Les efforts du roi Philippe Ier et des divers papes qui ont revêtu la tiare à la fin du XIe siècle pour assujettir à leur autorité l'Eglise de France ne portent pas seulement sur l'Eglise séculière. Le clergé régulier est aussi l'objet des sollicitations des deux pouvoirs : Philippe Ier veut gagner les moines à sa politique ecclésiastique ; Rome veut en faire ses auxiliaires et imposer, avec leur aide, la réforme de l'Eglise. Chacun des deux pouvoirs a une arme à sa disposition : par l'exemption, les papes chercheront à mettre les monastères dans leur dépendance immédiate en les arrachant à la juridiction épiscopale ; en leur accordant des immunités, Philippe Ier les enrichira et se les attachera en éveillant des convoitises temporelles. Là encore, c'est la même rivalité, plus pacifique et plus calme, il est vrai. Avant de voir comment elle s'est engagée, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur le développement de l'Eglise régulière à la fin du XIe siècle. I Tandis que l'Eglise séculière souffre, à la fin du XIe siècle, du désordre des mœurs sacerdotales et de la simonie, la vie monastique, par contre, prend une grande extension. Une institution, antérieure au règne de Philippe Ier, mais dont les caractères se sont plus nettement précisés à cette époque, marque les frontières entre l'Eglise séculière et l'Eglise régulière : ce sont les chanoines réguliers vivant selon la règle dite de saint Augustin. Les conciles de Rome de 1059 et de 1063 ont vivement exhorté les clercs à vivre en commun, comme des moines[1]. C'était un moyen de lutter contre le désordre des mœurs, rendu ainsi plus difficile par la surveillance qu'ils pourraient exercer les uns sur les autres. Ces décisions furent le point de départ de tout un mouvement qui se produisit non seulement dans les églises cathédrales, mais dans les autres : l'appellation de chanoines réguliers s'applique aux unes et aux autres. L'institution répondait à un besoin réel ; la vie monastique et le renoncement aux biens de ce monde mettait les clercs en garde contre la simonie qui leur devenait inutile ; en même temps ils ne perdaient pas contact avec le siècle et continuaient à exercer leur ministère sur les fidèles. Dès le début du règne de Philippe Ier, les invitations du concile sont écoutées et on voit apparaître des communautés de chanoines. En 1063, on en trouve à Harlebeke ; un diplôme de Philippe Ier confirme la fondation en cet endroit, par la comtesse Adèle de Flandre, d'une abbatia canonicorum[2] ; ce n'étaient donc pas de simples moines. En Flandre encore, l'église Saint-Pierre de Lille, fondée par Baudouin V, avait à sa tête une congrégation de chanoines (congregatio canonicorum)[3] à laquelle le comte de Flandre, en 1066, concède de nombreux biens[4]. En 1067, à Paris, Philippe Ier fait la dédicace de l'église Saint-Martin-des-Champs que son père avait reconstruite ; il y maintient les chanoines que Henri Ier y avait réunis et qui vivaient d une vie toute monastique[5]. Dans le midi aussi, on voit des communautés de chanoines et, si l'on en croit la vie de saint Pierre de Chavanon, c'est en 1062 que le saint aurait fondé celle de Pebrac[6]. Ainsi les encouragements des conciles de 1059 et de 1063 ont eu une vive répercussion en France. Mais jusqu'ici, il n'est pas question de la règle de saint Augustin qui sera, à la fin du XIe siècle et au XIIe siècle, celle de toutes les communautés de chanoines. Le promoteur de cette règle, c'est l'archevêque de Reims Gervais qui l'a formulée pour la première fois en 1067[7]. Gervais avait fondé des communautés de chanoines antérieurement à cette date : en 1064, il décide le relèvement de l'église de Saint-Timothée-et-Saint-Apollinaire à Reims et confie cette tâche à l'abbé Hériman. La charte de fondation prouve que nous avons bien affaire ici à une communauté de chanoines[8] : Hériman réunit douze chanoines ; ils sont prébendés ; ils vivent en réguliers (regulariter), mais le mot de règle de saint Augustin n'est pas prononcé. Il l'est au contraire dans la charte de restauration de Saint-Denis de Reims, en 1067[9], ainsi que dans le diplôme de Philippe Ier confirmant les donations de terres et de revenus faites par Gervais à ladite église[10]. A partir de ce moment, la règle se généralise, mais les communautés de chanoines réguliers n'ont pas toutes la même origine, ni le même caractère. Souvent les communautés de chanoines réguliers s'établissent dans des chapitres qui existaient antérieurement et qui ne donnaient pas l'exemple de mœurs pures ; l'évêque force les chanoines à vivre en commun et à mettre en commun leurs biens. Vers 1066, Lietbert, évêque de Cambrai, chasse de l'église de Saint-Aubert les chanoines qui s'acquittaient fort mal du service de cette église, les remplace par des chanoines réguliers, sous la direction d'un abbé, auxquels il donne les autels et les biens de l'ancien chapitre[11]. En 1070, le même Lietbert remplace aussi les chanoines séculiers par des réguliers à l'église du Mont Saint-Eloi, près d'Arras[12]. Ailleurs, ce sont les chanoines eux-mêmes qui prennent l'initiative de leur régularisation : en 1092, quelques chanoines de Saint-Martin de Tours, abandonnant leurs dignités et leurs prébendes, raconte la chronique de Tours[13], s'en vont, la veille de Noël, à l'île de Saint-Cosme et Saint-Damien, pour y vivre suivant la règle canonicale ; d'autres membres du chapitre viennent les rejoindre et il se forme une véritable communauté. Un fait analogue semble s'être produit près d'Ypres, à Vormezelle, où, sous l'épiscopat de Jean, le 25 décembre 1099, les chanoines commencèrent à vivre régulièrement[14]. Si l'on en croit les miracles de saint Raymond, le chapitre de Saint-Sernin, à Toulouse, qui suivait la règle de saint Augustin, aurait une origine identique et aurait commencé par être un chapitre séculier[15]. A Angoulême aussi, en 1095, les chanoines vivaient en commun, comme le prouve une lettre de l'évêque Aimar au pape Urbain II[16]. Dans la plupart des cas que nous venons de citer, il y a eu simplement transformation du chapitre séculier en chapitre régulier. Ailleurs, les chanoines de Saint-Augustin sont appelés à desservir une église par le fondateur ou le patron de cette église ; ces chanoines ayant des vertus sacerdotales supérieures à celles du clergé de l'époque, le fondateur pouvait espérer que le service divin serait mieux assuré par cette communauté que par de simples prêtres séculiers. Telle est la pensée qui semble avoir animé Anne, mère de Philippe Ier, lorsqu'elle fonda l'église de Saint-Vincent de Senlis[17]. On voit par le texte de la charte que la reine mère tient à installer là des hommes tranquilles et religieux, qui serviront Dieu, renonceront au monde, en menant la vie du chanoine régulier suivant la règle de saint Augustin, et qui, enfin, prieront jour et nuit pour le salut des âmes du roi Henri Ier, de ses fils et de ses amis et pour le sien propre[18]. Aussi leur fait-elle, pour leur permettre de vivre, plusieurs concessions que confirme le roi Philippe Ier. A Saint-Emilion, la fondation d'une communauté de chanoines réguliers semble avoir été due à des circonstances analogues. Dans une lettre au pape Urbain II, ces chanoines disent avoir été établis par l'archevêque de Bordeaux, Gozlin (1059-1088), à la demande du vicomte de Castillon, Olivier, qui leur avait donné l'église[19]. Jusqu'ici les communautés de chanoines réguliers n'empruntent aux moines que la vie en commun ; ils continuent à desservir des églises paroissiales ; ils conservent les fonctions du clergé séculier. Parfois, au contraire, ces communautés ressemblent à de véritables abbayes. Un diplôme de Philippe Ier pour Saint-Pierre de Cassel (1085) y signale une abbaye de chanoines (abbatiam quamdam canonicorum), fondée en ce lieu par Robert le Frison[20]. Dans la vie du bienheureux Giraud de Salles, on voit que le saint va prendre au monastère de Saint-Avit l'habit du chanoine régulier et qu'on observait à ce monastère la règle de saint Augustin[21] ; cela se passait sans doute à la fin du XIe siècle, car il est dit ensuite[22] que Giraud prêcha, plus tard, sous le pontificat de Pierre, évêque de Poitiers (1087-1115). C'est aussi un monastère du genre de Saint-Avit qu'aurait fondé, suivant Berthold de Reichenau, Lutolf, doyen de l'Eglise de Toul, dans le voisinage de cette ville : il réunit, dit le chroniqueur, des clercs qui firent vœu de vivre selon la règle de saint Augustin. Urbain II confirma cette règle et laissa aux chanoines la liberté d'élire leur abbé[23]. Parfois enfin c'est un monastère qui se transforme en collégiale de chanoines réguliers : c'est le cas de la Trinité de Vendôme[24] et de Saint-Jean-en-Vallée, près de Chartres[25]. Ainsi les communautés de chanoines réguliers ne présentent pas partout le même caractère[26] ; elles se rapprochent plus ou moins de l'abbaye. Ce qui les différencie toutes de celle-ci, c'est la façon dont sont réglés leurs rapports avec l'épiscopat. Tandis que les abbayes, comme nous le verrons plus loin, tendent de plus en plus à relever exclusivement de Rome, les chanoines de Saint-Augustin restent sous l'autorité de l'évêque. Telle était la conception de leur fondateur Gervais, archevêque de Reims. Dans la charte par laquelle il relève l'église de Saint-Timothée-et-Saint-Apollinaire et y institue des chanoines réguliers, il définit ainsi leur situation : ils seront exemptés de toute exaction de la part des archidiacres et des archiprêtres ; ils seront sous la domination de l'abbé de Saint-Rémi auquel appartenait l'église, mais ils seront cependant, tout en étant soumis à l'abbé comme les moines de Saint-Rémi, sous la juridiction de l'archevêque de Reims[27]. C'était là une situation un peu spéciale ; un diplôme de Philippe Ier pour l'église Saint-Jean-au-Mont à Soissons, où étaient établis des chanoines réguliers, est plus explicite : les chanoines éliront un prélat (prelatum) appartenant à la même règle qu'eux ; quand celui-ci aura réuni l'assentiment de toute la communauté, on ira le présenter à l'évêque et il aura désormais le gouvernement de celle-ci. En outre, le prêtre cardinal de ce lieu devra rendre des comptes à l'évêque et à l'archidiacre au sujet des affaires de la paroisse[28]. Ainsi liberté d'élection, avec confirmation de l'évêque, mais droit absolu de l'évêque de contrôler les rapports des chanoines de la collégiale de Saint-Jean avec leurs paroissiens, tels sont les deux traits essentiels de la constitution de la communauté suivant la règle de saint Augustin. Elle reste donc, comme tous les prêtres séculiers dont les chanoines exercent les fonctions, sous la juridiction épiscopale et ne prétend pas s'en affranchir. Cette subordination des chanoines à l'évêque amena parfois des conflits qui se terminèrent par l'intervention de Rome. C'est ainsi qu'à Toulouse les chanoines réguliers de Saint-Sernin eurent des difficultés avec l'évêque Isam et son chapitre pour une question de juridiction ; ils s'adressèrent au pape Grégoire VII qui leur donna gain de cause et pria le comte et l'évêque de Toulouse de ne pas les inquiéter. Isam ne tint pas compte des avertissements du Saint-Siège ; d'accord avec le comte de Toulouse, il céda l'église de Saint-Sernin à l'abbé de Moissac pour y établir des religieux sous réserve de certains droits. L'abbé de Moissac, Hunaud, accepta cette proposition, mais les chanoines de Saint-Sernin l'accueillirent fort mal. Le comte les chassa de l'église. Ils se réfugièrent auprès de l'évêque de Cahors qui leur donna asile dans son palais épiscopal, puis intervint avec succès auprès du comte de Toulouse. Le 23 juillet 1083, les chanoines reprirent possession de leur église et le comte s'engagea par serment et devenir le protecteur des chanoines[29]. Les conflits avec l'épiscopat sont rares ; d'autres, plus fréquents, ont lieu avec le clergé régulier qui voyait naturellement d'un mauvais œil les chanoines de Saint-Augustin, dans une certaine mesure concurrents et rivaux des moines. Un des plus curieux conflits de ce genre est celui qui éclata entre les chanoines réguliers de Saint-Emilion et les moines de Nanteuil. Nous en avons l'écho par une lettre des chanoines au pape Urbain II (1097)[30]. Un moine de Nanteuil, parent du vicomte Olivier, était venu exiger d'eux leur église et une somme de deux mille sous ; Pierre, frère et successeur du vicomte, avait ensuite pillé l'abbaye ; il avait été excommunié par le métropolitain ainsi que les moines de Nanteuil. Le vicomte et les moines allèrent se plaindre à l'archevêque de Bordeaux qui jugea que les moines ne pouvaient posséder l'abbaye de Saint-Emilion. Les chanoines en reprirent aussitôt possession, mais, tandis que l'un des leurs allait en voyage à Saint-Denis, les moines de Nanteuil le saisirent, le jetèrent en prison et lui extorquèrent six cents sous. L'archevêque de Bordeaux saisit de l'affaire le concile de Saintes qui ordonna la restitution de tout ce que les moines avaient pris aux chanoines. Un différend du même genre fut soulevé vers 1102 en Lorraine, entre les chanoines réguliers de Chaumousey et les religieuses de Remiremont, au sujet d'un autel que l'évêque de Toul avait concédé aux chanoines -et dont celles-ci entreprirent de leur contester la possession. Il fallut l'intervention du pape Pascal II et du roi des Romains Henri pour terminer l'affaire[31]. La papauté n'a d'ailleurs pas été défavorable à l'institution des chanoines réguliers ; elle ne pouvait l'être, car, ainsi que nous le faisions remarquer au début, cette institution était un remède au désordre des mœurs cléricales contre lequel le Saint-Siège luttait avec acharnement. Urbain II notamment a favorisé le développement de la règle de saint Augustin dont la grande extension, bien que commencée avant lui, date surtout de son pontificat. Au cours de son voyage en France, il a confirmé la discipline, les possessions et les privilèges de plusieurs communautés de chanoines réguliers, le 23 août 1095 à Cahors[32], le 15 septembre à Avignon[33]. Entre 1096 et 1099, il confirme la possession de plusieurs terres à l'abbaye de Saint-Quentin de Beauvais[34]. On le voit aussi prier Roger, abbé de Soissons, de mettre à la tête des églises paroissiales des clercs relevant du monastère des chanoines réguliers[35] ou encore rappeler la règle et la discipline qu'elle comportait à des chanoines qui l'oubliaient[36]. Urbain II a donc saisi l'utilité réelle de ces chanoines ; il a vu qu'ils ne faisaient pas concurrence aux abbayes, mais que leur but était différent, puisqu'en exerçant le ministère pastoral ils restaient mêlés au siècle et pouvaient exercer un fructueux apostolat. Pascal II suit l'exemple de son prédécesseur ; il confirme la régularisation des chanoines de Limoges[37], Châlons[38], Cahors[39], Saint-Sernin de Toulouse[40]. Quelle était enfin la situation des chanoines réguliers vis-à-vis du pouvoir laïque ? On voit par un diplôme de Philippe Ier (1092) que les chanoines réguliers, établis par Guillaume, aïeul de Robert de Bellême, dans l'église de Saint-Léonard, étaient libres de toute redevance envers le pouvoir laïque[41]. Le diplôme du roi est confirmé par une lettre écrite en 1096 par Yves de Chartres au comte du palais Etienne[42] : Yves rappelle que tout pouvoir séculier ne peut pénétrer dans le cloître des chanoines ; les droits royaux comme les ordonnances épiscopales l'ont toujours interdit. Il semble bien que les communautés de chanoines aient bénéficié de l'immunité que nous verrons s'étendre à tant d'abbayes. C'est sans doute une des raisons qui favorisèrent ce développement intense de la vie claustrale pour des prêtres séculiers ; c'est un des grands faits de l'histoire religieuse de la seconde moitié du XIe siècle. L'apparition des chanoines de Saint-Augustin n'est d'ailleurs qu'un des aspects du développement de la vie monastique à la fin du XIe siècle : les anciens ordres, comme Cluny, continuent à s'étendre ; des ordres nouveaux se créent comme Grandmont, Molesme, Cîteaux, la Chartreuse, Fontevrault ; de saints ermites se retirent au fond des bois et des montagnes afin de pouvoir y mener une vie plus austère. A la fin du XIe siècle, l'abbaye de Cluny a des domaines très étendus ; on peut dire qu'elle possède des terres un peu partout en France. Cela tient à ce que les donations ont afflué de tous côtés pendant la fin du XIe siècle. Il est impossible d'en dresser ici la liste complète, mais, pour en donner une idée, citons quelques-unes de celles qui ont été faites pendant les premières années du règne de Philippe Ier : vers 1060, un certain Gerbert de la Ferté-Chaudun donne à Cluny, d'accord avec un de ses cousins et un de ses fidèles, la portion qu'il possédait de l'église de Saint-Pierre, sise dans le pagus de Nevers[43]. Entre 1061 et 1073, un comte Guérin cède à Cluny sa part dans l'église de Sainte-Marguerite de Margerie, au diocèse de Troyes[44] ; plus tard, Guérin donne quelques alleux aux moines de Montierender pour qu'ils abandonnent à Cluny les droits qu'ils avaient sur l'église de Margerie[45]. En 1062, Hunaud, vicomte de Brullois, donne à Cluny une série d'églises en Agenais[46]. Le 14 février 1063, à Avignon, Bérenger cède à Cluny l'église de la Sainte-Trinité sise à Pont-de-Sorgues[47]. On pourrait multiplier les exemples ; ceux que nous avons cités prouvent que l'on faisait des donations à Cluny dans toutes les parties de la France ; il suffit de parcourir le recueil des chartes de Cluny pour s'en convaincre plus complètement. Non contente d'étendre ses domaines, l'abbaye maintient jalousement les privilèges que lui ont accordés précédemment les papes. Ces privilèges ont été solennellement rappelés au concile de Chalon-sur-Saône (1063), en présence du légat pontifical Pierre Damien, à la suite d'un démêlé avec l'évêque de Mâcon. Le monastère de Cluny, depuis sa fondation, a toujours joui d'une liberté telle que, à l'exception du pape, il n'est soumis à aucune personne ecclésiastique ou séculière[48]. Ces privilèges furent confirmés par Alexandre II le 10 mai 1063[49]. Depuis, la papauté ne cesse de protéger Cluny qu'elle met au service de la cause de la réforme. Nul pape n'affirma plus hautement sa sympathie pour Cluny qu'Urbain II, pape français, qui, parla même, se rendait compte de l'influence heureuse que l'abbaye avait exercée pendant la première moitié du XIe siècle. Dès son élévation au pontificat, il confirma toutes les possessions et tous les privilèges du monastère ; il concéda à l'abbé Hugues l'usage de la mitre, de la dalmatique, des gants et des sandales[50]. La confirmation fut renouvelée à Plaisance le 16 mars 1095[51]. Cette même année, Urbain II, au cours de son voyage en France, visita Cluny et y consacra l'autel principal ; dans le sermon qu'il fit à cette occasion, il eut soin de rappeler que Cluny dépendait uniquement du Saint-Siège et déclara que de toutes les raisons qui l'avaient déterminé à venir en Gaule, la principale avait été son désir d'honorer l'abbaye de sa présence et de lui prouver ainsi qu'il lui prêterait sans compter son concours toutes les fois qu'elle pourrait en avoir besoin[52]. Ce voyage eut en effet pour résultat de resserrer encore les liens déjà très étroits qui unissaient Cluny au Saint-Siège, car, peu de temps après, le 5 décembre 1095, dans une bulle adressée à l'abbé Hugues[53], Urbain II, après avoir rappelé les faveurs des papes pour Cluny, proclamait qu'il était interdit à tout évêque de chercher querelle aux moines pour les autels, églises et dîmes qu'ils avaient possédées avant les interdictions pontificales sous Grégoire VII ou qu'ils avaient acquises depuis par concession de certains évêques ; il leur permettait de les conserver à l'avenir ainsi que les dîmes perçues par des laïques qu'ils pourraient arracher à ceux-ci. Pascal II, dès le début de son pontificat, renouvela les privilèges de Cluny par une bulle du 15 novembre 1100[54]. Il fit suivre cette confirmation d'une lettre solennelle aux archevêques et évêques de France[55] pour leur rappeler que le monastère de Cluny avait été, dès ses origines, offert au Saint-Siège ; de saints évêques et d'illustres princes, poussés par une vive piété, l'avaient ensuite enrichi par de nombreux dons et de nombreuses terres ; les papes, le conservant comme la prunelle de leurs yeux, lui avaient accordé des privilèges et avaient abandonné aux moines plusieurs domaines qui leur appartenaient ; Cluny avait élevé de nouvelles abbayes, avait rétabli dans d'autres la discipline ecclésiastique. En conséquence, Pascal invitait les évêques à respecter les privilèges de tant de pontifes si illustres, à chérir, à protéger, à favoriser les moines afin qu'ils pussent accomplir en toute tranquillité le service du Seigneur. Les évêques n'ont pas toujours tenu un compte rigoureux des ordres pontificaux ; ils eurent parfois avec Cluny des conflits de juridiction, en particulier l'évêque de Mâcon dans le diocèse duquel se trouvait Cluny. En 1063, l'évêque de Mâcon, Dreux, essaya d'étendre son pouvoir (jus potestatis) sur l'abbaye ; les moines refusèrent de l'accepter. L'évêque réussit à s'avancer avec une troupe armée jusqu'à la basilique de Saint-Mayeul, mais il se heurta à une vive résistance et ne put y pénétrer. Hugues, abbé de Cluny, alla se plaindre à Rome, et le pape Alexandre II envoya le légat Pierre Damien, évêque d'Ostie, en France pour régler le différend. Pierre Damien réunit à Chalon-sur-Saône un concile où fut lu l'acte de fondation de Guillaume par lequel il ne laissait sur Cluny aucun droit (jus) ni aucune souveraineté (dominium) à personne, sauf au pontife romain ; on lut également les privilèges des papes ; le concile fut d'avis de les maintenir et débouta l'évêque de Mâcon de ses prétentions[56]. En 1078, Pierre, évêque d'Albano, eut à terminer, au concile de Saint-Bernard-de-Tarentaise, un débat du même genre. L'archevêque de Vienne, Warmond, revenant de Rome, était allé à Cluny pour y porter certaines instructions de Grégoire VII ; il y avait ordonné quelques moines, selon le privilège du Saint-Siège. A son retour, les chanoines de Mâcon l'attirèrent dans une embuscade, le maltraitèrent, lui enlevèrent son bâton pastoral ; il dut bon gré mal gré retourner à Cluny et demanda aussitôt justice à l'évêque de Maçon ; l'évêque ne bougea pas et l'archevêque de Vienne porta l'affaire devant le concile. Pierre d'Albano donna lecture du privilège de Grégoire VII pour Cluny, ce qui tranchait la question en faveur de l'archevêque et des moines. En outre, Hugues, abbé de Cluny, accusa l'évêque de Mâcon de jeter l'interdit sur les chapelles du monastère. L'évêque fut suspendu. Aussitôt les chanoines de Mâcon protestèrent et menacèrent ; ils furent à leur tour séparés de la communion et tous ceux que l'évêque avait excommuniés furent absous. L'archevêque de Lyon Gebuin fut également prié de lever un certain nombre d'excommunications dirigées contre Cluny, et le concile décréta que ses excommunications seraient désormais vaines si elles n'étaient justifiées[57]. L'évêque de Mâcon ne se tint pas pour battu. Dans une bulle du 14 avril 1079[58], Grégoire VII fait savoir à Hugues, abbé de Cluny, que Landri, évêque de Mâcon, était venu à Rome pour se plaindre de ce que l'abbé s'était arrogé certains droits de son église que ses prédécesseurs, même s'ils étaient simoniaques, avaient librement exercés. Il n'y avait donc pas de raisons pour que Landri en fût privé. Toutefois, si Hugues avait des raisons de ne pas rendre ce que réclamait l'évêque, l'affaire serait portée devant Hugues de Die qui la jugerait. Malgré cet essai de conciliation tenté par Grégoire VII, les rapports continuèrent à être tendus entre l'évêque et l'abbé et, vers 1081, le pape dut de nouveau intervenir. L'évêque d'Albano, légat pontifical, avait demandé à Landri de confirmer les privilèges de Cluny ; Landri avait refusé. Aussi Grégoire VII pria-t-il l'évêque de Mâcon de donner rendez-vous à quelques moines de Cluny dans un lieu situé entre Mâcon et Cluny et de confirmer en leur présence lesdits privilèges ; sinon il il ne souffrirait pas qu'il conservât plus longtemps le siège qui lui était confié. Landri devrait désormais rester en bons termes avec Cluny et en référer à Hugues de Die toutes les fois qu'il y aurait conflit[59]. Ces conflits semblent avoir été plus rares dans la suite. Cependant, en 1089, Urbain II dut rappeler à l'abbé de Cluny qu'il devait respecter, en ce qui concernait la liberté des dépendances de l'abbaye, les droits que les évêques pourraient avoir eus jusqu'alors sur elles[60]. Sous Pascal II, il y eut encore un différend entre les moines de Cluny et Norgand, évêque d'Autun, au sujet de certaines églises, mais le légat Milon de Préneste rendit en 1103 un jugement qui mit d'accord les deux parties[61]. Avec le pouvoir laïque, représenté par le duc de Bourgogne, les rapports ont été alternativement bons et mauvais. Hugues Ier entretint d'excellentes relations avec Cluny et finit même par y entrer, sur les instances de l'abbé Hugues. Le pape Grégoire VII critiqua vivement cette décision : dans une bulle du 2 janvier 1079[62], il reprocha à l'abbé de Cluny d'avoir, en faisant entrer le duc au monastère, privé cent mille chrétiens de leur défenseur. Au contraire, en 1097, la situation avec le successeur de Hugues, Eudes Ier, était plus tendue, car Urbain II priait Hugues de Die de s'occuper avec zèle et énergie des intérêts de Cluny, de prêter main forte à l'abbé qui lui demandait son appui contre le duc de Bourgogne et Aimon de Bourbon avec lesquels il avait de graves difficultés[63]. Mais ces difficultés ne furent que passagères et on peut dire que l'abbaye put prospérer tranquillement, protégée par la papauté, libre vis-à-vis des évêques, vivant en paix avec le duc de Bourgogne. Hugues a attaché son nom à la fondation de nombreux monastères. Une notice anonyme qui lui est consacrée affirme qu'il a renouvelé Cluny, augmenté le nombre des moines tant à l'intérieur qu'au dehors plus qu'aucun de ses prédécesseurs, qu'il a fait de grandes constructions dans les diverses abbayes et qu'il a donné à Cluny de nouvelles filiales. La notice énumère les nouveaux monastères créés, restaurés, ou affiliés par Hugues : Saint-Martial de Limoges, Saint-Germain d'Auxerre, Saint-Austremoine en Auvergne, Sainte-Madeleine de Vézelay, Saint-Jean de Poitiers, Saint-Bertin, La Charité fondée par un moine du nom de Géraud. A Paris il a transformé l'église de Saint-Martin-des-Champs, jusqu'alors desservie par des chanoines, en une abbaye. En somme partout, en France, en Aquitaine, en Bourgogne, il a donné une vive impulsion à la vie monastique[64]. Parmi ces fondations, la plus curieuse est sans contredit celle de Saint-Martial de Limoges. Nous voyons par une relation du voyage en Gaule de Pierre Damien (1063)[65] que l'abbé de Cluny avait récemment revendiqué le monastère de Saint-Martial. Geoffroy, prieur du Vigeois, ajoute quelques détails au sujet de cette mainmise de Hugues sur l'abbaye : les moines de Cluny, dit-il, envahirent le monastère de Saint-Martial, le 5 août 1063, grâce à une ruse d'Aimar, fils de Guy, vicomte de Limoges. La discipline du monastère fut ensuite réformée sous le gouvernement de l'abbé Aimar qui appartenait à une famille de chevaliers de Limoges[66]. Le 29 mai 1102, une bulle de Pascal II soumit définitivement le monastère de Saint-Martial à l'abbaye de Cluny[67]. Une bulle d'Urbain II (1099)[68] donne quelques détails sur la façon dont l'abbaye de Saint-Bertin fut rattachée à Cluny. C'est la comtesse de Flandre, Clémence, qui demanda au pape de confier ce monastère aux abbés de Cluny, et le pape le lui accorda volontiers. Il en fut de même pour Saint-Germain d'Auxerre : c'est à la prière du comte Etienne et de sa femme que, probablement entre 1097 et 1099, Urbain II plaça cette abbaye sous la dépendance de Hugues de Cluny, avec l'assentiment de l'évêque d'Auxerre et des moines de Saint-Germain eux-mêmes, afin que Hugues y fît régner la règle de Cluny[69]. Dans quelle mesure ces divers monastères étaient-ils sous la dépendance de l'abbé de Cluny ? Il semble qu'à la fin du XIe siècle son autorité ait été encore très forte. A Saint-Martial de Limoges, il nomme lui-même les abbés ; ce droit lui fut confirmé par une bulle d'Urbain II (12 avril 1096)[70]. A Saint-Bertin, la bulle d'Urbain II, qui rattache le monastère à Cluny[71], lui confère aussi ce pouvoir dans la plupart des cas, semble-t-il ; il peut même déposer l'abbé s'il le juge nécessaire pour la discipline du monastère, en respectant toutefois les droits de l'évêque du diocèse, afin qu'il n'apporte pas d'obstacle aux réformes qui pourront être faites. A Vézelay, les limites entre les pouvoirs de l'évêque d'Autun et ceux de l'abbé de Cluny furent nettement délimités en 1103 ; l'évêque ne pourrait exiger de l'abbé de Vézelay la profession ni l'obéissance en aucun cas ; en revanche les moines de Vézelay recevront de lui les saints ordres, si toutefois l'évêque a été ordonné conformément aux règles canoniques. S'il refuse de les leur conférer, ils pourront l'être par un autre évêque canoniquement ordonné[72]. Ainsi les monastères sont étroitement rattachés à l'abbaye de Cluny. Le résultat, ce fut une intervention constante de l'abbé de Cluny qui ne fut pas sans provoquer parfois une certaine résistance. En 1101, Lambert, abbé de Saint-Bertin, se sentant gravement malade et ayant à se reprocher d'avoir laissé la discipline se relâcher dans son monastère, interdit aux moines de rien posséder. Cette mesure souleva de vives réclamations. Entre temps, l'abbé se rétablit ; il partit pour Rome avec l'évêque de Térouanne, mais s'arrêta à Cluny, tandis que l'évêque continuait son voyage. L'évêque revint seul à Térouanne. On réclama l'abbé qui se décida enfin à revenir aussi, mais les moines refusèrent aussitôt de lui obéir, si bien qu'il dut disperser les rebelles dans diverses églises et les remplacer par d'autres moines venus de Cluny. C'est donc par une intervention de Cluny que se termina ce débat[73]. A Saint-Cyprien de Poitiers, l'abbé de Cluny put montrer aussi sa puissance, mais dans des conditions un peu différentes. Les moines de Cluny prétendaient que cette abbaye devait leur être soumise ; l'abbé de Saint-Cyprien prétendait au contraire rester indépendant. Les moines allèrent trouver le pape Pascal II et lui demandèrent d'interdire l'abbé de Saint-Cyprien et son église s'il ne reconnaissait sa dépendance vis-à-vis de Cluny[74]. Pascal II donna raison à Cluny, et, par une bulle qui remonte à 1101[75], il rappela à Pierre, évêque de Poitiers, que le monastère de Saint-Cyprien avait été remis par le Saint-Siège à Cluny ; par conséquent, en consacrant l'abbé, Pierre avait porté atteinte aux privilèges du Saint-Siège et l'abbé ainsi ordonné devait être suspendu de ses fonctions jusqu'à ce qu'il eût donné satisfaction à l'abbé de Cluny et placé son église sous la juridiction de celui-ci. Telle est la puissance de Cluny à la fin du XIe siècle. Au point de vue matériel, l'abbaye est plus forte que jamais. Ya-t-il déjà décadence de l'esprit monastique ? Evidemment on peut en relever quelques symptômes : nous venons de voir qu'à l'abbaye de Saint-Bertin la discipline s'était singulièrement relâchée et que les moines n'y étaient point irréprochables. Toutefois la papauté, qui poursuit la réforme de l'Eglise, n'aurait pas accordé à Cluny une confiance aussi aveugle si la richesse de l'abbaye avait déjà porté les mauvais fruits dont elle périra plus tard. C'est encore à Cluny que les papes adressent les abbayes qui n'observent plus les rigueurs monastiques : le 23 mai 1096, Urbain II écrit à l'abbé Hugues pour lui signaler les désordres de l'abbaye de Beaulieu où les moines, avec l'appui séculier, avaient expulsé leur abbé et bravé l'excommunication dont les avait frappés l'archevêque de Bourges ; c'est à Hugues et aux moines de Cluny que le pape confie le soin de rétablir dans cette abbaye la discipline primitive[76]. Il ne faut donc pas exagérer la décadence de Cluny ni croire que l'illustre abbaye, sous le gouvernement de Hugues, se relâche de sa discipline, sous prétexte qu'il y a, pendant la seconde moitié du XIe siècle, une véritable efflorescence d'ordres nouveaux qui s'épanouissent à côté des anciens. En face des désordres de l'Eglise séculière, beaucoup d'âmes, éprises d'idéal religieux, sont poussées vers la vie monastique qui leur paraît plus conforme à cet idéal. De ces ordres nouveaux le plus important sans contredit est celui de Cîteaux dont l'origine première fut la fondation, en 1074, de l'abbaye de Molesme par l'abbé Robert[77]. Voici comment Orderic Vital raconte les débuts de Molesme[78] : Robert, épris de vie religieuse, réunit à Molesme des disciples d'une grande piété et les fit vivre conformément à la règle que l'on suivait en général dans les monastères. Après avoir étudié à fond la règle de saint Benoît, il leur fit remarquer qu'ils ne l'observaient pas encore suffisamment, qu'ils devaient se procurer par leur propre travail la nourriture et le vêtement, abandonner aux clercs séculiers les dîmes et les offrandes. Les moines prétendirent qu'il exagérait : en un temps où régnait la paix, il n'était pas nécessaire de vivre comme les martyrs au temps des persécutions. Robert reprit : Je vous invite simplement à revenir à l'esprit primitif de la règle de saint Benoît ; je crains que Dieu ne nous demande raison de son inobservance parmi nous. Les moines protestèrent encore ; ils firent remarquer que la nourriture et le vêtement ne pouvaient être les mêmes dans tous les pays, qu'ils pouvaient être moindres dans les pays chauds que dans les pays froids. Malgré ces constantes représentations, Robert resta opiniâtre dans ses desseins et finalement forma le projet de se retirer avec douze moines qui partageaient sa manière de voir. Pendant longtemps, il chercha où il pourrait fonder cette abbaye modèle qui appliquerait à la lettre la règle de saint Benoît. Enfin Eudes, fils de Henri, duc de Bourgogne, lui offrit Cîteaux dans l'évêché de Chalon. Robert y habita quelque temps en ermite, puis commença à y construire un monastère. Sigebert de Gembloux confirme le récit d'Orderic Vital[79]. Il est encore plus formel sur les causes qui déterminèrent Robert et quelques autres moines (vingt et un, selon lui) à quitter Molesme ; l'abbaye était trop riche, et ces âmes très religieuses préférèrent songer aux choses du ciel plutôt qu'à celles de la terre. Sigebert insiste également sur les difficultés que rencontrèrent les moines de Molesme avant de trouver Cîteaux ; c'est seulement grâce à l'appui de Hugues, archevêque de Lyon et légat du Saint-Siège, de Gautier, évêque de Châlon, et du duc Eudes que Robert put, en 1098[80], jeter les premiers fondements de son abbaye et recevoir le bâton pastoral des mains de l'évêque de Chalon. La correspondance de Hugues de Die et un opuscule anonyme sur les origines de l'ordre de Cîteaux permettent de préciser certains détails. L'archevêque de Lyon a nettement approuvé la décision prise par Robert de quitter Molesme ainsi que les motifs qui l'avaient inspirée. Dans une lettre qu'il adressa à l'abbé à la fin de l'année 1097 ou au début de 1098[81], Hugues le félicita ainsi que ses compagnons de vouloir pratiquer plus strictement la règle de saint Benoît pour laquelle à Molesme on ne montrait que tiédeur et négligence, et d'aller chercher une retraite que la Providence ne manquerait pas de leur faire connaître. C'est seulement après avoir reçu cette approbation du légat pontifical que Robert se mit à l'œuvre et 'qu'il retourna à Molesme chercher les vingt et un moines qui lui paraissaient susceptibles d'embrasser cette vie austère[82]. Cette intervention du légat pontifical est notable, car elle prouve que la papauté, protectrice de Cluny, ne décourage pas ceux qui s'en séparent pour mener la vie érémitique ; elle considère qu'il y a place pour les uns et les autres, pur les riches abbayes clunisiennes comme pour les monastères qui ne veulent rien posséder. C'est que ceux-ci comme celles-là peuvent contribuer à la grande œuvre de réforme qui constitue l'unique programme de la papauté. A peine installé dans ce lieu, couvert de bois, inaccessible aux hommes et habité par les seules bêtes fauves, Robert dut donner une preuve de son esprit d'abnégation et de sacrifice en retournant à Molesme. Les moines de Molesme, à la prière de leur nouvel abbé, Geoffroy, -avaient adressé une délégation à Rome pour demander au pape Urbain II de leur renvoyer leur abbé[83]. Celui-ci, fatigué de leurs importunités, finit, de guerre lasse, par y consentir et manda à l'archevêque de Lyon de faire retourner Robert à Molesme, tout en laissant ses compagnons mener leur vie érémitique (avril 1099)[84]. Les moines, à leur retour de Rome, durent passer à Lyon, car Hugues, dans une lettre à Robert, évêque de Langres[85], rapporte une entrevue qu'il eut avec eux, au cours de laquelle ils s'efforcèrent de l'attendrir sur les maux qui avaient suivi le départ de Robert et lui déclarèrent que le retour de celui-ci pourrait seul ramener la paix et la tranquillité au monastère. Le nouvel abbé Geoffroy était venu joindre ses supplications à celles des moines, et l'évêque de Langres en avait fait autant. Aussi Hugues, après avoir relu la bulle pontificale et pris l'avis de nombreux évêques venus au concile d'Anse, se décida-t-il à donner l'ordre à Robert de rendre le bâton abbatial à l'évêque de Chalon et de retourner à Molesme. Ceux qui l'avaient accompagné pourraient, à leur choix, ou retourner avec lui à Molesme ou rester à Cîteaux. Robert se conforma à l'invitation du pape et de son légat : Gautier, évêque de Chalon, le releva de ses fonctions d'abbé de Cîteaux et il retourna aussitôt à Molesme, accompagné de quelques moines qui étaient fatigués de la vie érémitique[86]. C'est à Molesme qu'il termina ses jours[87], mais l'impulsion était donnée, et, malgré son départ, Cîteaux allait grandir et devenir la rivale de l'abbaye de Cluny avec laquelle elle forme un violent contraste. Les moines de Cîteaux, privés de leur pasteur, procédèrent à une élection régulière et nommèrent abbé le moine Aubri, très attaché à la règle ; il avait exercé à Molesme, puis à Cîteaux, les fonctions de prieur ; il avait longtemps essayé d'attirer à Cîteaux les moines de Molesme, et pour cela avait dû subir beaucoup d'opprobres, jusqu'à la prison et au fouet. Aubri a continué l'œuvre de Robert de Molesme et complété l'organisation de l'abbaye cistercienne en la rattachant plus directement au Saint-Siège. Jusqu'ici elle était restée sous la dépendance .de l'évêque de Chalon ; Aubri envoya deux moines à Rome afin de demander au pape Pascal II de prendre l'abbaye sous sa protection et d'en interdire l'accès à toute personne ecclésiastique et laïque. Ceux-ci, par déférence, allèrent tout d'abord demander l'approbation des cardinaux Jean et Benoît, alors légats du pape, puis de Gautier, évêque de Chalon[88]. Ni d'un côté ni de l'autre ils ne rencontrèrent de résistance. Jean et Benoît donnèrent leur assentiment[89] après avoir pris l'avis de l'archevêque de Lyon, Hugues de Die, qui voyait là un moyen de faire cesser les vexations que certains moines de Molesme infligeaient aux Cisterciens[90]. Gautier, évêque de Chalon, ne vit lui aussi aucun inconvénient à ce que l'abbaye devînt libre, sauf le respect canonique que les moines conserveraient envers lui et ses successeurs[91]. Pascal II envoya aussitôt un privilège de liberté, le 19 octobre 1100[92]. Ainsi, à la fin du XIe siècle, le nouvel ordre est constitué ; au XIIe siècle, Cîteaux créera des filiales dont l'une, Clairvaux, brillera d'un vif éclat avec saint Bernard. On connaît par Orderic Vital[93] la sévérité de la règle de Cîteaux au moment où l'abbaye fut fondée. Il est interdit de porter des vêtements fourrés, de manger de la viande ; les moines jeûnent tous les jours, sauf le dimanche, depuis le 14 septembre jusqu'à Pâques. La règle comporte l'étude, mais surtout l'obligation du travail manuel ; les moines se procurent eux-mêmes nourriture et vêtement. On n'admet jamais à Cîteaux aucun moine d'une autre abbaye. Personne ne peut assister à la messe ni à tout autre service divin. Tels sont les grands traits de la règle que précisera saint Bernard. C'est la vie érémitique, avec une application rigoureuse de la règle de saint Benoît. Comme Cîteaux elle-même, les filiales se fonderont loin des villes, au milieu des bois, de façon à éviter tout commerce avec le siècle et par là toute tentation de richesse, de cette richesse que Cluny admet et que Cîteaux proscrit. La fondation de Cîteaux par Robert de Molesme est la principale tentative de vie érémitique qui ait été faite au XIe siècle, mais elle n'est pas la seule. Il y en a eu d'autres, même avant elle, qui n'ont pas eu le même retentissement, mais dont il faut pourtant faire une brève mention. En 1074, sur le territoire de Limoges, un homme d'une sainteté remarquable, Etienne de Muret, fonda l'ordre de Grandmont[94]. Il mena en c'lieu une vie d'ermite pendant près de cinquante ans ; il s'associa plusieurs compagnons et vécut avec eux dans la pauvreté. C'est ainsi que naquit cet ordre qui se développa ensuite, après la mort d'Etienne[95]. La fondation de la Sauve-Majeure, également en Aquitaine, se rattache aux mêmes préoccupations. Géraud, qui avait mené pendant quelque temps avec plusieurs compagnons une vie d'ermite, alla trouver, en 1079[96], Guillaume, comte de Poitiers, et lui exposa son dessein de fonder un monastère loin du monde. Celui-ci leur céda le bois de la Sauve-Majeure qui était un alleu, sur lequel personne ne pouvait prétendre exercer aucun droit. Géraud alla ensuite trouver Gozlin, archevêque de Bordeaux, dans le diocèse duquel était situé le nouveau cloître. Grâce à l'intervention du comte, Gozlin donna à Géraud le monastère dont il venait de commencer la construction en toute liberté et promit que jamais ni l'archevêque, ni l'archidiacre, ni l'archiprêtre, ni aucune autre personne ne pourrait exercer sur lui aucun droit. Il promit aussi que l'archevêque n'interviendrait pas sauf pour consacrer les églises, conférer les saints ordres ou le saint chrême quand il serait nécessaire. Ce décret fut confirmé au concile de Bordeaux (1080), en présence de Guillaume, duc d'Aquitaine, et des deux légats pontificaux, Amat d'Oloron et Hugues de Die. Amat demanda en outre que le monastère fût soumis directement au Saint-Siège, et qu'en échange de cette protection il payât chaque année une redevance de cinq sous[97]. Un troisième ordre est né dans le Poitou : c'est celui de Fontevrault fondé en 1101 par Robert d'Arbrissel[98]. Robert, homme remarquable par son esprit, fut pris d'un ardent désir de fuir le siècle et d'une véritable soif d'âmes. Il parcourait les villages et les châteaux, arrachant à la demeure paternelle les vierges pour un hymen spirituel avec le Christ, ainsi qu'avait fait saint Hilaire[99]. Il fut amené par là à fonder l'abbaye de Fontevrault qui fut à l'origine un monastère de femmes. L'ordre se multiplia ensuite et Fontevrault eut de nombreuses succursales[100]. Enfin il est impossible d'étudier le développement de la vie monastique sous Philippe Ier sans mentionner la fondation, en 1084, de la Grande Chartreuse, bien que cela nous oblige à dépasser un peu les limites du regnum Francorum. On ne peut donc pas dire qu'il y ait décadence de la vie monastique au XIe siècle. Evidemment, dans certaines abbayes, il y a relâchement de la discipline et des mœurs : la Vie de saint Géraud regrette que les moines de Saint-Vincent de Laon songent plus aux intérêts matériels qu'aux choses du ciel[101] ; celle de saint Benoît, abbé de Cluses montre qu'il y avait aussi à Cluses un affaiblissement de la discipline[102]. Dans les monastères de femmes, on peut relever aussi certains désordres : en 1098, Yves de Chartres informe Gautier, évêque de Meaux, qu'il a appris par des moines de Tours et par la comtesse Adèle que les nones du monastère de Sainte-Fare se livraient à la prostitution avec toute espèce d'hommes et conseille fortement, si elles ne voulaient s'amender, de confier cette abbaye à des moines très religieux qui soumettraient ces femmes à une dure discipline et administreraient les biens[103]. A Saint-Eloi de Paris, l'évêque Galon est obligé d'expulser les religieuses pour un motif analogue, les rois Philippe et Louis donnent leur assentiment à cette mesure[104]. On pourrait citer encore quelques cas de ce genre ; ils n'en restent pas moins isolés et ne peuvent empêcher de conclure que le règne de Philippe Ier est marqué par une réelle efflorescence de la vie monastique ; si les mœurs n'ont pas, dans certaines abbayes, conservé leur pureté et leur rigueur primitives, c'est que, comme l'Eglise séculière, l'Eglise régulière s'est trouvée contaminée par le fléau du siècle, la simonie, qui devait fatalement s'étendre des évêchés aux abbayes. Comment donc, pendant la seconde moitié du XIe siècle, l'abbé était-il nommé et quels abus s'étaient glissés dans le mode d'élection ? II De même que l'évêque est élu par le clergé et le peuple de son diocèse, l'abbé est en général élu par les moines. C'est ce qui se passait par exemple à Saint-Benoît-sur-Loire ; en 1080, Philippe Ier garantit aux moines la libre élection de leur abbé[105] ; nul ne songe à contester ce privilège. Les Gestes des abbés de Saint-Bertin donnent quelques détails sur la façon dont on procéda, dans ce monastère, en 1095, à l'élection d'un nouvel abbé : le prieur convoqua le chapitre, puis proposa trois noms et, après une longue discussion, l'un des trois candidats fut élu[106]. Parfois l'abbé est désigné par son prédécesseur. En 1062, à Saint-Amand d'Elnone, l'abbé Marbod, voyant la fin approcher, propose lui-même son successeur, mais il fait ratifier son choix par les moines (communi consilio fratrum)[107] ; le principe de l'élection est sauf. Dans certains monastères qui dépendent d'autres monastères, c'est l'abbé de l'abbaye mère qui nomme l'abbé, au moins s'il y a contestation. Nous avons vu l'abbé de Cluny intervenir et imposer ses choix dans les abbayes relevant de Cluny. Une bulle de Nicolas II (1061) pour l'abbaye de la Trinité de Vendôme[108] fixe ainsi les règles de l'élection abbatiale : à la mort de l'abbé, son successeur sera élu parmi les moines de l'abbaye, si l'on en trouve un parmi eux qui soit digne d'une si importante fonction ; s'il n'y en a pas, les moines pourront élire un moine de Cluny, de Marmoutier ou d'un autre monastère, mais ils devront prendre conseil de trois abbés, les plus religieux qu'ils pourront trouver dans les monastères voisins. Il y a donc une intervention étrangère. De même, vers 1096, Godefroy, seigneur de Vierzon, du consentement d'Arnulf et Humbaud, ses enfants, et avec l'assentiment de l'archevêque de Bourges, concède la supériorité du couvent par lui fondé à Vierzon à l'abbé de Déols ; l'abbé de Déols assistera à l'élection de l'abbé et pourra même en nommer un appartenant à l'abbaye de Déols[109]. C'est une atteinte au principe de la liberté de l'élection. Dans ces élections, l'évêque a-t-il un rôle ? D'après un passage de la Vie de saint Arnoul, il semble que l'évêque assistait à l'élection de l'abbé de Saint-Médard de Soissons, car Arnoul dit aux moines : Convoquez l'évêque et tous les prélats des églises de la ville et nommez rapidement un abbé qui soit agréable à Dieu[110]. Cette présence de l'évêque est exceptionnelle. En général, l'évêque se borne à prier les moines de procéder à l'élection : en 1096, l'abbé de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, Hermuin, mourut à Mauriac, dépendance de l'abbaye. L'archevêque Richer manda auprès de lui plusieurs personnes notables de l'église de Sens, en particulier Daimbert, doyen et archiclave, Helduin archidiacre et les autres archidiacres ainsi que plusieurs laïques notables de la ville de Sens, puis il fit prier les moines de Saint-Pierre-le-Vif d'élire leur abbé et de le lui adresser. Les moines nommèrent le plus humble d'entre eux, Arnaud, et vinrent le présenter à l'archevêque[111]. Ainsi l'archevêque prie les moines de faire l'élection, puis, après la libre élection, reçoit le nouvel abbé que les moines lui présentent ; il a donc connaissance de l'élection, mais il n'intervient pas ou plutôt il n'intervient qu'ensuite pour consacrer le nouvel élu. Il n'est pas toujours nécessaire que l'abbé soit consacré par l'évêque de son diocèse. Le privilège de Nicolas II pour la Trinité de Vendôme stipule que l'abbé pourra être consacré par n'importe quel évêque catholique. En 1081, Jean, abbé de Saint-Bertin, fut consacré par l'évêque de Cambrai et reçut de ses mains le bâton pastoral, alors que normalement c'est l'évêque de Térouanne qui aurait dû procéder à cette investiture, mais cet évêque était absent[112]. Ainsi l'abbé reçoit ses pouvoirs de l'évêque, mais, peu à peu, avec le développement de l'institution de l'exemption, l'évêque va être amené à s'effacer devant le Saint-Siège. Déjà, en 1061, Nicolas II, tout en admettant que l'abbé de la Trinité de Vendôme soit élu parles moines et consacré par l'évêque, réserve les droits de Rome : les moines devront faire au pape un rapport sur l'élection afin qu'il l'annule, si besoin en est, ou qu'il confirme l'abbé, si l'élection et la consécration ont été pleinement canoniques. Le pape s'institue par là juge de la validité des élections. Une bulle de Grégoire VII est très significative à cet égard ; elle est adressée aux moines de Déols le 20 mars 1079[113]. Elle révèle que Gautier, que les moines avaient élu abbé, malgré l'excommunication dont il avait été l'objet, a été déposé par un concile à Rome. Le pape lui interdit d'administrer l'abbaye et, en vertu de son autorité apostolique, il désigne comme abbé Warmond, archevêque de Vienne, et les prie de lui obéir. En outre, comme les moines ont commis par leur désobéissance un délit grave, ils devront se faire représenter à un concile qui va se tenir à Valence et se soumettre aux décisions du légat Hugues de Die. Ainsi trois éléments entrent en jeu dans la nomination d'un abbé : les moines qui élisent librement, l'évêque qui consacre l'élu, le pape qui juge de la validité canonique de l'élection. Enfin, dans bien des cas, il faut encore que le nouvel abbé soit approuvé par le seigneur laïque. Nous avons mentionné plus haut l'élection, en 1062, de Foucaud, abbé de Saint-Amand, désigné par son prédécesseur. Après cette élection, Foucaud fut envoyé à Lille où résidait le comte Baudoin ; il reçut l'abbaye des mains du comte[114]. A Saint-Bertin, il semble que le comte ait donné aussi son approbation à l'élection qui eut lieu en 1095, bien que les Gestes des abbés de Saint-Bertin ne mentionnent pas cet assentiment, mais le passage paraît avoir été mutilé, précisément pour faire disparaître la trace de cette confirmation[115]. Dans le Ponthieu, la comtesse intervient aussi, comme on peut le voir par une lettre de Manassès, archevêque de Reims, à Lambert, évêque d'Arras[116]. L'abbé du monastère de Forest étant mort en 1102, l'abbé de Saint-Riquier et l'archidiacre de l'église d'Amiens informèrent Manassès que les moines avaient élu abbé un certain Robert, moine de Saint-Riquier, et avaient affirmé que son élection avait été canonique et faite à l'unanimité. La comtesse de Ponthieu et ses fidèles avaient également approuvé l'élection et demandé la consécration de l'élu. Manassès, étant loin, s'en rapporte pour la confirmation et la consécration à Lambert. Ainsi Manassès, archevêque de Reims, ne s'élève nullement contre l'approbation du pouvoir laïque, mais il a l'air au contraire de la considérer comme nécessaire pour que l'élection soit canoniquement valable. Un diplôme de Philippe Ier, confirmant en 1084 les donations faites par Anseau de Ribemont au monastère de Saint-Nicolas, qu'il avait fondé près de Ribemont, est encore plus explicite à cet égard : quand l'abbé de Saint-Nicolas viendra à mourir ou si, pour quelque autre cause, le monastère se trouve sans abbé, les moines éliront un nouvel abbé qu'ils prendront parmi eux ou qu'ils iront chercher dans une autre abbaye ; cet abbé devra être élu avec l'assentiment de tout le chapitre et avec celui d'Anseau ou de son héritier ; on le conduira ensuite à la consécration et alors seulement il aura la charge du monastère[117]. Le consentement du seigneur est donc nécessaire et on le demande avant la consécration. Cette intrusion de l'élément laïque devait fatalement provoquer des abus et la simonie se glissa dans les élections abbatiales comme dans les élections épiscopales. Les exemples sont peut-être moins nombreux parce que les abbés disposaient de moins d'influence que les évêques et parce que les papes furent plus intransigeants que pour les séculiers, la vie religieuse pouvant en souffrir davantage. Sous le pontificat d'Alexandre II, un des cas de simonie les plus remarquables fut celui de Renaud, abbé de Saint-Médard de Reims : Pierre, évêque d'Ostie, légat du pape, puis Gervais, archevêque de Reims, l'avaient prié de se démettre de sa charge ; il refusa ; en 1064, Alexandre II, par une bulle adressée à Gervais, prononça l'anathème contre lui et jeta l'interdit sur le monastère tant que cet abbé simoniaque ne l’aurait pas quitté[118]. De même vers 1065, Alexandre II écrit à Gervais pour le prier d'excommunier l'abbé du monastère de Saint-Pierre de Gand s'il ne revenait à des mœurs meilleures[119]. Sous Grégoire VII et sous Urbain II, la lutte contre la simonie dans les monastères continue, plus âpre que jamais. En 1077, deux moines de Saint-Rémi de Reims, Robert et Lambert, furent excommuniés par l'archevêque de Reims, pour avoir refusé d'obéir à un abbé étranger, élu contrairement à la règle de saint Benoît et au moyen d'argent. Grégoire VII s'éleva aussitôt contre cette excommunication et, dans une bulle du 25 mars 1077, adressée à Geoffroy, évêque de Paris[120], il n'hésita pas à dire que, s'il en était ainsi, l'archevêque s'était moqué de l'autorité apostolique : aussi Geoffroy dut-il le prier de lever la sentence d'excommunication et d'envoyer l'abbé de Saint-Rémi au légat Hugues de Die afin qu'il rendit compte de son usurpation. En 1080, un autre abbé simoniaque fit beaucoup de bruit dans le Poitou, à Saint-Savin. Amat d'Oloron, dans une lettre à Raoul, archevêque de Tours, le met en garde contre ce personnage[121] : Amat, lors de son passage à Saint-Savin, avait constaté que l'élection de cet abbé était entachée de simonie ; il l'avait prié de venir avec lui à Poitiers pour que l'évêque pût s'en rendre compte. L'abbé simoniaque refusa d'aller à Poitiers ; il emporta tout ce qu'il put des reliques et des ornements de l'abbaye et se sauva comme un voleur ; Raoul fut prié de l'arrêter, si d'aventure il traversait le diocèse de Tours, et de le remettre aux mains de l'évêque de Poitiers, puis aussi d'avertir, de la part du légat, ses suffragants et le comte d'Anjou, afin qu'on pût recouvrer au moins les dépouilles de la malheureuse abbaye. Le diocèse de Tours n'était d'ailleurs pas à l'abri du mal, car, le 29 mars 1096, Urbain II, en confirmant les privilèges de l'abbaye de Saint-Martin, exhorta les moines à éviter la simonie[122]. Si les papes ont veillé avec un soin jaloux sur le recrutement des abbés, c'est qu'ils considéraient les réguliers comme leurs plus précieux auxiliaires. Aussi s'efforcèrent-ils de les soustraire à la juridiction des évêques pour les rattacher plus directement au Saint-Siège. Ce résultat, ils ne l'ont pas obtenu tout de suite, mais seulement par une longue série d'efforts, car, en principe, et sauf privilège spécial, les moines restent, comme tous les fidèles, sous la juridiction de l'évêque de leur diocèse. Quand, en 1080, l'évêque de Paris donna son consentement à une charte d'Yves, comte de Beaumont, par laquelle ledit comte, voulant établir des moines dans l'église Sainte-Honorine de Conflans, abandonna cette église au monastère du Bec, il eut bien soin de réserver les droits de l'Ordinaire. La charte énumère quels étaient ces droits[123] : si, pour une raison ou pour une autre, l'évêque ordonnait la cessation de l'office divin soit dans tout le diocèse de Paris, soit simplement à Conflans, les moines, aussitôt qu'ils en auraient été avisés par l'évêque, devraient observer l'interdit : quand l'évêque convoquerait à un concile diocésain les abbés et les prieurs du diocèse de Paris, les moines devraient s'y faire représenter ; aucun d'eux ne pourra recevoir les saints ordres en France sans le consentement de l'évêque et des mains d'un autre que lui, sauf toutefois quand ces moines viendront de l'abbaye de Bec et que des raisons pressantes exigeront qu'ils soient ordonnés par un autre ; enfin l'abbé du Bec devra veiller à ce que l'église métropolitaine de Paris ne perde rien de ce qui lui revenait autrefois à Sainte-Honorine. Ainsi, bien que l'église Sainte-Honorine de Conflans soit transformée en abbaye, elle n'échappe nullement à la juridiction de l'Ordinaire. De même ces droits de l'Ordinaire sont réservés dans le diplôme par lequel, en 1107, Philippe Ier confirme la cession faite par Galon, évêque de Paris, de l'église Saint-Eloi à l'abbaye de Saint-Maur-les-Fossés pour y établir douze moines et un prieur[124]. Outre la juridiction, l'évêque exerce encore sur les abbayes un droit important : il peut seul déléguer la cura animarum. Dans certains cas, en effet, quand un seigneur donnait une église à des moines, il stipulait que ces moines desserviraient eux-mêmes cette église, qu'ils auraient, en d'autres termes, la cura animarum. Ainsi des fonctions ecclésiastiques, séculières, se trouvaient conférées à des réguliers. Par exemple l'abbé du Bec les exerçait à l'église de Sainte-Honorine de Conflans[125]. L'évêque, chargé de veiller à cette cura animarum dans l'ensemble de son diocèse, ne pouvait s'en désintéresser, même quand elle était donnée à des moines. Aussi, pour Sainte-Honorine de Conflans, était-ce l'évêque de Paris qui investissait l'abbé du Bec de cette charge[126]. De même, à Ribemont, l'évêque conférait la cura animarum. Les conciles de la fin du XIe siècle maintinrent avec énergie les droits de l'Ordinaire en cette matière, celui de Poitiers en 1078[127], celui de Clermont en 1095[128], en 1096 celui de Rouen[129] et celui de Nîmes[130]. Le concile de Nîmes condamna ceux qui prétendaient que les moines étaient indignes de l'officium sacerdotale, mais quatre ans plus tard, en 1100, le concile de Poitiers refusa aux moines la cura animarum[131] comme avait fait, en 1074, le concile de Rouen[132]. On voit que l'exercice de cette fonction par les moines donnait lieu à une vive opposition de la part des séculiers. En réalité aucune atteinte ne fut portée aux droits de l'évêque. Ces droits, que la royauté leur reconnaît, les évêques ont cherché à les conserver jalousement : ils ont parfois rappelé, les moines à l'obéissance comme ils n'ont pas craint de leur faire des observations sur le gouvernement de leurs abbayes. La correspondance d'Yves de Chartres en fournit des preuves. Dans une lettre adressée à Bernard, abbé de Marmoutier, et à ses moines[133]. Yves leur reproche de détenir auprès d'eux Gautier, abbé de Bonneval, qu'il a chargé du soin de certaines âmes (cura animarum) ; c'est lui qui doit être juge des motifs qui ont conduit Gautier à quitter son abbaye ; il ne demande pas mieux que de confirmer ce départ, s'il est légitime, mais, s'il ne l'est pas, Gautier doit retourner à son monastère et continuera à le diriger comme par le passé. Ailleurs, dans une lettre à Geoffroy de Vendôme[134], Yves reproche à cet abbé la façon dont il entend la discipline monastique : un moine de Vendôme est venu se plaindre d'avoir été très durement réprimandé et fustigé par Geoffroy ; il a accusé son abbé d'agir de la sorte avec tous ses moines, et c'est son évêque qui l'exhorte à la douceur. L'évêque exerce donc sa juridiction sur les abbayes, et les papes ne la lui contestent pas, sauf pour celles qui ont bénéficié du privilège d 'exemption. Hugues de Die, pourtant si hostile à l'épiscopat, a réclamé, comme archevêque de Lyon, le cens qui était dû à son église par l'abbaye de Conques pour certaines églises dont il lui avait fait don[135]. Vers 1105, le pape Pascal II a rappelé l'abbé et les moines de Saint-Denis à l'obéissance envers Galon, évêque de Paris[136] : il avait appris que les moines de Saint-Denis, pour avoir de l'huile et du saint-chrême, pour ordonner des moines ou des clercs, faisaient appel à d'autres évêques ; comme Galon n'avait jamais failli à ses devoirs épiscopaux, le pape critique vivement les moines d'avoir agi de la sorte et leur interdit de s'adresser à l'avenir à tout autre évêque qu'à Galon. Cela n'empêcha pas le même Pascal II, dans un conflit du même genre, de donner raison à l'abbé contre l'évêque : en 1100, il reprocha à Philippe, évêque de Châlons, d'avoir forcé l'abbé de Montierender à venir à un synode sous prétexte que les abbés étaient dispensés de cette assistance[137]. Or il n'en était pas toujours ainsi, puisque nous avons vu l'abbé de Sainte-Honorine de Conflans se rendre aux synodes tenus par l'évêque de Paris. C'est que, pendant la seconde moitié du XIe siècle, la papauté s'efforce d'arracher les abbayes à l'autorité épiscopale pour les rattacher à la sienne propre, et cela par deux moyens : en se réservant les appels de toutes les causes ecclésiastiques et en multipliant les privilèges d'exemption. Lorsque deux monastères ont un différend à régler, c'est non pas l'évêque, mais le pape ou son légat qui se charge de les mettre d'accord. Les moines de Psalmodi avaient oublié la règle monastique et vécu dans le siècle ; à la prière de Raymond, comte de Saint-Gilles, Bernard, abbé de Saint-Victor de Marseille, alla réclamer le monastère et en conserva le gouvernement jusqu'à sa mort. Depuis, Psalmodi avait été gouverné par des prieurs venus de Marseille, mais les moines désiraient échapper à cette tutelle : ils vinrent, en 1096, porter leurs doléances à Richard, légat du Saint-Siège qui tint, pour trancher le différend, un concile à Marseille. Les évêques de Narbonne, Arles, Maguelonne et Nîmes lui proposèrent d'affranchir le monastère de Psalmodi qui ne relevait que du Saint-Siège. Richard se rangea à leur avis et Urbain II confirma à son tour la sentence[138]. L'année suivante (1097), Urbain II intervient dans un démêlé du même genre entre l'abbé de Marmoutier et celui de Saint-Rémi de Reims, à la demande de Lambert, évêque d'Arras[139] ; Bernard, abbé de Marmoutier, avait élevé des réclamations au sujet de Robert, abbé de Saint- Rémi de Reims qui voulait se soustraire à son obéissance ; il avait appris que Robert avait commis plusieurs actes irréguliers et l'avait sommé de venir se justifier devant le chapitre de Marmoutier sous peine d'une sentence le déclarant coupable de manquement aux règles monastiques. Robert avait reçu de son archevêque le conseil de se soumettre et l'archevêque avait fait savoir que, s'il ne se soumettait pas, il confirmerait la sentence rendue par l'abbé. Pourtant il ne se présenta pas dans les délais fixés et fut, de ce fait, excommunié. Il fut ensuite convoqué devant un concile réuni par l'archevêque et ne put canoniquement se justifier ; le concile fut d'avis de remettre Robert à la discrétion de l'abbé. Robert fit appel au pape et, en 1099, le pape lui donna raison, car il put triomphalement transmettre à Lambert, évêque d'Arras, une bulle d'Urbain II prouvant qu'aucun jugement du pape ne l'avait déposé, en même temps qu'il le priait de lui concilier la sympathie de l'archevêque de Reims[140]. C'est surtout dans les conflits entre séculiers et réguliers, entre évêques et abbés, que la papauté trouve l'occasion de juger en dernier ressort. Deux conflits ont été particulièrement notables à la fin du XIe siècle, celui de Guy, évêque d'Amiens, avec Foulque, abbé de Corbie, et celui des archevêques de Tours avec les moines de Marmoutier. Guy, évêque d'Amiens, malgré une série de privilèges royaux et pontificaux qui limitaient ses droits sur l'abbaye de Corbie, imposa aux moines une foule de vexations : il demanda en particulier à l'abbé Foulque de lui livrer quelques biens du monastère, moyennant quoi il lui assurerait la libre et tranquille possession d'autels que les moines avaient jadis administrés, il accorderait toute sa faveur à l'abbaye et observerait strictement ses privilèges. Foulque accepta le marché ; en présence du comte Baudoin et de plusieurs autres seigneurs, il donna quarante livres à l'évêque ; celui-ci reçut l'argent, mais ne livra pas les autels qu'il avait promis et ne cessa de persécuter l'abbaye ; il convoqua les moines à Amiens, et, comme ils refusaient d'y aller, il les excommunia. L'abbé alla trouver le comte Baudoin ; une assemblée d'évêques et d'abbés réunis à Cambrai lui donna raison. Aussitôt Guy le convoqua à un synode, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait fait et ce dont il n'avait pas le droit. L'abbé se fit représenter par un laïque, mais l'évêque n'en tint pas compte et excommunia Foulque. L'archevêque de Reims intervint alors et manda devant lui l'évêque et l'abbé. L'évêque ne vint pas. L'archevêque le pria de lever l'excommunication injustement portée. Guy refusa. Dès lors, Foulque s'adressa au pape, lui soumit tous ces faits et le supplia de juger l'affaire (1063)[141]. Alexandre II écrivit aussitôt à l'évêque d'Amiens[142] qu'il s'étonnait de ce qu'il eût osé inquiéter ce monastère, excommunier un abbé ordonné par son prédécesseur Léon IX, ne pas rendre à l'abbaye les autels qui en dépendaient au mépris des canons les plus sacrés et des privilèges apostoliques ; il lui ordonna de réparer immédiatement les injures faites au monastère ; sinon, il prierait l'archevêque de Reims ou un autre évêque de conférer le saint chrême, de faire les ordinations et d'exercer toutes les fonctions qu'il appartenait à Guy de remplir auprès des moines ; enfin, s'il persévérait dans cette attitude, il pourrait encourir la suspension, l'interdiction et l'excommunication. Ces menaces ne produisirent pas grand effet. Guy se soumit et fut suspendu, comme on le voit par une bulle à Gervais, archevêque de Reims[143]. Le pape confirma les privilèges de Corbie et pria Gervais de faire observer son décret. Gervais convoquerait donc l'évêque d'Amiens et lui notifierait les décisions pontificales. L'affaire ne fut pas terminée cependant, car entre 1064 et 1067, Alexandre II dut écrire encore à Gervais pour le prier d'interdire l'évêque s'il refusait de restituer les autels du monastère et de rendre sa charge à l'abbé qu'il avait suspendu et auquel Gervais accorderait désormais secours et protection[144]. Ainsi c'est la papauté qui a le dernier mot dans l'affaire ; c'est elle qui annule la suspension dont Foulque avait été l'objet de la part de son évêque. Dans le diocèse de Tours, les moines de Marmoutier ne vécurent pas ; en meilleurs termes avec leurs archevêques, surtout pendant l'épiscopat de Raoul (1073-1093)[145]. Celui-ci ne cessa d'exiger de l'abbaye des redevances auxquelles il n'avait pas droit ; il lui imposa mille vexations au cours desquelles il tourna en dérision et en ridicule des objets d'une antique piété. Les moines implorèrent justice et concorde ; l'archevêque répondit en lançant l'excommunication sur eux et sur leur abbaye ; il les traita désormais comme des publicains, invita les évêques d'autres provinces à agir de même vis-à-vis d'eux comme rebelles et profanateurs ; enfin il pilla, autant qu'il put, les biens du monastère. Une telle conduite provoqua l'intervention d'Amat, archevêque de Bordeaux et légat du Saint-Siège, dont les moines persécutés allèrent implorer l'appui. Amat compatit à leurs maux, déclara nulle l'excommunication lancée contre eux par Raoul et ses complices, car le légat avait lui-même excommunié l'archevêque quelque temps auparavant pour des raisons très sérieuses ; la seule faute que les moines avaient commise était d'avoir reçu auparavant la communion des mains d'un excommunié ; après avoir fait pénitence pour cette faute, ils n'auraient plus qu'à cesser tous rapports avec Raoul. Un concile se tint ensuite à Déols en présence des légats Hugues et Amat, des évêques du Mans et de Poitiers, d'autres évêques et abbés. Raoul y fut excommunié, mais cette sentence ne marqua pas la fin des malheurs de Marmoutier, car le successeur de Raoul, un autre Raoul, jusque-là évêque d'Orléans, recommença les vexations de son prédécesseur contre le monastère. Urbain II dut l'inviter à les cesser ; il jugea définitivement l'affaire au concile de Clermont, en 1095, et accorda un privilège de liberté à l'abbaye, ce qui lui permettait de se soustraire aux rigueurs de l'autorité archiépiscopale. Raoul II (1093-1118) eut d'autres difficultés à Vendôme. Vers 1102 ou 1103, Geoffroy, abbé de Vendôme, se plaignit au légat Richard d'Albano de ce que l'archevêque eût tenu sur son compte des propos désobligeants[146]. Il est vrai que Geoffroy se plaignait assez facilement des évêques, car, un peu plus tard, en 1104 ou 1105, il écrivit au pape Pascal II une lettre[147] dans laquelle il regrettait, en termes assez amers, de ne pas avoir l'appui des évêques qui devraient être ses défenseurs naturels contre les laïques qui dévastaient les terres de son abbaye ; dans le diocèse du Mans, la comtesse de Vendôme lui avait enlevé une église et d'autres biens encore ; l'évêque le savait et il souffrait que cette rapine ne fût pas vengée ; dans le diocèse d'Angers, un laïque avait fondé une église, malgré son avis, sur un domaine de l'abbaye ; l'évêque, au lieu de venger une pareille injure, y avait donné son assentiment ; enfin l'évêque de Saintes, profitant d'une absence de Geoffroy, avait conféré à d'autres des biens que le monastère possédait depuis trente ans et plus. L'abbé implorait donc justice du Saint-Siège. Ainsi entre l'épiscopat et les monastères les conflits sont fréquents et parfois aigus, et c'est toujours la papauté qui met d'accord les deux clergés, mais ce sont en général les réguliers qui ont ses faveurs. C'est qu'elle les tient plus directement sous sa dépendance au moyen de l'exemption. De tout temps, les papes ont cherché à soustraire certaines abbayes à la juridiction de l'Ordinaire. Ce mouvement s'accentue au XIe siècle : il suffit de parcourir le catalogue des bulles d'Alexandre II, Grégoire VII, Urbain II et Pascal II pour se rendre compte qu'un très grand nombre de monastères ont été pris sous la protection du Saint-Siège et par là même exemptés dans une certaine mesure de la juridiction épiscopale[148]. Nous avons examiné quels étaient les pouvoirs de l'évêque sur les abbayes : il fait procéder à l'élection de l'abbé, reçoit sa profession d'obédience et le consacre ; il peut convoquer l'abbé aux synodes diocésains ; il confère les saints ordres et consacre les édifices cultuels ; il fournit l'huile et le chrême. L'exemption consiste à affranchir l'abbaye de ces droits de l'évêque en totalité ou en partie pour transférer le plus grand nombre d'entre eux au pape. Nous avons vu Grégoire VII intervenir dans les élections et consacrer les abbés. A Vendôme, l'abbé a le droit de choisir le prélat qui le consacrera. A Vendôme encore, qui est un alleu et un patrimoine du Saint-Siège, l'abbé, considéré comme vassal de l'Eglise romaine, n'aura pas à répondre aux convocations à des conciles, mais seulement à celles que lui adressera le Souverain Pontife[149]. A Corbie, l'évêque d'Amiens ne peut venir sur les terres de l'abbaye sans l'autorisation de l'abbé, sauf une fois l'an pour y porter le chrême, et aussi pour conférer les ordres quand l'abbé l'y invitera[150]. A Saint-Gilles, Urbain II, en 1091, autorise les moines à se faire ordonner par n'importe quel évêque catholique et non simoniaque[151]. On peut donc dire qu'il y a de nombreux degrés dans l'exemption[152]. Autant de bulles pontificales, autant de concessions différentes. Une des exemptions les plus complètes fut certainement celle qui fut accordée par Urbain II, au concile de Clermont, en 1095, à l'abbaye de Marmoutier pour la préserver des vexations de l'archevêque de Tours. C'est vraiment le privilège type[153] : aucun évêque ne pourra faire un séjour officiel à l'abbaye, afin que les serviteurs de Dieu ne puissent être inquiétés ; aucun évêque ne pourra exiger de l'abbé de Marmoutier la profession d'obédience ; aucun évêque ne pourra lancer d'excommunication sur le monastère ni sur l'un de ses moines, en quelque endroit qu'il se trouve, ce droit étant formellement réservé au Souverain Pontife. Ces réserves faites, l'archevêque de Tours pourra remplir ses autres fonctions sacerdotales, à condition qu'il soit en union avec le Saint-Siège. Sinon, les moines pourront être ordonnés prêtres par le pape ou par qui il leur plaira. On voit le caractère de ces divers privilèges : les abbayes exemptes échappent en partie à la juridiction de l'évêque, mais il est rare qu'elles lui échappent totalement Ii. Dans la plupart des privilèges d'exemption, il est fait mention des droits de l'évêque : salvo jure, salva reverentia, mais comme, en cas de conflit, c'est toujours le pape qui juge en dernier ressort, on peut dire que ces droits sont assez illusoires et que l'abbaye exempte relève du Saint-Siège qui l'a prise sous sa protection. Cluny surtout a bénéficié de cette faveur : c'est que Cluny était, plus que toute autre abbaye, l'auxiliaire de la papauté pour son œuvre réformatrice. En multipliant les privilèges d'exemption, les papes n'ont pas obéi seulement à leur désir de réformer l'Église ; l'exemption a été aussi un moyen pour eux de se procurer des ressources en France et c'est pour cela qu'ils ont acquiescé le plus souvent aux demandes qui leur étaient adressées par les abbés soucieux d'échapper à l'autorité épiscopale. Dans un grand nombre de privilèges, il est question du cens que les abbayes payent à la papauté en retour de la protection qu'elle leur accorde. On trouve des exemples de cens dès le début du règne de Philippe Ier : déjà Nicolas II, en 1061, impose un cens de douze sous à l'abbaye de la Trinité de Vendôme devenue un alleu du Saint-Siège[154], et Alexandre II renouvelle, en 1063, le privilège et le cens[155]. Alexandre II impose également, en 1068, un tribut annuel à l'abbaye d'Aurillac désormais soumise à Rome[156]. On pourrait citer aussi plusieurs exemples de cens sous Grégoire VII, mais c'est surtout sous Urbain II que cette institution se développe. Cela tient au développement de l'administration pontificale et aux dépenses qu'elle entraîne. Les États pontificaux ne suffisent plus à fournir de l'argent et il faut en demander aux autres pays catholiques. Aussi Urbain II a-t-il accordé l'exemption à de nombreuses abbayes, mais en leur imposant le plus souvent un cens dont le montant varie ; il est d'une once d'or à Saint-Basle[157] et à Corbie[158], de vingt sous à Maillezais[159], de douze à Vendôme[160], de dix à Aurillac[161], de cinq à Saint-Jean-d'Angély[162]. En revanche le monastère Saint-Cyprien de Poitiers en fut relevé[163]. Dès lors, le pli est pris et, sous Pascal II, le cens accompagnera plus fréquemment encore le privilège d'exemption[164]. Ce cens, comme on le voit par les exemples qui précèdent, est assez faible ; il est plutôt l'indice de la suzeraineté du Saint-Siège. III Ces redevances des abbayes envers le Saint-Siège se sont ajoutées à celles dont, en bien des cas, elles doivent s'acquitter envers le seigneur laïque. Nous verrons plus loin que Philippe Ier en a souvent exempté les abbayes royales qu'il espérait ainsi se concilier, mais tous les seigneurs ne l'ont pas imité. Le liber de possessionibus S. Vedasti se plaint des exigences du comte de Flandre quand il vient à Arras où le monastère de Saint-Vaast était situé : il demande l'hospitalité à l'abbaye et il établit sur les terres de celle-ci cinquante ou cent chevaliers qui s'y livrent à toutes sortes de débauches : les paysans viennent ensuite se plaindre que leurs biens ont été pillés, leurs filles violées, que leurs femmes ont commis des adultères. L'abbé, compatissant aux souffrances des hommes de son abbaye, a échangé ce droit de gîte contre un droit de gabelle qu'il perçoit à son tour sur certaines terres du monastère de façon à pouvoir fournir au comte, quand il vient à Arras, du pain, du vin et des poissons[165]. De même, à Soissons, le comte dispute à l'abbaye un assez grand nombre de coutumes que revendiquait l'abbé de Saint-Médard et il fallut une intervention royale pour le débouter de ses prétentions[166]. A Reims, le comte Hugues percevait des tonlieux dans les villas de l'abbaye de Saint-Rémi, mais il dut les abandonner pour échapper à une sentence d'excommunication[167]. Ce n'étaient pas Tes seuls maux que les monastères avaient à supporter de la part de la société laïque. Ils avaient à endurer encore les déprédations de certains seigneurs pillards que tentaient les riches terres qui relevaient d'eux. Les vies de saints abondent en exemples de ce genre. Un des types les plus curieux de ces seigneurs qui pillent les biens des abbayes, c'est certainement Thomas de Marie. Les Miracles de saint Marcoul se sont fait l'écho de tous les maux qu'il fit endurer au monastère de Corbeny. En 1101, il pilla les terres comme un brigand, y commit de nombreux meurtres et finit par tout incendier ; les moines, privés de leurs troupeaux et de toute autre ressource, en furent réduits à la plus extrême indigence. Certains cependant n'osèrent quitter l'abbaye, par crainte de maux encore plus grands, mais le prieur vint trouver l'abbé de Saint-Rémi de Reims dont dépendait Corbeny et lui demanda d'être relevé de sa charge. L'abbé envoya, pour le remplacer, un certain Sigebert qui organisa une procession solennelle, dans toute la région, des reliques de saint Marcoul[168]. Pour se protéger contre ces pillards, les abbayes, depuis longtemps déjà, avaient imaginé de confier le soin de les défendre à d'autres seigneurs laïques qui étaient ainsi devenus leurs voués. L'origine de ces voués est très antérieure à notre période ; à la fin du XIe siècle, la voue rie d'une abbaye constitue un véritable fief que le titulaire peut passer à un autre, sans même demander l'assentiment des intéressés. On voit par exemple que Guy, comte de Ponthieu, était voué de l'abbaye de Saint-Riquier, mais qu'il avait cédé un moment sa charge à un certain Robert qui la tenait de lui[169]. De même le chevalier Hugues Estevel qui dut renoncer, en présence de Philippe Ier, à la vouerie qu'il prétendait exercer sur les terres de Saint-Germain-des-Prés, à Dammartin, avait, à un certain moment, passé cette vouerie à un autre chevalier du nom de Henri[170]. Les Gestes des abbés de Saint-Bertin indiquent[171] quelles étaient les fonctions du voué ; il devait avant tout protéger les biens ecclésiastiques contre les entreprises d'hommes pervers. Le voué ne défendait pas gratuitement l'abbaye ; il percevait, en échange de cette protection, certaines coutumes. C'était une voie ouverte à la cupidité et à l'avarice, de sorte que, disent les Gestes, la vouerie était au monastère qui en était l'objet plus onéreuse qu'utile. L'abbé de Saint-Bertin, Gerbodon, dut ainsi lutter contre Bovon, voué du monastère, qui prétendait injustement percevoir plusieurs coutumes sur une des villas de l'abbaye ; l'affaire fut portée devant le comte de Flandre qui accueillit favorablement la requête de l'abbé. Un diplôme de Philippe Ier donne une idée des coutumes que pouvait percevoir un voué : c'est celui par lequel le roi déboute Aubri de Coucy de ses prétentions à exiger, en qualité de voué, certaines coutumes sur les terres et les hommes de l'abbaye de Saint-Médard de Soissons[172]. Voici ce que revendiquait le voué : le droit de se faire préparer à manger partout où il se présenterait sur les terres de Saint-Médard, le droit de justice sur le territoire compris entre Saint-Médard de Soissons et Vic-sur-Aisne d'une part, et son château d'autre part, le droit de convoquer à son ost autant d'hommes qu'il voudrait, le droit d'imposer les marchands de Flandre allant à Saint-Médard. Aubri fut débouté de ses prétentions, mais d'autres voués devaient évidemment percevoir de semblables coutumes. De là des plaintes et des querelles sans fin qui se terminaient parfois par des transactions comme à Corbie où l'abbé et le voué, Engeran de Boves, perçurent des coutumes par moitié et rendirent ensemble la justice, l'abbé étant représenté par un délégué[173]. Il n'en était pas toujours ainsi : à Saint-Riquier l'abbaye ne put obtenir de concessions sérieuses de son voué Guy, comte de Ponthieu[174]. Aussi considérait-on, à la fin du XIe siècle, que c'était un grand privilège pour un monastère que de ne pas avoir de voué. Un diplôme de Philippe Ier pour Saint-Nicolas de Ribemont mentionne simultanément l'absence de vouerie et l'absence de coutumes dont bénéficiait le monastère par la volonté d'Anseau qui l'avait fondé sine advocatione et absque omni consuetudine[175]. L'institution est donc en discrédit. Ce discrédit correspond à la tentative faite pour affranchir l'Eglise de la société laïque. L'Eglise régulière, si vivante à la fin du XIe siècle, grâce au développement de Cluny et à l'apparition de nouveaux ordres, n'échappe pas à ce mouvement ; elle veut rester libre et indépendante de toute autorité, sauf de l'autorité pontificale qui a sur elle, par l'exemption, plus de prises que sur l'Eglise séculière. Mais, ici encore, en face de l'autorité pontificale va se dresser l'autorité royale qui poursuit un but identique. IV Philippe Ier, comme ses prédécesseurs, a manifesté une grande faveur à l'Eglise régulière. Nous ne voulons pas, dit-il dans un diplôme pour Saint-Benoit-sur-Loire[176], que ce monastère que nos prédécesseurs, les rois de France, ont défendu avec tant de zèle, risque de péricliter à notre époque. Saint-Benoît-sur-Loire, comme les autres abbayes royales, Saint-Martin-des-Champs, Saint-Germain-des-Prés, Saint-Denis, d'autres encore, ont reçu de nombreuses donations du roi. C'était la meilleure manière de leur témoigner sa protection. Si l'on ne voit pas d'autre part que Philippe Ier ait encouragé les ordres naissants, comme Cîteaux, il a multiplié les dons à Cluny. En 1075, il lui cède une terre de son domaine à Pont aux-Moines[177] : la même année ou la suivante, en même temps qu'il confirme plusieurs concessions de Guy, comte de Ponthieu, il ajoute à celles-ci sa terre de Vetus Castellaris afin que les moines y construisent une abbaye[178]. En 1077, il restitue la villa de Mantes qui lui venait de Simon, comte de Vexin[179]. En 1079, il soumet à Cluny le monastère Saint-Martin-des-Champs de Paris qui, naturellement, apporte ses domaines[180]. Ainsi Philippe Ier semble avoir voulu s'attirer la bienveillance de Cluny ; peut-être espérait-il, en augmentant la richesse de la puissante abbaye, contrebalancer l'influence rivale du Saint-Siège qui, comme nous l'avons vu, s'exerçait largement sur elle. En échange de cette protection qu'il accorde à l'Eglise régulière, Philippe Ier, comme ses prédécesseurs, prétend exercer sur elle certains droits. D'abord il n'est pas rare que les particuliers, qui font des donations aux monastères, viennent solliciter la confirmation royale. Ces confirmations de chartes pour les différentes abbayes du royaume abondent dans la collection des diplômes de Philippe Ier. Le plus souvent elles concernent des hommes du domaine ou des seigneurs avoisinant le domaine. Par exemple, en 1085, Philippe Ier confirme les donations faites à Saint-Lucien-de-Bury, au diocèse de Beauvais, par un prêtre nommé Aubert et par d'autres fidèles, ladite église devant être desservie par des moines sous l'obédience de l'abbé de Saint-Jean-d'Angély[181]. L'année précédente (1084), il confirmait les donations et privilèges accordés par Anseau de Ribemont au monastère de Saint-Nicolas que celui-ci avait fondé près de Ribemont[182]. En 1075, il confirme deux chartes de Gelduin de Saumur pour le monastère de Pontlevoy[183] ; en 1082, il confirme la donation du monastère de La Celle, près de Crécy, faite par Ebles de Roucy et Hugues, comte de Dammartin, à l'abbaye de Marmoutier[184] ; pour cette même abbaye de Marmoutier, Philippe Ier a encore confirmé une donation de Geoffroy de Gometz en 1074 ou 1075[185] et deux autres de Robert de Bellême en 1092[186]. Avec Bellême, nous nous éloignons du domaine. Il en est de même de la donation de l'église Saint-Symphorien d'Autun faite par Ponce de Glenne à Saint-Benoît-sur-Loire[187] ; celle-ci avait déjà été autorisée par le pape et par Hugues, duc de Bourgogne, mais, comme Saint-Benoît était abbaye royale, pour assurer plus de valeur à cette convention, on jugea utile de solliciter la confirmation de Philippe Ier. La confirmation royale avait encore plus de poids et paraissait plus nécessaire quand certains engagements devaient être contractés par la partie prenante. En 1102, l'abbesse et les religieuses de Saint-Eloi de Paris cèdent aux moines de Morigny la terre de Maisons, mais à charge d'un cens annuel de vingt sous parisis payables à la Nativité de Saint-Jean-Baptiste. Pour assurer la validité de la convention et le paiement des amendes prévues au cas de retard de la part des moines, l'abbesse et les religieuses demandèrent la confirmation de Philippe Ier et de son fils Louis qui devenaient ainsi garants de l'exécution de cet acte[188]. Non seulement les donations de telle ou telle terre à une abbaye sont confirmées par le roi, mais le roi confirme encore à des monastères la libre possession de la totalité ou d'une partie de leurs biens. Tel est le diplôme par lequel Philippe Ier confirme, en 1077, les biens de l'abbaye de Charroux donnés par Charlemagne et le comte Roger[189]. Tel est encore celui par lequel, à la prière de l'abbé de Flavigny, Renaud, et de l'évêque d'Autun, Aganon, il confirme l'abbaye dans la possession de ses biens[190]. Ces privilèges peuvent être mis en regard des privilèges analogues émanant de la chancellerie pontificale. Ceux que nous avons cités prouvent que la protection royale s'étend à des abbayes situées même en dehors du domaine et englobées dans de grands fiefs seigneuriaux. Toutefois dans ces abbayes lointaines l'autorité du roi ne se fait guère sentir. En réalité, l'action de Philippe Ier s'exerce surtout sur les abbayes dites royales, celles qu'il considère comme sa propriété, par exemple Saint-Martin d'Etampes, que nostra propria erat, dit-il dans un diplôme[191]. Ces abbayes n'étaient pas nécessairement à l'intérieur du domaine, comme l'abbaye du Bec dont Philippe Ier se dit moine et seigneur[192]. Le roi intervient d'abord dans les élections abbatiales et, dans bien des cas, cette intervention équivaut à la nomination de l'abbé par lui. En théorie, l'élection doit être libre et l'on peut citer comme type d'élection régulière celle qui eut lieu à Saint-Riquier en 1071 et sur laquelle Hariulf, dans sa chronique de l'abbaye, a laissé quelques détails intéressants[193]. L'abbé Gervin était depuis longtemps malade et sa santé ne lui permettait plus de s'occuper de l'administration du monastère. Aussi le roi Philippe Ier étant venu à passer à Saint-Riquier — sans doute en revenant de la guerre de Flandre —, Gervin le pria de lui donner un successeur et lui désigna comme tel son neveu, nommé également Gervin et moine de Saint-Rémi. Et comme tous ceux qui le connaissaient, ajoute le chroniqueur, auraient considéré comme un sacrilège que de ne pas lui obéir, le roi donna son assentiment à ce choix et Gervin fut ordonné le 23 octobre. Dans cette élection, les moines ne sont que faiblement intervenus ; l'abbé a été désigné par son prédécesseur et le roi a ratifié ce choix. Cependant, si l'on se reporte aux circonstances qui avaient entouré l'élection du premier Gervin, on voit que le consentement des moines avait été requis[194]. Engeran, prédécesseur de Gervin, avait manifesté à Henri Ier le désir d'être remplacé par Gervin. Le roi accepta, mais Gervin ne consentit à devenir abbé de Saint-Riquier qu'après avoir été élu par le consentement unanime des moines, Ceux-ci se réunirent donc et nommèrent Gervin. On retrouve cette libre élection parles moines dans d'autres cas, par exemple à l'abbaye de Nogent. Cette abbaye fut gouvernée longtemps par Henri, abbé de Saint-Rémi de Reims. Or Engeran, seigneur de Coucy, et Elinand, évêque de Laon, jugeaient ce mode d'administration défectueux ; ils demandèrent à Henri ou bien de s'occuper plus activement du monastère ou d'en abandonner la direction. Celui-ci, tant à cause de sa santé chancelante que de son âge, jugea qu'il valait mieux le passer à une autre main et il donna aux moines la permission d'élire librement leur abbé. Bientôt, après avoir pris conseil de l'archevêque de Reims Renaud et d'autres évêques, les moines décident de confier la charge d'abbé à Geoffroy, réputé pour son intégrité, sa vertu et sa modestie. On apporte ensuite à Philippe Ier le procès-verbal de l'élection ; le roi approuve et il écrit lui-même à Geoffroy, abbé de Saint-Quentin, pour qu'il dépêche au plus vite à Nogent cet autre Geoffroy qui venait d'y être élu abbé[195]. On relève la même régularité dans l'élection de saint Gautier à Pontoise. Le monastère de Pontoise venait d'être fondé par quelques hommes épris de vie religieuse. Ils ne voulurent pas rester ainsi comme des brebis errantes, rapporte la vie du saint[196], et se préoccupèrent de se donner un pasteur ; ils songèrent à Gautier, dont la réputation de sainteté était grande, et réussirent à triompher de sa résistance. Le saint reçut alors la bénédiction épiscopale, puis alla se faire donner le bâton pastoral par Philippe Ier qui était voué de l'abbaye ; il eut d'ailleurs soin de rappeler au roi que ce n'était pas de lui, mais de Dieu qu'il en tiendrait le gouvernement. Dans tous ces exemples, le roi n'intervient qu'en second lieu : il ratifie le choix du prédécesseur du nouvel abbé ou celui des moines qui procèdent librement à l'élection. Mais il en sera des élections abbatiales comme des élections épiscopales : le roi parvient à se substituer aux électeurs et il dispose de l'abbaye non pas en faveur du plus digne, mais en faveur de celui qui offre le plus. On voit par exemple Philippe Ier nommer lui-même l'abbé de Saint-Germain d'Auxerre ; il place à la tête du monastère l'abbé de Saint-Bertin Hubert qui dut bientôt résigner sa charge, ne pouvant suffire à ce double fardeau des deux abbayes[197]. La nomination d'Hubert ne paraît pas avoir été entachée de simonie. On ne peut en dire autant d'une autre intervention de Philippe Ier, à l'abbaye de Saint-Médard de Soissons, que raconte la vie de saint Arnoul[198]. A la mort de l'abbé Renaud, un certain Pons obtint de Philippe Ier par simonie le titre et la fonction d'abbé. Ce Pons livra l'abbaye à un véritable pillage. Aussi les moines cherchèrent-ils un remède pour conjurer la ruine imminente. Ils décidèrent d'aller trouver le roi, en compagnie de l'évêque de Soissons, pour lui demander d'avoir pitié du monastère. Il en fut ainsi fait ; Philippe Ier se laissa fléchir et les moines élurent abbé Arnoul. Peu après l'élection d'Arnoul, un envieux, nommé Eudes, qui se trouvait dans le monastère, persuada à Philippe Ier, qui se préparait à partir pour une expédition, d'ordonner à l'abbé de venir le rejoindre avec son armée. Philippe Ier ne sut résister à ce fallacieux avis. Arnoul s'écria : Il est vrai que j'ai jadis été soldat, mais maintenant je suis moine et ne puis être contraint au service militaire. J'aurais préféré, certes, ne pas recevoir cette abbaye qu'avec une telle dignité m'adonner à la pire des occupations du siècle. A cette réponse, Philippe envoie de nouveau des messagers pour dire que, suivant une antique coutume de l'abbaye, ses soldats doivent servir le roi dans ses expéditions, leur abbé à leur tête ; qu'il se conforme donc à l'usage ou qu'il se retire ! Arnoul préfère se retirer. Les moines vont le trouver et lui représentent qu'on aurait pu le remplacer. Pons va revenir ! Arnoul leur répond en pleurant qu'il est prêt à leur donner de bons conseils : Convoquez, leur dit-il, votre évêque et tous les prélats des églises de la ville ; nommez un abbé qui plaise à Dieu et qui, en même temps, puisse s'adapter aux nécessités de l'heure présente. Les moines répondent qu'ils le feraient volontiers, mais que le roi cassera aussitôt leur élection, qu'il vaut mieux qu'Arnoul désigne lui-même son successeur, qu'ils ratifieront ensuite son choix. Géraud est élu, mais Pons arrive et, avec lui, la reine Berthe pour l'installer. Arnoul sort de sa retraite et lui prédit sa répudiation, si elle expulse Géraud. Géraud n'en doit pas moins se retirer ; il s'en va en Aquitaine où il fonde le monastère de Sauve-Majeure. Le plus fameux des abbés simoniaques de la fin du XIe siècle fut certainement Yves, abbé de Saint-Denis. Nous savons par une bulle de Grégoire VII (25 mars 1075) qu'il avait obtenu son abbaye à prix d'argent[199]. Une série de poèmes, écrits contre lui par l'une de ses victimes[200], nous apprend qu'il était dans les meilleurs termes avec Philippe Ier. Ces poèmes sont écrits dans la prison royale, à Orléans, où Yves avait fait jeter leur auteur, sans pitié pour son âge et ses maladies. L'abbé y est peint sous des couleurs sombres : il est irréligieux, parjure, voleur, homicide, il entretient de nombreuses courtisanes, en particulier une certaine Fredesinde dont la débauche dépasse tout ce que l'on peut imaginer. Il en coûta cher au malheureux chancelier Eudes d'avoir été témoin de certaines scènes bachiques : ce fut une des victimes d'Yves entre tant d'autres ; avec la complicité de Philippe Ier il fut traîtreusement saisi et, contre tout droit et toute justice, livré aux bourreaux, qui lui firent subir les pires tortures. Ainsi la simonie et le désordre des moines se sont manifestés souvent dans les abbayes royales. Philippe Ier les encourageait, parce que c'était, ici comme pour les évêchés, une source de revenus. Le roi est donc maître des élections abbatiales. Ce n'est pas tout : il intervient constamment dans la vie spirituelle et temporelle de ses abbayes. D'abord il défend énergiquement ses créatures contre leurs adversaires, en particulier contre l'épiscopat qu'il réussit à intimider. En 1097, Hugues, évêque de Soissons, demande à Lambert, évêque d'Arras, de se joindre à lui pour excommunier l'abbé de Saint-Médard de Soissons qui est un voleur et un brigand[201]. Aussitôt Philippe Ier avertit l'évêque qu'il voit d'un mauvais œil sa façon d'agir et le prie de cesser toutes poursuites contre l'abbé. Ces menaces produisent leur effet immédiat, car, peu de temps après, le bon évêque écrit de nouveau à Lambert qu'il ne veut pas braver la colère du roi ; d'ailleurs l'abbé est venu le trouver ; il a avoué ses fautes et imploré son pardon ; Hugues l'a absous et il prie l'évêque d'Arras d'en faire autant à son tour[202]. Un démêlé du même genre eut lieu vers 1095 avec Yves de Chartres, au sujet de difficultés qui s'étaient élevées entre les moines du Bec et ceux de Molesme. Philippe Ier accusa Yves d'avoir fait violence aux moines du Bec. L'évêque se plaignit de la colère que le roi témoignait à son égard. Non seulement il n'avait pas fait la moindre violence aux moines du Bec, mais l'abbé du Bec avait lui-même reconnu que certains moines néophytes avaient molesté les moines de Molesme ; donc il n'y avait pas lieu de se fâcher et la majesté royale n'avait été en rien offensée. Yves ajoutait qu'il n'avait fait que remplir son devoir d'évêque en sauvegardant les institutions ecclésiastiques et qu'il était prêt, en présence de ses rivaux, nombreux à la cour, à répondre à toutes les accusations[203]. Ainsi le roi veille jalousement sur ses abbayes et leurs abbés ; il les défend contre les attaques dont elles sont l'objet. Il veille encore à ce que la règle soit bien observée et il est maître d'y introduire les transformations qu'il juge indispensables. Vers 1096[204], de graves désordres s'étaient introduits au monastère de femmes de Faremoutiers. On voit par une lettre d'Yves de Chartres qu'ils avaient vivement ému la comtesse Adèle[205]. Celle-ci dut rapporter la chose à Philippe Ier qui décida de soumettre le monastère à celui de Marmoutier à titre de prieuré. On a conservé la lettre écrite à cette occasion par le roi à l'abbé Bernard ; il s'excuse d'avoir parfois choqué la sainteté de l'abbé, mais il veut lui montrer qu'il aime son église plus qu'aucune autre : le monastère de Faremoutiers est devenu par la faiblesse de celles qui y habitent un véritable lieu de prostitution ; le roi juge nécessaire de le transformer en prieuré, et ainsi cette église, souillée par tant d'adultères et où le culte du Seigneur a été si longtemps suspendu, s'élèvera, avec l'aide de Marmoutier, au-dessus de la vallée des larmes où elle était plongée. Philippe promet que son concours ne manquera en aucune façon[206]. La vie spirituelle comme la vie temporelle des abbayes paraît un constant souci chez Philippe Ier. Le zèle religieux n'inspire pas seul cette conduite : le roi veut par là affirmer son autorité sur ses abbayes : là encore il s'agit de faire échec au Saint-Siège, de dominer l'Eglise régulière comme l'Eglise séculière. Aussi, tandis que les papes accordaient de nombreux privilèges d'exemption, le roi va multiplier les privilèges d'immunité : c'est le dernier trait de ses rapports avec les monastères. Il y a de grandes analogies entre les bulles' pontificales et les privilèges royaux concernant les abbayes. De même que les papes prennent les abbayes sous leur protection, Philippe Ier les place sous sa tutelle : c'est le cas, par exemple, de l'abbaye de Saint-Mesmin de Micy en 1075[207]. Les papes confirment les monastères dans la possession de leurs biens ; Philippe Ier agit de même : en 1069 il donne à l'église Saint-Germain de Pontoise le droit de posséder en toute liberté ce qu'elle a acquis et ce qu'elle pourra acquérir[208] ; en 1075, il accorde au monastère de Saint-Philibert de Tournus la liberté et la libre possession de ses biens[209]. Ainsi la forme du privilegium libertatis qui émane de la chancellerie pontificale et de celui qui vient de la chancellerie royale est identique. Au fond il y a de sérieuses différences ; on peut même dire à certains égards que l'immunité royale est tout l'opposé de l'exemption pontificale. Par l'exemption, les papes enlèvent l'abbaye à la juridiction de l'évêque pour la soumettre à la leur. Par l'immunité, le roi abandonne au contraire son droit de justice et l'ensemble des droits régaliens ; il permet à l'abbaye de les exercer librement et pour son propre compte. C'est là ce qu'il faut entendre par la liberté ; tel est par exemple le don de l'église Saint-Mard d'Etampes à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire : elle sera, dit le roi, libre de tout service (Libera ab omni servilio)[210]. Plusieurs diplômes fournissent le commentaire de cette phrase et vont nous permettre de définir avec plus de précision en quoi consiste l'immunité. Le premier diplôme où le mot soit prononcé est celui du 30 avril 1061, accordé à l'abbaye de Saint-Christophe-en-Halatte[211]. A vrai dire la définition est encore assez vague : le roi interdit simplement d'inquiéter les moines, d'exiger d'eux aucune coutume, et il prescrit que, sous le privilège d'immunité, ils ne soient jamais inquiétés. Une charte pour la basilique de Saint-Adrien de Béthisy, en date du 27 mai 1061, est un commentaire plus précis de la précédente, bien que le mot d'immunité n'y soit pas prononcé : désormais sur les terres et les hôtes de la basilique, ni le roi ni aucune autre puissance ne pourra revendiquer une juridiction quelconque[212]. Un diplôme de 1070 pour l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif de Sens est plus explicite encore : le roi, après avoir rappelé le souvenir du passage de son aïeul Robert et de la châsse dans laquelle il enferma les reliques de saint Savinien, renouvelle l'immunité au monastère et il définit en quoi elle consistera désormais : les terres de l'abbaye seront libres et exemptes de toute juridiction ; aucun fonctionnaire royal ne pourra lever sur le bourg ni sur les villas, chemins et terres de l'abbaye, aucune coutume, aucun péage, aucun tonlieu ; il ne pourra employer les hommes libres ou esclaves de ladite abbaye, ni exiger d'eux aucune redevance à cet effet[213]. On trouve une explication identique, quoique moins détaillée, dans le diplôme de 1077 pour les chanoines de Saint-Gervais-et-Saint-Protais d'Orléans que nous avons déjà eu l'occasion de citer[214]. Enfin un diplôme de 1090 pour Saint-Rémi de Reims donne encore au mot la même signification : le monastère sera exempt (immune) de toute justice et de tout pouvoir étranger ; à l'exception de l'abbé et des moines, personne n'y exercera le pouvoir judiciaire[215]. En résumé, l'immunité, c'est l'exemption de tous droits régaliens et en particulier de la justice royale. En outre l'immunité soustrait l'abbaye qui en est l'objet à l'intervention temporelle de toute personne laïque et ecclésiastique. Par suite, elle lui donne une certaine indépendance vis-à-vis de l'évêque. Nous avons déjà eu l'occasion de citer le diplôme de 1068 renouvelant à l'abbaye de Saint-Denis les privilèges des rois de France[216]. L'abbaye de Saint-Denis jouissait à la fois de l'exemption et de l'immunité. Or que fait le roi ? Il interdit à l'évêque de Paris d'avoir des rapports avec les moines, mais on remarquera qu'il ne s'agit que des rapports temporels que l'évêque prétendait exiger à tort. En matière spirituelle, c'est le pape qui décide. Ainsi le roi, par l'immunité, peut enlever à l'évêque sa juridiction temporelle, mais il ne porte que rarement atteinte à sa juridiction spirituelle[217]. Au contraire, il s'efforce de la maintenir, pour l'empêcher sans doute d'être usurpée par Rome. Quand, en 1079, Philippe Ier donne à Cluny le monastère de Saint-Martin-des-Champs, il a soin de conserver à l'évêque de Paris tous ses pouvoirs spirituels[218] ; Saint-Martin-des-Champs était cependant une abbaye royale. On comprend quelle situation était faite dès lors à ces abbayes ; elles jouissaient d'une véritable indépendance. Par suite, de tels privilèges devaient être recherchés et devaient attacher ceux qui en étaient l'objet par les liens d'une vive reconnaissance. Cependant l'immunité présentait un danger : c'est une aliénation du domaine royal et nous avons vu que, dans le gouvernement de la société laïque, Philippe Ier a soigneusement évité de semblables aliénations. Aussi, tout en ayant concédé plusieurs privilèges d'immunité, n'en a-t-il pas abusé ; il n'y a recours que dans les cas de grande nécessité, mais parfois, sans aller jusqu'à l'immunité totale, il accorde l'exemption de certains droits régaliens, de certaines redevances : ainsi il conserve la haute main sur l'administration de l'abbaye tout en s'attachant les moines par ses faveurs. En 1066, Philippe Ier confirme les donations de terres et revenus faites à l'abbaye Saint-Nicaise de Reims par Gervais, archevêque de Reims, qui l'avait restaurée ; il décide que l'abbaye et les terres qui l'entourent seront libres de toute redevance[219]. En 1072, il confirme la donation de plusieurs églises faite par Simon de Montfort à l'église Saint-Magloire de Paris ; il les déclare également libres de toute redevance vis-à-vis de toute puissance laïque ou ecclésiastique[220]. Dans d'autres diplômes il n'est question que de certaines redevances spécialement désignées. En 1070, le roi fait remise à l'abbaye de Ferrières-en-Gâtinais des coutumes revendiquées par ses prédécesseurs sur les terres de l'abbaye, mais il se réserve l'achat du vin à Burcy, et, au cas où il serait nécessaire de clore son château, le charroi des bœufs des hommes au delà du Loing[221]. En 1086, il accorde au monastère Saint-Père de Chartres une immunité à peu près complète pour certains biens qu'il possédait au lieu dit Area Braca ; il sera interdit d'exiger du gardien du monastère aucune corvée ni aucune exaction. Toutefois le roi se réserve certaines redevances en argent et en nature[222]. L'immunité a donc permis au roi de s'attacher beaucoup d'abbayes. Il n’est pas douteux toutefois que cette arme n'a pas la même valeur que l'exemption pontificale : par l'immunité le roi accorde certains avantages temporels, mais par là même il perd une partie de son autorité ; par l'exemption au contraire le pape subordonne l'abbaye beaucoup plus étroitement à son pouvoir. Dans cette rivalité d'influence le roi devait être fatalement vaincu. Aussi, quand l'abbaye avait une certaine importance, préféra-t-il s'accorder avec la papauté et il confirma tout simplement les privilèges d'exemption. Ce fut le cas à Saint-Denis en 1068. Nous avons déjà cité le curieux diplôme par lequel Philippe Ier a confirmé le privilège d'exemption accordé à Saint-Denis par les papes et les évêques[223] ; il le complète en quelque sorte en interdisant à l'évêque de Paris et à ses clercs de se mêler des affaires de l'abbaye de Saint-Denis et d'y pénétrer sous un prétexte quelconque. Le roi eut la même attitude à l'égard de l'abbaye de Tournus en 1075[224] ; il confirma les privilèges de ses prédécesseurs relatifs à la liberté du monastère comme il confirma ceux du Saint-Siège et des évêques parce que, disait-il, ils avaient été faits à la prière des rois en faveur de la liberté de ce lieu — quia deprecatione regum ad libertatem loci facta sunt[225]. Il résulte de la politique royale et de la politique pontificale un affranchissement complet de l'Eglise régulière vis-à-vis de toute puissance laïque et ecclésiastique. Ce fut en somme l'épiscopat français qui, ici encore, paya les frais de la rivalité d'influence du roi avec le Saint-Siège. Les diplômes d'immunité affranchissent les abbayes de toute redevance non seulement envers les fonctionnaires royaux et les autres fonctionnaires laïques, mais aussi envers l'évêque. Les privilèges d'exemption les dispensent de la juridiction spirituelle de l'Ordinaire. De plus en plus la vie de l'Eglise de France s'affaiblit tandis que le Saint-Siège s'immisce dans ses affaires propres, malgré le roi ou avec l'assentiment du roi. |
[1] Cf. Mansi, Conciliorum collectio, t. XIX, col. 897-899 et 1024-1026.
[2] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XV, p. 46, l. 8.
[3] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXV, p. 72, l. 10.
[4] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXV, p. 72, l. 10 et suiv.
[5] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX, p. 92, l. 21-22.
[6] Vita et miracula S. Petri de Chavanon. (Acta Sanctorum, Septembris, t. III, p. 476 A et B.)
[7] Cette règle est donc antérieure à Yves de Chartres, contrairement à l'opinion généralement admise d'après laquelle Yves l'aurait le premier mise en vigueur à Saint-Quentin de Beauvais. (Cf. Bernard Monod, Essai sur les rapports de Pascal II et de Philippe Ier, p. 124-125.) C'est seulement en 1078, c'est-à-dire onze ans plus tard, que la réforme canonicale fut faite à Saint-Quentin, ainsi que l'atteste Aubri de Trois-Fontaines. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 685 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 798.)
[8] Migne, Patr. lat., t.
CXLIII, col. 1401-1402 ; Gall. christ., t. X, Instr. col. 24.
[9] Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1402-1404 ; Varin, Archives administratives de la ville de Reims, t. I, 1re part., p. 215-219.
[10] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXI, p. 96, l. 12-13.
[11] Gesta episcoporum Cameracensium. Continuatio. (Monumenta Germaniæ histarica, Scriptores, t. VII, p. 497.) On trouvera la charte d'institution dans Miræus, Opp. dipl., t. I, p. 155.
[12] Bibl. Nat., Coll. Moreau, t. XXX, fol. 73.
[13] Chronicon Turonense Magnum, anno MXCII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 465 ; Salmon, Chroniques de Touraine, p. 128.) Cf. Vaucelle, La collégiale de Saint-Martin de Tours, des origines à l'avènement des Valois (397-1328.)
[14] Annales Formeselenses, anno MC. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 36.)
[15] Miracula S. Raymundi confessoris. (Acta
Sanctorum, Julii, t. I, p. 602 AB.)
[16] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 714.
[17] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXX, p. 329-331. M. Prou place ce diplôme entre 1072 et 1092. Il nous paraît plus proche de la première de ces deux dates, car il est question (p. 330, l. 20-21) de l'avis des optimales regni qui sont de moins en moins consultés au fur et à mesure que l'on avance dans le règne.
[18] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXX, p. 330, l. 21-25.
[19] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 726.
[20] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXV, p. 288, l. 21-22.
[21] Vita B. Geraldi de Salis, c. I. (Acta Sanctorum, Octobris, t. X, p. 255 AB.)
[22] Vita B. Geraldi de Salis, c. I. (Acta Sanctorum, Octobris, t. X, p. 256 C.)
[23] Berthold de Reichenau, année 1095. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 28.)
[24] Cartulaire de la Trinité de Vendôme, éd. Métais, t. II, n° 419.
[25] Gallia christiana, t. VIII, Instr., col. 305.
[26] Pour la liste des communautés de chanoines réguliers à la fin du XIe siècle, nous renvoyons à Bernard Monod, op. cit., I. II, troisième partie, chapitre Ier, p. 122-126.
[27] Migne, Patr. lat., t.
CXLIII, col. 1401-1402 ; Gall. christ , t. X, Instr., col. 24.
[28] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXII, p. 213, l. 17-21, et p. 214, l. 1.
[29] Cf. Dupin, l'Abbaye et les cloîtres de Moissac, p. 61.
[30] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 726.
[31] Cf. Gesta Seheri abbatis Calmosiacensis. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 125.)
[32] Jaffé, n° 5573 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 423.
[33] Jaffé, n° 5578 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 426,
[34] Jaffé, n° 5766 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 734.
[35] Jaffé, n° 5729 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col- 524.
[36] Jaffé, n° 5761 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 535.
[37] Jaffé, n° 6031.
[38] Jaffé, n° 6148.
[39] Jaffé, n° 6025.
[40] Jaffé, n° 5850.
[41] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXIX, p 328, l. 12-13.
[42] Yves de Chartres, ep. 49. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 87.)
[43] Bruel, n° 3363, t. IV, p. 457.
[44] Bruel, n° 3377, t. IV, p. 469.
[45] Baluze, Miscellanea, t. VI, p. 418, et t. III, in-fol., p. 55.
[46] Bruel, n° 3385, t. IV, p. 481.
[47] Bruel, n° 3387, t. IV, p. 484.
[48] De gallica profectione Petri Damiani, c. II-IV. (Migne, Patr. lat., t. CXLV, col. 865-867.)
[49] Jaffé, n° 4513 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 291.
[50] Jaffé, n° 5372.
[51] Jaffé, n° 5551 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 410.
[52] Notitia de consecratione altaris Cluniacensis. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 100.)
[53] Jaffé, n° 5602 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 716.
[54] Jaffé, n° 5845 ; Migne, Patr. lat., t. CLXIII, col. 51.
[55] Jaffé, n° 5846 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 21.
[56] Cf. De gallica profectione Domni Petri Damiani, c. II-IV (Migne, Patr. lat., t. CXLV, col. 865-867), et Notitia synodalis diffinitionis pro immunitate cœnobii Cluniacensis, (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 25.)
[57] Gesta Petri Albanensis episcopi, apostolicæ sedis legati. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 47.)
[58] Greg. VII Reg., l. VI, ep. 33. (Bibl. rer. Germ., t. II, p. 369.)
[59] Greg. VII ep. coll. 37. (Bibl. rer. Germ., t. II, p. 564-565.)
[60] Jaffé, n° 5384 ; Coll. Brit. Urb. ep. 31.
[61] Placitum inter Norgandum, Aeduensem episcopllm et Cluniacenses coram Milone, R. E legato. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 117.)
[62]
Greg. VII Reg., l. VI, cp. 17. (Bibl. rer.
Germ., t. II, p. 350-352.)
[63] Jaffé, n° 5678 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 729.
[64] Ex anonymi collectaneis de S. Hugone. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 72.)
[65] S. Petri Damiani iter gallicum, c. XIV-XV. (Migne, Patr. lat., t. CXLV, col. 875.)
[66] Geoffroy, prieur du Vigeois, année 1063. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 288.)
[67] Jaffé, n° 5920 ; Pflugk-Harttung, Acta,
t. I, p. 74.
[68] Jaffé, n° 5725 : Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 737.
[69] Jaffé, n° 5776 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 736.
[70] Jaffé, n° 5639 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 462.
[71] Geoffroy, prieur du Vigeois, année 1063. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 288.)
[72] Placitum inter Norgandum Aeduensem episcopum et Cluniacenses. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 117.)
[73] Simonis gesta abbatis S. Bertini Sithiensium, l. II, c. 62-67. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XIII, p. 648-649.)
[74]
Vita S. Bernardii abbatis, c. VI. (Acta Sanctorum. Aprilis, t. II, p. 233 E-234 A.)
[75] Jaffé, n° 5884 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 23.
[76] Jaffé, n° 5648 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 721.
[77] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis. (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 509.) — Chronique dite de Guillaume Godelle. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 284.)
[78] Orderic Vital, l. VIII, c. XXVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 435.)
[79] Sigebert de Gembloux, année 1098. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 261 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VI, p. 463.) — On trouve un récit identique à celui de Sigebert dans : Chronicon S. Bertini. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 459) ; — Chronicon Turonense, anno MXCVIII (ibid., t. XII, p. 467), — et dans la chronique de Guillaume Godelle. (Ibid., t. XIII, p. 673.)
[80] Guillaume Godelle (loc. cit.) donne la date du 21 mars que confirment les Annales S. Victorii Massilienses (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 3) et une chronique de Toulouse. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 373.)
[81] Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 523.
[82] Exordium Cisterciensis cœnobii, c. III (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 110.) — Pour plus de détails sur les origines de Cîteaux, cf. Janauschek (Leopoldus), Origines Cistercienses.
[83] Exordium Cisterciensis cœnobii, c. IV-V. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 110.) — Cf. aussi Orderic Vital, loc. cit., et Chronicon S. Bertini. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 459) ; Chronicon Turonense, anno MXCVIII (ibid., t. XII, p. 467), et la chronique de Guillaume Godelle. (Ibid., t. XIII, p. 673.)
[84] Jaffé, n° 5793 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 110.
[85] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 110-111.
[86] Exordium Cisterciensis cœnobii, c. VIII. (Rec. des Histor. de France, t. XIV, p. 111.)
[87] Orderic Vital, l. VIII, c. XXVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 443.)
[88] Exordium Cisterciensis cœnobii, c. X. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 111-112.)
[89] Exordium Cisterciensis cœnobii, c. X. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 111-112.)
[90] Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 525.
[91] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 112.
[92] Jaffé, ri° 5842 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 112-113.
[93] Orderic Vital, l. VIII, c. XXVI. (Ed. Leprévost, t. III, p. 444-445.)
[94] Chronicon Andegavense, anno MLXXIV. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 169.)
[95] Chronicon Turonense. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 463.)
[96] C'est la date donnée par la vie de saint Géraud, c. III. (Acta Sanctorum. Aprilis, t. I, p. 419.) La chronique de Saint-Maixent rapporte cette fondation à 1077. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 401 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 406.) La première date semble plus vraisemblable, puisque la fondation du monastère, comme on le verra plus loin, fut ratifiée par un concile tenu à Bordeaux en 1080.
[97] Cf. Vita S. Geraldi abbatis, c. III. (Acta Sanctorum, Aprilis, t. I, p. 417 E-418 AB), et surtout : Notitia de fundatione monasterii Silvæ Majoris ab ipso B. Geraldo conditore conscripta. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 45.) C'est à cette notice que nous empruntons spécialement le récit du concile de Bordeaux.
[98] La date est donnée par une chronique de Saint-Florent de Saumur. (Lobineau, Hist. de Bretagne, t. II, p. 22 ; Rec. des histor. de France, t. XII, p. 489.)
[99] Vita B. Geraldi de Salis, c. I. (Acta Sanctorum, Octobris, t. X, p. 254 F.)
[100] Cf. Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MC (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 404 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 420) ; Richard de Poitiers. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 412.)
[101] Vita S. Geraldi abbatis, c. III. (Acta Sanctorum. Aprilis, t. I, p. 417 CD.)
[102] Vita Benedicti, abbatis Clusensis, c. IV. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XII, p. 199.)
[103] Yves de Chartres, ep. 70. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 101.)
[104] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXI, p. 403, l. 8-16.
[105] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CI, p. 261, I. 9-10.
[106] Simonis gesta abbatum S.
Bertini Sithiensium, l. II, c. 1-11.. (Monumenta
Germaniæ historica, Scriptores, t. XIII, p. 643-644.)
[107] Chronicon Elnonense S. Amandi, anno MLXII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 344.)
[108] Jaffé, n° 4458 ; Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1352.
[109] Archives de l'Indre A 4, p. 442. — Cf. Hubert, Rec. hist. de chartes intéressant le dép. de l’Indre. (Revue du Berry, année 1899, p. 246.)
[110] Vita S. Amulfi, l. I, c. XVII. (Rec..des histor. de France, t. XIV, p. 54.)
[111] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis, anno MXCVI. (Duru, Bibl. histor. de l'Yonne, t. Il, p. 513.)
[112] Simonis gesta abbatum
Sithiensuun, l. I, c. XXV. (Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. XIII, p. 641.)
[113] Greg. VII Reg., l. VI, ep. 27. (Jaffé, Bibl. rer, Germ., t. II, p. 363.)
[114]
Annales Elnonenses majores, anno MLXII. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores,
t. V, p. 13.)
[115] Cf. Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. XIII, p. 644, n. 2.
[116] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 195.
[117] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CX, p. 281, l. 14-18.
[118] Jaffé, n° 4548 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 540.
[119] Jaffé, n° 4608 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 540.
[120]
Greg. VII Reg., l. IV, ep. 20. (Bibl. rer.
Germ., t. II, p. 268-271.)
[121] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 670.
[122] Jaffé, n° 5631 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 457.
[123] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CII, p. 263, Il 19, — p 264, l. 4. — Il ne s'agit ici que de la juridiction spirituelle, mais l'évêque avait encore des droits temporels analogues à ceux des seigneurs laïques et d'autres droits se rattachant à 1 exercice de sa juridiction : droit de gîte, procuration, etc. — Cf. Vendeuvre : La « libertas » royale des communautés religieuses au XIe siècle. (Nouvelle Revue historique de droit français et étranger, t. XXXIII (1909), p. 524, et t. XXXIV (1910), p. 332.)
[124] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXI, p. 402.
[125] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CII, p. 264, l. 4-5.
[126] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CX, p. 281, 17-18.
[127] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 498.
[128] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 902.
[129] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 924.
[130] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 933.
[131] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 1123-1124.
[132] Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 400.
[133] Yves de Chartres, ep. 4. (Migne, Patr. lat., t, CLXII, col 14.)
[134] Yves de Chartres, ep. 82. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 103.)
[135] Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 509.
[136] Jaffé, n° 6063 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p 36.
[137] Jaffé, n° 5828 ; Rec. des histor. de France, t. XV. p. 20.
[138] Cf. Notitia diffinitionis inter monachos S. Victoris Massiliellsis et Psalmodienses. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 104.)
[139] Lambert d'Arras, ep. 34. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 184.)
[140] Rec. des Histor. de France, t. XV, p. 188.
[141] Rec. des Histor. de France, t. XIV, p. 534.
[142] Jaffé, n° 4518 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 536.
[143] Jaffé, n° 4517 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 537.
[144] Jaffé, n° 4H09 ; Rec. des histor. de France, t XIV, p. 537.
[145] Cf. la lettre de Foulque au pape Alexandre II. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 534.)
[146] Geoffroy de Vendôme, l. I, ep. 17. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 278.)
[147] Geoffroy de Vendôme, l. I, ep. 3. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 281.)
[148] Cf. Jaffé, Regesta pontificum Romanorum. — Voir aussi : Fabre, Etude sur le liber censuum de l'Eglise romaine.
[149] Jaffé, n° 4458 ; Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1352.
[150] Cf. la lettre de Foulque au pape Alexandre II. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 534.)
[151] Jaffé, n° 5454 ; Goiffon, Bull. de Saint-Gilles, p. 29.
[152] Pour plus de détails, cf. Bernard Monod, op. cit., 2e partie, c. II.
[153] Cf. la notice anonyme publiée dans Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 93 et suiv.
[154] Jaffé, n° 4458 ; Migne, Patr. lat., t. CXLIII, col. 1352.
[155] Jaffé, n° 4512 ; Migne, Patr. lat., t. CXLVI, col. 1291.
[156] Jaffé, n° 4649 ; Pflugk-Harttung, Acta,
t. I, p. 43.
[157] Jaffé, n° 5436 ; Anal. jur. pont., t. X, p. 523.
[158] Jaffé, n° 5630 ; Anal. jur. pont., t. X, p. 543.
[159] Jaffé, n° 5441 ; Anal. jur. pont., t. X, p. 526.
[160] Jaffé, n° 5714 ; Anal. jur. pont., t. X, p. 563.
[161] Jaffé, n° 5563 ; Pflugk-Harttung, Acta,
t. I, p. 59.
[162] Cartulaire de Saint-Jean-d'Angély. (Bibl. Nat., ms. lat. 5451, fol. 24 v°.)
[163] Bibl. Nat., Coll. Moreau, vol. XXXVI, fol. 129.
[164] Cf. Bernard, Monod, op. cit.,
p. 117.
[165]
Ex Guimanni libro de possessionibus S. Vedasti. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores,
t. XIII, p. 711.)
[166] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVIII, p. 83-86.
[167]
Cf. une charte de Renaud, archevêque de Reims. (Gall. christ., t. X, Instr. col. 31.)
[168] Miracula S. Marculfi. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 115.)
[169]
Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXV, p. 104,1. 17.
[170] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVI, p. 271, l. 12-14.
[171] Simonis gesta abbatum
Sithiensium, l. I, c. XIII. (Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. XIII, p. 639.)
[172] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVII, p. 79-83.
[173] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIII, p. 240, l. 11-24.
[174] Hariulf, Chronicon Centulense, l. IV, c. XXII. (Ed. Lot, p. 240.)
[175] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CX, p. 280, l. 33-34.
[176] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVII, p. 108, l. 4-6.
[177] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVI, p. 192-193.
[178] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIX, p. 200-202.
[179] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIX, p. 230-232.
[180] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCV, p. 245-248.
[181] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIII, p. 285-287.
[182] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CX, p. 279-282.
[183] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIV et LXXV, p. 186-191.
[184] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVII, p. 272-273.
[185] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXX, p. 178-181.
[186] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVIII et CXXIX, p. 324-328.
[187] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVI, p. 224-226.
[188] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLIV, p. 356-358.
[189] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXV, p. 221-223.
[190] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXII, p. 283-285.
[191] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIV, p. 388, l. 5.
[192] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXVII, p. 411, l. 2-3.
[193] Hariulf, Chronicon Centulense, l.
IV, c. XXXIV. (Ed. Lot, p. 268.)
[194] Hariulf, Vita S. Gervini,
abbatis Centulensis, c. IV. (Mabillon, Acta Sanctorum, ord. S. Bened.,
sæc. VI, 2e part., p. 325.)
[195] Vita S. Godefridi, Ambianensis episcopi. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 175.)
[196]
Vita S. Galterii, abbatis Pontisariensis. (Acta Sanctorum, Aprilis, t. I, p. 751
BC)
[197] Simonis gesta abbatum S.
Bertini Sithiensium, l. I, c. XVIII. (Monumenta
Germaniæ, historica, Scriptores. t. XIII, p. 640.)
[198] Vita S. Arnulfi, l. I, c. IX. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 53.)
[199] Greg. VII Reg., l. II, ep. 65. (Bibl. rer. Germ., t. II, p. 184-185.) La lettre précédente, adressée à Yves, est un violent réquisitoire contre la simonie de l'abbé.
[200] Versus cujusdam monachi carpentis quendam abbatem nomine Yvonem. (Neues Archiv., t. XXI, p. 765-766.)
[201] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 182.
[202] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 183.
[203] Yves de Chartres, ep. 9. (Rec. des histor. de Franc, t. XV, p. 80.)
[204] Pour la date, cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 345, n. 1.
[205] Yves de Chartres, ep. 70. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 89.)
[206] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVII, p. 345-346. — Il est à remarquer qu'il y a ici accord entre le roi et l'évêque et que le roi n'agit pas seul, de sa propre autorité, pour une affaire purement spirituelle.
[207] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 194, l. 16.
[208] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLV, p. 125-127.
[209] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 197-200.
[210] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIV, p. 145,1. 12.
[211] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IX, p. 29, l. 17-21.
[212] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XI, p. 33, l. 3-8.
[213] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LII, p. 141, l. 24-30. — On remarquera que, dans ce diplôme, Philippe Ier ne fait que renouveler un privilège antérieur. Dans bien des cas évidemment, ces donations d'immunité ne font que reproduire des formules très anciennes, remontant parfois jusqu'à l'époque mérovingienne, mais, d'après ce que nous avons dit du domaine royal à l'époque de Philippe Ier, on comprend tout de suite quelle valeur elles ont prise.
[214] Ibid., n° LXXXVII, p. 228, l. 11-15.
[215] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXX, p. 305, l. 17-22.
[216] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XL, p. 114-117.
[217] Nous avons cité quelques cas dans lesquels le roi paraît vraiment se substituer à l'évêque (cf. l. IV, c. I), mais il est fort possible qu'il agisse de concert avec lui et même sur son invitation.
[218] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCV, p. 245-248.
[219] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVI, p. 76-79.
[220] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 163-165.
[221] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LI, p. 137-139.
[222] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXVIII, p. 301, l. 24-31.
[223] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XL, p. 114-117.
[224] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 197-200.
[225] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 198, l. 27-28.