L’Iran historique. - Le Kurdistan. - L’Aderbeidjan. - Le lac
Ouroumiyeh. - Le Ghilan. - Le Mazendéran. - Le Dahistan. - Le Khorassan :
Mesched, Nichapour, Merw. - L’IRAN, historique proprement dit, limité à l’ouest par
les monts Zagros, à Test par les monts Soliman et l’Indus, au sud par le
golfe Persique, n’a pas, au nord, de frontières absolues. Les versants
orientaux des monts Zagros forment le Kurdistan. L’Aderbeidjan s’insère entre
les monts Zagros, Le Ghilan, entre l’El-Bourz et la mer Caspienne, comprend la pointe extrême sud-ouest du grand lac, formant ainsi la moitié de la limite orientale de l’Aderbeidjan. Ghil, Ghilan, Ghilanat, veut dire boues, vases, contrée marécageuse. L’hiver y est doux ; les chaleurs de l’été y sont mortelles. Les maisons de pierre, si elles ne sont pas couvertes d’une couche de roseaux tassés, ne résistent pas à l’étonnante humidité de l’air. En septembre les pluies commencent ; elles sont souvent interrompues par un vent chaud, le Badiguern, qui vient de l’ouest et dessèche les marais en quelques heures. Les villes du Ghilan ont été plusieurs fois détruites par des incendies succédant au vent Badiguern. Le Ghilan, très boisé, a tous les arbres européens. D’après Gmelin, le ver-à-soie y serait indigène. La végétation ghilanienne est d’une vigueur extraordinaire. Le Mazendéran continue le Ghilan à l’est, entre la mer Caspienne et l’El-Bourz. L’air y est très malsain. C’est le pays des méchantes eaux. La végétation du Mazendéran est admirable ; les cueillettes d’oranges et de citrons y sont particulièrement abondantes ; la flore, toute européenne, y colore délicieusement le printemps. Le Dahistan, l’ancienne Hyrcanie, continue et finit le Mazendéran marécageux à l’est. Le Khorassan actuel se divise en Khorassan occidental et
en Khorassan oriental ; la séparation conventionnelle passe entre Mesched et
Hérat. L’aire géographique générale du Khorassan va du sud-est de la mer
Caspienne jusqu’à l’Hindou-Koush, c’est-à-dire du Dahistan au Ghorat. En
réalité, le Khorassan englobe De Téhéran à Mesched, le voyageur a l’El-Bourz à sa gauche, très haut. Des collines successives, à sa droite, lui cachent le grand désert salé de l’Iran central. Ce ne sont que plaines arides, oasis délicieuses, eaux saumâtres, plaques stériles, cultures charmantes ou champs pierreux, suivant que l’El-Bourz se dresse abrupte ou qu’il laisse s’échapper et se répandre les eaux bienfaisantes d’un torrent. C’est là que gisent les mines de turquoises tant célébrées. Pour les Persans, Nichapour fut un paradis ; rien n’égalait la fraîcheur de ses matinées, le parfum de ses roses et l’abondance de ses eaux limpides. De Nichapour à Mesched, le terrain montagneux s’ombrage de saules, de mûriers et de peupliers énormes. Dans la plaine, parfois argileuse, croissent des vignes, des abricotiers et des pêchers dont les fruits sont renommés. Les eaux se précipitant des montagnes se creusent, dans le roc, des lits profonds dont les parois ont la verticalité d’un mur. Des cascades assourdissantes arrosent, çà et là, des noyers gigantesques. A l’orient de Mesched, ce ne sont plus que de grands espaces stérilisés. Merw, ou Marw, est sur la lisière méridionale du grand désert de Turkomanie, au bord du Mourghab qui vient de l’Hindou-Koush et va se perdre dans les sables. Les bords du Mourghab, couverts de roseaux et d’arbustes, sont peuplés de cygnes, de pélicans, d’oies et de canards ; les perdrix, les lièvres et les gazelles y abondent ; on y voit les traces fréquentes des incursions des chacals et de la puissante voracité des sangliers. Le climat de Merw est relativement bon : un printemps frais, légèrement pluvieux ; un été chaud, qui devient torride lorsque souffle le vent d’est ; des brouillards d’automne ; un mois neigeux en hiver. Les vents du nord-ouest y sont d’une grande violence. Au nord-est du Khorassan occidental est Entre l’Oxus et l’Yaxartès coule le Zarafchan, qui passe à
Samarcande et va finir à Bokhara. Peut-être ce fleuve allait-il se jeter
autrefois dans le grand lac Caspien. La terre que traverse le Zarafchan,
toute sablonneuse, bien irriguée, se montre prodigue et retient les nomades
reconnaissants. C’est l’antique Sogdiane, qui comprenait toute la région
entre Balkh et Bokhara. La province de Seistan est la limite orientale de l’empire
persan actuel. Le grand lac Hamoun sépare L’Helmend actuel a sa source près de Caboul. Après un
cours de 200 milles environ en montagnes, le fleuve traverse des plaines
cultivées, tantôt guéable et tantôt débordant. Le cours de l’Helmend se
modifie continuellement. Les sables qu’il entraîne obstruent ses
bouches,.exhaussent son lit et le forcent ainsi à changer de voie. Le lac
Hamoun, qu’il alimente, soumis à ses caprices, change de place également. Le
souvenir d’une sorte de mer Hamoun comblée par les alluvions des fleuves qui
s’y jetaient, a fait naître une légende : Le roi Djemschid, après avoir vu la
contrée lumineuse toute sous l’eau,
força les démons, au nombre de quarante mille,
à transporter, de L’Afghanistan, qui sépare Caboul communique avec Balkh par des cols de passage qui
sont à 12 et Djellalabad, sur la route de Caboul à Péchaver, à une distance presque égale de ces deux villes, est sur la rive droite de la rivière de Caboul, au centre d’une plaine bien cultivée et qu’entourent des montagnes couvertes de pins et d’amandiers. Lorsque l’hiver étreint Caboul, Djellalabad jouit d’un climat délicieux ; en été, au contraire, Djellalabad est un intolérable séjour. L’Afghanistan moyen, ou central, très sec, reçoit au printemps de lentes pluies dues à l’évaporation des neiges. En automne, la mousson indienne du sud-ouest, arrêtée par les Himalayas, s’engouffre dans la longue vallée de Caboul et vient, avec ses nuages que poussent les vents d’est, violenter le pays. La température, très variable, reste saine. Au sud, ni les neiges de l’Hindou-Koush, ni la mousson indienne n’apportent une seule heure de fraîcheur à de grandes terres que brûle un implacable soleil. Tous les climats possibles sont donc représentés en Afghanistan. La végétation y est cependant européenne. Ce sont, dans les plaines, des mûriers, des saules, des platanes, des peupliers, de la vigne, et toutes les fleurs de nos jardins ; sur les montagnes croissent des pins, des chênes, des cèdres, des noyers, des bouleaux et des houx. Au sud de l’Afghanistan, du Kirman au Sinde et au golfe Persique,
s’étend le Bélouchistan formé d’une partie de l’antique Arachosie à l’est, d’une
partie de Le golfe Persique, qui sépare l’Iran de l’Arabie a, d’abord, une série de côtes formant la limite sud du Bélouchistan ; il prend, ensuite,une direction nord-ouest complète, et cette seconde partie est presque fermée par l’avancée d’une terre arabique, en pointe. Au fond du golfe se jettent le Tigre et l’Euphrate, qui se sont réunis à Kornah dans le Schat-et-Arab. Les eaux se séparent au sud de Bassorah, en trois canaux. Cette embouchure, qu’il faudrait actuellement appeler fourche et non delta, est de formation récente. Le golfe, jadis, pénétrait dans les terres assyriennes plus profondément, et les deux grands fleuves se perdaient dans la mer à une distance de plus de vingt lieues l’un de l’autre : Ce sont, avec les alluvions du Tigre et de l’Euphrate, les apports du Gyndès (le Kerah ou Kerkhak) et du Khoaspés (l’Eulœus ou Caroun) qui ont créé de nouveaux terrains ; ces deux rivières, qui viennent maintenant grossir le Schat-el-Arab, allaient autrefois à la mer directement. Le Schat-el-Arab continue son œuvre ; le rivage, d’ailleurs, s’avance toujours. La côte sud-ouest de l’Iran longeant la mer Persique est
divisée en trois provinces : le Kirman à l’est, le Chusistan à l’ouest, et le
Farsistan entre les deux. Le Kir-man, c’est A Bender-Abassy commence aussitôt le désert. Cependant, des quelques montagnes qui sont au nord descendent des torrents dont les eaux très pures arrosent des jardins où mûrissent l’orange, la prune, et l’olive. Non loin de là se rencontrent d’abondantes sources sulfureuses, des eaux amères, dans un terrain pierreux, désolant, surchauffé. A l’ouest du Kirman, c’est l’ancienne Perside, le Pars, Fars, ou Farsistan, qui se divisait en trois zones : la zone méridionale, très chaude, très sèche, stérile ; la zone moyenne, très fertile, couverte de troupeaux gras ; la zone septentrionale, montueuse, inculte, rebelle à l’homme. Le sud du Farsistan, voué à d’atroces chaleurs, taché de marais puants, inhabitable, abonde en insectes tourmentants, en reptiles venimeux, en araignées énormes et dangereuses. De Bouchir à Bender-Abassy, la côte, basse, sans végétation, est coupée de ruisselets minces dont les eaux saumâtres ne pourraient être bues. Des entassements de roches formées de grandes coquilles à l’état siliceux y font des chaos. De grands espaces couverts d’une croûte blanche, salée, attristent le regard. Dans la zone moyenne du Farsistan, très favorable à l’homme, généreuse en productions, se trouve, environnée de montagnes hautes et nues, la plaine où Chiraz fut bâtie. Là, croissent en pleine terre des orangers, bien qu’au sud les sommets du Kotali-Piré-Zend se couvrent de neige en hiver. La végétation du Farsistan est purement arabique jusqu’à Firouzabad, où les palmiers cessent. Les vallées du Kotali-Piré-Zend sont plantées de chênes. Au Nord du Farsistan et du Chusistan s’étend l’Irak-Adjemi,
dont Hamadan est la ville centrale. Ce serait, à grands traits, l’ancienne
Médie aux plaines très fertiles et nourrissant
des chevaux de grande race. Cette Médie
fructueuse, c’est bien l’Irak-Adjemi actuel, qui dé-passe peu
Kaswin au nord. On comprend quelquefois sous le nom de Médie, tout l’Irak-Adjeini
et tout l’Aderbeidjan. Au sud immédiat de Téhéran est une plaine triste que de basses collines trachitiques semblent limiter. Au delà de ces mamelons, commence le grand désert salé de Kaveir, ou Khaver. Les déserts du Kirman joints aux implacables solitudes de Khaver, stérilisent les trois-dixièmes du sol persan. Au centre de cette immense désolation, une sorte d’oasis persistante, — Yezd — permet des relations directes entre le nord et le sud de l’Empire persan. L’Iran antique était à l’orient de ce grand désert. Il n’existait, alors, ni Médie, ni Susiane, ni Perside, ni Kirman, ni Mekran. Balk était, avec Merw, le centre de cet Iran restreint, qui ne comprenait qu’une partie du Seistan actuel au sud, ne dépassait guère Rhagès à l’ouest, et pouvait aller jusqu’à l’Oxus au nord. Au sud de Rhagès et de Hérat, à l’ouest du cours inférieur de l’Helmend, la frontière iranienne touchait la vaste solitude de Khaver. Ce grand désert central, avec ses -marécages salins, ses dépressions caractéristiques, ses rivages encore dessinés, prouve l’existence, là, d’une ancienne mer intérieure. Longtemps encore après les pluies, les caravanes n’osent pas s’aventurer sur ce terrain. On voit, à deux journées de Téhéran, une tour isolée que la tradition désigne comme la ruine d’un ancien phare. Le village de Myboud, près de Yezd, est une vieille ville maritime avec des vestiges de quais. Les continuels bouleversements du sol iranien que tourmentent les feux souterrains, les vastes espaces couverts de coquilles, les eaux presque partout chargées de sel, sont de bons témoignages en faveur d’une mer intérieure disparue. Les preuves historiques, moins positives, ne donnent que peu d’éléments d’appréciation. L’expédition maritime que Kaous-Cambyse dirigea dans une mer de seize à dix-sept cents lieues, suivant Firdousi, ne désigne pas suffisamment la mer iranienne, puisque le chroniqueur affirme que le voyage dura trois mois, et que Kaous, naviguant, avait à sa gauche le pays d’Egypte, à sa droite le pays des Berbers, l’expédition faisant route entre les deux côtes. Ces détails s’adapteraient admirablement à la mer Rouge ; ils se heurtent à des impossibilités lorsqu’on essaie de les appliquer à l’antique mer de Khaver, qui, si elle fut, n’a été que très large, et excluant en conséquence la pensée d’une navigation longue entre deux côtes. Mais ce que l’historien doit dire, c’est que l’Iran ne fut
jamais qu’une succession de territoires différents placés autour d’une sorte
de méditerranée formelle, et n’ayant entre eux que de très restreintes
relations. Les destinées de l’Iran seront surtout influencées par cet
obstacle étendu au milieu même du grand plateau. Que cet obstacle soit dit mer de Khaver comme autrefois, ou désert de Khaver, comme aujourd’hui ; que Yezd,
et Chubis, et Hormusabad, qui sont des oasis, aient été ou non des îles, il
est certain que l’Iran ne fut pas, pour l’humanité, un champ propice à la
formation d’un groupe national. Les Iraniens des quatre frontières devaient
être plus près, ou de Il serait impossible de définir, dans une synthèse unifiée, le climat persan ; les variétés de température, insaisissables, défient les règles ordinaires d’appréciation. Ce qui se généralise en Perse, en Iran, c’est la lumière, avec son grand rôle d’excitant. Mais le soleil veut de l’eau pour agir, et l’eau manque. Peu de rivières ; aucune qui soit réellement navigable dans toute son étendue ; aussi l’aménagement des eaux est-elle la préoccupation continuelle des Iraniens. Les insectes iraniens, qu’il importe de regarder, sont
rigoureusement classés, maintenant, dans le type européen des bords de Il en est ainsi des coqs et des poules, encore à l’état
sauvage dans le Dekhan indien, qui se sont répandus en Perse, si nombreux, si
vivants, qu’une origine iranienne leur fut assignée. La gent ailée de l’Iran
est surtout européenne. On voit, sous le ciel bleu, en été, des bandes d’oiseaux
aquatiques désertant les lacs indiens ; ces émigrants ne font que passer, se
dirigeant vers l’Asie centrale, redoutant l’Iran européen. Les chiens et les
chats, célèbres en Perse, viennent de l’Afghanistan. Les écureuils,
innombrables en Arménie et dans le Kurdistan, y sont d’une insolence
proverbiale. Le porc-épic, spécialement iranien, se sait chez lui. L’aire du
dromadaire à bosse unique ne dépasse pas, à l’est, le Khorassan ; là commence
le chameau à deux bosses, originaire de Au nord de l’El-Bourz, le cheval est superbe, la race du bison au garrot bossu se fait remarquer par sa vigueur ; mais le bœuf ordinaire, les cerfs, les élans et les sangliers sont petits. Les moutons, purement européens, se multiplient rapidement en Perse. De grands troupeaux d’hémiones hantent les plateaux de la haute Asie, descendent parfois dans les steppes turkomanes. L’onagre, qui vint jusqu’en Asie mineure jadis, se cantonne maintenant au septentrion de l’Hindou-Koush. Par sa flore et par sa faune, l’Iran se trouve réellement
sur le grand équateur zoologique, l’équateur de
contraction de Jean Reynaud qui passe entre l’Europe et l’Afrique,
traverse la dépression de la mer Morte, les déserts de Syrie, de Les montagnes de l’Iran recèlent du cuivre, du plomb et du fer, mais peu ; quelques traces d’argent du côté de l’Inde ; de l’or vers le nord-est, mais loin. Des marbres blancs et gris. Presque partout du soufre. Des sels mélangés d’argile couvrent des espaces immenses, sous la forme de croûtes d’un gris sale, ou d’efflorescences neigeuses. Les déjections volcaniques, très abondantes, décomposées, donnent de grands dépôts de kaolin. En pierres précieuses, l’Iran offre des lazulites d’un azur splendide, des saphirs blancs et bleus, des rubis, des améthystes, des topazes jaunes, rouges, laiteuses et brunes. Des turquoises magnifiques, minérales, de vieille roche, abondent dans le Khorassan, sur les monts de Taft, près de Yezd et en Farsistan. |