VIE DE JEANNE D’ARC

Tome II

CHAPITRE XV. — APRÈS LA MORT DE LA PUCELLE. - LA FIN DU BERGER. - LA DAME DES ARMOISES.

 

 

Après l’exécution, le soir, le bourreau, geignant et sans doute ivre, alla, selon sa coutume, mendier au couvent des frères prêcheurs. Cette brute se plaignait d’avoir eu grand mal à expédier Jeanne. Selon une fable imaginée plus tard, il aurait dit aux religieux qu’il craignait d’être damné pour avoir brûlé une sainte[1]. S’il avait tenu ce propos dans la maison du vicaire inquisiteur, il aurait été immédiatement jeté dans un cul de basse-fosse, jugé en matière de foi et en grand danger d’être traité comme celle qu’il nommait une sainte. Et comment n’eût-il pas cru que cette femme, condamnée par le bon père Lemaistre et monseigneur de Beauvais, était une mauvaise femme ? La vérité est qu’il se faisait auprès des religieux un mérite d’avoir exécuté une sorcière, et d’y avoir peiné, et il venait chercher son pot-de-vin. Un religieux, et précisément un frère prêcheur, frère Pierre Bosquier, s’oublia jusqu’à dire qu’on avait mal fait en condamnant la Pucelle. Bien qu’il eût parlé devant un petit nombre de personnes, ses propos furent dénoncés à l’inquisiteur général. Mis en accusation, frère Pierre Bosquier déclara en toute humilité que ses paroles étaient de tous points déraisonnables et sentant l’hérésie, qu’elles lui avaient échappé inconsidérément après boire. Il en demanda pardon à genoux et les mains jointes à notre sainte mère l’Église ainsi qu’à ses juges et seigneurs très redoutables. Eu égard à son repentir, en considération de ce qu’il avait parlé en état d’ivresse, et attendu la qualité de sa personne, monseigneur de Beauvais et le vicaire inquisiteur, usant d’indulgence à l’égard du frère Pierre Bosquier, le condamnèrent, par sentence du 8 août 1431, à tenir prison au pain et à l’eau, dans la maison des frères prêcheurs, jusqu’à Pâques[2].

Les juges et conseillers qui avaient siégé au procès de la Pucelle reçurent, le 12 juin, du Grand Conseil, des lettres de garantie. Était-ce pour le cas où ils seraient inquiétés par la justice de France ? Mais ces lettres leur eussent alors fait plus de mal que de bien[3].

La grande chancellerie d’Angleterre expédia des lettres en latin à l’empereur, aux rois et aux princes de la chrétienté, en français aux prélats, ducs, comtes, seigneurs et à toutes les villes de France[4], pour faire savoir que le roi Henri et ses conseillers avaient eu grande pitié de la Pucelle et que, s’ils l’avaient fait mourir, ç’avait été par zèle pour la foi et sollicitude pour tout le peuple chrétien[5].

L’Université de Paris écrivit dans le même sentiment au Saint-Père, à l’empereur et au collège des cardinaux[6].

Le 4 juillet, jour de Saint-Martin-le-Bouillant, maître Jean Graverant, prieur des Jacobins, inquisiteur de la foi, fit, à Saint-Martin-des-Champs, une prédication dans laquelle il rappela tous les faits de Jeanne la Pucelle et dit comment, pour ses erreurs et démérites, elle avait été livrée aux juges laïcs et brûlée vive.

Et il ajouta :

Elles étaient quatre, dont trois ont été prises, à savoir : cette Pucelle, Pierronne et sa compagne. Et il en reste une avec les Armagnacs, nommée Catherine de La Rochelle... Frère Richard, le cordelier, qui menait après lui une si grande foule d’hommes lorsqu’il prêchait à Paris aux Innocents et ailleurs, gouvernait ces femmes ; il était leur beau père[7].

La Pierronne brûlée à Paris, sa compagne mise au pain d’angoisse et à l’eau d’amertume dans les prisons d’Église, Jeanne brûlée à Rouen, le béguinage royal se trouvait presque entièrement anéanti. Il ne restait auprès du roi que la sainte dame de La Rochelle échappée des mains de l’official de Paris ; mais elle s’était rendue importune par l’indiscrétion de son langage[8]. Pendant qu’une si cruelle disgrâce frappait ses pénitentes, le bon frère Richard éprouvait lui-même la mauvaise fortuite. Les vicaires de l’évêché de Poitiers et l’inquisiteur de la foi lui avaient interdit la prédication ; le grand sermonneur, qui avait opéré tant de conversions dans le peuple chrétien, ne pouvait plus tonner contre les tablettes et les dés des joueurs, contre les hennins des dames et contre les mandragores vêtues d’habillements magnifiques ; il ne pouvait plus annoncer la venue de l’Antéchrist ni préparer les âmes aux effroyables épreuves qui devaient précéder la .fin prochaine du monde ; il avait ordre de garder les arrêts dans le couvent des cordeliers de Poitiers ; et sans doute il ne se soumettait pas très docilement à la sentence de ses supérieurs, car le vendredi 23 mars 1431, l’ordinaire et l’inquisiteur demandèrent, à cet effet, aide et confort au parlement de Poitiers, qui ne les refusa pas. Pourquoi ces rigueurs de la sainte Église à l’endroit d’un prêcheur capable de remuer si fort les âmes pécheresses ? On en peut tout au moins soupçonner la cause. Il y avait beau temps que les clercs anglais et bourguignons lui criaient à l’apostat et au sorcier. Or, telle était l’unité de l’Église et spécialement la communauté de doctrine qui régnait dans l’Église gallicane, telle était l’autorité ale l’Université de Paris, clair soleil de la chrétienté, qu’en se rendant suspect d’hérésie el, d’erreur aux yeux des docteurs du parti d’Angleterre et de Bourgogne, un clerc inspirait une extrême défiance au clergé de l’obéissance du roi Charles, même s’il apparaissait que l’Université avait opiné contre lui, touchant la foi catholique, en faveur des Anglais. Très probablement, la condamnation de la Pierronne et même le procès d’inquisition intenté à la Pucelle avaient fait quelque tort au frère Richard dans l’esprit des clercs de Poitiers. Ce bon frère, s’entêtant à prêcher la fin du monde, fut véhémentement soupçonné de mauvaise science. Sachant le sort qu’on lui préparait, il s’enfuit, et dés lors on n’eut plus de ses nouvelles[9].

Toutefois, les conseillers du roi Charles ne renonçaient point à employer aux armées de dévotes personnes. Au moment même où disparaissaient le bon frère Richard et ses pénitentes, ils mettaient en œuvre le jeune berger que monseigneur l’archevêque comte de Reims, chancelier du royaume, avait annoncé comme le successeur miraculeux de Jeanne. Voici dans quelles circonstances le pâtre fut admis à montrer son pouvoir :

La guerre continuait ; vingt jours après la mort de Jeanne, les Anglais vinrent à grande puissance reprendre la ville de Louviers. Ils avaient tardé jusque-là, non, comme on l’a dit, qu’ils doutassent de réussir à rien tant que vivrait la Pucelle, mais parce qu’il leur avait fallu du temps pour trouver de l’argent et pour réunir des engins de siège[10]. Dans les mois de juillet et d’août de celle même année 1431, monseigneur de Reims, chancelier de France, et le maréchal de Boussac tenaient, à Senlis et à Beauvais, le parti des Français, et monseigneur de Reims ne pouvait être soupçonné de le tenir mollement, puisqu’il défendait du même, coup ses bénéfices, qui lui étaient chers[11]. Les ayant recouvrés par une pucelle, il pensait les garder par un puceau, et il essaya le petit berger des monts Lozère, Guillaume qui, comme saint François d’Assise et sainte Catherine de Sienne, avait reçu les stigmates. Un parti de Français surprit le régent à Mantes et faillit l’enlever. L’alerte fut donnée à l’armée qui assiégeait Louviers ; deux ou trois compagnies de gens d’armes s’en détachèrent et coururent à Mantes où elles apprirent que le Régent avait pu gagner Paris. Alors, renforcés par des troupes venues de Gournay et de quelques autres garnisons anglaises, fortes de deux mille hommes environ et commandées par les comtes de Warwick, d’Arundel, de Salisbury, de Suffolk, lord Talbot et sir Thomas Kiriel, les Anglais s’enhardirent au point de marcher sur Beauvais. Instruits de leur venue, les Français sortirent de la ville au point du jour et allèrent à leur rencontre du côté de Savignies, au nombre de huit cents à mille combattants, commandés par le maréchal de Boussac, les capitaines La Hire, Poton, et autres[12].

Le berger Guillaume, qu’ils croyaient envoyé de Dieu, chevauchait à leur tête, se tenant de côté et montrant les plaies miraculeuses de ses mains, de ses pieds, de son flanc gauche[13].

A une lieue environ de la ville, ils furent assaillis de traits au moment où ils s’y attendaient le moins. Les Anglais, avertis par leurs espions de la marche des Français, les avaient guettés derrière un pli de terrain. Maintenant, ils les attaquaient en tête et en queue très âprement. Les deux partis combattaient avec vaillance, il y eut un assez grand nombre de morts, ce qui ne se voyait pas alors dans la plupart des batailles, où l’on ne tuait guère que les fuyards. Mais les Français, se sentant enveloppés, prirent peur et se détruisirent eux-mêmes. La plus grande partie, avec le maréchal de Boussac et le capitaine La Hire, coururent s’enfermer dans la ville de Beauvais ; le capitaine Poton et le berger Guillaume restèrent aux mains des Anglais qui, à grand honneur et triomphe, s’en retournèrent à Rouen[14].

Poton était bien sûr d’être mis à rançon, selon l’usage. Le petit berger ne pouvait espérer un semblable traitement ; il était suspect d’hérésie et de sorcellerie ; il avait séduit le peuple chrétien et rendu les gens idolâtres de lui. Les marques de la passion de Notre-Seigneur qu’il portait sur lui ne lui étaient d’aucun secours ; au contraire, ce que les Français tenaient pour empreintes divines semblait aux Anglais marques diaboliques.

Comme la Pucelle, Guillaume avait été pris sur le diocèse de Beauvais. Le seigneur évêque de cette Ville, messire Pierre Cauchon, qui avait réclamé Jeanne, réclama pareillement Guillaume, pour lui faire son procès, et le berger, obtenant ce qui avait été refusé à la Pucelle, fut mis dans les prisons ecclésiastiques[15]. Il semblait moins difficile à garder et surtout moins précieux. Mais les Anglais venaient d’apprendre ce que c’était qu’un procès d’inquisition ; ils savaient maintenant que c’était long et solennel. L’avantage ne leur apparaissait pas de convaincre ce berger d’hérésie. Si les Français avaient mis en lui comme en Jeanne l’espérance d’être heureux à la guerre[16], cette espérance avait été courte. Faire honte et vergogne aux Armagnacs de leur puceau en montrant qu’il venait du diable, le jeu n’en valait pas la chandelle. Le petit berger fil conduit à Rouen, puis à Paris[17].

Il était prisonnier depuis quatre mois, quand le roi Henri VI, âgé de neuf ans, fit son entrée à Paris, où il devait être couronné, en l’église Notre-Dame, des deux couronnes de France et d’Angleterre. Cette entrée fut célébrée le dimanche 16 décembre, à grand’pompe et à grand’liesse. On avait construit sur le passage du cortège, rue du Ponceau-Saint-Denys, une fontaine ornée de trois sirènes au milieu desquelles s’élevait une grande tige de lis qui jetait par les fleurs et les boutons des ruisseaux de vin et de lait. La foule se précipitait pour y boire. Autour de la vasque, des hommes déguisés en sauvages amusaient le peuple par des jeux et des simulacres de combats.

Depuis la porte Saint-Denys jusqu’à l’hôtel Saint-Paul au Marais, le roi enfant chevaucha sous un grand ciel d’azur, semé de fleurs de lis d’or, porté d’abord par les quatre échevins, en chaperon et vêtus de vermeil, puis par les corporations, drapiers, épiciers, changeurs, orfèvres et bonnetiers.

Il était précédé par vingt-cinq hérauts et vingt-cinq trompettes, par de très beaux hommes et de très belles dames qui, vêtus d’armures magnifiques et portant de grands écus, représentaient les neuf preux et les neuf preuses, et par nombre de chevaliers et d’écuyers. Dans ce brillant cortège paraissait le petit berger Guillaume, qui n’étendait plus les bras pour montrer sur ses mains les plaies de la passion : car il était lié de bonnes cordes[18].

Après la cérémonie, il fut reconduit dans sa prison ; puis on l’en tira pour le coudre dans un sac et le jeter dans la Seine[19].

Il fut admis chez les Français, que Guillaume n’avait point mission de Dieu et, qu’il était tout sot[20].

En l’an 1433, le connétable, aidé par la reine de Sicile, fit enlever et assassiner le sire de la Trémouille. C’était l’usage princier de donner des conseillers au roi Charles et de les tuer ensuite. Le sire de la Trémouille avait un si gros ventre que la lame s’y perdit dans la graisse sans autrement l’atteindre ; mais il était tué dans son crédit ; le roi Charles souffrit le connétable comme il avait souffert le sire de la Trémouille[21].

Celui-ci laissait la renommée d’un homme cupide, indiffèrent au bien du royaume. Son plus grand tort fut peut-être d’avoir gouverné dans un temps de guerres et de pilleries, quand amis et ennemis dévoraient le royaume. On l’accusa d’avoir voulu perdre la Pucelle, dont, il était jaloux. Cette idée est sortie de la maison d’Alençon, où l’on n’aimait guère le sire chambellan[22]. Ce qui est certain, au contraire, c’est que la Trémouille fut, après le chancelier, le plus hardi à mettre en œuvre la Pucelle de Dieu, et, si, par la suite, cette jeune fille contraria ses projets, rien rte prouve qu’il ait formé le dessein de la faire détruire par le, -anglais ; elle se détruisit elle-même et se consuma par sa propre ardeur. A tort ou à raison, le sire chambellan passait pour un très mauvais homme, et, quoique le duc de Richemont fût avare, dur, violent, maladroit au delà du possible, bourru, malfaisant, toujours battu et toujours mécontent, ou crut n’avoir pas perdu au change. Le connétable venait au bon moment, alors que le duc de Bourgogne faisait la paix avec le roi de France.

Les Anglais, entrés dans le royaume, comme disait ce chartreux, par le trou lait au crâne du duc Jean, sur le pont de Montereau, ne se tenaient dans le royaume que sous la main du duc Philippe ; ils n’étaient qu’une poignée ; la main du géant s’étant retirée, un souille suffisait à les emporter. Voyant se réaliser l’horoscope du roi Henri VI : Exeter perdra ce que Monmouth a gagné, le Régent mourut de douleur et de colère[23].

Le 13 avril 1436, le comte de Richemont entra dans Paris. La mère nourricière des clercs bourguignons et des docteurs cabochiens, l’Université elle-même, s’était entremise pour la paix[24].

Or, un mois après que Paris se fut rangé dans l’obéissance du roi Charles, une fille âgée de vingt-cinq ans, environ, qui jusque-là s’était fait appeler Claude, parut eu Lorraine et fit connaître à plusieurs seigneurs de la ville de Metz qu’elle était Jeanne la Pucelle[25].

A cette époque, le père et l’aîné des frères de Jeanne[26], étaient morts. Isabelle Roméo vivait ; ses deux fils cadets étaient au service du roi de France, qui les avait anoblis et faits Du Lys. Jean, l’aîné, dit Petit-Jean[27], avait été nommé bailli de Vermandois, puis capitaine de Chartres. Aux environs de cette année 1436, il était prévôt et capitaine de Vaucouleurs[28].

Le cadet, Pierre, ou Pierrelot, tombé arec Jeanne aux mains des Bourguignons devant Compiègne, venait de quitter enfin les prisons du bâtard de Vergy[29]. Ils croyaient bien tous deux que leur sueur avait été brûlée à Rouen ; mais avertis qu’elle vivait et les roulait voir, ils prirent rendez-vous à la Grange-aux-Ormes, village situé dans les prairies du Sablon, entre la Seille et la Moselle, à une lieue environ au sud de la ville de Metz. Arrivés en cet endroit, le 20 mai, ils la virent et la reconnurent aussitôt pour leur sœur ; et elle les reconnut pour ses frères[30].

Elle était accompagnée de seigneurs messins parmi lesquels se trouvait un très noble homme, messire Nicole Lowe qui fut chambellan de Charles VII[31]. Ces seigneurs la reconnurent à plusieurs enseignes pour la Pucelle Jeanne qui avait mené le roi Charles à Reims. On nommait alors enseignes certains signes sur la peau[32]. Or une prophétie relative à Jeanne disait qu’elle avait une petite tache rouge sous l’oreille[33] ; cette prophétie fut faite après l’événement ; nous devons donc croire que la Pucelle était marquée de ce signe. Fut-ce à telle enseigne que les gentilshommes messins la reconnurent ?

Nous ignorons comment elle prétendait avoir échappé à la mort, mais on a des raisons de croire[34] qu’elle attribuait son salut à sa sainteté. Annonçait-elle qu’un ange l’avait retirée des flammes ? On lisait dans les livres que jadis les lions du cirque léchaient les pieds nus des vierges et que l’huile bouillante rafraîchissait comme un baume le corps des saintes martyres ; et l’on voyait même élans les histoires que maintes fois le glaire avait pli seul trancher la vie des pucelles de Notre-Seigneur. Rien de plus sûr ; mais de semblables récits tirés hors du vieux temps et ramenés à l’heure présente auraient paru moins croyables ; et, sans doute, cette jeune fille n’ornait pas autant son aventure. Très probablement elle donnait à entendre qu’à sa place on avait brûlé une autre femme.

Si l’on s’en rapporte à la confession qu’elle fit plus tard, elle venait de Rome où, vêtue du harnois de guerre, elle s’était vaillamment comportée au service du pape Eugène. Peut-être fit-elle connaître aux Lorrains les belles actions qu’elle avait accomplies là. Or, Jeanne avait prophétisé (du moins le croyait-on) qu’elle mourrait dans une bataille contre les infidèles et qu’une Pucelle de Rome hériterait de sa puissance. Mais, loin d’accréditer Jeanne recouvrée, cet oracle, à le supposer connu des seigneurs messins, leur dénonçait l’imposture[35]. Quoi qu’il en soit, ils crurent ce que cette femme leur disait.

Peut-être que, comme beaucoup de gentilshommes de la république, ils se sentaient plus d’amitié pour le roi Charles que pour le duc de Bourgogne. Et sûrement, ayant chevalerie, ils estimaient, la chevalerie en toute personne et ils admiraient la Pucelle pour sa brande vaillance. Aussi lui firent-ils bonne chère.

Messire Nicole Lowe lui donna un roussin et une paire de houseaux. Le roussin valait trente francs ; C’était un prix quasi royal, car des deux chevaux donnés par le roi à la pucelle Jeanne, dans la ville de Soissons et dans la ville de Senlis, l’un valait trente-huit livres dit sous et l’autre trente-sept livres dix sous[36]. Le cheval de Vaucouleurs n’avait été paré que seize francs[37].

Nicole Grognot, gouverneur de la ville[38], offrit à la sœur des deux frères Du Lys une épée, Aubert Boullay un chaperon[39].

Elle sauta à cheval avec cette adresse qui, sept ans auparavant, si l’on en croit des récits assez fabuleux, avait émerveillé le vieux duc de Lorraine[40]. Et elle tint certains propos à messire Nicole Lowe qui affermirent ce seigneur dans la croyance que c’était bien là cette Pucelle Jeanne qui était allée en France. Elle parlait volontiers comme une prophétesse, par images et paraboles, et sans rien découvrir de ses intentions.

Elle disait qu’elle n’aurait pas de puissance avant la Saint-Jean-Baptiste. Or, ce ternie qu’elle assignait à sa mission était précisément celui que la pucelle Jeanne, en 1429, après la bataille de Patay-, avait marqué, disait-on, pour l’extermination de la gent anglaise en France[41].

Cette prophétie ne se réalisa point ; aussi n’en fut-il plus parlé. Et Jeanne, si tant est qu’elle l’eût faite, ce qui est bien possible, dut être la première à l’oublier. Au reste, le ternie de la Saint-Jean était d’un usage constant pour les baux, foires, règlement de gages, louage de service, etc., et l’on conçoit que le calendrier des prophétesses ne différât point du calendrier du laboureur.

Dès le lendemain de leur arrivée à la Grange-aux-Ormes, le lundi 21 mai, les frères Du Lys emmenèrent celle qu’ils tenaient pour leur sœur en cette ville de Vaucouleurs[42] où la fille d’Isabelle Romée était allée trouver sire Robert de Baudricourt et où viraient encore, en 1436, tant de personnes de toute condition qui l’avaient vue au mois de février 1429, telles que les époux Leroyer et le seigneur Aubert d’Ourches[43].

Après une semaine à Vaucouleurs, elle se rendit à Marville, petite ville entre Corny et Pont-à-Mousson, à une lieue de la Moselle, où elle passa les fêtes de la Pentecôte et demeura trois semaines dans la maison d’un nommé Jean Quenat[44]. Sur son départ, elle redut la visite de plusieurs habitants de Metz qui, la reconnaissant pour la Pucelle de France, lui donnèrent des joyaux[45]. On se rappelle que plusieurs chevaliers messins, venin auprès du roi Charles à Reims, lors du sacre, avaient vu Jeanne. A Marville, Geoffroy Desch, à l’exemple de Nicole Lowe, donna un cheval à la Pucelle retrouvée. Geoffroy Desch appartenait à une des familles les plus puissantes de la république de Metz. Il était parent de ce Jean Desch, secrétaire de la ville en 1429[46].

De là, elle s’en fut en pèlerinage à Notre-Dame de Liance, que les Picards appelaient Lienche, et qui devint un peu plus tard Notre-Dame de Liesse. On y vénérait une image noire de la Sainte-Vierge, rapportée, selon la tradition, de Terre-Sainte, par les croisés. Cette chapelle, située entre Laon et Reims, était, au dire des religieux qui la desservaient, un des lieux désignés dans l’itinéraire du sacre, et les rois, arec leur suite, avaient coutume de s’y rendre au retour de Reims ; peut-être n’était-ce pas très vrai. Mais les habitants de Metz se montraient particulièrement dévots à la bonne dame de Liance, et l’on concevait que Jeanne, échappée des prisons anglaises, allât rendre grâces de sa merveilleuse délivrance à la Vierge noire de Picardie[47].

Elle se rendit ensuite à Arlon, auprès d’Élisabeth de Gorlitz, duchesse de Luxembourg, tante par alliance. du duc de Bourgogne[48]. Veuve pour la seconde fois et vieille, elle excitait par sa rapacité la colère et la haine clé son peuple. Jeanne reçut de cette princesse un très bon accueil. Rien d’étrange à cela : les personnes qui vivaient saintement et faisaient des miracles t’étaient, recherchées par les princes et les seigneurs, désireux de connaître par elles des secrets ou d’obtenir ce qu’ils souhaitaient, et la duchesse de Luxembourg pouvait bien croire que cette fille fit la pucelle Jeanne elle-même, puisque les deux frères Du Lys, les seigneurs messins et les habitants de Vaucouleurs le croyaient.

Pour la foule des hommes, la vie et la mort de Jeanne étaient entourées de mystère et pleines de prodiges. Beaucoup, dès la première heure, avaient douté qu’elle eût péri de la main du bourreau. Quelques-uns s’exprimaient a ce sujet avec d’étranges réticences ; ils disaient : Les Anglais la firent ardre publiquement à Rouen ou une autre femme en semblance d’elle[49]. Certains avouaient ne pas savoir ce qu’elle était devenue[50].

Aussi quand retentit soudain dans les Allemagnes et par toute la France le bruit, due la pucelle était vivante et qu’on l’avait vue près de Metz, la nouvelle fut diversement accueillie ; les uns y croyaient et les autres non. On peut juger de l’émotion qu’elle causa par l’exemple de ces deux bourgeois d’Arles qui en disputèrent entre eux avec une extrême ardeur. L’un affirmait que la Pucelle vivait encore ; l’autre soutenait qu’elle était bien morte ; chacun paria pour ce qu’il croyait véritable. La gageure était sérieuse ; elle fut faite et tenue devant notaire, le 27 juin 1436, cinq semaines seulement après l’entrevue de la Grange-aux-Ormes[51].

Cependant le frère aîné de la Pucelle, Jean du Lys, dit Petit-Jean, s’était rendu, dans les premiers jours du mois d’août à Orléans, pour y annoncer que sa sœur était, vivante. En récompense de cette bonne nouvelle, il recul pour lui et sa suite, dix pintes de vin, douze poules, deux oisons et deux levrauts[52].

Deux magistrats avaient acheté la volaille, Pierre Baratin, dont on trouve le noua dans les comptes de forteresse, en 1429[53], lors de l’expédition de Jargeau, et Aignan de Saint-Mesmin, vieillard de soixante-six ans, très riche bourgeois[54].

Entre la ville du duc Charles et la ville (le la duchesse de Luxembourg, les courriers se croisaient. Une lettre d’Arlon parvint à Orléans, le 9 août. Fers la mi-août, un poursuivant d’armes arriva à Arlon ; il se nommait Cœur-de-Lis, en l’honneur de la ville d’Orléans, dont l’emblème héraldique est un cœur de lis, c’est-à-dire une sorte de trèfle. Les magistrats d’Orléans l’avaient envoyé vers Jeanne avec une missive dont nous ignorons la teneur, Jeanne lui remit une lettre pour le roi, de qui elle sollicitait probablement une audience. Il la porta tout de suite à Loches où le roi Charles s’occupait alors des fiançailles de sa fille Yolande avec le prince Amédée de Savoie[55].

Le poursuivant d’armes, après quarante et un jours de voyage, revint, le 2 septembre, vers les procureurs qui l’avaient envoyé. Ceux-ci firent servir, selon l’usage, dans la chambre de la maison de ville, du pain, du vin, des poires et des cerneaux et firent boire le messager, qui disait avoir grand’soif. Il en coûta deux sous quatre deniers parisis à la ville, sans préjudice de six livres pour frais de voyage, qui furent payées le mois suivant. Le varlet de la ville, qui fournit les cerneaux, était Jacquet Leprestre, déjà en fonctions à l’époque du siège. Les procureurs avaient reçu une autre lettre de cette Pucelle le 25 août[56].

Jean du Lys faisait en vérité tout ce qu’il aurait fait si vraiment il avait retrouvé sa sœur miraculeuse. Il se rendit auprès du roi et il lui annonça l’extraordinaire nouvelle. Le roi en crut bien quelque chose, puisqu’il ordonna qu’on remit à Jean du Lys une gratification de cent francs. Sur quoi, Jean alla réclamer ces cent francs au trésorier du roi, qui en bailla vingt. Les coffres du Victorieux n’étaient pas encore pleins à cette époque.

Jean, de retour à Orléans, se présenta devant la chambre de la ville ; il fit connaître aux procureurs qu’il ne lui restait plus que huit francs, et que c’était peu de chose pour s’en retourner en Lorraine avec les quatre personnes de sa suite. Les magistrats lui firent donner douze francs[57].

Jusque-là, chaque année, l’anniversaire de la feue Pucelle était célébré la surveille et la Veille de la Fête-Dieu en l’église Saint-Sanxon[58]. L’an 1435, huit religieux des quatre ordres mendiants chantèrent chacun une messe pour le repos de l’âme de Jeanne. En cette année 1436 les magistrats firent brûler quatre cierges pesant ensemble neuf livres et demie, auxquels était suspendu l’écu de la Pucelle, à l’épée d’argent soutenant la couronne de France ; mais à la nouvelle que Jeanne était vivante, ils cessèrent d’ordonner un service funèbre à son intention[59].

Tandis que ses affaires étaient ainsi menées en France, Jeanne se tenait auprès de la duchesse de Luxembourg ; elle y rencontra le jeune comte Ulrich de Wurtemberg qui ne voulut plus la quitter. Il lui fit faire une belle cuirasse et l’emmena à Cologne. Elle ne cessait pas de se dire la Pucelle de France envoyée de Dieu[60].

Depuis le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, ses vertus lui étaient revenues. Le comte Ulrich, lui reconnaissant un pouvoir surnaturel, la pria d’en user pour lui et pour les siens. Il était grand querelleur et fort engagé dans le schisme qui déchirait alors l’archevêché de Trèves. Deux prélats se disputaient ce siège ; l’un Udalric de Manderscheit, désigné par le Chapitre, l’autre, Raban de Helmstat, évêque de Spire, nommé par le pape[61]. Udalric tint la campagne avec une petite armée, assiégea par deux fois et canonna la ville dont il se disait le véritable pasteur. Ce traitement jeta de son côté la plus grande partie du diocèse[62] ; mais Raban, très vieux et débile, avait aussi des armes ; elles étaient puissantes, bien que spirituelles : il prononça l’interdit contre tous ceux qui tenaient le parti de son compétiteur.

Le, comte Ulrich de Wurtemberg, qui comptait parmi les plus ardents partisans d’Udalric, interrogea à son sujet la Pucelle de Dieu[63]. Des cas du Blême genre avaient été soumis à la première Jeanne, lors de son séjour en France ; on lui avait demandé, par exemple, lequel des trois papes, Benoît, Martin et Clément, était le vrai père des fidèles, et, sans s’expliquer sur-le-champ, elle avait promis de désigner, dans Paris, à tête reposée, le pape auquel on devait obéissance[64]. La seconde Jeanne répondit avec plus d’assurance encore ; elle déclara connaître le véritable archevêque et se flatta de l’introniser.

Celui-là, selon elle, était Udalric de Manderscheit, que le Chapitre avait désigné. Mais Udalric cité devant le Concile de Bâle y fut déclaré intrus ; et, ce qui n’était point leur règle constante, les pères confirmèrent la nomination faite par le pape.

L’intervention de la Pucelle dans cette querelle ecclésiastique attira malheureusement sur elle l’attention de l’inquisiteur général de la ville de Cologne, Henry Kalt Eysen, insigne professeur de théologie : recueillant les bruits qui couraient par la ville sur la protégée du jeune prince, il connut qu’elle portait des vêtements dissolus, se livrait aux danses avec des hommes, buvait et mangeait plus qu’il n’est permis et pratiquait la magie. Il sut notamment que, dans une assemblée, cette fille déchira une nappe, puis la rétablit dans son premier état, et qu’ayant brisé contre la muraille un verre, elle en réunit ensuite les morceaux par un merveilleux artifice. A ces œuvres, Kalt Eysen la soupçonnait véhémentement d’hérésie et de sorcellerie. Il la cita devant son tribunal ; elle refusa de comparaître ; cette désobéissance affligea l’inquisiteur général, qui fit rechercher la défaillante. Mais le jeune comte de Wurtemberg cacha sa Pucelle chez lui, et puis il la fit sortir secrètement de la ville. Elle échappa ainsi au sort de celle qu’elle ne se souciait pas d’imiter jusqu’à la fin. L’inquisiteur l’excommunia, faute de mieux[65].

Réfugiée à Arlon auprès de la duchesse de Luxembourg sa protectrice, elle y rencontra Robert des Armoises, seigneur de Tichemont, qu’elle avait peut-être vu déjà, au printemps, à Marville, où il faisait sa résidence habituelle. Ce gentilhomme était probablement fils d’un seigneur Richard, gouverneur du duché de Bar en 1416. On ne sait rien de lui, sinon qu’ayant fait passer une terre en mains étrangères, sans la participation du duc de Bar, il vit cette terre confisquée et donnée au sieur d’Apremont, à la charge de la prendre.

La présence du seigneur Robert à Arlon n’avait rien d’extraordinaire ; le château de Tichemont, dont il était seigneur, s’élevait dans le voisinage de cette ville. D’une naissance illustre, il était toutefois besogneux[66].

La Pucelle retrouvée l’épousa[67], apparemment par la volonté de la duchesse de Luxembourg. D’après le sentiment du sacré inquisiteur de Cologne ce mariage ne fut contracté que pour garantir cette femme contre l’interdit et la soustraire au glaive ecclésiastique[68].

Sitôt après son mariage, elle alla vivre à Metz, dans l’hôtel que son mari habitait devant l’église Sainte-Ségolène, au-dessus de la porte Sainte-Barbe. Elle était, dès lors, Jeanne du Lys, la Pucelle de France, dame de Tichemont. Ces noms lui sont donnés dans un contrat en date du 7 novembre 1436, par lequel Robert des Armoises et sa femme, autorisée par lui, vendent à Collard de Faille, écuyer, demeurant à Marville, et à Poinsette, sa femme, le quart de la seigneurie d’Haraucourt. Jean de Thoneletil, seigneur de Villette, et Saubelet de Dun, prévôt de Marville, à la demande de leurs très chers et grands amis, messire Robert et dame Jeanne, mirent sur le contrat leurs sceaux avec ceux des vendeurs, en témoignage de vérité[69].

En son logis, devant l’église Sainte-Ségolène, la dame des Armoises mit au monde deux enfants[70]. Il y avait quelque part en Languedoc[71] un honnête écuyer qui, s’il apprit ces naissances, douta fort que Jeanne la Pucelle et la dame des Armoises fussent la même personne ; c’était Jean d’Aulon, l’ancien maure d’hôtel de Jeanne ; car il ne la croyait pas faite pour avoir des enfants, ayant obtenu à ce sujet la confidence de femmes bien instruites[72].

Au témoignage de frère Jean Nider, docteur en théologie de l’Université de Vienne, cette union féconde finit mal. Un prêtre, selon lui, un prêtre, qu’il faudrait plutôt appeler leno, séduisit cette magicienne par des paroles amoureuses et l’enleva. Mais frère Jean Nider ajoute que le prêtre conduisit furtivement la dame des Armoises à Metz et y vécut en concubinage avec elle[73] ; or il est avéré qu’elle avait son établissement dans cette ville même ; donc ce frère prêcheur parle de ce qu’il ignore[74].

Ce qui est vrai, c’est qu’elle ne resta guère plus de deux ans cachée dans l’ombre paisible de Sainte-Ségolène.

Mariée, elle n’entendait pas renoncer aux prophéties et aux chevauchées. L’interrogateur demanda à Jeanne, en son procès : Jeanne, ne vous a-t-il pas été révélé que, si vous perdiez votre virginité, vous perdriez votre chance et que vos Voix ne vous viendraient plus ? Elle nia que cela lui eût été révélé. Et, comme il insistait, lui demandant si elle croirait que, mariée, ses Voix lui viendraient encore, elle répondit en bonne chrétienne : Je ne sais et m’en attends à Dieu[75]. De même Jeanne des Armoises estimait que, pour s’être mariée, elle n’avait pas perdu sa chance. Aussi bien se trouvait-il, en ce temps de prophétisme, des veuves et des femmes mariées qui, à l’exemple de Judith de Béthulie, agissaient par inspiration divine. Telle avait été la dame Catherine de La Rochelle, qui, à la vérité, n’avait pas fait de très grandes choses[76].

Dans l’été de l’an 1439, la dame des Armoises se rendit à Orléans. Les magistrats lui présentèrent, en guise d’hommage et de réjouissance, le vin et la viande. Le 1er août, ils lui offrirent à dîner et lui remirent deux cent dix livres parisis pour le bien qu’elle avait fait à la ville pendant le siège. Ce sont les termes même par lesquels cette dépense est consignée dans les comptes de la ville[77].

Si les habitants la reconnurent pour la vraie Pucelle Jeanne, ce fut moins par leurs yeux assurément que sur la foi des frères du Lys. Ils l’avaient si peu vue, quand on y songe ! Dans la semaine de mai, elle ne s’était montrée à eux qu’armée et chevauchant ; puis elle n’avait plus fait que traverser la ville en juin 1429 et en janvier 1430. Il est vrai qu’on lui avait offert le vin et que les procureurs s’étaient assis à table auprès d’elle[78] ; mais il y avait de cela neuf ans. Neuf ans ne passent pas sur le visage d’une femme sans y faire des changements. Ils l’avaient laissée fille en son très jeune âge, ils la retrouvaient femme et mère de deux enfants ; ils croyaient sage de s’en rapporter à ses proches. Où l’on commence à s’émerveiller quelque peu, c’est quand on songe aux propos qui furent tenus dans le banquet et à tout ce que la dame dut placer de bourdes et d’incongruités. S’ils ne furent point désabusés, ces bourgeois étaient des hommes simples et de bonne volonté.

Et qui dit qu’ils ne le furent point ? Qui dit qu’après avoir ajouté foi à la nouvelle portée par Jean du Lys, les habitants ne commençaient pas à découvrir l’imposture ? La croyance que Jeanne survivait n’était pas tout au moins unanime et générale dans la ville pendant le séjour de la dame des Armoises, si l’on s’en rapporte aux comptes des obits dont nous parlions tout à l’heure. Supprimé (à ce qu’il semble) dans les années trente-sept et trente-huit, le service funèbre de la Pucelle venait d’être célébré en trente-neuf, la surveille de la Fête-Dieu, trois mois environ avant le banquet du 1er août[79] ; en sorte que les Orléanais reconnaissants avaient en même temps pour leur libératrice des messes en commémoration de sa mort et des banquets où ils la faisaient boire.

La dame des Armoises ne resta guère que quinze jours parmi eux. Elle quitta la ville vers la fin de juillet, et il semble que son départ ait été brusque et précipité, car, priée à un souper où huit pintes de vin devaient lui être présentées, elle était déjà partie quand le vin fut servi ; le repas eut lieu sans elle[80] Jean Luillier et Thévanon de Bourges y assistèrent. Ce Thévanon était peut-être le même que Thévenin Villedart, chez qui habitaient les frères de Jeanne, pendant le siège[81]. Quant à Jean Luillier, on reconnaît en lui le jeune marchand drapier qui, en juin 1429, avait fourni de la fine bruxelles vermeille pour faire une robe à la Pucelle[82].

La dame des Armoises s’était rendue à Tours, où elle se faisait connaître comme la véritable Jeanne. Elle remit au bailli de Touraine une lettre pour le roi ; le bailli se chargea de la faire tenir au prince qui se trouvait alors à Orléans, où il était arrivé peu de temps après le départ de Jeanne. Le bailli de Touraine, en 1439, n’était autre que Guillaume Bellier qui, lieutenant de Chinon, dix ans auparavant, avait reçu la Pucelle dans sa maison, sous la garde de sa dévote femme[83].

En même temps que cette lettre, Guillaume Bellier adressa, par messager, au roi, une note touchant le fait de la dame Jeanne des Armoises[84]. On en ignore entièrement la teneur[85].

Peu de temps après, cette dame s’en alla en Poitou où elle se mit au service du seigneur Gille de Rais, maréchal de France[86], qui, dans sa prime jeunesse, avait conduit la Pucelle à Orléans, fait comme elle la campagne du sacre, assailli avec elle les murailles de Paris et, pendant la captivité de Jeanne, occupé Louviers et poussé une pointe hardie sur Rouen. Maintenant, il dépeuplait d’enfants ses vastes seigneuries, et, mêlant la magie à l’orgie, offrait aux démons le sang et les membres d’innombrables victimes. Ses monstruosités sanglantes répandaient la terreur autour de ses châteaux de Tiffauges et de Machecoul, et déjà le bras ecclésiastique était sur lui. La dame des Armoises pratiquait la magie, au dire du sacré inquisiteur de Cologne, pourtant ce ne fut pas comme invocatrice de démons que l’employa le maréchal de Rais ; il lui confia la charge et le gouvernement de gens de guerre[87] ; à peu près l’état que Jeanne tenait à Lagny et à Compiègne. Fit-elle de grandes vaillances d’armes ? On ne sait. Toujours est-il qu’elle ne garda pas longtemps sa charge, qui fut donnée après elle à un écuyer gascon nommé Jean de Siquemville[88]. Dans le printemps de 1440, elle s’approcha de Paris[89].

Depuis près de deux ans et demi, la grande ville obéissait au roi Charles, qui y avait fait son entrée, sans y ramener la prospérité. Partout des maisons, abandonnées, tombaient en ruines ; les loups venaient d’ans les faubourgs dévorer les petits enfants[90]. Bourguignons naguère, les habitants n’avaient pas tous oublié que la Pucelle, en compagnie du frère Richard et des Armagnacs, avait attaqué leur ville le jour de la Nativité de Notre-Dame. Beaucoup, sans doute, lui en gardaient rancune et la croyaient brûlée pour ses démérites ; mais son nom ne soulevait pas, comme en 1429, une réprobation unanime. Plusieurs, même parmi ses anciens ennemis, s’avisaient[91] qu’elle était martyre pour son légitime seigneur. C’est ce qu’on disait dans la ville de Rouen ; on le devait dire bien davantage dans la ville de Paris redevenue française. Au bruit que Jeanne n’était pas morte ; qu’elle avait été reconnue par ceux d’Orléans et qu’elle approchait de la ville, le menu peuple parisien s’émut et l’on put craindre des troubles.

En 1440, sous Charles de Valois, l’Université de Paris était animée du même esprit qu’en 1431, sous Henri de Lancastre ; elle respectait, elle honorait le roi de France, gardien de ses privilèges et défenseur des libertés de l’Église gallicane. Les insignes maîtres n’éprouvaient aucun remords d’avoir réclamé et obtenu le châtiment de la Pucelle hérétique et coupable de sédition. Est hérétique quiconque s’obstine dans son erreur ; est séditieux qui tente de renverser les puissances et n’y réussit pas. Dieu qui voulait, en 1440, que Charles de Valois fût maître dans sa ville de Paris, ne l’avait pas voulu en 1429 ; donc la Pucelle avait combattu contre Dieu. L’Université eût, en 1440, poursuivi d’un même zèle le châtiment d’une pucelle anglaise.

Les magistrats de Poitiers, rentrés après un long et douloureux exil dans leur vieille demeure parisienne, siégeaient au Parlement avec les Bourguignons convertis[92] Ces fidèles serviteurs du dauphin Charles qui, dans les mauvais jours, avaient mis en œuvre la Pucelle, ne se seraient pas souciés, en 1440, de soutenir publiquement la vérité de sa mission et la pureté de sa foi. Brûlée par les Anglais, c’est bientôt dit. Un procès fait par un évêque et le vice-inquisiteur avec le concours de l’Université n’est pas un procès anglais ; c’est un procès à la fois très gallican et très catholique. La mémoire de Jeanne est notée d’infamie à la face de la chrétienté. Et nul recours. Le pape pourrait seul casser ce procès religieux, mais il ne le voudrait point, de peur de mécontenter le roi de la catholique Angleterre et parce qu’il ne peut, sans ruiner toute autorité humaine et divine, admettre qu’un inquisiteur de la foi ait failli dans son jugement. Les clercs français s’inclinent et se taisent ; dans les assemblées du clergé on n’ose prononcer le nom de Jeanne.

Heureusement pour eux que, à l’égard de la dame des Armoises, ni les docteurs et maîtres de l’Université, ni les anciens membres du Parlement de Poitiers ne partagent l’illusion populaire. Ils ne doutent pas que la Pucelle n’ait été brûlée à Rouen. Craignant que cette femme, qui se donne pour la libératrice d’Orléans, ne fasse une entrée tumultueuse dans la ville, le Parlement et l’Université envoient au devant d’elle des hommes d’armes qui l’appréhendent et la conduisent au Palais[93].

Elle fut interrogée, jugée et condamnée à l’exposition publique. Il y avait en haut des degrés de la cour appelée Cour-de-Mai une table de marbre sur laquelle on exposait les malfaiteurs. La dame des Armoises et de Tichemont y fut hissée et montrée au peuple qu’elle avait abusé. Suivant la coutume, on la prêcha et on la contraignit à se confesser publiquement[94].

Elle déclara qu’elle n’était pas pucelle et que, mariée à un chevalier, elle avait eu deux fils. Elle raconta qu’un jour, en présence de sa mère, entendant une femme tenir sur elle des propos outrageants, elle s’élança pour la battre, mais, retenue par sa mère, ce fut celle-ci qu’elle frappa. Elle eût évité de la toucher, n’eût été la colère. Toutefois, c’était là un cas réservé. Quiconque avait porté la main tant sur son père ou sa mère que sur un prêtre ou un clerc, devait aller en demander pardon au Saint-Père, à qui appartenait seul de lier ou de délier le pécheur. Ainsi avait-elle fait. Je fus à Rome, dit-elle, en habit d’homme. Je fis, comme soldat, la guerre du Saint-Père Eugène, et, dans cette guerre, je fus homicide par deux fois.

A quelle époque avait-elle fait ce voyage de Rome ? Probablement avant l’exil du pape Eugène à Florence, vers l’an 1433, alors que les condottieri du duc de Milan s’avancèrent jusqu’aux portes de Rome[95].

On ne voit point que l’Université, l’ordinaire ni le Grand Inquisiteur, aient réclamé cette femme suspecte de sorcellerie, d’homicide, et qui portait des habits dissolus. Elle ne fut pas poursuivie comme hérétique, sans doute parce qu’elle ne se montra pas opiniâtre et que l’opiniâtreté constitue seule l’hérésie.

Depuis lors, elle ne fit plus parler d’elle. On croit, mais sans raisons suffisantes, qu’elle finit par retourner à Metz auprès du chevalier des Armoises, son mari, et qu’elle vécut, paisible et honorée, jusqu’à un âge avancé, dans la maison où ses armoiries étaient sculptées sur la porte, ses armoiries, ou plutôt celles de Jeanne la Pucelle, l’épée, la couronne et les Lis[96].

Le succès de cette supercherie avait duré quatre ans. Il ne faut pas en concevoir trop de surprise. De tout temps le peuple se résigne avec peine à croire à la fin irréparable des existences qui ont émerveillé son imagination ; il n’admet pas que des personnes fameuses viennent à mourir d’un coup et malencontreusement comme le vulgaire ; il répugne au brusque dénouement des belles aventures humaines. Toujours les imposteurs, comme la dame des Armoises, trouvent des gens qui les croient. Et celle-ci parut en un temps singulièrement favorable au mensonge ; les hommes étaient abêtis par une longue misère ; partout la guerre empêchait les communications ; on ne savait plus ce qui se passait un peu loin ; tout dans les esprits, dans les choses, était trouble, ignorance, confusion.

Encore cette fausse Jeanne n’en imposa si longtemps que grâce à l’appui que les frères Du Lys lui prêtèrent. Furent-ils dupes ou complices ? Si faibles d’esprit qu’on les suppose, il n’est guère possible de penser qu’ils se laissèrent tromper par une aventurière. Ressemblât-elle beaucoup à la fille de la Romée, la femme de la Grange-aux-Ormes ne pouvait longtemps abuser deux hommes qui, nourris avec Jeanne et venus avec elle en France, la connaissaient intimement.

S’ils ne furent pas dupes, quelles raisons donner de leur conduite ? Ils avaient beaucoup perdu en perdant leur sœur. Quand il vint à la Grange-aux-Ormes, Pierre Du Lys sortait des prisons bourguignonnes ; la dot de sa femme avait payé sa rançon et il se trouvait dans un complet dénuement[97]. Jean, bailli de Vermandois, puis capitaine de Chartres, et, vers 1436, bailli de Vaucouleurs, n’était guère mieux dans ses affaires[98]. Cela expliquerait bien des choses. Pourtant on hésite à penser qu’ils aient, seuls, d’eux-mêmes, sans appui, joué un jeu difficile, hasardeux et périlleux. Sur le peu que l’on sait de leur vie, on se figure qu’ils étaient tous deux bien simples, bien naïfs, bien tranquilles, pour mener une telle intrigue.

On serait tenté de croire qu’ils y furent entraînés par de plus grands et de plus forts qu’eux. Qui sait ? Peut-être par des serviteurs indiscrets du roi de France. Charles VII souffrait cruellement dans son honneur de la condamnation et du supplice de Jeanne. N’est-il pas possible qu’autour du roi et de son Conseil il se soit trouvé des agents trop zélés, qui imaginèrent cette étrange apparition afin de faire croire que Jeanne la Pucelle n’était pas morte clé la mort des sorcières, mais que, par la vertu de son innocence et de sa sainteté, elle avait échappé aux flammes ? De la sorte, imaginée à une époque où il paraissait impossible d’obtenir jamais du pape la révision du procès de 1431, l’imposture de cette fausse Jeanne aurait constitué un essai subreptice et frauduleux de réhabilitation, tentative malheureuse, bientôt abandonnée et réprouvée.

Cette supposition expliquerait comment les frères Du Lys, qui s’étaient mis dans un mauvais cas, car ils avaient séduit le peuple, trompé le roi, commis enfin un crime de lèse-majesté, n’en furent point châtiés, ni même disgraciés. Jean resta prévôt de Vaucouleurs, durant de longues années, puis, déchargé de sa capitainerie, toucha en échange une somme d’argent. Pierre, qui, de même que la Romée, sa mère, habitait Orléans, reçut en 1143 du duc Charles, rentré depuis trois ans en France, l’Ile-aux-Bœufs[99], sur la Loire, qui donnait un peu d’herbage. Il n’en resta pas moins besogneux, et il se faisait aider par le duc et les habitants d’Orléans[100].

 

 

 



[1] Procès, t. II, pp. 7, 352, 366.

[2] Procès, t. I, pp. 493, 495.

[3] Le P. Denifle et Chatelain, Cartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 527.

[4] Procès, t. III, pp. 240, 243.

[5] Ibid., t. I, pp. 485, 496 ; t. IV, p. 403. — Monstrelet, t. IV, chap. CV.

[6] Procès, t. I, pp. 496, 500.

[7] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 270, 272. — Il y a d’étranges faussetés dans ce discours ; sont-elles du fait de l’inquisiteur ou de l’auteur du journal ?

[8] Procès, t. IV, p. 473.

[9] Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. IV, pp.103, 104. — Monstrelet, ch. LXIII. — Bougenot, Deux documents inédits relatifs à Jeanne d’Arc, dans Revue Bleue, 13 février 1892, pp. 203-204.

[10] Procès, t. II, pp. 3, 344, 348, 373 ; t. III, p. 189 ; t. V, pp. 1611, 179, 181. — Dibon, Essai sur Louviers, Rouen, 1836, in-8°, pp. 33 et suiv. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 246 et suiv.

[11] Le P. Denifle, La désolation des Églises de France vers le milieu du XVe siècle, t. I, p. XVI.

[12] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 132. — Monstrelet, t. IV, p. 433. — Lefèvre de Saint-Rémy, t. II, p. 265.

[13] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 272.

[14] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 272.

[15] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 249. — De Beaurepaire, Recherches sur les juges, p. 43.

[16] Lea, Histoire de l’inquisition, trad. S. Reinach, t. I, p. 455.

[17] Lefèvre de Saint-Rémy, t. II, pp. 263-264.

[18] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 274.

[19] Lefèvre de Saint-Rémy, t. II, p. 264.

[20] Martial d’Auvergne, Vigiles, édit. Coustelier, t. I.

[21] Gruel, Chronique d’Arthur de Richemont, p. 81. — Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 297. — E. Cosneau, Le connétable de Richemont, pp. 200-201.

[22] Perceval de Gagny, pp. 110, 173 et passim.

[23] Carlier, Histoire des Valois, 1764, in-4°, t. II, p. 442. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 307. — Le Régent croyait lui aussi à l’astrologie (B-N. ms 1352.)

[24] Gruel, Chronique d’Arthur de Richemont, pp. 120-121. — Dom Felibien, Histoire de Paris, t. IV, p. 597.

[25] Chronique du doyen de Saint-Thibaud de Metz, dans Procès, t. V, pp. 321, 324. — Jacomin Husson, Chronique de Metz, éd. Michelant, Metz, 9870, pp. 64-65. — Cf. Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d’Arc, dans Revue des Questions historiques, octobre 1871, pp. 562 et suiv. — Vergniaud-Romagnési, Des portraits de Jeanne d’Arc et de la fausse Jeanne d’Arc dans Mémoires de la Société d’Agriculture d’Orléans, t. I, (1853), pp. 250, 253. — De Puymaigre, La fausse Jeanne d’Arc dans Revue Nouvelle d’Alsace-Lorraine, t. V (1885), pp. 533 et suiv. — A. France, Une fausse Jeanne d’Arc dans Revue des Familles, 15 février 1891.

[26] Varanius est seul à dire que Jacques d’Arc mourut de la douleur d’avoir perdu sa fille. Procès, t. V, p. 85.

[27] Procès, t. V, p. 280.

[28] Procès, t. V, pp. 2-19-281. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 6, note 1.

[29] Procès, t. V, p. 210. — Lefèvre de Saint-Rémy, t. II, p. 176.

[30] Procès, t. V, pp. 321, 324.

[31] Le Metz ancien, (Metz, 1856, 2 vol. in-f°.) du baron d’Hannoncelles, où se trouve la généalogie de Nicole Lowe.

[32] Et fut recongneu par plusieurs enseignes. (Procès, V, p. 322). — M. Lecoy de la Marche (Une fausse Jeanne d’Arc, dans Revue des questions historiques, octobre 1871, p. 565) et M. Gaston Save (Jehanne des Armoises, Pucelle d’Orléans, Nancy, 1893, p. 11), comprennent qu’elle fut reconnue par plusieurs officiers ou porte-étendards. J’ai entendu enseignes dans le sens de signes naturels sur la peau. (Cf. La Curne.)

[33] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 322.

[34] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 356.

[35] Voyez néanmoins ce qu’en dit M. Germain Lefèvre-Pontalis, à qui nous devons de connaître cette prophétie (Eberhard Windecke, pp. 108 à 111).

[36] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 322. — Chronique de Philippe de Vigneulles, dans les Chroniques Messines de Huguenin, p. 198.

[37] Procès, t. II, p. 457. — L. Champion, Jeanne d’Arc écuyère, ch. II ; ch. VI.

[38] Variante de la Chronique du doyen de Saint-Thibaud, envoyée de Metz à Pierre du Puy, dans Procès, t. V, pp. 322, 324.

[39] Ibid., pp. 322, 324.

[40] D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. VII, Preuves, col. vj.

[41] Procès, t. V, pp. 322, 324. — Eberhard Windecke, p. 103. — Morosini, t. III, p. 62, note.

[42] M. le baron de Braux me fit l’honneur de m’écrire de Boucq par Foug, Meurthe-et-Moselle, le 28 juin 1896 : que Bacquillon (Procès, V, p.322) n’était qu’une lecture vicieuse d’un des manuscrits du doyen de Saint-Thibaud. En comparant, ajouta-t-il, les diverses lectures (V. Quicherat et les Chroniques messines), on peut s’assurer qu’il s’agit de Vaucouleurs, Valquelou, mal lu.

[43] Procès, t. II, pp. 406, 408, 445, 449.

[44] La Chronique de Tournai dit de la vraie Jeanne qu’elle était de Marceville petite ville entre Metz et Pont-à-Mousson. Cette Jeanne avait longtemps demeuré et servi dans une métairie de ce lieu.

[45] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 322, 324. — Lecoq de la Marche, Jeanne des Armoises, p. 566. — G. Sage, Jehanne des Armoises, pucelle d’Orléans, p. 14.

[46] Procès, t. V, pp. 352 et suiv.

[47] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 322, 324. — Dom Lelong, Histoire du diocèse de Laon, 1783, p. 371. — Abbé Ledouble, Les origines de Liesse et du pèlerinage de Notre-Dame, Soissons, 1885, pp. 6 et suiv.

[48] Procès, t. V, p. 322, note 2. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 21, note 1.

[49] Chronique normande (Ms. du British Museum), dans Procès, t. IV, p. 344. — Symphorien Champier, Nef des Dames, Lyon, 1503, ibid.

[50] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 272. — Chronique Normande, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 2e série, t. III, p. 116. — D. Calmet, Histoire de Lorraine, p. vj., Preuves. — G. Save, Jehanne des Armoises, pp. 6-7. — On sait que Gabriel Naudé soutint le paradoxe que Jeanne ne fut jamais brûlée qu’en effigie, Considérations politiques sur les coups d’État, Rome, 1639, in-4°. —G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 8.

[51] Lanéry d’Arc, Le culte de Jeanne d’Arc, Orléans, 1887, in-8°. — Revue du Midi.

[52] Procès, t. V, p. 275. — Lottin, Recherches, t. II, p. 286.

[53] Procès, t. V, p. 262. — Lecoy de la Marche, Jeanne des Armoises, p. 568.

[54] Il mourut à l’âge de cent dix-huit ans. (Procès, III, p. 29.)

[55] Procès, t. V, p. 326. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 376, note.— G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 23, n. 5.

[56] Ibid., t. V, p. 327.

[57] Procès, t. V, p. 326. — Lottin, Recherches, t. I, pp. 284-285.

[58] Depuis 1432. Toutefois il ne reste pas trace d’obit pour les années 1433 et 1434. Il fut célébré de nouveau en 1439.

[59] Procès, t. V, pp. 274, 275, — Lottin, Recherches, t. I, p. 286.

[60] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V. p. 323. — Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, p. 325. — Lecoy de la Marche, loc. cit., p. 566.

[61] Art de vérifier les dates, t. XV, pp. 236 et suiv. ; Gallia Christiana, t. XIII, pp. 970 et suiv. ; Gams, Series Episcoporum (1873), pp. 317, 319,

[62] Quicherat dit, par erreur (Procès, t. IV, p. 502, note), que la contestation pour l’archevêché de Trèves eut lieu entre Raban de Helmstat et Jacques de Syrck. Sur Jacques de Syrck ou de Sierck, cf. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. IV, p. 264.

[63] Jean Nider, Formicarium, liv. V, chap. VIII. — D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. II, P. 906.

[64] Procès, t. I, pp. 245-246.

[65] Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, p. 502 ; t. V, p. 324.

[66] H. Vincent, La maison des Armoises, originaire de Champagne, dans Mémoires de la Société d’Archéologie lorraine, 3e série, t. V (1877), p. 324. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 2, n. 4.

[67] Don Calmet, dans son Histoire de Lorraine (t. V., pp. CLXIV et suiv.), dit que le contrat de mariage entre Robert des Armoises et la Pucelle de France, longtemps conservé dans la faucille, était perdu de son temps. Il ne faut point en avoir de regret. On sait aujourd’hui que ce contrat avait été fabriqué par le P. Jérôme Vignier. Le comte de Marsy (la fausse Jeanne d’Arc, Claude des Armoises ; du degré de confiance à accorder aux découvertes de Jérôme Vignier, Compiègne, 1890) et M. Tamizey de Larroque (Revue Critique du 20 octobre 1890). — Sur d’autres faux de J. Vignier, cf. Julien Havet, Questions Mérovingiennes, II.

[68] Jean Nider, Formicarium, liv. V, chap. VIII. — Procès, t. IV, pp. 503, 504.

[69] Quant à l’acte antérieur par lequel Robert des Harmoises et la Pucelle Jehanne d’Arc, sa femme, font l’acquisition de la terre de Fléville (D. Calmet, 2e éd., t. V, p. CLXIV, note), il est extrêmement suspect.

[70] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 323. — Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 354-355.

[71] Procès, t. III, p. 206, n. 2.

[72] Ibid., t. III, p. 219.

[73] Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. V, p. 325.

[74] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 323-324.

[75] Procès, t. I. p. 183.

[76] Ibid., t. I, pp. 106,108, 119, 296. — Journal d’un bourgeois de Paris.

[77] Extraits des comptes de la ville d’Orléans, dans Procès, t. V, pp. 331 332. — Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d’Arc, pp. 570-571.

[78] Cédules originales d’Orléans, dans Procès, t. V. p. 270.

[79] Procès, t. V, p. 274. — Lottin, Recherches, t. I, p. 286.

[80] Extraits des comptes de la ville d’Orléans, dans Procès, t. V, pp. 331-332. — Lottin, Recherches, t. I, p. 287.

[81] Procès, t. V, p. 260.

[82] Ibid., t. V, pp. 112-113.

[83] Procès, t. III, p. 17 ; t. V, p. 327.

[84] Procès, t. V, p. 332. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, pp. 23-24.

[85] Procès, t. V, p. 332.

[86] Vallet de Viriville, Notices et extraits de chartes et de manuscrits appartenant au British Museum, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. VIII, 1846, p. 116.

[87] Abbé Bossard, Gille de Rais, p. 111.

[88] Lettre de Rémission, dans Procès, t. V, pp. 332-334.

[89] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 335. — Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d’Arc, p. 574.

[90] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 338 et suiv. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, pp. 384 et suiv.

[91] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 270.

[92] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, chap. XVI.

[93] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 354-355. — Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d’Arc, p. 574.

[94] Journal d’un bourgeois de Paris, loc. cit.

[95] Ibid., pp. 354-355. — Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d’Arc, p. 574. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 27.

[96] Vergnaud-Romagnesi, Des portraits de Jeanne d’Arc et de la fausse Jeanne d’Arc et Mémoire sur les fausses Jeanne d’Arc, dans les Mémoires de la Société d’Agriculture d’Orléans, 1854, in-8°.

[97] Procès, t. V, pp. 210, 213.

[98] Ibid., t. V, p. 279.

[99] Procès, t. V, pp. 212-214. — Lottin, Recherches, t. I, p. 287. — Duleau, Vidimus d’une charte de Charles VII, concédant à Pierre du Lys la possession de l’Isle-aux-Bœufs, Orléans, 1860, in-8°, 6. — G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, p. 28, note 1.

[100] Je n’ai pas fait usage du témoignage très tardif de Pierre Sala (Procès, t. IV, p. 281), très vague, un peu fabuleux et qui ne peut en aucune façon s’agencer dans la vie de la dame des Armoises. Sur la bibliographie très intéressante du sujet, voyez Lanéry d’Arc, Le livre d’or de Jeanne d’Arc, pp. 573, 580 et G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d’Arc, Paris, 1895, in-8°, à propos du récit de M. Gaston Save.

On a supposé, sans en donner aucune preuve, que cette fausse Jeanne d’Arc était une sœur de la Pucelle (Lebrun de Charmettes, Histoire de Jeanne d’Arc, t. IV, pp. 291 et suiv.). — Francis André, La vérité sur Jeanne d’Arc, Paris 1895, in-18, pp. 75 et suiv.