Les Égyptes (de 5000 à 715 av. J.-C.)

 

CHAPITRE XX

 

 

DE 1703 A 1462 Av. J.-C. - Mœurs et civilisation de la dix-huitième dynastie. - L’Égypte en Asie. - Renaissance artistique entravée. - Sculpture. - Architecture. - Religion. - Canopes. - Littérature et orfèvrerie. - Symbolisme. - Corporation des scribes et corporation des prêtres. - Despotisme du pharaon. - Offrandes nouvelles. - La grande suzeraineté.

 

LA politique des souverains de la XVIIIe dynastie donnait ses fruits inévitables : Ahmès Ier, laisse en plein repos tous les étrangers, Arabes, Bédouins, Syriens et Hébreux, qui sont venus avec les Pasteurs de Shalit. Les conquêtes d’Amenhotep Ier, au sud, font affluer les Nègres ; son expédition en Mésopotamie ramène sur les bords du Nil des quantités d’Assyriens. Des Arabes suivent la régente Hatasou comme des alliés, comme des amis. Les victoires de Thoutmès III attirent des émigrants belliqueux, et l’extension de l’empire, sous le règne de ce pharaon, fait accourir en Égypte des Assyriens, des Chaldéens, des Arméniens, des Géorgiens, des Touraniens et des Iraniens. Amenhotep II, par ses expéditions du côté de l’Euphrate, continue Thoutmès III, et Thoutmès IV étend l’empire, encore au delà de ses frontières, par les relations qu’il noue, suivies, avec les peuples étrangers, avec les Indiens notamment. Amenhotep III, lui, faisant des razzias de travailleurs, encombre l’Égypte d’hommes nouveaux, esclaves. Amenhotep IV, enfin, substitue officiellement une race étrangère à la race égyptienne, construit une nouvelle capitale, Tell-el-Amarna, et prétend imposer aux Égyptiens un dieu unique, venu de l’est.

Il n’est pas une croyance, il n’est pas un monument, il n’est pas une pensée de la XVIIIe dynastie, qui ne dénonce l’influence d’une race étrangère. Vraiment, on pourrait dire que l’Égypte est devenue asiatique, qu’elle appartient à l’ensemble des nations formées entre la Méditerranée et l’Iran ; que les Amenhotep et les Thoutmès se trouvaient, par le droit de la guerre, mais temporairement, comme les empereurs d’un vaste empire englobant les Iraniens, les Géorgiens, les Arméniens, les Assyriens, les Chaldéens, les Araméens, les Syriens, les Phéniciens, les Chananéens, les Arabes, les Nègres, les Abyssiniens, les Éthiopiens, les Nubiens, les Israélites, les Libyens et les Égyptiens.

A ce moment, au point de vue purement historique, l’Égypte devrait disparaître, pour n’avoir plus que sa part dans l’histoire générale des Asiatiques. Non seulement, en effet, les Asiatiques de toutes sortes ont envahi la vallée du Nil, mais les pharaons eux-mêmes ont cessé d’être exclusivement Égyptiens. Sans doute, l’histoire de l’Égypte se terminerait à l’invasion des Pasteurs, à l’avènement du réformateur religieux Amenhotep IV, si l’Égypte ne se caractérisait pas, précisément, par cette faculté prodigieuse d’absorption qui fait qu’à vivre aux bords du Nil les races diverses s’y transforment, sinon par le type, au moins par l’esprit, et qu’au moment même où s’accomplit la révolution la plus radicale, la moins nationale, les révolutionnaires, malgré eux, agissant comme des Égyptiens, continuent la tradition. L’Éthiopien, l’Assyrien, le Phénicien, l’Israélite et l’Iranien importeront leurs divinités dans les grands temples qui n’étaient que les grandes tombes des ancêtres ; ces dieux finiront tous par devenir plus ou moins des Osiris, par faire partie d’une triade. Amenhotep IV lui-même, le destructeur violent du culte égyptien, procédant à l’exaltation de son disque solaire tout rayonnant, donne à chacun des rayons de son dieu l’attribut des divinités égyptiennes ; et désormais le disque symbolisera Horus combattant Set et ses compagnons, les meurtriers d’Osiris.

Lorsque Haremheb succède au fanatique Amenhotep IV, l’architecture égyptienne semble épuisée, prête à tomber en barbarie, à revenir aux cavernes. Les spéos de Silsileh sont l’exemple de cet immense recul. Eh bien, c’est précisément dans cette décadence, c’est dans ce découragement même, que se manifeste la persistance charmante de l’esprit égyptien. Un tableau ornant l’un de ces spéos est une merveille. Une déesse, Hathor, la Vénus égyptienne, allaite Horus enfant. Le groupe est délicieux de simplicité, de grâce naïve, de noblesse bienveillante. Il importe peu de décider si l’artiste a voulu représenter une idée ou un fait, s’il faut voir, dans ce groupe, une femme divine caressant son fils divin ou bien la déesse exprimant la protection qu’elle accorde au pharaon régnant, Haremheb ; ce qui est certain, c’est que le monument date du règne d’Haremheb, et prouve qu’au moment même où l’Égypte égyptienne s’effondrait, l’art le plus pur, le plus élevé, s’y manifestait encore, et cela sur les parois mêmes d’une tombe constatant la chute de l’esprit national. Car l’Égypte ne se peut concevoir, n’existe pas sans le culte des morts.

Le même tombeau nous raconte, en une belle exécution, le triomphe d’Haremheb-Horus revenant en vainqueur d’Éthiopie, du pays de Kousch. La somptuosité asiatique est ici pleinement étalée. Le pharaon, sur son palanquin que portent douze chefs militaires, doucement éventé par des flabellifères attentifs, grave, comme pontifiant, reçoit les humilités excessives des courtisans et des prêtres. Des groupes de prisonniers, moins humiliés par l’artiste, certainement, que les hauts dignitaires du monarque, suivent le triomphateur, que précédent, bravement représentés, eux, des soldats portant le bouclier sur l’épaule, marchant à la cadence des trompettes. C’est une œuvre d’art, et de grande allure.

Thèbes, sous la XVIIIe dynastie, eut la fièvre d’une renaissance artistique. Cette renaissance fut d’abord purement imitative ; les architectes, les sculpteurs, les graveurs et les peintres reproduisirent exactement l’art de la XIe dynastie ; si bien que les archéologues ont quelque peine, souvent, à — distinguer les monuments de cette époque de ceux qui appartiennent à l’époque des Ousortésen. L’idée de reprendre une tradition interrompue est essentiellement égyptienne ; il n’est donc pas surprenant que ce renouveau se soit caractérisé par un recommencement. Il y a des exemples de ce qu’auraient pu faire les artistes de la XVIIIe dynastie, si le goût personnel des pharaons, et surtout les événements qui se succédèrent en Égypte, n’étaient venus donner à l’art des impressions contraires aux sentiments des artistes.

Le groupe d’Hathor allaitant Horus signale un ouvrier délicat, concevant bien sa pensée, la traduisant tout entière avec une sublime honnêteté ; les bas-reliefs du temple élevé à la gloire de la régente Hatasou à Deir-el-Bahari, et qui sont autour de la porte de granit, témoignent de la sûreté de main du sculpteur, de la puissance de son talent ; le temple élevé par Amenhotep à Louxor montre jusqu’à quel point les graveurs de pierres savaient s’exprimer largement dans la plus minutieuse des exécutions. La précision, la rigueur même avec laquelle se taillaient les obélisques, la correction des signes figuratifs qui les ornaient, sont du grand art, assurément.

Or, avec de tels artistes, les pharaons ne savent pas s’immortaliser. Voulant exprimer la grandeur, ils ne conçoivent que l’énorme, et pas me pensée pharaonique de cette époque, bâtie, ne renouvelle la gloire des temps antérieurs. La masse des constructions confond, effraye, attriste, on voit l’effort dépensé par l’ouvrier mécontent et l’intention vaniteuse du maître. La satisfaction du souverain n’est complète que si l’œuvre construite est un sujet d’étonnement, un cri de triomphe personnel, un témoignage de succès. Lorsque Thoutmès IV ordonne le dégagement du sphinx de Gizeh que les sables avaient envahi, et lorsque le monument, dégagé, apparaît aux yeux avec sa nudité grandiose, le pharaon fait appliquer à l’épaule droite du colosse une sotte stèle de granit qui racontera les travaux de restauration exécutés. La préoccupation du mérite personnel dénature le service rendu, qui devient un outrage.

Le culte des morts, disparu, a fait disparaître, avec l’esprit national, l’ensemble monumental des nécropoles. Les tombeaux visent à l’élégance, s’agrémentent de colonnes, cherchent l’effet ; il en est que précédent des avenues de sphinx réduits à l’état d’ornementation. La richesse croit suppléer au fini, l’ostentation est la pensée maîtresse du constructeur. Les parois et les plafonds reçoivent des couleurs trop vives. Les statues sont dressées dans des niches ; des morceaux d’une littérature recherchée remplacent les récits naïfs et délicieux des anciens temps. Aucune grandeur, ni dans les lignes, ni dans la disposition, ni dans l’ornement. Les chambres mortuaires, qui ne se verront pas, sont creusées au hasard, sans ordre, se superposant, larges, aptes à recevoir des générations de momies.

Le respect des cadavres n’existe plus. On viole les tombes avec facilité, sans s’émouvoir outre mesure. Aux meubles, aux vêtements, aux provisions pour la seconde vie, se substituent des objets de piété, sans but défini, manifestant une religiosité stupide. Ce sont des masses de statuettes, tantôt enfermées dans des boîtes, tantôt répandues sur le sol, simplement. Des vases funéraires, — canopes, — où l’on a déposé les viscères embaumés du mort, — profanation mystique, — sont à côté des sarcophages, ou dans des niches, ou dans des caisses, indifféremment. Les statuettes, de granit, d’albâtre, de calcaire, de bois, sont généralement sans art, quelquefois symboliques, portant presque toujours, en gravure coloriée de bleu, des légendes cléricales.

Les artistes, n’ayant plus l’occasion d’exécuter de grandes pensées, condescendent à s’abaisser au goût nouveau. Les architectes, devenus des maçons, bâtissent des constructions colossales ; aux écrivains des temps antiques se sont substitués des rhétoriciens courtisans ; les gardiens des temples où reposaient les ancêtres ne sont plus que des prêtres infatués de leur influence ; les sculpteurs et les graveurs, comme industriels, livrent des milliers de statuettes, s’exercent à l’art restreint des menus objets.

L’idéal égyptien refoulé, mais persistant, imprimera sa grandeur, son style, aux petites choses que la XVIIIe dynastie nous léguera. Les bijoux de la reine Aah-Hotep, admirables, sont les œuvres d’art principales de cette époque. Et c’est pendant que l’Égypte troublée, envahie, révolutionnée, désespérée peut-être, est le jouet des événements les plus imprévus, perd son culte, ses mœurs, sa gloire, sa nationalité, sa personnalité, que les artistes exécutent ces merveilles, telles, que la bijouterie et l’orfèvrerie de tous les temps n’en exécuteront jamais de supérieures. C’est le miroir de la reine, figurant un palmier, à la poignée de bois ouvragé, et dont le disque, d’un métal d’alliage poli, est enduit d’un vernis d’or ; ce sont des bracelets au fermoir orné du cartouche d’Ahmès et que relient des chaînettes enfilant des perles d’or, de lapis, de turquoise et de cornaline ; un poignard à lame de bronze, au manche d’argent ; un autre à lame d’or et sur la poignée duquel s’entrecroisent des lignes multicolores dessinant des triangles réguliers ; un collier formé d’une série de «motifs» dont chacun est un bijou complet, et cousus sur une étoffe : oiseaux de toutes sortes, fleurs de toutes espèces, magnifiques d’exécution vraie ; une chaîne de fils d’or tressés, avec deux têtes d’oie au fermoir, suspendant un scarabée émaillé de bleu dans des cloisons ; un collier de haut bras, qui est un vautour déployant ses ailes ; une hache au tranchant d’or massif, au manche de bois recouvert d’or, encastré de pierreries ; un pectoral d’or, ajouré, plaqué d’une mosaïque de turquoises, de lapis-lazuli et de cornalines rouges ; des flacons, des anneaux, des figurines où l’on chercherait en vain une faute de goût.

Ces bijoux ne disent pas seulement le talent de l’ouvrier ; ils racontent, avec tact sans doute, mais nettement, l’état d’esprit des Égyptiens, par le choix des ornements, le caractère des ciselures et des sujets. La préoccupation dominante est très saine. A la nature, — oiseaux, plantes et fleurs, — les artistes empruntent leurs modèles. Mais le symbolisme s’impose, et l’art pour l’art se manifeste. La hache d’or veut dire la puissance de la reine Aah-Hotep ; les poignards ne sont qu’un prétexte d’ornementation. Lorsque l’artiste en est réduit à se dépenser ainsi, comme en pure perte, c’est qu’il ne croit plus à son influence, à sa prédication pour le beau, à sa force de poussée vers l’idéal.

Le goût des orfèvreries est général. Les momies sont enterrées avec des bagues, des bracelets, des colliers et des pectoraux ; des bijoux et des amulettes. Une bague funéraire, trouvée à Thèbes, marque la séparation accomplie dans l’esprit des Égyptiens entre la divinité et la royauté : l’anneau, au chaton carré, a d’un côté le nom d’Ammon-Râ et de l’autre le nom d’Ahmès.

La littérature du Nouvel-Empire se développe parallèlement à son orfèvrerie. L’ornementation de la phrase correspond à l’ornementation du bijou, et c’est l’influence asiatique qui domine, paresseuse, habile. Les mots, cherchés, choisis, mis en ligne dans les inscriptions de toutes natures, de même que les traits et les images dessinés sur les joyaux, arrivent à l’effet tranquille, satisfaisant, par la symétrie exacte, toute matérielle, mécanique, au lieu d’être inspirés par le génie de l’artiste faisant une harmonie d’ensemble avec le disparate des détails ; l’œuvre plaît, sans doute, mais laisse l’esprit froid dans son admiration. L’impression d’autrui, voulue par le scribe et le bijoutier, est comme forcée par l’emploi des répétitions, plutôt que par l’expression juste de l’idée ; les alternances de mots, comme de dessins, semblables, viennent accuser l’intention d’augmenter l’effet de la répétition pat le temps d’arrêt imposé. Enfin, l’hyberbole de la rhétorique égyptienne, outrée, flamboyante, équivaut au rayonnement, qui est la caractéristique de l’ornementation de cette époque. Le vautour tricolore, — or, rouge et bleu, — aux ailes éployées, est l’ornement principal, commun, banal, de la XVIIIe dynastie, comme la flagornerie brillante est le fond de la littérature de ce temps.

Parmi les bijoux de la reine Aah-hotep se trouvent un diadème en or et un bâton de commandement, sceptre pharaonique, recouvert en partie d’une feuille d’or l’entourant en spirale, recourbé à son extrémité, tel que le portent encore, de nos jours, les chefs de la Nubie et du Soudan. Le diadème est asiatique ; le sceptre est africain. Une chaîne réunissant trois abeilles d’or est probablement un exemplaire des décorations que les souverains de l’Égypte accordaient. Ordinairement, l’image suspendue à la chaîne est celle d’un lion. Ce genre de récompense était très usité en Égypte ; les tableaux funéraires représentent souvent le souverain honorant son serviteur par la remise d’un collier. Un Ahmès dont le tombeau est à El-Kat fut décoré sept fois pour sa bravoure.

Les scribes pullulaient. Chaque seigneur, comme chaque pharaon et chaque femme de pharaon, avait son bibliothécaire, réunissant et conservant les papyrus. Une certaine hiérarchie commençait à classer tous les écrivains de l’Égypte dans une série de corporations. Il y avait le scribe des soldats, le scribe des troupeaux, le scribe de la bibliothèque, etc. Les prêtres, organisés, influents, n’étaient plus aux yeux du peuple qu’une sorte de groupement industriel, et la cléricature, une carrière à laquelle un père pouvait destiner son fils. Sous la XVIIIe dynastie, un gardien de canaux, — Neferheb, — s’est représenté sur sa stèle funéraire, assis à côté de sa sœur, recevant les offrandes de ses douze fils, dont l’aîné, — Min-Mès, — est prophète d’Osiris.

Le despotisme de la royauté coïncide avec l’industrialisme général. Les artistes, les scribes et les prêtres, absorbés par les exigences de leur métier, bâtissent, sculptent, gravent, écrivent et officient, laissant le souverain gouverner. L’Asiatique a apporté, avec le goût du luxe, l’idée que les œuvres de l’esprit peuvent s’exploiter, comme les œuvres du corps ; que penser est un labeur ; qu’exprimer sa pensée c’est produire, et que le talent a droit à un salaire, comme le travail.

L’influence de la race asiatique se manifeste encore dans les tombeaux. Les tableaux gravés et peints sur les parois, qui disaient si bien, si simplement, la vie d’un homme, se couvrent maintenant de représentations fastueuses où domine le caractère religieux. On ne voit que processions de prêtres, cérémonies rituelles, hommages rendus aux divinités. Lorsque, fidèle à la tradition, l’Égyptien essaie d’un sujet personnel, le tableau manque absolument de simplicité, et ce sont des épisodes de batailles, des solennités de cour, des manifestations humiliantes devant les rois, ou des théories symboliques, interminables. Le prêtre s’est emparé du culte funéraire. Les scribes des temples rédigent le texte des stèles ; aussi, dès les premières lignes, le défunt se vante-t-il, — car c’est le mort qui parle, presque toujours, — d’avoir, vivant, consacré des dons nombreux à son père Osiris.

L’usage d’apporter des provisions aux morts n’existe plus, soit que l’Égyptien ait cessé de croire aux besoins matériels du corps revivifié, soit qu’il doute de cette reviviscence même. L’Égyptien n’a rien gagné à ce changement ; c’est au temple qu’il doit maintenant ces offrandes. Les prêtres, — surtout depuis le gouvernement de l’homme hébreu Joseph, — ayant de vastes domaines exempts d’impôts, et des champs de culture, et des pâturages où paissent des bêtes nombreuses, ne demandent plus aux fidèles, comme jadis, des pains par milliers ; mais de l’or, de l’argent, du cuivre, des pierres précieuses. Cela n’excluait pas absolument les dons de victuailles : vin, lait, bœufs, oies, pains sacrés, vêtements, encens, miel, et toutes les choses bonnes et pures en quantité, dit une stèle ; toutes les choses exquises que donne le ciel, que crée la terre, qu’apporte le Nil de sa source. — Que les offrandes en onguents, en huiles, en champs, en prairies, soient maintenues, dit une inscription.

Depuis l’expulsion des Pasteurs et la destruction de la féodalité qui en avait été la conséquence, de rapides fortunes se faisaient sur les bords du Nil. Véritable empereur, le pharaon gouvernait l’Égypte despotiquement, mais il n’était que le grand suzerain des pays conquis ou domptés. Les provinces, — en Syrie, en Assyrie, en Arabie et en Éthiopie, — demeuraient, indépendantes, pourvu que chaque année le tribut consenti fût apporté au pharaon, et que le territoire, ouvert aux troupes égyptiennes, restât fermé aux étrangers. La main des pharaons était légère après la fureur du combat ; et sans la turbulence des roitelets qui se disputaient des coins de terre en Syrie, la suzeraineté de l’Égypte eût été un large bienfait pour les Asiatiques. En effet, les Égyptiens ne songeaient pas à exploiter la Syrie, ce pays doux et fertile ; ils se contentèrent d’y tracer deux grandes voies militaires aboutissant à Mageddo, point stratégique en face du Liban. De Mageddo partait une autre route menant à Karkémish, devant la Mésopotamie. Kadesh la grande, était la place forte dominant cette voie.