DE TOUTE La souveraineté pharaonique s’exerçait très habilement d’ailleurs, par des moyens sûrs. L’Assyrie payait un tribut annuel au pharaon, envoyait des contingents militaires et obtenait ainsi, avec la paix, le droit de conserver ses princes ; mais les princes recevaient du pharaon leur investiture, étaient tenus d’envoyer leurs fils en Égypte pour s’y instruire, et ils savaient qu’au moindre acte de rébellion le maître les détrônerait, en gardant comme des otages leurs enfants confiés aux scribes thébains. Les succès de Thoutmès III en Assyrie coïncident avec la fin de la dynastie chaldéenne (1559), vieillie plutôt que renversée, semble-t-il. Babylone avait supplanté Our ; Ninive s’élevait contre Babylone ; le Nord menaçait déjà le Sud. A Babylone, une dynastie que l’on croit arabe succéda à la
dynastie chaldéenne ; neuf rois y régnèrent de l’an 1559 à l’an 1314. Ces
rois venaient-ils de La statuaire babylonienne de cette période, — dite arabe, — mérite l’attention. La pensée est brutale, l’exécution grossière, mais l’intention s’y montre excessivement énergique et très sincère. L’imitation de l’art égyptien n’y est nullement dissimulée ; la recherche du réel, par la plus grande exactitude de la ligne et la plus extrême simplicité du modelé, en est la formule. Cependant les sculpteurs ne sont pas des Égyptiens ; leur main est trop lourde. Les Égyptiens, eux, à ce moment, en Assyrie, dressaient des stèles commémoratives et distribuaient en grand nombre, depuis Karkémish jusqu’à Babylone, ces menus objets d’usage commun et si richement travaillés dont nos musées sont enrichis. Les magiciens de Chaldée connaissaient depuis longtemps la science et l’habileté des prêtres de Thèbes ; voici que les Ninivites et les Babyloniens vont apprécier à leur tour les artistes des bords du Nil. L’art assyro-chaldéen prend un essor, se laisse guider, adopte l’idée égyptienne, mais en dépassant la mesure. Les terres cuites de Babylone, très délicatement voulues, faites d’une terre pâle, ce qui est déjà une faute de goût, imitent bien les statuettes égyptiennes ; mais le type figuré, nécessairement assyrien, manque de grâce, est vulgaire plutôt que réel, court, trapu, ouranien en un mot. Plus tard, le type asiatique, meilleur, mieux fait pour la statuaire, bien proportionné, relèvera, par le choix du modèle plus que par le procédé d’exécution, la statuaire assyrienne, minutieuse. Plus tard encore, une autre influence artistique viendra stimuler le zèle imitatif des sculpteurs et des graveurs d’Assyrie, qui cisèleront des plats de bronze, exécuteront en haut et en bas-relief des sujets tourmentés, s’éloigneront enfin, et complètement, du grand style égyptien qui est le simple porté au sublime. L’imagination assyrienne, froide, incapable d’invention, conservera toutefois l’ornement égyptien. Ce n’est pas Babylone cependant, si admirablement placée
au nord de Le nom de Ninus, le premier
roi, et celui de la reine Sémiramis, sont pourtant venus jusqu’à
nous avec la ténacité d’une légende, le retentissement d’une épopée, l’éblouissement
d’une féerie. On racontera pendant des siècles, que l’Assyrie étant ravagée
au sud, Ninus délivra Babylone et prit toute la terre comprise entre La légende de Sémiramis — comme la légende de Ramsès II, le Sésostris des
Grecs, — s’est accrue de tous les exploits, réels ou imaginaires, des
souverains de l’Assyrie. Le point de départ, avec l’intervention d’Oannès, a
bien le caractère nébuleux de l’idée chaldéenne, mais corrigé, dans le temps,
par les historiographes attitrés des rois de Perse. Ninus est l’expression
symbolique de la fondation de Ninive, comme Sémiramis est la personnification
de la puissance assyrienne, du « labeur assyrien » pour dire mieux. Elle
combat, elle construit, elle organise, elle règne, on conspire contre elle,
elle succombe et elle abdique. Cela est absolument humain. Et on lui
attribue, alors, tout ce dont l’Assyrie peut s’enorgueillir, depuis l’édification
du temple pyramidal de Bélus, bien antérieur à Ninive, — la tour de Babel, — jusqu’aux
œuvres indéniables de Nabuchodonosor, aux travaux du roi Déjocès à Ecbatane,
aux sculptures de Béhistoun qui disent les fastes de Darius fils d’Hystaspe.
Il y eut une reine Sémiramis, — Sammouramit, — mais elle vécut cinq siècles après l’époque de Le roman de L’impression produite par la légende de Sémiramis fut extraordinaire. Le château de Van finit par être appelé Schamiramaguerd, cité de Sémiramis ; et, du temps de Strabon encore, tout ce qui étonnait en Babylonie, comme travaux publics, — môles, murailles, fortifications, canaux, lacs, routes et ponts, — était attribué à la reine fameuse. Revenant à l’histoire (1450), le roi de Ninive, Boussour-Assour, successeur d’Assourbelnisisou, confirma avec Pournapouryas, roi de Babylone, successeur de Karatadas, le traité d’alliance qui avait uni les deux souverains morts. Le roi de Ninive Assouroubalat (1400), qui succède à Boussour-Assour, donna sa fille au roi de Babylone Pournapouryas, cimentant l’union entre le nord et le sud de l’Assyrie. Par ce mariage, Babylone devait s’unir à Ninive, un jour. A Pournapouryas succéda Karahardas, roi de Babel, qui était le petit-fils d’Assouroubalat, roi de Ninive. Mais Karahardas n’était qu’un enfant lorsque le pouvoir lui échut, et Nazibougas, l’ayant assassiné, trôna à Babylone. Les Assyriens de Ninive marchent aussitôt contre
Nazibougas, menés par le souverain ninivite Assouroubalat, s’emparent de l’usurpateur,
le tuent, et donnent le trône de Babel
à Kourigalzou, second fils de Pournapouryas. Une lourde obscurité tombe ici
sur l’histoire de Babylone ; on ne sait que quatre noms de rois, lus sur des
monuments, — Bellikhous, Poudiel, Binlikhous Ier et Salmanassar Ier, — qui ont régné de l’an 1400 à l’an
1314. Salmanassar Ier
eut pour fils Téglath-Samdan Ier, qui prit L’année (1314) qui vit s’établir la prépotence ninivite a un grand
caractère de précision. Ce ne fut pas une incorporation, la formation d’un
royaume unique ; Babylone, vassale de Ninive, conserva ses princes avec un droit d’hérédité. Il y eut
entre les suzerains de Ninive et les vassaux de Babylone des querelles de
titres. Ninive affectait de donner aux princes de
Babel la qualification de rois de Téglath-Samdan Ier étant mort à Ninive, son fils Belchodorossor lui succède
et Babylone secoue le joug. Binbaladan, monarque
chaldéen, chasse les Assyriens de Cette dynastie ninivite, guerrière, organisatrice, remarquable, eut après Assourdayan, Moutakkil-Nabou et Assourisisi, qui maintinrent haut le renom des rois de Ninive. Assourisisi frappe encore quelques révoltés, parmi lesquels un prince de Babylone, Nabuchodorossor, qui, deux fois, essaya sans succès d’envahir le nord de l’Assyrie. Téglath-Phalasar Ier, qui succéda à son père Assourisisi (1130) fut un monarque conquérant. Le temple d’Élassar, qu’il bâtit, reçut en gravure le récit de ses victoires. Cette inscription invoque les dieux de l’Assyrie, signale les bons combats contre les Mouhi, les Arméniens et les Syriens, raconte les fastes des chasses royales, énumère les travaux publics exécutés, et fulmine des imprécations contre ceux qui voudraient altérer le récit gravé de ces exploits. Les briques, lues, donnent une liste de souverains. Il est probable que Téglath-Phalasar Ier mena ses armes victorieuses jusqu’aux environs de la mer Noire, chez les Mouhi qui seraient les Moschiens. Il est certain qu’il guerroya en Arménie, descendit en Médie, un peu, pour châtier les groupes hostiles ou menaçants, et qu’il vit la mer supérieure , la mer Caspienne. Les Araméens de la haute Syrie ne pouvant se résoudre à
reconnaître le prince d’Assour comme seigneur,
Téglath-Phalasar franchit l’Euphrate, à Karkémish précisément, dompta les
Khétas auxquels il imposa un tribut et s’en fut, sans être arrêté par le
moindre insuccès, jusque dans l’Amanus. Dans une autre expédition, il traversa
le Liban et vint à Aradus voir Téglath-Phalasar Ier éclipse la gloire des pharaons, des
Thoutmès. L’Assyrie s’élève au dessus de l’Égypte. C’est du côté de Ninive
que regardent maintenant, anxieuses, les tribus syriennes, jadis alliées
comme des égales au roi grandi. Et cette puissance qui s’élève est
inquiétante, parce qu’elle semble n’être animée que d’un goût de bataille, n’ayant
rien à défendre et pour ainsi dire rien à conquérir. Aucun empire assyrien,
en effet, n’est possible hors de Téglath-Phalasar, avec le produit de ses butins et au moyen des vaincus qu’il avait ramenés comme des esclaves, bâtit avec ostentation les monuments religieux de sa ville préférée, Élassar, et il réédifia le grand temple de l’Oannès chaldéen, construit d’abord par Ismidagan et détruit par Assourdayan. Le couronnement de la gloire de Téglath-Phalasar Ier est dans ce
fait, qu’alors qu’il était à Aradus, s’adonnant pour se distraire à la grande
pêche dans la mer d’Occident, le
prince de Tanis, le maître de |