VIE DE JEANNE D’ARC

Tome I

CHAPITRE VI. — LA PUCELLE À CHINON. - PROPHÉTIES.

 

 

Du village de Sainte-Catherine-de-Fierbois, Jeanne dicta une lettre pour le roi, ne sachant point écrire. Par cette lettre, elle lui demandait congé de l’aller trouver à Chinon et l’avisait que, pour lui venir en aide, elle avait traversé cent cinquante lieues de pays et qu’elle savait beaucoup de choses bonnes pour lui. On a dit qu’elle lui annonçait aussi que, même fût-il caché parmi beaucoup d’autres, elle saurait bien le reconnaître ; mais, interrogée plus tard à ce sujet, elle répondit qu’il ne lui en souvenait plus[1].

Vers midi, quand la lettre fut scellée, Jeanne partit avec son escorte pour Chinon[2]. Elle allait vers le roi, comme y allaient à cette heure, sur un cheval boiteux trouvé dans un pré, tous ces fils pauvres des veuves d’Azincourt et de Verneuil, ces jouvenceaux sortis à quinze ans de leur tour en ruines et qui venaient se refaire et refaire le royaume ; comme y allaient Loyauté, Bon désir et Famine[3]. Charles VII, c’était la France, l’image et le symbole de la France. A cela près, un pauvre homme. Né l’onzième des malheureux enfants qu’un malade faisait, entre deux accès de manie furieuse, à une Bavaroise poulinière[4], il avait grandi dans les désastres et survécu à ses quatre frères aînés, bien que lui-même assez mal venu, cagneux, les jambes faibles[5] ; vrai fils de roi, si l’on s’en rapporte à sa mine, encore n’en faudrait-il pas jurer[6]. D’avoir été sur le pont de Montereau ce jour oit, disait un juste, mieux eût valu être mort que d’y avoir été[7], il demeurait pâle et tremblant, et regardait d’un œil morne tout aller autour de lui à la male heure. Après leur victoire de Verneuil et la conquête inachevée du haine, les Anglais, appauvris et fatigués, lui avaient laissé quatre ans de répit. Mais ses amis, ses défenseurs, ses sauveurs avaient été terribles. Pieux et modeste, se contentant pour lors de sa femme qui n’était pas belle, il menait dans ses châteaux de la Loire une vie inquiète et triste ; il était peureux. On l’eût été à moins : dès qu’il donnait un peu d’amitié ou de confiance à un seigneur, on le lui tuait. Le connétable de Richemont et le sire de la Trémouille lui avaient noyé le sire de Giac après une manière de procès[8] ; le maréchal de Boussac, sur l’ordre du connétable, lui avait tué Lecamus de Beaulieu avec moins de façons. Lecamus se promenait sur sa mule, dans un pré au bord du Clain, quand des hommes se jetèrent sur lui, l’abattirent, la tête fendue et la main coupée ; on ramena au roi la mule du favori[9]. Le connétable de Richemont lui avait donné La Trémouille, un tonneau, une outre, une espèce de Gargantua qui dévorait le pays. La Trémouille ayant chassé Richemont, le roi gardait La Trémouille, en attendant le retour de Richemont dont il avait grand’peur. Et, de vrai, un prince paisible et timide comme il était, devait craindre ce breton toujours battu, toujours furieux, âpre, féroce, à qui sa maladresse et sa violence donnaient un air de rude franchise[10].

En 1428, Richemont voulut reprendre de force sa place auprès du roi. Les comtes de Clermont et de Pardiac se joignirent au connétable. La belle-mère du roi, Yolande d’Aragon, reine, sans royaume, de Sicile et de Jérusalem et duchesse d’Anjou, entra dans le parti des mécontents[11]. Le comte de Clermont prit et mit à rançon le chancelier de France, le premier ministre de la couronne. Il fallut que le roi paya pour ravoir son chancelier[12]. Le connétable guerroyait en Poitou contre les gens du roi, tandis que les routiers, à la solde du roi, ravageaient les pays restés dans son obéissance et que les Anglais s’avançaient sur la Loire.

Dans cette condition misérable, le roi Charles, tout mince, étriqué de corps et d’esprit, fuyant, craintif, défiant, faisait triste figure ; pourtant, il en valait bien un autre, et c’était peut-être le roi qu’il fallait à cette heure. Un Philippe de Valois, un Jean le Bon s’étaient donné l’amusement de perdre des provinces à l’épée. Le pauvre roi Charles n’avait, ni le goût ni les moyens de faire comme eux des vaillantises d’armes, et de chevaucher sur le dos de la piétaille. Il avait ceci d’excellent qu’il n’aimait pas du tout les prouesses et qu’il n’était ni ne pouvait être de ces chevalereux qui faisaient la guerre en beauté. Déjà son grand-père, dépourvu aussi ale toute chevalerie, avait beaucoup nui aux anglais. Le petit-fils n’était pas sans doute d’aussi brande sapience que Charles V, mais il ne manquait point de cautèle et était enclin à penser que souvent on gagne plus par traités qu’à la pointe de la lance[13].

On faisait sur son dénuement des contes ridicules. Un cordonnier, disait-on, qu’il ne pouvait payer comptant, lui avait tiré du pied le houseau qu’il venait de lui mettre et était parti, le laissant avec ses vieux houseaux[14]. On disait encore qu’un jour, La Hire et Saintrailles l’étant venu voir, l’avaient trouvé dînant avec la reine et n’ayant que dent poulets et une queue de mouton pour tout festoiement[15]. C’étaient là des propos à faire rire les bonnes gens. Le roi possédait encore de grandes et belles provinces : Auvergne, Lyonnais, Dauphiné, Touraine, Anjou, tous les pays au sud de la Loire, hors la Guyenne et la Gascogne[16].

Sa grande ressource était de convoquer les États. La noblesse ne donnait rien, alléguant qu’il était ignoble de payer. Si le clergé contribuait malgré son dénuement, le tiers portait plus que son faix des charges pécuniaires. La taille, impôt extraordinaire, devenait annuelle. Le roi assemblait les États tous les ans, souvent deux fois l’an, mais non sans peine[17]. Les routes étaient mal sûres. Les voyageurs risquaient, à tout bout de champ, d’être détroussés et assassinés. Les officiers, qui allaient de ville en ville recouvrer les deniers, marchaient sous escorte, de crainte des Écossais et des autres gens d’armes au service du roi[18]. En 1427, un routier nommé Sabbat, qui tenait garnison à Langeais, faisait trembler la Touraine et l’Anjou. Aussi les députés des villes n’étaient-ils pas pressés de se rendre aux États. Encore s’ils avaient cru que leur argent fût employé pour le bien du royaume ! Mais ils savaient que le roi en ferait d’abord des présents à ses seigneurs. On les Invitait à venir aviser sur le moyen de réprimer les pilleries et roberies dont ils souffraient[19] ; et quand, au risque de leur vie, ils étaient venus en chambre royale, il leur fallait consentir la taille en silence. Les officiers dur roi menaçaient de les faire noyer, s’ils ouvraient la bouche. Aux États tenus à Mehun-sur-Yèvre, en 1425, les gens des bonnes villes dirent qu’ils étaient contents d’aider le roi, mais qu’ils voudraient bien qu’il fût mis fin aux pilleries, et messire Hugues de Comberel, évêque de Poitiers, parla comme eux. En l’entendant, le sire de Giac dit au roi : Si l’on m’en croyait, on jetterait Comberel dans la rivière avec les autres qui ont été de son opinion. Sur quoi les gens des bonnes villes votèrent deux cent soixante mille livres[20]. En septembre 1427, réunis à Chinon, ils accordèrent cinq cent mille livres pour la guerre[21]. Par lettres du 8 janvier 1428, le roi manda aux États généraux de se réunir dans un délai de six mois, le 18 juillet suivant, à Tours[22]. Le 18 juillet, personne ne vint. Le 22 juillet, nouveau mandement du roi, assignant les États à Tours le 10 septembre[23]. L’assemblée n’eut lieu qu’en octobre 1428 à Chinon, au moment où le comte de Salisbury marchait sur la Loire. Les États accordèrent cinq cent mille livres[24]. Mais on s’attendait à ce que bientôt le bon peuple ne pût plus parer. Par ce temps de guerre et de roberies, bien des terres étaient en friche, bien des boutiques closes, et l’on ne voyait plus beaucoup de marchands allant, sur leur bidet, de ville en ville[25].

L’impôt ne rentrait pas bien et réellement le roi souffrait par défaut d’argent. Pour guérir ce grand mal, il employait trois remèdes, dont le meilleur ne valait rien. Premièrement, comme il devait à tout le monde, à la reine de Sicile[26], à La Trémouille[27], à son chancelier[28], à son boucher[29], au chapitre de Bourges qui lui fournissait du poisson d’étang[30], à ses cuisiniers[31], à ses galopins[32], il engageait l’impôt entre les mains de ses créanciers[33] ; deuxièmement, il aliénait son domaine : ses villes, ses terres étaient à tout le monde, hors à lui[34] ; troisièmement, il faisait de la fausse monnaie. Ce n’était point par malice, mais par nécessité et conformément à l’usage[35].

Le sire de La Trémouille portait le seul titre de conseiller-chambellan, mais il était aussi le grand usurier du royaume. Il avait pour débiteurs le roi et une multitude de seigneurs grands oui petits[36]. C’était donc un homme puissant. En ces temps difficiles, il rendit à la couronne des services sans doute intéressés mais précieux. Du mois de janvier au mois d’août 1428, il avança des sommes s’élevant à vingt-sept mille livres environ pour lesquelles des châteaux et des terres lui furent données en gage[37]. Par bonheur, le Conseil du roi était composé d’un assez grand nombre de légistes et de gens d’Église fort capables d’expédier les affaires. L’un d’eux, Robert Le Maçon, seigneur de Trèves, Angevin, né dans la roture, entré au Conseil sous la Régence, fut le premier de ces hommes sans naissance qui servirent Charles VII de manière à lui valoir le surnom de Bien-Servi[38]. Un autre, le sire de Gaucourt, avait aidé son roi à la guerre[39].

Il en est un troisième qu’il faut connaître le mieux possible. Sa part dans cette histoire est grande ; elle apparaîtrait talus grande encore si on la découvrait tout entière. C’est Regnault de Chartres, que nous avons déjà vu enlevé et mis à finance[40]. Fils d’Hector de Chartres, maître des Eaux et Forêts en Normandie, il entra dans les ordres, devint archidiacre de Beauvais, puis camérier du pape Jean XXIII et fut élevé en 1414, à l’âge de trente-quatre ans environ, au siège archiépiscopal de Reims[41]. L’année suivante, trois de ses frères restèrent dans les boues sanglantes d’Azincourt. Hector de Chartres périt à Paris en 1418 massacré par les bouchers[42]. Regnault lui-même, jeté dans les prisons des Cabochiens, s’attendait à être mis à mort. Il fit vœu, s’il échappait à ce péril, d’observer le maigre tous les mercredis et de déjeuner à l’eau tous les vendredis et les samedis, sa vie durant[43]. On ne saurait juger de l’esprit d’un homme sur un acte inspiré par l’épouvante ; pourtant l’auteur de ce vœu ne saurait être mis facilement au rang des Épicuriens qui ne croyaient pas en Dieu, comme il s’en trouvait, dit-on, beaucoup parmi les clercs ; on supposera plutôt que son intelligence se soumettait aux croyances communes.

Une fidélité tragique, héréditairement gardée aux Armagnacs, recommandait Monseigneur Regnault au dauphin Charles qui lui confia des missions importantes dans diverses parties de la Chrétienté, Languedoc, Écosse, Bretagne, Bourgogne[44]. L’archevêque de Reims s’en acquitta avec un zèle infatigable et une rare habileté. Au mois de décembre 1421, alléguant sa santé débile et le service du dauphin, qui l’obligeait à de fréquents voyages et à de laborieuses ambassades, il supplia le Saint-Père de le relever du vœu fait auparavant dans les prisons des Bouchers[45].

En 1425, alors qu’un homme de robe très habile, qui pouvait bien être un fripon, le président Louvet[46], gouvernait le royaume et le roi, messire Regnault fui nommé chancelier de France à la place de messire Martin Gouges de Charpaigne, évêque de Clermont[47]. Mais peu de temps après, Arthur de Bretagne, connétable de France, ayant chassé Louvet, Regnault vendit sa charge à Martin Gouges, moyennant une pension de deux mille cinq cents livres tournois[48].

Révérend Père en Dieu, Monseigneur l’Archevêque de Reims n’était pas aussi riche, tant s’en fallait, que Monseigneur de la Trémouille ; mais on fait ce qu’on peut. Tout comme le sire de la Trémouille il prêtait de l’argent du roi[49]. Après cela, qui, dans ce temps, ne prêtait pas d’argent au roi ? Charles VII lui donna la ville et le château de Vierzon en paiement de seize mille livres tournois qu’il lui devait[50]. Quand le sire de la Trémouille eut traité le connétable, comme le connétable avait traité Louvet, Regnault de Chartres redevint chancelier. Il entra en charge le 8 novembre 1428. A cette date, le Conseil avait déjà envoyé à Orléans des gens d’armes et des canons. Monseigneur de Reims, aussitôt en fonction, se jeta dans la ville assiégée et n’épargna pas sa peine[51]. Il était très attaché aux biens de ce monde et pouvait passer pour avare[52]. Mais on ne peut douter ni de son dévouement à la cause royale, ni de la haine qu’il nourrissait pour ceux du Léopard et de la Croix Rouge[53].

Jeanne, après onze jours de voyage, arriva à Chinon, le 6 mars[54], qui était le quatrième dimanche du carême, celui-là même où les garçons et les filles de Domremy allaient en troupe, dans la campagne encore grise et nue, manger des noix et des œufs durs avec des petits pains, pétris par leurs mères. C’est ce qu’ils appelaient faire leurs fontaines ; mais Jeanne ne dut pas se rappeler ses fontaines passées, ni sa maison quittée sans une parole d’adieu[55]. Ignorant ces fêtes rustiques et presque païennes par lesquelles les pauvres chrétiens rompaient la pénitence de la sainte quarantaine, l’Église avait donné à ce jour le nom de dimanche de Lætare, du premier mot de l’introït Lætare, Jerusalem. Ce dimanche, le prêtre en montant à l’autel, récite à la messe basse, et le chœur chante à la grand’messe ces paroles tirées de l’Écriture : Lætare, Jérusalem ; et conventum facite, onives qui diligitis eum... Réjouis-toi, Jérusalem ; et formez une assemblée, vous tous qui l’aimez. Délectez-vous dans la joie, vous qui avez été dans la tristesse, afin d’exulter et d’être rassasiés par l’abondance de votre consolation. Les prêtres, les religieux, les clercs versés dans les saintes Écritures, qui savaient la venue de la Pucelle, ceux-là quand ils chantèrent dans les églises avec tout le peuple Lætare, Jérusalem, eurent présente à la pensée la vierge annoncée par les prophéties, suscitée pour le salut commun, marquée d’un signe, qui en ce jour faisait son entrée humblement dans la ville. Plus d’un, peut-être, appliqua au royaume de France ce qui est dit de la nation sainte en cet endroit de l’Écriture et trouva dans la coïncidence de ce texte liturgique et de cette bienvenue un sujet d’espérance. Lætare, Jérusalem ! Réjouis-toi, peuple fidèle à ton vrai roi et droiturier souverain. Et conventum facite. Réunissez toutes vos forces contre vos ennemis. Gaudete cum lætitia, qui in tristitia fuistis. Après votre longue misère, réjouissez-vous. Le Seigneur vous envoie secours et consolation.

Par l’intercession de saint Julien, et probablement avec l’aide de Collet de Vienne, messager du roi, Jeanne trouva logis en ville, près du château, dans une hôtellerie tenue par une femme de bonne renommée[56]. Les broches n’y tournaient point. Et les hôtes, enfoncés dans le manteau de la cheminée, y voyaient griller saint Hareng, qui souffrit pis que saint Laurent[57]. En ces âges, les prescriptions de l’Église relativement au jeûne et à l’abstinence durant le saint temps du carême n’étaient transgressées par personne en pays chrétien. A l’imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui jeûna quarante jours dans le désert, les fidèles observaient le jeûne depuis le quatrième jour avant le dimanche de Quadragésime jusqu’à Pâques, ce qui donne quarante jours en retranchant les dimanches, où l’on rompait le jeûne, mais non pas l’abstinence. Ainsi jeûnant, l’âme allégée, Jeanne entendait le tintement de ses Voix[58]. Durant les deux jours qu’elle passa à l’hôtellerie, elle vécut recluse, agenouillée[59]. Les bords de la Vienne et les larges prairies, encore vêtues de la noire verdure de l’hiver, les coteaux où traînaient les brumes légères, ne la tentèrent pas. Mais si, pour aller à l’église, passant par quelque rue montueuse, ou seulement soignant son cheval dans la cour de l’auberge, elle levait la tête du côté du !lord, elle voyait debout, sur la montagne toute proche, à un jet de ces boulets de pierre en usage depuis cinquante ou soixante ales, les toua du plus beau château de tout le royaume, les fières murailles derrière lesquelles respirait ce roi à qui elle venait, conduite par un merveilleux amour.

C’étaient trois châteaux qui se confondaient à ses yeux dans une longue niasse grise de murs crénelés, de donjons, de tours, de tourelles, de courtines, de barbacanes, d’échauguettes et de bretèches ; trois châteaux séparées l’un de l’autre par des douves, des barrières, des poternes, des herses. A sa gauche, vers le couchant, fuyaient et se cachaient les unes derrière les autres les huit tours du Coudray, dont l’une avait été bâtie par un roi d’Angleterre et dont les moins anciennes dataient de plus de deux cents ans. A droite, bien visible, le château du milieu dressait ses vieux murs et ses tours couronnées de mâchicoulis. Là était la chambre de saint Louis, la chambre du roi, appartement de celui que Jeanne appelait le gentil dauphin. Et c’est là ainsi, tout contre la chambre nattée, que s’étendait la grande salle où elle allait être reçue. Du côté de la ville, la place de cette salle était marquée par une tour contiguë, une tour carrée, très vieille. A droite régnait un vaste bayle, où place d’armes, destiné au logement de la garnison et à la défense du château du milieu. De ce côté, une grande chapelle élevait au-dessus des remparts sa toiture en forme de carène renversée. Cette chapelle, bâtie par Henri II d’Angleterre, était sous l’invocation de saint Georges le Bayle tenait d’elle son nom de fort Saint-Georges[60]. Tout le monde alors savait l’histoire de saint Georges, vaillant chevalier qui transperça de sa lance un dragon et délivra la fille d’un roi, puis souffrit en confessant sa foi ; attaché, comme sainte Catherine, à une roue garnie de lames tranchantes, la roue se rompit par miracle, tout de même que se brisa celle où les bourreaux avaient mis la vierge d’Alexandrie. Et, comme elle, saint Georges souffrit la mort par le glaive. Ce qui prouve qu’il était un grand saint[61], mais maintenant il avait un tort : il était du parti des Godons qui, depuis plus de trois cents ans, chômaient sa fête comme celle de toute l’englischerie, le tenaient pour leur céleste patron et l’invoquaient de préférence à tout autre bienheureux, en sorte que son nom était sans cesse dans la bouche du plus vilain archer gallois comme dans celle d’un chevalier de la Jarretière. A vrai dire, on ne savait ce qu’il pensait ni s’il ne donnait pas tort à ces pillards qui combattaient pour une mauvaise cause, niais on pouvait raisonnablement craindre qu’il ne se montrât sensible à tant d’honneurs. Les saints du Paradis se mettent volontiers du côté de ceux qui les invoquent le plus dévotement. Saint Georges, enfin, était Anglais comme saint Michel était Français. Celui-là, le glorieux archange, se montrait le plus vigilant protecteur des fleurs de lis, depuis que Monsieur saint Denys, patron du royaume, avait laissé prendre son abbaye. Et Jeanne le savait.

Cependant les dépêches du capitaine de Vaucouleurs, apportées par Colet de Vienne, furent remises au Roi[62]. Ces dépêches l’instruisaient des faits et dits de la jeune fille. C’était une des innombrables all"aires qui devaient être examinées en Conseil, et l’une de celles que le Roi, ce semble, devait examiner lui-même comme inhérentes à sa fonction royale et comme l’intéressant spécialement, puisqu’il s’agissait peut-être d’une fille de piété singulière, et qu’il était lui-même la première personne ecclésiastique du royaume[63]. Son grand-père, si sage prince, aurait eu garde de mépriser les avis des femmes dévotes, en qui Dieu parlait. Environ l’an 1380, il avait fait appeler à Paris Guillemette de la Rochelle qui menait une vie solitaire et contemplative, et y avait acquis, disait-on, une si grande vertu, que, dans ses ravissements, elle se soulevait de terre de plus de deux pieds. Le roi Charles V lui fit faire, dans mainte église, de beaux oratoires où elle pût prier pour lui[64]. Le petit-fils ne devait pas moins faire, ayant plus grand besoin d’aide. Il trouvait encore dans sa famille des exemples plus récents du commerce des rois et des saintes. Son père, le pauvre roi Charles VI, de passage à Tours, se fit présenter par le duc Louis d’Orléans la dame Marie de Maillé, qui avait fait vœu de virginité et changé en un agneau timide l’époux venu comme un lion dévorant. Elle dit au roi des secrets et il fut content d’elle, car il voulut. la revoir trois ans après à Paris. Cette fois ils conversèrent longtemps seuls ensemble, et elle lui dit encore des secrets, si bien qu’il la renvoya avec des présents[65]. Ce même prince avait fait accueil à un pauvre chevalier cauchois nommé Robert le Mennot qui, favorisé d’une vision durant qu’il était près des côtes de Syrie, au péril de la mer, se disait envoyé de Dieu pour le rétablissement de la paix[66]. Il avait reçu plus favorablement encore une femme nommée Marie Robine et qu’on appelait d’ordinaire la Gasque d’Avignon[67]. En 1429, tout le monde, autour du Roi, n’avait pas oublié cette inspirée venue à Charles VI pour le retenir dans l’obéissance du pape Benoît XIII. Ce pape se trouva être un antipape ; mais la Gasque fut tenue cependant pour prophétesse. Elle avait eu, comme Jeanne, beaucoup de visions touchant la désolation du royaume de France, et elle avait vu des armes dans le ciel[68]. Les rois d’Angleterre n’étaient pas moins attentifs que les rois de France à recueillir la parole de ces saints et de ces saintes qui alors prophétisaient en foule. Henri V interrogea l’ermite de Sainte-Claude, Jean de Gand, qui lui annonça sa fin prochaine ; et, mourant, il fit encore appeler le prophète inexorable[69]. C’était l’usage des saints de parler aux rois et l’usage des rois de les entendre. Comment un prince pieux eût-il dédaigné cette source merveilleuse de conseils ? Il eût encouru par là le blâme des plus sages.

Le roi Charles lut les lettres du capitaine de Vaucouleurs et fit interroger devant lui les conducteurs de la jeune fille. De mission, de miracles, ils ne purent rien dire. Mais ils parlèrent du bien qu’ils avaient vu en elle durant le voyage, et affirmèrent qu’elle était toute bonne[70].

Assurément, Dieu parle par ses vierges. Mais, en de telles rencontres, il est nécessaire d’agir avec une extrême prudence, de distinguer soigneusement les vraies prophétesses d’avec les fausses et de ne point prendre pour des messagères du ciel les fourrières du diable. Celles-ci font parfois illusion. A l’exemple de Simon le Magicien, qui opposait des prodiges aux miracles de saint Pierre, ces créatures recourent aux arts diaboliques pour séduire les hommes. Douze ans auparavant, une femme vente aussi des Marches de Lorraine, Catherine Saure, native de Thons proche Neufchâteau, qui vivait recluse au Port de Lates, avait prophétisé. Toutefois, l’évêque de Maguelonne sut de science certaine qu’elle était menteresse et sorcière ; c’est pourquoi elle fut brûlée vive à Montpellier en 1417[71]. Des nuées de femmes, ou plutôt de femelles, mulierculæ[72], vivaient comme cette Catherine et finissaient comme elle.

Jeanne fut interrogée sommairement par des hommes d’Église, qui lui demandèrent pourquoi elle était venue. Elle répondit d’abord qu’elle ne dirait rien due parlant au roi. Les clercs lui ayant représenté que c’était au nom même du roi qu’ils l’invitaient à s’expliquer, elle fit connaître qu’elle avait deux choses en mandat de la part du Roi des cieux : que l’une était de lever le siège d’Orléans, l’autre de conduire le roi à Reims pour son sacre et son couronnement[73]. Devant ces gens d’Église, de même qu’à Vaucouleurs devant sire Robert, elle répétait, mot pour mot, ce qu’autrefois avait dit le vavasseur de Champagne envoyé au roi Jean le Bon, tout comme elle était envoyée au dauphin Charles.

Ayant cheminé jusqu’à la plaine de Beauce, où le roi Jean, impatient de combattre, campait avec son armée, le vavasseur champenois entra dans le camp et demanda à voir le plus prud’homme qui fie tint auprès du roi. Les seigneurs, à qui cette requête fut portée, se mirent à rire. Mais l’un d’eux, ayant vu de ses yeux le vavasseur, reconnut toit de suite que c’était un homme bon, simple et sans malice. Il lui dit : Si tu as quelque avis à donner, va vers l’aumônier du roi. Le vavasseur alla donc vers l’aumônier du roi Jean et lui dit : Faites que je parle au roi ; j’ai telle chose à dire que je ne dirai à personne fors à lui. — Qu’est-ce ? demanda l’aumônier. Dites ce que vous savez. Mais le bonhomme ne voulut pas révéler son secret. L’aumônier alla trouver le roi Jean et lui dit : Sire, il y a céans un prud’homme, qui me semble sage à sa façon et qui vous veut dire une chose qu’il ne dira qu’à vous. Le roi Jean refusa de voir ce prud’homme. Il appela son confesseur et l’envoya recueillir, en compagnie de son aumônier, le secret du vavasseur. Les deux prêtres allèrent à l’homme el lui annoncèrent qu’ils étaient commis par le roi pour l’entendre. A cette nouvelle, désespérant de voir le roi Jean et se fiant au confesseur et à l’aumônier pour ne révéler son secret qu’au roi, il leur parla comme voici : Tandis que j’étais seul aux champs, une voix me dit par trois fois : Va vers le roi Jean de France, et l’avertis de ne combattre contre nuls de ses ennemis. Obéissant à cette voix, je suis venu en porter nouvelles au roi Jean. Ayant reçu le secret du vavasseur, le confesseur et l’aumônier le portèrent au roi qui s’en moqua. Il s’avança avec ses compagnons jusqu’à Poitiers, où il rencontra le prince Noir. Il perdit toute son armée dans la bataille et, atteint au visage de deux blessures, fut pris par les Anglais[74].

Les clercs qui avaient interrogé Jeanne différaient d’opinions sur elle. Les uns déclaraient que son affaire n’était qu’une trufferie et que le roi eût à se défier de cette fille[75]. Les autres pensaient au contraire que puisqu’elle se disait envoyée de Dieu et avait à parler au roi, le roi devait au moins l’entendre.

Deux hommes d’Église, qui se trouvaient alors auprès du roi, Jean Girard, président du Parlement de Grenoble, et Pierre l’Hermite, qui fut depuis sous-doyen de Saint-Martin-de-Tours, jugèrent le cas assez intéressant et assez difficile pour le soumettre à messire Jacques Gélu, ce prélat armagnac, qui avait longtemps servi, dans les conseils et les ambassades, la maison d’Orléans et le dauphin de France. Gélu aux approches de la soixantaine s’était retiré dit Conseil et avait quitté le siège archiépiscopal de Tours pour le siège d’Embrun, plus humble et plus caché. Il était illustre et vénérable[76]. Jean Girard et Pierre l’Hermite lui annoncèrent, en une lettre missive, la venue de cette jeune fille et ils lui firent connaître qu’interrogée singulièrement par trois professeurs de théologie, elle avait été reconnue dévote, sobre, tempérante et coutumière, une fois la semaine, des sacrements de confession et de communion. Jean Girard pensait qu’elle pouvait avoir été envoyée par le Dieu qui suscita Judith et Déborah et se fit annoncer par les Sibylles[77].

Charles était pieux et entendait à genoux et dévotement trois messes par jour ; il récitait exactement sep heures canonicales et v joignait des prières pour les morts et d’autres oraisons ; il se confessait quotidiennement et communiait aux jours de fêtes[78], mais il croyait à la divination par les astres, en quoi, il ne se distinguait pas des autres princes de son temps : chacun d’eux avait un astrologue à son service[79]. Le feu duc de Bourgogne était constamment accompagné d’un devin juif nommé maître Mousque. Le jour dont il ne devait pas voir la fin, comme il se rendait au pont de Montereau, maître Mousque lui conseilla de ne point aller plus avant, pronostiquant qu’il n’en reviendrait pas. Le duc passa outre et fut tué[80]. Le dauphin Charles se fiait aux Jean des Builhons, aux Germain de Thibouville et à tous autres bonnets pointus[81] et gardait toujours deux ou trois astrologues auprès de lui. Ces faiseurs d’almanachs dressaient des thèmes de nativité, tiraient des horoscopes et lisaient dans le ciel l’annonce des guerres et des révolutions. L’un d’eux, maître Rolland l’Écrivain, suppôt de l’Université de Paris, qui la nuit, dans sa gouttière, observait le ciel, vit, un certain jour, à une certaine heure, l’Épi de la Vierge en l’ascendant, Vénus, Mercure et le Soleil au mi-ciel[82] ; par quoi son compère Guillaume Barbin de Genève découvrit sûrement que les Anglais seraient chassés de France et le roi rétabli par le moyen d’une simple pucelle[83]. Si l’on en croit l’inquisiteur Bréhal, quelque temps avant la venue de Jeanne, en France, un habile astronome de Sienne, du nom de Jean de Montalcin, avait, entre autres choses, écrit au roi Charles les paroles suivantes : Votre victoire sera dans le conseil d’une vierge ; poursuivez votre triomphe sans cesse jusqu’à la ville de Paris[84].

En ce moment même, le dauphin Charles gardait près de lui, à Chinon, un vieux astrologue normand, nommé Pierre, qui pourrait bien être Pierre de Saint-Valerien, chanoine de Paris, lequel revenait d’Écosse, oit il était allé chercher, avec nombre de gentilshommes, madame Marguerite, fiancée au dauphin Louis. Ce maître Pierre passa, très peu de temps après, à tort ou à raison, pour avoir lu dans le ciel que la bergère de la Meuse était destinée à chasser les Anglais[85].

Jeanne n’attendit pas longtemps dans son hôtellerie. Deux jours après sa venue, ce qu’elle avait voulu d’un si grand cœur s’accomplit ; elle fut menée au roi[86]. On montrait encore au siècle dernier près du Grand-Carroy, devant une maison en colombage, un puits sur la marge duquel, selon la tradition, elle mit le pied pour descendre de cheval, avant de gravir la pente roide qui, par la vieille Porte, conduisait au château[87]. Elle avait déjà franchi le fossé, et le roi n’était pas encore décidé à la recevoir. Plusieurs de ses familiers, et non des moindres, lui conseillaient de se défier d’une femme inconnue qui formait peut-être de mauvais desseins. — D’autres lui représentèrent, au contraire, que cette pastoure lui était annoncée par lettres, envoyée de la part de Robert de Baudricourt, amenée à travers des provinces ennemies ; qu’elle avait, de façon quasi miraculeuse, traversé à gué beaucoup de rivières pour arriver jusqu’à lui. Le roi, sur ces représentations, consentit à l’accueillir[88].

La grande salle regorgeait de monde ; les haleines la chauffaient, ni plus ni moins qu’à toute audience que donnait le roi ; elle présentait cet aspect de halle, de cohue, familier aux courtisans. C’était le soir ; cinquante torches brûlaient sous les solives peintes[89] ; hommes mûrs enjuponnés et fourrés, jeunes gentilshommes glabres, engoncés, des épaules, étriqués du reste, la taille fine, les jambes grêles dans les chausses collantes, les pieds pointus dans les poulaines ; seigneurs tout armés, au nombre de trois cents, se pressaient, selon la coutume aulique, poussaient, arrondissaient les coudes, et l’huissier donnait de la verge sur les têtes[90]. Là se trouvaient les deux envoyés d’Orléans, messire Jamet du Tillay et le vieux seigneur Archambaud de Villars, capitaine de Montargis, Simon Charles, maître des requêtes, ainsi que de très hauts seigneurs, le comte de Clermont, le sire de Gaucourt et probablement le sire de La Trémouille et Monseigneur l’archevêque de Reims, chancelier du royaume[91]. Averti que la Pucelle venait, soit qu’il lui restât quelque défiance et qu’il hésitât encore, soit qu’il eût certaines personnes à entretenir d’abord, ou pour toute autre raison, le roi Charles s’enfonça dans la foule des seigneurs[92]. Jeanne fut introduite par le comte de Vendôme[93]. Robuste, le cou puissant et court, la poitrine ample, autant qu’il y pouvait paraître sous le jacque, elle portait petits draps, c’est-à-dire braies comme les hommes[94]. Ce qui devait surprendre plus encore que ses chausses, c’était sa coiffure. Un chaperon de laine sur la tête, elle montrait ses cheveux noirs coupés en sébile à la manière des varlets[95]. Les femmes de tout âge et de toute condition prenaient grand soin de tirer leurs cheveux sous le hennin, la coiffe, le voile, de manière qu’il n’en passât pas un fil. Et cette crinière libre sur une tête féminine était pour le temps une chose étrange[96].

Elle alla droit au roi, ôta son chaperon, fit la révérence à la paysanne, et dit :

— Dieu vous donne bonne vie, gentil dauphin[97].

On admira plus tard qu’elle l’eut reconnu au milieu des seigneurs vêtus plus richement que lui. Il est possible qu’il fût ce jour-là assez mal habillé. Nous savons qu’il faisait remettre des manches à ses vieux pourpoints[98]. En tout cas, il ne payait pas de mine. Fort laid, les yeux petits, vairons et troubles, le nez gros et bulbeux, ce prince de vingt-six ans tenait mal sur ses jambes décharnées et cagneuses, jointe à des cuisses creuses par deux genoux énormes qui ne voulaient point se séparer l’un de l’autre[99]. Qu’elle l’eut reconnu pour l’avoir déjà vu en peinture, c’est peu croyable. Les images des princes étaient rares en ce temps. Jeanne n’avait jamais feuilleté un de ces livres précieux où le roi Charles pouvait être peint à la miniature dans l’attitude d’un Mage offrant des présents à l’enfant Jésus[100]. Elle n’avait jamais vu très probablement aucun tableau peint sur bois à la ressemblance de son roi, les mains jointes, sous les courtines de son oratoire[101]. Et, par grand hasard, lui eût-on montré quelqu’un de ces portraits, ses yeux, faute d’habitude, n’y eussent pas distingué grand’chose. Il n’y a pas non plus à rechercher si les Chinonais lui décrivirent le costume ordinaire du roi et la façon du chapeau qu’il avait coutume de porter : car il gardait, comme tout le monde, son chapeau sur la tête dans les chambres, même pour dîner. Ce qui est le plus probable, c’est que des gens bien disposés pour elle la dirigèrent. De toute manière, le roi n’était pas si difficile à trouver, puisque ceux qui la virent, quand elle le trouva, n’en furent nullement ébahis.

Lorsqu’elle eut fait son salut villageois, le roi lui demanda son nom et ce qu’elle voulait. Elle répondit :

— Gentil dauphin, j’ai nom Jeanne la Pucelle et vous mande le Roi des cieux par moi que vous serez sacré et couronna à Reims et serez le lieutenant du Roi des cieux, qui est le Roi de France.

Elle demanda qu’on la mit en œuvre, promettant que par elle serait levé le siège d’Orléans[102].

Le roi la tira à part et l’interrogea assez longtemps. Il était naturellement doux, affable envers les humbles et les pauvres, mais non sans défiances ni soupçons.

Durant cet entretien particulier, elle lui fit, dit-on, en le tutoyant avec une familiarité angélique, cette étrange révélation :

— Je te dis, de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France et fils de roi[103].

Plus tard, l’aumônier de la Pucelle rapporta ce propos, disant le tenir de la Pucelle elle-même. Ce qui est certain, c’est que les Armagnacs en tirèrent bientôt un miracle en faveur de la maison des Lis. On prétendit que ces paroles, que Dieu lui-même prononçait par la bouche d’une innocente, correspondaient à une secrète et cruelle inquiétude du roi, que le fils de madame Ysabeau était troublé et contristé à l’idée que, peut-être, un sang royal ne coulait pas dans ses veines et que, à moins de sortir, par illumination céleste, des doutes que lui inspirait sa naissance, il était prêt à renoncer à son royaume comme à un bien usurpé[104]. On assura qu’à la révélation qu’il était vrai héritier de France, son visage avait resplendi de joie.

Sans doute, la reine Ysabeau était communément traitée par les prêcheurs armagnacs de grande gorre et d’Hérodiade gonflée d’impuretés ; encore voudrait-on savoir d’où venait tout à coup à son fils cette curiosité bizarre ? Il n’en avait pas demandé tant pour recevoir son héritage. Et, au besoin, tous les légistes de son parti l’eussent rassuré[105] : ils lui auraient démontré, par raisons tirées des lois et coutumes, qu’il était, de naissance, vrai héritier et droit successeur du feu roi, la filiation se prouvant par ce qui est manifeste, et non par ce qui est caché, sans quoi, il ne serait pas possible de régler les successions ni de discerner sûrement le légitime héritier d’un royaume ou d’un arpent de terre. Cependant on doit tenir compte que, à cette heure, il était très malheureux, et que le manieur agite les consciences et, soulève les scrupules, et qu’enfin il pouvait douter de la justice de sa cause, puisque Dieu l’abandonnait. Mais si vraiment des doutes pénibles le tourmentaient, comment croire qu’il s’en délivra sur le dire d’une jeune fille dont il ne savait encore si elle était sage ou folle, ni si même elle ne lui était pas envoyée par ses ennemis ? Cette crédulité ne s’accorde guère avec ce que nous savons de son naturel soupçonneux. La première pensée qui devait venir à son esprit, c’est que des clercs avaient endoctriné la jeune fille.

Peu d’instants après l’avoir congédiée, il appela le sire de Gaucourt et quelques autres de son Conseil et leur répéta ce qu’il venait d’entendre :

— Elle m’a dit qu’elle m’était envoyée de par Dieu four m’aider à recouvrer mon royaume[106].

Il n’ajouta point qu’elle lui avait révélé un secret connu de lui seul.

Les conseillers du roi, encore mal édifiés sur cette jeune fille, décidèrent qu’il fallait l’avoir sous la main, pour l’examiner dans ses mœurs et croyances[107].

Le sire de Gaucourt la retira de chez son hôtesse pour la loger dans une tour de ce Coudray que, depuis trois jours, elle voyait au-dessus de la ville[108]. Le Coudray, l’un des trois châteaux, n’était séparé du château du milieu, où logeait le roi, que par un fossé et des travaux de défense[109]. Gaucourt la confia à son lieutenant pour la ville de Chinon, Guillaume Bellier, majordome du roi[110]. Il lui donna pour la servir un de ses pages, un enfant de quinze ans, Immerguet, qu’on appelait aussi Minguet, d’un sobriquet de famille. On l’appelait encore Mugot, peut-être par corruption de mango, qui voulait dire page en bas-latin[111]. Il était, de son vrai nom Louis de Coutes et sortait d’une vieille famille d’épée, attachée dès le siècle précédent à la maison d’Orléans. Son père, Jean, dit Minguet, seigneur de Fresnay-le-Gelmert, de la Gadelière et de Mitry, chambellan du duc d’Orléans, était mort depuis deux ans, très pauvre. Il avait laissé après lui une veuve et cinq enfants, trois garçons et deux filles, dont l’une, nommée Jeanne, était depuis 1421, la femme de messire Florentin d’Illiers, capitaine de Châteaudun. Ainsi donc Louis de Coutes, le petit page, et Catherine le Mercier, dame de Noviant, sa mère, qui sortait d’une noble famille d’Écosse, se trouvaient l’un et l’autre dans un pénible dénuement, bien que le duc d’Orléans en mémoire des loyaux services de son chambellan eût octroyé à la dame de Noviant un secoua sur ses finances[112]. Jeanne gardait Minguet près d’elle tout le jour, mais, la nuit, elle couchait avec des femmes. La femme de Guillaume Bellier, qui était de bonne vie et pieuse, du moins le disait-on, veillait sur elle[113]. Au Coudray, le page la vit maintes fois à genoux. Elle priait et souvent elle pleurait abondamment[114]. Des personnages de grand état vinrent pendant, plusieurs jours s’entretenir avec elle. Ils la trouvèrent habillée en garçon[115].

Depuis qu’elle était auprès du roi, certains lui demandaient s’il n’y avait point dans le pays d’où elle venait un bois nommé le Bois-Chenu[116].

On lui faisait cette question parce qu’il courait alors une prophétie de Merlin concernant une pucelle qui devait venir du bois Chenu. Et les gens en étaient émus, car tout le monde alors prêtait attention aux prophéties et celles de Merlin l’Enchanteur étaient particulièrement estimées[117].

Berlin, né d’une femme par les œuvres du diable, tirait de cette origine sa science profonde ; à la pratique des nombres, qui donnent la clef de l’avenir, il joignait la connaissance de la physique par laquelle s’opèrent les enchantements ; aussi lui était-il facile de changer les rochers en géants. Pourtant une clame le vainquit ; la fée Viviane enchanta l’enchanteur et le retint charmé dans un buisson d’aubépine. C’est lit un exemple, après tant d’autres, du pouvoir des femmes.

Les insignes docteurs et les illustres maîtres estimaient que Merlin avait dévoilé bien des choses futures et prédit bien des événements dont quelques-uns n’étaient pas encore accomplis ; et à ceux qui s’étonnaient qu’un fils du diable eût reçu le don de prophétie, ils répondaient que le Saint-Esprit est bien le maître de révéler ses secrets à qui il lui plait, comme il l’a montré en faisant parlé les Sibylles et en ouvrant la bouche à l’ânesse de Balaam.

Merlin avait désigné notamment sire Bertrand Du Guesclin sous la figure d’un guerrier portant un aigle sur son écu, ce dont on s’avisa après les hauts faits du Connétable[118].

Les Anglais n’accordaient lias moins de créance que les Français aux prophéties de ce sage. Quand Arthur de Bretagne, comte de Richemont, fut pris à rançon et mené au roi Henri, celui-ci, voyant un sanglier sur les armes du duc, laissa éclater sa joie. Il avait présente à l’esprit la vaticination de Merlin, qui disait : Un prince nommé Arthur, né de la Bretagne armoricaine, portant un sanglier sur son enseigne, doit conquérir Angleterre, et, après qu’il en aura débouté la génération des Anglais, la repeuplera du lignage breton[119].

Or, durant le carême de l’an 1429, courait parmi les Armagnacs cette prédiction extraite d’un livre de Merlin :

De la ville du Bois-Chenu sortira une pucelle pour donner ses soins à la guérison ; laquelle, après avoir forcé toutes les citadelles, desséchera de son souffle toutes les fontaines. Elle se répandra en pleurs misérables et remplira l’île d’une clameur horrible. La tuera le cerf à dix cors, de qui quatre ramures porteront des diadèmes d’or, mais dont les six autres seront changées en cornes de buffles et troubleront d’un son funeste les îles de Bretagne. Se dressera la forêt danoise, qui parlera d’une voix humaine, disant : Viens, Cambrie, joins à ton flanc Cornouailles[120].

Dans cet obscur langage, Merlin annonce confusément qu’une vierge accomplira des actions grandes et extraordinaires avant de périr d’une main ennemie. Sur un seul point il est clair, ou le semble. C’est quand il dit que cette vierge sortira de la ville du Bois-Chenu.

Si quelqu’un avait pu prendre cette prophétie à sa source et la lire dans le quatrième livre de l’Historia Britonum, où elle se trouvait effectivement sous le titre de Guyntonia vaticinium, il aurait vu qu’elle concernait la ville anglaise de Winchester et se serait aperçu que, dans les copies qu’on faisait courir en France, elle était dénaturée, tronquée et tout à fait détournée de son véritable sens. Mais personne ne s’avisa de vérifier le tette. Les livres étaient rares et les esprits dépourvus de critique. La leçon fautive à dessein fut acceptée pour la pure parole de Merlin et il en courut de nombreuses copies.

Ces copies, d’où venaient-elles ? Leur origine demeurera sans doute à jamais inconnue ; mais un point est hors de doute : c’est qu’elles désignaient la fille de la Romée, qui du seuil de la maison paternelle voyait l’orée du Bois-Chenu. Elles ne venaient donc pas de très loin et ne couraient pas depuis longtemps[121]. Si cette prophétie de Merlin corrigée n’est pas celle que Jeanne entendit au village., annonçant qu’une Pucelle viendrait des Marches de Lorraine pour le salut du royaume, c’est sa cousine germaine ; elles ont toutes deux un air de famille[122] ; elles furent lancées l’une et l’autre dans un même esprit et dans une même intention et il faut bien y reconnaître l’indice d’un concert entre des clercs de la Meuse et des clercs de la Loire pour mettre en lumière la miraculée de Domremy.

La chevauchée de Jeanne étant prédite par Merlin, il fallait qu’elle le fût aussi par Bède, car Bède et Merlin, en matière prophétique, marchaient toujours ensemble.

Le moine de Yearmouth, Bède le Vénérable, vieux alors de six siècles, avait été de son vivant un puits de science. Il avait écrit sur la théologie et sur la chronologie, il avait parlé du jour et de la nuit, de la semaine et des mois, des signes du zodiaque, des épactes, du cycle lunaire et des fêtes mobiles. Dans son livre De temporum ratione, il avait traité des septième et huitième âges du monde, lesquels devaient suivre l’âge où il vivait. Il avait prophétisé. Durant le siège d’Orléans, des clercs répandirent sous son nom ces vers difficiles dans lesquels la venue de la Pucelle était annoncée :

Bis sex cuculli, bis septem se sociabunt[123],

Gallorum pulli Tauro nova bella parabunt,

Ecce beant bella, tunc fert vexilla Puella.

Le premier de ces vers est un chronogramme, c’est-à-dire qu’il contient en lui-même une date. Pour la dégager, on prend les lettres numérales qui s’y trouvent, et l’on en fait la somme. Cette somme donnera la date.

bIs seX CVCVLLI, bIs septeM se soCIabVnt

1+10+100+5+100+5+50+50+1+1+1000+100+1+5=1429.

Si l’on avait cherché ces vers dans les livres du vénérable Bède, on ne les y aurait pas trouvés ; ils n’y sont pas ; mais on ne songea pas plus à les y chercher qu’à chercher dans Merlin la Forêt Chenue[124]. Et il fut entendu que Bède et Merlin annonçaient la Pucelle. Des bords de la Loire, en cette saison, vaticinations, carmes sibyllins, chronogrammes s’envolaient comme des pigeons et se répandaient dans tout le royaume. Le faut Bède parviendra en Bourgogne dès mai ou juin de cette même année. On le connaîtra plus tôt encore à Paris. Christine de Pisan, vieille et recluse en une abbaye de France, écrira, avant le dernier jour de juillet 1429, que Bède et Merlin avaient vu la Pucelle en esprit[125].

Les clercs qui forgeaient alors des prophéties pour la Pucelle ne s’en tinrent pas au faux Bède et au Merlin contrefait. Ils étaient vraiment infatigables et nous possédons encore une pièce, de leur métier, que par grand hasard, le temps n’a pas détruite. C’est un petit poème latin écrit dans le style obscur des devins, dont voici une vieille traduction française :

Une vierge vestue de vestemens d’homme et qui a les membres appartenans à pucelle, par la monicion de Dieu, s’appareille de relever le roy portant les fleurs-de-lis, qui est couché, et de chasser ses ennemys maudis ; et mesmement ceux qui maintenant sont devant la cité d’Orléans, laquelle ils espavantent par siège. Et se les hommes ont grand courage d’eux joindre à la bataille, les faux Anglois seront succombés par mort, par le Dieu de la bataille de la Pucelle, et les François les tresbucheront, et adonc sera la fin de la guerre ; et retourneront les anciennes alliances et amour ; pitié et autres droits retourneront ; et traiteront de la paix ; et tous les hommes s’outroyeront [s’octroyeront ?] au roy de leur bon gré, lequel roy leur pèsera et leur administrera justice à tous, et les nourrira de belle paix. Et dorenavant nul Anglois ennemy portant le liépart ne sera, qui présumera soy dire roy de France [Le translateur ajoute :] et d’ensuir les armes ; lesquelles armes la sainte Pucelle appareille[126].

Ces fausses prophéties nous donnent un aperçu des moyens par lesquels on mit en œuvre la jeune inspirée. On s’y prit sans doute un peu trop artificieusement à notre gré. Ces clercs ne regardaient qu’au but, qui était la paix du royaume et de l’Église. Il était nécessaire de préparer le miracle du salut commun. Ne soyons pas trop émus de découvrir ces fraudes pieuses sans lesquelles les merveilles de la Pucelle ne se seraient pas produites. Il faut toujours beaucoup d’art et même un peu de ruse pour accréditer l’innocence.

Cependant, sur un rocher escarpé, au bord de lit Durance, dans la chaire écartée de Saint-Marcellin. Jacques Gélu restait attaché au roi qu’il avait servi et soucieux des intérêts des maisons d’Orléans et de France. Il répondit aux deux hommes d’église, Jean Girard et Pierre l’Hermite, qu’il ne doutait pas que Dieu ne se manifestât en faveur de l’orphelin et de l’affligé et ne punit l’injurieuse entreprise de l’Anglais, que néanmoins on ne devait pas aisément ni à la légère croire aux discours d’une paysanne nourrie dans la solitude, que le sexe féminin était fragile et prompt à s’abuser, qu’il fallait ne pas se rendre ridicule aux yeux des étrangers. Les Français, ajouta-t-il, sont déjà trop connus pour leur facilité naturelle à se laisser duper. Il avisa enfin Pierre l’Hermite, qu’il serait opportun que le roi jeûnât et fit pénitence pour être éclairé du Ciel et préservé d’erreur[127].

L’ancien conseiller delphinal n’était pas tranquille. Il écrivit directement au roi Charles et à la reine Marie pour les avertir du danger. Cette fille ne lui disait rien de bon ; il se méfiait d’elle et pour trois raisons : premièrement, elle venait d’un pays que tenaient les ennemis du roi, Bourguignons et Lorrains ; deuxièmement, c’était une bergère aisée à séduire ; troisièmement, elle était fille. Il bailla comme exemple Alexandre de Macédoine, qu’une reine voulut empoisonner ; elle mail été nourrie de venins par les ennemis du roi et puis envoyée à lui dans l’espoir qu’il se laisserait prendre aux amours de cette garce, vraie boite à poisons[128]. Mais Aristote écarta l’abuseresse et ainsi délivra de mort son prince. Aussi sage qu’Aristote, l’archevêque d’Embrun recommanda au roi de ne pas converser seul à seule avec la fille. Il prescrivit qu’on ne la laissât pas approcher de trop près, qu’on l’examinât ; que cependant elle ne fût pas rebutée.

A ses lettres Gélu reçut une réponse prudente qui le rassura. Dans une nouvelle missive, il témoigna au roi qu’il était bien aise qu’on tint la fille dans la suspicion et qu’on la laissât dans l’incertitude de lui croire ou de ne lui pas croire. Puis sentant renaître ses premières incertitudes : Il n’est pas à propos, disait-il encore, qu’elle ait beaucoup d’accès au roi, jusqu’à ce qu’on soit bien acertainé de sa vie et de ses mœurs[129].

Assurément le roi Charles tenait Jeanne dans l’incertitude de ce qu’on croyait d’elle. Mais il ne la soupçonnait d’aucune malice et il la recevait volontiers. Elle l’entretenait avec une angélique familiarité. Elle l’appelait gentil dauphin et, par cette gentillesse dont elle lui donnait, il faut entendre noblesse et splendeur royale[130]. Elle l’appelait aussi l’oriflamme, parce qu’il était pour elle l’oriflamme, ou, comme elle eût dit aujourd’hui, le drapeau[131]. L’oriflamme était la bannière royale. De tous ces gens qui allaient alors à Chinon, personne ne l’avait jamais vue, mais on en contait des merveilles. L’oriflamme était en forme de gonfalon à deux queues, l’aile d’une étoffé fine, précieuse et légère, qu’on nommait sandal, et toute bordée de houppes de soie verte. Elle était descendue du ciel ; c’était la bannière de Clovis et de saint Charlemagne. Quand le roi allait en guerre, on la portait devant lui. Elle avait telle vertu, que les ennemis, à son approche, perdaient leur force et fuyaient épouvanté-,. On se rappelait qu’en l’an 1304, alors que le roi Philippe le Bel eut victoire des Flamands, le chevalier qui la portait fut tué. On le trouva le lendemain qui, mort, la pressait encore entre ses bras[132]. Elle avait flotté devant le roi Charles VI, avant ses malheurs, et depuis lors jamais plus elle n’avait été déployée.

Un jour que la Pucelle et le roi conversaient ensemble, le duc d’Alençon entra dans la salle. Encore enfant, il avait été pris à Verneuil par les Anglais, qui l’avaient gardé cinq ans dans la tour du Crotoy[133]. Délivré depuis peu de temps, il chassait aux cailles près de Saint-Florent-lès-Saumur, quand un courrier vint lui apprendre qu’une jeune fille était envoyée au Roi, de par Dieu, pour mettre les Anglais hors de France[134]. Cette nouvelle l’intéressait autant que personne, car il avait épousé la fille du duc d’Orléans. Aussitôt il s’était rendu à Chinon pour voir ce qu’il en était. Le duc d’Alençon se montrait à son avantage dans les années légères de sa jeunesse ; mais il ne fut jamais répute bien sage. C’était un esprit faible et violent, vain, envieux, d’une extrême crédulité. Il était persuadé que l’herbe martagon met en la grâce des dames ; et, plus tard, il se crut ensorcelé. Il avait une vilaine voix rauque[135] ; il le savait et il en souffrait. Dès qu’elle le vit approcher, Jeanne demanda qui était ce seigneur. Le roi ayant répondu que c’était son cousin d’Alençon, elle salua le duc et lui dit :

— Vous, soyez le très bien venu. Plus on sera ensemble du sang du roi de France, mieux cela sera[136].

En quoi elle se trompait du tout au tout. A cette parole de la Pucelle le dauphin dut sourire amèrement. Le sang de France, il savait ce qu’en valait la pinte !

Le lendemain Jeanne vint il la messe du roi. Quand elle approcha de son dauphin, elle lui fit la révérence. Le roi la conduisit dans une chambre, dont il fit retirer tout le monde, hors le sire de la Trémouille et le duc d’Alençon.

Alors Jeanne lui adressa plusieurs requêtes. Elle lui demanda particulièrement de faire don de son royaume au Roi des cieux.

— Après quoi, ajouta-t-elle, le Roi des cieux fera pour vous ce qu’il a fait pour tiras prédécesseurs et vous remettra en l’État de vos pères[137].

En tenant ces propos spirituels, en exprimant ces préceptes de réforme et de vie nouvelle, elle répétait ce que des clercs lui avaient appris. Mais elle n’était pas profondément pénétrée de cette doctrine qui, trop subtile pour elle, devait bientôt s’effacer de son esprit et faire place à une ardeur moins monastique et plus chevaleresque.

Ce même jour, elle accompagna le roi à la promenade et, dans la prairie, courut une lance avec tant de bonne race, que le duc d’Alençon, émerveillé, lui fit don d’un cheval[138].

Peu de jours après, ce jeune seigneur la mena à l’abbaye de Saint-Florent-lès-Saumur[139], dont l’église était si admirée qu’on l’appelait la Belle-d’Anjou. C’est dans cette abbaye qu’habitaient alors sa mère et sa femme. Elles furent, dit-on, joyeuses de voir Jeanne. Mais elles n’avaient pas grande confiance dans l’issue de la guerre. La jeune dame d’Alençon lui dit :

— Jeannette, je crains beaucoup pour mon mari. Il sort à peine de prison et il a fallu dépenser tant d’argent pour sa rançon, que je le prierais bien volontiers de rester au logis.

A quoi Jeanne répondit :

— Madame, soyez sans crainte. Je vous le rendrai sain et en tel ou meilleur état qu’il n’est[140].

Elle appelait le duc d’Alençon son beau duc[141] et elle l’aimait pour l’amour du duc d’Orléans dont il avait épousé la fille. Elle l’aimait parce qu’il croyait en elle quand tous doutaient ou niaient ; elle l’aimait parce que les Anglais lui avaient fait tort ; elle l’aimait parce qu’elle lui voyait bonne envie de combattre. On contait que, pris à Verneuil par les Anglais, quand ils lui avaient offert de lui rendre sa liberté et ses biens s’il voulait se tourner de leur parti, il avait rejeté leurs offres[142]. Il était jeune comme elle ; elle le jugeait comme elle sincère et généreux. Et peut-être l’était-il alors ; sans doute il ne cherchait pas déjà des poudres pour sécher le roi[143].

On décida que Jeanne serait conduite à Poitiers afin d’y être examinée par les docteurs[144]. Dans cette ville se tenait le Parlement et étaient, réunis beaucoup de notables clercs en théologie, tant séculiers que réguliers[145]. De solennels docteurs et maîtres y furent convoqués par surcroît. Jeanne partit sous escorte. Elle crut d’abord qu’on la menait à Orléans. Elle rappelait l’ignorance et. la foi de ces pauvres gens qui, ayant pris la croit, allaient et, à chaque ville qu’ils voyaient devant eut, pensaient que ce fût Jérusalem. A mi-chemin, elle demanda à ses guides où ils la conduisaient. Quand elle apprit que c’était à Poitiers :

— En nom Dieu ! dit-elle, je sais que j’y aurai bien affaire. Mais Messire m’aidera. Or, allons, de par Dieu[146] !

 

 

 



[1] Procès, t. I, pp. 56, 75.

[2] Ibid., t. I, p. 56.

[3] Bueil, Le Jouvencel, t. I, p. 32 et Tringant, XV. — Jean Chartier, Chronique, ch. CXXXVIII.

[4] Vallet de Viriville, Isabeau de Bavière, 1859, in-8°, et Notes sur l’état civil des princes et princesses nés d’Isabeau de Bavière dans la Bibliothèque de l’École des Charles, t. XIX, pp. 473-482.

[5] Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 312. — Chastellain, édit. Kervyn de Lettenhove, t. II, p. 118.

[6] Chronique du Religieux de Saint-Denis, t. I, pp. 28 et 43. — Docteur A. Chevreau, De la maladie de Charles VI, roi de France, et des médecins qui ont soigné ce prince, dans l’Union Médicale, février-mars 1862. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 4, note.

[7] Monstrelet, t. III, p. 347.

[8] Gruel, éd. Le Vavasseur, pp. 46 et suiv. — Chronique de la Pucelle, p. 239. — Berry, p. 374. — Pierre de Fénin, Mémoires, édit. de mademoiselle Dupont, pp. 222, 223. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 453. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 432.

[9] Gruel, pp. 53, 193. — Geste des Nobles, p. 200. — Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 23, 24, 54. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 132. — E. Cosneau, Le connétable de Richemont, Paris, 1886, in-8°, p. 131.

[10] Gruel, p. 231. — Chronique de la Pucelle, pp. 200, 248. — Jean Charlier, Chronique, t. I, p. 54 ; t. III, p. 189. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 142. — E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 140.

[11] De Beaucourt, op. cit., t. II, 143, 144 et suiv. — E. Cosneau, op. cit., pp. 142 et suiv.

[12] Dom Morice, Preuves de l’histoire de Bretagne, t. II, col. 1199. — De Beaucourt, op. cit., t. II, p. 150. — E. Cosneau, op. cit., p. 144.

[13] P. de Fénin, Mémoires, p. 222. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, Introduction. — E. Charles, Le caractère de Charles VII, dans Revue Contemporaine, t. XXII, pp. 300-328.

[14] Le doyen de Saint-Thibaud, Tableau des rois de France, dans Procès, t. IV, P. 325.

[15] Martial d’Auvergne, Les vigiles de Charles VII, éd. Coustelier, 1724, (2 vol. in-12), t. I, p. 56.

[16] L. Drapeyron, Jeanne d’Arc et Philippe le Bon, dans Revue de Géographie, novembre 1886, p. 331.

[17] Recueil des Ordonnances, t. XIII, p. XCIX, et la table de ce volume au mot : Impôts. — Loiseleur, Compte des dépenses, pp. 51 et suiv. — A. Thomas, Les États Généraux sous Charles VII dans le Cabinet Historique, t. XXIV, 1878. Les États provinciaux de la France centrale sous Charles VII, Paris, 1879, 2 vol. in-8°, passim.

[18] Jean Chartier, Chronique, t. III, p. 318. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 390. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 428 ; t. II, p. 646 et suiv.

[19] Le Jouvencel, t. I, Introduction, pp. XIX, XX.

[20] Chronique de la Pucelle, p. 237. — Loiseleur, Compte des dépenses, p. 61. — Vallet de Viriville, Mémoire sur les institutions de Charles VII, dans Bibliothèque de l’École des Chartes, t. XXXIII, p. 37.

[21] Dom Vaissette, Histoire du Languedoc, t. IV, p. 471.

[22] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 167.

[23] Dom Vaissette, Histoire du Languedoc, IV, p. 471. — A. Thomas, Les États Généraux sous Charles VII, pp. 49-50.

[24] Dom Vaissette, Histoire du Languedoc, t. IV, p. 472. — Raynal, Histoire du Berry, t. III, p. 20. — Loiseleur, Comptes des dépenses, pp. 63 et suiv. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 170 et suiv.

[25] Th. Basin, Histoire de Charles VII, liv. II, ch. VI. — Antoine Loysel, Mémoires des pays, villes, comtés et comtes de Beauvais et Beausoisis, Paris, 1618, p. 229. — P. Mantellier, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, t. I, p. 195.

[26] Dom Morice, Preuves de l’Histoire de Bretagne, t. II, pp. 1145, 1194. — Ordonnances, t. XV, p. 147.

[27] Vallet du Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 373. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 175. — Duc de La Trémoïlle, Chartrier de Thouars, documents historiques et généalogiques, p. 17 : Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, t. I, p. 175.

[28] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 632.

[29] Jean Chartier, Chronique, t. III, Comptes, p. 316. — Cabinet Historique, juin 1858, p. 176.

[30] Cabinet Historique, sept. et oct. 1858, p. 263.

[31] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 374.

[32] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 632.

[33] Loiseleur, Compte des dépenses, p. 57.

[34] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 634.

[35] Vuitry, Les monnaies sous les trois premiers Valois, Paris, 1881, in-8°, pp. 29 et suiv. — Loiseleur, Compte des dépenses, p. 47. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 243. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 620 et suiv.

[36] Clairambault, Titres, scellés, vol. 205, pp. 8169, 8771, 8773 et passim. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 293.

[37] Arch. nat. J. 183, n° 142. — Duc de La Trémoïlle, Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, t. I, p. 177. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 198.

[38] Le P. Anselme, Histoire générale et chronologique de la maison de France, t. VI, p. 399. — Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 63.

[39] Marquis de Caucourt, Le Sire de Gaucourt, Orléans, 1855, in-8°.

[40] Le P. Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la maison de France, t. VI, p. 339. — Gallia Christiana, t. IX, col. 135. — Hermant, Histoire ecclésiastique de Beauvais (Bibl. nat., fr. 8581), fol. 15 et suiv. — Article de Vallet de Viriville dans Nouvelle Biographie générale et Histoire de Charles VII, t. II, pp. 160 et suiv.

[41] Le P. Denifle, Cartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 275.

[42] Journal d’un bourgeois de Paris, p. 109.

[43] Le P. Denifle, La désolation des églises, t. I, pp. 594, 595. — Garnier, Documents relatifs à la surprise de Paris par les Bourguignons en mai 1418, dans Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris, 1877, p. 51.

[44] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, pp. 268, 276, 339. — P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 4 et pièce justificative LXXj.

[45] Le P. Denifle, La désolation des églises, loc. cit. — Par une fiction légitimiste il allègue le service du roi Charles VI et de son fils le Dauphin ... tam propter sue persone debilitatem, quam etiam propter assidua viagia et ambassiatas, que ipso serviendo Carolo Francorum regi et Carolo, ejusdem regis unigenito filio, dalphino Viennensi...

[46] Vallet de Viriville, Nouvelle Biographie générale. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, pp. 64 et suiv.

[47] F. Duchesne, Histoire des chanceliers et gardes des sceaux de France, Paris, 1680, in-fol., p. 483.

[48] Arch. Nat.., p. 2298.

[49] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 632.

[50] Le P. Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, t. I, p. 407.

[51] Journal du siège, p. 51.

[52] Le P. Denifle, La désolation des églises, introduction, — Cf. La série des quittances à la Bibl. Nat., fr. 20887, Pièces originales 693, Clairambault, titres, scellés, vol. 29.

[53] F. Duchesne, Histoire des chanceliers et garde des sceaux de France, p. 487.

[54] Procès, t. I, p. 56.

[55] Ibid., t, II, pp. 394, 462.

[56] Procès, t. I, p. 143.

[57] La vie de saint Harenc glorieux martir et comment il fut pesché en la mer et porté à Dieppe, dans Recueil des poésies françaises des XVe et XVIe siècles, par A. de Montaiglon, t. II, pp. 323-332.

[58] Pourtant si Jeanne avait alors l’âge qu’on lui donne, environ dix-huit ans, elle n’était pas obligée de jeûner ; seule l’abstinence lui était d’obligation.

[59] Procès, t. III, p. 103.

[60] G. de Cougny, Notice archéologique et historique sur le château de Chinon, Chinon, 1860, in-8°.

[61] La Légende dorée, trad. Gustave Brunet, 1816, pp. 259, 264. — Douhet, Dictionnaire des légendes, pp. 126, 136.

[62] Chronique de la Pucelle, p. 173. — Journal du siège, pp. 46-47.

[63] Epître de Jouvenet des Ursins, dans De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t, V, p. 206, note 1.

[64] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. X.

[65] Acta sanctorum, t. III, Mars, p. 742. — Abbé Pétin, Dictionnaire hagiographique, 1850, t. II, p. 1516.

[66] Froissart, Chroniques, liv. IV, ch. XLIII et suiv.

[67] Procès, t. III, p. 83, note 2. — Vallet de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Paris, 1867, in-8°, pp. XXXI et suiv.

[68] Le songe du vieil Pèlerin, par Philippe de Maizières (Bibl. Nat., fonds français, n° 22542).

[69] Chastellain, éd. Buchon, pp. 114 et 116. — Acta Sanctorum Junii, t. I, p. 648. — Le P. De Buck, Le bienheureux Jean de Gand, Bruxelles, 1862, in-8°, 40. p. — Le P. Chapotin, La guerre de cent ans, Jeanne d’Arc et les Dominicains, Evreux, 1888, in-8°, p. 89.

[70] Chronique de la Pucelle, p. 273. — Journal du siège, p. 46.

[71] Parvus Thalamus, éd. de la Société archéologique de Montpellier, p. 464. — Th. de Bèze, Histoire ecclésiastique, 1580, t. I, p. 217. — A. Germain, Catherine Sauve, Montpellier, 1833, in-4°, 16 pages. — H.-C. Lea, Histoire de l’inquisition au moyen âge, trad. S. Reinach, t. II, p. 183. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. X.

[72] Jean Nider, Formicarium dans Procès, t. IV, p. 502.

[73] Procès, t. III, p. 115.

[74] S. Luce, Chronique des quatre premiers Valois, Paris, 1861, in-8°, pp. 46, 48.

[75] Procès, t. III, p. 115. — Thomassin, Registre Delphinal, dans Procès, t. IV, p. 304. — Chronique de la Pucelle, p. 273. — Journal du siège, p. 4

[76] Gallia Christiana, t. III, col. 1089.

[77] Le R. P. Marcellin Fornier, Histoire générale des Alpes-maritimes ou Cottiennes, publ. par l’abbé Paul Guillaume, Paris, 1890-1892 (3 vol., in-8°) t. II, pp. 313 et suiv.

[78] Le Religieux de Dunfermling, dans Procès, t. V, p. 340. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, pp. 265 et suiv. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 243.

[79] Simon de Phares, Recueil des plus célèbres astrologues, ms. fr.1357. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 306 ; t. II, p. 315, note. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, p. 399.

[80] Chastellain, t. III, p. 446.

[81] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 173.

[82] Je corrige à cet endroit le texte de Simon de Phares (Procès, IV, p. 536) d’après une communication écrite de M. Camille Flammarion.

[83] Procès, t. IV, p. 536.

[84] Procès, t. III, p. 341.

[85] Recueil de Simon de Phares, dans Procès, t. V, p. 32, note.

[86] Procès, t. I, p. 143 ; t. III, p. 143.

[87] La margelle a été enlevée sous le second Empire, on sait d’ailleurs qu’il ne faut accorder aucune confiance aux traditions de ce genre. — G. de Cougny, Charles VII et Jeanne d’Arc à Chinon, Tours, 1877, in-8°.

[88] Procès, t. I, p. 75 ; t. III, p. 115. — Chronique de la Pucelle, p. 273. — Journal du siège, pp. 46, 47. — Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 68.

[89] Procès, t. I, pp. 79, 141.

[90] Le Curial, dans Les œuvres de maistre Alain Chartier, éd. Du Chesne, Paris, 1642, in-4°, p. 398.

[91] Jeanne cite comme présent La Trémouille et l’archevêque de Reims, mais elle cite aussi le duc d’Alençon, qui certainement ne s’y trouvait pas.

[92] Procès, t. III, p. 115.

[93] Ibid., t. I, pp. 79 et 141.

[94] Mathieu Thomassin, dans Procès, t. IV, p. 304 ; Chronique de Lorraine, ibid., p. 330 ; Philippe de Pergame, ibid., p. 523.

[95] Relation du Greffier de La Rochelle, dans Revue Historique, t. IV, p. 336.

[96] Saint Paul, Epître aux Corinthiens, II. — Labbe, Collection des Conciles, t. VII, p. 978. — Saumaise, Epistola ad Andream Colvium super cap. XI, I ad Corynth. de cæsarie virorum et malierum coma. Lugd. Batavor. ex off. Elz. 1644, in-12. — Quelques notes d’archéologie sur la chevelure féminine dans Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, 1888, XVI, pp. 419, 425.

[97] Procès, t. I, p. 75 ; III, pp. 17, 92, 115. — Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 67. — Chronique de la Pucelle, p. 273. — Journal du siège, p. 46.

[98] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 195.

[99] Th. Basin, t. I, p. 312. — Chastellain, t. II, p. 178. — Portrait historique du roi Charles VII, par Henri Baude, publié par Vallet de Viriville dans Nouvelles Recherches sur Henri Baude, p. 6. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, p. 83.

[100] Comme dans la miniature de Jean Fouquet, de plus de dix ans postérieure. Gruyer, Les Quarante Fouquet de Chantilly, Paris, 1897, in-4°.

[101] Note sur un ancien Portrait de Charles VII conservé au Louvre, dans Bulletin de la Sociétés des Antiquaires de France, 1862, pp. 67 et suiv.

[102] Procès, t. II, p. 103. — Relation du Greffer de La Rochelle, p. 337. — Chronique de la Pucelle, p. 273. — Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 67, 68.

[103] Procès, t. III, p. 103.

[104] L’abréviateur du Procès, dans Procès, t. IV, pp. 258-259. — Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 67. — Journal du siège, p. 48.

[105] Procès, t. III, p. 116. — S. Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, p. LXI.

[106] Procès, t. III, p. 209.

[107] Ibid., t. III, p. 209.

[108] Ibid., t. III, p. 66.

[109] G. de Cougny, Charles VII et Jeanne d’Arc à Chinon, Tours, 1877, p. 40.

[110] Procès, t. III, p. 17.

[111] Du Cange, Glossarium, ad verb.

[112] Procès, t. III, pp. 65, 73. — Mademoiselle A. de Villaret, Louis de Coutes, page de Jeanne d’Arc, Orléans, 1890, in-8°.

[113] Procès, t. III, p. 17.

[114] Ibid., t. III, p. 66.

[115] Chronique de la Pucelle, pp. 274 et suiv. — Jean Chartier, Chronique, p. 68.

[116] Procès, t. I, p. 68.

[117] Ibid., t. III, pp. 133, 340. — Thomassin, dans Procès, t. IV, p. 395. — Walter Bower, dans Procès, t. IV, p. 489. — Christine de Pisan, dans Procès, t. V, p. 12. — La Borderie, Les véritables prophéties de Merlin, examen des poèmes bretons attribués à ce barde, dans Revue de Bretagne, 1883, t. LIII.

[118] Cuvelier, Le poème de Du Guesclin, v. 3285. — Francisque-Michel et Th. Wright, Vie de Merlin attribuée à Geoffroy de Monmouth, suivie des prophéties de ce barde tirées de l’histoire des Bretons, Paris, 1837, in-8°, pp. 67 et suiv. — La Villemarqué, Myrdhin ou Merlin l’Enchanteur, son histoire, ses œuvres, son influence, n. éd., Paris, 1862, in-12. — D’Arbois de Jubainville, Merlin est-il un personnage réel ? dans Revue des Questions Historiques, t. V, 1868, pp. 559-568. — Lefèvre-Portalis, Morosini, t. II, annexe XVI. — [Geoffroy de Monmouth] fit prédire par lui (Merlin) tous les événements de l’histoire de Bretagne jusqu’à l’année même où il écrivait (1135)... Le succès de l’Historia rerum fut très grand dans le monde des clercs ; on accepta ses fables pour vérité, et, s’émerveillant de l’exactitude des prophéties de Merlin jusqu’en 1135, ou s’efforça de démêler ce qu’elles annonçaient pour les temps subséquents. Gaston Paris, La Littérature française au moyen âge, 1890, pp. 86-104.

[119] Le Baud, Histoire de Bretagne, Paris, 1638, in-fol. p. 431.

[120] Procès, t. III, pp. 340-342.

[121] Morosini, t. IV, p. 324.

[122] Pierre Migiet fond les deux prophéties en une seule qu’il dit avoir lue dans un livre, Procès, t. III, p. 133.

[123] En adoptant la correction de M. Germain Lefèvre-Pontalis, Chronique d’Antonio Morosini, t. III, pp. 126, 117 ; t. IV, pp. 316 et suiv.

[124] The complete works of Venerable Bede, éd. Giles, Londres, 1843-41, 12 vol. in-8°, ap. Patres Ecclesiæ anglicanæ.

[125] Christine de Pisan, dans Procès, t. V, p. 12. — Morosini, t. III, p. 126. — Le Doyen de Saint Thibaud, dans Procès, t. IV, p. 423. — Herman Korner, dans le P. Ayroles, La vraie Jeanne d’Arc, pp. 279 et suiv. — Walter Bower, dans Procès, t. IV, p. 481.

[126] Buchon, Math. d’Escouchy, etc., p. 537. — G. Lefèvre-Pontalis, Eberhard Windecke, pp. 21 à 31. — On trouve sur un feuillet de garde du Cartulaire de Thérouanne un texte latin de cette prophétie.

[127] Procès, t. III, p. 393-407, t. V, p. 473. — Marcellin Fornier, Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes, t. II, pp. 313, 314.

[128] L’imprimé donne grave qui n’est pas possible. J’ai conjecturé garce, qui est extrêmement probable.

[129] M. Fornier, Histoire des Alpes-Maritimes ou Cottiennes, ibid.

[130] Greffier de l’Hôtel de Ville d’Albi, dans Procès, t. IV, p. 300.

[131] Thomassin, dans Procès, t. IV, p. 304.

[132] Du Cange, Glossaire, au mot : auriflamma. — Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, pp. 150, 251, 257, 259. [Histoire générale de Paris.]

[133] Perceval de Cagny, p. 136. — Chronique de la Pucelle, pp. 224, 249.

[134] Procès, t. III, p. 91.

[135] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, pp. 408, 409. — De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, pp. 43, 44.

[136] Procès, t. III, p. 91.

[137] Procès, t. III, pp. 91 et 92. — Eberhard Windecke, pp. 152 et suiv.

[138] Procès, t. III, p. 92.

[139] Perceval de Cagny, p. 148.

[140] Procès, t. III, p. 96.

[141] Perceval de Cagny, p. 151 et passim.

[142] Monstrelet, t. IV, p. 240.

[143] P. Dupuy, Procès de Jean II duc d’Alençon 1458-1474, 1658, in-4°. — Michelet, Histoire de France, t. V, p. 382. — Docteur Chereau, Médecins du quinzième siècle, dans l’Union Médicale, t. XIV, août 1862. — Joseph Guibert, Jean II duc d’Alençon, dans les Positions de l’École des Chartes, année 1893.

[144] Procès, t. III, p. 116 et 209.

[145] Bélisaire Ledain, Jeanne d’Arc à Poitiers, Saint-Maixent, 1891, in-8° de 15 p. — Neuville, Le Parlement royal à Poitiers, dans Revue Historique, t. II, p. 284.

[146] Chronique de la Pucelle, p. 275. — Journal du siège, p. 48. — Monstrelet, t. IV, p. 316.