Athènes (de 480 à 336 av. J.-C.)

 

CHAPITRE VIII

 

 

L’Athènes monumentale. - Athéniens et étrangers. - Sculptures. - Crésus et Périclès. - L’art nouveau. - Architecture. - La colonne. - Ordres dorique, ionique, corinthien et attique. - L’ornement. - Le Parthénon et les Propylées. - Temples et tombeaux. - Peinture. - Polychromie. - Céramique. - L’Académie. - Les gymnases. - L’Agora. - Théâtres. - L’Acropole.

 

VAINQUEURS des Perses, glorieux et meurtris, sans rois et sans dieux, sans religion et presque sans famille, les Athéniens voulaient un culte. Les guerres médiques n’avaient pas seulement prouvé la force des Asiatiques, mais aussi donné l’occasion de voir la supériorité artistique de l’Égypte et de l’Assyrie.

A défaut de croyances religieuses, cette joie de l’esprit, bien vague, l’Athénien que le doute tourmentait, devenu soupçonneux, cherchant en soi sa propre jouissance, et se déifiant, créa la statuaire, cette joie des yeux. Pour exprimer le désespoir de Ménélas, Eschyle dira : La grâce des plus belles statues lui est odieuse.

Athènes étant bien close, ses murs valant au moins l’enceinte de grosses briques qui avait fait la sécurité de Babylone, les artistes, en paix, pouvaient mûrir leurs pensées, réaliser leurs rêves. L’impression monumentale, ils la devaient surtout à l’Assyrie, dont Ies palais énormes et les bas-reliefs peints étaient une splendeur. De la Phénicie, incapable de création mais habile à recueillir les œuvres d’autrui, ils avaient appris les procédés du travail artistique. L’Égypte leur donnait le secret des splendeurs architecturales simples.

Ces exemples divers comparés aux œuvres pélasgiques, brutales, troublaient le goût, rendaient le choix hésitant. Malgré les invasions de toutes sortes, séduisantes, chacun gardait sa préférence. Les Grecs d’Asie, les Ioniens, en subissant ces influences en atténuaient l’effet, bien que mollement, tandis que les Touraniens, aimant le rouge, la profusion des détails, compliquaient les formules nouvelles et que les Africains apportaient leurs monstruosités. Les Thébains, heureusement, pleins de l’esprit d’Égypte, repoussaient les barbaries pour y substituer, comme aux bords du Nil, les seuls ornements naturels : le lys marin, les feuilles d’eau, les chapelets d’olives et d’amandes. Les artistes athéniens, acceptant tout, épuraient tout.

En Béotie, à Tanagra, des sculpteurs, associant le réalisme égyptien, si pur, aux exagérations assyriennes, créaient un art original, calme, grave, symétrique. Le type grec, admirable modèle, élancé, plutôt maigre, fin, aux jambes longues, à la poitrine bombée, se substituait gracieusement aux larges épaules des figurines de la Thèbes d’Égypte, ou de Memphis, aux lourdeurs massives des œuvres chaldéennes. L’inexpérience des premiers sculpteurs grecs annonce déjà la perfection dans le vrai. Dipœnos et Scyllis (560), Aritoclès, Cléœlas et Canakhos, ces maîtres, étant Crétois, c’est-à-dire Aryens, sculptaient des hommes et non des dieux. La tendresse et l’admiration, ce fond de toute religiosité, que la civilisation hellénique ne satisfait pas, — impérieux besoin des races aryennes, — produisirent la statuaire grecque, cette glorification de l’homme idéalisé, cette adoration de soi.

Babylone ou Memphis étant trop vastes, la Sardes de Crésus, si riche, si attrayante, fut le modèle de Périclès. Crésus avait eu l’or du Pactole, les mines de Pergame, de Tmolus et d’Astyra, avec les revenus d’un commerce riche ; Athènes, pour réaliser le rêve du roi de Lydie, disposait des calcaires de Paros, de l’Attique, — du Pentélique, — valant le basalte et le bronze, du produit de ses ports très actifs et des tributs que payaient les villes soumises.

L’idée dominante de l’art nouveau étant la glorification de l’homme, et chaque Athénien, en attendant les chefs-d’œuvre de la statuaire, étant comme une sculpture animée, l’architecte conçut des lignes limitées à la mesure de l’homme, restreintes, petites presque en fait, grandes seulement par l’harmonie et la régularité des proportions. Ces Aryens bâtisseurs continuaient leurs ancêtres, les constructeurs des demeures cyclopéennes bien bâties à l’aide de la règle rouge et du pic. Les monuments ne pouvaient plus êtres des énormités, ni les fêtes des cérémonies terrifiantes : Nous nous sommes sagement ménagé de nombreux délassements à nos travaux, écrit Thucydide, par l’institution des jeux et de sacrifices annuels et par la beauté des établissements particuliers dont le charme journalier bannit la tristesse. Un chœur d’Aristophane dira : Vous serez logés comme des dieux, et devant vos demeures nous élèverons un fronton en forme d’aigle.

L’architecture hellénique, faite pour l’homme, ne devait pas dépasser la mesure de l’homme. Comment ? Deux écoles, unies, allaient répondre à cette nécessité. L’imagination créatrice et la liberté d’esprit des Ioniens, retenues par la discipline rigide et la froideur harmonique des Doriens, réalisèrent ce vœu.

L’architecture primitive de la Hellas, — pélasgique ou cyclopéenne, — simple, forte, raisonnée, à Tyrinthe, à Mycènes, en Argolide, à Orchomène de Béotie, en Eubée, avait le caractère aryen, logique. Lorsque les artistes de l’Hellénie, en quête de formules, questionnèrent les monuments de Babylone et de Ninive, ils y retrouvèrent, sous des exécutions dénaturées, alourdies, surchargées ou couvertes, les sobres et suffisantes conceptions des Aryens de l’Inde, descendus des hauts plateaux de l’Himalaya, venus jusqu’aux rives de l’Euphrate et du Tigre. Il y avait donc accord, au fond, entre l’Assyrie et l’Hellénie.

Les maisons ioniennes, jolies, toutes de bois, avec leurs poteaux sculptés, préparaient la colonne et le chapiteau, idée aryenne par excellence, puisqu’elle affirme la solidité de la maison, donne l’impression de sécurité. Les Chaldéens, eux, avaient pris cette idée, mais en faisant de leurs colonnes de briques un motif d’ornementation. Les architectes de l’Hellénie ne manquèrent pas de s’approprier cette manifestation, et la colonne, d’abord soutien, caractéristique de la solidité, devint un ornement, un appel, un attrait : Telles, dit Pindare, s’élevant sous un vaste portique, des colonnes étincelantes d’or appellent tous les regards sur l’édifice qu’elles supportent, tel je veux, en un hymne, que la pompe du début annonce les richesses qu’étaleront mes vers.

Les Doriens avaient pris la colonne simple, la colonne-support, — comme les Égyptiens de la XIIe dynastie, à Béni-Hassan, — dont le fût cannelé, coupé net, reposait à plat sur le soubassement de l’édifice, avec un chapiteau banal formant tablette, les proportions seules donnant une élégance virile à la construction. Les Ioniens, venus ensuite, allégèrent le poteau, et l’allongeant, en firent une œuvre d’art, lui donnant une base logique, le couronnant d’un chapiteau à volutes. Le contraste évident de la raideur de l’ordre dorique et de la grâce de l’ordre ionique, fit qualifier ce dernier de féminin. Plus tard, un artiste de génie, — Callimaque de Corinthe, — eut l’idée d’enrouler des feuilles d’acanthe autour des chapiteaux, et ce fut l’ordre corinthien, magnifique, mais que l’esprit aryen, simplificateur, goûta peu.

La statuaire étant l’originalité de l’art athénien, des statues remplacèrent les colonnes, — les Alantes du théâtre de Bacchus, les Cariatides de l’Érechtéion, — perfectionnant l’idée illogique, fréquente aux bords du Nil, de l’être pour qui le monument est édifié mêlé aux matériaux de l’édifice.

L’ornementation textile, à motifs végétaux, naturelle, fut le fond de l’ornementation hellénique : feuilles, fleurs et animaux. — Qu’il applique aux demeures les degrés de l’échelle solide, dit l’Agavé d’Euripide, afin de clouer aux triglyphes la tête de ce lion que j’apporte ici, l’ayant prise. — Un barbare eut mis la tête du lion au fer d’une lance et fiché la lance dans le sol. L’aryen artiste fait de tout un ornement et sait la place de chaque chose.

Périclès, qui avait médité son œuvre, en confia l’exécution à Phidias devenu son ami (447). L’Acropole, l’abrupte rocher, aux surfaces inégales, dominant la Ville, l’antique rocher désert et buissonneux, taillé, aplani, allait devenir la Scène où les Athéniens, en même temps acteurs et spectateurs, allaient, évoluant dans un décor merveilleux, représenter leurs propres gloires. Théâtre pour les continuelles fêtes et citadelle pour le Trésor, le monument de l’Acropole n’eut d’un temple que la forme. La Minerve de Phidias n’y fut jamais, en somme, qu’un ornement. L’architecte Mnésiclès (434) ajouta les Propylées au Parthénon, ce résumé du génie lumineux, naturel et calme des Grecs, chef-d’œuvre de raison où les artifices de l’art architectural ne concouraient qu’à l’ensemble de l’effet voulu.

Là, quatre-vingts fois par an, animés de leur propre gaieté, leur joie bruyante protestant contre le culte silencieux des Euménides, les Athéniens se célébraient eux-mêmes dans de grands mystères nationaux : c’étaient les Anthestéries, où l’on distribuait du vin aux esclaves ; les Panathénées, où l’on rendait la liberté aux prisonniers ; théories, processions, danses, que menait un sacrificateur couronné, — non couvert de cendres comme en Phénicie, — où tout un peuple, sincèrement, se glorifiant dans ses souvenirs, exempt d’inquiétudes et de remords, se réjouissait de sa propre vie.

Les colorations de l’édifice, avec le choix des matériaux dont s’était servi Phidias pour l’exécution de sa Minerve, donnaient bien à l’ensemble le caractère théâtral ; mais les frises du Parthénon dirent, mieux sans doute que n’y songeaient les acteurs, ce qu’était la procession des Panathénées, cette apothéose de la beauté antique.

Car il y avait lutte entre le goût populaire très mélangé et le génie correct, pur, uni, de Phidias. Ceux, — la foule, — qui lui avaient imposé la Minerve somptueuse d’ivoire et d’or, l’accusant de n’avoir pas utilisé tout le métal précieux qu’ils lui avaient fourni, l’exilèrent. Phidias s’en fut sculpter le Jupiter olympien d’Élis. Loin d’Athènes, le maître perdit de sa force.

La Cité de Pallas, où seulement pouvaient s’épanouir les libres esprits, arrachait aux artistes tout ce dont leur génie était capable, et en même temps les tuait en leur imposant le goût public, inconsistant. Les artistes réagissaient contre cette influence, et l’Ordre attique, où se combinaient les raideurs doriques, la gracilité ionienne et la somptuosité lourde des Corinthiens, donna, en une juste mesure, l’exemplaire de l’Art grec.

La Ville étant bâtie tristement, presque en désordre, suivant le caprice craintif des citoyens, les monuments divers y furent comme une ornementation réjouissante. L’idée du Temple, telle que la concevaient les Égyptiens et les Asiatiques, n’était pas dans les esprits. De même que l’architecture dorique ne fut que l’imitation en marbre des charpentes de bois formant les premiers édifices, ainsi les architectes d’Athènes auraient pu, pour bâtir la maison de Dieu, se contenter de refaire plus solidement quelque ancien sanctuaire : l’hiéron de Dodone, enceinte murée au centre de laquelle une pierre servait d’autel, ou la hutte couverte de lauriers qui avait été le premier temple de Delphes. Les temples nouveaux, relativement vastes, répondaient à une idée nouvelle : la statue de la divinité, bien placée, n’y était qu’une œuvre abritée par le monument, sanctuaire des arts, musée, théâtre. L’autel, presque sur le seuil, faisait que les cérémonies visibles absorbaient la curiosité des fidèles, tandis que dans l’intérieur, les prêtres, surtout gardiens des trésors apportés, parfaits comptables, — et prêteurs comme à Délos, — songeaient au bilan de la caisse sacrée.

La splendeur du culte hellénique à Athènes, populaire, collectif, interdisait les douces émotions. Les antiques bois sacrés, silencieux et herbus, plantés d’oliviers, et dont les buissons de lauriers étaient pleins d’oiseaux, entouraient maintenant des constructions froides, des refuges, des asiles, des entrepôts ; des temples cuirassés d’airain défendaient les autels protecteurs, mystérieux, trop larges pour la divinité, trop étroits pour les foules venues en pèlerinage. Et beaucoup, à Delphes, dit un personnage d’Euripide, tombaient pêle-mêle, blessés ou écrasés sous les pieds des autres, par les étroites sorties.

Pour attirer les pèlerins, — cette source tarissable des revenus, — les prêtres des temples divers, rivaux, imaginaient des attraits de tous genres. Delphes offrait aux fidèles des repas publics, des festins, où le vin de Byblos ruisselait pour les convives enivrés déjà de musiques et de parfums : Quand le repas (sacré) en vint aux flûtes et à la coupe commune, le vieillard dit : il faut enlever les petites coupes à vin et en apporter de grandes, afin d’en venir plus tôt à la joie.

L’architecture funéraire tournait aussi à la glorification de l’individu, à la statuaire. Ni le haut tertre du tombeau d’Achille, ni la lance fichée indiquant le lieu où reposait Astyanax, enseveli dans le bouclier d’Hector, ne satisfaisaient plus. La mort n’épouvantait personne ; on continuait à vivre, pour ainsi dire, avec celui que l’on avait aimé : Je t’ai enseveli, ô Proteus, au seuil de la demeure, et toujours, en entrant et en sortant, ô Père, ton fils Théokhymènos te parle. Les morts devaient rester auprès des vivants. La place publique était le cimetière de Mycènes.

Les sarcophages égyptiens, peints et sculptés, donnant l’image du mort, que les Phéniciens achetaient pour leur propre usage, donnèrent sans doute aux Grecs l’idée de la statue funéraire. Les premiers sculpteurs représentèrent le mort debout, nu, immortalisé dans sa forme humaine.

Les ouvriers bâtisseurs venaient généralement de Phénicie, mais les architectes, presque tous Grecs, imposaient l’ordre, la symétrie et la sobriété à ces maçons pour qui I’énorme seul était de la grandeur. Cette crainte du trop qui diminuait l’effet monumental, — laissant en ceci la palme à l’architecte égyptien de Karnak, — donnait à tout, en Hellénie, jusqu’aux maisons crénelées et aux fortifications vulgaires flanquées de tours bien construites, une réelle valeur d’art.

Les pierres, les marbres, admirablement taillés, de proportions exactes, — assises nues ou surfaces ornées de moulures et de reliefs, — se découpant en cru sur le ciel bleuté, ou recevant à plat la lumière d’un beau soleil, blessaient le regard, et, dans l’ombre, perdaient leurs détails artistiques. Quoi faire ? L’Assyrie avait ses briques émaillées, ses sculptures coloriées violemment ; l’Égypte, ses statues toutes d’or, les enluminures de ses grandes murailles illustrées : — Elle vit (en Égypte), dit Ézéchiel, des hommes dessinés sur le mur, des images de Chaldéens dessinées au vermillon, portant une ceinture autour des reins, d’amples tiares de couleur sur leurs têtes, tous semblables à des chevaliers. — Les architectes grecs, pour assurer le jeu permanent de leurs lignes, employèrent des couleurs, mais leurs yeux n’étant pas faits encore aux colorations délicates, aux nuances douces, à la gamme des tons, les couleurs choisies, vives, donnèrent parfois un bariolage.

Cette faiblesse des yeux, caractéristique, ne permit pas aux premiers peintres d’égaler les sculpteurs. Sur des plaques de terre cuite ils dessinaient des personnages, — guerriers, satyres, etc., — en couvrant de tons plats les surfaces que le trait limitait, des coups de pinceau triangulaires, allongés, disant les plis des vêtements. Les Ioniens avaient depuis longtemps, dans leurs maisons, des panneaux peints, mobiles, véritables tableaux. — Les Phocéens, lit-on dans Hérodote, tirèrent à la mer leurs navires à cinquante rames ; ils y firent entrer leurs enfants et leurs femmes ; ils y déposèrent leurs meubles, les statues ;et autres offrandes qui se trouvaient dans les temples, hormis les peintures et les œuvres de pierre ou d’airain. — Les peintres hellènes abordèrent des sujets, compliqués, la représentation de scènes : les Gorgones enlevant le repas de Phineus ; l’armée des Perses passant le pont lancé sur le Bosphore...

Avant Périclès, le peintre Apollodore, le maître de Zeuxis, qui rivalisait déjà avec Parrhasios, était célèbre (475-400) pour la vigueur de son coloris. Sous Périclès, Panémos, le frère de Phidias, Polygnote et Micon ornèrent le Pécile de tableaux où les fastes d’Athènes étaient brillamment illustrés.

La sculpture, nécessairement polychrome puisque les. Hellènes voulaient de vifs coloris sur les monuments, se dégagea de l’excès, de l’abus, par la calme simplicité de l’application. Les grands architectes d’Athènes subordonnèrent le ton à la forme : quelle que fut la diversité des tons employés, tous eurent la même valeur quand ils furent appliqués au même sujet. C’est ainsi que la polychromie devint artistique.

Ayant donc tout accepté, en réduisant tout à la proportion vraie, qui est le Beau, — ayant pris aux Assyriens de Ninive et de Babylone, aux Égyptiens de Thèbes et de Memphis, aux Perses et aux Phéniciens, et aux hommes blancs de la Libye, comme aux hommes noirs d’Éthiopie, les idées de palais, de temple, de sculpture et de peinture, de fétiche et de statue, — les artistes que Périclès encouragea firent l’Athènes monumentale, en appliquant, mais en les rectifiant, en les idéalisant, les formes vues ou apportées, sans abandonner aucune des qualités aryennes, primordiales, par lesquelles la manifestation artistique s’exerçait.

Au fond, tout l’appareil cyclopéen demeurait, solide, simple, logique : Les acropoles pélasgiques, dont les monuments principaux étaient les forteresses que protégeait la divinité du lieu et où s’entassaient les trésors ; les maisons restreintes, fermées, faites pour une famille, exclusivement ; pour les Citoyens, une Ville commune, avec sa place centrale et des magistrats chargés de veiller à la sécurité et à l’embellissement de la Cité, rues, maisons, édifices, portes, forum, fontaines et lieux sacrés.

A Athènes, la double porte, — le dipylon, — qui séparait, à l’ouest, l’ancien bourg des potiers, ou céramique, était suivant l’usage antique un monument significatif : De là partaient la route conduisant au Pirée et la voie sacrée d’Éleusis, puis à l’Académie, au val fleuri du Céphise que Cimon avait planté d’arbres. A l’est, par la porte de Diocharès, les Athéniens allaient au Lycée, au grand Gymnase que Périclès avait tracé près de l’Ilissos. Le Cynosarge, autre gymnase, était proche, un peu au nord. Là s’assemblaient plus volontiers les jeunes hommes s’exerçant aux jeux, pendant que les vieillards les admiraient, assis auprès des fontaines, sous des bosquets touffus, et que les philosophes, venus, rêvant d’un commerce aimable avec les adolescents très beaux, très vifs, alertes et intelligents, disaient leurs leçons. Loin de l’Agora, les jardins de l’Académie offraient du silence et de la fraîcheur.

L’Agora, cette place du Peuple, à l’ouest de la cité, dans l’intérieur, reçut, sculptées par Critios et Nésiotès, les statues d’Harmodios et d’Aristogiton que Xerxès avaient emportées. A l’imitation des marchés d’Ionie, un portique donnait de l’ombre aux promeneurs. Autour, la colonnade du Jupiter-Éleuthérios ; le portique de l’archonte-roi, où les lois de Solon étaient conservées ; le Pécile — portique des peintures ; — la maison du Conseil ; la salle du foyer, résidence des prytanes, et le Métroon, où l’aréopage mit les archives d’Athènes. Au nord, des rangées d’Hermès limitaient l’Agora. De beaux platanes ornaient la place commune, où se dressaient des œuvres commémoratives de victoires, sans un seul nom gravé, le Peuple n’entendant, alors, célébrer que des gloires collectives.

Dans la cité, entre l’Agora et l’Acropole, le temple de Thésée, sur une colline, exprimait par le choix de ses représentions sculpturales l’idée irréalisable de Cimon : l’union fraternelle et définitive des Ioniens et des Doriens, d’Athènes et de Sparte.

Au sud-est, au bas de l’Acropole, le Théâtre, capable de recevoir trente mille spectateurs, où se célébraient les Lénéennes en hiver et les grandes Dionysies au printemps.

Près de l’Ilissos, le vaste sanctuaire de Zeus, — l’Olympiéon, — détruit, repris, et enfin abandonné, souvenir triste et écrasant de la tyrannie renversée ; tandis que le temple d’Apollon, voisin, — le Pythion, — dominant la source de Callirhoé, près du vieil Odéon, était aimé du Peuple qui y jouait ses Thargélies ou Fêtes de la moisson.

Périclès bâtit un Odéon nouveau sur la pente de l’Acropole, à côté du théâtre, édifice rond, de dimensions restreintes comme il convenait aux joies musicales, accessible à un nombre restreint d’auditeurs.

Et enfin l’Acropole, où Phidias et Périclès conquirent l’immortalité. L’idée fondamentale, que Périclès ne put réaliser, était de fondre en une grandiose et monumentale unité tous les souvenirs accumulés, tous les édifices bâtis sur ce rocher. Mais le caractère sacré, religieux, hiératique, de cette pensée s’adaptait mal à la liberté d’esprit des constructeurs. La restauration de l’Hécatompédon absorba les artistes. L’Hécatompédon nouveau, sans image, sans prêtre, sans culte, ne devait être Temple que par sa forme, et ce fut le Parthénon, dépôt du trésor fédéral, témoignage de la puissance sociale et artistique des Athéniens : cinq cents statues et quatre mille pieds carrés de hauts et bas-reliefs.