Les Égyptes (de 5000 à 715 av. J.-C.)

 

CHAPITRE VIII

 

 

DE 3951 A 3500 Av. J.-C. - Cinquième dynastie (3951-3703). - Aristocratie naissante. - Éléphantine supplante Memphis. - Sixième dynastie (3703-3500). - Mission et gouvernement d’Ouna. - Guerre en Éthiopie et en Syrie. - Armée. - Mérenra. - Deuxième mission d’Ouna ; sa mort, son œuvre. - Papi Il. - Mérenra II. - La reine Nitagrit. - Prophètes. - L’art de la sixième dynastie.

 

EN l’an 3951 avant notre ère, une dynastie nouvelle, — la Ve — prend le pouvoir à Memphis ; neuf rois, se succédant, y règnent en paix, semble-t-il, jusqu’à l’année 3703. Un évènement de haute importance marquera la fin de cette dynastie : Memphis cessera d’être la ville capitale des Égyptiens ; le siège de la royauté sera transporté à Éléphantine, à Géziret-Assouan, à la première cataracte du Nil. Des rois de la Ve dynastie on ne connaît pas de monuments fastueux ; leur gouvernement n’a pas attiré l’attention de l’histoire ; l’un termine bien une guerre dans le Sud, inévitable ; un autre change les traditions gouvernementales du pays. L’art ne subsiste que par la construction de monuments privés.

Les neuf rois de la Ve dynastie furent Ousour-Ka-w, Sah’oura, Kaka, Nowerarkara, Aseskara, Ousourenra-An, Menkeh’or, Tatkera-Ana et Ounas. Un cylindre de calcaire noir, trouvé à Assouan, donne le cartouche du fondateur de la dynastie. De nombreux scarabées, des amulettes en forme de cartouche royal signalent les noms de ces souverains, que l’on n’a pas encore rencontrés sur une œuvre architecturale importante.

Les Égyptiens de marque, à cette époque, se montrent supérieurs aux pharaons. Il semble qu’à ce moment, et pour la première fois, le peuple égyptien agisse à côté des monarques qui le gouvernent. Il ne serait pas surprenant que dans cette période, les Égyptiens de la Basse-Égypte, de Memphis à Assouan, se fussent organisés socialement quelque peu en dehors du gouvernement autocratique des pharaons. Les stèles, avec leurs inscriptions, nous révèlent comme un monde nouveau. Il y a des espèces de patriarches, des chefs de famille tout spécialement vénérés, fiers de leur autorité, unissant parfois à l’influence d’une situation aristocratique la consécration d’un titre sacerdotal. Comme par un héritage dû, ces sortes de seigneuries morales se transmettent dans quelques familles privilégiées. D’autres familles, moins indépendantes, jouissaient auprès du pharaon de certaines immunités, possédaient une somme de droit, et se trouvaient en situation d’en abuser.

L’autorité des pharaons de la Ve dynastie s’était amoindrie jusques à ce point où les familles aristocratiques songent à se partager la puissance souveraine. Memphis, effacée, ne représente plus l’Égypte dignement ; au sud, à la première cataracte, à Éléphantine, un pouvoir nouveau vient de se manifester. Lorsque la Ve dynastie se termine, Memphis est séparée d’Éléphantine complètement ; il y a deux Égyptes.

La VIe dynastie s’inaugure avec deux noms : Téta, qui règne à Memphis, au nord ; Ati, qui règne au sud, à Éléphantine. Téta se donne comme le descendant de Ménès, le représentant légitime des dynasties nationales. De Téta, l’histoire ne nous apprend rien ; il disparaît à Memphis, pour ainsi dire, n’ayant laissé aucune trace de son passage. D’Ati, nous savons qu’il fut tué par un de ses gardes et que Mérira-Papi lui succéda. Le règne de Mérira-Papi, ou Appapus, n’est pas seulement un grand règne ; il inaugure un véritable gouvernement. Memphis étant compromise par la désorganisation que les querelles des familles aristocratiques avaient dû produire, Éléphantine n’offrant aux Égyptiens aucun souvenir royal susceptible de les impressionner, Mérira-Papi Ier, très habilement, revint aux traditions antiques, transporta son trône à Abydos, prés du tombeau d’Osiris, où Ménès avait régné. Les monuments témoignent, à Abydos, des hauts faits de la VIe dynastie.

Un page du roi Téta, son porte-couronne, nommé Ouna, avait été élevé à la dignité sacerdotale et chargé du ministère du labourage. C’était un administrateur habile, un scribe merveilleux, et si actif, que son activité l’étonnait lui-même : Je faisais, dit-il, toutes les écritures avec l’aide d’un seul secrétaire. Dès son avènement, Papi Ier, voulant vivre en pharaon, se préoccupant de son sarcophage, charge Ouna d’aller chercher un bloc de pierre blanche au sud. Le serviteur s’acquitta de sa mission à la grande satisfaction du roi. — Jamais, dit-il, œuvre pareille ne fut faite.

Pour récompenser Ouna, le pharaon le fit surveillant des prophètes, surintendant de la maison de la reine, le qualifia d’ami royal, d’auditeur, lui confiant le gouvernement de quatre provinces du pays de Khenterah, en Éthiopie. Papi Ier possédait-il ces quatre provinces, ou bien, en y envoyant Ouna, le chargeait-il de les annexer, comme une troisième Égypte, aux deux Égyptes soumises à sa loi ? On voit, bien que vaguement, Ouna approcher plutôt que combattre les Oua-Oua éthiopiens, noirs, et revenir au pharaon avec tout le prestige d’un grand succès. Une mission autrement importante l’attendait au retour. Au nord, des nomades arabo-syriens, les Hérouscha, s’étaient emparés des mines du Sinaï, en empêchaient l’exploitation, et menaçaient la Basse-Égypte. Ouna fut chargé d’attaquer les Hérouscha. Il les vainquit. Nous avons le récit, dicté par le héros lui-même, des préparatifs de l’expédition, de l’ordre du combat, de l’importance de la victoire et du châtiment infligé aux vaincus.

Les Aamou étant alliés aux Hérouscha, un très grand effort s’imposait. Ouna organisa l’armée égyptienne, en mélangeant aux nationaux recrutés dans le pays tout entier, depuis Éléphantine jusqu’à la terre du Nord, des nègres du pays d’Anam, du pays d’Ouaouat, du pays de Kaaou, du pays de Toman, etc. L’armée égyptienne proprement dite, nationale, et dont le fonds se composait de contingents instruits, exercés en temps de paix, dans les places fortes, les temples, les villes, et d’anciens guerriers rappelés, était prête à marcher à l’ennemi ; mais les Nègres encadrés dans les groupes égyptiens ignoraient l’art de la guerre, et il fallait les instruire. Voici, dit Ouna, que les généraux, les chambellans, les amis du palais, les chefs, les princes des villes du Midi et du Nord, les amis dorés, les chefs des prophètes du Midi et du Nord, les intendants des temples, les capitaines du Midi et du Nord, des villes et des temples, instruisirent les Nègres de ces régions, et c’est moi qui les dirigeais. L’année du pharaon, l’armée de Sa Sainteté, comptait plusieurs fois dix mille hommes, dit Ouna.

On voit qu’au temps de Papi Ier la royauté était surtout militante ; qu’une hiérarchie guerrière existait, avec ses généraux et ses capitaines ; que les fonctionnaires de tout rang et les prêtres de tout ordre portaient les armes, savaient l’art du combat. Ouna dit qu’il entra comme il voulut au pays des Hérouscha ; qu’il fut victorieux dés le premier jour, écrasant les ennemis, renversant leurs enceintes fortifiées, coupant leurs figuiers et leurs vignes, incendiant leurs blés, massacrant leurs soldats, s’emparant des populations, emmenant en grand nombre les hommes, les femmes et les enfants, comme prisonniers, ce dont Sa Sainteté le pharaon se réjouit plus que de toute autre chose. La satisfaction du souverain se manifesta par l’ordre cinq fois donné à Ouna, et cinq fois exécuté, d’aller ravager le pays des Hérouscha.

La défaite des barbares paraissait achevée, lorsque le pharaon apprit qu’ils s’étaient rassemblés de nouveau au pays de Takhéba. Ouna organisa une expédition maritime, débarqua aux extrémités reculées de cette région, au nord du pays des Hérouscha, et extermina ces ennemis. Papi Ier, enthousiaste, exalta le vainqueur ; Ouna put, désormais, par la volonté du souverain, et en récompense des services rendus, garder ses sandales lorsqu’il entrait dans le palais du pharaon, lorsqu’il se trouvait en la présence du monarque.

Pour consolider sa victoire, Ouna fit élever des enceintes fortifiées dans le pays des Hérouscha, et l’Égypte, en paix, délivrée de ses ennemis au nord et au sud, ayant un grand pharaon à Abydos, renouvela la gloire des temps passés. Les mines du Sinaï, régulièrement exploitées, produisirent immensément ; une route fut tracée qui réunit Abydos, par Coptos, à la mer Rouge, traversant le désert ; les carrières de Rohannou furent ouvertes, et le vieux temple de Denderah, antérieur à Ménès, fut réédifié, en respectant avec scrupule le plan du temple primitif. Cette œuvre nationale valut à Papi Ier le titre de fils d’Hathor qu’il adopta pour son cartouche royal. Le pharaon glorieux tenait, en suzerain, la Nubie, la Libye et la partie de la Syrie confinant au delta. Il couvrit l’Égypte de constructions. Son nom se lit sur les monuments édifiés à Éléphantine, à El-Kab, à Kasres-Sayad, à Cheykh-Saïd, à Zawyet-El-Maïtin, à Saqqarah, à Sàn, c’est-à-dire partout, de la cataracte à la mer. Appapus, formule égyptienne de Papi, signifie géant. La légende lui donne neuf coudées de taille et le fait régner cent années. Un scarabée de schiste émaillé le qualifie de Fils du soleil, vivant à toujours.

Papi eut pour successeur Mérenra, fils de la seconde femme de son père, la reine Raoumeri-Ankh-nas. L’impression des victoires de Papi était encore trop récente pour que le gouvernement de Mérenra n’en ressentit pas les heureux effets. Ni du nord, ni de l’est, ni du sud, aucun ennemi ne vint tourmenter les Égyptiens. Le pharaon, d’ailleurs, confirma Ouna dans ses fonctions et dans ses charges ; le faisant en outre, gouverneur du pays du sud, c’est-à-dire de la partie de l’Égypte comprise entre Éléphantine et la pointe du delta. C’était la moitié du royaume, à peu prés ; celle où résidait le pharaon. Jamais, dit Ouna dans son épitaphe, jamais sujet n’avait eu cette dignité auparavant.

Le premier ordre donné par Sa Majesté à Ouna fut, suivant l’usage, d’aller chercher en Haute-Égypte le granit du tombeau royal. Ouna, dans le récit de cette expédition, nous a laissé les détails bien intéressants de son voyage. Mérenra voulait, en outre du bloc de granit pour son sarcophage, une image de dieu, ainsi qu’un naos, avec sa grande porte et son pyramidion. Les naos étaient des sortes de chapelles, plus ou moins grandes, généralement portatives, creusées dans un monolithe, fermées par une porte à double battant, et qui recevaient l’image, la statue d’un dieu, d’un roi, ou d’un Égyptien de marque. Ces naos, nombreux, énormes quelquefois, d’autre fois assez petits ou assez légers pour être portés en procession, se plaçaient dans les temples et dans les monuments funéraires. Un naos spécial, enfin, ordinairement de grande dimension, véritable tabernacle contenant la divinité patronale, existait dans chaque temple. Mérenra chargea donc Ouna de lui procurer le naos qui ornerait son monument funéraire, et l’image de dieu qui reposerait dans le naos.

Ouna s’en fut au pays d’Abhat, puis au pays d’Abou, et tout fut fait, dit-il, conformément aux ordres de Sa Majesté. Une flotte avait été construite dans ce but à Éléphantine : six chalands, trois radeaux et trois bateaux de transport. Le voyage s’effectuant vers le sud, et bien que le sage Ouna eût, sous Papi Ier, noué des relations d’amitié avec les Nègres d’Afrique, il fit, par prudence, construire à Eléphantine même un navire spécial, solide, destiné à recevoir des guerriers qui protégeraient le convoi. C’était une innovation. Jamais, dit Ouna, dans le temps d’aucun ancêtre, Abeha ou Eléphantine n’avaient construit des navires de combat. Ouna, heureux dans cette nouvelle expédition, rapporta au souverain le sarcophage royal avec son couvercle, le pyramidion précieux de la pyramide funéraire, le granit du naos et du seuil, le granit des corniches et des linteaux.

Ouna fit davantage. Il partit à la recherche d’une grande table d’albâtre, du pays de Ha-noub. Le bloc fut trouvé et mis sur une barque en bois d’acacia qui avait soixante coudées de longueur (31 mètres 50) et trente de largeur. Dix-sept jours furent employés au chargement de la table ; pendant ce temps, le Nil ayant baissé, le transport du monument fut suspendu. Voici, dit Ouna, qu’il n’y eut pas assez d’eau pour aborder la pyramide. Le pharaon fit alors construire des barques de charge, plus plates probablement que ne l’était la barque d’acacia, et la table put ainsi, l’année suivante, pendant la période du Haut-Nil, être transportée avec les autres pierres que rapportait Ouna. Un canal avait été creusé depuis le Nil jusqu’à l’emplacement où se construisait la tombe du pharaon, pour amener le bloc à pied d’œuvre.

Le gouvernement d’Ouna fut excellent. Il fit construire des navires en grand nombre, creuser des canaux et des bassins au sud d’Eléphantine ; il entretint des relations amicales et suivies avec le prince des pays des Arrethet, des Oua-Oua, des Aman... qui fournissaient des bois. Le pharaon vint en personne visiter les travaux extraordinaires de son serviteur, et c’est pour perpétuer le souvenir de sa satisfaction qu’il fit graver son image souveraine sur les rochers d’Assouan.

Ouna mourut peu de temps après ce triomphe. Sa tombe, à Abydos, en cinquante lignes d’inscription, raconte ses travaux, énumère les faveurs dont il fut honoré par trois pharaons successifs, Téta, Papi Ier et Mérenra. La première ligne de l’inscription est une- invocation à Osiris, sans caractère religieux.

Mérenra eut pour successeur son frère Nowerkara, que les listes grecques nomment Papi II. De nombreuses et belles tombes portant le cartouche royal de Nowerkara témoignent d’une réelle prospérité sous son règne. D’une inscription de l’Ouadi-Magarah résulterait que ce pharaon, continuant à exploiter les mines du Sinaï, dut plusieurs fois repousser les attaques des barbares. Un pied de vase brisé, trouvé à Matarieh, qualifie Nowerkara de roi de la Haute et de la Basse-Égypte, vivant comme le soleil. Les princes noirs de l’Égypte éthiopienne, toujours indépendants, demeuraient fidèles au pacte d’alliance qu’Ouna avait su leur faire accepter.

A la mort de Nowerkara, des troubles accueillirent son successeur, Mérenra II, qui fut assassiné dans une émeute, une année à peine après son avènement. Mérenra II avait épousé sa sœur Nitaqrit, la belle aux joues roses, qui lui succéda.

Les documents historiques énumèrent sept ans du règne de Nitaqrit, pendant lesquels elle termina la troisième des grandes pyramides, restée inachevée, dont elle augmenta considérablement les dimensions en leur donnant ce revêtement de syénite qui fit, plus tard, l’admiration des voyageurs. Morte, Nitaqrit fut ensevelie dans un sarcophage de basalte bleu que reçut la grande pyramide terminée.

Les monuments de la VIe dynastie parlent souvent de prophètes attachés aux temples, ou figurant à la cour des pharaons. Ouna lui-même, parmi ses nombreux titres, a celui de prophète de la pyramide du roi. Une statue de femme, en albâtre, trouvée à Eléphantine, ornée de la grande perruque tombant carrément sur le sein, caractéristique de cette époque, qualifie le mari, Ouser-a, de prophète d’Anoukis. Les prophètes n’étaient pas des inspirés ayant reçu le don de prédiction absolue, mais simplement des sages ayant une longue clairvoyance, et que l’on consultait sur les probabilités de l’avenir. Il y eut de ces prophètes, de ces conseillers, dés les commencements.

A partir de la VIe dynastie, les prophètes semblent prendre de l’importance ; ils se targuent d’infaillibilité ; ils se donnent des allures mystérieuses, laissant croire à leur don de divination. Les relations établies avec les Négroïdes du sud, constantes, modifiaient sensiblement l’esprit égyptien.

L’art, pendant toute la VIe dynastie, conserve un caractère de grand calme. Les monuments se succèdent pour ainsi dire sans interruption tout le long du Bas-Nil, de la Méditerranée à la première cataracte. Les constructions funéraires abondent, toutes semblables. C’est le mastaba, édicule carré où se célébraient les anniversaires funèbres ; c’est le puits conduisant à la tombe, à la chambre ayant reçu le sarcophage.

Les parois des mastabas racontent, simplement inscrites ou illustrées, les biographies des morts ; ce sont des scènes de la vie égyptienne où figure le personnage à honorer, chassant, pêchant, surveillant sa moisson, comptant les têtes de son troupeau. La sculpture est vigoureuse et fine, les récits biographiques sont nets et détaillés. Au commencement de l’Ancien-Empire, l’écriture hiéroglyphique était incohérente, clairsemée, avec des détails rudes, ainsi que le montre le tombeau d’Amten ; les statues, trapues, exagéraient le détail anatomique. Le tombeau de Ti, à Saqqarah, grand œuvre de la Ve dynastie, a déjà des écritures plus soignées, plus harmonieuses. Le sculpteur garde la proportionnalité des signes hiéroglyphiques qu’il fait se succéder, de même que le scribe qui fournit le texte a substitué, autant qu’il l’a pu, l’élément alphabétique, plus simple, à l’élément syllabique très compliqué qui dominait dans les premiers temps.

La VIe dynastie semble avoir donné aux artistes toute liberté d’exécution, comme aux scribes, — et chaque Égyptien est alors un scribe, — toute liberté de langage. Sur les murs des mastabas, les textes s’allongent, correctement, bonnement, les représentations s’étalent avec complaisance ; les récits biographiques ressemblent à des confidences instructives ; les invocations, rapides, ne sont entachées d’aucune sorte de religiosité. On ne voit pas une seule figure de dieu sur les panneaux.

A mesure que les Égyptiens s’éloignent de l’époque préhistorique d’Osiris, la légende de l’Ounnovré, — l’Être bon, — se nationalise, et chacun voit en soi un Osiris. Les textes funéraires de la VIe dynastie commencent à évoquer le nom de l’Ounnovré comme un exemple, on pourrait dire comme le type de l’Égyptien par excellence, vrai, véridique, parfaitement bon.

Les statues de cette époque sont élégantes et élancées ; le type qu’elles reproduisent, tout égyptien qu’il soit, s’atténue d’une correction idéale qui a voulu fondre les traits du sujet, bien reproduits, dans un ensemble convenu. Le visage est rond, mais dur ; la bouche est plus souriante que bonne ; le nez est d’une finesse cherchée ; les épaules, larges, et les jambes, musculeuses, restent seules comme la traduction exacte de la vérité. Cette statuaire s’éloigne de la nature, tout en conservant l’intention de portrait, et c’est un contresens. Il y a là une préoccupation monumentale, que l’on retrouve dans l’exécution, spéciale à la VIe dynastie, de stèles énormes, monolithes, auxquelles on a donné la forme conventionnelle d’une façade d’édifice. L’esprit égyptien, un peu dévoyé, essaye de représenter ce qui n’est pas. C’est une décadence artistique... trente-cinq siècles avant Jésus-Christ !