Les Asiatiques, Assyriens, Hébreux, Phéniciens (de 4000 à 559 av. J.-C.)

 

CHAPITRE III

 

 

DE 2500 A 1559 Av. J.-C. - Aryas en Mésopotamie. - Dynastie mède ou aryenne. - Dynastie assyrienne. - Chodorlahomor. - Dynastie chaldéenne.- Ismidigan. - Hammourabi. - Thoutmès Ier et Thoutmès III. - La confédération syrienne. - Rotennou et Khétas. - L’empire chaldéen. - Civilisation. - Monuments. - Navigation. - Armes et outils. - Cylindres. - Arts et sciences. - Magisme. - La caste des Chaldéens. - Influence égyptienne.

 

VERS l’an 2500 avant notre ère, un élément nouveau vient modifier la constitution ethnique de l’Assyrie. Des Aryas blancs, que Bérose qualifie de Mèdes, envahissent la Mésopotamie qu’ils gardent pendant deux siècles. Cette invasion coïnciderait avec la grande émigration aryenne qui se produisit au nord-ouest de l’Inde et au sud de l’Oxus, lorsque les Aryas de l’Indoustan et les Aryas de la Bactriane apparurent dans l’histoire. D’autres Aryas, de même origine, quittant Pamire, seraient donc venus en Assyrie ? Quoi qu’il en soit, l’élément aryen se manifeste en Assyrie vers l’an 2500, ou l’an 2300 au moins, impressionnant assez la vie assyrienne pour que le souvenir en ait été conservé.

De cette dynastie mède ou aryenne, passante, aucun monument ne nous est connu. Nous n’avons pas encore lu un nom de souverain ayant la physionomie aryenne. Il a été dit que ces envahisseurs étaient des barbares comparés aux Chaldéens d’alors ?

La IIIe dynastie assyrienne (2300-2100), qui succéda à la dynastie mède ou aryenne, serait originaire de Suse ou d’Élam ? De cette dynastie, la Bible cite Chodorlahomor roi d’Élam, Arioch roi d’Élassar, et Targal roi des nations, chef de tribus nomades. Ce Chodorlahomor, roi conquérant, traverse le désert de Syrie jusqu’aux frontières de l’Égypte, frappe Sodome et Gomorrhe, emmenant des prisonniers parmi lesquels se trouvait Loth.

Les annales assyriennes permettent au calcul chronologique de fixer, avec une certaine précision, en l’an 2295 avant notre ère l’établissement de la dynastie élamite en Chaldée. Aucune inscription n’a donné jusqu’ici le nom de Chodorlahomor, ni celui de Chodornakhounta ; mais le nom d’un Chodormaboq a été lu. Ce dernier roi se qualifie de vainqueur de l’Occident ; son fils dit de lui : mon père a augmenté l’empire de la ville d’Our. Cette déclaration est caractéristique : la ville où siégeait le pouvoir royal, en Assyrie comme en Égypte, donnait son nom à l’empire gouverné par le souverain. Zikar-sin, qui succède à Chodormaboq, porte un nom purement assyrien : serviteur du dieu de la lune. Ici se placent deux noms de rois qui pourraient être antérieurs à Zikar-sin, peut-être même à Chodorlahomor : Pournapouryas Ier et Kourigalzou Ier princes constructeurs. Kourigalzou Ier, se protégeant contre les Assyriens du nord, bâtit un château-fort dont les ruines, à Akarkouf, à l’ouest de Bagdad, sont considérables.

Voici qu’un Ismidagan édifie un temple à la divinité chaldéenne, à Oannès, en pleine Assyrie septentrionale, à Élassar, la Kalah-Scherghât actuelle. Cet acte prouve qu’une dynastie chaldéenne maîtrise alors toute l’Assyrie. En effet, à ce moment, l’empire Assyrien, pour la première fois peut-être, effraye l’Égypte ainsi que les peuples groupés à l’est et à l’ouest de l’Assyrie. Ismidagan régnait certainement en 1800 avant notre ère. Ses fils et successeurs, Gougoun et Samsi-Bin, résidant à Our, royalement, surent conserver l’empire paternel. Une reine nous a laissé son nom gravé sur une tablette de terre cuite, texte unique. Puis c’est Hammourabi, roi très puissant, grand constructeur, roi de toute la Mésopotamie, empereur véritable.

Avec Hammourabi l’histoire d’Assyrie devient enfin vivante. Roi chaldéen, ayant peut-être abandonné Our, trônant à Babylone, ce souverain s’immortalisa en creusant un canal royal, en faisant exécuter le vaste système d’irrigation par lequel la Babylonie devint sérieusement habitable. Une inscription monumentale dit le grand œuvre du roi puissant, roi de Babylonie, qui s’est fait obéir dans les quatre régions. Son pouvoir, Hammourabi le tient des dieux, — de Ilu et de Bel ; — il l’a reçu pour régner. Il a approfondi le fleuve pour la bénédiction des hommes, pour tous les peuples, mais il a creusé le canal pour les Soumirs et les Accads : J’ai, dit-il, porté les eaux des branches mineures du fleuve dans le désert, et je les ai fait déverser dans des fossés desséchés ; j’ai donné ainsi des eaux perpétuelles aux peuples des Soumirs et des Accads.... j’ai changé les plaines désertes en plaines arrosées, je leur ai donné la fertilité et l’abondance, j’en ai fait un séjour de bonheur.

Roi prévoyant, favori du dieu suprême, Hammourabi a fait bâtir, au point même oit le canal royal s’alimente de l’eau du fleuve, un fort élevé, muni de grandes tours, dont les sommets sont hauts comme des montagnes. Il y a donc un empire assyrien constitué.

Les successeurs d’Hammourabi, continuant la dynastie chaldéenne jusqu’en l’an 1559, maintiendront l’œuvre intelligente du grand roi, luttant contre toutes sortes d’ennemis, surtout contre l’Égypte de Thoutmès Ier, très fort, et ne succombant que sous les coups glorieux du pharaon Thoutmès III.

Le mélange des Asiatiques bruns et des Touraniens jaunes, qui s’était déjà modifié par la venue des Aryas blancs, va se compliquer davantage par l’arrivée des Africains rouges et noirs, ce qui causera de grands troubles en Assyrie. La brutalité lourde de l’homme du Touran pouvait à la rigueur s’accommoder de la légèreté cruelle de l’homme d’Asie, parce qu’il en résultait une sorte de compensation, la force et la ruse incitant une même défiance ; mais la pusillanimité africaine, toute gaie, insouciante, d’une part, et d’autre part les exigences morales de l’Aryen passionné d’ordre, durent gêner considérablement l’indolente imprévoyance, la rude confiance en soi, la profonde immoralité des premiers Assyriens.

L’Égypte, qui venait d’expulser les Pasteurs, et qui restait cependant, par ses prêtres et par ses scribes, sous la domination intellectuelle des Asiatiques ignobles dont elle croyait naïvement s’être délivrée, l’Égypte imbue de l’esprit asiatique, éprouvait en même temps la crainte de voir s’élever une grande puissance en Assyrie et le désir de s’emparer de l’empire nouveau, très prospère, créé entre les deux fleuves d’Orient.

Il y avait entre l’Égypte et l’Assyrie, entre le Nil et l’Euphrate, en Syrie, une confédération, — les Rotennou, — très remuante, très ambitieuse, que les Égyptiens confondaient avec les Assyriens. Ils ne se trompaient pas absolument, car les Assyriens encore imparfaitement constitués faisaient partie de la grande confédération des Rotennou, toute araméenne.

Le pharaon Thoutmès Ier, qui venait de châtier les Éthiopiens, marche contre les confédérés, prend le pays de Chanaan, traverse toute la Syrie, franchit l’Euphrate à Karkémish, bat les Rotennou en pleine Mésopotamie, et revient en Égypte, glorieux, se contentant d’avoir fait dresser des stèles de victoire sur la route militaire qu’il vient de tracer. L’Assyrien était évidemment bien faible encore pour que le pharaon osât le traiter avec un tel dédain. En effet, dans la confédération des Rotennou, les princes de l’Osrhoëne, ou Mésopotamie araméenne, figurent au même rang que les princes assyriens, et c’est une tribu syrienne, celle des Khétas, qui a la prépondérance dans le groupe.

Thoutmès III (1607) renouvelle l’entreprise de Thoutmès Ier, reprend la route d’Assyrie, franchit également l’Euphrate à Karkémish et s’enfonce dans les plaines de la Mésopotamie où le roi d’Assur, loin de combattre le pharaon, le reçoit magnifiquement, organisant pour le distraire des chasses qui ressemblent à de véritables expéditions. Les Syriens et les Assyriens, intimidés, chargèrent de tributs les soldats de Thoutmès. Les Égyptiens vinrent ensuite en grand nombre, pacifiquement, dans la vallée de l’Euphrate, y jouissant d’une absolue sécurité.

L’empire chaldéen qui venait de disparaître, fermant le cycle historique de l’an 4000 à l’an 1500 avant notre ère, avait eu sa civilisation propre, très importante, car les civilisations postérieures, en Babylonie comme en Ninivie, ne seront guère qu’une suite de la vie chaldéenne, avec moins d’originalité. Sur l’Euphrate et sur le Tigre, désormais, tout ce qui ne sera ni aryen, ni égyptien, ne procédera que de l’influence chaldéenne primitive ; c’est de la Chaldée que les Israélites emporteront une très grande partie de leurs croyances.

Cette Chaldée primitive avait déjà ses bibliothèques où se conservaient des livres sacrés, des écoles sacerdotales où s’enseignaient les formules magiques, où se récitaient les incantations, où se chantaient des hymnes qui nous promettent, un jour, la découverte des plus anciens et des plus curieux des Védas. Les œuvres d’astronomie, d’astrologie et de divination des vieux Chaldéens étaient bien connues des Assyriens de la période historique. Our fut le centre de cette civilisation. Les Chaldéens attirés par Babylone, ou saisis de l’esprit d’aventure, comme Abraham, n’abandonnaient leur ville qu’en emportant avec eux l’esprit de Chaldée, qui se répandra en Égypte, en Palestine, en Phénicie, et que nous retrouverons dans l’Inde, en Bactriane, en Grèce, à Rome, en Germanie, en Gaule, partout. Le Chaldéen est l’Asiatique par excellence, le rival né de l’Aryen, son corrupteur, incapable d’œuvre personnelle, charmeur parfait, grand exploiteur, poète, musicien, usurier, prêtre, ou tribun, suivant les circonstances.

De cette civilisation particulière, et non spéciale, car l’esprit chaldéen n’a probablement rien innové, quelques rares documents écrits nous sont parvenus ; mais la terre chaldéenne, remuée, a déjà livré de nombreux témoignages visibles, palpables, réels, et qui, rapprochés des choses écrites, permettent de décisives définitions.

Les ruines de la Basse-Chaldée, mises au soleil, expliquent ce que Babylone, cette vierge fille des Chaldéens, avait balbutié. Et d’abord, pas de pierres à bâtir, rien que du limon, rien que de la boue. Continuellement, les ouvriers pétriront des briques sur lesquelles le souverain estampera son nom ; séchés au soleil, ces cubes seront l’élément principal, souvent unique, des constructions assyriennes. Des roseaux entrelacés, enduits de bitume, relieront entre elles les assises successives de ces constructions. De loin en loin, avec une certaine régularité, des lignes de briques semblables, mais cuites au four, seront placées pour consolider l’édifice, l’habiller de son revêtement.

Sans bois de charpente, — car la contrée est nue dit Strabon, — les architectes se servaient exclusivement de troncs de palmiers comme de poutres ou de piliers, qu’ils zébraient d’ajoncs et qu’ils couvraient ensuite d’une sorte de pâte coloriée. Les portes étaient enduites d’asphalte, et la difficulté, faute de pierres et de bois, d’obtenir des toits plats solides, avait fait donner aux maisons la forme de hauts cônes.

Le type des édifices sacrés, uniforme, procède de la pyramide égyptienne dénaturée par les matériaux employés et l’utilisation voulue du monument. La nécessité de bâtir au-dessus de terrains constamment menacés d’inondation, obligeait à la construction préalable d’un terre-plein, d’un vaste remblai sur lequel, successivement, l’architecte plaçait une série de terrasses menant à la plate-forme du sommet. Là, une sorte de chapelle, carrée, recevait le dieu. Plus tard, c’est-à-dire à l’époque des fastes assyriens, sur la hauteur, la chapelle mystérieuse, inaccessible, recevra un lit de repos et une table d’or. Moitié temple, moitié observatoire, la pyramide chaldéenne ne répond à aucun sentiment. Elle est comme la base disproportionnée d’un édifice que personne ne peut voir, ou bien l’édifice lui-même, incompréhensible, ne disant pas sa destination.

La maison du dieu placée au sommet de la pyramide chaldéenne n’était qu’un prétexte ; le monument, en réalité, n’était bâti que pour rapprocher des cieux, la nuit, l’astronome chaldéen, excellent observateur, sachant bien le mouvement des astres, les jeux de la lune, et dont la mathématique a de la valeur. Mais, descendu de son observatoire, l’astronome chaldéen n’était qu’un astrologue, un devin, un sorcier, et c’est au nom du dieu qu’il ignorait qu’on l’entendait parler en maître, ordonner des cérémonies, des sacrifices, des expiations. Un jour vint où les astronomes chaldéens, devenus des prêtres, ne se préoccupant plus de la présence d’un dieu dans le lieu élevé, firent gravir les degrés de la pyramide sacrée par la prophétesse, qui était une femme du pays disent les textes, ainsi que cela se passait dans le temple d’Ammon à Thèbes, en Égypte, comme à Patara, en Lycie.

Les palais, énormes, étaient d’une architecture plus compliquée. De nombreux ouvriers, — des prisonniers généralement, comme en Égypte sous le règne des rois batailleurs, — confectionnaient les briques innombrables nécessaires. Une flotte de radeaux, soutenus par des outres gonflées, apportait d’Arménie, par le Tigre, les rares pierres employées au soubassement, au dallage ou au décor. La nature du sol ne permettant pas le creusement de fondations solides, la création et le tassement du remblai sur lequel l’édifice devait être construit, constituaient l’œuvre principale.

Sauf les dômes, très audacieux parfois, inquiétants à voir, l’architecte ne concevait que la masse imposante, l’accumulation des matériaux, l’entassement des briques, montagne artificielle dans laquelle on creuserait non pas des salles, car les voûtes en pisé n’eussent pas supporté d’écartement, mais des galeries, longues, aux parois revêtues d’un mortier asphalté et dans lequel l’ornemaniste fichait des cônes saillants, coloriés, formant des dessins très simples, losanges, carrés ou chevrons. Aux murs, parfois, des lignes de briques superposées, en relief, et arrondies, donnant l’idée tranquillisante de supports, pourraient être considérées comme un commencement de colonnade. Ces palais n’annonçaient pas l’habitation, le lieu de séjour d’un souverain, d’un maître fastueux ; ils étaient comme des forteresses. L’acropole de Khorsabad, bâtie sur une montagne de briques, à quarante mètres de hauteur, défendait la ville avec un mur coupé de cent soixante-sept tours et large de vingt-quatre mètres.

L’énormité de cette architecture ne répond à rien ; l’ornementation elle-même y est sans art ; des ceintures de bas-reliefs, avec une rangée de briques émaillées, y constituent l’ornement extérieur exclusif. Les portes étaient flanquées de hautes figures sculptées, monstrueuses.

Les tombes, à Our, maçonnées en briques cuites, étaient assez discrètes. Un essai de voûte allongée, pointue, formée d’assises placées en encorbellement, ne manque pas de volonté. Des poteries grossières, modelées à la main, se trouvent prés de ces tombeaux, avec des objets de nature diverse, en or, en bronze, en plomb, en fer. Le fer était rare, par conséquent précieux ; on en faisait des bijoux.

L’âge de pierre semble s’être prolongé très tard en Basse-Chaldée. Bien que le fer y fût connu et le bronze très employé, les outils étaient généralement de silex, assez grossièrement taillés. Les armes étaient également de pierre, haches, têtes de flèche, poignards et massues.

A l’imitation des cailloux roulés que le Tigre apporte d’Arménie, les Chaldéens, dans des pierres précieuses, taillaient et polissaient des cachets cylindriques sur le plat desquels on gravait, finement, comme en Égypte, un sujet. Un collier formé d’une série de cylindres était le signe de l’autorité sacerdotale ou politique ; le chef des prêtres et le chef de tribu se paraient de cet ornement. Les écritures cunéiformes de ces cachets conservèrent pendant longtemps leur caractère archaïque. L’art de la gravure, ou de la glyptique, qui s’y manifeste, tout égyptien, n’avancera plus.

L’absence d’enthousiasme est ce qui frappe dans l’art de Chaldée, dont l’impression s’imposa toujours aux Assyriens. La rectitude y est de la raideur, le simple s’y étale comme une pauvreté, l’ornementation elle-même n’y figure qu’à titre de concession regrettable. Ce n’est que très tard, vers la fin de l’histoire assyrienne, qu’un peu de fantaisie, sinon d’originalité, vint réchauffer ces froides œuvres. Les maîtres de cette civilisation particulière, considérant l’art comme inutile, craignaient-ils de le favoriser ? Jaloux de leur industrie, comme de leur science, les vieux prêtres de. Chaldée redoutaient, semble-t-il, tout ce qui pouvait être, pour le peuple, une jouissance ou une instruction.

On peut dire que dès les premières dynasties chaldéennes, l’astronomie, en tant que science, existait déjà. Les observateurs patients du Bas-Euphrate connaissaient le ciel. Ils avaient mesuré l’espace et le temps. Ils avaient noté le déplacement annuel du point équinoxial sur l’écliptique et en avaient fait la base d’une période erronée, car leurs instruments étaient imparfaits, mais servant de base suffisante à leurs computs chronologiques.

De la mathématique, ou science des nombres, et de la physique, ou science des forces, ils savaient beaucoup ; mais ils n’utilisaient leur savoir qu’en vue de leur profit personnel, l’employant à impressionner leurs auditeurs, à exécuter des merveilles, sinon des miracles.

De même qu’astronomes intelligents, ils s’abaissaient à n’être que des astrologues se jouant de la sottise et de la crédulité des hommes, ainsi, prêtres, n’étaient-ils que des magiciens, des mages, devant le peuple les écoutant. Le magisme, qui n’est pas une religion certes, mais simplement un mode d’exploitation mystique, est essentiellement chaldéen. La lune, si singulière dans ses actes, était la divinité naturelle de cette religion fausse, et c’est elle qui, sous les riches vêtements d’Istar, devint l’adoration perpétuelle des Assyriens, avec le soleil pour frère, pour époux.

Le temple proprement dit ne viendra que plus tard, idée obscure, funèbre surtout, à laquelle l’esprit aryen communiquera l’ampleur et la clarté. Le Chaldéen ne sait encore que la chapelle étroite, élevée, inaccessible presque, hors ou loin de la vue des hommes ; mais il y a déjà, avant le temple, un corps sacerdotal, une caste très savante, très habile, toute remuante, à Our, au temps d’Abraham. Les membres de ce corps privilégié sont une aristocratie intellectuelle, un corps savant si l’on veut, une association exploitante dans tous les cas, admirablement organisée. C’est, dans l’histoire, la caste des Chaldéens.

La caste des Chaldéens reçut de l’extérieur la science qu’elle utilisa. La légende du commencement des choses, que les prêtres de Chaldée racontaient, avoue ces emprunts dont la vieille Égypte peut s’honorer. Le monde, dans la Genèse chaldéenne, sorti du chaos, fut peuplé par la volonté de Bel, et le premier homme apparut venant de la mer, de l’océan Indien, apportant à ceux qui, nés de lui, se multiplièrent, l’art de bâtir des temples, de fonder des villes, de cultiver la terre, leur révélant les lois de l’architecture, des sciences et de l’arpentage. C’est Oannès qui fut en même temps le premier homme et le premier dieu. Or, ce qu’Oannès enseigna aux hommes issus de lui, en Basse-Chaldée, c’était tout ce que l’antique Égypte connaissait alors. La légende a donc le caractère d’un fait historique. Bel, l’auteur du chaos, — Belus, Zeus, groupeur de nuages et lanceur de foudre, — divinité supérieure, primordiale, dominante à Babylone, s’allie, écrit Diodore, au fondateur humain de la ville de Babylone venu par mer de l’Égypte, avec une colonie d’Égyptiens.