MÉMOIRES POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE LA GUERRE DE 1914-1918

DE MARS 1918 À LA FIN DE LA GUERRE.

Chapitre XIII — L’offensive générale des armées alliées du 15 octobre au 11 novembre 1918.

Manoeuvre combinée des armées britanniques et du groupe d’armées des Flandres entre l’Oise et la mer du Nord. – manoeuvre combinée des armées françaises et de la 1ere armée américaine entre l’Oise et la Meuse. – manoeuvre préparée à l’est de la Meuse. – retraite générale des armées allemandes de la Meuse à la mer.

 

 

Dans leur marche générale en avant, sur un front de trois cent cinquante kilomètres étendu de la mer du Nord à la Meuse, les armées alliées, lancées chacune sur sa direction, devaient rencontrer des positions ennemies plus ou moins organisées, plus ou moins fortement occupées, par suite capables d’offrir une résistance difficile à évaluer à l’avance, si ce n’est par la nature du terrain que comportait chacune de ces directions et par les progrès qu’elle avait permis de réaliser. Mais, d’une façon générale, le terrain allait en s’abaissant et en s’aplanissant de la droite des armées alliées à leur gauche, des rives accidentées de la Meuse aux grandes plaines des Flandres d’un parcours relativement plus facile. Là s’étaient réglées dans le passé, jusqu’à Waterloo, les grandes destinées de l’Europe.

C’était au nord de l’Oise que nous pouvions le mieux accumuler et employer la supériorité des forces qui consiste principalement aujourd’hui en un matériel plus nombreux et plus approvisionné que celui de l’ennemi. L’avance marquée des armées britanniques dans cette région en témoignait. Déjà il nous fallait la pousser. D’ailleurs, et en raison de la convergence de nos efforts, les coups portés avec succès sur une portion du système de résistance devaient faire sentir leur répercussion sur les parties voisines et les faire tomber par le débordement, même si elles étaient en mesure de résister. Aussi, dès le 10 octobre, avais-je orienté dans ce sens le maréchal Haig et prescrit en même temps au général Pétain de renforcer la 1ere armée française à la droite des anglais :

Aujourd’hui 10 octobre, trois directions convergentes sont en cours d’exploitation :

1. Celle de Belgique ;

2. Celle de Solesmes-Wassigny ;

3. Celle de l’Aisne-Meuse.

La plus avantageuse à exploiter, grâce au succès des armées britanniques, est celle de Solesmes-Wassigny. Elle est en conséquence à poursuivre avec le plus de forces possible pour en faire sortir, en même temps que des progrès vers Mons, Avesnes :

a) une manoeuvre combinée avec l’offensive de Belgique en vue de dégager la région de Lille ; à exécuter par les forces britanniques en direction du nord-est, entre l’Escaut et la Sambre. Pour permettre aux forces britanniques cette extension de leurs attaques vers le nord, la limite des zones d’action entre les armées britanniques et françaises est prolongée sur la ligne générale : sud de Wassigny, sud d’Avesnes…

b) une manoeuvre combinée avec l’offensive Aisne-Meuse, en vue de déborder la ligne de la Serre ; à exécuter par la 1ere armée française. Les premières disponibilités françaises sont par suite à donner à la 1ere armée, pour lui permettre cette manoeuvre. Celles qui pourraient être récupérées ensuite seront employées à alimenter, soit l’attaque de Belgique, soit celle de l’Aisne-Meuse.

En fait, le 15 octobre, entre l’Oise et l’Argonne, les armées franco-américaines, orientées vers Mézières, étaient arrivées au contact de la forte position allemande (Hunding Stellung et Brunehilde Stellung) établie sur la ligne générale La Fère, Crécy-Sur-Serre, Sissonne, Château-Porcien, Vouziers, Grandpré. Au nord de l’Oise, les armées britanniques, marchant sur Mons-Avesnes, atteignaient à la même date le front Wassigny, Le Cateau, Solesmes, Douai. Elles débordaient ainsi par le sud la région de Lille que le groupe d’armées des Flandres, entre la Lys et la mer, menaçait de son côté par le nord.

Le 14 octobre, en effet, le groupe d’armées des Flandres, libéré de toute préoccupation pour ses communications rétablies, et parvenu sur un terrain ferme, encore vierge de dévastations, avait repris l’offensive entre Zarren et Werwicq dans d’excellentes conditions. Pour soutenir son action, deux divisions américaines lui étaient envoyées ; elles étaient prises parmi celles ayant participé déjà à des attaques. En outre, pour assurer au commandement une organisation en rapport avec l’accroissement des forces françaises dans les Flandres, le général de Boissoudy était mis à la tête de la 6e armée, tandis que le général Degoutte restait exclusivement consacré à la conduite d’ensemble des opérations sous la haute direction du roi des Belges. Ainsi renforcé, le groupe d’armées des Flandres, poursuivant sans arrêt son mouvement en direction de Thourout, de Courtrai et de Menin, gagnait rapidement du terrain. Le 14, maître d’Hooglède, de Roulers, de Moorseele, il dépassait le 15 Cortemarck, touchait aux portes de Courtrai, entrait dans Menin et Werwicq. Le 16, Thourout, Lichterwelde, Ardoye, Iseghem tombaient entre ses mains. Alors l’ennemi lâchait pied. Il évacuait toute la côte belge, et avec elle ses positions de batteries cuirassées et ses bases sous-marines, d’où, durant des mois et des années, il avait menacé l’Angleterre et ses communications avec la France.

Le 17, l’armée belge réoccupait Ostende, le 19, Blankenberghe et Zeebrugge ; le 20, elle atteignait la frontière hollandaise et le canal de Shipdonk, cependant que le roi Albert entrait triomphalement dans Bruges délivrée. Le groupe d’armées des Flandres avait rempli la tâche que le commandant en chef des armées alliées lui avait assignée cinq semaines auparavant… battre l’ennemi en Belgique et reconquérir la province au nord de la Lys. Le 22 octobre, je venais féliciter moi-même les artisans de cette victoire, et, faisant un nouvel appel à eux, je leur demandais de poursuivre sans retard la marche en avant, tout en remettant de l’ordre dans les unités, en rétablissant les communications, en réorganisant les services de l’arrière, particulièrement ceux des ports et de la mer sur la côte belge libérée.

Pendant cette avance du groupe d’armées des Flandres entre la mer du Nord et la Lys, la droite des armées britanniques continuait ses attaques en direction de Wassigny, Solesmes, conformément au plan convenu. Le 17 octobre, la 4e armée anglaise s’emparait du Cateau, malgré une très vive résistance de l’ennemi. Les 18 et 19, après avoir reconquis Wassigny et la forêt d’Andigny, elle rejetait les allemands sur la rive est du canal de la Sambre à l’Oise, puis, poussant sa gauche au delà de la Selle, en liaison avec la 3e armée britannique, elle s’emparait de Solesmes (20 octobre) et s’avançait jusqu’aux lisières de Landrecies et de la forêt de Mormal (24 octobre). À sa gauche, la 3e armée anglaise, dégageant le terrain au sud de la Sensée, forçait les passages de l’Écaillon et venait toucher aux portes du Quesnoy et de Valenciennes (24 et 26 octobre). Pendant que se développait ainsi la double manœuvre entreprise dans le nord, à l’aile gauche par le groupe d’armées des Flandres et à l’aile droite par la gauche des armées britanniques, le centre, formé des 1ere et 5e armées britanniques, pressant l’ennemi de front, achevait de le contraindre à un repli général qui, entamé le 17 octobre, sur le front compris entre la Lys et la Scarpe, se poursuivait pendant dix jours. Le 17 octobre, Lille et Douai étaient réoccupées ; le 18, Tourcoing et Roubaix ; le 19, Marchiennes et Bouchain ; le 20, Denain ; le 21, Saint-Amand. Le 27, les britanniques bordaient la rive gauche de l’Escaut, de Tournai à Valenciennes. De son côté, la droite du groupe d’armées des Flandres, relancée à nouveau, franchissait la Lys entre Courtrai et la voie ferrée de Roulers à Audenarde. Elle s’emparait de Courtrai le 19 octobre, et poussait aussitôt vers l’Escaut qu’elle atteignait entre Avelghem et Tournay (20-26 octobre).

Profitant de ce succès, la gauche et le centre du groupe d’armées des Flandres réattaquaient le 31 octobre, et, en quatre jours de bataille, rejetaient l’ennemi à leur tour sur la rive droite de l’Escaut. C’est ainsi que la manoeuvre prescrite par ma directive du 10 octobre se développait au nord de l’Oise dans les meilleures conditions. Aussi avais-je pu, dès le 19, orienter vers de nouveaux objectifs l’action des armées sur cette partie du champ de bataille, tout en poussant les armées de droite sur leur objectif commun, Mézières. J’avais donc ordonné :

Pour exploiter les avantages acquis, l’action des armées alliées est à poursuivre comme suit :

1. Le groupe d’armées des Flandres marchera en direction générale de Bruxelles ; sa droite vers Hal, abordant l’Escaut à Pecq, la Dender à Lessines. Dans cette marche, le forcement des lignes d’eau importantes : Escaut, Dender... est à combiner, au besoin, avec une action de flanc tournant ces lignes et exécutée par les armées britanniques.

2. Les armées britanniques (5e, 1ere, 3e, 4e) s’avanceront au sud de la ligne Pecq-Lessines-Hal, leur droite se dirigeant, par Froidchapelle et Philippeville, sur Agimont (nord de Givet). La mission des armées britanniques reste de rejeter les forces ennemies sur le massif difficilement pénétrable des Ardennes, où elles coupent leur rocade principale ; et en même temps, d’aider la marche du groupe d’armées des Flandres en lui permettant de franchir les principales lignes d’eau : Escaut-Dender... qui arrêteraient cette marche. Elles seront elles-mêmes appuyées par la 1ere armée française.

3. Les armées françaises (1ere, 10e, 5e, 4e) et la 1ere armée américaine opéreront au sud de la ligne précitée. Leur rôle consiste : pour la 1ere armée française, à appuyer l’attaque des armées britanniques, en marchant en direction de La Capelle, Chimay, Givet et à manœuvrer par sa droite pour tourner la résistance de l’ennemi sur la ligne Serre-Sissonne. Pour les 5e, 4e armées françaises et 1ere armée américaine, à atteindre la région Mézières, Sedan et la Meuse en amont, en faisant tomber la ligne de l’Aisne par une manoeuvre des deux ailes, celle de gauche (5e armée française) en direction de Chaumont-Porcien, celle de droite (4e armée française et 1ere armée américaine) en direction de Buzancy-Le Chesne.

Comme on vient de le voir, la 1ere armée française avait à continuer son rôle d’appui des armées britanniques, et en même temps à déborder avec sa droite la résistance de l’ennemi sur la ligne Serre-Sissonne. C’est cette seconde partie de sa mission qu’il convient maintenant d’examiner, en la plaçant dans le cadre général de l’offensive franco-américaine engagée entre l’Oise et la Meuse. Attaquant en liaison avec la droite britannique et bénéficiant de son avance sur Wassigny, la 1ere armée française enlevait du 18 au 26 octobre les retranchements de la Hunding Stellung situés entre l’Oise, à Mont d’Origny, et la Serre en aval d’Assis. Tandis que par ce succès elle amorçait le débordement des lignes de la Serre et de l’Aisne, la 10e armée attaquait à sa droite au nord-est de Laon, s’emparait de Verneuil-Sur-Serre et de Notre-Dame-De-Liesse, et franchissait le canal de desséchement entre Vesle et Pierrepont. Sous cette double action, les allemands évacuaient, dans la journée du 27, une large bande de terrain entre Guise sur l’Oise et Crécy-Sur-Serre. Dans le même temps, la 5e armée française, se conformant aux ordres reçus, attaquait à l’ouest de Chaumont-Porcien, et réussissait dans la journée du 25 à enlever, avec les hauteurs de Banogne-Recouvrance, la dernière portion de la Hunding Stellung restée entre les mains des allemands, entre Saint-Quentin et l’Aisne. C’est ainsi qu’à la fin d’octobre se trouvait en très bonne voie la manoeuvre prescrite le 19 octobre à l’aile gauche des armées françaises pour faire tomber la ligne de l’Aisne.

Où en était, à la même époque, la manoeuvre de l’aile droite, 4e armée française et 1ere armée américaine ? Au milieu d’octobre, après trois semaines d’une lutte âpre et coûteuse, la 1ere armée américaine avait atteint par sa gauche le défilé de Grandpré, et par son centre les hauteurs de Romagne-Sous-Montfaucon. La remontée de l’Argonne du sud au nord avait présenté des difficultés indiscutables aux états-majors américains. Le plus grand nombre de routes vont dans cette région de l’ouest à l’est, et la nature accidentée du pays interdit d’organiser facilement de nouvelles communications. De là les difficultés de toutes sortes rencontrées dans les ravitaillements des nombreuses troupes américaines engagées dans la bataille, dont il fallait cependant soutenir l’ardeur et entretenir les violents efforts.

Au lieu de laisser intervenir une direction française dont l’expérience promettait d’aplanir certaines difficultés, le moyen le plus efficace de faciliter la tâche américaine me parut être de s’en remettre à l’initiative propre du commandement américain, et pour cela d’établir, sur le même pied qu’avec le commandant en chef des armées françaises, qu’avec le commandant en chef des armées britanniques, qu’avec le roi commandant en chef l’armée belge, les relations directes du haut commandement allié avec le général Pershing, commandant en chef les armées américaines, dont la 1ere opérait sur le front Argonne-Meuse, et la 2e en Woëvre, sans parler des autres troupes américaines réparties sur diverses parties du front. Au degré où elle était parvenue, c’est dans ces conditions, me semblait-il, que l’aide américaine, engagée sous le drapeau étoilé et dirigé par un commandement qui avait toujours témoigné d’une autorité magnifique, avec ses états-majors utilisant leurs procédés au profit de soldats d’une ardeur incontestable, devait porter les meilleurs coups à côté des autres armées alliées emportées dans la bataille.

Pour pouvoir grandir l’effort demandé aux armées américaines, je n’hésitais pas à grandir son commandement. Son autonomie était bien rétablie, et, pour assurer la concordance des entreprises en Argonne et en Champagne comme aussi une étroite combinaison des efforts, le général Maistre, qui commandait dans cette région le groupe d’armées du centre français, était chargé d’assurer la coordination des opérations des troupes françaises de la droite de son groupe d’armées et de la 1ere armée américaine. Le ralentissement des opérations en Argonne avait été interprété autrement dans certains milieux, moins formés aux difficultés que le commandement rencontre dans le maniement des masses armées modernes. C’est ainsi que le 21 octobre, sous l’impression des piétinements de l’armée américaine, M. Clemenceau m’écrivait la lettre ci-dessous qui ne visait à rien moins qu’à changer le commandement en chef de l’armée américaine :

Je remets de jour en jour à vous entretenir de la crise de l’armée américaine. Ce n’est pas que... etc.

Clemenceau.

Dans une appréciation plus complète des difficultés rencontrées par l’armée américaine, je ne pouvais me ranger à la solution radicale qu’envisageait M. Clemenceau. Sans entamer de discussions sur ce point avec le président du Conseil, je me bornais à maintenir ma décision et à lui répondre le 23 :

À la date du 20 octobre, la répartition des divisions américaines est la suivante : (voir tableau ci-contre.)

Comme le montre ce tableau, sur les trente divisions aptes à combattre, dix sont réparties entre les armées alliées (françaises et britanniques), vingt sont aux ordres du général Pershing pour constituer l’armée américaine autonome.

Je compte maintenir ces deux lots, d’une nature différente et dont l’existence me paraît nécessaire pour différentes raisons.

Je compte également en faire varier les proportions suivant les circonstances, augmenter le chiffre de 10, diminuer le chiffre de 20, quand les opérations en préparation vont le permettre.

C’est par une économie de cette sorte que je pense réduire les impuissances du haut commandement, plutôt que par des ordres que je lui donnerai certainement mais qu’il sera peut-être hors d’état de faire exécuter, car il lui faudrait pour cela des commandants de corps d’armée, de division, des états-majors ayant de l’expérience. C’est d’ailleurs la crise que traversent toutes les armées improvisées et qui en réduit considérablement le rendement pour commencer.

On ne peut nier, du reste, l’effort fait par l’armée américaine. Après avoir attaqué à Saint-Mihiel, le 12 septembre, elle a attaqué le 26 en Argonne. Elle a perdu par le feu, du 26 septembre au 20 octobre, 54158 hommes pour de faibles gains, sur un front étroit, il est vrai, mais sur un terrain particulièrement difficile et en présence d’une sérieuse résistance de l’ennemi.

En même temps d’ailleurs, et en vue de hâter le plus possible la reprise prochaine de l’offensive combinée de la 4e armée française et de la 1ere armée américaine, comme aussi de faciliter leurs progrès, j’adressai le 21 octobre une directive fixant, avec les objectifs à atteindre, les procédés à pratiquer pour les gagner.

En vue d’assurer la coopération étroite entre la 1ere armée américaine et la 4e armée française, il y a lieu d’observer ce qui suit :

Le but général à poursuivre dans les actions combinées de la 1ere armée américaine et de l’aile droite de la 4e armée française est d’atteindre la région de Buzancy (1ere armée américaine), Le Chesnes (4e armée française), pour débloquer par l’est la ligne de l’Aisne.

Les opérations menées jusqu’ici par ces armées dans la région Olizy, Grandpré, nord de Saint-Juvin ont eu pour résultat d’assurer leur liaison complète par le défilé de Grandpré et de permettre à l’armée américaine de déboucher de la région boisée qui limitait ses actions.

Maintenant que ce premier résultat indispensable est obtenu, les attaques combinées de ces armées doivent avoir pour objet d’atteindre le but fixé : Buzancy, Le Chesne, en débordant par l’ouest et l’est le massif boisé de l’Argonne, par des actions plus larges et sans user de forces dans des combats de bois, coûteux et de faible rendement.

Dans ce but il importe :

1. Que la 1ere armée américaine monte et exécute, sans aucun retard, une puissante attaque en direction de Boult-Aux-Bois, Buzancy, bois de la Folie, en utilisant le large débouché qu’elle a conquis au nord du bois des Loges et de Romagne, et en évitant de s’engager dans les combats de bois de l’Argonne et de la région de Bantheville. Seule, une attaque de cette amplitude lui permettra d’atteindre l’objectif fixé.

2. Que la 4e armée française, maintenant seulement sa liaison par Grandpré avec l’armée américaine, agisse rapidement et en force, par Vouziers, sur Quatre-Champs, et par Vandy, Terron, et plus au nord, sur les Alleux, comme aussi vers Le Chesne en élargissant résolument son attaque.

L’attention de M. Le général commandant l’armée américaine et celle de m. Le général commandant le groupe d’armées du centre sont appelées sur les directives ci-dessus, qui tendent à la fois à élargir l’action propre à chacune des deux armées et à assurer la convergence de leurs efforts pour arriver aux objectifs assignés. Ils sont invités à vouloir bien faire connaître les dispositions qu’ils prendront, chacun de leur côté, pour y donner satisfaction, comme aussi les accords qu’ils auront établis pour réaliser la concordance de leurs actions.

Ainsi allait être relancée, de part et d’autre de l’Argonne, sur un terrain libre, de parcours relativement aisé, une offensive franco-américaine élargie. Les projets d’opération établis par la 4e armée française et par la 1ere armée américaine, en exécution de la directive ci-dessus, ne répondirent pas tout à fait à la conception que j’avais de la manoeuvre à poursuivre. Ils témoignaient, dans les procédés mis en oeuvre, d’une rigidité susceptible d’entraver l’exploitation rapide d’un succès remporté. On y voyait apparaître un mode d’attaque par fronts successifs à atteindre, tracés a priori sur la carte, dénotant un souci exagéré d’alignement. Telle n’était pas, à mon sens, l’allure à imprimer aux opérations au moment où nous étions arrivés, car : … des résultats importants comme ceux que nous poursuivons dans la période actuelle de la guerre, et en présence d’un ennemi dont l’usure augmente chaque jour, ne sont à espérer que d’une progression rapide et aussi profonde que possible. Des troupes lancées à l’attaque n’ont à connaître que leur direction d’attaque. Sur cette direction, elles vont aussi loin qu’elles le peuvent, attaquant et manoeuvrant l’ennemi qui résiste sans aucun souci d’alignement, les unités les plus avancées travaillant au profit de celles qui sont momentanément arrêtées. Elles opèrent ainsi non vers des lignes indiquées a priori d’après le terrain, mais contre l’ennemi qu’elles ne lâchent plus une fois qu’elles l’ont saisi.

Tout en partageant en principe cette manière de voir, quant à la désignation de directions d’exploitation sur lesquelles la poussée doit s’accomplir hardiment, sans aucune arrière-pensée et sans souci d’alignement, le général Pétain n’estimait pas possible d’échapper pratiquement à la fixation d’objectifs successifs à atteindre. À son avis, qu’il s’agisse de rompre une zone fortifiée, ou d’attaquer en terrain libre, ce procédé s’impose, car il est toujours nécessaire, en face d’un adversaire qui se défend, de sérier les efforts en fonction : 1. De l’appui que telles ou telles organisations, tel ou tel accident du terrain procurent ou paraissent devoir procurer à l’ennemi ; 2. Des possibilités d’emploi des feux (artillerie et infanterie). Mais, le 1er novembre, il adressait à ses troupes une directive conciliant les deux points de vue : la désignation des lignes successives d’objectifs, y écrivait-il, ne doit jamais enrayer l’élan des assaillants ni diminuer les chances d’une progression aussi profonde que possible… il s’ensuit que cette désignation n’est justifiée en général que dans la phase de rupture des organisations adverses.

Dès que commence la poursuite, la vitesse devient le facteur principal du succès et l’idée de la direction doit primer toute autre notion dans l’esprit du chef. L’ennemi étant saisi, il ne faut plus lâcher prise… à ce moment, chaque unité n’a plus à connaître que la direction d’exploitation qui lui a été assignée et sur laquelle il importe au plus haut point de pousser hardiment, sans se régler sur ses voisins… il y avait donc identité complète de vues entre le commandant en chef des armées alliées et celui des armées françaises. En tout cas, il importait de passer au plus tôt à l’action. Aussi le haut commandement allié pressait-il le général Pershing de hâter le déclenchement de son offensive à l’ouest de la Meuse :

Il est de la plus haute importance, lui écrivait-il le 27 octobre, que la 1ere armée américaine soit en mesure de commencer ses opérations à la date convenue, c’est-à-dire à partir du 1er novembre, et de les poursuivre ensuite jusqu’à des résultats importants et certains.

Je prescris en conséquence, que les attaques qui seront entreprises le 1er novembre par la 1ere armée américaine seront poussées et poursuivies sans temps d’arrêt jusqu’à ce que cette armée ait pris possession de la route Boult-Aux-Bois, Buzancy, et plus à l’est, et assuré l’occupation de cette région, pour fournir le premier résultat à obtenir.

Ces attaques devaient être facilitées par des actions répétées que la 4e armée française avait entreprises à l’est de Vouziers depuis le 13 octobre, et qui, après lui avoir assuré la conquête d’une tête de pont sur la rive droite de l’Aisne, entre Vandy et Falaise, lui permettaient maintenant d’attirer sur elle, pour le soulagement de l’armée américaine, une notable partie des troupes de défense allemandes établies dans l’Argonne.

C’est dans ces conditions que l’offensive américaine s’effectuait le 1er novembre, et qu’obtenant dès le début un brillant succès, elle enlevait ce jour-là les positions ennemies jusqu’à la route Buzancy-Stenay, tandis qu’à sa gauche la 4e armée française élargissait son établissement à l’est de l’Aisne. Il était aussitôt prescrit de développer sans retard les résultats acquis et de poursuivre sur Sedan-Mézières l’action combinée franco-américaine. Du reste, l’ennemi ébranlé ne tardait pas à battre en retraite entre l’Aisne et la Meuse. Croix-Aux-Bois, Buzancy, Villers-Devant-Dun, Doulcon tombaient entre nos mains le 2 novembre. Le 3, toute la partie septentrionale de l’Argonne se trouvait dégagée, les hauteurs de Belval étaient occupées, la rive gauche de la Meuse bordée jusqu’à Dun. Le 4, l’avance franco-américaine se poursuivait au delà de Stenay et du Chesne, pénétrait dans la région boisée au sud de Beaumont et progressait le long de la Meuse jusque près de Stenay. Je félicitais chaleureusement le général Pershing des résultats de grande importance remportés grâce à la valeur du commandement, à l’énergie et à la bravoure des troupes, et je le sollicitais de poursuivre ses opérations en direction de la Meuse de Bazeilles et en amont, de les étendre dès à présent dans toute la mesure du possible sur la rive droite de cette rivière. Déjà il lui avait été demandé, peu de jours auparavant, en présence du retrait hors de France des divisions autrichiennes, conséquence de l’armistice conclu avec l’Autriche, de faire exécuter par la 2e armée américaine avec les moyens dont elle disposait des opérations locales assez vigoureuses pour reconnaître l’ennemi et développer tout succès partiel qui serait remporté.

Que se passait-il en effet à l’est de la Meuse ? Nous avons vu précédemment que, du 8 au 10 octobre, le 17e corps français, renforcé de deux divisions américaines (33e et 29e), avait prolongé sur la rive droite de la Meuse l’offensive menée sur la rive gauche par le gros de l’armée américaine, et qu’il avait après de durs combats atteint la ligne Sivry-Sur-Meuse, Beaumont. Poursuivies dans les journées suivantes, ses actions s’étaient heurtées à une résistance toujours croissante de l’adversaire ; les moyens matériels dont il disposait étaient insuffisants pour briser les obstacles qui s’opposaient à son avance. Ses gains de terrain devenaient de plus en plus modestes. L’ennemi était apparemment décidé à tenir à tout prix la rive droite de la Meuse, hypothèse d’autant plus vraisemblable que c’était là pour lui la seule chance de couvrir et d’assurer la retraite de ses armées battues, de l’aile droite et du centre. En vue de déjouer cette détermination en prenant à revers les défenses de la Meuse, le haut commandement allié jugeait le moment venu d’attaquer de part et d’autre de la Moselle en direction générale de Longwy, Luxembourg d’une part, et de la Sarre d’autre part. Le 20 octobre, il donnait au général Pétain les instructions nécessaires, lui écrivant :

Les opérations actuellement en cours visent à rejeter l’ennemi à la Meuse de Stenay et plus aval. Pour faire tomber la résistance sur cette rivière, en la prenant à revers, il y a lieu de préparer des attaques à l’ouest et à l’est de la Moselle en direction générale de Longwy-Luxembourg d’une part, en direction générale de la Sarre d’autre part.

Ces attaques auront d’autant plus de chances de succès au début qu’elles partiront plus tôt, l’ennemi ayant en ligne, en ce moment, 127 divisions à l’ouest et 32 seulement à l’est de la Meuse.

Elles auront d’autant plus de chances d’aboutir que l’ennemi se verra bientôt privé de sa principale ligne de rocade par Mézières et Sedan.

Par suite, il y aurait intérêt : à appliquer les disponibilités françaises à provenir du rétrécissement de notre front, à celles des parties du front de Lorraine, à l’ouest et à l’est de la Moselle, où l’équipement et la nature du terrain permettent une action immédiate, comme aussi à faire étudier la participation à ces opérations des forces américaines, qui seraient disponibles ou rendues disponibles quand l’avance sur la rive gauche de la Meuse permettra d’orienter ces forces dans une nouvelle direction.

Cette décision d’attaquer dans la région de la Moselle paraissait d’autant mieux fondée qu’une étude faite récemment par le 2e bureau du grand quartier général français avait montré tout à la fois le déséquilibre existant entre les effectifs des forces allemandes de part et d’autre des Ardennes, et l’impossibilité où serait la direction suprême de rétablir l’équilibre entre ces forces le jour où elle n’aurait plus l’usage de la ligne ferrée Hirson-Mézières. La décision ci-dessus ne devait point davantage surprendre les exécutants qui, sur cette partie du front depuis longtemps stabilisée, allaient être chargés de la mettre en oeuvre, car ils étaient préparés à l’éventualité d’une marche en avant. J’en avais entretenu personnellement le commandant de la 8e armée (général Gérard) lors de mon voyage dans l’est, le 20 septembre, et le général Pétain, de son côté, avait depuis plus d’un mois fait étudier par le général de Castelnau la préparation d’une attaque sur le front du groupe d’armées de l’est. Aussi les plans d’action furent-ils rapidement établis.

Dès le 21 octobre, le commandant en chef des armées françaises adressait ses propositions concernant l’organisation générale des attaques projetées en Lorraine. Cette étude, établie sur des bases judicieuses, présentait cependant l’inconvénient d’interdire dans l’ensemble une exécution assez rapide. En particulier, l’action envisagée à l’ouest de la Moselle allait, pour différentes raisons, exiger des délais incompatibles avec la nécessité de saisir immédiatement l’occasion favorable qu’offraient la faiblesse de l’ennemi et son manque de réserves dans cette région. à l’est de la Moselle, au contraire, les conditions semblaient meilleures, et, pour cette raison, nous décidions d’appliquer tout d’abord de ce côté, mais alors sans tarder, les forces immédiatement disponibles. Renonçant donc pour le moment à l’action sur Luxembourg, nous réduisions l’ampleur du plan initial, tout en escomptant, même avec des moyens relativement restreints, des résultats importants… au point de vue militaire, par la conquête à petit prix de toute la profondeur de la zone défensive organisée depuis quatre ans, par une exploitation aussi large que possible ; au point de vue moral, par un premier pas fait sur un sol que l’ennemi considérait comme territoire national et que nous devions conquérir.

Le général Pétain était invité dans ces conditions à préparer une attaque qui, partant du front Nomény-Arracourt et couverte du côté de Metz, marcherait en direction générale de Saint-Avold, Sarrebrück. Il rendait compte, le 25 octobre, que cette attaque pourrait avoir lieu aux environs du 15 novembre, et il faisait connaître les dispositions qu’il avait prévues pour la doter en grandes unités. Le 27, il adressait au général de Castelnau, commandant le groupe d’armées de l’est, une instruction fixant le but, les objectifs de l’offensive et les moyens dont elle disposerait. L’exécution en devait être confiée à deux armées : la 8e (général Gérard) déjà en place, et la 10e (général Mangin) qui, retirée du front de l’Aisne, serait transportée dans l’est et introduite entre la 2e armée américaine et la 8e armée française. Vingt divisions (dont quatre à cinq américaines), dix à douze régiments d’artillerie de campagne, 180 à 200 batteries lourdes, trois régiments de chars légers et deux groupements de chars moyens, un corps de cavalerie et la division aérienne prendraient part aux opérations, qui, d’après les ordres du général Pétain, devaient se dérouler non comme un assaut donné sans lacunes à une ligne fortifiée, mais comme une manoeuvre. Le commandant en chef des armées françaises demandait, d’autre part, qu’un certain nombre de divisions américaines lui fussent accordées. Il ne pouvait du reste compter dans le cas le plus favorable que sur la coopération de six à huit divisions américaines, indépendamment de l’action de couverture face à Metz, qui serait confiée à la 2e armée américaine. Le 30 octobre, le général de Castelnau donnait ses ordres. Assignant une mission analogue de rupture et d’exploitation aux 10e et 8e armées, dont l’une opérerait par le nord de la forêt de Crémecey et la côte de Delme, l’autre par le sud de la forêt de Bezange, il prévoyait que ces deux armées auraient des forces sensiblement égales. Certaines modifications étaient apportées à ces propositions par le haut-commandement, car l’exploitation devant se présenter dans des conditions beaucoup plus favorables pour la 10e armée, qui aurait d’autre part à se couvrir de la direction sensible de Metz, il convenait d’attribuer à cette armée la majeure partie des moyens disponibles.

Le 5 novembre, le général Pétain transmettait ces observations au commandant du groupe d’armées de l’est en l’invitant à rectifier en conséquence ses dispositions initiales, ce qui fut fait dès le lendemain. Cependant, la concentration des forces alliées, s’opérait en Lorraine, et, le 6 novembre, le général Mangin et son état-major arrivaient à pied d’oeuvre. Malgré le désir exprimé par le général Pétain de se voir attribuer dix à douze divisions américaines (quatre pour la couverture contre Metz au bénéfice de la 10e armée, six à huit pour l’attaque proprement dite), on ne devait pas espérer une participation américaine aussi large. Du reste, ajoutait-on, il y a intérêt évident à commencer l’offensive de Lorraine le plus tôt possible, en considérant que l’importance des moyens a moins de valeur que le moment de l’action.

En fait, on poursuivait activement la mise à la disposition du général Pétain du plus grand nombre possible d’unités américaines. C’est ainsi qu’on récupérait des forces de la 1ere armée américaine en réduisant le front de cette armée dès son arrivée sur la Meuse. J’écrivais également au général Pershing pour lui demander le concours de six de ses divisions réservées et lui récrivais quelques jours plus tard en lui donnant les apaisements nécessaires : … le général commandant la 10e armée française, qui aura ces divisions sous ses ordres, prendra des dispositions pour les faire agir autant que possible à sa gauche, et je donnerai de mon côté des ordres pour qu’elles soient replacées promptement sous le commandement américainaujourd’hui, il s’agit d’aller vite avant tout. C’est pour cela que j’insiste près de vous, à nouveau. En même temps, je demandais au général J. Haller, commandant en chef l’armée polonaise, la participation, aux prochaines opérations offensives, de la 1ere division polonaise, qui, après un séjour sur le front en secteur calme, était apte à prendre une part active à la bataille.

Ainsi, grâce à l’activité de tous, l’attaque de Lorraine pouvait être montée en peu de temps. Elle devait partir le 14 novembre, avec vingt-huit divisions d’infanterie, trois divisions de cavalerie appuyées par une masse considérable d’artillerie et par environ 600 chars d’assaut. C’était une attaque d’une étendue de trente kilomètres venant s’ajouter à la bataille de trois cent cinquante kilomètres déjà engagée et menée victorieusement. Elle allait porter sur une direction nouvelle. Elle ne pouvait y rencontrer d’importantes forces ennemies. Par suite, on pouvait en attendre un brillant départ, une conquête rapide de quelques dizaines de kilomètres. Après cela, elle allait sans doute rencontrer les destructions qui ralentissaient ailleurs la marche des autres armées. Elle ajoutait son effort au leur, elle l’agrandissait, le renforçait, sans en changer la nature. Mais c’était la marche au Rhin, dans la direction de Berlin, confirmée une fois de plus pour l’ensemble des armées alliées par une convergence d’efforts répétés et grandissants chaque jour. Une telle marche sur cette route ne pouvait manquer d’aboutir à la décision définitive de la guerre.

En tout cas, au début du mois de novembre, la ligne de l’Escaut en aval de Valenciennes et jusques à Gand se dressait en obstacle devant la gauche des armées alliées, tandis que, en Champagne, les fortes défenses de la Serre allaient se présenter devant une partie de leur centre. En poussant sur la rive gauche de la Meuse les actions entreprises par la 1ere armée américaine et la 4e armée française, nous débordions à l’est la ligne de la Serre. Nous la tournions à l’ouest en poussant la 1ere armée française et la droite britannique au nord de l’Oise. Par cette dernière poussée, nous tournions en même temps la ligne de l’Escaut par le sud, tandis que le groupe d’armées des Flandres allait l’aborder dans le nord en avant de Gand. Il n’y avait donc qu’à accentuer les entreprises de ces groupements de forces. En prévision des événements importants qui allaient se passer dans le nord, j’avais, depuis le 18 octobre, transporté mon quartier général de Bombon à Senlis. C’est dans l’ordre de manoeuvres développé ci-dessus que nous allions, sans solution de continuité, pousser la marche des armées alliées. Ainsi se terminait le temps d’arrêt que nous avions eu à subir à la fin d’octobre.

Du 1er au 5 novembre, les 1ere armée américaine et 4e armée française avaient, par des attaques larges et continues, développé avec succès leur manœuvre débordante et atteint à cette dernière date le front général Le Chesne, Beaumont, Stenay. De même, la droite anglaise, appuyée par l’armée Debeney, avait poussé en direction d’Avesnes, Philippeville. Et grâce à ce double effort nous étions, le 5 et le 6 novembre, maîtres de la ligne de la Serre. Il avait fallu pour cela établir de nouvelles ententes avec le maréchal Haig. Comme on lui demandait en particulier de pousser en avant la droite de ses armées, il cherchait à reprendre sous son commandement la 2e armée britannique momentanément rattachée au groupe d’armées des Flandres et qui aurait formé son aile gauche, lui permettant ainsi une répartition de forces nouvelle. Je n’avais pas de peine à lui faire comprendre que, pour maintenir l’allure désirable au groupe d’armées des Flandres, il était nécessaire d’y maintenir la 2e armée britannique jusqu’à ce qu’il eût conquis la Belgique jusqu’à l’Escaut. En fait, le groupe d’armées des Flandres ayant le 1er novembre atteint l’Escaut en amont de Gand, la 2e armée britannique repassait, à dater du 4, sous le commandement direct du maréchal Haig. De là, la note du 2 novembre :

le groupe d’armées des Flandres vient, par une série d’opérations heureuses, d’atteindre le cours de l’Escaut en amont de Gand.

La manoeuvre principale pour faire tomber la défense de l’Escaut devant maintenant être exécutée par le gros des armées britanniques au sud de Valenciennes, il est nécessaire de rendre au commandement britannique la disposition de la totalité de ses forces.

Le maréchal Foch a donc l’honneur de prier s. M. le roi des belges de vouloir bien considérer qu’à partir du 4 novembre, midi la 2e armée britannique reviendra sous le commandement direct du maréchal Haig.

Entre temps, les succès remportés par la 1ere armée française, du 24 au 27 octobre, m’avaient permis d’écrire le 27 au maréchal Haig :

… l’avance réalisée par le général Debeney permet de reprendre dans les conditions les plus favorables l’offensive du gros des armées britanniques en liaison avec la 1ere armée française, en direction de Mons, Avesnes, La Capelle, objectifs fixés aux armées alliées de cette région.

Le 29 octobre, le maréchal Haig, conformément à ces directives, prescrivait à ses 4e, 3e et 1ere armées de se tenir prêtes à reprendre leurs attaques à partir du 3 novembre. Elles les reprenaient en réalité le 4, avec un plein succès, appuyées fortement par la 1ere armée française avançant sur Guise. Ce fut un nouveau coup de grâce pour l’armée allemande. Sous le choc, comme aussi devant l’avance incessante que poursuivait à sa gauche l’action franco-américaine, l’ennemi entamait, dès le 5, entre le canal de Mons et l’Aisne de Rethel, un vaste mouvement de retraite qui s’étendait dans les journées suivantes jusqu’à la Meuse. Le 8, les troupes franco-belges du groupe d’armées des Flandres s’emparaient des passages de l’Escaut entre Ecke et Audenarde, accentuant la retraite générale de l’ennemi, qui maintenant se repliait depuis la frontière hollandaise jusqu’au pied des côtes de Meuse.