VIE DE JEANNE D’ARC

Tome II

CHAPITRE PREMIER. — L’ARMÉE ROYALE DE SOISSONS À COMPIÈGNE. - POÈME ET PROPHÉTIE.

 

 

Le 22 juillet, le roi Charles, descendant l’Aisne avec son armée, reçut en un lieu nommé Vailly les clefs de la ville de Soissons[1].

Cette ville faisait partie du duché de Valois indivis entre la maison d’Orléans et la maison de Bar[2]. De ses ducs, l’un était prisonnier des Anglais ; l’autre tenait au parti français par son beau-frère le roi Charles et au parti bourguignon par son beau-père le duc de Lorraine. Il y avait là de quoi troubler dans leurs sentiments de fidélité les habitants qui, foulés par les gens de guerre, pris et repris à tout moment, chaperons rouges et chaperons blancs, risquaient tour à tour d’être jetés dans la rivière. Les Bourguignons mettaient le feu aux maisons, pillaient les églises, justiciaient les plus gros bourgeois ; puis les Armagnacs saccageaient tout, faisaient grande occision d’hommes, de femmes et d’enfants, violaient nonnes, prudes femmes et bonnes pucelles, tant que les Sarrazins n’eussent fait pis[3]. On avait vu les dames de la cité coudre des sacs pour y mettre les Bourguignons et les noyer dans l’Aisne[4].

Le roi Charles fit son entrée le samedi 23 au matin[5]. Les chaperons rouges se cachèrent. Les cloches sonnèrent, le peuple cria Noël et les bourgeois présentèrent au roi deux barbeaux, six moutons et six setiers de bon suret, s’excusant du peu : la guerre les avait ruinés[6]. Comme ceux de Troyes, ils refusèrent leurs portes aux gens d’armes, en Vertu de leurs privilèges et parce qu’ils n’avaient pas de quoi les nourrir. L’armée campa dans la plaine d’Amblény[7].

Il semble que les chefs de l’armée royale eussent alors l’intention de marcher sur Compiègne. Aussi bien importait-il d’enlever au duc Philippe cette ville qui était pour lui la clef de l’Ile-de-France, et il y avait lieu d’agir avant que le duc eût amené une armée. Mais dans toute cette campagne le roi de France était résolu à reprendre ses villes par adresse et persuasion et non point de force. Du 22 au 25 juillet, il somma par trois fois les habitants de Compiègne de se rendre. Ceux-ci négocièrent, voulant gagner du temps et se donner l’apparence d’être contraints[8].

Partie de Soissons, l’armée royale fut le 29 devant Château-Thierry. Elle attendit tout le jour que la ville ouvrît ses portes. Au soir le roi y fit son entrée[9].

Coulommiers, Crécy-en-Brie, Provins se soumirent[10].

Le lundi 1er août, le roi passa la Marne sur le pont de Château-Thierry et prit ce même jour son gîte à Montmirail. Le lendemain il atteignit Provins à portée du passage de la Seine et des routes du centre[11]. L’armée avait grand’faim et ne trouvait rien à manger dans ces campagnes ravagées, dans ces villes pillées. On s’apprêtait, faute de vivres, à faire retraite et à regagner le Poitou. Mais les Anglais contrarièrent ce dessein. Pendant qu’on réduisait des villes sans garnison, le régent d’Angleterre avait rassemblé une armée. Elle s’avançait maintenant sur Corbeil et Melun. Les Français, à son approche, gagnèrent la Motte-Nangis, à cinq lieues de Provins, où ils s’établirent sur un de ces terrains bien plats et bien unis qui convenaient aux batailles telles qu’elles se donnaient en ce temps-là. Ils y demeurèrent rangés tout un jour. Les Anglais ne vinrent point les attaquer[12].

Cependant les habitants de Reims reçurent nouvelles que le roi Charles quittait Château-Thierry avec son armée et voulait passer la Seine. Se voyant abandonnés, ils craignirent que les Anglais et les Bourguignons ne leur fissent payer cher le sacre du roi des Armagnacs ; et de fait ils étaient en grand danger. Ils décidèrent, le 3 août, d’envoyer un message au roi Charles pour le supplier de ne pas abandonner les cités mises en son obéissance. Le héraut de la ville partit aussitôt. Le lendemain, ils avertirent leurs bons amis de Châlons et de Laon, que le roi Charles, comme ils l’avaient entendu dire, prenait son chemin vers Orléans et Bourges et qu’ils lui avaient envoyé un message[13].

Le 5 août, tandis que le roi est encore à Provins[14] ou aux alentours, Jeanne adresse à ceux de Reims une lettre datée du camp, sur le chemin de Paris. Elle y promet à ses chers et bons amis de ne pas les abandonner. Elle n’a point l’air de soupçonner que la retraite sur la Loire est décidée. C’est donc que les magistrats de Reims ne le lui ont pas écrit et qu’elle est tenue en dehors du conseil royal. Elle est instruite pourtant que le roi a conclu une trêve de quinze jours avec le duc de Bourgogne et elle les en avertit. Cette trêve ne lui plait pas ; elle ne sait encore si elle la gardera. Si elle ne la rompt pas, ce sera seulement pour garder l’honneur du roi ; encore ne faut-il pas que ce soit une duperie. Aussi tiendra-t-elle l’armée royale rassemblée et prête à marcher au bout de ces quinze jours. Elle termine en recommandant aux habitants de Reims de faire bonne garde et de l’avertir s’ils ont besoin d’elle.

Voici cette lettre :

Mes Chiers et bons amis les bons et loiaulx Franczois de la cité de Rains, Jehanne la Pucelle vous fait assavoir de ses nouvelles et vous prie et vous requiert que vous ne faictes nulle doubte en la bonne querelle que elle mayne pour le sang roial ; et je vous promect et certiffi que je ne vous abandonneray point tant que je vivray. Et est vray que le Roy a fait treves au duc de Bourgoigne quinze jours durant, par ainsi qu’il ly doit rendre la cité de Paris paisiblement au chieff de quinze jours. Pourtant ne vous donner nulle merveille si je ne y entre si brieffvement, combien que des treves qui ainsi sont frittes je ne suy point contente et ne scey si je les tendray ; maiz si je les tiens, ce sera seulement pour garder l’onneur du Roy ; combien aussi que ilz ne cabuseront[15] point le sang roial, car je tendray et mantendray ensemble l’armée du Roy pour estre toute preste au chieff desdits quinze jours, si ilz ne font la paix. Pour ce, mes très chiers et parfaiz amis, je vous prie que vous ne vous en donner malaise tant comme je vivray ; maiz vous requiers que vous faictes bon guet et garder la bonne cité du Roy ; et me faictes savoir se il y a nulz triteurs[16] qui vous veullent grever[17] et au plus brieff que je porray, je les en osteray ; et me faictes savoir de voz nouvelles. A Dieu vous commans[18] qui soit garde de vous.

Escript ce vendredi, Ve jour d’aoust, enprès Provins[19] un logeiz sur champs ou chemin de Paris.

Sur l’adresse : Aux loyaux Francxois de la ville de Rains[20].

Nul doute que le religieux qui tenait la plume n’ait écrit fidèlement ce qui lui était dicté, et conservé le langage même de la Pucelle, au dialecte près, car enfin Jeanne parlait lorrain. Elle était alors parvenue au plus haut degré de la Sainteté héroïque. Dans cette lettre elle s’attribue un pouvoir surnaturel auquel doivent se soumettre le roi, ses conseillers, ses capitaines. Elle se donne le droit de seule reconnaître ou dénoncer les traités ; elle dispose entièrement de l’armée. Et, parce qu’elle commande au nom du Roi des cieux, ses commandements sont absolus. Il lui arrive ce qui arrive nécessairement à toute personne qui se croit chargée d’une mission divine, c’est de se constituer en puissance spirituelle et temporelle au-dessus des puissances établies et fatalement contre ces puissances. Dangereuse illusion qui produit ces chocs où le plus souvent se brisent les illuminés. Vivant et conversant tous les jours de sa vie avec les anges et les saintes, dans les splendeurs de l’Église triomphante, cette jeune paysanne croyait qu’en elle était toute force et toute prudence, toute sagesse et tout conseil. Ce qui ne veut pas dire qu’elle manquait d’esprit : elle s’apercevait très justement au contraire que le duc de Bourgogne amusait le roi avec des ambassades et que l’on était joué par un prince qui enveloppait beaucoup de ruse dans beaucoup de magnificence. Non pas que le duc Philippe fût ennemi de la paix ; il la désirait au contraire, mais il ne voulait pas se brouiller tout à fait avec les Anglais. Sans savoir grand’chose des affaires de Bourgogne et de France, elle en jugeait bien. Elle avait des idées très simples assurément, mais très justes sur la situation du roi de France a l’égard du roi d’Angleterre, entre lesquels il ne pouvait y avoir d’accommodement puisqu’ils se querellaient pour la possession du royaume, et sur la situation du roi de France à l’égard du duc de Bourgogne, son grand vassal, avec lequel une entente était non seulement possible et désirable, mais nécessaire. Elle s’est expliquée là-dessus sans ambages : Il y a la paix avec les Bourguignons et la paix avec les Anglais. Pour ce qui est du duc de Bourgogne, je l’ai requis par lettres et par ambassadeurs qu’il y eût paix entre le roi et lui. Quant aux Anglais, la paix qu’il faut c’est qu’ils aillent en leur pays, en Angleterre[21].

Cette trêve qui lui déplaisait tant, nous ignorons quand elle fut conclue, et si ce fut à Soissons, à Château-Thierry, le 30 ou le 31 juillet, à Provins entre le 2 et le 5 août[22]. Il parait qu’elle devait durer quinze jours, au bout desquels le duc s’engageait à rendre Paris au roi de France. La Pucelle avait grandement raison de se méfier.

Le roi Charles, devant qui le Régent s’était dérobé, reprit avec empressement son dessein de rentrer en Poitou. De la Motte-Nangis, il envoya des fourriers à Bray-sur-Seine, qui venait de faire sa soumission. Cette ville, située au-dessus de Montereau, à quatre lieues au sud de Provins, avait un pont sur la rivière, que l’armée royale devait passer le 5 août ou le 6 au matin ; mais les Anglais y arrivèrent de nuit, détroussèrent les fourriers et gardèrent le pont ; l’armée royale, à qui la retraite était coupée, rebroussa chemin[23].

Il existait dans cette armée, qui ne s’était pas battue et qui mourait de faim, un parti des ardents, conduit par ce que Jeanne nommait avec amour le sang royal[24]. C’était le duc d’Alençon, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme ; c’était aussi le duc de Bar, qui revenait de la guerre de la hottée de pommes. Ce jeune fils de madame Yolande, avant de rimer des moralités et de peindre des tableaux, faisait beaucoup la guerre. Duc de Bar et héritier de Lorraine, il lui avait fallu s’allier aux Anglais et aux Bourguignons ; beau-frère du roi Charles, il devait se réjouir que celui-ci fût victorieux, car sans cela il n’aurait jamais pu se mettre du parti de la reine sa sœur, et il en aurait eu regret[25]. Jeanne le connaissait ; elle l’avait demandé naguère à Nancy au duc de Lorraine, pour l’accompagner en France[26]. Il fut, dit-on, de ceux qui la suivirent volontiers jusqu’à Paris. De ceux-là encore étaient les deux fils de madame de Laval, Gui, l’aîné, à qui elle avait offert le vin à Selles-en-Berry et promis de lui en faire bientôt boire à Paris, et André, qui fut depuis le maréchal de Lohéac[27]. C’était l’armée de la Pucelle : de très jeunes hommes, presque des enfants, qui joignaient leur bannière à la bannière d’une fille plus jeune qu’eux, mais plus innocente et meilleure.

On dit qu’en apprenant que la retraite était coupée, ces petits princes furent bien contents et joyeux[28]. Vaillance et bon vouloir, mais étrange et fausse position de cette chevalerie qui voulait guerroyer quand le conseil du roi voulait traiter et qui se réjouissait que les ennemis aidassent à la prolongation de la campagne et que l’armée royale fût rencognée par les Godons. Malheureusement il n’y avait pas de très habiles hommes dans ce parti de la guerre et l’heure favorable était passée : on avait laissé au Régent le temps de rassembler des forces et de faire face aux dangers les plus pressants[29].

Sa retraite coupée, l’armée royale se rejeta en Brie. Le dimanche 7, au matin, elle était à Coulommiers ; elle repassa la Marne à Château-Thierry[30]. Le roi Charles reçut un message des habitants de Reims qui le suppliaient de se rapprocher encore d’eux[31]. Il était le 10 à La Ferté, le 11 à Crépy en Valois[32].

Dans une des étapes de cette marche sur La Ferté et sur Crépy, la Pucelle chevauchait en compagnie du roi, entre l’archevêque de Reims et monseigneur le Bâtard. Voyant le peuple accourir au-devant du roi en criant Noël ! elle se prit à dire :

— Voici de bonnes gens ! je n’ai vu nulle part gens si réjouis de la venue du gentil roi[33]...

Ces paysans du Valois et de France, qui criaient Noël à la venue du roi Charles, en criaient autant sur le passage du Régent ou du duc de Bourgogne. Ils étaient moins joyeux sans doute qu’il ne semblait à Jeanne et si la petite sainte avait écouté aux portes de leurs maisons démeublées, voici, à peu près, ce qu’elle aurait entendu :

Que ferons-nous ? Mettons tout en la main du diable. Il ne nous chaut de ce que nous allons devenir, car, par mauvais gouvernement et trahison, il nous faut renier femmes et enfants, et fuir dans les bois, comme bêtes sauvages. Et il n’y a pas un an ou deux, mais déjà quatorze ou quinze ans que cette danse douloureuse commença. Et la plus grande partie des seigneurs de France sont morts par glaive ou par poison, par traîtrise, sans confession, enfin de quelque mauvaise mort contre nature. Mieux nous vaudrait servir les Sarrazins que les chrétiens. Autant vaut faire du pis qu’on peut comme du mieux. Faisons du pis que nous pourrons. Aussi bien ne nous peut-il arriver que d’être pris ou tués[34].

On ne cultivait alors la terre qu’aux alentours des villes ou proche des lieux forts et des châteaux, dans le rayon que, du haut d’une tour ou d’un clocher, le guetteur pouvait parcourir du regard. A la venue des gens d’armes, il sonnait (le la cloche ou du cor, pour avertir les vignerons et les laboureurs de se mettre en sûreté. En maint endroit la sonnerie d’alarme était si fréquente que les bœufs, les moutons et les porcs, dès qu’ils l’entendaient, s’en allaient d’eux-mêmes vers le lieu de refuge[35].

Dans les pays de plaine surtout, d’un accès facile, les Armagnacs et les Anglais avaient tout détruit. A quelque distance de Beauvais, de Senlis, de Soissons, de Laon, ils avaient changé les champs en jachères, et, par endroits, s’étendaient largement la brousse, les buissons et les arbrisseaux.

— Noël ! Noël.

Par tout le duché de Valois, les paysans abandonnaient le plat pays et se cachaient dans les bois, les rochers et les carrières[36].

Beaucoup, pour vivre, faisaient comme Jean de Bonval, couturier à Noyant, près Soissons, qui, bien qu’il eût femme et enfants, se mit d’une bande bourguignonne qui allait par toute la contrée pillant et dérobant, et, à l’occasion, enfumant les gens dans les églises. Un jour, Jean et ses compagnons prennent deux muids de grains, un jour six ou sept vaches ; un jour une chèvre et une vache, un jour une ceinture d’argent, une paire de gants et une paire de souliers ; un jour un ballot de dix-huit aunes de drap pour faire des huques. Et Jean de Bonval disait qu’à sa connaissance plusieurs bons prud’hommes en faisaient autant[37].

— Noël ! Noël !

Les Armagnacs et les Bourguignons avaient pris aux pauvres paysans jusqu’à leur cotte et leur marmite. Il n’y avait pas loin de Crépy à Meaux. Tout le monde, dans la contrée, connaissait l’arbre de Vauru.

A une des portes de la ville de Meaux était un grand orme où le bâtard de Vauru, gentilhomme gascon du parti du dauphin, faisait pendre les paysans qu’il avait pris et qui ne pouvaient payer leur rançon. Quand il n’avait point le bourreau sous la main, il les pendait lui-même. Avec lui vivait un sien parent, le seigneur Denis de Vauru, qu’on appelait son cousin, non parce qu’il l’était en effet, mais pour faire entendre que l’un valait l’autre[38]. Au mois de mars de l’année 1420, le seigneur Denis, en l’une de ses chevauchées, rencontra un jeune paysan, qui travaillait la terre. Il le prit à rançon, le lia à la queue de son cheval, le mena battant jusqu’à Meaux et, par menaces et tortures, lui fit promettre de payer trois fois plus qu’il n’avait. Tiré de la géhenne à demi mort, le vilain fit demander à sa femme, qu’il avait épousée dans l’année, d’apporter la somme exigée par le seigneur. Elle était grosse et près de son terme ; pourtant, comme elle aimait bien son mari, elle vint, espérant adoucir le cœur du seigneur de Vauru. Elle n’y réussit point et messire Denis lui dit que si, tel jour, il n’avait pas la rançon, il pendrait l’homme à l’orme. La pauvre femme s’en alla tout en pleurs, recommandant bien tendrement son mari à Dieu. Et son mari pleurait de la pitié qu’il avait d’elle. A grand effort, elle recueillit la rançon exigée, mais ne put si bien faire qu’elle ne dépassât le jour fixé. Quand elle revint devant le seigneur, son mari avait été pendu, sans délai ni merci, à l’arbre de Vauru. Elle le demanda en sanglotant et tomba épuisée du long chemin qu’elle avait fait à pied, près de son terme. Ayant repris connaissance, elle le réclama de nouveau ; on lui répondit qu’elle ne le verrait point tant que la rançon ne serait point payée.

Tandis qu’elle se tenait devant le seigneur, elle vit amener plusieurs gens de métiers mis à rançon qui, ne pouvant payer, étaient aussitôt envoyés pendre ou noyer. A leur vue, elle prit grand’peur pour son mari ; néanmoins, l’amour la tenant au cœur, elle paya la rançon. Sitôt que les gens du duc eurent compté les écus, ils la renvoyèrent en lui disant que son mari était mort comme les autres vilains. A cette cruelle parole, émue de douleur et de désespoir, elle éclata en invectives et en imprécations. Comme elle ne voulait point se taire, le bâtard de Vauru la fit frapper à coups de bâton et mener à son orme.

Elle fut mise nue jusqu’au nombril et attachée à l’arbre où de quarante à cinquante hommes étaient branchés, les uns haut., les autres bas, qui lui venaient toucher la tête quand le vent leur donnait le branle. A la tombée de la nuit, elle poussa de tels cris qu’on les entendait de la ville. Mais quiconque serait allé la détacher aurait été un homme mort. La frayeur, la fatigue, ses efforts, hâtèrent sa délivrance. Attirés par ses hurlements, les loups vinrent lui arracher le fruit qui sortait de son ventre, et puis ils dépecèrent tout vif le corps de la malheureuse créature.

Mais en l’an 1422, la ville de Meaux ayant été prise par les Bourguignons, le bâtard de Vauru et son cousin furent pendus à l’arbre où ils avaient fait périr indignement un si grand nombre d’innocentes gens[39].

Pour les pauvres paysans de ces malheureuses contrées, armagnacs ou bourguignons c’était bonnet blanc et blanc bonnet : ils ne gagnaient rien à changer de maître. Pourtant il est possible qu’en voyant le roi, issu de saint Louis et de Charles le Sage, ils reprissent un peu de confiance et d’espoir, tant cette illustre maison de France avait renom de justice et de miséricorde.

Ainsi, chevauchant au côté de l’archevêque de Reims, la Pucelle regardait amicalement les paysans qui criaient : Noël ! Après avoir dit qu’elle n’avait vu nulle part gens si réjouis de la venue du gentil roi, elle soupira :

— Plût à Dieu que je fusse assez heureuse, quand je finirai mes jours, pour être inhumée en cette terre[40] !

Peut-être le seigneur archevêque était-il curieux de savoir si elle avait reçu de ses Voix quelque révélation sur sa fin prochaine. Elle disait souvent qu’elle durerait peu. Sans doute il connaissait une prophétie fort répandue à cette heure, annonçant que la Pucelle mourrait en terre sainte après avoir reconquis avec le roi Charles le tombeau de Notre-Seigneur. Plusieurs attribuaient cette prophétie à la Pucelle elle-même qui avait dit à son confesseur qu’elle devait mourir à la bataille contre les Infidèles et qu’après elle viendrait de par Dieu une pucelle de Rome, qui prendrait sa place[41]. Et l’on comprend que messire Regnault ait voulu savoir ce qu’il fallait penser de ces choses. Enfin, pour cette raison, ou pour toute autre, il demanda :

— Jeanne, en quel lieu avez-vous l’espoir de mourir ?

A quoi elle répondit :

— Où il plaira à Dieu. Car je ne suis sûre ni du temps ni du lieu, et je n’en sais pas plus que vous.

On ne pouvait répondre plus dévotement. Monseigneur le Bâtard, présent à l’entretien, crut se rappeler, bien des années plus tard, que Jeanne avait aussitôt ajouté :

— Mais je voudrais bien qu’il plût à Dieu que maintenant je me retirasse, laissant là les armes, et que j’allasse servir mon père et ma mère, en gardant les brebis avec mes frères et ma sœur[42].

Si vraiment elle parla de la sorte, ce fut sans doute parce qu’elle avait de sombres pressentiments. Depuis quelque temps, elle se croyait trahie[43]. Peut-être soupçonnait-elle le seigneur archevêque de Reims de mauvais vouloir à son égard. Qu’il pensât dès lors à la rejeter, après l’avoir utilement employée, ce n’est pas croyable. I1 avait dessein, au contraire, de se servir encore d’elle, mais il ne l’aimait pas, et elle le sentait. Il ne la consultait pas, ne l’informait jamais de ce qui avait été décidé en conseil. Et elle souffrait cruellement du peu de cas qu’il faisait des révélations dont elle abondait. Ce souhait, ce soupir, qu’elle fit entendre devant lui, n’était-ce pas un reproche délicat et voilé ? Sans doute, elle avait le regret de sa mère absente. Toutefois, elle s’abusait étrangement elle-même en croyant qu’elle pourrait désormais supporter la vie tranquille d’une fille au village. A Domremy, dans son enfance, elle n’allait guère aux champs avec les moutons ; elle s’occupait plus volontiers du ménage[44] ; mais si, après avoir chevauché avec le roi et les seigneurs, il lui avait fallu retourner au pays et garder les troupeaux, elle n’y serait pas restée six mois. Désormais il lui aurait été bien impossible de vivre autrement qu’en cette chevalerie où elle croyait que Dieu l’avait appelée. Tout son cœur s’y était pris et elle en avait bien fini avec ses fuseaux.

Pendant cette marche sur La Ferté et sur Crépy, le roi Charles reçut du Régent, alors à Montereau avec sa noblesse, un cartel l’assignant à tel endroit qu’il désignerait[45].

Nous qui désirons de tout cœur, disait le duc de Bedford, l’achèvement de la guerre, nous vous sommons et requérons, si vous avez pitié et compassion du pauvre peuple chrétien qui, si longtemps, pour votre cause, a été inhumainement traité, foulé et opprimé, de désigner, soit au pays de Brie où nous sommes tous deux, soit en l’Ile-de-France, un lieu convenable. Nous nous y rencontrerons. Et, si vous avez quelque proposition de paix à nous faire, nous l’écouterons, et nous aviserons en bon prince catholique[46].

Cette lettre injurieuse et pleine d’arrogance, le Régent ne l’avait pas écrite dans le désir et l’espoir de la paix, mais pour rendre, contre toute raison, le roi Charles seul responsable des misères et des souffrances que la guerre causait au pauvre peuple.

Dès le début, s’adressant au roi sacré dans la cathédrale de Reims, il l’interpelle de cette dédaigneuse sorte : Vous qui aviez coutume de vous nommer dauphin de Viennois et qui maintenant, sans cause, vous dites roi. Il déclare qu’il veut la paix, et il ajoute aussitôt : Non pas une paix feinte, corrompue, dissimulée, violée, parjurée, comme celle de Montereau, dont, par Votre coulpe et consentement, s’ensuivit le terrible et détestable meurtre, commis contre loi et honneur de chevalerie, en la personne de feu notre très cher et très amé père, le duc Jean de Bourgogne[47].

Monseigneur de Bedford avait épousé une des filles du duc Jean, traîtreusement assassiné en paiement de la mort du duc d’Orléans. Mais, en vérité, c’était mal préparer la pais que de reprocher si impitoyablement la journée de Montereau à Charles de Valois qui y avait été traîné enfant, en avait gardé un trouble de tout son corps et l’épouvante de passer sur un pont[48].

Pour le présent, le plus lourd grief que le duc de Bedford fasse peser sur le roi Charles, c’est d’être accompagné de la Pucelle et du frère Richard. Vous faites séduire et abuser le peuple ignorant, lui dit-il, et vous vous aidez de gens superstitieux et réprouvés, comme d’une femme désordonnée et diffamée, étant en habit d’homme et de gouvernement dissolu, et aussi d’un frère mendiant apostat et séditieux, tous deux, selon la Sainte Écriture, abominables à Dieu.

Pour mieux faire honte au parti ennemi de cette fille et de ce religieux, le duc de Bedford s’y prend à deux fois. Et au plus bel endroit de sa lettre, quand il cite Charles de Valois à comparoir devant lui, il s’attend ironiquement à le voir venir sous la conduite de la femme diffamée et du moine apostat[49].

Voilà comment écrivait le régent d’Angleterre, qui pourtant était un esprit fin, mesuré, gracieux, bon catholique au reste et croyant à toutes les diableries et à toutes les sorcelleries.

Quand il se montrait scandalisé que l’armée de Charles de Valois marchât commandée par un moine hérétique et par une sorcière, il était sincère assurément, et il pensait habile de publier cette honte. Sans doute il n’y avait que trop de gens disposés à croire, comme il le croyait lui-même, que la Pucelle des Armagnacs était idolâtre, hérétique et adonnée aux arts magiques. Pour beaucoup de prudes et sages hommes bourguignons, un prince perdait l’honneur à se mettre en pareille compagnie. Et si vraiment Jeanne était sorcière, quel scandale ! Quelle abomination ! Les fleurs de Lis restaurées par le diable ! Tout le camp du dauphin en sentait le roussi. Cependant monseigneur de Bedfort, en répandant ces idées, n’était pas aussi adroit qu’il s’imaginait.

Jeanne, nous le savons de reste, avait bon cœur et ne ménageait pas sa peine : en donnant l’idée aux hommes de son parti qu’elle portait chance elle affermissait beaucoup leur courage[50] ; toutefois les conseillers du roi Charles savaient à quoi s’en tenir sur elle et ne la consultaient point ; elle-même sentait qu’elle ne durerait pas[51]. Qui donc en faisait un grand chef de guerre, une puissance surnaturelle ? Son ennemi.

On voit par cette lettre comment les Anglais avaient transformé une enfant innocente en une créature surhumaine, terrible, épouvantable, en une larve sortie de l’enfer et devant qui les plus braves pâlissaient. Le Régent crie lamentablement : au diable ! à la sorcière ! Et il s’étonne après cela si ses gens d’armes tremblent devant la Pucelle, désertent de peur de la rencontrer[52] !

De Montereau, l’armée anglaise s’était repliée sur Paris. Maintenant, elle allait de nouveau à la rencontre des Français. Le samedi 13 août, le roi Charles tenait les champs entre Crépy et Paris et la Pucelle put voir, des hauteurs de Dammartin, la butte Montmartre avec ses moulins à vent et les brumes légères de la Seine sur cette grande cité de Paris, que ses Voit, trop écoutées, lui avaient promise[53]. Le lendemain dimanche, le roi et son armée vinrent lober en un village nommé Barron, sur la rivière de la Nonnette qui, à deux lieues en aval, baigne Senlis[54].

Senlis était en l’obéissance des Anglais[55] On apprit que le Régent s’en approchait en grande compagnie de gens d’armes, commandés par le comte de Suffolk, le sire de Talbot, le bâtard de Saint-Pol. Il menait avec lui les croisés du cardinal de Winchester oncle du feu roi, de trois mille cinq cents à quatre mille hommes payés par l’argent du pape pour aller combattre les hussites de Bohême et que le cardinal jugeait bon d’employer contre le roi de France, très chrétien à la vérité, mais dont les armées étaient commandées par un apostat et par une sorcière[56]. Il se trouvait dans le camp des Anglais, à ce que l’on rapporte, un capitaine avec quinze cents hommes d’armes vêtus de blanc, qui arboraient un étendard blanc, sur lequel était brodée une quenouille d’où pendait un fuseau ; et dans le champ de l’étendard, cette légende était brodée en fines lettres d’or : Ores, vienne la Belle ![57] Par là, ces hommes d’armes voulaient faire entendre que, s’ils rencontraient la Pucelle des Armagnacs, ils lui donneraient du fil à retordre.

Le capitaine Jean de Saintrailles, frère de Poton, observa les Anglais au moment où, tirant sur Senlis, ils passaient un gué de la Nonnette, si étroit qu’on y pouvait mettre à peine deux chevaux de front. Mais l’armée du roi Charles qui descendait la Nonnette n’arriva pas à temps pour les surprendre[58] ; elle passa la nuit en face d’eux, près de Montepilloy.

Le lendemain lundi, 15 août, dès l’aube, les gens d’armes entendirent la messe dans les champs et mirent leur conscience en aussi bon état qu’ils purent, car pour grands pillards et paillards qu’ils étaient, ils ne renonçaient pas à gagner le Paradis au terme de leur vie. C’était fête chômée ; à cette date, l’Église commémore solennellement le jour oit la Vierge Marie, au témoignage de saint Grégoire de Tours, fut enlevée au ciel en corps et en âme. Les clercs enseignaient qu’il convient de garder les fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge et que c’est gravement offenser la glorieuse Mère de Dieu que de livrer bataille aux jours qui leur sont consacrés. Personne dans le camp du roi Charles ne pouvait soutenir un avis contraire, puisque tout le monde y était chrétien, de même que dans le camp du Régent. Cependant aussitôt après le Deo gratias chacun alla prendre son rang de combat[59].

L’armée, selon les règles établies, était divisée en plusieurs corps : avant-garde, archers, corps de bataille, arrière-garde et trois ailes[60]. De plus, on avait formé, en application des mêmes règles, une compagnie destinée à faire des escarmouches, à secourir et à renforcer au besoin les autres corps ; elle était commandée par le capitaine La Hire, monseigneur le Bâtard et le sire d’Albret, demi-frère du sire de La Trémouille. La Pucelle prit place dans cette compagnie. Le jour de Patay, malgré ses prières, il lui avait fallu se tenir à l’arrière-garde ; cette fois, elle chevauchait avec les plus hardis et les plus habiles, parmi ces escarmoucheurs ou coureurs qui avaient charge, dit Jean de Bueil[61], de repousser les coureurs adverses et d’observer le nombre et l’ordonnance des ennemis[62]. On lui rendait justice ; on lui donnait la place qu’elle méritait par son adresse à monter à cheval et son courage à combattre ; pourtant elle hésitait à suivre ses compagnons. Elle était là, au rapport d’un chevalier chroniqueur du parti de Bourgogne, toujours avant diverses opinions, une fois voulant combattre, une autre fois non[63].

Son trouble nous est bien concevable. La petite sainte ne pouvait se résoudre ni à chevaucher le jour d’une fête de Notre-Dame ni à se croiser les bras à l’heure de guerroyer. Ses Voix entretenaient son incertitude. Elles ne lui enseignaient ce qu’elle devait faire que lorsqu’elle le savait elle-même. Enfin, elle accompagna les gens d’armes, dont aucun, ce semble, ne partageait ses scrupules. Les deux partis étaient à un jet de couleuvrine l’un de l’autre[64]. Elle s’avança avec quelques-uns des siens jusqu’aux fossés et aux charrois derrière lesquels les Anglais étaient retranchés. Plusieurs Godons et Picards sortirent de leur camp et combattirent, les uns à pied, les autres à cheval, contre un nombre égal de Français. Il y eut de part et d’autre morts, blessés et prisonniers. Les corps à corps durèrent toute la journée ; au coucher du soleil eut lieu la plus grosse escarmouche, autour de laquelle la poussière était si épaisse, qu’on ne voyait plus rien[65] Il en fit, ce jour-là, comme il en avait été, le 17 juin, entre Beaugency et Meung. Avec l’armement et les habitudes d’alors, il était bien difficile de forcer à sortir un ennemi retranché dans son camp. Le plus souvent, pour engager la bataille, il fallait que les deux partis fussent d’accord, et que, après avoir envoyé et accepté le gage du combat, ils eussent fait aplanir, chacun de moitié, le terrain où ils voulaient en venir aux mains.

A la nuit close les escarmouches cessèrent et les deux armées dormirent à un trait d’arbalète l’une de l’autre. Puis le roi Charles s’en fut à Crépy, laissant les Anglais libres d’aller secourir la ville d’Évreux, qui s’était rendue à terme pour le 27 août. Avec cette ville, le Régent sauvait toute la Normandie[66].

Voilà ce que coûtait aux Français la procession royale du sacre, cette marche militaire, civile et religieuse de Reims. Si après la victoire de Patay on avait couru tout de suite sur Rouen, la Normandie était reconquise et les Anglais jetés dans la mer ; si de Patay on avait poussé jusqu’à Paris, on y serait entré sans résistance. Il ne faut pas se hâter pourtant de condamner cette solennelle promenade des Lis en Champagne. Peut-être que le voyage de Reims assura au parti français, à ces Armagnacs décriés pour leurs cruautés et leurs félonies, au petit roi de Bourges compromis dans un guet-apens infâme, des avantages plus grands, plus précieux que la conquête du comté du Maine et du duché de Normandie, et que l’assaut donné victorieusement à la première ville du royaume. En reprenant sans effusion de sang ses villes de Champagne et de France, le roi Charles se fit connaître à son avantage, se montra bon et pacifique seigneur, prince sage et débonnaire, ami des bourgeois, vrai roi des villes. Et enfin, en terminant cette campagne de négociations honnêtes et heureuses par les cérémonies augustes du sacre, il apparaissait tout à coup légitime et très saint roi de France.

 

Une dame illustre, issue de nobles bolonais et veuve d’un gentilhomme de Picardie, versée dans les arts libéraux, qui avait composé nombre de lais, de virelais et de ballades, qui écrivait en prose et en vers d’une haute façon et, pensait noblement ; qui, amie de la France et champion de son sexe, n’avait rien plus à cœur que de voir les Français prospères et les clames honorées, Christine de Pisan, en son vieil âge, cloîtrée dans l’abbaye de Poissy où sa fille tuait religieuse, acheva, le 31 juillet 1429, un poème en soixante et un couplets, comprenant chacun huit vers de huit syllabes, à la louange de la Pucelle et qui, dans une langue affectée et dans un rythme dur, exprimait la pensée des âmes les plus religieuses, les plus doctes, les plus belles sur l’ange de guerre envoyé par le Seigneur au dauphin Charles[67].

Elle commence par dire, en cet ouvrage, qu’elle a pleuré onze ans dans un cloître. Et vraiment, cette dame de grand cœur pleurait les malheurs du royaume dans lequel elle était venue enfant, où elle avait grandi, où les rois et les princes lui avaient fait accueil, les doctes et les poètes l’avaient honorée, et dont elle parlait précieusement le langage. Après onze années de deuil, les victoires du dauphin furent sa première joie.

Enfin, dit-elle, le soleil recommence à luire et se lèvent les beaux jours verdoyants. Cet enfant royal, longtemps méprisé et offensé, le voici venir, portant la couronne et chaussé d’éperons d’or. Crions : Noël ! Charles, septième de ce haut nom, roi des Français, tu as recouvré ton royaume par le moyen de la Pucelle.

Madame Christine rappelle la prophétie concernant un roi Charles, fils de Charles, surnommé le Cerf-Volant[68], lequel devait être empereur. De cette prophétie nous ne savons rien, sinon due l’écu du roi Charles VII était supporté par deux cerfs ailés et que dans une lettre d’un marchand italien, écrite en 1429, se trouve l’annonce obscure du couronnement du dauphin à Rome[69].

Je prie Dieu, poursuit madame Christine, que tu sois celui-là, que Dieu te donne de vivre pour voir tes enfants grandir, que par toi, par eux, la France soit en joie et que, servant Dieu, tu n’y fasses point la guerre à outrance. J’ai espoir que tu seras bon, droit, ami de la justice, plus grand qu’aucun autre, sans que l’orgueil assombrisse tes beaux faits, doux et propice à ton peuple et craignant Dieu qui t’a choisi pour le servir.

Et toi, Pucelle bien heureuse, tant honorée de Dieu, tu as délié la corde qui enserrait la France. Te pourrait-on louer assez, toi qui à cette terre humiliée parla guerre as donné la paix.

Jeanne, née à la bonne heure, béni soit ton créateur ! Pucelle envoyée de Dieu, en qui le Saint-Esprit mit un rayon de sa grâce et qui de lui -reçus et gardes abondance de dons : jamais il ne refusa ta requête. Qui t’aura jamais assez de reconnaissance ?

La Pucelle, sauvant le royaume, madame Christine la compare à Moïse, qui tira Israël de la terre d’Égypte :

Qu’une pucelle tende son sein pour que la France y suce douce nourriture de paix, voilà bien chose qui passe la nature !

Josué fut grand conquérant. Quoi d’étrange à cela, puisque c’était un homme fort ? Or, voici qu’une femme, une bergère montre plus de prud’homie qu’aucun homme. Mais tout est facile à. Dieu.

Par Esther, Judith et Déborah, précieuses dames, il restaura son peuple opprimé. Et je sais qu’il fut des preuses. Mais Jeanne est la nonpareille. Dieu a, par elle, opéré maints miracles.

Par miracle elle fut envoyée ; l’ange de Dieu la conduisit au roi.

Avant qu’on la voulût croire, elle fut menée devant des clercs et des savants et bien examinée. Elle se disait venue de par Dieu et l’on trouva dans les histoires que c’était véritable, car Merlin, la Sibylle et Bède l’avaient vue en esprit. Ils la mirent dans leurs livres comme remède à la France et l’annoncèrent dans leurs prophéties, disant : Elle portera bannière aux guerres françaises. Enfin ils disent de son fait toute la manière.

Que madame Christine connut les chants sibyllins, ce n’est pas pour nous surprendre, car on sait qu’elle était versée dans les écrits des anciens. Mais on voit que la prophétie fraîchement tronquée de Merlin l’Enchanteur et le chronogramme apocryphe de Bède le Vénérable lui étaient parvenus. Les carmes et vaticinations des clercs armagnacs volaient partout avec une merveilleuse rapidité[70].

Le sentiment de madame Christine sur la Pucelle s’accorde avec celui des docteurs du parti français et le poème qu’elle composa dans son cloître ressemble, en beaucoup d’endroits, au traité de l’archevêque d’Embrun.

Il y est dit :

La bonne vie qu’elle mène montre que Jeanne est en la grâce de Dieu.

Il y a bien paru, quand le siège était à Orléans et que sa force s’y montra. Jamais miracle ne fut plus clair. Dieu aida tellement les siens, que les ennemis ne s’aidèrent pas plus que chiens morts. Ils furent pris ou tués.

Honneur du sexe féminin, Dieu l’aime. Une fillette de seize ans à qui les armes ne pèsent point, encore qu’elle soit nourrie à la dure, n’est-ce pas chose qui passe la nature ? Les ennemis devant elle fuient. Maints yeux le voient.

Elle va recouvrant châteaux et villes. Elle est premier capitaine de nos gens. Telle force n’eut Hector ni Achille. Mais tout est fait par Dieu qui la mène.

Et vous, gens d’armes qui souffrez dure peine et exposez votre vie pour le droit, soyez constants : vous aurez au ciel gloire et los, car qui combat pour droite cause gagne le Paradis.

Sachez que par elle les Anglais seront mis bas, car Dieu le veut, qui entend la voix des bons qu’ils ont voulu accabler. Le sang de ceux qu’ils ont occis crie contre eux.

Dans l’ombre de son cloître, madame Christine partage la commune espérance des belles âmes ; elle attend de la Pucelle l’accomplissement de tous les biens qu’elle souhaite. Elle croit que Jeanne fera renaître la concorde dans l’Église chrétienne, et, comme les esprits les plus doux rêvaient alors d’établir par le fer et le feu l’unité d’obédience et que la charité chrétienne n’était pas la charité du genre humain, la poétesse s’attend, sur la foi des prophéties, à ce que la Pucelle détruise les mécréants et les hérétiques, c’est-à-dire les Turcs et les Hussites.

Elle arrachera les Sarrazins comme mauvaise herbe, en conquérant la Terre-Sainte. Là, elle mènera Charles, que Dieu garde ! Avant qu’il meure, il fera tel voyage. Il est celui qui la doit conquérir. Là, elle doit finir sa vie. Là sera la chose accomplie.

Il apparaît que la bonne dame Christine avait terminé de la sorte son poème, quand elle apprit le sacre du roi. Elle y ajouta alors treize strophes pour célébrer le mystère de Reims et prophétiser la prise de Paris[71].

Ainsi, dans l’ombre et le silence d’un de ces cloîtres où pénétraient adoucis les bruits du monde, cette vertueuse dame assemblait et exprimait en rimes tous lés rêves que faisaient sur une enfant le royaume et l’Église.

Dans une ballade assez belle, composée à l’époque du sacre, pour l’amour et l’honneur

Du beau jardin des nobles fleurs de lis

et l’exaltation de la croix blanche, le roi Charles VII est désigné d’un nom mystérieux, que nous venons de trouver dans le poème de madame Catherine, le noble cerf. L’auteur inconnu de la ballade y dit que la Sibylle, fille du roi Priam, prophétisa les malheurs de ce cerf royal, ce dont on sera moins surpris, si l’on songe que, Charles de Valois étant issu de Priam de Troye, Cassandre, en découvrant la destinée du cerf-volant ne faisait que suivre à travers les siècles les vicissitudes de sa propre famille[72].

Les rimeurs du parti français célébraient les victoires inespérées de Charles et de la Pucelle comme ils savaient, de façon un peu vulgaire, en quelque poème à forme fixe, vêtement étriqué d’une maigre poésie.

Toutefois, la ballade[73] d’un poète dauphinois qui commence par ce vers :

Arrière, Englois coués, arrière !

est touchante par l’accent religieux qui la traverse. L’auteur, quelque pauvre clerc, y montre pieusement la bannière anglaise abattue

Par le vouloir dou roy Jésus

Et Jeanne la douce Pucelle.

Les prophéties de Merlin l’Enchanteur et du vénérable Bède avaient accrédité la Pucelle dans le peuple[74]. A mesure que les actions de cette jeune fille étaient connues, on découvrait des prophéties qui les avaient annoncées. On trouva notamment que le sacre de Reims avait été connu d’avance par Engélide, fille d’un vieux roi de Hongrie[75] On attribuait en effet à cette vierge royale une prédiction rédigée en langue latine et dont voici la traduction littérale

Ô Lis insigne, arrosé par les princes et que le senseur mit, en pleine campagne, dans un verger délectable, immortellement ceint de fleurs et de roses bien odorantes. Mais, ô stupeur du Lis, effroi du verger ! Des bêtes diverses, les unes venues du dehors, les autres nourries dans le verger, se soudant cornes à cornes, ont presque étouffé le Lis, comme alangui par sa propre rosée. Elles le foulent longuement, en détruisent presque toutes les racines et le veulent flétrir sous leurs soufres empoisonnés.

Mais, par la vierge venue des contrées d’où s’est répandu le brutal venin les bêtes seront honteusement chassées du verger. Elle porte derrière l’oreille droite un petit signe écarlate, parle avec douceur, a le cou bref. Elle donnera au Lis des fontaines d’eau vive, chassera le serpent, dont le venin sera par elle à tous révélé. D’un laurier non fait d’une main mortelle elle laurera heureusement à Reims le jardinier du Lis, nommé Charles, fils de Charles. Tout alentour les voisins turbulents se soumettront, les sources frémiront, le peuple criera : Vive le Lis ! Loin la bête ! Fleurisse le verger ! Il accédera aux champs de l’île, en ajoutant une flotte aux flottes, et là nombre de bêtes périront dans la défaite. La paix s’établira pour plusieurs. Les clés en grand nombre reconnaîtront la main qui les avait forgées. Les citoyens d’une illustre cité seront punis de leur parjure par la défaite, se remémorant maints gémissements et à l’entrée [de Charles ?] de hauts murs crouleront. Alors le verger du Lis sera... (?) et il fleurira longtemps[76].

Cette prophétie, attribuée à la fille inconnue d’un roi lointain, nous apparaît comme l’ouvrage d’un clerc français et armagnac. La royauté de France y est désignée par ce lis du verger délectable, autour duquel combattent des bêtes nourries dans le verger et des bêtes étrangères, c’est-à-dire les Bourguignons et les Anglais. Le roi Charles de Valois y est nommé par son nom et par le nom de son père et la ville du sacre désignée en toutes lettres. La reddition de plusieurs villes à leur légitime seigneur est exprimée de la façon la plus claire. La prophétie fut faite sans nul cloute au moment même du couronnement ; elle mentionne avec lucidité les faits alors accomplis et elle annonce en termes obscurs les événements qu’on attendait et qui tardèrent beaucoup à venir, ou ne vinrent point de la manière attendue, ou ne vinrent jamais, la prise de Paris après un terrible assaut, une descente des Français en Angleterre, la conclusion de la paix.

Il est grandement à croire qu’en disant que la libératrice du verger serait reconnaissable à la brièveté de son cou, à la douceur de son parler et à un petit signe écarlate, la fausse Engélide indiquait soigneusement ce qu’on remarquait en Jeanne elle-même. Nous savons d’ailleurs que la fille d’Isabelle Romée parlait d’une douce voix de femme[77] ; un cou large et fortement ramassé sur les épaules s’accorde bien avec ce qu’on sait de son aspect robuste[78] ; et la feinte fille du roi de Hongrie n’a pas, sans doute, imaginé l’envie derrière l’oreille droite[79].

 

 

 



[1] Chronique de la Pucelle, pp. 323-324. — Perceval de Cagny, pp. 160-161. — Journal du siège, p. 115. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 98. — Morosini, t. III, p. 196.

[2] Ordonnances des rois de France, t. IX, p. 71. — H. Martin et Lacroix, Histoire de la ville de Soissons, Soissons, 1837, in-8°, II, pp. 283 et suiv.

[3] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 53 et passion.

[4] Ibid., p. 103.

[5] Chronique de la Pucelle, pp. 323-324. — Perceval de Cagny, p. 160. — Monstrelet, t. IV, p. 339.

[6] C. Dormay, Histoire de la ville de Soissons, Soissons, 1664, t. II, pp. 382 et suiv. — H. Martin et Lacroix, Histoire de Soissons, t. II, p. 319. — Pécheur, Annales du diocèse de Soissons, t. IV, p. 513. — Félix Brun, Jeanne d’Arc et le capitaine de Soissons en 1430, Soissons, 1904, p. 34.

[7] Berry, dans Procès, t. IV, pp. 49-50. — Le P. Daniel, Histoire de la milice française, t. I, p. 356. — Félix Brun, Jeanne d’Arc et le capitaine de Soissons, pp. 26, 39.

[8] De L’Epinois, Notes extraites des archives communales de Compiègne, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. XXIX, p. 483. — Sorel, Prise de Jeanne d’Arc, pp. 101-102.

[9] Perceval de Cagny, p. 160. — Monstrelet, t. IV, p. 340.

[10] Monstrelet, t. IV, p. 340. — Chronique de la Pucelle, p. 323. — Félix Bourquelot, Histoire de Provins, Provins, t. IV, pp. 79 et suiv. — Th. Robillard, Histoire pittoresque topographique et archéologique de Crécy-en-Brie, 1852, p. 42. — L’abbé C. Poquet, Histoire de Château-Thierry, 1839, t. I, pp. 290 et suiv.

[11] Perceval de Cagny, pp. 160-161.

[12] Chronique de la Pucelle, pp. 324, 325. — Journal du siège, p. 115. — Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 98-99. — Perceval de Gagny, p. 161. — Rymer, Fœdera, juin-juillet 1429 — Proceedings, t. III, pp. 322 et suiv. — Morosini, t. IV, annexe XVII.

[13] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 98. — Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Statuts, t. I (annot. du doc. n° XXI), p. 741. — H. Jadart, Jeanne d’Arc à Reims, pièce justificative n° 19, p. 118.

[14] Perceval de Cagny, p. 160.

[15] Jusqu’à présent on a lu rabuseront. Notre lecture ne paraît pas douteuse. Cabuser, dans l’ancienne langue, signifie : tromper par une imposture. Il est plutôt d’un emploi populaire. Cf. Godefroy, Lexique, ad. verb.

[16] Traîtres.

[17] La minute originale porte en surcharge les mots : qui vous veullent grever.

[18] Devant le mot commans on lit ma rayé.

[19] Ce nom de lieu manque dans la copie de Rogier.

[20] Procès, t. V, pp. 139-140 et Varin, loc. cit., Statuts, t. I, p. 603, d’après la copie de Rogier. — H. Jadart, Jeanne d’Arc à Reims, pièce justificative, XIV, p. 104-105, et fac-similé de la minute originale autrefois aux archives municipales de Reims et maintenant chez M. le comte de Maleissye.

[21] Procès, t. I, pp. 233-234.

[22] Morosini, t. III, pp. 202-203, note 2.

[23] Chronique de la Pucelle, p. 325. — Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 99-100. — Journal du siège, pp. 119-120. — Gilles de Roye, p. 207.

[24] Procès, t. III, p. 91.

[25] Chronique du doyen de Saint-Thibaut de Metz, dans D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, Pièces justificatives, col. XLI-XLVII. — Villeneuve-Bargemont, Précis historique de la vie du roi René, Aix, 1820, in-8°. — Lecoy de la Marche, Le roi René, Paris, 1875, 2 vol., in-8°. — Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale, 1866, XLI, pp. 1009-15.

[26] Procès, t. II, p. 444. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, p. CXCIX. Morosini, t. III, p. 156, note 3.

[27] Procès, t. V, pp. 105, 111.

[28] Chronique de la Pucelle, Jean Chartier, Journal du siège, loc. cit.

[29] Monstrelet, t. IV, pp. 340, 344.

[30] Perceval de Cagny, p. 161. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 100. — Chronique de la Pucelle, p. 325.

[31] Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Statuts, t. I, p. 742.

[32] Perceval de Cagny, p. 161.

[33] Procès, t. III, pp. 14, 15. — Chronique de la Pucelle, p. 326.

[34] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 164

[35] Thomas Basin, Histoire de Charles VII, ch. VI. — A. Tuetey, Les écorcheurs sous Charles VII, Montbéliard, 1874, 2 vol. in-8°, passim. — H. Lepage, Épisodes de l’histoire des routiers en Lorraine (1362-1446), dans Journal d’Archéologie lorraine, t. XV, pp. 161 et s. — Le P. Denifle, La Désolation des églises, passim. — H. Martin et Lacroix, Histoire de Soissons, p. 318 et passim. — G. Lefèvre-Pontalis, Épisodes de l’invasion anglaise. La guerre de partisans dans la Haute-Normandie (1424-1429), dans Bibliothèque de l’École des Charles, t. LIV, pp. 475-521 ; t. LV, pp. 253-305 ; t. LVI, pp. 432-508.

[36] Lettre de rémission du roi d’Angleterre Henri VI à un habitant de Noyant, dans Stevenson, Letters and papers, t. I, pp. 23, 31. — F. Brun, Jeanne d’Arc et le capitaine de Soissons, note III, p. 41.

[37] Stevenson, Letters and papers, t. I, pp. 23, 31.

[38] Journal d’un bourgeois de Paris, pp. 170-171. — Monstrelet, t. IV p. 96. — Livre des trahisons, pp. 167-168.

[39] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 170. — D’après Monstrelet (t. IV, p. 96), Denis de Vauru, cousin du Bâtard, aurait été décapité aux Halles de Paris.

[40] Procès, t. III, pp. 14-15. — Chronique de la Pucelle, p. 326.

[41] Eberhard Windecke, pp. 108-109, 188-189.

[42] Procès, t. III, pp. 14-15. C’est Dunois qui témoigne, et le texte porte : In custodiendo oves ipsorum, cum sorore et fratribus meis, qui multum gauderent videre me. Mais nous avons lieu de croire qu’elle n’avait eu qu’une sœur et qu’elle l’avait perdue avant de venir en France. Quant à ses frères, il y en avait deux près d’elle. — La déposition de Dunois semble avoir été rédigée par un clerc étranger aux événements. Le caractère hagiographique de ce passage est manifeste.

[43] Procès, t. II, p. 423.

[44] Ibid., t. I, pp. 51, 66.

[45] Monstrelet, t. IV, pp. 340, 341.

[46] Ibid., t. IV, p. 342.

[47] Monstrelet, t. IV, pp. 341-343.

[48] Georges Chastelain, fragments publiés par J. Quicherat dans la Bibliothèque de l’École des Charles, 1re série, t. IV, p. 78.

[49] Monstrelet, t. IV, pp. 341-342.

[50] Procès, t. II, p. 324 ; t. III, p. 130 ; Monstrelet, t. IV, p. 388.

[51] Ibid., t. III, p. 99.

[52] Ibid., t. IV. pp. 206, 406, 444, 470, 472. — Rymer, Fœdera, t. IV, p. 141. — G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise.

[53] Ibid., t. I, pp. 246, 298 ; Lettre d’Alain Chartier, dans Procès, t. V, pp. 131 et suiv.

[54] Monstrelet, t. IV, pp. 344-345. — Perceval de Cagny, pp. 161-162.

[55] Flammermont, Histoire de Senlis pendant la seconde partie de la guerre de cent ans (1405-1441), dans Mémoires de la Société de l’Histoire de Paris.

[56] Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 101-102. — Chronique de la Pucelle, p. 328. — Journal du siège, p. 118. — Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 453. — Morosini, t. III, pp. 188-189, t. IV, annexe XVII. — Rymer, Fœdera, juillet 1429. — Raynaldi, Annales ecclesiastici, pp. 77, 88. — S. Bougenot, Notices et extraits de manuscrits intéressant l’histoire de France conservés à la Bibliothèque impériale de Vienne, p. 62.

[57] Le Livre des trahisons de France, éd. Kervyn de Lettenhove dans la Collection des Chroniques belges, 1813, p. 198.

[58] Perceval de Cagny, p. 162. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 102. — Chronique de la Pucelle, p. 329. — Journal du siège, p. 119-120.

[59] Perceval de Cagny, p. 161.

[60] Le Jouvencel, passim.

[61] Chronique de la Pucelle, p. 329. — Journal du siège, p. 121.

[62] Le Jouvencel, t. II, p. 35.

[63] Monstrelet, t. IV, p. 346.

[64] Perceval de Cagny, p. 162.

[65] Jean Chartier, Chronique de la Pucelle, Journal du siège, Monstrelet, loc. cit.

[66] Chronique de la Pucelle, p. 332. — Perceval de Cagny, p. 165. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106. — Cochon, p. 457. — G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise, Paris, 1894, in-8°, p. 10, 11. — Morosini, t. III, p. 215, note 3. — Ch. de Beaurepaire, De l’administration de la Normandie sous la domination anglaise aux années 1424, 1425, 1429, p. 62 [Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. XXIV.]

[67] Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, pp. 426 et suiv.

[68] Le Cerf-Volant désigne allégoriquement le roi. Froissart rapporte ainsi son origine. Avant de partir pour les Flandres, en 1382, Charles VI avait rêvé que son faucon s’était envolé. Un cerf ailé lui apparut, l’enleva sur son dos et lui permit d’atteindre son oiseau favori. Froissart, liv. II, chap. CLXIV ; liv. IV, chap. I. — Selon Juvénal des Ursins, Charles VI aurait rencontré, en 1380, dans la forêt de Senlis, un cerf avec un collier d’or portant cette inscription : Hoc me Cœsar donavit (Paillot, Parfaite Science des Armoiries, Paris, 1660, in-f°, p. 595). — On rencontre très souvent chez Eustache Deschamps cette même allégorie pour désigner le roi (Eustache Deschamps, Œuvres, éd. G. Raynaud, t. II, p. 57).

[69] Morosini, t. III, pp. 66-67.

[70] Procès, t. III, pp. 133, 338, 340 et suiv. ; t. IV, pp. 305, 480 ; t. V, p. 12.

[71] Procès, t. V, pp. 3 et suiv. — R. Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, suivi d’une notice littéraire et de pièces inédites, Paris, 1838, in-8°.

[72] Le texte de cette ballade inédite m’a été gracieusement communiquée par M. Pierre Champion, qui l’a trouvée dans le Ms. de Stockholm, français LIII, fol. 238. Voici le titre que lui donna le copiste du ms., vers 1472 : Ballade faicte quant le Roy Charles VIIme fut couronne a Rains du temps de Jehanne daiz dicte la pucelle.

[73] P. Meyer, Ballade contre les Anglais (1429), dans Romania, XXI, (1892), pp. 50, 52.

[74] Sur la légende Cf. Merlin, roman en prose du XIIIe siècle, éd. G. Paris et J. Ulrich, 1886, 2 vol. in-8°, introduction. — Premier volume de Merlin, Paris, Vérard, 1498, in-fol. — Hersart de la Villemarqué, Myrdhin ou l’enchanteur Merlin, son histoire, ses œuvres, son influence, Paris, 1862, in-12. — La Borderie, Les véritables prophéties de Merlin ; examen des poèmes bretons attribués à ce barde dans Revue de Bretagne, t. LIII (1883). — D’Arbois de Jubainville, Merlin est-il un personnage réel ou les origines de la légende de Merlin dans Revue des Questions Historiques, t. V (1868), pp. 559, 568.

[75] Procès, t. III, p. 340. — Lanéry d’Arc, Mémoires et consultations, p. 402.

[76] Procès, t. III, pp. 344-345.

[77] Philippe de Bergame, dans Procès, t. IV, p. 523 ; t. V, p. 108, 120.

[78] Procès, t. III, p. 100. — Philippe de Bergame, De claris mulieribus, dans Procès, t. IV. p. 323. — Chronique de la Pucelle, p. 271. — Perceval de Boulainvilliers, Lettre au duc de Milan, dans Procès, t. V, p. 119-120.

[79] J. Bréhal, dans Procès, t. III, p. 345.