HISTOIRE DE CHARLES VII

LIVRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU, LE DAUPHIN ET LE RÉGENT - 1403-1422

 

CHAPITRE I. — LE COMTE DE PONTHIEU.

 

 

22 FÉVRIER 1403-5 AVRIL 1417

Naissance du comte de Ponthieu. — Il est élevé somptueusement. — Vie scandaleuse de sa mère. — Entourage de l'enfant. — Milieu agité où s'écoulent ses premières années. — Ses fiançailles avec Marie d'Anjou. — Il entre dans la famille de sa fiancée et accompagne Yolande, reine de Sicile, en Anjou et en Provence. — Il devient duc de Touraine à la mort de son frère Louis, puis dauphin à la mort de son frère Jean.

 

Le jeudi 22 février 1403, à deux heures du matin, naissait à Paris, en l'hôtel royal de Saint-Paul, un enfant du nom de Charles[1], auquel rien ne pouvait alors faite présager une haute destinée. Il était le onzième des enfants et le cinquième des fils donnés par Isabeau de Bavière à Charles VI[2] ; et si deux de ses frères, également nommés Charles, avaient disparu avant sa naissance, il en restait deux autres, — Louis, duc de Guyenne, né en 1397, et Jean, duc de Touraine, né l'année suivante, — qui semblaient devoir à jamais lui barrer le chemin du trône. Aussi un prélat bourguignon contemporain, en rappelant phis tard le titre de Fortuné, donné à Charles VII, écrivait : Bien duement lui est attribué ce nom, car merveilleuement fortune eut, en son temps, prospère et diverse ; et il ajoutait : De plusieurs fils, que eut Charles le bien-aimé, son père, il fut le maisné et derrenier, et toutes fois il parvint à estre Roy de France[3].

Charles VI, frappé en 1392 d'un mal implacable — une sorte de démence qui avait le caractère de la manie furieuse[4], était dans un moment de lucidité quand l'enfant vint au monde[5]. Il salua avec joie cette naissance, qui donnait un héritier de plus à la couronne, et se rendit à Notre-Dame pour rendre à Dieu des actions de grâces[6]. Le nouveau-né fut baptisé dans l'église de Saint-Paul, et tenu sur les fonts par Charles d'Albret, auquel le Roi venait de remettre l'épée de connétable ; par Charles de Luyrieux, gentilhomme savoisien, et par Jeanne de Luxembourg, dame de la Reine[7]. Un moment installé dans l'hôtel du Petit-Musc[8], non loin de l'hôtel Saint-Paul où résidait Charles VI[9], il fut élevé dans cette dernière demeure, au sein d'une opulence attestée par les documents du temps.

Le grand berceul à parer, qui avait servi aux frères de Charles, fut remis à neuf pour son usage, et l'on refit les quatre pommeaux de fin cuivre doré émaillés aux armes de la Reine[10]. Il avait, en outre, deux autres berceaux, dont l'un, en bois de sapin d'Irlande, était peint de fin or bruny, et muni d'un écran au chevet[11]. La couche était garnie de duvet et d'une plume appelée fleurin[12]. Dès le lendemain de sa naissance, nous voyons acheter deux écrans neufs[13], destinés sans doute à le protéger plus encore contre l'air que contre le feu, car, en ces temps, on avait beau feutrer les fenêtres, on ne se mettait guère à l'abri du froid. Ses premiers jouets furent un hochet d'argent doré, et une chaise d'argent incrustée dans un petit tableau[14] ; un peu plus tard on lui donna, pour s'amuser quand il était mal disposé, un petit chaudron de laitton (cuivre jaune)[15] ; et, le 15 février 1404, on achetait une harpe, du prix de trente-six sous, qui fut délivrée aux gens de Monseigneur de Pontieu, pour en jouer devant ledit seigneur[16].

Mais si les habitudes luxueuses de la Reine furent introduites autour du berceau de l'enfant, il ne paraît point que les soins maternels aient été ni tendres ni assidus. Isabeau fut, malgré l'assertion contraire du dernier historien de Charles VII, une mère indifférente avant de devenir une implacable marâtre[17]. Elle poussait si loin l'oubli de ses devoirs, qu'elle restait parfois des mois entiers sans embrasser ses enfants. Dans un moment de lucidité, Charles VI voulut savoir la vérité à cet égard : il interrogea son fils aîné, qui répondit qu'il y avait trois mois que sa mère ne l'avait embrassé[18]. Insouciante et frivole, elle se livrait à tous les plaisirs avec une fougue qui n'avait plus la jeunesse pour excuse. Le duc d'Orléans était le compagnon habituel de cette vie de dissipation, à laquelle les murmures populaires n'opposaient aucun frein. Indifférents à la défense du royaume, dit un grave auteur du temps, la Reine et le duc mettaient toute leur vanité dans les richesses, toute leur jouissance dans les délices du corps ; ils oubliaient tellement les règles et les devoirs de la royauté, qu'ils étaient devenus un objet de scandale pour la France et la fable des nations étrangères[19]. Dans un sermon prononcé à la Cour en 1405, le jour de l'Ascension, le moine augustin Jacques Le Grand ne craignit pas d'élever la voix et de flétrir publiquement la conduite de la Reine : La déesse Vénus, s'écria-t-il, règne seule à votre Cour ; l'ivresse et la débauche lui servent de cortège, et font de la nuit le jour, au milieu des danses les plus dissolues... Partout, ô Reine, on parle de ces désordres, et de beaucoup d'autres, qui déshonorent votre Cour[20]. On peut penser quel scandale causa une telle hardiesse. Le bruit en vint jusqu'aux oreilles du Roi. Mais, loin de se fâcher, il loua la franchise du religieux, et déclara qu'il voulait l'entendre prononcer un sermon dans son oratoire, le jour de la Pentecôte[21].

Fils d'un père imbécile et d'une mère débauchée, le petit Charles trouva du moins, près de ceux qui l'entouraient, des cœurs affectueux et des soins vigilants. Il eut pour gouvernante Jeanne du Mesnil, qui appartenait à une famille attachée à la maison d'Orléans, et, soit au service du comte de Ponthieu, soit à celui de Marie d'Anjou (à partir de 1419), ne cessa de donner des marques d'un inaltérable dévouement[22]. Sa nourrice était une femme de qualité, Jeanne de Chamoisy, probablement sœur d'un des écuyers de la Reine[23]. Il eut pour barceresse (berceuse) Ouzanne Riou (qui devint plus tard sa demoiselle), et pour femme de chambre Margot de Sommevère[24]. L'enfant fut élevé au petit pot : cela est établi par les comptes, qui parlent sans cesse de la fleur qui servait à son alimentation, de la paielle (poêlon) et de la cullier d'argent blanc pour faire la bouillie à monseigneur messire Charles de France, du pot d'argent à mettre lait, des serviettes délivrées à ses femmes pour mettre devant lui quant on lui donne sa boullye[25]. — Le comte de Ponthieu, — c'est le nom qu'on lui donna de bonne heure et qu'il devait garder jusqu'à l'âge de quatorze ans[26], — avait encore son aumônier, Jean de Mantes, et son clerc de chapelle, Jean de Montmoret[27].

Les comptes, où nous trouvons ces renseignements, nous initient à certains détails qui, malgré leur minutie, ne seront point déplacés ici. Les bonnets et les brasseroles du petit Charles sont en écarlate vermeille de Bruxelles ; ses béguins, ses bavettes, ses couvre-chefs, en toile de Reims[28]. En juillet 1403, on lui fait un mantel d'écarlate vermeille, et un autre de vert gai de Londres[29]. Dès le mois de septembre, il a une houppellande et des chapperons d'écarlate vermeille, et on lui fait, comme à ses frères et sœurs, une houppelande à grans decoppeures en vert herbeux de Bruxelles[30]. Comme eux aussi, à partir du second semestre de 1403, il a part aux distributions d'anis et de noix confits, de sucre rosat, d'orengeat, de citron, de coriende, etc., qui se font chaque mois pour la bouche des enfants royaux[31]. Le comte de Ponthieu a, pour son usage personnel, six tasses d'argent blanc, six écuelles de même à ses armes, une aiguière d'argent verrée, et deux pots d'argent blanc[32]. Le 24 avril 1404, on livre, pour servir à le baigner, un grant bacin de laitton à deux ances[33] ; vers le même temps, Jean Clerbout, orfèvre de la Reine, fait pour lui une ceinture d'or ferrée au long, la ferrure mise sur un tissu noir[34]. Dès le mois d'avril 1404, il a, comme les ducs de Guyenne et de Touraine, un chapeau de cil, doublé de cendail noir, garni d'une plume et d'un lien de soie et d'or de Chypre tout autour, à deux frères d'or[35]. A la mort du duc Philippe le Hardi, il prend le deuil, ainsi que ses frères[36].

A mesure qu'il grandit, l'enfant se trouve le plus souvent confondu avec ses frères dans les dépenses d'habillement qui remplissent les comptes. Il a des brasseroles d'écarlate fourrées de menu vair (novembre 1405) ; ses houppelandes sont d'écarlate vermeille, de vert gai, de noir ou de gris de Montivilliers, et parfois fourrées de gris ou de menu vair ; ses doublets (gilets-corsets) de satin noir doublés d'écarlate vermeille ; ses chaperons d'écarlate ou de drap de Damas vert ; il a des chausses mi-parties d'écarlate et de blanc, et des chapeaux de cil blanc ou noir, à plumes[37]. On trouve mentionnés, et la chaière de chambre, et le bassin de laiton pour la chaière nécessaire[38]. En novembre 1405, nous voyons acheter un coffre pour servir à mettre les vestemens de la chapelle monseigneur de Pontien, lequel sert à faire autel en icelle[39]. L'enfant avait donc déjà sa chapelle, qui devait jouer un si grand rôle dans son existence. En avril 1407, on lui fait, avec de l'écarlate vermeille de Bruxelles, une robe royale de quatre garnemens, c'est assavoir cloche, surcot clos, surcot ouvert et cotte simple, plus deux grands chaperons doubles et deux simples, évidés par dessous et au visage[40]. En mai 1408, il porte des houppelandes longues, des huques de veluiau figuré, broché d'or, des pourpoints de même étoffe ; et, pour fêter le mai, on confectionne pour lui, comme pour ses frères, une houppelande de drap vert gai, richement ornée de broderies[41].

On n'a guère de renseignements sur la première enfance du comte de Ponthieu. Mais on sait dans quelle atmosphère agitée il vécut jusqu'à l'âge de dix ans, et l'on peut le suivre à travers les épisodes tragiques ou sanglants qui signalèrent cette période et durent laisser leur empreinte dans sa jeune imagination.

Un jour (août 1405)[42], à peine âgé de deux ans et demi, il est jeté dans une barque, avec ses frères, emmené furtivement à Vitry, et conduit de là en chariot, à Villejuif. Le lendemain, sur le chemin de Pouilly, où les petits princes allaient rejoindre leur mère et le duc d'Orléans, apparaît soudain, à main armée, le duc de Bourgogne. — Jean sans Peur, après une violente altercation avec le duc de Bavière, frère de la Reine, qui commandait l'escorte, tranche lui-même, d'un coup d'épée, les traits des chevaux, et fait ramener à Paris les trois enfants, lesquels sont logés au Louvre, sous la garde du duc de Berry[43]. Bientôt la capitale se remplit d'hommes armés ; les rues sont tendues de chaînes ; on ferme les portes, qui n'avaient point été closes depuis vingt-quatre ans ; des rondes nocturnes sillonnent les rues ; l'émeute gronde, et les cris : Alarme ! Alarme ! retentissent de toutes parts. C'est dans ces agitations et ces terreurs que s'écoulent, pour les enfants de France, les derniers mois de 1405.

Deux ans après (23 novembre 1407), c'est le duc d'Orléans qui, dans la vieille rue du Temple, non loin de la résidence royale, tombe sous les coups d'assassins armés par Jean sans Peur. L'année 1408 est très agitée : le 11 mars, les jeunes princes sont emmenés secrètement à Melun par leur mère, et y restent jusqu'au 26 août, au milieu des gens de guerre ; le 5 novembre, ils repartent avec Isabeau pour suivre la Cour, qui fuyait le duc de Bourgogne, et, après avoir séjourné à Tours et à Chartres, ils rentrent à Paris le 21 mars 1409. Mais bientôt, la Reine se transporte de nouveau à Melun, pendant que Jean sans Peur règne en maître dans la capitale, et que la Commune y exerce ses violences. Quand le jeune Charles revint (décembre 1409), il put voir, pendu au gibet, le corps du grand maître Jean de Montaigu, exécuté le 17 octobre par ordre du duc de Bourgogne : ce corps ne devait disparaître que trois ans plus tard[44] !

Après un court moment de répit, en 1410, la guerre recommence entre les princes. Paris est sous la domination des bouchers, et les bourgeois eux-mêmes prennent la fuite. La Reine se retire encore une fois à Melun avec ses enfants (juin 1411)[45]. C'est pendant ce séjour que le comte de Ponthieu reçoit en présent de sa mère un roncin bay, du prix de 75 livres 5 sous tournois, acheté à la foire du Lendit[46] ; il avait alors huit ans et demi. Isabeau rentra dans la capitale le 11 septembre[47] ; mais, pour être plus en sûreté, elle alla s'établir au bois de Vincennes. Cette fois le jeune Charles, de son logis du palais du Louvre, put voir les soldats anglais amenés dans Paris par le duc de Bourgogne[48], et entendre le bruit des exécutions sanglantes par lesquelles Jean sans Peur célébrait son triomphe. Pendant l'expédition contre le duc de Berry (5 mai 1412), où le duc Jean conduisit l'infortuné Charles VI, dont chacun se servait comme d'un jouet, la Reine se tint à Melun[49], et une grande fête y fut célébrée quand le Roi revint à la tête de son armée (7 septembre). La Cour rentra ensuite à Paris, où la Reine se résigna à subir la loi du duc de Bourgogne.

L'année suivante (28 avril 1413) éclate la grande révolution cabochienne. La famille royale est à la merci des bouchers, auxquels se mêlent des familiers du duc de Bourgogne. L'hôtel Saint-Paul est envahi ; les portes sont enfoncées ; on fouille tout le palais, et l'on se saisit du duc de Bar, des serviteurs du duc de Guyenne, de ceux même du Roi. Michel de Vitry est arraché brutalement des mains de la duchesse de Guyenne, propre fille du duc de Bourgogne, qui cherchait à le sauver. Quelques jours plus tard, nouvelle attaque à main armée et nouvelles arrestations : le duc de Bavière, frère de la Reine, est emmené prisonnier, avec un grand nombre de personnes des hôtels du Roi, de la Reine, des princes et princesses. Quatorze des dames d'Isabeau sont saisies dans les chambres les plus secrètes, où elles avaient cherché un refuge, et enlevées de vive force. On rapporte que la Reine, outrée de tels excès, en tomba malade[50]. Jour et nuit des rondes se font autour du palais, sous prétexte de veiller à la sûreté du Roi et du duc de Guyenne. Le chaperon blanc, signe de ralliement de la sédition, est imposé à Charles VI et à ses fils. La terreur règne ainsi pendant trois mois, et l'échafaud est dressé en permanence[51]. Enfin l'intervention du roi de Sicile, du duc d'Orléans, d'autres princes du sang, amène une réaction, à la tête de laquelle se placent le Parlement et l'Université, qui met fin à ces orgies populaires : le 3 août, les prisonniers sont délivrés ; le 8, la paix est publiée ; le 31, le roi de Sicile et les princes font leur entrée dans Paris[52].

C'était une phase nouvelle qui commençait. Elle fut marquée par un événement considérable pour la destinée du comte de Ponthieu, aussi bien que pour l'avenir de la France. La politique du duc de Bourgogne avait toujours tendu à s'emparer des héritiers du trône. Le duc de Guyenne, uni à sa fille Marguerite, était sous sa main ; le duc de Touraine ; marié à sa nièce Jacqueline de Bavière[53], résidait en Hollande[54], et se trouvait à sa discrétion. Restait le comte de Ponthieu : l'alliance qu'il contracta, le 18 décembre 1413, l'enleva tout à la fois au milieu agité où il avait vécu et à l'influence bourguignonne.

11 était une maison, depuis longtemps rivale de la maison de Bourgogne, qui, si elle ne se fût imprudemment lancée à la recherche d'un trône lointain, eût pu maintenir la prépondérance dont elle jouissait à la mort de Charles V, et combattre efficacement les desseins ambitieux de Jean sans Peur : nous voulons parler de la maison d'Anjou. Louis Ier, duc d'Anjou, avait fait voile vers l'Italie, en 1382, pour aller prendre possession du royaume de Naples que lui avait légué Jeanne de Sicile, et y avait trouvé la mort deux ans plus tard. Son fils, Louis II, couronné, en 1389, à Avignon, par le pape Clément VII, poursuivit l'entreprise de son père ; il avait été marié, dans un but politique, à une princesse d'un rare mérite et d'une incomparable, beauté[55] : Yolande d'Aragon, fille du roi Jean Ier et de Yolande de Bar, et petite-fille du roi de France Jean. Le dernier et habile historien de René d'Anjou a raconté les circonstances singulières dans lesquelles s'accomplit cette union, qui devait être plus précieuse encore pour la France que pour la maison d'Anjou. Les hommes, ajoute-t-il, en espéraient des fruits qui ne se réalisèrent pas. Mais Dieu, qui comprend mieux que nous notre bonheur, en fit découler des avantages bien plus précieux : au lieu de provinces, au lieu d'appuis ou de droits nouveaux, la maison royale acquit par là une femme supérieure, une de ces reines mères comme l'Espagne en a donné plusieurs fois à notre pays, mais tempérant par un mélange de sang français les qualités énergiques de sa race paternelle[56].

Le duc d'Anjou — que les contemporains désignent habituellement sous le nom de roi de Sicile — était resté étranger aux factions qui partageaient la Cour. Jean sans Peur rechercha son alliance, et, par un traité en date du 22 octobre 1407, la main de Catherine de Bourgogne fut promise au fils aîné de Louis, alors âgé de quatre ans. Mais le meurtre du duc d'Orléans, dont le roi de Sicile reçut l'aveu de la bouche même de son cousin, la conduite astucieuse et déloyale du duc de Bourgogne, ses incessantes prises d'armes, le décidèrent un peu tardivement il est vrai[57] — à rompre cette alliance : en novembre 1413, peu après son entrée dans la capitale, Louis d'Anjou fit reconduire en grande pompe la jeune, princesse à son père, et lui restitua tout son trousseau[58]. L'affront était sanglant ; la rupture fut irrémédiable.

C'est à ce moment que fut-conclu le mariage qui devait resserrer les liens déjà existants entre la branche d'Anjou et la maison régnante. Le 21 octobre 1413, la reine Yolande quittait Angers et rejoignait son mari le 30, au château de Marcoussis, où elle séjourna en novembre et décembre, tandis que le roi de Sicile suivait à Paris les négociations[59]. La princesse qu'on destinait au comte de Ponthieu était née le 14 octobre 1404, et avait par conséquent vingt mois environ de moins que son fiancé. Quand les pourparlers furent terminés, Yolande se rendit à Paris, et visita la reine Isabeau à l'hôtel Barbette ; celle-ci lui fit de très riches présents[60]. La cérémonie des fiançailles eut lieu au Louvre, dans les derniers jours de décembre[61], en présence de la Reine, du roi et de la reine de Sicile, du duc de Guyenne, frère de Charles, du duc d'Orléans, des comtes d'Eu, de Vertus et d'Armagnac. Le Roi, alors dans aine de ses crises, ne put y assister[62].

Le 5 février, la reine Yolande s'éloignait de la capitale[63], en compagnie de son futur gendre et de sa fille : le comte de Ponthieu devait rester sous son aile jusqu'au jour où il serait appelé par les événements à un rôle politique.

Que devint le jeune Charles pendant ces années fécondes où, sous la direction de la sage Yolande, il allait se former au rôle que lui destinait la Providence ? Nous le trouvons accompagnant sa belle-mère en Anjou et en Provence, mêlé à l'éducation et aux jeux de ses beaux-frères Louis et René, le premier du même âge que lui, le second plus jeune de six ans. Le comte de Ponthieu séjourna d'abord à Angers, où il arriva le 21 février, et où le roi de Sicile rejoignit les siens au mois de juillet ; en septembre, il est à Saumur ; en octobre, à Tours[64] ; le 26 janvier 1415, il part, avec Yolande et sa fiancée, pour la Provence, où le roi de Sicile les avait précédés[65]. L'hiver et une partie de l'été se passèrent à Tarascon : ce séjour fut, pour cet enfant de douze ans, une heure charmante, mais bien fugitive, de calme et de bonheur, au milieu d'une existence traversée jusque-là par tant d'agitations et vouée dans l'avenir à de si rudes épreuves. Que de fois, dans le cours de sa vie, au milieu des labeurs et des misères de sa royauté naissante ou parmi les tristesses de sa vieillesse, ses souvenirs rie se reportèrent-ils pas vers ces années d'enfance, écoulées sur les bords de la Loire ou sous le ciel de la Provence, où pour La première fois, il avait appris ce que c'est qu'une mère, où il avait pu goûter un instant les douceurs de la famille !

Les événements devaient abréger ce séjour en Provence : une invasion anglaise était imminente, et tous les princes du sang devaient se serrer autour du trône ; en arrivant dans le Maine, au commencement d'octobre, le roi de Sicile apprit coup sur coup la descente d'Henri V à Harfleur et la perte de cette ville. Charles VI venait de se rendre à Rouen pour préparer la résistance ; Louis II se hâta de l'y joindre : il partit le 12 octobre, laissant le comte de Ponthieu près de sa femme[66]. Le 20, il assista au Conseil où fut discutée la marche à suivre pour arrêter l'ennemi ; et où l'on décida de livrer bataille[67]. Cinq jours plus tard, la France subissait à Azincourt le plus cruel et peut-être le plus irréparable des désastres que les Anglais aient Infligés à nos armes. Revenu à Paris avec la Cour, le roi de Sicile se trouvait à Angers le 20 décembre[68]. C'est à cette époque que, sur la présentation du duc de Guyenne, le Roi donna au comte de Ponthieu une charge importante, la capitainerie du château de Vincennes[69]. Nous avons l'original d'une lettre missive adressée à ce sujet à la Cour des Comptes, le 23 novembre 1415[70].

Le comte de Ponthieu ne fut point, comme le prétend Monstrelet, mêlé aux événements de cette année ; il ne parut ni à Rouen, au Conseil du 20 octobre, ni à Paris, à celui où l'on décida d'appeler le comte d'Armagnac : il demeurait paisiblement à Angers, sous la garde de la reine Yolande[71]. Il y resta même bientôt seul. La mort du duc de Guyenne, ce prince frivole, adonné à une vie inutile et luxueuse, usé par des excès précoces, qui survint le 18 décembre 1415[72] ; l'arrivée de l'empereur Sigismond à Paris (1er mars 1416), forcèrent le roi de Sicile à y revenir, et la reine l'accompagna[73]. C'est pendant leur séjour qu'un complot, tramé par la faction bourguignonne, faillit amener le massacre d'une partie de la famille royale, et en particulier de la reine de Sicile. Les révélations d'une femme amenèrent la découverte de la conspiration, et les mesures énergiques prises par le prévôt de Paris, Tanguy du Chastel, empêchèrent seules le coup d'aboutir[74].

Le nouveau Dauphin, Jean, duc de Touraine, résidait à la Cour du comte de Hainaut, son beau-père, et, malgré les sollicitations qui lui étaient faites, ne se hâtait pas de se rendre dans la capitale. Le duc de Berry, dernier survivant des frères de Charles V, qui, malgré son grand âge, tenait encore une grande place dans le Conseil, disparut à son tour le 15 juin 1416. En l'absence de son frère, le comte de Ponthieu fut appelé à recueillir l'héritage politique du duc. Il quitta Angers, le 16 juin[75], pour rejoindre ses beaux-parents, et fut nommé capitaine général de Paris, en remplacement du duc de Berry[76]. Le 15 juillet, il reçut en apanage le duché de Touraine, et en fit hommage le même jour entre les mains du Roi[77]. La maladie de Charles VI, les infirmités croissantes de la reine Isabeau laissaient au roi de Sicile tout le poids du gouvernement ; il avait alors la présidence du Conseil[78], et, sous son habile direction, Charles allait pouvoir s'initier aux affaires. Le duc, de Touraine, bien qu'âgé de moins de quatorze ans, paraît au Conseil à partir du 3 septembre 1416[79].

Le roi Louis, dans ce poste élevé, était en butte aux animosités de plus en plus ardentes du duc de Bourgogne, qui le regardait comme son ennemi personnel : profitant de l'absence du connétable d'Armagnac, occupé à combattre les Anglais, Jean sans Peur tenta de faire enlever Louis aux portes mêmes de la capitale[80]. Mais la mort ne devait pas tarder à le délivrer de ce rival redoutable : en proie à un mal qui le minait lentement, le roi de Sicile dut, après les fêtes de Noël, quitter Paris, et se retirer en Anjou[81], où il mourut quatre mois plus tard (29 avril 1417).

Le duc de Touraine restait seul et sans guide sur la scène politique où il avait été appelé si jeune.

Lors des négociations entamées pour faire revenir à Paris le Dauphin Jean, nous le voyons suivre sa mère et le duc de Bretagne à Senlis (11 janvier-24 février 1417)[82] ; il assiste au Conseil du 30 mars, où le comte de Hainaut, qui s'était fait dans cette mission l'agent de Jean sans Peur, déclara avec violence qu'il mettrait le Dauphin dans Paris avec le duc de Bourgogne, ou que sinon il le ramènerait en Hainaut. Mais soudain l'on apprend que le jeune prince, saisi d'un mal subit, vient d'être emporté (5 avril 1417).

Charles est désormais le Dauphin : par lettres du 13 avril, le Roi lui donne le Dauphiné, avec toutes les prérogatives attachées à son titre[83].

 

 

 



[1] Monsieur (il faut lire Monseigneur), Charles de France, quint fils du Roy, fust né en l'hostel de S. Pol à Paris, environ deux heures après minuict, le vingt-deuxiesme jour de février 1402. Extrait des Mémoriaux de la Chambre des Comptes, d'après un missel de la chapelle du roi Charles VI, dans les Annotations de Denys Godefroy au Recueil des Historiens de Charles VI, p. 732.

[2] Voici quels furent les enfants de Charles VI et d'Isabeau : 1° Charles, né le 25 septembre 1386, mort le 28 décembre suivant ; 2° Jeanne, née le 14 juin 1388, morte en 1390 ; 3° Isabelle, née le 9 novembre 1389, morte le 13 septembre 1409 ; 4° Jeanne, née le 24 janvier 1391 ; 5° Charles, né le 6 février 1392, mort le 13 janvier 1401 ; 6° Marie, née en juillet ou août 1393, morte peu après ; 7° Michelle, née le 12 janvier 1395 ; 8° Louis, né le 22 janvier 1397 ; 9° Jean, né le 31 août 1398 ; 10° Catherine, née le 27 octobre 1401 ; 11° CHARLES ; 12° Philippe, né le 10 novembre 1407, mort le même jour. Voir Notes sur l'état civil des princes et princesses nés de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, par M. Vallet de Viriville. Bibliothèque de l'École des chartes, t. XIX, p. 473-82.

[3] Guillaume Fillastre, Histoire de la Thoyson d'or. Ms. fr. 2621, f. 101. — La Thoison d'or de Guillaume Fillastre a eu plusieurs éditions au XVIe siècle (la première est de 1516), mais elles sont moins complètes que les versions manuscrites ; la 3e partie manque dans les imprimés. Voir sur ce manuscrit une notice de M. Léopold Delisle, dans la Revue des Sociétés savantes, t. IX, p. 152.

[4] D'après le témoignage d'un homme compétent qui s'est livré à l'étude de ce problème, Charles VI n'était pas, à vrai dire, atteint de démence, ce mot exprimant aujourd'hui l'affaiblissement ou l'abolition entière de l'intelligence. L'affection du roi était une manie furieuse, c'est-à-dire un délire général sans séries prédominantes, mais au contraire rapides, confuses, incohérentes, exprimées avec agitation, avec des cris, des chants, des menaces, des mouvements désordonnés ou tumultueux, avec des dispositions à la colère, à la fureur. De la maladie de Charles VI, roi de France, et des médecins qui ont soigné ce prince, par le docteur A. Chéreau, dans l'Union médicale des 20 et 27 février, 6 et 13 mars 1862.

[5] Un problème auquel, quelque délicat qu'il soit, nous ne pouvons nous dispenser de toucher en passant, est celui de la légitimité de la naissance de Charles VII. On sait les doutes du jeune prince au moment où, le bras de Dieu semblant l'abandonner, il fut près de s'abandonner lui-même : Jeanne d'Arc parut, et dans cette scène mystérieuse mentionnée par les contemporains, elle lui dit ces paroles solennelles qui répondaient à sa pensée intime : Je te dis de la part de Messire que tu es vray héritier de France et fils du Roy.

Cherchons dans les documents contemporains des renseignements sur l'état morbide de Charles VI au mois de mai 1402. Au commencement du mois, il y eut à la Cour une joute à laquelle prit part Charles VI, et qui parait avoir eu lieu le 10 (le Xe jour de may IIIIe et deux que le dit seigneur volt jouster) : les comptes sont pleins de mentions relatives aux habillements du roi, aux deux demi-corps de veluiau noir sur soie et aux deux plates que lui et son frère le duc d'Orléans devaient porter ; au harnais, aux timbres, à la selle de jouste, etc. (KK 35, f. 69 à 77 v°). La joute dura deux jours (achat d'un autre timbre pour le second jour de la feste). — Presque aussitôt, et si nous en croyons les auteurs du temps, avant la Pentecôte, qui tomba le 14 mai en cette, année, Charles éprouva un accès de folie (Religieux de Saint-Denis, t. I, p. 28 ; Cf. Jouvenel des Ursins, p. 147). Le samedi après la Pentecôte (20 mai), il était encore dans sa crise, quand parut un édit du duc d'Orléans pour la levée d'une imposition générale. Ce n'est que dans les premiers jours de juin que le roi recouvra la raison (Religieux, p. 28 et 43 ; Jouvenel, p. 147). Il éprouva une rechute au milieu du mois de juillet, se remit le 1er octobre, pour retomber le 3. Au commencement de février, il était rétabli. — D'autre part, en ouvrant les Comptes de la Reine pendant l'année 1402, nous voyons qu'Isabeau séjourne au mois de mai à l'hôtel de Saint-Paul, résidence de Charles VI. Le 14 mai, elle dîne au palais, soupe et couche à Saint-Ouen ; les 21 et 28 mai, elle est à l'hôtel de Saint-Paul, où elle reste pendant la plus grande partie de l'année, sauf quelques séjours à la Porte-Barbette (KK 45, passim.). Ces faits et ces dates peuvent jeter quelque lumière sur la question.

[6] Cum exhuberante letitia, dit le Religieux de Saint-Denis (t. III, p. 68). — On a une ballade d'Eustache des Champs, composée pour la naissance d'un Charles ; mais ce Charles est vraisemblablement le second fils de Charles VI, qui n'atteignit pas sa 10e année. Quoi qu'il en soit, cette ballade, ou plutôt cet horoscope, s'applique fort bien à notre prince. En voici le début :

Douce France pran en toy reconfort ;

Resveille-toy, soies de joie plaine :

Car cilz est nes qui doit par son effort

Toy restorer. C'est le Roy Charlemaine.

Charles a nom, qui de jour en jour maine

Les osts pour toy. Son fils doit recouvrer

Ce qu'as perdu accroistre ton demaine

Et conquerir la terre d'oultremer.

(Ms. fr. 840 (anc. 7519), p. 303 v° ; cité par M. Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 2.)

[7] Religieux de Saint-Denis, t. III, p. 68 ; Berry, ap. Denys Godefroy, Historiens de Charles VI, p. 412 ; Raoulet, dans la Chronique de Jean Chartier, t. III, p. 144. Jeanne de Luxembourg est souvent nommée dans les Comptes d'Isabeau : Mademoiselle de Luxembourc, qui est continuellement ou service de la Royne, lit-on dans le 35e Compte de l'Hôtel (KK 45, f. 176) ; elle avait six cents francs de pension par an, et reçut de la Reine, le 28 février 1403, 4 aunes de drap pour lui faire une robe à la livrée de sa gésine. (KK 43, f. 5.) — Insignis et devotissima domicella de Lucemburgo, dit le Religieux de Saint-Denis.

[8] A lui (Hance, sceillier) pour avoir fenestrées et mises à point les fenestres de la chambre Monseigneur messire Charles de France, en l'ostel de Petit-Mure (vers le 30 septembre). Compte de l'argenterie de la Reine, Archives, KK 43, f. 40. M. Vallet de Viriville a publié, en 1857 et 1858, des extraits des comptes de cette période, dans le Cabinet historique (t. III, p. 241), et dans l'appendice de la Chronique de Jean Chartier (t. III, p. 257). — L'hôtel du Petit-Musc appartenait au duc d'Orléans, auquel, d'après M. Vallet, Charles VI l'avait donné (Isabeau de Bavière, p. 13).

[9] L'hôtel de Saint-Paul, appelé par Charles V l'Hostel des grands esbattemens, dit M. Legrand dans son intéressant travail intitulé Paris en 1380 (Paris, 1868, in-4°, p. 59 ; note 2), comprenait un immense terrain entre Saint-Paul, les Célestins, le Champ au Piatra et la rue Saint-Antoine. Ce n'était point, ainsi qu'on pourrait le croire, un palais d'un seul tenant, comme les Tuileries ou le Louvre, mais un amas de maisons plus ou moins grandes, que le roi achetait quand l'occasion s'en présentait, et qu'il appropriait ensuite, en laissant subsister certaines servitudes et certaines enclaves. C'est ainsi qu'il y avait l'hôtel de la Conciergerie, l'hôtel d'Étampes, l'hôtel de Pute-y-Muce et l'hôtel de Beautreillis. Tous ces hôtels étaient entourés de grands jardins, lesquels étaient ornés de treilles posées sur des berceaux en charpente ou en menuiserie, suivant le goût du temps.

[10] A lui (Raoulet du Gué, huchier), pour avoir mis à point le berseul de parement et avoir reglué (sic) les pièces qui y estoient rompues, refait III piez tous neufs et referées toutes les fueilles des autres pilliers, pour ce c. s. p. (KK 42, f. 110 v°.) — A Guillaume de Jumeaulx, lormier, demeurant à Paris.... pour sa peine et salaire d'avoir fait et livré un pommeau de fin cuivre doré, ycellui avoir esmaillié aux armes de ladicte dame et avoir redoré et remis à point III autres semblables pommeaulx et iceulx clouez et atachez au berceul de Monseigneur messire Charles de France, IIII l. X s. p. (Id., f. 115).

[11] A lui (Raoulet du Gué, huchier) pour avoir fait un berceul tout de bort (bois de sapin) d'Irlande, où il a un escren au chevet, et une bersouere bordée ; avec un autre berseul et une grande bersouere pour l'enfant dont, au plaisir de Dieu, la Royne accouchera briefvement, pour ce XII l. XVI s. p. (KK 42, f. 110 v°.) — A lui (Girard de Blainneteau, paintre, demeurant à Paris) pour avoir paint de fin or bruny un berseul et une bersouere pour Monseigneur messire Charles de France, derrenier né, XVI l. IIII s. p. (Id., f. 105 v°).

[12] Pour XII livres de fin duvet mis et employé en la couste et coussin dudit lit, etc. Pour XXIIII livres de plume nommée fleurin, qu'il a mises et emploiées en ladicte couste et audit coussin, etc. (Id., f. 117).

[13] Pour deux escrans neufs achattés par les maistres d'ostel huit sous la pièce, vendredi XXIIIe jour de fevrier. (KK 45, f. 169 v°.)

[14] A lui (Jehan Clerbout, orfèvre) pour avoir fait un hochet d'argent doré pour Monseigneur messire Charles de France. — A lui pour avoir fait pour Monseigneur messire Charles de France, en un petit tableau de painture, une chaiere d'argent pesant 2 onces et demie. (KK 43, f. 28 et 29 v°.)

[15] A lui pour un petit chauderon de laitton, qu'il a baillié et livré pour faire jouer et esbattre ledit seigneur, lequel estoit mal disposé. Pour ce, par marchié à lui fait le derrenier jour de juing (1404), XII s. p. (KK 43, f. 90 v°-91.)

[16] A Perrin Chappecel, pour une harpe prinse et açhetée de lui par le commandement et ordonnance de la Royne, et délivrée aux gens de Mgr de Ponthieu pour en jouer devant ledit seigneur, pour ce, le XVe jour de fevrier l'an mil CCCC et trois, XXXVI sols parisis. (KK 43, f. 88 v°.) La Reine d'Angleterre avait aussi sa harpe (f. 93).

[17] Mère tendre (quoi qu'on ait pu en dire) à l'égard surtout de ses jeunes enfants. (Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, t. I, p. 5.) M. Vallet dit encore (t. I, p. 3) que Charles fut élevé comme ses frères et sœurs par les soins et sous les yeux de sa mère Isabeau, qui se séparait peu de sa jeune famille. Or, les comptes de la Reine nous la montrent au contraire en plusieurs hostelz pendant la première enfance de Charles (Voir KK 45, f. 126 v°, 130 v°, 161, 170 et suiv. ; KK 46, f. 6). En 1404, elle ne va plus seulement d'un hôtel à l'autre ; elle quitte Paris, et nous la trouvons à l'hôtel du Séjour au Pont-de-Charenton, et au château de Crécy, où elle accomplit le voyage de Saint-Fiacre ; en mai 1405, elle va passer dix-neuf jours à Crécy et à Château-Thierry ; en juillet, elle passe encore neuf jours à Crécy et à Saint-Gemain (KK 46, passim).

[18] Quod Rex molestius ferens, et veritatem ab ore primogeniti cupiens extorquere, ipsi multis affabilibus verbis sciscitanti quantum materna oscula amplexibus et dulcifluo intermixta distulisset sibi regina exhibere, respondit quod per tres menses. (Religieux, t. III, p. 290, année 1405.)

[19] Religieux, t. III, p. 266.

[20] Religieux, t. III, p. 268.

[21] Religieux, t. III, p. 270. — Le moine ne perdit pas une si belle occasion de faire entendre de rudes vérités.

[22] Chronique de Jean Raoulet, publiée par M. Vallet dans son édition de Jean Chartier, t. III, p. 143 et 141, notes ; — KK 43, fol. 6. — Bertrand du Mesnil était valet tranchant du duc d'Orléans (Pièces originales, vol. 1946 : DU MESNIL). Simon du Mesnil était le premier échanson de la Reine (KK 46, f. 85). Jean et Hervé du Mesnil étaient en 1419 au service du Dauphin.

[23] Elle recevait 25 livres par mois, suivant un acte du 28 juin 1423. Le P. Anselme, Histoire généalogique, t. I, p. 115. — Jean de Chamoisy était un des écuyers de la Reine (KK 46, f. 30 v°).

[24] KK 43, fol. 8, 18 et 31 ; 46, fol. 61 v° et 103 v° ; 48, fol. 30 v° et 157. Margot de Sommevère fut remplacée en 1405 par Catherine du Puis.

[25] KK 45, fol. 170 ; KK 43 ; fol. 18, 31, 37 v°, 38 et 81.

[26] On le trouve ainsi désigné dès le mois de novembre 1403 (KK 43, fol. 56). — M. Vallet dit : Dès 1404 au plus tard. La mention que nous visons parait en effet, au premier abord, du 30 novembre 1404 ; mais, en y regardant de plus près, on voit qu'elle se rapporte nécessairement à l'année précédente ; par contre, la mention de juin 1403 (fol. 53), que nous avons citée dans la Revue des questions historiques (t. IX, p. 352, note 4), doit être reportée à 1404.

[27] KK 46, f. 157.

[28] KK 43, f. 5 8, 8 v°, 18, 58.

[29] KK 43, f. 8 v°.

[30] KK 43, f. 9 v° et 10.

[31] KK 43, passim.

[32] Les six tasses coûtèrent 42 l. 10 s. 6. d. p. ; les six écuelles 50 l. 15 s. 6. d. ; l'aiguière, 15 l. 13 s. 1 d. ; et les deux pots d'argent 74 l. 18 s. 9 d. (KK 43, passim.).

[33] KK 43, f. 90 v°.

[34] KK 43, f. 76.

[35] KK 43, f. 92 v°.

[36] KK 43, f. 92 v°.

[37] KK 43, passim. Cf. Extr. dans J. Charter, t. III, p. 260-61.

[38] 18 avril et 13 août 1405. KK 43, f. 128 et 121 v°.

[39] KK 43, f. 105 v°.

[40] KK 43, f. 198.

[41] KK 29, passim. Voir extraits, t. I, p. 264-67.

[42] La date est fixée par les auteurs du temps, mais d'une manière plus précise par les deux extraits suivants d'un Compte de l'Hôtel (KK 46, f. 93) :

Rize, varlet de sommiers de la Royne, envoié hastivement toute [nuit] porter lettres de ladicte darne à Jehan Le Blanc son argentier..., mercredi XIX jour d'aoust, la Royne disner à Poully, souper et giste à Meleun, argent . . . . . . . . . . XII s.

Jehan Le Charron, chevaucheur, envoié porter lettres de la Royne hastivement toute nuit à Paris à Mgr de Tancarville et à Mgr le grant maistre d'ostel du Roy..., jeudi XX jour d'aouet, la Royne à Meleun, argent . . . . . . . . . . XVI s.

[43] Les comptes nous montrent qu'ils y restèrent jusqu'à la fin de l'année, tandis qu'Isabeau résidait à l'hôtel Saint-Paul (KK 42, passim).

[44] Le 12 septembre 1412. — Sur tous ces faits, voir le Religieux de Saint-Denis, Jouvenel des Ursins et Monstrelet.

[45] Voir KK 48, f. 72 v°.

[46] KK 48, f. 64 ; Extr. dans J. Chartier, p. 268. — La foire du Lendit s'ouvrait le 12 juin.

[47] Cette date est donnée par Jouvenel, p. 232.

[48] Ils y restèrent jusqu'au mois de novembre 1412.

[49] Elle y était dès le 11 mars, jour où le duc de Bourgogne lui envoya en présent quatre petits singes (KK 48, f. 116 v°). — La Reine, pendant l'expédition de Bourges, prêta trente mille livres au Roi (Id., f. 110).

[50] Religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 46 ; Monstrelet, t. II, p. 351 et suivantes, 449.

[51] Il faut lire, sur la révolution cabochienne, le récit de la chancellerie royale qui fut adressé à toute l'Europe : lettres de Charles VI du 18 septembre 1413, Rymer, t. IV, part. II, p. 46-48. Il se retrouve dans la collection Moreau, 1424, n° 51 et 58.

[52] Monstrelet, I. II, p. 398 ; Religieux, t. IV, p. 131, etc.

[53] Par contrat du 30 juin 1406 (Anselme, Hist. généal., t. I, p. 114). Les promesses mutuelles des jeunes époux sont datées de La Haye, le 6 août 1415 (Du Mont, t. II, part. II, p. 45).

[54] J'ai trouvé aux archives de Grenoble une ordonnance de lui, donnée à La Haye le 18 janvier 1416 (B 2825, f. 40).

[55] Une des belles créatures qu'on peust point voir. (Jouvenel des Ursins, p. 144.) — Laquelle l'on disoit bien estre la plus vertueuse, sage et belle princesse qui feust en la chrestienté. (Bourdigné, éd. Quatrebarbes, t. II, p. 141.) — Son portrait se trouve dans un vitrail de la cathédrale du Mans ; il a été reproduit dans les Vitraux du Mans, par M. Hucher, et en dernier lieu dans la Jeanne d'Arc illustrée de M. Wallon, publiée par la maison Didot, p 47.

[56] Lecoy de La Marche, Le Roi René, t. I, p. 25-26 (Paris, 1875, 2 vol. in-8°).

[57] Il avait eu le tort grave de s'allier, en janvier 1412, avec Jean sans Peur.

[58] Voir à ce sujet le Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 160, et t. VI, p. 50 ; Jouvenel, p. 267 ; Berry, ap. Historiens de Charles VI, p. 427.

[59] Comptes de la Reine Yolande, KK 243, f. 23, v° 24. — D'après ces comptes, on voit que le Roi de Sicile quitta Yolande le 8 novembre pour se rendre à Paris et revint le 23 ; il repartit de Marcoussis le 29 novembre, et fut rejoint à Paris le 22 décembre par sa femme.

[60] Par lettres du 8 décembre 1413, la Reine avait commandé de payer les dépenses suivantes : 1.072 fr. pour six hanaps d'or à pied, émaillés de rouge clair au fond, destinés à la Reine de Sicile ; 80 fr. pour un diamant pointu, en un. anneau, donné au duc de Guise (René d'Anjou) ; 208 livres, pour une aiguière et un gobelet d'or, donnés au comte de Ponthieu ; plus un diamant de 66 l. 5 s., donné à une demoiselle de la Reine, Marie de Craon, et un hanap et une aiguière du prix de 48 l. 15 s., donnés à un conseiller de la Reine, Macé de Beauvau. Voir KK 48, f. 127 v. ; Extraits dans la Chronique de J. Chartier, t. III, p. 269.

[61] M. Vallet donne (t. I, p. 12), la date du 18 décembre, qui est indiquée par le Religieux de Saint-Denis ; mais cette date est contredite formellement par les comptes de Yolande, qui ne la font venir que le 22 décembre à Paris.

[62] Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 230. Cf. Berry, p. 427.

[63] Les comptes nous la montrent le 9 janvier à Marcoussis, où elle séjourne jusqu'au 30 ; elle va ensuite à Saint-Marcel-les-Paris, jusqu'au 5 février, date de son départ pour l'Anjou. KK 243, f. 24 v°, 25 ; Cf. f. 13 v°, 42, 45 v°, 51, etc.

[64] KK 243, f. 25 v°, 42, 45 v°, 51.

[65] KK 243, f. 42 v° et 45 v°.

[66] KK 243, f. 46 v°. — Ils étaient passés en septembre à Orléans, où ils avaient été logés au palais ducal (Voir Vallet, t. I, p. 17-18, et Catalogue Joursanvault, n° 3927).

[67] Monstrelet, t. III, p. 98.

[68] Le roi Louis, souffrant déjà de la maladie de vessie qui devait l'emporter, était arrivé par eau à Paris le 30 novembre ; il en repartit le 10 décembre (Jouvenel, p. 321-22). — La date de son arrivée à Angers nous est donnée par les comptes (KK 243, f. v°).

[69] Cité par le P. Anselme, t. I, p. 115, d'après mémorial H de la Chambre des Comptes. f. 37.

[70] Nous l'avons trouvée dans la collection Gaignières (Fr. 20437, f. 7). C'est la première lettre de Charles qu'on possède. Elle porte sa signature originale. Nous la donnerons dans les Pièces justificatives.

[71] Voir Monstrelet, t. III, p. 98 et 146. — J'avais, à l'exemple de M. Vallet (t. I, p. 18), eu le tort de suivre Monstrelet, dans mon étude sur le caractère de Charles VII (Revue des questions historiques, t. IX, p. 353). L'examen des Comptes de la reine Yolande ne laisse aucun doute à cet égard (KK 243, f. 46 v°).

[72] Du mercredy XVIIIe jour de decembre MCCCCXV. Ce jour Mgr Loys de France, aisné fils du Roy nostre sire, Dauphin de Viennois et duc de Guyenne, mouru, de l'aage de vingt ans ou environ ; bel de visage, souffisamment grant et gros de corps, pesant et tardif et po agile, volontaire et moult curieux à magnificence d'habits et joyaux circa cultum sui corporis, desirant grandeur d'honneur de par dehors, grant despensier à ornemens de sa chapelle privée... Et si avoit bon entendement tant en latin que en françois, mais il employoit po, car sa condicion estoit à present d'employer la nuict à veiller et po faire, et le jour à dormir ; disnoit à trois ou quatre heures après midy et souppoit à minuict et alloit coucher au point du jour ou à soleil levant souvent. Et pour ce estoit aventure qu'il vesquist longuement. Reg. du Parlem. dans Félibien, Histoire de Paris, t. IV, p. 560. Cf. Religieux, t. V, p. 586. — Voir sur le duc de Guyenne l'intéressant écrit du regrettable Léopold Pannier, les Joyaux du duc de Guyenne.

[73] Monstrelet, t. III, p. 135-36. — Le roi et la reine partirent d'Angers avec Mgr de Guise et Mgr René le 27 février. Le comte et la comtesse de Ponthieu restèrent à Angers (KK 243, f. 47). C'est donc à tort que Monstrelet fait venir le comte de Ponthieu à Paris à ce moment.

[74] Voyez les détails donnés par Monstrelet, t. III, p. 140-44. — Chose à remarquer, parmi ceux qui furent pris en flagrant délit et exécutés, figuraient de notables hommes que le chroniqueur désigne. Cf. Jouvenel, p. 334-33 ; Journal d'un bourgeois de Paris, p. 70 ; Reg. du Parlement, dans Félibien, t. IV, p. 561 ; Cousinot, Geste des Nobles, p. 160.

[75] KK 243, f. 47.

[76] Berry, ap. Godefroy, p. 431 ; Monstrelet, t. III, p. 146. Donna à Charles, son mainsné fils, dit Monstrelet, la capitainerie de Paris soubs le gouvernement du Roy Loys, son beau-père.

[77] Ordonnances, t. X, p. 371.

[78] Il figure parmi les signataires des ordonnances des 16 et 25 juin, 15 juillet, 3 septembre et 22 octobre. — Ordonnances, t. X, p. 369, 371, 372, 379, 382, 385.

[79] Ordonnances, t. X, p. 379.

[80] Voir les détails donnés par Monstrelet sur l'expédition du seigneur de Sores, qui parvint à se mettre en embuscade avec 600 combattants, entre Paris et l'église Saint-Laurent. Si estoient là alez, dit-il, pour prendre le Roy Loys de Cecile, à l'aide de quelques Parisiens. Cf. les détails qui se trouvent dans les lettres de Charles VI du 30 août contre les brigands bourguignons (Monstrelet, t. III, p. 151 et 155) ; voir aussi le Religieux, t. VI, p. 42-44, qui donne la date (13 août), et les Registres du Parlement, Archives, X1a, 1480, f. 64 v°, et dans Félibien, t. IV, p. 562.

[81] Le roi et la reine arrivèrent à Angers le 8 janvier. Archives, KK 243, f. 47 v°.

[82] Voir Monstrelet, t. III, p. 161 ; Religieux, t. VI, p. 51-53.

[83] Ordonnances, t. X, p. 404. L'original est aux archives de Grenoble, B 3178.