme, t. VII, p. 50 ; Jouvenel, p. 359, Pièces originales, 47 : AMBOISE ; D. Villevieille, Trésor généalogique, vol. LIV, f. 30-31 v° ; Clairamb., vol. 175, p. 5963. — On peut lire une curieuse lettre d'Hardouin de Maillé au capitaine bourguignon de Tours, où le châtelain de Maillé apparaît plutôt que le gouverneur du Dauphin, dans l'intéressant mémoire de M. J. Delaville Le Roulx, La Domination bourguignonne à Tours (1417-18), p. 55-56.

[35] Cette qualification nous semble ne lui avoir été attribuée que par M. Vallet de Viriville. Dans sa notice de la Nouvelle Biographie générale, M. Vallet dit que Charles fut, depuis 1412, l'élève de Gérard Machet ; mais outre que le jeune prince séjourna peu à Paris en cette année, l'éminent érudit nous parait avoir oublié que Charles aurait eu fort peu de temps pour profiter de ces leçons, car il partit, âgé de onze ans à peine, le 9 février 1414, emmené par sa belle-mère Yolande, et ne revint à Paris qu'en juin 1416. Les leçons du proviseur du collège de Navarre ne purent donc commencer avant cette époque. — Toujours est-il que, dans les comptes du Dauphin, Machet est qualifié de confesseur en 1421 (KK 53, f. 76 et 87 v°).

[36] Il ne quitta plus Charles depuis ce moment : dans une lettre à Jean Majoris, écrite vers 1447, il disait qu'il était à la Cour depuis 28 ans. — Par lettres du 25 janvier 1420, le Dauphin lui donna cent livres en dédommagement des pertes qu'il avait subies. Godefroy, Annotations au Recueil des historiens de Charles VI, p. 796.

[37] Voir l'excellente notice de M. Vallet, dans la Nouvelle Biographie générale.

[38] Ms. latin 8577.

[39] ..... Castrensi episcopo confessori suo, inter theologos apprime..., dit le pape Pie II (Commentaires, dans Quicherat, t. V, p. 509). — Confesor enim ejus devotus erat, episcopus videlicet Castrensis, lisons-nous dans le fragment du Religieux de Dumferling publié par M. Quicherat, t. V, p. 340. Il est probable que c'est de lui que parle en ces termes l'auteur du poème latin sur Jeanne d'Arc (id., t. V, p. 32) :

Vir unus

Inter doctores sacros non ultimus.

[40] Jouvenel, p. 335.

[41] Il était né vers 1365 à Château-du-Loir ; son père était secrétaire et conseiller de Louis Ier, duc d'Anjou, en 1388. Art. LE MAÇON (dû à M. Vallet de Viriville), dans la Nouvelle Biographie générale.

[42] Plaidoirie de Jouvenel : Archives X1a 9198, f. 19 ; Bouche, Histoire de Provence, t. II, p. 435 ; D. Vaissète, t. IV, preuves, p. 408 ; Recueil de Besse, p. 80.

[43] Archives, K 57, n° 34 ; Jouvenel, p. 335. Voir un acte du 29 janvier 1414, rendu au nom d'Isabeau, où il figure, acte publié par M. Vallet, dans son opuscule Isabeau de Bavière, p. 23. A la même date, il prend la parole dans un conseil tenu par la Reine. Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 236 ; cf. Ordonnances, t. X, p. 216, et passim.

[44] Archives, KK 49, fr. 48, 93 et 127. C'est à tort que M. Vallet de Viriville (Isabeau de Bavière, p. 24) le met en fonctions le 7 novembre 1415. Le comte de Ponthieu était alors à Angers, loin de la scène politique.

[45] Il avait mille livres de pension comme chancelier de la Reine. Isabeau lui donna 500 livres le 7 novembre 1415, et 1.000 livres le 7 août 1416. Archives, KK 47, ff. 12 v°, 13 et 15 v°.

[46] Sa nomination est du 20 juillet 1414. Ordonnances, t. X, p. 216.

[47] Le 31 août 1417, il se fit adjuger, moyennant 4.000 livres, la seigneurie de Trèves. Archives, X1a 1480, f. 104.

[48] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 89.

[49] Acte cité par M. Vallet, art. LOUVET, dans la Nouvelle Biographie générale.

[50] Nous trouvons dans le traité du 18 mai 1412, entre la France et l'Angleterre, le nom de Johannis Louveti, domicelli, comme représentant le comte d'Alençon (Rymer, t. IV, part. II, p. 196, et part. III, p. 83 et 126) ; il est peu probable que ce soit le même personnage. Toujours est-il que le Président de Provence était en Provence le 14 août 1412. Bouche, t. II, p. 438 ; Archives, KK 243, f. 10 v°.

[51] Le 29 septembre 1416, elle lui donnait une somme de mille livres (KK 47, f. 10). Il est ainsi qualifié dans le compte : Messire Jehan Louvet, président de Prouvence, conseiller du Roy de Secille.

[52] Archives, PP 118, f. 78 ; Berry, p. 434.

[53] Nous connaissons leurs noms par plusieurs lettres patentes, au bas desquelles ils figurent :

Lettres du 1er mai 1417 (en latin) : l'archevêque de Reims, les évêques de Laon, de Paris et de Clermont, vous (le chancelier), le prévôt de Paris (du Chastel), les seigneurs de Leven (Louvet) de Maillé, de Gilbourg (Regnault de Montejean) et de Rambouillet. Archives de Grenoble, B 2825, f. 38, et 3223 bis, f. 79 et suiv.

Lettres du 2 juin 1417 : Par monseigneur le Dauphin et duc en son conseil, ouquel les evesques de Laon et de Clermont, vous, les seigneurs de Touars (Amboise), de Leven (Louvet) de Maillé, de Torsay, de Gilbourg (Montejean), le senechal de Remi (Louis d'Escoraille), messire Guillaume de Meullon (Meulhon) et autres estoient. — Ordonnances, t. X, p. 416. Original aux Archives de Grenoble, B 3138.

Traité du 2 juillet 1417 : Et pour la partie de mondit seigneur le Daulphin, les gens du conseil du Roy et de luy, c'est assavoir l'archevesque de Reims, les evesques de Laon et de Clermont, le chancelier de mondit seigneur le Daulphin, le vicomte de Thouars et d'Aunoy (Amboise), les seigneurs de Leever (sic dans la copie, — c'est Louvet), de Pousauges (Miles de Thouars), de Torsay, de Maillé, de Gilbourg (Montejean), de Mortemer (Guillaume Taveau), le chancelier de la Royne (Guillaume Toreau), messire Guillaume d'Argenton, le commandeur de Champguillon (Jean de Vivonne), le juge d'Anjou (Etienne Fillastre) Guillaume d'Avaugour, Hugues de Noer (Noé) et Guillaume de Lucé. D. Fonteneau, t. XXVI, p. 343.

[54] Jouvenel, p. 338.

[55] Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 72.

[56] Le Fèvre de Saint-Remy, t. I, p. 292.

[57] Et fut deliberé pour plusieurs causes que la Royne s'en iroit à Blois pour estre loing de la guerre. Jouvenel, p. 338. — Le compte des menus plaisirs (Archives, KK 49) fut clos le 18 avril (fol. 2). Est-ce ce jour-là que la Reine quitta Vincennes pour son exil de Blois ?

[58] C'est ce qu'a supposé Michelet : La Reine, qui négociait sous main avec le Bourguignon, fut transportée prisonnière à Tours (t. IV, p. 328).

[59] A Guillet de Lisy, pour porter lettres du Boys de Vincennes à Angiers adrecans au Roy et à la Royne de Secile, par comandement de Y[sabeau] de la Fauconnière, le xviie j. d'avril, par lad. cedule et quitances, VIII escuz, valent VII l. IIII s. KK 49, f. 53.

[60] En celui an vint à Paris la Royne de Sicile qui tant list que à Angiers mena le Dauphin que sa fille ot espousée. Cousinot, Geste des Nobles, p. 164. — Les comptes de Yolande (KK 243) ne mentionnent pas ce voyage, qui n'eut certainement pas lieu. M. Vallet est donc dans l'erreur en suivant ici Cousinot (t. I, p. 46).

[61] Comme depuis peu de temps en ça il ait plu à Nostre Seigneur en cui main et puissance toutes choses sont, et par qui les Roys rognent, et les princes, pour le gouvernement de leurs sujets, établissent et decernent les droits, prenre à sa part deux de nos fils mules, c'est assavoir Loys et Jehan, jadis daulphins de Viennois, et ne nous soit demouré aucun enfant masle excepté Rostre très cher et très amé fils Charles, à present daulphin de Viennois..... Considerans que petitement lui est et seroit pourveu par nous de terres qu'il tient presentement pour maintenir son estat tel qu'il lui appartient, veu qu'il est nostre seul fils et heritier en ladicte couronne, et aussi qu'il est marié et en aage de puberté, et que doresenavant il employera sens et entendement et sa personne aux propres besongnes et affaires de nous et de nostre royaume, et que telle est nostre entencion lui en bailler une grande charge potir nous relever doresenavant des grans cures et sollicitude continuelle qui appartiennent à nous à cause de nostre royalle Majesté, et auxquels nous sommes tenus et obligez pour la conservacion de ladicte couronne de France et de la chose publique de nostre royaume : pour ce est-il que nous, ces choses bien considerées et resolues ou secret de nostre pensée, et aussi pour la grant amour, naturelle et singulière affection que nous avons à nostre dit fils Charles, daulphin de Viennois, et afin qu'il puist avoir et maintenir son estat plus honorable, etc. — Ordonnances, t. X, p. 409. Le Dauphin avait fait l'hommage dû au Roi avant la date de ces lettres.

[62] Ordonnances, t. X, p. 411.

[63] C'est par erreur que Chalmel (Histoire de Touraine, t. II, p. 174) suivi par M. Vallet (t. I, p. 46), dit que le Dauphin venait de Poitiers. Il ne se rendit pas dans cette ville en 1417.

[64] Dès le 8 mai, Regnault de Montejean, bailli de Touraine, expédiait un message aux habitants de Tours pour leur annoncer la prochaine venue du Dauphin. Le conseil de la ville se préoccupa aussitôt de la réception qu'on lui ferait et du présent à lui offrir ; on décida de lui donner un vesses de IIIm d'or ouvré. Arch. mun. de Tours, Reg. des Comptes, vol. XVI, f. 94 et suis ; Reg. des Délibérations, vol. I, part. IV, f. 2 v°. L'examen de ces registres nous donne lieu de penser que le départ de Paris eut lieu vers le 10, Le 18 mai, des lettres sont rendues à Paris par monseigneur le Dauphin à votre relation, c'est-à-dire à la relation du chancelier, en l'absence du Dauphin (Arch. de Grenoble, B 2845) ; ce même jour, d'autres lettres sont données à Paris, par monseigneur le Dauphin et duc, à la relation de son conseil (Arch. mun. de Poitiers, G 11, liasse 19).

[65] Registres cités ; Chalmel, Histoire de Touraine, t. II, p. 174 ; Girardet, Histoire de la ville de Tours, t. I, p. 200 (il donne à tort la date de juillet).

[66] Ordonnances, t. X, p. 414. L'original est à Grenoble, B 3138.

[67] Ledain, Histoire de Parthenay, p. 211. — Nous devons à l'obligeance de M. Ledain des renseignements plus circonstanciés que ceux qu'il donne dans son livre, et qui nous font savoir que c'est le 3 juin que les commissaires délégués par la ville de Poitiers se mirent en route pour Saumur (Arch. mun. de Poitiers, J 353, liasse 29).

[68] Berry dit que le Dauphin se rendit aux obsèques du Roi, lequel estoit trespassé un peu devant. Mais le Dauphin n'assista qu'à un service : c'est ce qui ressort des comptes de Yolande. Archives, KK 243, f. 48.

[69] Le sire de Parthenay ayant, en 1413, pris le parti de Jean sans Peur, avait vu ses biens confisqués ; le comte de Richemont avait été chargé d'assurer l'exécution de l'arrêt et s'était emparé en 1415 d'une partie de ses terres, où des troupes bretonnes tenaient garnison. Ledain, Histoire de Parthenay, p. 207-210.

[70] Le texte du traité est dans D. Fonteneau, vol. XXVI, p. 339, d'après l'original aux archives du château de Thouars. Voir Ledain, Histoire de Parthenay, p. 312. Le Dauphin envoya le 10 juin au seigneur de Parthenay, relativement à ce traité, Geoffroy, vicomte de Rochechouart ; Jacques, seigneur de Montberon ; Guillaume Toreau, conseiller et maitre des requêtes de l'hôtel et chancelier de la reine Isabeau ; Jean de Vaily, conseiller et président du Parlement ; Guillaume Taveau, seigneur de Mortemer, chambellan du Roi ; frère Jean de Vivonne, commandeur de Champguillon et de l'Isle Bouchart ; Guillaume Orry, seigneur des Roches, et maitre Guillaume de Lucé. — Quittances, vol. 51, n° 5184, 5185, 5189, 5191. — Nous possédons une lettre originale de Charles, datée d'Angers le 21 juin et contresignée par Hugues de Noé, relative à cette ambassade.

[71] D. Morice, t. II, col. 947.

[72] Dans des lettres du 19 août, conservées aux Archives de Reims, et dont nous devons la communication à M. Louis Paris, le Dauphin prend les mêmes qualifications.

[73] Ordonnances, t. X, p. 418. — L'original est au Trésor des Chartes, J 402, n° 15.

[74] Les lettres du 6 novembre 1417, confirmant la lieutenance générale du Dauphin, font allusion à cette première ordonnance. Voir Ordonnances, t. X, p. 424. — On a des lettres des 1er juillet 1402, 26 avril 1403 et 31 décembre 1409, contenant les pouvoirs donnés à la Reine. Archives, J 402, 16 et 13 ; Ordonnances, t VIII, p. 577 ; Religieux, t. IV, p. 282.

[75] Berry, p. 432. — On ne s'explique pas bien comment le Dauphin, venant d'Angers, passa par Chartres pour se rendre à Rouen, surtout s'il est vrai, comme le rapporte D. Plancher (t. III, p. 489) que les Bourguignons venaient de prendre Nogent-le-Roi, près de Dreux, le 18 juillet. Nogent était précisément sur le chemin que le prince devait suivre pour se rendre à Rouen. Les actes nous manquent pour contrôler le récit de Berry.

[76] Monstrelet, t. III, p. 179.

[77] Chronique dite de Perceval de Cagny, chap. 63.

[78] Ces lettres sont analysées dans le Registre U des Archives municipales : Chéruel, Histoire de Rouen sous la domination anglaise, 2e partie, p. 23-25. Cf. Cronicques de Normendie, réimprimées par A. Hellot, p. 29, et Chronique de P. Cochon, p. 341.

[79] Chéruel, p. 24.

[80] Monstrelet, t. III, p. 179. — Pierre Cochon, fougueux bourguignon, dans sa Chronique normande, remarque que les gens d'armes ne firent aucun mal et qu'ils furent logés hors de la ville. On ne voulait pas abuser de la victoire. D'ailleurs, il y eut des réjouissances, et l'entrée fut pompeuse, comme il convenait en pareil cas : les rues étaient parées de beaux doubliers, nous dit encore Cochon ; partout du pain et du vin, et bevoit qui voulloit boire (p. 433). — On a la trace d'une aide qui fut imposée, pour dons au Dauphin, à son joyeux avènement, et présents à divers seigneurs. Ms. fr. 26042 (Quittances, 51), n° 5213, 5215 et 5218.

[81] Ce fut, dit Raoulet, le premier fait d'armes où jamais fut le Daulphin, fils seul du Roy (p. 155-56). — Voir Jouvenel, p. 336 ; Berry, p. 432-33 ; Religieux, t. VI, p. 94-96 ; Chronique dite de Perceval de Cagny, ch. 63.

[82] M. Michelet a, presque seul parmi nos modernes historiens, rendu hommage au parti d'Armagnac et a reconnu qu'il était celui de la défense nationale (t. IV, p. 326). M. Vattel de Viriville (t. I, p. 64 et s.) nous parait injuste pour la politique du connétable d'Armagnac.

[83] Lettres du 15 août 1417, confirmant la nomination de Jean d'Harcourt, comte d'Aumale, comme capitaine de Rouen ; — du 2 septembre, donnant commission pour mettre en vente divers joyaux de la Reine ; — du 5 septembre, portant défense d'obéir au duc de Bourgogne ; — du 13 septembre, relatives à Jean d'Harcourt ; — du 21 septembre, relatives à la vente des joyaux susdits ; — du 12 octobre, relatives à la vente de biens de la succession du duc de Berry ; — du 21 octobre, prescrivant la fabrication de diverses monnaies ; — du 24 novembre, ordonnant la mise en vente de joyaux provenant de la succession du duc de Berry ; — du 27 novembre, défendant aux habitants de Narbonne d'obéir aux mandements de la Reine et du duc ; — du 24 décembre, portant commission pour donner provision aux Parisiens punis comme rebelles, etc., etc.

[84] Voir les Registres du Conseil, séances tenues du 26 février au 16 mars 1418. Le 27 février, après le discours du premier président, le Dauphin prononça une petite allocution pour advouer ce qu'on avait dit en son nom, et, en très belles et briefves paroles, incita en effect ce que dit est et refreschi lesdictes defenses iteratives comme dessus. Preuves des libertés de l'église gallicane, t. I, p. 125.

[85] Archives de Reims. Communication de M. Louis Paris. — Ces lettres, qui contiennent un long exposé de la conduite du duc de Bourgogne, sont signées par le Dauphin et constatent la présence au Conseil du connétable, du comte de Penthièvre, du sire de Priants (Jacques de Bourbon), du chancelier (Robert le Maçon), de l'archevêque de Reims (Regnault de Chartres), de l'évêque de Clermont (Martin Gouge), du prévôt de Paris (Tanguy du Chastel), de Regnault de Montejean et de Hugues de Noé.

[86] Archives de Reims. Lettre missive, signée CHARLES et contresignée Lancelot.

[87] Archives de Lyon, AA, 22, f. 21. Deux lettres missives des 31 janvier et 16 février 1418, signées CHARLES et contresignées Alain. — Les Registres des Délibérations de Tours mentionnent encore une lettre missive du 14 septembre 1417 et deux autres d'octobre 1417 (vol. I, part. IV, f. 10, 10 v° et 16).

[88] Religieux de Saint Denis, t. VI, p. 124.

[89] Religieux, p. 126.

[90] Nous avons trouvé (Archives de la Côte-d'Or, B 1622, f. 68), le nom du héraut Palis : il s'appelait Philippe de Croix.

[91] Monstrelet, t. III, p. 218. — La date est précisée par l'indication donnée par le chroniqueur : Durant le temps que le duc de Bourgongne estoit logié à l'Arbre sec sur le mont de Chastillon. Or, d'après l'itinéraire dressé par M. Gachard (Archives de Dijon, p. 237) le duc fut à Châtillon du 21 au 29 septembre.

[92] Ordonnances, t. X, p. 424-26. L'original de cet acte est aux Archives, J 489, n° 18.

[93] Qui sembloit à aucuns chose assez loing de raison, dit Pierre de Fenin (p. 82), en parlant de l'alliance de la Reine et du duc.

[94] Voir à ce sujet le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 172. Le trésor était à sec : au mois d'avril, pour subvenir aux frais de la guerre contre les Anglais, on demanda 20.000 fr. aux moines de Saint-Denis et pour avoir cette somme on fut obligé de leur abandonner la boucherie de Saint-Denis, bien que le marché fût très désavantageux (lettres du 22 avril). — L'évêque de Paris Gérard de Montaigu prêta 50.000 fr. au Roi.

[95] Si furent aucuns prelaz, barons et gens de bonne ville qui, pour eschever inconveniens, conseillèrent de trouver traité de paix entre le Roy et le duc de Bourgoigne, affin que seulement le Roy n'eust plus à besongner fors aux Anglois. Cousinot, p. 168. Cf. Religieux, t. VI, p. 172. — C'est à tort que Fenin prétend que le Dauphin accompagna le Roi dans cette campagne.

[96] Archives de Dijon, par Gachard, p. 238, note 2.

[97] Le 8 mars 1418, Primeu de Besoux, ecuyer, premier pannetier du duc d'Orléans, certifie que le trésorier général du duc a payé à Lourdin de Saligny, chevalier, la somme de 100 l. t. comptant, que le duc, par ses lettres de ce jour, a ordonnée être payée par l'avis du comte de Vertus et des gens du conseil, our un voyage qu'il fait presentement d'Orleans à Troyes en Champaigne en la compagnie de Mgr l'abbé de Saint-Jehan d'Angely et messire Manessier Queret, chevalier, où mondit seigneur, par l'advis et deliberacion dessus dicte, l'envoye par devers la Royne et le duc de Bourgoigne, pour certaines grosses besongnes touchant grandement le Roy nostre sire et son royaume, mondit seigneur le duc et mondit seigneur de Vertus. Quittances, 51, n° 5255.

[98] On trouve dans D. Morice (t. II, col. 966) une liste des seigneurs, chevaliers, chevetaines, gens d'armes et autres que le duc de Bretagne emmène avec lui en ce présent voyage de France qu'il encommence de faire pour le bien de la paix générale et union du royaume de France, et un mandat de paiement donné à Nantes le 8 mai, pour le paiement des gens de la suite du duc à partir du 10 avril.

[99] Le 15 avril, le duc d'Anjou part avec le duc de Bretagne, pensant aler en France, comme on lit dans les comptes de la reine Yolande ; il est escorté par Audonnet Armentier, à la tête de cinquante arbalétriers ; l'évêque d'Angers est du voyage, ainsi que le juge d'Anjou et deux autres conseillers. On s'avance jusqu'à Saumur et Candes ; le voyage dure jusqu'au 6 mai. Voilà ce que nous apprend le registre KK 243, f. 49 et 59 v°.

[100] Dès le 4 avril, on savait à Tours que le duc de Bretagne devait venir, et le conseil décidait qu'on irait au-devant de lui, pour lui exposer les oppressions de la ville. (Registre Ier des Délibérations, part. IV, f. 28 — Le 15, le conseil délibéra sur une motion de Guillaume de Champdivers et de Henri du Parc disant que l'entencion Mgr de Bretagne, Mgr de Bourbon, Mgr d'Anjou en sa compagnie, est de passer par cette ville demandant l'entrée, et proposant qu'on leur fit un prêt et qu'on profitât de leur venue (Tours était alors bourguignon) pour conclure une trêve. Il fut décidé que à Mgr le duc sera baillée l'entrée à lui et cent chevaliers et escuiers menés en sa compaignie, lui sera monstré l'estat et povreté de la ville... item de prest ne sera point fait. On décide que deux gens d'église et deux bourgeois iraient au-devant du duc (Ibid., f. 29). — Le 18, les gens d'église ayant proposé de prêter 1500 l. au duc, pour avoir abstinence de guerre, les bourgeois s'y refusèrent encore (ibid., f. 30).

[101] Cela est établi par les Registres du Parlement. On lit dans le procès-verbal de l'assemblée du 16 mars qu'il convient d'ajourner la publication de l'ordonnance sur les libertés de l'église gallicane jusques à ce que le traicté qui sur lesdictes divisions est encommencé, ait prins conclusion. Preuves des libertés de l'Église gallicane, t. I, p. 131.

[102] Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 247.

[103] Guillaume de Gonneville, fourrier du Roi et du duc de Bourgogne, est envoyé à Bray, du comandement de la Reine et de Mgrs du Conseil étant à Troyes, pour faire provision de logis et autres choses necessaires à Mgrs les ambassadeurs, selon son état et charge, auquel voyage il vaqua par l'espace de 64 jours entiers commencent le 28 mars 1417 (v. st.), à raison de 20 s. par jour. Extrait du compte de Pierre Gorremont, Coll. de Bourgogne, vol. 100, p. 800.

[104] Même source.

[105] Et si estoient les plus fors en la loy d'Armignagnerie que on avoit seu eslire de leur estat en la ville de Paris. Chronique anonyme, dans Monstrelet, t. VI, p. 249. Cf. Religieux, t. VI, p. 172.

[106] Est une grande ordure ou desrision, avait osé dire le duc Jean dans sa réponse aux articles remis au nom du Roi, en août 1417, que par gens de si petit fait et condition la puissance des Anglois soit reboutée et enchacée, et à ce doivent bien avoir regard les seigneurs et les nobles de ce royaume et tous autres preudommes, de souffrir telle besterie et ordure de se laisser ainsi destruire, suppediter et deshonorer par telz gens qui riens ne scèvent, ne riens ne pevent ni ne valent. Et le duc avait nommé le chancelier Henri de Marie, l'évêque de Paris (Montaigu) Tanguy du Chastel, Bureau de Dampmartin, Étienne de Mauregard et Philippe de Corbie (Monstrelet, t. III, p. 201-202 ; cf. p. 209). — Dans son manifeste du 25 avril, il avait déjà parlé des gens de petit estat, incogneuz de lignaige, qui dissipaient la chose publique et appliquaient les finances à leur profit particulier (Plancher, t. III, p. CCCIII). — Comme par la coulpe, mauvaisetié et convoitise dampirables d'aucunes gens de petit estat qui ont entreprins le gouvernement de la personne de Monseigneur et de son royaume... disait aussi la Reine dans une lettre au gouverneur du Dauphiné, en date du 21 mars 1418. De Camps, 48, f. 689.

[107] Alors gouvernoit le Roy Charles et le Dauffin le comte d'Armignac et le seigneur de Barbesan, Davegny du Castel et Remonet de la Guerre, toutes gens qui estoient estrangiers la plus grant partie, et par ce ne vouloient point que le duc Jehan fust bien d'accort avec le Roy ne avec le Doffin (Pierre de Fenin, p. 70-71). — La chancellerie royale, devenue bourguignonne après l'occupation de Paris, se sert des mêmes termes : Bernart, conte d'Armignac, et plusieurs autres gens de bas estat et estrangiers. (Ordonnances, t. X, p. 453.)

[108] Jouvenel les appelle avec raison de notables gens (p. 335), et le bourguignon Monstrelet lui-même, après avoir nommé Jean Louvet et Robert le Maçon parmi ceux qui, un peu plus tard, accompagnèrent le Dauphin dans sa fuite, ajoute : Et moult d'autres gens de grant estat et auctorité (t. III, p. 263).

Voici leurs noms : l'archevêque de Reims (Regnault de Chartres), — l'évêque de Paris (Gérard de Montaigu, frère du grand maitre tué en 1409) ; — l'évêque de Clermont (Martin Gouge) ; — Jean d'Harcourt, comte d'Aumale ; — Guy de Nesle, sire d'Offemont ; — Manssard d'Esne, bailli de Vitry ; — Regnault de Merquoigne, chevalier ; — le chancelier du Dauphin (Robert le Maçon) ; — Jean de Vaily, président au Parlement ; — Gérard Machel, confesseur du Dauphin ; — le président de Provence (Jean Louvet) ; — le Juge Mage ; — Jean de l'Olive ; — Estevenin de Bonpuis ; — Michel de Lallier ; — le nom du secrétaire ne nous est pas connu.

[109] Catalogue Courcelles, 1834, p. 46.

[110] La Trémoille avait le commandement d'un nombre de gens de guerre laissé à sa discrétion. Les ambassadeurs ne pouvaient avoir dans leur escorte plus de cent chevaux, eulx et leurs gens armez de haubergeons, espées, daghes et brachelés et non autrement. (Chron. anon., p. 246.) Ces précautions sont à noter ; nous verrons plus loin celle qu'on prit à Pouilly et à Montereau.

[111] Le Religieux de Saint-Denis donne en latin le texte des demandes faites par chacune des parties (t. V, p. 208 et 212) ; on retrouve ce texte dans les avis rédigés le 23 mai par les médiateurs, dont il y a plusieurs copies contemporaines (Moreau, vol. n. 74 ; du Puy, vol. 499, f. 100, et 620, f. 113), et que Mlle Dupont a publiés dans son Appendice aux Mémoires de Pierre de Fenin, p. 255 et s.

[112] Registres du Parlement, X1a 1480, f. 133 v°.

[113] La date des 14-18 avril est fixée par Gachard, Archives de Dijon, p. 258 ; le discours du cardinal de Saint-Marc se trouve dans les Registres du Parlement et a été publié par M. Douët-d'Arcq (Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, t. I, p. 397). Voir, sur le rôle des cardinaux, Monstrelet, t. III, p. 256, et Chronique anonyme, t. VI, p. 252.

[114] Ils étaient venus donner réponse à la demande faite au duc de Savoie, par le gouvernement de Charles VI, de lui prêter main-forte contre les Anglais. Odet de Tournon, seigneur de Beauchastel, et Guichard de Marzé (?) avaient été envoyés pour solliciter le duc de se trouver à Paris le 1er mai, à toute sa puissance de gens d'armes et de trait. Guichenon, Histoire généalogique de la maison de Savoie, t. II, preuves, p. 255.

[115] Rapport de Guy de Groulée et Martellet de Martel, envoyés du duc de Savoie. Guichenon, l. c., p. 256.

[116] Instructions à Guy de Groulée et Pierre de Menthon, envoyés vers le duc de Bourgogne. Guichenon, l. c., p. 256-57.

[117] Le jour même (23 mai) où l'on faisait cette déclaration au nom du duc, celui-ci donnait quittance à Montbéliard d'une somme de quatre mille livres qu'il s'était fait donner par les habitants de Reims, pour icelle somme tourner et convertir ès frais et missions de la guerre que nous avons pour le bien de monseigneur le Roy, de son royaume el de la chose publique d'icellui. — Archives de Reims, communication de M. L. Paris.

[118] Que faisait donc le duc, à ce moment même, à Montbéliard ? Il était en négociations avec l'empereur Sigismond, dont il s'était fait l'allié au mépris de ses devoirs de prince du sang.

[119] Appendice aux Mémoires de Fenin, p. 261-67.

[120] C'est ce que reconnaît M. Vallet de Viriville (t. I, p. 97) : Ce projet favorisait, au delà du juste et de l'honnête, la cause bourguignonne.

[121] L'auteur bourguignon de la Chronique anonyme dit même que la paix fu faicte et jurée solempnellement par lesdis ambaxeurs, presens lesdis cardinaux, moiennant ce que chascune partie devoit porter ledit traictié de paix devers les souverains, pour savoir se icelle paix ilz volroient consentir et jurer. Cf. Monstrelet, t. III, p. 256, et Cousinot, p. 168.

[122] Or fut ouverte matière de paix, et articles faits et accordez d'un costé et d'autre, le jour du Saint Sacrement (26 mai). Jouvenel, p. 347.

[123] Monstrelet et la Chronique anonyme nomment Tanguy du Chastel, mais le Religieux de Saint-Denis le cite au contraire parmi les partisans de la paix.

[124] Religieux, t. VI, p. 230 ; Monstrelet, t. III, p. 257.

[125] Jouvenel nous parait se tromper en disant (p. 347) que le traité fut publié le samedi 27 (lisez 28) ; mais, ainsi que les autres chroniqueurs français, il le regardait comme conclu ; il est donc probable que, sans l'émeute du 29, la paix se serait faite. Ce qui est certain, c'est que le Dauphin avait accepté le traité, comme les faits l'établissent, et comme on peut le voir par ce passage des lettres du prince, en date du 21 septembre 1418, établissant un parlement à Niort : ..... Lesquels ambassadeurs et commis d'une part et d'autre, s'assemblèrent par plusieurs journées, pourparlérent et aduisérent certains points et articles pour parvenir à icelle union, et ce nonobstant soit advenu que souks ombre dudit !raide et pendant icelui, plusieurs des serviteurs et complices dudit de Bourgongne en grand nombre, armez de armes invasibles, etc. Ordonn., t. X, p. 477. — De son côté Robert le Maçon, chancelier du Dauphin et l'un des négociateurs du traité, dans une lettre adressée aux gouverneur et gens du Conseil en Dauphiné, écrivait, à la date du 31 mai : Le cas est tel advenu que à Paris, le jour même que te trailié fut pourparlé entre les ambassadeurs du Roy et le duc de Bourgogne, et que ledit trailié se devoit conclure, les gens dudit duc, qui estoient en aucunes garnisons près Paris, sont entrez par mauvaise trahison en ladicte ville, ont prins le connestable, le chancelier de France et ont cuidé prendre Monseigneur et nous tous ses serviteurs qui esperions tous de bonne foy ladicte paix sans ce que l'on feist plus guet ne garde. Appendice aux Mémoires de Fenin, p. 268. Enfin le Dauphin dit, dans des lettres missives aux Lyonnais en date du 29 juin suivant : Sont entrez de nuit par aguet et despourveuement en ladicte ville, le jour mesures que avions deliberé de mettre finale conclusion au !raidie de la paix de ce royaume, longuement pourparlé entre les ambaxades d'une partie et d'autre, ET POUR ROMPRE ET EMPESCHER LADICTE CONCLUSION. Archives de la ville de Lyon (voir plus loin, au chapitre suivant).

[126] Pierre de Fenin écrit : Le seigneur de Lilladam, qui se tenoit à Pontoise, avoit de grans acointances en la ville de Paris à ceulx qui amoient le parti du duc, et souvent en avoit des nouvelles (p. 88). Il ressort de son récit et de celui de Monstrelet que jour avait été pris à l'avance avec l'Isle-Adam, et que ce jour était fixé au 29. Or, c'est le 26 mai que les ambassadeurs français revinrent à Paris avec le traité (Religieux, p. 228) ; c'est le 27 et le 28 que le traité fut discuté en Conseil ; c'est dans la nuit du 28 au 29 que l'Isle-Adam, ayant réuni à ses gens d'armes ceux des garnisons de Mantes, de Vernon et de Meulas, arriva sous les murs de Paris. La Chronique anonyme dit que les démarches des Parisiens furent faites au mois de juin, devant la Saint-khan (24 juin). L'auteur se trompe d'un mois ; mais la date du 24 est à retenir. Un autre auteur bourguignon écrit : Fortune... donna hardement à aucuns de Paris de faire assavoir aux Bourguignons que ilz tout hardiement venissent le dimanche ensuivant, qui estoit XXIXe jour de may, à heure de mynuit... En icelle sepmaine s'esmeurent les Bourguignons de Pontoise et vindrent au jour dit et à l'eure. Journal d'un bourgeois de Paris, p. 87-88. Cf. Fenin, p. 88. Voir, sur le licenciement des 400 hommes, Berry, p. 436. On peut lire, dans un document du 30 mars 1423, les noms des conjurés qui livrèrent Paris aux Bourguignons : Paris pendant la domination bourguignonne, par M. Longnon, p. 34.

[127] On a vu dans les documents cités plus haut que ce fut sous ombre dudit traité que l'on s'introduisit dans Paris, et que l'on vivait sur la foi du traité, ne faisant plus ni guet ni garde.

[128] Ce sont les Cronicques de Normendie qui donnent ce détail (p. 37).

[129] Voir Paris en 1380, et le plan de restitution dressé par M. Legrand, à la fin du volume.

[130] Les détails les plus précis sur cet enlèvement sont donnés par Jouvenel (p. 349). Voir aussi la Chron. anonyme, p. 255 ; Monstrelet, t. III, p. 262 ; le Religieux de Saint-Denis, t. VI, p. 232, et une vita Jacobi Gelu, dans Thesaurus novus anecdotorum, t. II, col. 1950. Raoulet (p. 161-162) nomme, comme y ayant pris part : Guillaume d'Avaugour, Guillaume Bataille, Pierre Frotier et Pierre de Beauvau. La plupart des historiens ont fait honneur à Tanguy du Chastel, et à lui seul, d'avoir sauvé le Dauphin. Il convient, sans enlever à Tanguy le mérite de l'initiative, de rendre à un autre fidèle serviteur du Dauphin la justice qui lui est due. On lit dans des lettres patentes en date du 7 septembre 1420 que Robert le Maçon, meu comme loyal serviteur du grand desir qu'il avoit du salut de nostre personne, en mettant arrière sa surets et sa vie pour nous retraire, descendit de son cheval, lequel il avoit prins pour sa salvation, et icelui nous bailla pour partir... qui fut cause de notre preservation, et ne pouvoit jamais partir de nostre souvenance. Bodin, Recherches historiques sur Saumur, p. 238. M. Vallet de Viriville, qui tente de concilier les deux versions, nous parait se tromper (t. I, p. 101-102), en faisant habiller le Dauphin dans les jardins de l'hôtel Saint-Paul, puis monter à cheval pour gagner la Bastille. Nous croyons que le prince fut porté jusqu'à la Bastille, à travers les jardins de l'hôtel Saint-Paul, qui comprenaient tout l'espace situé entre l'hôtel royal et la forteresse, et que, de là, il gagna Melun sur le cheval de Robert le Maçon. Le prince ne séjourna pas le 29 à la Bastille, comme le dit l'historien : il se dirigea immédiatement sur Melun, et y passa la journée du 30.