Les Iraniens, Zoroastre (de 2500 à 800 av. J.-C.)

 

CHAPITRE XV

 

 

La loi révélée à Zoroastre. - Rachat des péchés par la prière, le pardon des offenses, les bonnes œuvres, les pénitences et la contrition. - Délivrance des damnés. - Jubilés. - Confession des péchés. - Vie déplorable des pécheurs, en ce monde et dans l’autre. - Jugement des âmes. - Résurrection générale des corps. - Égalité des hommes devant Ormuzd. - L’enfer. - Le paradis. - Le code pénal. - Péchés capitaux. - Peines encourues. - Exploitation du code zoroastrien par les prêtres parses.

 

S’INSTRUIRE, connaître la loi, s’en pénétrer, est le premier devoir du mazdéen. L’auteur de la loi, c’est Zoroastre, mais Zoroastre inspiré, intervenant au nom de la divinité suprême. Son rôle ne fut pas restreint à celui d’un auditeur à qui la loi aurait été révélée ; il n’a pas seulement entendu, reçu par l’oreille la volonté de Dieu ; il a compris les vœux d’Ormuzd, il a formulé avec sa propre science et son intelligence naturelle les ordres de la divinité bienfaisante. La grande lumière de l’Éternel éclairait le législateur, lorsque Zoroastre prononçait l’Avesta ; son œuvre était réellement divine, car quel homme eut pu, comme Zoroastre, avoir en un même instant, la connaissance du passé, du présent et de l’avenir. Sa mémoire était pleine des choses que les générations disparues avaient accomplies, et il voyait les siècles à venir nettement. Zoroastre, qui apporta au monde la connaissance de la loi, la lumière, savait, par son intelligence propre et par le canal de son oreille, tout ce qui avait été, tout ce qui était, tout ce qui devait être. Zoroastre ayant donné sa loi, ayant promulgué sa science, livré aux Iraniens le grand secret d’Ormuzd, la plus grande faute que pourra commettre le mazdéen sera le refus de s’instruire. Parmi les maux qui sévissaient en Iran et tendaient à corrompre définitivement les Iraniens, le Vendidad cite avec véhémence la surdité et l’aveuglement de l’esprit.

L’homme, selon le code pénal de l’Avesta, peut pécher par pensée, par parole ou par action ; sa faute peut être réfléchie ou irréfléchie. Quelle que soit l’importance de la faute commise, et la cause de cette faute, que le péché résulte d’une pensée, d’une parole, on d’un acte, qu’il y ait eu entraînement ou calcul, Zoroastre affirme qu’une seule prière du pécheur, bien dite, suffira pour calmer l’irritation de Dieu ; mais à la condition absolue qu’en demandant un pardon à Ormuzd, le mazdéen pardonnera, lui, à tous ceux qui l’ont offensé.

Le pardon efface le péché, rend au pécheur sa pureté totale. La théorie zoroastrienne est formelle. L’homme fut fait par Ormuzd pour le paradis, et si des impuretés viennent le rendre indigne de son destin, la bonté d’Ormuzd est capable de lui rendre sa pureté première, et il ne conservera aucune trace de sa souillure. Celui-là est pur qui se purifie par la sainteté de la pensée, par la sainteté de la parole, par la sainteté de l’action. C’est la loi. Le mazdéen en état de péché peut racheter ses fautes par l’accomplissement de bonnes œuvres ou par l’exécution de pénitences matérielles. Zoroastre donne aux pécheurs tous les moyens possibles de se réhabiliter. Le vœu charitable des mazdéens sera constant. Rendez, ô Ormuzd, tous les pécheurs éclatants de sainteté. Zoroastre fait plus encore. Le pécheur qui n’aura pas racheté ses fautes par de bonnes œuvres, ou par des pénitences, ne doit pas se désespérer ; il lui suffira, pour qu’après sa mort il puisse passer le pont qui mène au paradis, d’avoir eu, ne fût-ce qu’un instant, l’intention, le désir du bien. Oui, il est certain, a dit Ormuzd à Zoroastre, que celui dont les dispositions sont pures, dont les désirs sont purs, passera le pont. Ainsi que l’eau, par sa propre force, emporte au loin le cadavre qui est dans son sein, de même cet homme, par la force de son élan vers la pureté, éloignera les noirceurs cachées de son âme.

Les mazdéens vivants, purs, peuvent racheter les fautes des mazdéens qui sont morts en état de péché, les délivrer du châtiment infernal, terrible, en récitant des passages de l’Avesta, en faisant de bonnes œuvres. Chaque année, pendant cinq jours, tous les mazdéens ont le pouvoir de vider l’enfer des âmes qui y souffrent, pourvu que ces âmes se repentent des fautes qu’elles expient. Ce jubilé annuel deviendra, plus tard, le sujet d’une fête publique. Les sectateurs de Zoroastre visiteront les tombes, vêtus d’habits neufs, récitant l’Afergan, cette prière pour les morts, portant aux âmes de la nourriture et des vêtements ; car ces pauvres âmes vont sortir de l’enfer pour passer le pont, affamées et nues.

Mais l’afergan de la délivrance n’a de vertu que lorsqu’il est dit par un parent de l’âme damnée. Les enfants prieront pour leur père et pour leur mère ; le père et la mère prieront pour leurs enfants ; le frère pour la sœur, la sœur pour le frère ; les petits enfants pour le grand-père ou la grand-mère ; le grand-père pour son petit-fils, la grand-mère pour sa petite-fille. Jusqu’au quatrième degré, les parents se peuvent ainsi secourir. La servante et le fils de la servante sont admis à délivrer, par la prière, l’âme du maître ou de la maîtresse qu’ils ont servis.

La confession, par laquelle le mazdéen pouvait également obtenir la rémission de ses péchés, est dans l’Avesta un simple aveu de repentir. Je me repens de tous mes péchés, j’y renonce. Je fais cet aveu devant vous, ô purs. Plus tard, longtemps même après Zoroastre, ce moyen de réhabilitation deviendra très important ; la confession des péchés sera la force des prêtres et la faiblesse des mazdéens humiliés. L’article de la loi sanctionnant l’innovation porte ce titre hardiment : Patet de la honte, composé par Aderbad Mahrespand. L’auteur de ce patet est le trentième descendant direct de Zoroastre.

Les peines encourues par le pécheur non réhabilité l’atteignent en ce monde et dans l’autre. Le mazdéen coupable, en état de péché, abandonné par son feroüer mécontent, assailli par les dews que cet abandon encourage, verra la stérilité dessécher sa femme et son champ ; il sera sans arbres, sans herbes, sans troupeaux, sans enfants. Au contraire, le dieu mauvais, le déplorable Ahriman, veut-il frapper le mazdéen fidèle et pur dans ses biens et dans sa personne, Ormuzd, par le feroüer même du mazdéen, interviendra victorieusement. Si, ô victorieux Behram, la colère, la profanation ou la tromperie viennent avec violence agir contre les troupeaux, versez la pluie malgré les dews, prenez soin des troupeaux, que la protection ne les abandonne pas, que les dews ne soient pas puissants contre eux. C’est évidemment contre la sécheresse qui brûle les pâturages, contre les invasions des Touraniens qui dispersent les troupeaux, qu’Ormuzd promet l’intervention de son ized le plus vigilant en faveur de sa créature bien aimée. La protection d’Ormuzd est assurée dés ce monde au mazdéen fidèle, quel qu’il soit, grand ou petit, roi ou laboureur, instruit ou ignorant. Le roi saint et pur qui saura me plaire, à moi et à vous, ô grand Ormuzd, qu’il reçoive une grande récompense pendant sa vie ; veillez sur ce chef.

Dans l’autre monde, le mazdéen sera également traité suivant ses œuvres. La théorie zoroastrienne, très précisée après lui, était déjà suffisamment esquissée par le législateur lui-même, pour que ses contemporains en fussent fortement frappés. Après la mort du mazdéen, l’âme errait dans le voisinage de sa dépouille, pendant trois jours. Dès l’aube du quatrième jour, cette âme se rendait d’elle-même en un lieu où l’attendait un juge infaillible, n’écoutant que le témoignage de la propre vie du mazdéen, pesant ses actions bonnes et mauvaises, l’acquittant ou la condamnant avec justice. L’âme, ensuite, était conduite à l’entrée du pont Tchinevad jeté sur l’enfer, menant au paradis. L’âme condamnée, alourdie du poids de ses fautes, tombait dans l’abîme, devenait la proie d’Ahriman ; l’âme pure, aidée par un bon génie, allait jusqu’au trône d’Ormuzd pour recevoir de Bahman un mot glorieux de bienvenue, s’entendre assigner la place où elle devait attendre le corps qui lui reviendrait le jour de la résurrection. L’âme du juste ira au ciel, et son corps sera très au large sur la terre.

La résurrection des corps est un fait certain. Tout ce qui fut, et qui n’est plus, sera de nouveau, entièrement. L’homme et la femme purs, l’homme et la femme impurs, les bons et les mauvais, les mazdéens fidèles et les darvands adorateurs des démons, les sources taries, les fleuves disparus, les végétaux qui ont cessé de vivre et qu’on ne voit plus, tout reviendra, tout ressuscitera. En attendant la restitution des corps, l’âme impure gémira dans l’enfer, l’âme pure jouira, dans le ciel, de sa délivrance. Bahman, se levant sur son trône d’or, dit aux âmes qui ont mérité de passer le pont, comment êtes-vous venues ici, ô âmes pures ? comment êtes-vous venues du monde des maux pour entrer dans ces demeures où l’auteur des maux n’a aucun pouvoir ? Soyez les bienvenues, ô âmes pures, près d’Ormuzd, près des amchaspands au milieu desquels sont les saints.

L’examen sommaire que subit l’âme, trois jours après la mort du mazdéen, et duquel résulte une récompense ou un châtiment immédiat, n’est pas un jugement définitif. Le jour de la résurrection générale des corps, Ormuzd examinera de nouveau tous les hommes, par lui-même, afin de séparer les mazdéens des non-mazdéens. Il semble que, dans la pensée de Zoroastre, le jugement dernier d’Ormuzd doive être dicté par l’Avesta, par la loi promulguée. Le grand-juge n’aura pas à apprécier, à juger réellement ; il constatera les faits et il appliquera la loi. Cette résolution est terrible, car elle est destructive de tout espoir. Le dieu, de parti pris, jettera aux enfers les adorateurs des dews, des démons, les non-mazdéens. Les mazdéens qui n’auront pas pratiqué la loi, qui n’auront pas prié, seront damnés, évidemment, mais Ormuzd ne prononcera pas de condamnation contre eux ; il oubliera simplement de ranger ces impurs parmi les mazdéens fidèles. Il y a ici, dans le texte, une méchanceté. Les purs, voyant l’oubli des impurs, équivalant en somme à une condamnation, ne pourront pas dissimuler leur joie ; ils applaudiront à l’effet de la justice divine silencieuse. Ceux qui ne sont pas pécheurs, crieront après l’impur en frappant des mains. Ces lignes ne peuvent pas être de Zoroastre.

Il n’est pas certain non plus que Zoroastre ait édicté la définitive condamnation du mazdéen mort en état de péché. Le jour du jugement dernier, sous le regard d’Ormuzd, un châtiment corporel devait atteindre le pécheur et le délivrer. Les mazdéens les plus purs devaient infliger le châtiment mérité. Un grand sentiment d’égalité domine cette théorie singulière. A la résurrection générale des corps, tous les mazdéens se trouveront réunis, les uns pour recevoir leur récompense, les autres pour subir leur peine, et les premiers seront chargés de fustiger les seconds devant le trône d’Ormuzd. Ce jour-là, il n’y aura plus de roi, ni de sujet, ni de prêtre ; le juste châtiera le pécheur, quelque grand qu’ait été le pécheur, quelque petit qu’ait été le juste. Celui qui est sans péché châtiera celui qui a commis le péché. Le destour châtiera le simple Parse et le simple Parse châtiera le destour.

L’enfer de Zoroastre, — le douzakh, — est une série d’immenses cachots noirs, lieux de ténèbres, germe des ténèbres les plus épaisses, et qu’empliront les darvands. Les tourments de ce lieu sombre sont faits de remords, de regrets, d’envie et d’obscurité. Le paradis, demeure des saints, est en haut ; c’est le séjour de la lumière et du bonheur. Tantôt, ce lieu étendu, éclatant de lumière et de gloire, est vu par Zoroastre bien au-dessus du firmament, et tantôt son imagination le place sur une montagne élevée, que couronne un plateau, qu’environne une lumière éblouissante. Toutes les joies imaginables seront données aux mazdéens purs, élus, dans ce ciel promis. La femme et l’homme jouiront également de ces délices, par leurs âmes et par leurs corps, par la pensée et par l’action, considérablement.

La récompense du mazdéen fidèle à la loi commence dès ce monde ; le bonheur céleste qui l’attend n’est pas tel qu’il puisse jeter en lui le désir de la mort. Le mazdéen très pur aime la vie. Vivre sainement, sans ennuis, longtemps, et compter sur le paradis le jour oit la mort fatale le surprendra, tel est le vœu complet du mazdéen. Accordez-moi, ô Ormuzd, que jamais mon corps ne soit chagriné, et s’il est ordonné que je ne vive pas, que selon votre désir, Abâm et Bahman me portent dans le lieu de délices ; que je sois céleste ; que malgré les dews envieux, je sois pur et vive longtemps !

Le paradis promis aux justes, comme l’enfer réservé aux impurs, étaient suffisants aux hommes de nature douce que Zoroastre avait choisis pour expérimenter son organisation. Aux Iraniens timides, dont les magiciens avaient affaibli les esprits, le réformateur affirmait la vertu suprême de la parole d’Ormuzd, laquelle, prononcée d’une certaine manière, chassait et détruisait les mauvais génies, les démons, les péris, les dews. Aux Iraniens plus exigeants, Zoroastre promettait, en ce monde, la santé, les plaisirs, le bonheur. Zoroastre disait vrai ; sa loi, respectée, devait délivrer les Iraniens des maladies continuelles qui les décimaient, par l’assainissement de leurs demeures, de leurs rues, de leurs villes, de leurs champs, par les ablutions purifiantes que le Vendidad ordonnait ; favoriser l’épanouissement joyeux des pensées iraniennes, en arrachant les esprits au joug terrifiant des magiciens ; enrichir le peuple d’Iran, en lui donnant des leçons pratiques d’agriculture, en faisant du travail assidu l’acte le plus noble et le plus méritant. Mais il y avait, en Bactriane, des Iraniens que ne devait séduire aucune promesse, et contre lesquels il était important de se garantir. Pour ceux-là, Zoroastre énuméra les actions condamnables qu’il importait d’interdire et il sanctionna son énumération par l’énoncé des peines qui devaient atteindre les coupables.

L’avarice, l’impureté, l’onanisme, la luxure et le mépris de la loi, préparent le triomphe d’Ahriman par l’anéantissement des hommes aimés d’Ormuzd. La prière et les bonnes œuvres peuvent racheter la faute commise par l’avare, qui thésaurise les biens qu’il a acquis, sans en rien distribuer ; par l’impur qui, sans précaution, souille la terreau hasard de ses besoins naturels ; par le mazdéen semeur d’hommes et qui laisse se perdre sa semence ; mais l’Iranien qui méprise la loi, qui dédaigne de porter le kosti, cette ceinture caractéristique des mazdéens, et l’Iranien, âgé de plus de quinze ans, — c’est-à-dire majeur, n’ayant pas l’excuse de sa jeunesse, — et qui se commet avec une femme de vie irrégulière, il n’est pas de prières, il n’est pas de bonnes œuvres qui soient capables de compenser le mal que ces pécheurs ont fait. Si la majorité des Iraniens s’abandonnait à ces deux péchés impardonnables, l’Iran cesserait d’être, certainement. Il semble que le législateur se sente impuissant à concevoir une peine proportionnée à l’impureté de l’homme qui méprise la loi et du libertin. Zoroastre voudrait qu’un sentiment d’horreur éloignât les Iraniens de ceux qui affaiblissent, ou détruisent, ou n’utilisent pas les germes sacrés de reproduction que le dieu créateur et conservateur mit dans l’homme.

Le législateur, le réformateur, le faiseur de peuple, dévoué à son œuvre, s’élève d’abord contre tout ce qui est une déperdition quelconque des forces par lesquelles son œuvre sera. Fustiger deux mazdéens surpris en contact honteux, c’est acquérir un mérite égal à celui que vaut la destruction de tout un ancien cimetière ; cet acte de réparation rachèterait, le plus grand des péchés, le péché d’idolâtrie. Les œuvres néfastes du libertin sont effroyables. Lorsque le peuple d’Iran souffre cruellement, il n’en faut pas douter, c’est que le libertinage s’est répandu. Zoroastre est lui-même surpris des effets désastreux que produit le dévergondage de la chair. L’envie devient audacieuse, les maux de toutes sortes se répandent, les mazdéens se nuisent entre eux, les sources se tarissent, les fruits se dessèchent, la terre se stérilise, les hommes meurent ; les libertins font œuvre de serpents venimeux, de loups déchirants, de grenouilles visqueuses envahissantes. Quand le libertin commerce avec des personnes du peuple saint, ou qui n’appartiennent pas au peuple saint, avec des personnes qui adorent les démons ou qui ne les adorent pas, les eaux et les sources qui coulent, et sur lesquelles le libertin a jeté un regard, diminuent d’un tiers ; les arbres qui étaient grands et en abondance, purs, dorés, diminuent d’un tiers ; la terre, protégée par Sapandomad, et couverte de fruits, perd un tiers de sa fécondité ; et le nombre des hommes purs et saints, grands, victorieux, très purs, diminue d’un tiers.

Après l’énumération passionnée des fautes capitales, le réformateur légifère patiemment, avec minutie, définissant les crimes et les délits, édictant des peines savamment graduées, proportionnées à l’importance des fautes commises. Ces peines sont de deux sortes ; la peine de l’enfer, après la mort ; le peine du fouet, pendant la vie, en ce monde, au moyen d’une sorte de lanière durcie, en forme de cravache. Chaque année d’enfer méritée, et que l’âme du coupable subira dans l’autre monde, lui vaut immédiatement, sur cette terre, un coup de fouet. Les coups peuvent être remplacés par une amende ; un coup vaut un derem, poids qui servait d’unité monétaire aux Iraniens primitifs. Les parents du criminel purent également, plus tard, racheter les années d’obscurité infernale encourues par le mazdéen infidèle, à raison d’un derem par an.

La loi dit six fautes capitales, très graves, qui coûtent de trois cents à mille ans d’enfer, de trois cents à mille coups de courbache, ou trois cents à mille derems. Ces péchés capitaux, très sévèrement punis, dénoncent l’horreur qu’avait Zoroastre du mensonge, de la mauvaise foi, du non accomplissement de la parole donnée. Les hommes qui mentent sont plus méchants que ne le sont les neufs chefs des démons. Six cents ans d’enfer et six cents coups attendent le mazdéen qui, sans bonne foi, aura mis ses mains l’une dans l’autre, dans le dessein de tromper. Ce geste était, chez les Iraniens, le signe d’engagement.

Sept cents ans et sept cents coups à celui qui, ayant promis une récompense à un serviteur ou à un animal domestique, l’aura fait de mauvaise foi, ne tiendra pas sa promesse. Huit cents ans et huit cents coups à celui qui ne donne pas aux bestiaux ce qu’il leur doit. Neuf cents ans et neuf cents coups à celui qui, sachant qu’il mentait, aura promis une récompense au maître qui l’instruit. Mille ans et mille coups, enfin, au mazdéen qui, sans bonne foi, a promis une récompense aux villages et les en prive ensuite.

La violence, dans l’ordre des fautes, vient après le mensonge. Cinq coups de fouet ou l’amende de cinq derems, pour le mazdéen qui a pris la résolution de frapper ; dix coups s’il a frappé ; quinze coups s’il a frappé par envie ou par jalousie, ou si la victime est blessée ; trente coups si l’agresseur a frappé la victime lâchement, par derrière ; cinquante coups si le sang a jailli, si la blessure a coulé ; soixante et dix coups s’il y a eu fracture d’os ; quatre-vingt-dix coups s’il y a perte de membre. Chacune de ces peines est augmentée proportionnellement au nombre de fois que le mazdéen se sera rendu coupable du même crime. Le mazdéen qui, par colère, frappe un homme dont il compromet un membre, reçoit quatre-vingt-dix coups la première fois et deux cents coups la seconde ; s’il se rend coupable du même crime une troisième fois, il doit être banni : On le dépouille de ses habits, on le sépare de sa femme, on l’expulse de l’Iran, et on prie ensuite pour lui. La victime prend les biens du banni, mais seulement après avoir assuré l’existence de la veuve. Il y a augmentation du nombre des coups, lorsque le coupable ne reconnaît pas sa faute.

La peine du bannissement atteint le voleur, le magicien, celui qui enterre un mort autrement que le veut la loi, le criminel incorrigible, celui qui a commis un irrémissible péché, le débiteur de mauvaise foi, ou qui, par orgueil, retient ce qu’il a emprunté. Zoroastre assimile au voleur l’emprunteur manquant à sa parole, ne restituant pas au jour prévu la chose empruntée. L’homme qui demande et ne rend pas ce qu’il a demandé, sa demande même est un vol. Quand même celui qui a prêté serait riche, il n’en faudrait pas moins penser jour et nuit aux moyens de le satisfaire.

Le mazdéen qui osera toucher à un cadavre contrairement à la loi, c’est-à-dire sans prendre toutes les précautions voulues ; qui, par maladresse ou par négligence, souillera la terre par le contact impur du cadavre tout entier, recevra mille coups de courbache ; la peine diminue proportionnellement à l’importance de la souillure.

Le mazdéen qui n’aura laissé choir qu’une partie de cadavre d’homme ou de chien égale à la grande division du petit doigt, ne recevra que cinquante coups, le minimum.

Une peine spéciale, — le tanasour, — qui semble devoir atteindre l’homme dans l’autre monde, surprendre son âme et la navrer au moment même où elle se présentera pour passer le pont qui mène au paradis, est édictée contre ceux qui auront commis l’une des cinq actions par lesquelles le mazdéen ne peut plus être reçu d’Ormuzd. Est puni de tanasour, celui qui parle d’une manière peu convenable, dit Ormuzd à Zoroastre, à un personnage saint tout occupé de moi et de ma loi, et celui qui marchera suivant son propre esprit ; celui qui n’a pas, pour le chien, tous les soins ordonnés par l’Avesta, ou qui blesse la bête ; celui qui frappe, ou épouvante, ou effraye seulement une chienne-mère, jusqu’à la faire tomber dans un trou, dans un puits, dans un précipice, dans une rivière, ou d’un bateau dans l’eau, si la bête est blessée ; celui qui ose s’approcher d’une jeune Iranienne en état d’impureté, ou d’une mère qui nourrit encore son enfant.

La grande volonté de Zoroastre domine hautement ces minuties ; elle les éclaire d’un tel jour, que les détails en disparaissent et que l’œuvre se dégage avec son beau caractère d’unité. Le législateur, partout, toujours, avec entêtement, rêve et prépare l’accroissement du peuple, son développement dans la plus large des prospérités. Il poursuit, il laisse sans repos, il accable de malédictions, de châtiments, tous ceux qui, en Iran, se refusent à utiliser leurs forces productives. Il condamne, et sans rémission, ceux qui volent, ceux qui trompent, ceux qui souillent, ceux qui manquent à leur parole. Le mensonge et la mauvaise foi avaient sans doute rongé la morale iranienne, comme l’apathie et la malpropreté avaient détruit le peuple iranien ? Zoroastre assainit le corps et l’âme de l’Iranien totalement corrompu. Il n’est pas de fléau comparable aux effets lents et sûrs de l’impureté ; il n’est pas de désastre qui équivale aux conséquences rapides et inévitables du mensonge et de la mauvaise foi ; mais ce qui est plus abominable, c’est le libertinage et la lubricité, qui corrompent, qui énervent, qui stérilisent, qui tuent ; ce qui est sacré, c’est la femme, parce que la femme sera mère et que tout l’avenir est dans ses flancs : Il faut qu’un respect légal l’entoure, qu’un châtiment exemplaire atteigne le mazdéen capable de la violenter.

A ces crimes, bien définis, les destours ajoutèrent un grand nombre de fautes, d’ailleurs rachetables à prix fixés, et qui sont sans relation aucune avec la pure morale zoroastrienne. Le Parse péchera, en ne disant pas certaines prières, en ne célébrant pas certaines fêtes, en ne communiant pas, en n’apportant pas son offrande au prêtre, etc. Celui qui ne prie pas, qui ne fête pas le gâhanbar, qui ne mange pas le miezd, ou qui ne donne pas, que sa prière ne soit pas reçue au milieu des mazdéens ; Dieu ne l’agréera pas. Pour racheter ses fautes, pour effacer ses péchés, le Parse doit les confesser, les payer, et plus il tardera, plus forte sera la somme qu’il aura à compter aux prêtres. D’un gâhanbar à l’autre, dit la loi nouvelle des destours, le péché du mazdéen augmentera de cent quatre-vingts sters, soit sept cent vingt derems forts, suivant l’interprétation d’un autre destour.