I La mort de Grégoire VII (1085) n'apporte aucun changement aux principes de la politique pontificale. Le successeur immédiat de Grégoire VII, Didier, abbé du Mont-Cassin, pape sous le nom de Victor III (1086-1087), ne fait que passer. Le véritable continuateur de l'œuvre de Grégoire VII, c'est Urbain II (1088-1099). Urbain II maintient tous les décrets de son prédécesseur sur la simonie et l'investiture. En 1094, le concile d'Autun punit de l'excommunication l'hérésie simoniaque et l'incontinence des prêtres[1]. En 1095, le concile de Plaisance prononce la même peine ; il considère en outre comme simoniaque le fait de donner ou de promettre de l'argent pour des biens ecclésiastiques ; pareille donation devait être considérée comme nulle et sans effet[2]. Le concile de Clermont (1095) défend à tout laïque de vendre ou de retenir des dîmes[3]. D'autre part la théorie d'Urbain II sur les rapports de la papauté avec les États temporels ne diffère pas de celle de Grégoire VII. Le nouveau pape a trouvé l'occasion de l'exprimer, l'année même de son avènement, dans une bulle à l'évêque de Maguelonne au sujet du comte de Substantion et de Melgueil[4]. Il y rappelle que l'Eglise doit être libre, mais que les entreprises d'hommes pervers, jointes à la négligence de certains pasteurs, ont, dans quelques Etats, porté atteinte à cette liberté et placé l'Eglise sous le joug des puissances séculières. Le rôle du pape étant de veiller au salut et à la gloire de l'Eglise, il doit la préserver de tout lien qui ressemblerait à une servitude. Urbain II se plaît à insister sur cette idée ; il y revient sous une autre forme quand il affirme, dans cette même bulle, que le Seigneur a créé l'Eglise romaine mère et souveraine de toutes les églises, afin qu'elle corrige ce qui est mal et qu'elle donne son assentiment à ce qui est bien. C'est sans doute de cet exposé de principes que certains historiens se sont autorisés pour faire d'Urbain II un théocrate intransigeant. Une pareille affirmation nous paraît exagérée : Urbain II est plus modéré que ses légats dont il combat les exagérations. Le 18 juillet 1093, il absout Gervin, évêque d'Amiens, accusé de simonie par son métropolitain et les évêques de la province, à la suite d'une enquête qui avait prouvé que ni pour obtenir l'abbaye de Saint-Riquier, ni pour devenir évêque d'Amiens, il n'avait donné ni promis de l'argent, et que, si quelqu'un l'avait fait pour lui, c'était à son insu[5]. Le 13 mai 1094, il absout également Foulque, évêque de Beauvais, qu'il considère comme innocent du crime de simonie[6]. D'autre part, Urbain II est un pape français, en butte, comme Grégoire VII, à l'hostilité très vive de l'Empereur et même de l'Italie. On comprend qu'il ait, dans ces conditions, cherché à se rapprocher de la France, sans jamais toutefois rien sacrifier de ses principes. Tout en ayant la même théorie de la suprématie romaine que Grégoire VII, tout en la formulant avec la même fermeté, dans la pratique et spécialement dans ses rapports avec la France, Urbain II sera toujours prêt à la bienveillance ; il s'efforcera de conjurer toute rupture, mais il sera obligé d'y venir malgré lui, contraint et forcé par l'adultère du roi. Au début, les rapports entre Philippe Ier et Urbain II furent empreints d'une très réelle cordialité. Bernold de Saint-Blasien rapporte qu'aussitôt après son avènement, Philippe promit au pape la soumission qui lui était due[7]. Urbain II l'accepta avec empressement, car la situation de la papauté était critique : une fois proclamé, il était rentré à Rome, occupée par l'antipape Guibert, mais il dut la quitter presque aussitôt et séjourna dans le sud de l'Italie[8]. Aussi, en même temps qu'il cherchait à unir les adversaires allemands et italiens de l'Empereur, songea-t-il à se ménager éventuellement l'appui de la France. En 1091, pendant son séjour en Campanie[9], il entretient encore de bonnes relations avec Philippe Ier comme avec les divers princes, à l'exception de l'Allemagne[10]. La principale manifestation de cette politique favorable au roi de France, ce fut le rôle joué par Urbain II, de 1093 à 1095, dans le différend entre les deux églises de Cambrai et d'Arras. L'église d'Arras dépendait de l'évêque de Cambrai, bien qu'Arras fît partie du regniun Francorum, tandis que Cambrai se rattachait il l'empire. A la mort de Géraud, évêque de Cambrai, les clercs ne furent pas tous du même avis pour la désignation de son successeur ; les habitants de la ville, furieux de ces délais, déclarèrent que personne ne serait évêque s'il n'avait été choisi par l'Empereur et par la meilleure partie du clergé et du peuple. Devant ces menaces, le doyen du chapitre se prépara à porter à l'Empereur le bâton pastoral, mais le custos ecclesiæ se dressa devant lui et déclara que cette mission était dans ses attributions. Ce conflit dura plus d'une année, pendant laquelle l'Empereur ignora la mort de Géraud. Les habitants de Cambrai, déplorant que la ville fût ainsi privée d'évêque, élurent un Français, du nom de Manassès. Là-dessus les clercs indignés se rassemblèrent et choisirent le doyen, Mascelin. Les habitants contestèrent cette élection et, devant leurs menaces, les clercs cédèrent. Manassès partit pour se faire confirmer par l'Empereur, mais il ne trouva pas crédit devant lui, sous prétexte (et ajuste titre) qu'il n'avait pas été élu canoniquement. Le résultat, ce furent de graves discordes à Cambrai, les laïques prétendant que les clercs avaient intrigué auprès de l'Empereur pour empêcher la confirmation de Manassès[11]. Les habitants d'Arras saisirent aussitôt l'occasion de se séparer de Cambrai et, en 1093, sur le conseil de Philippe Ier, ils élurent évêque Lambert de Guines[12]. C'était un moyen très habile pour le roi de rattacher complètement Arras à la France. Mais il fallait obtenir l'assentiment du pape qui, comme nous l'avons vu, était maître de l'organisation ecclésiastique de la France. Or les clercs et les laïques de Cambrai s'étaient violemment élevés contre cet acte d'indépendance de l'église d'Arras[13]. Les clercs d'Arras allèrent trouver le pape et lui exposèrent leur affaire ; ils le supplièrent d'accorder la liberté à l'église d'Arras si longtemps asservie. Philippe Ier joignit ses propres prières à celles des clercs[14]. Bref, le pape se laissa fléchir ; il accorda à l'église d'Arras le privilège d'avoir à perpétuité un évêque à elle ; il confirma l'élection de Lambert et sépara ainsi les deux églises de Cambrai et d'Arras[15]. Les Gestes des abbés de Saint-Bertin ont fort bien démêlé les raisons qui ont fait agir le pape : la scission des deux églises et la consécration de Lambert, c'est un acte d'hostilité envers l'Empereur, une atteinte portée à ses pouvoirs[16] ; c'est aussi par là même un acte de rapprochement avec le roi de France. Les intérêts de Philippe Ier et d'Urbain II se sont trouvés ici confondus, et le pape a augmenté la puissance du roi de France au détriment de celle de l'Empereur. Il s'agissait maintenant de faire consacrer Lambert. La chose n'alla pas sans difficultés. Lambert devait être consacré par Renaud, archevêque de Reims, qui différa autant qu'il put cette cérémonie. Il refusa d'abord de fixer le jour avant d'avoir consulté ses suffragants qui devaient se réunir à Reims le 15 août[17]. Urbain II fut obligé d'intervenir et de prier Renaud de se hâter[18]. Renaud transmit la bulle à l'évêque de Soissons pour qu'il la communiquât à son tour aux autres suffragants et promit à Lambert de lui fixer une date quand les réponses lui seraient parvenues, mais ce ne serait pas avant l'octave de Saint-André, c'est-à-dire au commencement de décembre[19]. Les réponses ne furent pas favorables à Lambert, et Renaud essaya de faire revenir le pape sur sa décision. Tout en s'excusant de ne pas avoir consacré Lambert, il fit valoir auprès d'Urbain II que ni lui ni ses suffragants n'étaient d'avis de procéder à la consécration. Ils ne demandaient pas mieux que de s'en remettre à l'arbitrage du pape, mais ils craignaient que l'église de Cambrai, qui ne faisait pas partie du royaume, ne se séparât de celle de Reims ; or elle était six fois plus importante que celle d'Arras. Dans ces conditions, ils suppliaient le pape de ne pas ordonner la consécration de Lambert, mais ils étaient prêts à s'incliner devant sa décision[20]. Urbain II passa outre[21]. Lambert fut enfin consacré, sur son ordre, dans un concile réuni à Reims le 17 septembre 1094, ainsi que le prouve une lettre de Renaud à Robert, comte de Flandre[22]. L'archevêque recommandait au comte d'accueillir Lambert avec respect et de lui obéir comme à son pasteur et à son évêque. En même temps Hugues de Die pria Robert de défendre l'évêque d'Arras et de lui prêter son concours, s'il était nécessaire, pour faire restituer les biens de l'Eglise[23]. Pendant que Lambert était ainsi consacré évêque d'Arras, les clercs de Cambrai essayaient de rétablir l'union des deux églises. Une fois la séparation des deux diocèses accomplie par l'élection de Lambert, ils élurent évêque de Cambrai l'archidiacre Vaucher. Vaucher alla trouver l'Empereur qui l'investit de l'évêché et du comté de Cambrai, puis il demanda à l'archevêque de Reims de le consacrer. L'archevêque sollicita, à cet effet, l'autorisation d'Urbain II qui ne fit pas de difficultés pour l'accorder. Manassès, l'ancien élu du peuple de Cambrai, essaya de s'opposer à la consécration, mais il fut excommunié. Une fois consacré, Vaucher alla trouver le pape et se plaignit de la perte de l'église d'Arras Le pape compatit à son sort et consentit à discuter la question à nouveau ; il fixa même une date aux deux évêques pour se rendre en sa présence et examiner l'affaire. Mais Vaucher aurait refusé de donner au pape trois cents marcs d'argent qu'il exigeait de lui. Devant ce refus, le pape rappela Manassès sur le siège de Cambrai, bien que, Vaucher lui prouvât que son élection était canonique, tandis que celle de Manassès ne l'était pas ; Urbain II lui aurait répondu : Les canons n'ont rien à voir ici ; il n'y a qu'à obéir à mes lois[24]. Quoi qu'il en soit de la véracité de ce récit, le pape, par une bulle du 30 novembre 1095, confirma Manassès, en s'efforçant de prouver que son élection était canonique et que Vaucher n'était qu'un intrus[25]. Manassès fut ; consacré par Manassès, archevêque de Reims, en 1096[26]. Lambert, évêque d'Arras, fut invité à cette consécration, et il semble, d'après la lettre que lui adressa Manassès[27], que c'est à cette occasion que le conflit qui divisait les deux églises de Cambrai et d'Arras reçut une solution définitive. En tout cas, le 15 avril 1101, Pascal II confirma de nouveau Lambert dans la possession du siège d'Arras[28], et, le 5 mars 1104, il confirma ses biens et ceux de son église[29]. Ainsi les deux sièges de Cambrai et d'Arras étaient définitivement séparés. C'était une victoire à la fois pour la papauté et pour la France, obtenue par l'accord d'Urbain II et de Philippe Ier. Cet accord n'allait pas durer bien longtemps. La répudiation de Berthe de Frise et l'enlèvement de Bertrade d'Anjou par Philippe Ier déterminèrent une brouille entre le pape et le roi de France. Dans cette affaire, on l'a vu[30], Urbain II fit preuve d'un réel esprit de conciliation, mais il ne pouvait enfreindre les règles canoniques sur l'indissolubilité du mariage chrétien. Toutefois il fit tout ce qui était en son pouvoir pour amener la séparation de Philippe et de Bertrade ; il employa tour à tour la prière et la menace. C'est que la réconciliation était nécessaire pour les plus grands intérêts du Saint-Siège et pour la lutte contre l'Empereur. Aussi, en 1095, le pape se décida-t-il à venir lui-même en France, espérant obtenir avec l'appui des évêques un rapprochement et une alliance. Il échoua sur toute la ligne. Du moins ce séjour eut-il pour résultat de resserrer les liens qui existaient entre l'Eglise de France et le pape, et, à ce titre, il doit nous arrêter un instant. En suivant le pape dans ses pérégrinations en France, nous constaterons d'ailleurs que Philippe Ier n'a rien fait pour lui susciter des ennuis, comme il avait fait à Hugues de Die en 1078. Les rapports ne sont pas franchement hostiles, mais le roi ne veut pas abandonner l'objet de sa passion, tandis que le pape maintient les rigueurs des censures ecclésiastiques. Urbain II entra en France par Valence où il se trouvait dans les premiers jours d'août[31]. Il arriva au Puy le 15 août[32] ; de là il vint à la Chaise-Dieu et consacra, le 18 août, le monastère élevé par saint Robert[33]. Pendant la fin du mois d'août, il gagna le midi, se rendit à Nîmes dont il consacra la cathédrale[34]. Le 11 septembre, il passa à Tarascon[35], puis il remonta la vallée du Rhône et de la Saône par Avignon (12-15 septembre)[36] Saint-Paul-Trois-Châteaux (19 septembre)[37], Lyon (8 octobre)[38], Mâcon (17 octobre)[39]. Le 18 octobre, il arriva à Cluny qui est sa dernière étape avant le concile de Clermont[40]. Le 25, il y consacra le grand autel du nouveau monastère, élevé en l'honneur des saints Apôtres Pierre et Paul ; d'autres autels furent consacrés par lui et par ceux qui l'accompagnaient, c'est-à-dire Hugues, archevêque de Lyon, Dabert, archevêque de Pise, et Brunon, évêque de Segni[41]. Ainsi, avant le concile de Clermont, le pape a visité le sud-est et le centre de la France. Il s'attarda longtemps encore après la clôture du concile qui eut lieu le 28 novembre. Cette fois il voyagea surtout dans l'ouest et le sud-ouest. Ses premières étapes furent Brive, Saint-Flour, Aurillac[42], puis Limoges où il arriva le 23 décembre, après être passé le 21 à Uzerche[43]. Il y célébra l'office de Noël ; le 29, il fit la dédicace de la cathédrale en l'honneur de saint Etienne, premier martyr ; enfin, le 31 décembre, il consacra la basilique royale en l'honneur du Sauveur du Monde et renouvela ses antiques privilèges. Cette cérémonie fut très solennelle ; plusieurs archevêques et évêques y assistèrent. Le pape consacra lui-même l'autel principal et y célébra une messe solennelle, puis, s'avançant au dehors, il bénit une foule immense[44]. En même temps, il s'occupait des affaires de l'Eglise de France, et nous savons par une relation manuscrite de l'abbaye de Saint-Martial qu'il présida une grande assemblée où furent traitées plusieurs questions ecclésiastiques[45]. La chronique de Saint-Maixent ajoute qu'il déposa l'évêque Humbaud[46]. De Limoges, Urbain II gagne le Poitou. Le 10 janvier 1096, il consacre un autel à Charroux[47]. Le 14, il arrive à Poitiers où il séjourne au moins jusqu'au 27, jour où il bénit le monastère de Montier Neuf[48]. Un peu avant le carême, il est à Angers ; le jour de la Septuagésime, il fait la dédicace de l'église de Saint-Nicolas, où l'on transfère le corps de Geoffroy Martel[49]. Il va ensuite jusqu'au Mans, où il séjourne trois jours[50], puis revient vers la Loire. On le retrouve le 24 février à Vendôme, où il consacre le crucifix du monastère de la Sainte-Trinité[51], le 10 mars à Marmoutier, où, assisté de Hugues de Die, il fait la dédicace d'une nouvelle église[52] ; le 14 mars au plus tard, il est à Tours[53], et le 16, il y ouvre un nouveau concile[54]. Après être resté sept jours dans cette ville, il reprend sa route vers le sud ; passe de nouveau à Poitiers (29-30 mars)[55], puis à Saint-Maixent (31 mars)[56], Saint-Jean-d'Angély (7 avril)[57], à Saintes, où il célèbre la fête de Pâques[58], à Bordeaux, arrive à Toulouse, où il consacre l'église de Saint-Sernin le 24 mai[59], et enfin à Nîmes, où il tient un concile dans lequel il donne l'absolution à Philippe Ier[60]. De là il revient vers l'Italie en passant par Avignon (22 juillet)[61] ; il se trouvait à Rome le jour de Noël[62]. Le pape est donc resté plus d'une année en France. Au point de vue politique, ce séjour n'eut pas tous les résultats qu'il en attendait. Sans doute le concile de Nîmes a réconcilié Philippe Ier avec le Saint-Siège, mais cette réconciliation sera de courte durée, le roi ne pouvant se décider à rompre avec Bertrade d'Anjou. En tout cas, à défaut du roi, les liens déjà très forts qui unissaient l'Eglise de France au Saint-Siège ont été resserrés par cette visite pontificale dans un grand nombre de diocèses. Le divorce du roi avec Berthe de Frise et son mariage avec Bertrade ont fait renaître la querelle des investitures. Urbain II n'a pas de raison de ménager le roi qui décidément, en 1096, méprise les lois de l'Eglise et vit dans un état de concubinage, sur lequel les évêques français, timorés et avides, paraissent décidés à passer l'éponge. De là plusieurs difficultés relatives au recrutement de cet épiscopat. En 1096, Richer, archevêque de Sens, étant mort, .Daimbert fut élu par le clergé et le peuple. Mais il dut attendre la consécration un an et deux mois ; enfin il alla à Rome, fut consacré par Urbain II, en revint avec le pallium et fut installé sur son siège archiépiscopal le 18 avril 1098[63]. Quelles furent les raisons du délai qui s'écoula entre l'élection et la consécration ? Ce fut d'abord très certainement la résistance de Daimbert à la primatie lyonnaise. D'autre part le bruit courait que Daimbert avait accepté l'investiture royale[64]. Yves de Chartres, qui devait sacrer son métropolitain, reçut défense du légat de procéder à ce sacre. Il ne contesta pas que la réception de l'investiture mettait l'élu en contradiction avec les lois ecclésiastiques, mais il ne cacha pas à son légat qu'à son avis le mieux eût été de passer sous silence la violation des récents décrets des pontifes romains. On peut conclure de ce passage d'Yves de Chartres que l'on avait quelquefois fermé les yeux, et que, jusqu'au jour où Philippe Ier, par son mariage avec Bertrade, s'était révolté contre une des lois fondamentales de l'Eglise, la papauté n'avait pas remarqué les investitures royales ; maintenant elle les dénonce, mais finit pourtant par céder en consacrant Daimbert, ce que n'eût peut-être pas fait Grégoire VII[65]. L'élection de Daimbert avait été longue, mais n'avait pas donné naissance à de réels incidents. On ne peut pas en dire autant de celle qui eut lieu au même moment à Orléans. En 1096, l'évêque d'Orléans, Jean, mourut. A cette nouvelle, l'archevêque de Tours, qui avait usurpé dans cette église les fonctions de prévôt et d'archidiacre, et le sous-doyen du chapitre de cette église surnommé Pisseleu, essayèrent d'avoir pour évêque un certain archidiacre Jean qui n'avait pas les conditions d'âge, de science, de mœurs requises pour l'épiscopat et dont la vie était des plus répréhensibles. Le roi donna son plein assentiment à cette manœuvre, mais la grande majorité du clergé élut Sancion, doyen de cette église, suffisamment âgé et de mœurs irréprochables. Philippe Ier consentit à le reconnaître et Sancion vint demander à Yves de Chartres de le consacrer, sur l'ordre de l'archevêque de Sens, mais, comme cet archevêque ne reconnaissait pas la primatie lyonnaise, Yves différa la consécration. Or, dans cet intervalle, des rivaux de Sancion l'accusèrent de simonie et déclarèrent qu'ils étaient prêts à prouver la réalité de leurs accusations si on leur fixait une date et un lieu où ils seraient à l'abri du roi. De leur côté, les clercs, qui avaient élu Sancion, demandaient avec instance qu'il fût consacré ; le roi joignait ses prières aux leurs ; tous disaient que, si cette consécration n'avait pas lieu, ce serait pour l'église d'Orléans une ruine irréparable. Dans ces conditions, Yves convoqua les calomniateurs de Sancion à Chartres, où Philippe Ier ne pouvait leur nuire, mais ils ne vinrent pas et n'envoyèrent personne pour les représenter. Puisqu'ils faisaient défaut, sans qu'on en connût le motif plus ou moins subtil, les évêques Yves de Chartres, Guillaume de Paris et Gautier de Meaux, vaincus par les prières de l'église d'Orléans, firent jurer à Sancion et aux meilleurs de ses partisans qu'il n'était pas simoniaque et, après l'avoir absous du crime de simonie et d'usurpation, ils le consacrèrent[66]. Deux autres lettres d'Yves de Chartres prouvent qu'il s'était entouré de toutes les garanties possibles avant de consacrer Sancion. Dans une de ces lettres, adressée à Sancion quelque temps avant la consécration[67], Yves lui rapporte les propos des clercs de l'église d'Orléans ; ils l'ont accusé d'être simoniaque, d'avoir usurpé la dignité épiscopale, et d'être responsable de plusieurs autres actes passibles de peines canoniques ; ils se déclarent prêts à prouver que Sancion, malgré les décrets pontificaux, avait donné ou promis de l'argent, qu'il avait eu recours au pouvoir séculier pour arriver à la dignité épiscopale et, de ce fait, qu'il avait dépouillé son église de ses trésors et de ses ornements. Yves avait cependant l'espoir qu'une libre discussion prouverait l'inanité de ces accusations. Il en fut ainsi, sans qu'il soit prouvé d'une façon péremptoire que Sancion était complètement innocent ; le retrait de ses accusateurs paraît un peu singulier, et peut-être l'intervention pécuniaire du roi ou de l'évêque en cause n'y est-elle pas tout à fait étrangère. Si l'on en juge d'après une autre lettre d'Yves de Chartres[68], Sancion ne paraît pas avoir été un modèle de justice. Yves avait appris, au moment où il allait consacrer Sancion, que le nouvel évêque d'Orléans, après avoir mis en liberté, comme c'est l'usage à Orléans le jour de l'entrée du nouvel évêque, un clerc qu'Yves lui avait recommandé, l'avait de nouveau fait saisir, battre de verges, dépouiller et reconduire en prison. Cette attitude indigna l'évêque de Chartres qui venait de recevoir de l'archevêque de Lyon l'ordre de procéder à l'ordination de Sancion ; il ne voulut pas le consacrer avant que l'affaire du clerc n'eût reçu une solution. Cette solution intervint, puisque Yves de Chartres consacra Sancion. Yves n'était pas cependant au bout de ses peines, car les adversaires de Sancion n'avaient pas désarmé, comme il se plaisait à l'espérer. Jugeant sans doute qu'ils n'avaient que peu de chances de succès auprès de l'évêque de Chartres partisan de la conciliation entre l'investiture royale et les décrets pontificaux qui l'interdisaient, ils s'étaient adressés directement à Hugues de Die dont ils connaissaient la farouche intransigeance ; ils avaient même accusé Yves d'avoir reçu, pour consacrer Sancion, des présents, et de s'être fait promettre certains avantages temporels. Yves, indigné, protesta de toutes ses forces[69] ; il se plaignit amèrement de ce que le légat prêtait trop facilement l'oreille à ses calomniateurs ; il jura que tout le mal qu'on avait dit de Sancion lui était inconnu ou avait été racheté avant la consécration. Quant à la question de la chasteté de Sancion, le pape lui-même avait admis qu'il n'y avait rien à redire à ce sujet. Donc Yves n'avait pas agi contrairement aux règles ecclésiastiques ; il était toujours prêt d'ailleurs à obéir au Saint-Siège. Il est fort probable que Sancion n'était pas entièrement innocent. Il est difficile de prendre ses protestations au sérieux. La malheureuse église d'Orléans n'était pas toutefois à la fin de ses tribulations. Au début de l'année 1097, Yves de Chartres fut obligé d'informer Hugues de Die de nouveaux incidents[70]. L'archevêque de Tours, à qui Sancion avait sans doute cessé de plaire, avait fait installer par le roi sur le siège épiscopal d'Orléans l'archidiacre Jean qui tenait cette dignité de son prédécesseur, bien que cette nomination eût provoqué de vifs murmures. Philippe Ier ne cachait pas qu'il était succubus dudit archidiacre Jean. Les clercs et le peuple d'Orléans, effrayés par les menaces du roi et de l'archevêque, avaient fini par reconnaître Jean. D'ailleurs ceux-ci avaient pris des mesures contre les opposants : ils avaient exilé certains clercs et confisqué les biens de quelques autres. Jean était tout dévoué à l'archevêque de Tours qui trouvait là un moyen de gouverner les deux églises, sûr que Jean ne prendrait aucune décision sans l'avoir préalablement consulté. Jean pria Yves de Chartres de l'ordonner prêtre, de le consacrer ensuite comme évêque. Yves demanda au légat Hugues de Die ce qu'il devait faire ; il s'était gardé d'approuver ou de désapprouver en aucune manière cette élection ; les accusations dont il avait été l'objet à propos de Sancion l'avaient rendu prudent. Toutefois il ne cacha pas au légat que Jean à la tête de l'église d'Orléans, ce serait, à son avis, non seulement une honte pour cet église, mais une véritable ruine. Hugues de Die invita Yves et tous ceux qui critiquaient l'élection de Jean à se présenter devant lui à la fin de février 1097 pour maintenir en sa présence leurs accusations[71]. Yves ne cessa d'affirmer que Jean était un homme perdu de réputation. En outre, son élection avait été arrachée par les prières du roi qui sont, dit-il[72], suivant le proverbe, l'équivalent des menaces. Des hommes d'affaires, créanciers de Bertrade d'Anjou, lui avaient avoué qu'ils attendaient une somme d'argent que lui avaient promise les parents de Jean ; au dire de la reine elle-même, le paiement de ces dettes était différé jusqu'à la consécration épiscopale, car il serait alors plus sûr. Pour peu que la consécration se fît attendre la chose ne manquerait pas d'être connue de tout le monde, et Yves était persuadé que, si une discussion avait lieu dans la province dont relevait Orléans, mais bien entendu en un point où l'on fût à l'abri des représailles royales, les témoins et les accusateurs ne manqueraient pas de surgir de tous les côtés. En même temps, Yves de Chartres s'adresse directement au pape Urbain II[73]. Il le supplie de ne pas prêter l'oreille aux propos de l'archevêque de Tours ou d'un clerc d'Orléans qui viendrait le supplier d'accorder son appui à Jean. Il insiste sur les mœurs déplorables du nouvel évêque, sur celles plus déplorables encore de l'archevêque de Tours ; elles font l'objet de chansons obscènes qu'une jeunesse dépravée colporte dans toutes les villes de France et dont Yves a envoyé à l'archevêque de Lyon un exemplaire qu'il avait violemment arraché à un de ceux qui les chantaient. Il ajoute que l'archevêque de Tours a consacré le roi, le jour de Noël, malgré l'interdit dont il était l'objet, moyennant la promesse que Jean serait évêque. Aussi, trois jours après, le 28 décembre 1097, Jean était élu et un des électeurs avait fait, au sujet de cette élection, cette plaisanterie : Célébrant la fête des saints Innocents, nous avons élu un innocent, non pas d'après notre propre inspiration, mais en obéissant aux ordres du roi. D'après Yves, Urbain II ne pouvait approuver une semblable élection. A ce moment, le pape n'avait aucune raison d'espérer que Philippe Ier se réconcilierait avec le Saint-Siège et abandonnerait Bertrade ; l'élection de Jean était un véritable défi au pape et à l'Eglise. Cependant Urbain II fut en cette circonstance moins intransigeant qu'Yves de Chartres. Jean put devenir évêque d'Orléans. Espérait-il acheter par là l'alliance du roi, sur les bases de la concession qu'il exigeait de lui ? C'est fort possible. En tout cas, elle nous paraît démontrer l'inanité de la thèse d'après laquelle Urbain II aurait été un pape exclusif et intransigeant. Pascal II n'eût pu être plus conciliant en pareille occurrence. En réalité, la papauté désire l'alliance du roi de France et, pour l'obtenir, elle est prête aux plus sérieuses concessions. De son côté, Philippe Ier voudrait bien que l'Eglise reconnût son mariage, et dans certaines élections il a une conduite plus régulière et plus conforme aux décrets pontificaux. S'il a soutenu Jean à Orléans, c'est avant tout parce qu'il voulait que l'archevêque de Tours commît, en le couronnant, une infraction à l'anathème dont il était l'objet. Mais, au même moment, nous pouvons relever deux élections qu'il laisse faire en toute liberté. En 1095, Yves de Chartres était tout heureux d'annoncer à Urbain II l'élection comme évêque de Paris d'un clerc de Chartres du nom de Guillaume. Guillaume n'avait pas voulu assumer cette charge sanslui demander son avis, et Yves lui avait vivement conseillé d'accepter, non sans s'être préalablement informé s'il n'y avait pas eu de simonie dans son élection et si le roi n'avait pas fait violence aux électeurs. Malheureusement il manquait à Guillaume quelques années pour avoir l'âge requis pour être évêque, N'y avait-il pas lieu de lui accorder une dispense, de crainte que Philippe Ier n'introduisît, à sa place, un simoniaque ?[74] L'affaire traîna quelque temps ; en 1096, Yves alla s'en entretenir avec Urbain II, au moment de son passage à Montpellier, afin que le pape reconnût que Guillaume n'était pas simoniaque. Philippe Ier avait même chargé Yves de demander au pape que Guillaume fût définitivement absous de toute accusation de simonie quand le doyen, le chantre, l'archidiacre et les chanoines de Paris auraient juré sur les Evangiles que Guillaume n'avait rien donné ni rien offert, qu'ils ne l'avaient pas élu parce que sa sœur avait un commerce avec le roi[75], ni sous les menaces du roi et de sa concubine. Le pape ordonna qu'il en fût ainsi[76]. Les électeurs jurèrent comme il leur était demandé. Yves pria Richer de consacrer Guillaume ; bien que l'usage du pallium lui fût interdit pour le moment, parce qu'il refusait de reconnaître la primatie lyonnaise, le pape avait permis, lors de l'entrevue qu'Yves avait eue avec lui à Montpellier, qu'il le revêtît pour cette circonstance[77] ; Guillaume fut ainsi consacré par son métropolitain le 1er octobre 1096[78]. L'année suivante, il alla à Rome. Yves le recommanda à Urbain II ; il pria le pape d'accueillir amicalement son ancien élève, de lui faire aussi quelques reproches paternels, afin qu'il devînt plus grave et qu'en particulier il réprimât son ardente passion pour la chasse et pour certaines autres occupations un peu juvéniles[79]. Cette même année 1096, qui est décidément fertile en élections épiscopales, une autre élection, non moins régulière, a lieu à Reims. Au mois de janvier, Yves de Chartres annonce au pape Urbain II que les clercs de l'église de Reims viennent d'élire Manassès et qu'ils ne pouvaient faire un meilleur choix. Sa piété, son intelligence, sa naissance, ses mœurs irréprochables désignaient Manassès comme évêque. Il s'agissait maintenant de protéger le nouvel élu contre le roi qui cherchait toujours à dévorer quelqu'un (quærens qllem devoret) et qui tenterait peut-être d'infirmer cette élection si importante, puisque c'était l'archevêque de Reims qui tenait en ses mains le diadème royal[80]. Dès qu'il eut reçu cette lettre d'Yves de Chartres, Urbain II pressa autant que possible la consécration, conformément au conseil qu'Yves lui donnait. Trois bulles du 6 février 1096, écrites lors du passage du pape à Angers, ont trait à l'élection de Reims. La première est adressée aux suffragants de l'église de Reims[81]. Urbain II y exprime toute sa satisfaction de l'élévation de Manassès à ce siège par le consentement unanime du clergé et du peuple ; il se montre heureux de pouvoir confirmer l'élection, et il insiste pour que les évêques remplissent rapidement leur devoir afin que l'église de Reims ne reste pas plus longtemps sans pasteur. En même temps, il félicite le clergé, les chevaliers et le peuple de Reims et il les met en garde contre les menaces et les interventions qui pourraient venir à l'encontre de leurs décisions, afin que ce qui a été commencé selon l'Esprit ne soit pas consommé selon la chair[82]. Enfin ce sont les mêmes exhortations qu'il adresse en termes à peu près identiques à Manassès[83] ; le nouvel archevêque ne devra pas tenir compte des menaces du roi et veiller à ne pas flatter son orgueil par quelque écart de conduite. On ne voit pas que Philippe Ier ait essayé, par un moyen
quelconque, d'empêcher Manassès de prendre possession de son siège. Peut-être
essaya-t-il tout simplement de retarder la consécration du nouvel élu en
agissant auprès des évêques suffragants de Reims. Ce qui semblerait
l'indiquer, c'est que, le 4 mars, de Tours Urbain II jugea nécessaire d'insister
encore une fois auprès d'eux pour que la consécration eût lieu prochainement
: Vous n'ignorez pas, leur disait-il, que vous devez obéir aux ordres du Saint-Siège et, en
vertu de cette obéissance, en quelque moment que Manassès vous prie de
l'ordonner ou de le consacrer, nous vous prions de répondre aussitôt et très
vite à son appel[84]. Manassès finit
par être consacré et resta archevêque de Reims jusqu'en 1106. Entre Urbain II et Philippe Ier la querelle des investitures n'a donc pas, même aux plus mauvais jours de leurs rapports, le caractère aigu et violent qu'on lui suppose quelquefois. Tout en maintenant les décrets de son prédécesseur sur la simonie et l'investiture, Urbain II les a appliqués sans rigueur excessive, au point de fermer parfois les yeux sur leur inobservance. De son côté, Philippe Ier voit les inconvénients de sa séparation avec l'Eglise ; personnellement, il inclinerait, lui aussi, à des concessions pour obtenir la reconnaissance de son union avec Bertrade, mais Bertrade, criblée de dettes, est plus simoniaque que lui et, dans bien des cas, elle lui force la main ; c'est contre elle plus encore que contre Philippe que sont dirigées les accusations d'Yves de Chartres et des évêques non simoniaques. La conséquence de la politique d'Urbain II, c'est que de nouvelles idées se forment sur l'investiture ; elles sont exprimées dans la correspondance d'Yves de Chartres. Nous avons vu que le pape avait lui-même confirmé l'élection d'Yves et qu'il considérait celte élection comme canonique. Or Yves de Chartres avait reçu l'investiture royale par la crosse ; il le reconnaît formellement dans une lettre adressée à l'archevêque de Sens Richer qui ne le considérait pas comme valablement évêque[85]. On voit même par cette lettre que l'investiture royale précédait la consécration ; c'est seulement après cette investiture qu'Yves a sollicité l'intervention d'Urbain II qui l'a lui-même consacré à Rome, admettant parla qu'un évêque qui avait reçu l'investiture royale n'en était pas moins évêque. Au reste, la question est traitée à fond dans plusieurs lettres d'Yves. Il a toujours soutenu qu'un chrétien n'est pas hérétique du fait d'avoir donné ou reçu l'investiture[86], que l'investiture ne viole pas les principes de l'Eglise[87], mais que, en revanche, ce serait une hérésie que de croire que l'investiture communique des pouvoirs spirituels[88]. Il blâme cette croyance diabolique, mais reconnaît que, pour leurs biens temporels, les églises dépendent des rois[89]. Ainsi Yves de Chartres admet l'investiture laïque, mais il désire sincèrement l'accord entre les deux pouvoirs spirituel et temporel par la soumission de l'Etat à l'Eglise ; l'Etat, c'est le corps ; l'Eglise, c'est l'âme et, de même que le royaume du corps est en paix quand la chair ne s'oppose plus à l'esprit, de même les royaumes du monde obéissent en paix à leurs maîtres quand nul n'essaye d'y résister au royaume de Dieu[90]. En résumé, avec Yves de Chartres, l'épiscopat français reconnaît qu'il faut laisser à l'Eglise l'investiture spirituelle, au roi l'investiture temporelle. Urbain II tolère cette investiture royale tout en la condamnant officiellement et, à vrai dire, cette condamnation officielle a pour but tout simplement de prévenir la simonie, c'est-à-dire la vente par les laïques des dignités spirituelles, conséquence presque fatale de l'investiture. Nous sommes loin de l'intransigeance de Grégoire VII. II Urbain II mourut le 29 juillet 1099 et Pascal II lui succéda[91]. Nous venons de voir que, contrairement à la théorie de Bernard Monod, ce n'est pas lui, mais Urbain II qui a eu l'idée d'un rapprochement avec la France, idée entrevue même par Grégoire VII lorsque la tension avec l'Allemagne était particulièrement vive. Le seul mérite de Pascal II est d'avoir réussi où Urbain II, pour des raisons indépendantes de sa volonté, avait échoué. Pascal II a la même intransigeance que Grégoire VII quand il s'agit de formuler les principes de la politique pontificale. Il renouvelle les décrets de ses prédécesseurs sur la simonie et l'investiture. Le 11 novembre 1102, il écrit à Yves de Chartres qu'il a entendu parler de cas de simonie dans son diocèse — une lettre d'Yves[92] prouve d'ailleurs qu'il avait été mal informé — ; il en profite pour rappeler les décrets de Grégoire VII et d'Urbain II : il défend d'exiger quoi que ce soit pour les prébendes et les bénéfices ecclésiastiques, comme il interdit aux clercs de porter devant les pouvoirs séculiers les affaires ecclésiastiques[93]. Il en est de l'investiture comme de la simonie : dans une lettre à saint Anselme (15 avril 1102), Pascal II interdit formellement qu'aucun clerc ne reçoive des mains d'un laïque des églises ou des biens ecclésiastiques[94]. Sa théorie ne diffère en rien de celle de Grégoire VII. Toutefois, dans l'application de cette théorie, Pascal II, comme Urbain II, se montrera conciliant ; lui aussi, pour se ménager l'appui de la France contre l'Allemagne, fermera les yeux sur bien des élections contraires à ces principes. Au début du pontificat de Pascal II, une élection épiscopale mit aux prises le roi, l'Eglise et le pape[95]. En 1100, les clercs de Beauvais, refusant de se conformer à l'obéissance canonique, élurent pour évêque un homme illettré, perdu de vices, chassé de l'Eglise parle légat Hugues de Die pour un adultère public ; c'était Etienne de Garlande, fils du sénéchal. Au dire d'Yves de Chartres[96], les clercs de Beauvais n'avaient fait qu'obéir à l'ordre formel du roi et de sa concubine ; l'évêque attirait en même temps l'attention des légats sur le caractère critique de la situation dont il fallait informer le pape au plus vite, car Etienne, de son côté, se hâtait d'aller à Rome et obtiendrait peut-être par surprise la consécration épiscopale. Nous ne connaissons pas le détail des négociations d'Etienne à Rome, car les bulles de Pascal II relatives à cette affaire sont toutes perdues. En tout cas, les clercs de Beauvais se donnèrent beaucoup de mal pour faire consacrer leur élu ; ils essayèrent d'obtenir en sa faveur l'appui de Lambert, évêque d'Arras, qu'ils prièrent d'intercéder auprès du pape Pascal II et du légat Jean[97]. Mais Yves de Chartres veillait. Il montre pour cette élection la même ardeur combattive que pour celle de Jean à Orléans en 1098. Pendant toute l'année 1101, il assiège Pascal II de ses lettres. Une première fois, il l'avertit de l'élection ; il lui dépeint Etienne de Garlande sous le même jour opaque que tout à l'heure aux légats ; il l'informe que les clercs de Beauvais avaient d'abord écarté Etienne, que la plus grande partie d'entre eux était disposée à élire quelqu'un de vraiment religieux, que c'étaient seulement quelques clercs malveillants et quelques laïques excommuniés qui avaient élu le Garlande[98]. Quelque temps après, Yves se plaint des clercs de Beauvais qui l'accablent de reproches parce qu'il se refuse à consacrer leur élu. Certes il n'a pas contre Etienne d'animosité préconçue, et il est le premier à recommander au pape d'examiner l'affaire avec bienveillance, si toutefois l'honneur le permet[99]. Yves savait parfaitement que l'honneur ne le permettait pas. En réalité, il ne savait de quel côté incliner : sa conscience répugnait à consacrer Etienne ; d'autre part un concile, réuni à Soissons, donnait raison aux clercs de Beauvais. Dans cette indécision, il en référa au pape. Pascal II prit une attitude hostile à Etienne de Garlande. Il décida que celui-ci devait être chassé de l'église de Beauvais et reprocha paternellement à Yves de Chartres les termes relativement conciliants de sa dernière lettre[100]. Yves prouva au pape qu'elle n'était pas contraire aux précédentes : Etienne l'avait tellement importuné qu'il avait écrit une lettre d'un ton plus doux, mais où son destinataire devait lire entre les lignes[101]. Yves de Chartres veilla très scrupuleusement à l'exécution des ordres de Pascal II. Il écrivit aussitôt aux clercs de l'église de Beauvais pour les prier, conformément à l'ordre du Saint-Siège, d'élire un nouvel évêque remplissant les conditions canoniques, ce qui était, à ses yeux, le seul moyen de faire cesser les malheurs dont souffrait cette église[102]. En même temps, il chercha à enlever à Etienne ses principaux appuis : il rappela à Lambert, évêque d'Arras, et à Jean, évêque de Térouanne, la bulle du pape et les invita à veiller à ce qu'aucune personne, indigne des saints ordres, ne se glissât à l'évêché de Beauvais ; il les pria enfin, en tant que suffragants de la province de Reims, de veiller à ce que l'élection fût canonique comme le désirait le pape[103]. L'élection eut lieu et bientôt Yves put triomphalement annoncer à Pascal II que les clercs de Beauvais avaient désigné Galon, homme fort honnête, très cultivé, et observateur de la discipline ecclésiastique[104]. Mais cette élection de Galon avait donné lieu à de sérieuses complications. Quelques clercs, complices d'Etienne de Garlande, ne pouvant trouver d'empêchements canoniques à l'élection de Galon, étaient allés représenter à Philippe Ier que Galon était l'élu du Saint-Siège et qu'il serait pour lui un adversaire redoutable. Le roi prêta l'oreille à ces discours : bref, il déclara qu'il ne donnerait jamais son consentement à l'élection et qu'il ne remettrait pas à l'élu les biens épiscopaux. La situation devenait donc très délicate. Le roi et le pape avaient pris nettement position en face l'un de l'autre. De plus, l'archevêque de Reims, Manassès, louvoyait entre les électeurs et les contradicteurs[105] et son intervention pouvait être décisive. Aussi est ce de son côté qu'Yves de Chartres porta tous ses efforts. Il supplia Manassès de ne pas tarder à consacrer Galon, conformément au désir du Saint-Siège. Il n'est pas permis aux rois, disait-il[106], comme l'a décidé le huitième concile, auquel l'Eglise de Rome a donné son approbation, de se mêler des élections épiscopales ni de les entraver pour un motif quelconque. Les rois Charles et Louis ont concédé la liberté de ces élections ; ils l'ont consignée dans leurs capitulaires et l'ont fait sanctionner par les conciles provinciaux. Que Dieu ait donc dans son Eglise ce qui lui appartient ; les rois auront ensuite ce qui leur est accordé par Dieu, c'est-à-dire sans doute l'investiture temporelle. En ce qui concernait Galon, on avait allégué sa basse condition, mais si Dieu veut se servir des humbles et des faibles selon le monde pour confondre les forts, doit-on résister à l'injonction divine ? Yves pouvait espérer que Manassès réussirait à fléchir le roi, mais les choses en restèrent là. Philippe Ier fit le serment que, lui vivant, Galon ne serait jamais évêque de Beauvais et Yves, en rapportant au pape ce serment, ne lui cacha pas que, si une élection canonique pouvait être annulée par un tel serment, jamais il n'y aurait plus en France que des élections simoniaques[107]. Pascal II approuva le langage d'Yves et dut consacrer Galon, puisque, dans les lettres suivantes, Yves l'appela coepiscopus et que dans la lettre 146 il dit même qu'il a été consacré évêque de Beauvais — dominum Galonem Belvacensi ecclesiæ consecratum[108]. Toutefois Galon ne put entrer en possession des biens épiscopaux et on peut dire que jusqu'en 1104 Beauvais resta sans évêque[109]. La mort de l'évêque de Paris, Foulque, survenue le 8 avril 1104, vint fournir un terrain d'entente. Foulque n'avait pas été longtemps évêque de Paris. Il avait été élu l'année précédente (1103) et cette élection avait donné lieu à une intervention d'Yves de Chartres. Il affirma à Vulgrin et Etienne, archidiacre de Paris[110], que cette élection ne contribuerait pas au bon renom de l'église de Paris et refusa de l'approuver parce qu'il lui manquait le consentement du clergé et du peuple ou tout au moins l'assentiment des évêques suffragants. Les clercs de Paris portèrent alors l'affaire devant le roi. Philippe Ier convoqua une assemblée d'évêques et il y invita même Yves de Chartres qui, dans une lettre à Daimbert[111], explique les raisons pour lesquelles il s'abstiendrait volontiers : c'est l'archevêque de Sens qui, comme métropolitain de Paris, aurait dû prendre l'initiative de cette convocation et non le roi ; mais, comme Daimbert insistait pour qu'il vînt à cette assemblée, Yves accepta, pourvu que le roi lui donnât un sauf-conduit et pourvu que Daimbert portât l'affaire devant le pape. Pascal II s'abstint de toute intervention ; Foulque fut reconnu, mais il mourut fort à propos un an après. Yves vit aussitôt dans cette vacance du siège de Paris une solution possible de l'affaire de Beauvais. C'est sans doute grâce à son influence que le clergé et le peuple de Paris élurent comme évêque de Paris Galon, déjà consacré à Beauvais[112]. Mais, pour un transfert d'évêque, il fallait une dispense du métropolitain ou du pape. Yves de Chartres supplia Daimbert d'insister auprès de celui-ci pour qu'il autorisât Galon à accepter l'évêché de Paris[113]. Comme on le voit par une lettre d'Yves à Manassès, archevêque de Reims[114], c'était, à ses yeux, un moyen de faire la paix entre Galon et le roi. Philippe Ier et son fils Louis, roi désigné, avaient juré en effet que Galon ne serait jamais évêque de Beauvais, mais non pas qu'il ne serait jamais évêque de Paris. Ce sont ces raisons qu'Yves de Chartres fit valoir directement auprès de Pascal II[115]. Pour ébranler le pape, il insista sur ce fait que Galon avait la pleine confiance du clergé et du peuple de Paris et, pour prouver la valeur de son témoignage, il fit porter sa lettre par un chanoine de Paris. Galon vint lui-même à Rome et Pascal II le consacra[116], cédant ainsi aux instances de l'église de Paris et d'Yves de Chartres. Il recommanda aux clercs de Paris, par une bulle du 6 avril 1105, de lui faire bon accueil et de l'aider à recouvrer les biens épiscopaux que ses prédécesseurs n'avaient que trop dissipés[117]. Cette décision valut à Pascal II les remerciements des chanoines de Paris[118]. C'était donc une solution conciliatrice qui intervenait, une transaction entre le pape et le roi. Le mérite de l'avoir ménagée revient à Yves de Chartres dont le nom domine toute la fin de la querelle des investitures. Il représente une tendance modérée ; il est prêt à concéder aux rois l'investiture temporelle, mais il ne veut pas d'élections scandaleuses ; il veille jalousement sur les mœurs et la dignité sacerdotale des évêques ; il s'oppose à Jean d'Orléans comme à Etienne de Garlande avec la même énergie farouche. La papauté n'a fait que le suivre, avec Urbain II comme avec Pascal II qui lui ont reconnu en cette matière une autorité spéciale qu'ils ont rarement accordée aux évêques français. Avec l'affaire de Galon, ce qui pendant cinq années fait l'objet des rapports de Philippe 'Ir avec Pascal II, c'est la question beaucoup plus grave du divorce du roi. Ici encore, Pascal II ne fait que reproduire la politique d'Urbain II : tout en manifestant une tendance très nette à la conciliation, il reste, au début, inflexible sur le terrain dogmatique. L'excommunication qui pesait sur le roi est encore renouvelée au concile de Poitiers (novembre 1100) et l'affaire n'est réglée qu'au concile de Paris (2 décembre 1104) sur la promesse formelle de Philippe Ier et de Bertrade de n'avoir plus aucun commerce. Il a donc fallu cinq années pour arriver à une entente ; jusqu'à ce jour, Philippe Ier est resté sous le coup de l'excommunication qu'Urbain II avait prononcée et que Pascal II a maintenue. Donc il n'y a rien de changé dans la politique pontificale. Le roi a fait les premiers pas vers l'accord, quoique bien décidé à ne pas se séparer de Bertrade. Après 1104, Pascal II ferme les yeux, mais uniquement parce que l'Allemagne devient menaçante et parce qu'il est chassé d'Italie. Il faut que la France lui fournisse un asile. Aussi, à partir de 1104, les rapports sont-ils excellents entre Philippe Ier et le Saint-Siège. Le 25 décembre 1104, le concile de Soissons annule le mariage de Hugues, comte de Champagne, avec Constance, fille du roi, pour cause de parenté, et Constance peut, sans difficulté, épouser Bohémond, prince d'Antioche. A la fin de 1106, Pascal II, dont la situation était de moins en moins sûre en Italie, renouvelle la tentative d'Urbain II et vient en France, pour y chercher un appui, mais avec des chances plus sérieuses de succès, puisqu'il pourra voir le roi et conférer avec lui. Suger, dans sa vie de Louis le Gros[119], donne comme motif du voyage de Pascal II en France la nécessité où il se trouvait de prendre conseil du roi de France, de son fils Louis, roi désigné, et de l'Église de France à la suite de nouveaux outrages et de nouvelles revendications pour l'investiture dont l'accablait l'Empereur Henri V. Au lieu de discuter la question avec lui à Rome, le pape, qui avait peu de confiance dans les Romains, préféra avoir une entrevue avec l'Empereur en France. Suger a bien vu la raison qui détermine le pape à quitter l'Italie : il craint un attentat de la part de Henri V si l'entretien a lieu sans témoins ; en France, au contraire, il sera en sécurité. Pascal II vint célébrer la Noël de 1106 à Cluny[120], et séjourna quelque temps en Bourgogne. Il se rendit à Lyon où il consacra l'Eglise d'Ainay[121], puis à Châlon (2 février 1107)[122], à Saint-Hippolyte au diocèse de Mâcon (8 février)[123] ; il arriva à Dijon le 16 février 1107[124]. De là il poussa une pointe jusqu'au monastère de Bèze, où il se trouvait le 18 février et où il resta trois jours, rempli d'admiration pour le site et le grand nombre des moines[125]. Puis il se dirigea vers la vallée de la Loire et, le 8 mars, parvint à La Charité où il séjourna quelque temps[126]. Il y fit la dédicace de la nouvelle église devant une grande assemblée d'archevêques, d'évêques et de moines[127]. C'est là aussi qu'il fut salué par les envoyés du roi : ceux-ci, à la tête desquels se trouvait le comte de Rochefort, sénéchal, souhaitèrent la bienvenue à celui qu'ils appelèrent leur père spirituel[128]. De La Charité, le pape se rendit à Tours où il séjourna du 24 mars au 2 avril, date à laquelle on relève son passage à Marmoutier[129]. Du 3 au 14 avril, il reste au monastère de la Trinité de Vendôme[130], va célébrer la fête de Pâques à Chartres[131], prend le chemin de Paris et arrive à Saint-Denis. Suger raconte[132] qu'en pénétrant dans l'abbaye le pape fut très ému ; sans en regarder tous les trésors, il s'agenouilla pieusement devant les saintes reliques et demanda qu'on lui donnât une partie des vêtements épiscopaux teints du sang des martyrs. C'est à Saint-Denis qu'eut lieu la première entrevue de Pascal II avec Philippe Ier et son fils Louis. Les deux rois, raconte toujours Suger[133], s'agenouillèrent devant le pontife, qui les releva en les appelant du nom de fils très pieux des apôtres. Il s'entretint avec eux de l'état de l'Eglise, les pria d'aider le bienheureux Pierre et son vicaire, comme l'avaient fait leurs prédécesseurs, Charlemagne en particulier, de résister audacieusement aux tyrans et aux ennemis de l'Eglise, en particulier à l'empereur Henri V. C'était bien là le but du voyage de Pascal II. Il s'agissait maintenant de le réaliser en allant au-devant des ambassadeurs de Henri V. Aussi, accompagné des rois Philippe et Louis, de plusieurs archevêques et évêques, de l'abbé de Saint-Denis, Adam, et de Suger, Pascal II se rendit-il à Châlons où devaient se trouver les envoyés de Henri V. C'étaient Brunon, archevêque de Trèves, Réginard de Blankenburg, évêque d'Halberstadt, Burchard de Holte, évêque de Munster, le duc Welf de Bavière. Brunon de Trèves prit seul la parole en leur nom : il rappela les droits séculaires de l'Empereur au sujet de l'investiture ; l'assentiment de l'Empereur devait précéder l'élection qui ensuite avait lieu canoniquement et sans simonie, puis le nouvel élu allait trouver l'Empereur afin d'obtenir l'investiture par l'anneau et la crosse. L'évêque de Plaisance répondit au nom du pape que l'Eglise ne pouvait être assujettie à personne et qu'elle le serait si les évêques ne pouvaient être élus qu'avec l'assentiment de l'Empereur, qu'en outre, s'il donnait l'investiture par la crosse et l'anneau, il était un usurpateur devant Dieu. Les envoyés de Henri V ripostèrent par des menaces : Ce n'est pas ici, dirent-ils, mais à Rome et par l'épée que se terminera la querelle[134]. Bref, les ambassadeurs allemands quittèrent Châlons sans que rien eût été conclu ; Pascal II s'en alla de son côté, plein de tendresse pour la France, de crainte et de haine pour l'Allemagne, suivant l'expression de Suger. Aussi, après cet échec des négociations avec l'Empereur, songea-t-il plus que jamais à resserrer son alliance avec Philippe Ier et la France. Le roi s'y prêta complaisamment. Ce fut l'œuvre du concile qui s'ouvrit à Troyes le 25 mai 1107[135], quelques jours seulement après l'entrevue de Châlons. Il témoigna du bon accord qui régnait entre Pascal II et Philippe Ier. Quand il fut terminé, le pape, sûr de l'alliance française, put reprendre le chemin de l'Italie en passant par Auxerre (29 mai), Clamecy (30 mai), Souvigny, Le Puy (14 juillet), Valence (20 juillet)[136]. Le concile de Troyes a eu d'importants résultats ; il termine la querelle des investitures en France et c'est la doctrine d'Yves de Chartres qui triomphe. Le premier canon condamne les investitures laïques : il déclare que celui qui recevra l'investiture des mains d'un laïque sera déposé, ainsi que celui qui l'aura consacré[137]. Faut-il conclure de là que le roi n'interviendra plus dans les élections ? Ce serait outrepasser les termes du décret. Le roi ne donne plus l'investiture, mais il n'est pas dit que son consentement ne soit pas nécessaire pour l'élection. C'est en cela qu'on peut dire qu'il y eut véritablement compromis et un compromis conforme aux idées d'Yves de Chartres. Yves, comme nous l'avons vu, reconnaît fort bien que le pouvoir laïque, roi ou seigneur, ne peut être étranger à l'élection, mais il ne veut pas que l'élu reçoive son évêché des mains du roi. Bien que les canons du concile de Troyes à cet égard soient obscurs, il semble qu'il faut les interpréter en ce sens. Cette interprétation permet seule d'expliquer les circonstances qui entourent la dernière élection épiscopale du règne, celle qui eut lieu à Reims après la mort de Manassès survenue le 17 septembre 1106[138]. Le clergé de Reims se divisa : les uns se prononçaient pour Raoul le Vert, prévôt de la cathédrale, les autres pour Gervais de Rethel[139]. L'un était le candidat du pape, l'autre celui du roi. Finalement Raoul fut élu, mais Philippe Ier n'en conféra pas moins les biens épiscopaux à Gervais[140]. A ce moment eut lieu le concile de Troyes. Pascal II y sacra Raoul, archevêque de Reims. Philippe Ier ne donna pas pour cela son assentiment et persévéra jusqu'à sa mort dans cette attitude. Louis VI finit cependant par consentir à reconnaître Raoul[141]. On voit par là que Raoul n'a pu se passer de l'assentiment royal, qu'il l'a formellement recherché, mais on ne voit pas d'autre part que Louis VI lui ait donné l'investiture de l'archevêché. Cette solution paraît assez conforme à l'esprit du concile de Troyes. Le concile prit d'autres décisions importantes qui complètent celle qui concerne les investitures. Il régla la hiérarchie ecclésiastique et posa en principe que, pour parvenir aux plus hautes dignités de l'Eglise, il faudrait successivement franchir tous les degrés de cette hiérarchie. Enfin il condamna le concubinage des clercs et interdit aux prêtres mariés ou vivant en concubinage d'exercer leurs fonctions. C'est en somme la doctrine de la réforme qui triomphe, sinon celle de l'investiture. M. Bernard Monod s'exprime en ces termes au sujet du concile de Troyes[142] : Aller jusqu'à voir un concordat dans cette entente tacite qui ne reposait sur aucun traité, aucune convention écrite, serait exagéré. Mais il est incontestable que, depuis 1104, un modus vivendi nouveau résulte de l'absolution de Philippe en ce qui concerne les élections épiscopales et le rôle qu'y joue le roi. Aucun texte, en effet, ne mentionne un concordat passé entre le roi et le pape. De plus, nous ne croyons pas que le modus vivendi dont parle Bernard Monod ait été trouvé au concile de Troyes ; il lui est bien antérieur ; il a été inauguré, comme nous l'avons vu, dès le pontificat d'Urbain II, qui, dans plusieurs élections, a admis l'investiture temporelle du roi. Le concile de Troyes n'est, selon nous, que la conclusion logique de la politique française d'Urbain II et de Pascal II. La fin du règne de Philippe Ier a donc vu la réconciliation de la royauté et du Saint-Siège. Il est indéniable que cette réconciliation est l'œuvre personnelle de Pascal II et qu'elle n'a été obtenue qu'au prix d'une grave concession de la part de ce pontife au sujet des désordres de la vie privée du roi. Mais, s'il est parvenu à ce résultat, sa politique n'est pas originale et l'idée de s'appuyer sur la France contre l'Allemagne n'est pas une nouveauté : Urbain II et même Grégoire VII l'ont poursuivie avant lui ; ils ont inauguré les négociations dont le succès ne sera complet qu'en 1107. Cette alliance de la France et de Rome continuera sous les successeurs de Philippe Ier ; elle aboutira sous Louis VII et Alexandre III à une véritable théocratie. C'est une évolution des plus intéressantes qui commence, et, à cet égard, le règne de Philippe Ier inaugure quelque chose de nouveau dans la politique ecclésiastique des rois de France. |
[1]
Bernold de Saint-Blasien, année 1094. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 461.)
[2]
Bernold de Saint-Blasien, année 1095. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 462.)
[3] Ordéric Vital, l. IX, c. II. (Ed. Leprévost, t. III, p. 465.)
[4] Jaffé, n° 5375 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 690.
[5] Jaffé, n° 5486 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 705.
[6] Jaffé, n° 5522 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 701.
[7]
Bernold de Saint-Blasien, année 1089. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 450.)
[8] Cf. Jaffé, n° 5406-5414.
[9] La chronique de Tours, à l'année 1088 (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 464) a traduit sans doute Campania par Champagne au lieu de Campanie ; c'est ce qui expliquerait pourquoi elle fait venir Urbain II en France peu après son avènement ; le pape y aurait été merveilleusement accueilli par le roi et les seigneurs. Aucun texte ni la correspondance d'Urbain II n'autorisent cette hypothèse.
[10]
Cf. Bernold de Saint-Blasien, année 1091. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p 450.)
[11] Gesta episcoporum Cameracensium. Continuatio. Gesta Manassis et Walcheri, c. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VII, p. 500.)
[12] Gesta ep. Camerac, Contin., c. II (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VII, p. 500-501) ; Fundatio monasterii Arroasiensis, auctore Galtero abbate. (Ibid., t. XV, p. 1119.)
[13] Gesta ep. Camerac. Contin. Loc. cit.
[14] Chronicon S. Andreæ
Cameracensis, l. III, c. XVII. (Monumenta
Germaniæ historica. Scriptores, t. VII, p. 544.)
[15] Jaffé, n° 5484 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 741.
[16] Simonis gesta abbatum S. Bertini Sithiensium, l. II, c. LXXXIII. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XIII, p. 651.)
[17] Migne, Patr. lat., t. CL, col. 1385.
[18] Jaffé, n° 5490 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 744.
[19] Migne, Patr. lat., t. CL, col. 1385.
[20] Migne, Patr. lat., t. CL, col. 1386-1387.
[21] Jaffé, n° 5500 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 747.
[22] Migne, Patr. lat., t. CL, col. 1387.
[23] Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 517.
[24] Gesta ep. Camerac. Continuatio, c. VII-VIII. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VII, p. 502-503.) — Ce récit nous paraît des plus fantaisistes : Urbain II aurait été simoniaque, puisqu'il aurait exigé une somme d'argent de Vaucher, ce qui paraît peu vraisemblable.
[25] Jaffé, n° 5598 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 715.
[26] Cf. une lettre de Manassès, archevêque de Reims, au clergé et au peuple de Cambrai. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 181.)
[27] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 181.
[28] Jaffé, n° 5867 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 756.
[29]
Jaffé, n° 5974 ; Bibl. Nat. Chartularium Atrebatense, ms. lat. 17737, fol. 55 b.
[30] Cf. supra, l. I, c. II.
[31] Cf. la chronique des évêques de Valence publiée par Duchesne, Fastes épiscopaux, t. I, p. 213.
[32] Jaffé, n° 5570.
[33] Jaffé, n° 5572 ; Chronicon S. Martialis Lemovicensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 428 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXVI, p. 199.)
[34]
Cf. une liste des évêques de Nîmes et une chronique de la cathédrale de Nîmes. (Vaissète, Histoire du Languedoc,
nouv. éd., t. V, p. 29.)
[35] Stauropegia ab Urbano II facta ad incllOandam ecclesiam S. Nicolai Tarasconensis. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 103.) Jaffé, n° 5576.
[36] Jaffé, n° 5577-5578.
[37] Jaffé, n° 5579.
[38] Jaffé, n° 5580.
[39] Jaffé, n° 5581.
[40] Jaffé, n° 5582.
[41] Notitia de consecratione altaris Cluniacensis. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 100.)
[42] Jaffé, n° 5601-5604.
[43] Chronicon S. Martialis Lemovicensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 428 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXVI, p. 199-200.)
[44] Chronicon S. Martialis Lemovicensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 428 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXVI, p. 200.)
[45] Copie de Besly dans la coll. Boulliau. (Bibl. Nat., ms. fr. 13054, fol. 474.)
[46] Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MXCV. (Rec, des histor. de France, t. XII, p. 403 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 411.)
[47] Notitia de consecratione Carrofensis monasterii. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 102-103.)
[48] Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MXCVI (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 403 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 411.)
[49] Foulque le Réchin, num. 8 (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 491) ; Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MXCVI, loc. cit. Jaffé, n° 5614-5617.
[50] Gesta episcoporum Cenomannensium, c. XXXIV. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 545.)
[51] Chronicon Vindocinense, anno MXCV. (Halphen, Recueil d'annales angevines et vendômoises, p. 67.)
[52] Dedicatio ecclesiæ majoris Monasterii. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 99.)
[53] Cf. une bulle pour les chanoines de Saint-Martin de Tours. (Jaffé, n° 5620 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 719.) Le pape avait déjà fait une apparition à Tours le 4 mars. (Jaffé, n° 5610.)
[54] Clarius, Chronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MXCV (Duru, Bibl. hist. Yonne, t. II, p. 512) ; Chronicon Turonense Magnum, anno MXCVI. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 466 ; Salmon, Chroniques de Touraine, p. 129.)
[55] Jaffé, n° 5631-5634.
[56] Jaffé, n° 5635.
[57] Jaffé, n° 5638.
[58] Chronicon S. Maxentii
Pictavensis, loc. cit. Jaffé, n° 5639-5642.
[59] Chronicon Tolosanum, anno MXCVI. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 373.)
[60] Chronicon S. Maxentii Pictavensis, loc. cit. ; Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, p. 933 ; Jaffé, n° 5652.
[61] Jaffé, n° 5659.
[62] Bernold de Saint-Blasien, année 1097. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 465.) - Il est à remarquer qu'au cours de ce voyage Urbain II n'a pas été dans son pays natal, au diocèse de Reims ; il ne pouvait se rapprocher du nord à cause de l'hostilité de Philippe Ier.
[63] Clarius, Chronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MXCVI. (Duru, Bibl. hist. Yonne, t. II, p. 513-514.)
[64] Yves de Chartres, ep. 60. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 92.)
[65] Nous avons vu, en effet (chap. précédent), que tous les débats de ce genre se sont terminés sous Grégoire VII par le triomphe du pape.
[66] Yves de Chartres, ep. 54 (à Hugues de Die). (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 88.)
[67] Yves de Chartres, ep. 51. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 62.)
[68] Yves de Chartres, ep. 53. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 64.)
[69] Yves de Chartres, cp. 59. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 90.)
[70] Yves de Chartres, ep. 66. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 97.)
[71] Yves de Chartres, ep. 68. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 100.)
[72] Yves de Chartres, ep. 68. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 100.)
[73] Yves de Chartres, ep. 67. (Rec. des histor. dé France, t. XV, p. 99.)
[74] Yves de Chartres, ep. 43. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 84.)
[75] Guillaume était en effet le frère de Bertrade.
[76] Yves de Chartres, ep. 54 (à Hugues de Die). (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 89.)
[77] Yves de Chartres, ep. 50. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 87.)
[78] Yves de Chartres, ep. 54. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 88.)
[79] Yves de Chartres, ep. 65. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 96.)
[80] Yves de Chartres, ep. 48. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 86.)
[81] Jaffé, n° 5614 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 717.
[82] Jaffé, n° 5615 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 718.
[83] Jaffé, n° 5616 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 718.
[84] Jaffé, n° 5619 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 719.
[85] Yves de Chartres, ep. 8. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 70.)
[86] Yves de Chartres, ep. 236. (Rec. des histor. de France, t XV, p. 157.)
[87] Yves de Chartres, ep. 233. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 235.)
[88] Yves de Chartres, ep. 236. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 157.)
[89] Yves de Chartres, ep. 60 (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 92) ; ep. 171. (Migne, Patr. lat., t. CLXII, col. 174.)
[90] Yves de Chartres, ep. 106. (Migne, Patr. Lat.., t. CLXII, col. 124) — Pour plus amples détails, voir Fournier, article cité.
[91] Cf. Jaffé, Regesta pontificum, t. I, p. 701-703.
[92] Yves de Chartres, ep. 133. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 125.)
[93] Jaffé, n° 5922 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 24.
[94] Jaffé, n° 5908 ; Migne, Patr. lat., t. CLXIII, col. 90.
[95] Sur cette affaire, cf. Bernard Monod, op. cit., p. 27-34.
[96] Yves de Chartres, ep. 87. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 109.)
[97] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 191.
[98] Yves de Chartres, ep. 89. (Rec. des histor, de France, t. XV, p. 109.)
[99] Yves de Chartres, ep. 92. (Rec. des histor, de France, t. XV, p. 111.)
[100] Yves de Chartres, ep. 95. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 112.)
[101] Yves de Chartres, ep. 95. Nous croyons, contrairement à l'opinion de M. Bernard Monod, Yves très sincère dans ses protestations. La lettre 92 ne nous paraît pas une palinodie, mais elle trahit simplement de l'incertitude et de l'hésitation. Ce qui le prouve d'ailleurs, c'est qu'Yves n'a pas consacré Etienne de Garlande.
[102] Yves de Chartres, ep. 98. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 114.)
[103] Yves de Chartres, ep. 97. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 113.)
[104] Yves de Chartres, ep. 104. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 115.)
[105] Yves de Chartres, ep. 104. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 115.)
[106] Yves de Chartres, ep. 102. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 114.)
[107] Yves de Chartres, ep. 105. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 116.)
[108] Yves de Chartres, ep. 146. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 130.)
[109] Galon fut même chargé d'une légation en Pologne. L'église de Beauvais souffrit beaucoup de cette absence d'évêque, ainsi qu'il résulte de la lettre 145 d'Yves de Chartres.
[110] Yves de Chartres, ep. 138. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 127.)
[111] Yves de Chartres, ep. 139. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 128.)
[112] Yves de Chartres, ep. 146. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 130.)
[113] Yves de Chartres, ep. 146. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 130.)
[114] Yves de Chartres, ep. 145. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 129.)
[115] Yves de Chartres, ep. 144. (Rec. des histor. de France., t. XV, p. 129.)
[116] Jaffé, n° 6020 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 27.
[117] Jaffé, n° 6019 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 28.
[118] Jaffé, n° 6019 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 30.
[119]
Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 24.)
[120] Chronicon saxonicum. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 4.)
[121] Gall. christ., t. IV, Instr. col. 13.
[122] Jaffé, n° 6113.
[123] Jaffé, n° 6122.
[124] Annales S. Benigni
Divionensis. (Monumenta Germaniæ historica,
Scriptores, t. V, p. 43.)
[125] Chronicon Besuense. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 308 ; Bougaud, Analecta Divionensia, p. 422.)
[126] Jaffé, Regesta, t. I, p.
729.
[127] Dedicatio ecclesiæ S. Mariæ de caritate (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 120) ; Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 25.)
[128] Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 25.)
[129] Jaffé, n° 6128.
[130] Cf. Bernard Monod, op. cit.,
p. 53, n. 1.
[131] Orderic Vital, l. X, c. I (Ed. Leprévost, t. IV, p. 4) ; Jaffé, n° 6129.
[132] Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 25.)
[133] Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 25.)
[134] Suger, Vita Ludovici, c. IX. (Ed. Molinier, p. 26-28.)
[135] Jaffé, Regesta, t. I, p. 730 ; Mansi, Conciliorum collectio, t. XX, col. 1217.
[136] Jaffé, n° 6147-6160.
[137] Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, t. XX, col. 1223.
[138] Annales Remenses et Colonienses. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XVI, p. 732.)
[139] Gallia christiana, t. IX, col. 80.
[140] Il y est fait allusion dans un diplôme. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXXI, p. 416-417. Cf. Annales Cameracenses, anno MCVI. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XVI, p. 511.) -
[141] Cf. Luchaire, Louis VI, n° 59 et 60.
[142] Bernard Monod, op. cit., p.
57.