I Philippe Ier s'intitule dans ses diplômes rex Francorum ; par là, il affirme que son autorité s'étend sur l'ensemble des Francs, sur le midi comme sur le nord du royaume. Cependant, s'il est roi des Francs, il n'exerce sur eux, pas plus que ses prédécesseurs, tous les droits régaliens usurpés et conservés par les grands vassaux de la couronne. Ces droits, et notamment le plus important de tous, celui de justice, il ne les exerce que sur une étendue très limitée du royaume, le domaine royal. On doit entendre par domaine royal les territoires sur lesquels le roi exerce directement sa justice. Ce domaine n'a pas dans les diplômes de Philippe Ier de dénomination propre ; aucun terme ne correspond à cette notion du domaine. Toutefois, à la fin du XIe siècle, le mot de Francia paraît assez souvent s'y appliquer. Il ne peut être question, à cette époque, d'un ducatus Francie s'opposant au ducatus Burgundie et au ducatus Aquitanie ; aucun texte ne paraît avoir conservé le souvenir d'une telle division du royaume. Le mot ne se présente qu'assez rarement dans les diplômes de Philippe Ier : on n'en peut relever que quelques exemples dans lesquels il s'applique manifestement au domaine et, plus spécialement même, à la région parisienne. Dans le diplôme par lequel Philippe Ier confirme le monastère de Charroux dans la possession de tous ses biens, il est question, parmi ces biens, de Fresny-la-Rivière, en France, et, immédiatement après, d'une villa sise dans le pagus de Reims et d'une autre qui appartenait au pagus de Meaux[1]. Ainsi ni le pagus de Reims, ni celui de Meaux n'étaient considérés comme faisant partie de la France. Le mot France ne signifie pas même l'ensemble du domaine royal ; il s'applique au grand plateau calcaire situé au nord de Paris et sur lequel, encore aujourd'hui, les villages ont leur nom souvent accompagné du suffixe en France. Dans une charte d'Yves, comte de Beaumont, et d'Aelis, sa femme, confirmée par Philippe Ier, le mot France paraît avoir une signification presque identique et s'appliquer au seul diocèse de Paris. Yves et Aelis, voulant établir des moines dans l'église Sainte-Honorine de Conflans, donnent cette église au monastère du Bec, mais non sans avoir demandé le consentement de l'évêque de Paris ; celui-ci l'accorde, après avoir réservé certains droits de l'ordinaire ; parmi ces droits, il mentionne notamment celui-ci : aucun moine de Sainte-Honorine ne pourra recevoir en France les ordres sacrés sans le consentement de l'évêque de Paris[2]. Or, plus haut, il est question du cas où l'évêque jettera l'interdit sur tout le diocèse — per totum episcopium Parisiense. Comme il ne peut exercer sa juridiction que sur son propre diocèse, il semble résulter de ce texte que les deux termes de Francia et d'episcopium Parisiense sont identiques. Dans un autre diplôme, Philippe, roi de Gaule, et son fils Louis prennent sous leur protection les biens de l'abbaye du Bec qui sont en France et spécialement le bac et le vaisseau qui y sont amenés chaque année au moment des vendanges[3] ; ils les exemptent de tout droit de transit de Poissy à Mantes ; ces deux villes font donc encore partie de la France. La France, de ce côté, cessait à l'endroit où commençait la Normandie ; l'opposition entre ces deux pays distincts, soumis l'un à l'autorité du roi de France, l'autre à celle du comte de Normandie, apparaît très nettement dans une donation de Hugues de Gisors à l'abbaye de Marmoutier[4]. La Francia forme une partie du domaine royal ; mais le mot, dans ces trop rares textes, ne s'applique pas toujours au domaine tout entier. A défaut de mot désignant ce domaine, cherchons à déterminer de quoi il se compose à l'époque de Philippe Ier. Le domaine royal comprend d'abord les propriétés du roi. Il est impossible de dresser la liste des propriétés de Philippe Ier, de même qu'on ne peut énumérer celles de ses prédécesseurs. Les diplômes nous renseignent sur celles qu'il a cédées à des églises, à des abbayes ou à des particuliers, mais ils sont en général muets sur celles qui n'ont été l'objet d'aucun acte de donation ; or les secondes sont forcément plus nombreuses que les premières. Nous avons déjà dressé, à propos du gouvernement central et de la cour du roi, la liste des palais de Philippe Ier. Il possédait encore dans le domaine des châteaux ou maisons ; c'est ainsi qu'il donna à l'église de Noyon le château royal de Quierzy[5]. Il avait une maison à Orléans, près du marché, qu'il céda à l'église des Saints-Gervais-et-Protais[6] ; il en avait une autre à Châteauneuf-sur-Loire, dont il est fait mention dans un diplôme pour Saint-Benoît-sur-Loire[7]. Le roi avait aussi la propriété de certaines églises avec leurs dépendances, celle de Saint-Mard, à Etampes[8], qu'il donna à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, celle de Saint-Martin, également à Etampes[9], concédée aux moines de Morigny ; il disposa aussi de l'église de Saint-Rémi à Chanteau en faveur des chanoines de Saint-Gervais-et-Saint-Protais d'Orléans[10]. Il livra enfin aux moines du Bec l'église Notre-Dame de Poissy, avec la terre adjacente et un verger, ainsi que l'église de Meulan, jusque-là desservie par des chanoines[11]. De ces églises le roi fait la cession à des abbayes sans même consulter l'évêque dont elles dépendaient ; il les considère dans ses diplômes comme sa propriété personnelle. C'est que le roi possédait en toute propriété dans son domaine un certain nombre de villæ ; l'église faisait partie intégrante de cette villa, ou encore de la ville qui appartenait directement au roi ; Philippe Ier pouvait donc en disposer comme il l'entendait. Les diplômes nous renseignent sur quelques-unes de ces propriétés rurales de Philippe Ier. Celles que nous connaissons se trouvent dispersées un peu partout dans le domaine. Philippe Ier avait des villas dans le Parisis, par exemple celle du Mesnil-le-Roi, appelée villa regia dans un diplôme pour l'église Notre-Dame de Poissy[12], et celle de Bagneux[13]. Il en avait d'autres dans la Brie, à Combs-en-Brie[14] ; dans le Vexin, il restitue à Cluny la villa de Mantes avec la pêcherie de Gloton, que lui avait donnée Simon, comte de Vexin, et qu'il avait injustement enlevée à l'abbaye[15]. Dans le Laonnais, on le voit concéder aux moines de Saint-Vincent de Laon le droit de prendre autant de bois qu'ils voudront, pour restaurer l'église et le cloître, dans le bois adjacent à sa villa de Crépy[16]. Ce sont les seules villas royales dont il soit question dans les diplômes de Philippe Ier. Mais, à défaut de villas, il est fait mention de plusieurs terres qui appartenaient au roi et dont il tirait des revenus. Le roi avait des domaines à Etampes : il donne aux chanoines de Notre-Dame d'Etampes Saint-Jacques de Bédegon, qu'il avait eu jusque-là en sa propriété (locum... quem ad id temporis in dominio riostro tenueramus)[17] ; il cède de même à la Maison-Dieu d'Etampes un arpent de terre près du pont[18]. Dans la même région, il avait une terre à Pont-aux-Moines[19], et, plus au sud encore, une autre à Pontlevoy[20]. Près de Laon, il fit don au monastère de Saint-Nicolas-aux-Bois de sa terre de Wary[21]. Il faut ajouter la terre de Vetas Castellaris, qu'on ne peut identifier et qu'il cède à Cluny[22]. Ailleurs, il n'est pas question de terres, mais seulement de moulins. C'est ainsi qu'il donne aux pauvres et pèlerins de l'hôpital du monastère de Saint-Martin-des-Champs un moulin sur le grand pont qui faisait partie de son domaine[23]. Enfin, parmi les propriétés personnelles du roi, il faut accorder une large place aux forêts, qui sont très nombreuses. Près de Paris, le roi avait le bois de Vincennes, où il autorisait les religieux de Saint-Magloire à venir prendre chaque jour deux ânées de bois[24], le bois de Cruye, aujourd'hui forêt de Marly, dont il donna une partie aux chanoines de l'église de Saint-Cloud[25], la forêt d'Yveline, près de Rambouillet, où il concéda le droit d'usage à l'abbaye de Saint-Pierre de Neauphle-le-Vieux[26] ; enfin, au nord de Paris, une partie de la forêt de Bondy, dont il est question dans une donation d'un certain Gautier à l'abbaye de Cluny[27]. Plus au nord, il possédait encore la forêt de Laigue, au milieu de laquelle se trouvait l'église de Saint-Léger[28]. Telles sont les propriétés du roi comme seigneur de son domaine. Mais le mot de domaine royal ne doit pas s'appliquer exclusivement à elles : il comprend encore les terres qui appartiennent à d'autres qu'à Philippe Ier, mais sur lesquelles il exerce le droit de justice et certains autres droits féodaux qui constituent le jus regium. Le mot de vicairie ne revient pas très fréquemment dans les diplômes de Philippe Ier. D'après les quelques textes olt ce terme est employé, il semble qu'il faut entendre par vicairie une terre dont le roi n'est pas propriétaire direct, mais sur laquelle il exerce certains droits de justice et d'administration. Lorsqu'Adèle, sœur du roi Henri Ier, demande à Philippe de céder à l’abbaye de Saint-Denis la villa de Courcelles en Parisis, qu'elle tenait en gage moyennant la somme de soixante livres de deniers parisis, elle supplie le roi de concéder en outre au monastère la voirie et d'autres coutumes qui lui revenaient[29]. Donc, tant que cette terre fut tenue en gage par Adèle, le roi y conserva la voirie ; elle faisait partie du domaine sans être la propriété du roi. Le diplôme pour Courcelles n'explique pas en quoi consistait cette vicaria que Philippe Ier concédait à l'abbaye de Saint-Denis. Une charte en faveur des chanoines de Saint-Liphard de Meung-sur-Loire est plus explicite : les chanoines ont demandé à Philippe Ier de renoncer à la voirie de la terre d'Oinville[30] ; le roi y consent et décide en conséquence que ni son prévôt, ni son vicaire, ni aucun autre officier royal ne pénétrera plus sur le territoire de ladite villa ; il se réserve simplement une redevance de quarante béliers, chaque année, au moment de la Pentecôte[31]. Ce sont toutes les fonctions administratives que le roi abandonne aux chanoines. La vicairie apparaît comme différente du droit de justice. Un diplôme en faveur des chanoines de l'église d'Orléans établit une distinction entre le droit de voirie (viaria) et celui de justice (justicia). Par cet acte. Philippe Ier concède aux chanoines la voirie, la justice et le droit de taille qu'il avait sur quatre arpents de vigne sis à Dammartin[32]. On voit par là que les deux termes ne sont pas synonymes, et, si l'on rapproche ce diplôme de celui concernant la terre d'Oinville, il semble qu'il faut entendre par voirie le droit général d'administration du roi sur une propriété particulière. C'est ce qui paraît ressortir aussi d'un autre diplôme par lequel Philippe Ier renonce à la vicaria et aux autres coutumes qu'il prélevait sur une terre de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dans les environs d'Etampes[33]. L'exercice de ce droit et l'intervention des officiers royaux avaient été la source de difficultés et avaient contribué à dépeupler cette terre du monastère[34] ; le roi acquiesce à la demande des moines et renonce tant à la voirie qu'aux autres coutumes. La vicairie est en résumé quelque chose de plus général que la justice. Elle conférait au roi une sorte de droit supérieur sur les terres où il l'exerçait ; elle permettait aux officiers royaux d intervenir constamment ; sur ces terres le roi avait non seulement le droit de justice, mais il percevait l'ensemble des droits seigneuriaux. Toutes les terres du domaine n'étaient pas des vicairies ; à plusieurs reprises, il est question de terres où tantôt le roi exerce le jus regium, c'est-à-dire la justice, tantôt il perçoit seulement certaines redevances (consuetudines). On pourrait définir le domaine royal l'ensemble des terres où le roi exerce la justice (justitia). La justice apparaît dans les diplômes de Philippe Ier comme le plus essentiel des droits régaliens. Le roi ne l'abandonne qu'assez rarement, tandis qu'il est beaucoup plus large pour les autres coutumes : cela prouve l'importance qu'il y attachait. De plus, les quelques diplômes où il en est question sont pour la plupart des confirmations de privilèges antérieurs, concédés par les prédécesseurs de Philippe Ier à une église ou à une abbaye[35]. Le droit de justice ne s'identifie pas avec la propriété. Le roi est un grand propriétaire, mais il n'est pas le seul propriétaire de son domaine et il peut très bien abandonner à une église, à une abbaye, à un particulier, la propriété d'une de ses terres en se réservant la justice. Parfois, au contraire, il abandonne l'une et l'autre : c'est ce qui ressort très clairement du diplôme que nous avons déjà cité et par lequel il cède au monastère de la Sauve-Majeure l'église de Saint-Léger au bois de Laigue, la villa et ses dépendances : il a soin de mentionner dans la charte qu'il donne aux moines non pas seulement la propriété de la villa, mais aussi la justice — villam que mea erat propria cum tota justitia[36] — ; il ne garde aucun droit royal ; le fait qu'il a spécifié l'abandon du droit de justice montre que c'était le plus important de ces droits ; le mot de jus regium est à peu de chose près l'équivalent de celui de justitia ou, plus exactement, la justitia est ce qu'il y a de plus important dans le jus regium. Le mot jus regium n'est pas commenté dans les trop rares diplômes où il en est question. Quand Philippe Ier confirme à l'église Saint-Martin-des-Champs de Paris la donation que lui avait faite son père Henri Ier des deux autels de Janville et de Neuville, il lui en donne la possession avec le jus regium, c'est-à-dire l'ensemble des droits régaliens[37]. D'autres diplômes sont plus précis et montrent que les fonctionnaires royaux cherchaient à étendre leur pouvoir judiciaire sur des terres qui devaient y échapper. En 1082, les chanoines de Notre-Dame d'Etampes vinrent demander au roi une confirmation solennelle et à perpétuité des coutumes qui leur avaient été précédemment abandonnées ; après avoir énuméré un certain nombre de ces coutumes, Philippe lev interdit formellement à ses agents de rendre la justice sur le territoire de l'abbaye : il est beaucoup plus explicite que ne l'était son père, qui défendait simplement au prévôt d'Etampes de se saisir de quelque chose dans les demeures des chanoines[38]. Cette question de la justice avait évidemment provoqué des difficultés entre les moines et les fonctionnaires royaux, et c'est là ce que le roi voulait désormais prévenir. Un diplôme de 1094 en faveur du monastère de Saint-Père de Melun présente un caractère analogue. Malgré les privilèges de Robert et de Henri Ier, le prévôt de Melun et les autres fonctionnaires royaux inquiétaient sans cesse les moines et prétendaient exercer la justice sur leurs domaines ; les moines vinrent se plaindre au roi, sous la conduite de l'archevêque de Sens, Richer[39], leurs plaintes portaient surtout sur ce fait que le prévôt royal prétendait exiger de leurs hommes les amendes judiciaires et beaucoup d'autres droits. Le roi interdit à l'avenir au prévôt et aux fonctionnaires du comte d'exiger quoi que ce fût. Ce n'étaient pas toujours les agents royaux qui prétendaient exercer le droit de justice abandonné par les prédécesseurs de Philippe Ier. Parfois le conflit se produisit entre des églises et des seigneurs voisins ; c'est ce qui arriva en 1106 à Compiègne[40]. Un privilège de Charlemagne avait concédé à l'église de Compiègne tous les pouvoirs et droits régaliens (potestas et jus regium) sur la terre appelée la Couture de Charles et sur les hôtes habitant cette terre. Or, comme l'église avait eu à citer en justice certains de ces hôtes et avait levé la taille sur eux, Nevelon, seigneur de Pierrefonds, voulut empêcher cette église d'exercer ces droits sur ceux de ces hôtes qui étaient ses clients. Louis, fils de Philippe Ier, dut convoquer une cour à Senlis, et cette cour rendit une sentence que le roi confirma peu après. Cette sentence rappelait que Charlemagne avait abandonné à l'église tous les droits (jus) et pouvoirs (potestas) du roi ; donc le droit de rendre la justice et de lever la taille appartenait aux moines[41]. La justice apparaît ici, beaucoup plus nettement que dans les diplômes précédents, comme étant le principal attribut du jus regium : ce que le roi abandonne à l'église, c'est, avant toutes choses, le droit de rendre la justice que Nevelon prétendait lui avoir été donné en fief[42]. Le droit de justice est l'attribut essentiel du roi comme seigneur de son domaine, mais non l'unique. Tout seigneur, en même temps qu'il exerce la justice, perçoit sur les hommes qui habitent sa terre des redevances, des coutumes ; il en est de même du roi considéré comme tel. De toutes ces redevances la plus importante de beaucoup est la taille (tallia, tolta). La taille est la redevance féodale par excellence, de même que le droit de justice est l'indice delà souveraineté du seigneur sur son domaine. Aussi, dans les diplômes de Philippe Ier, le droit de percevoir la taille va-t-il généralement de pair avec les droits de voirie et dé justice ; le roi ne l'abandonne que rarement. Lorsque Philippe Ier, à la demande de l'évêque, de l'archidiacre et des chanoines d'Orléans, concède à ceux-ci la voirie et la justice sur quatre arpents de vignes sis à Dammartin, il abandonne aussi la taille, ainsi que le demandaient les chanoines[43]. De même, dans le différend entre l'église de Compiègne et Nevelon de Pierrefonds, il s'agit à la fois de la taille et de la justice ; la sentence de Louis, rendue dans le plaid de Senlis et confirmée ensuite par Philippe Ier, permet aux chanoines de lever la taille sur tous les hommes, d'exercer toute justice et tout pouvoir dans le territoire de la Couture de Charles[44]. Ainsi, dans plusieurs cas, le droit de taille accompagne celui de jus.. tire, et l'accouplement des deux termes montre l'importance attachée à la taille. Toutefois il ne faudrait pas généraliser ni définir le domaine l'ensemble des pays où le roi lève la taille, comme nous avons dit qu'il se composait des terres sur lesquelles il rendait la justice. Philippe Ier a pu abandonner la taille en conservant la justice, qui apparaît par là même comme beaucoup plus caractéristique de la souveraineté, puisqu'elle amène et nécessite l'intervention royale. En 1085, Philippe Ier' donne à la Maison-Dieu d'Etampes-les Vieilles une terre d'un arpent avec les hôtes qui y sont établis[45] ; il exempte cette terre de toute redevance et coutume envers lui comme envers ses officiers : ni le prévôt, ni les autres ministeriales, ni une personne quelconque ne pourront exiger sur cette terre aucune coutume ni lever la taille[46]. La taille apparaît ici comme une redevance plus importante que les autres, puisque le roi en fait une mention spéciale. Il est fort probable que, si Philippe Ier avait abandonné la justice, il l'aurait dit expressément, comme pour la taille, et ne l'aurait pas englobée d'une façon vague parmi les autres coutumes. Il en est de même sans doute d'un diplôme par lequel Philippe Ier, à la requête de Chrétien, abbé de Saint-Mesmin de Micy, déclare que ses hommes, libres ou serfs, habitant sur les terres de cette abbaye, paieront les mêmes coutumes, tailles, cens et autres redevances que les propres hommes de l'abbaye[47]. Là aussi, il n'est pas question de la justice. Philippe Ier n'aurait pas nommé parmi les coutumes la taille et le cens et passé sous silence la justice, prérogative beaucoup plus essentielle du roi dans son domaine[48]. Ce qui justifie notre hypothèse au sujet des deux diplômes que nous venons d'analyser, c'est une autre charte, postérieure à 1101 et antérieure à 1106, par laquelle Philippe Ier interdit au prévôt de Paris de lever sur les hommes de Bagneux aucune autre exaction que les amendes légales et notamment la taille[49]. Ce diplôme est beaucoup plus explicite : Philippe Ier renonce à toute redevance : il renonce même au service d'ost ; mais, puisqu'il réserve à son prévôt le droit de percevoir les amendes judiciaires, il est clair que, par là même, il lui réserve la justice. Il est vrai qu'ici il ne s'agit pas d'abandon de coutumes à une église ou à une abbaye, mais d'une renonciation pure et simple à des redevances ; le roi ne pouvait pas abandonner l'exercice de la justice ; il n'en reste pas moins que, si la taille avait été constitutive de la souveraineté au même titre que la justice, Philippe Ier se la serait certainement réservée en même temps que les amendes judiciaires. Malgré ces réserves, la taille est la redevance essentielle des sujets du domaine envers le roi. Philippe Ier l'a peu souvent abandonnée : c'était évidemment de tous les impôts celui qui rapportait le plus. On peut en dire autant du cens, c'est-à-dire de l'impôt sur l'habitation ou l'immeuble. Si le mot revient assez souvent dans les diplômes de Philippe Ier, il est à remarquer qu'il n'apparaît guère que dans les confirmations de chartes particulières ; le roi lui-même ne l'abandonne que rarement et, dans plusieurs cas, il ne fait que confirmer lui-même un privilège d'un de ses prédécesseurs[50]. La taille et le cens sont des redevances qui pèsent sur la terre[51] ; ce sont les impôts directs perçus par le roi dans le domaine. Ces impôts, le roi les aliène rarement. Il n'en est pas de même de tous les impôts indirects ; les diplômes nous renseignent beaucoup mieux à cet égard. Quand Philippe Ier veut faire une donation à une église ou à une abbaye, il cède tantôt une de ses propriétés, tantôt la perception d'une redevance particulière, d'un tonlieu ou d'un péage. En tête des impôts indirects, il faut placer les droits sur la vente et le commerce des marchandises : ce sont les tonlieux. Le roi percevait des droits sur le marché ; ceux qui venaient acheter devaient lui payer une redevance : dans un diplôme de 1085 pour la Maison-Dieu d'Étampes, il est dit que, si les hôtes de la terre qui lui est cédée par le roi, viennent au marché royal, pour vendre ou acheter, on n'exigera d'eux que la coutume habituelle du marché[52]. Ce droit, le roi l'avait dans la plupart des villes de son domaine ; mais les prédécesseurs de Philippe, comme Philippe Ier lui-même, l'aliénèrent assez fréquemment. En 1067, Philippe Ier donne à l'église Saint-Martin-des-Champs l'abbaye de Saint-Sanson d'Orléans et la moitié du marché annuel qui se tiendra en ladite abbaye le 1er novembre[53]. En 1071, il confirme le don fait par ses prédécesseurs à l'église de Laon du cens levé dans le marché de la cité sur les étaux des bouchers et des poissonniers[54]. En 1092, il abandonne aux frères et au trésorier de l'église Saint-Corneille de Compiègne le tonlieu et la justice d'un marché pendant trois jours à partir de la veille du dimanche de Laetare, à charge pour eux de payer dix sols aux chanoines de Saint-Clément ou à ceux de Saint-Maurice toutes les fois que le marché sera du droit de l'une de ces deux églises, et à charge de nourrir un pauvre pendant le carême[55]. On voit qu'il s'agit ici non seulement du tonlieu, mais des amendes pour contraventions à la police des marchés, ressources qui venaient s'ajouter à ce tonlieu. A côté de ces droits sur l'achat et la vente des marchandises, le roi en percevait sur la circulation des denrées et principalement au passage des rivières. En 1060, Philippe Ier accorde au monastère de Saint-Lucien de Beauvais le libre passage pour ses charrettes et sommiers sur la rivière d'Authie à Nampont et le libre parcours jusqu'à Montreuil[56]. En 1069, il donne à l'église Saint-Ouen de Gisors le conduit et le péage de Chaumont-en-Vexin, la veille, le jour et le lendemain de la fête de saint Ouen[57] ; il les percevait donc les autres jours de l'année. Les marchandises qui voyageaient par eau devaient également payer des droits de transit lorsqu'elles traversaient certaines localités du domaine. La Seine traversant le domaine de part en part et y desservant plusieurs villes, chacune de ces villes avait son péage. Nous savons par exemple que Philippe Ier percevait des droits de transit à Paris, Pontoise, Poissy et Mantes, car il en exempta les moines de l'abbaye du Bec[58]. Un autre diplôme nous apprend même que, chaque année, le bac et le vaisseau des moines du Bec venaient en France, au temps des vendanges, pour y prendre une cargaison ; ce bac et ce vaisseau étaient exempts de tout droit de transit sur la Seine, en particulier à Poissy et à Mantes[59]. La seconde catégorie d'impôts indirects perçus par Philippe Ier sur son domaine se rattache- à l'exercice du droit de justice ; les frais de justice, les condamnations prononcées par le roi et ses officiers consistaient surtout en amendes qui constituaient une des ressources les plus importantes du domaine royal. Dans le diplôme par lequel Philippe Ier déclare les moines de Saint-Père de Melun libres de toute coutume vis-à-vis de toute puissance séculière et spécialement vis-à-vis du prévôt royal, il énumère plusieurs exactions dont ils seront dispensés, et qui sont relatives à la justice[60]. De même par le diplôme pour Saint-Lucien de Beauvais, le roi interdit à ses officiers de recevoir aucune amende pour brigandage (latronem), ni en général aucun droit de justice (bannum) dans les terres de Cinqueux, Rosoy et Verderonne[61]. Ces droits sont vraiment considérés comme une ressource financière de la royauté : les biens de l'église Saint-Germain de Brezolles paient aux moines de l'abbaye de Saint-Père de Chartres teloneum, bannum, vicariam[62], et la justice est placée au milieu des autres impôts indirects parmi les coutumes de la villa d'Escrennes[63]. Aux frais de justice et aux amendes légales il faut ajouter les amendes prononcées pour violation des diplômes royaux ; elles sont fréquentes à l'époque de Philippe Ier. Les églises et les particuliers qui demandaient la confirmation royale pour leurs chartes pensaient que cette confirmation serait plus effective si la désobéissance à la volonté .royale était punie d'une amende ; naturellement la royauté avait intérêt à ne pas se priver de cette ressource qui pouvait être souvent très sérieuse. Geoffroy, fils de Nivard, quand il donna, entre 1067 et 1090, l'église de Maisons et divers autres biens aux moines de Notre-Dame de Coulombs, vint faire confirmer sa charte par Philippe Ier, afin, dit-il, que nul ne pût l'enfreindre désormais sans s'être préalablement acquitté envers le trésor royal[64]. Cette dernière ressource n'est pas seulement pour le roi un revenu domanial ; le roi peut confirmer des chartes particulières, même en dehors des limites de son domaine. Nous avons vu, à propos de la régence de Baudoin, que Philippe Ier avait à plusieurs reprises, pendant sa minorité, contresigné les actes de son tuteur en Flandre. Or, toutes les fois qu'une charte est confirmée par le roi en Flandre, une amende envers le fisc royal est prévue[65]. Cette habitude persista même après la mort de Baudoin ; en 1085, à la prière de Robert le Frison, comte de Flandre, Philippe Ier confirme l'église Saint-Pierre de Cassel dans la possession de ses biens et l'exempte de la juridiction épiscopale : à la fin de ce diplôme, il prononce contre ceux qui viendraient à le violer la confiscation au profit du fisc royal[66]. Ces amendes, le roi les perçoit jusqu'en Gascogne ; par une charte du 16 novembre 1064, le vicomte Hugues donne quatre églises à Cluny et il décide que, si quelqu'un cherche d'uné façon quelconque à enfreindre sa donation, il devra payer dix livres au fisc du roi ou du comte de Gascogne[67]. Parfois cependant l'amende pour violation du diplôme royal revenait non au roi, mais à celui qui avait été lésé. C'est ce qui se produisit, en 1076, pour le monastère Saint-Amé de Douai dont Philippe Ier avait confirmé les privilèges et qu'il avait soustrait à tout pouvoir laïque : quiconque attenterait à la liberté de cette église devrait lui payer dix livres en monnaie d'or[68]. Ces différentes redevances perçues par Philippe Ier dans le domaine constituent les ressources financières de la royauté. On peut y ajouter les offrandes faites au roi par les églises : un diplôme de Louis le Gros révèle que Philippe Ier avait renoncé à toute prétention sur les offrandes de l'église Sainte-Croix d'Orléans[69]. Mais les églises ne donnaient pas toujours gratuitement, et parfois le roi eut recours à l'emprunt : il emprunta de la sorte trente livres de monnaie de Senlis aux chanoines de Saint-Vincent de Senlis ; il leur donna en gage la villa de Barberie, libre de toute redevance et qu'il devait reprendre le jour où il aurait acquitté sa dette[70]. Avec l'exercice de la justice et la perception des coutumes, le dernier trait de la souveraineté du roi comme seigneur de son domaine, c'est qu'il peut exiger la corvée et le service d'ost, c'est-à-dire le service militaire. Le mot de corvée n'est employé que deux fois dans les diplômes de Philippe Ier. Dans le diplôme de 1085 en faveur du monastère de la Sauve Majeure, en même temps qu'il abandonne la justice sur la villa de Laigue, Philippe renonce à la corvée[71]. M. Luchaire[72] considère que cette corvée, à la fin du XIe siècle, était limitée au droit de charroi ; cependant le diplôme mentionnant les coutumes de la villa d'Escrennes, dans le passage que nous avons cité[73], distingue les deux choses. Il semble donc qu'il faut entendre le mot dans son sens le plus général : le mot de corveia hominum ne peut être considéré comme l'équivalent de carricatus boum. La corvée existait encore dans le domaine royal, au moins pendant la première partie du règne de Philippe Ier. Quant au service d'ost, il en est question dans un seul diplôme, celui par lequel Philippe Ier interdit au prévôt de Paris de lever sur les hommes de Bagneux aucune autre exaction que les amendes légales. Parce diplôme, Philippe Ier s'engage aussi à ne pas requérir les hommes de Bagneux pour aucune expédition ni aucune chevauchée contre ses ennemis[74]. Il ressort de ce texte que, entre 1101 et 1106, c'est-à-dire à la fin du règne, le roi pouvait exiger des hommes de son domaine le service militaire. En résumé, le domaine royal comprend les propriétés et les vicairies, c'est-à-dire les terres où le roi exerce le droit de justice et perçoit toutes les redevances qui n'ont pas été inféodées à des églises, à des abbayes ou à des particuliers. Par ces caractères, ce domaine ne diffère guère de ce qu'il était sous les prédécesseurs de Philippe Ier. La seule conclusion qui se dégage de notre analyse — et elle n'est pas sans importance — est celle-ci : Philippe Ier a rarement abandonné le droit primordial de justice, tandis qu'il a concédé les tonlieux et autres impôts indirects ; il ne diminue pas, par des inféodations, la puissance du roi dans son domaine ; il ne morcelle pas davantage ce domaine qui peu à peu, par la conquête, s'identifiera avec la France. Si l'on rapproche cette conclusion de celle à laquelle nous avons abouti pour l'administration centrale, on voit combien le pouvoir royal s'est maintenu intact et s'est même fortifié pendant ce règne. II Si Philippe Ier a cherché à ne pas diminuer par des concessions le pouvoir du roi dans son domaine, on peut dire d'autre part que sa constante préoccupation a été d'étendre ce domaine. C'est lui qui a inauguré cette politique d'annexions systématiques qui a fait de la royauté capétienne une royauté de conquête. Avant lui, les trois premiers Capétiens ont cherché surtout à conserver et à assurer à leurs descendants la dignité royale qu'ils avaient péniblement usurpée, mais ils n'ont guère eu le loisir ni la force d'étendre leur justice au delà de la région parisienne. La seule acquisition importante du règne de Robert, le duché de Bourgogne, a été de nouveau inféodée. A l'avènement de Philippe Ier, le domaine royal comprend les prévôtés de Paris, Étampes, Orléans, Sens ; à l'ouest, il est limité par le comté de Chartres et le Vexin ; au nord, il est resserré dans la vallée de l'Oise avec Senlis et Compiègne ; à l'est, il se heurte, immédiatement au delà de Paris, au Vermandois et à la Champagne. C'est donc bien la région parisienne, la série des plateaux calcaires qui forment façade sur la Seine autour de Paris. Philippe Ier est arrivé à faire déborder le domaine au delà de ces limites par quatre acquisitions de la plus haute importance : le Gâtinais, Corbie, le Vexin et la vicomté de Bourges. L'acquisition du Gâtinais[75] est la première en date : elle eut lieu en 1068, c'est-à-dire la première année du règne personnel de Philippe Ier. Elle fut le résultat de son intervention dans les affaires de l'Anjou et dans la lutte entre Geoffroy le Barbu et Foulque le Réchin. Geoffroy Martel, comte d'Anjou, était mort le 14 novembre 1060, après avoir pris l'habit monastique à l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers[76]. Il n’avait pas de fils ; il laissa le comté d'Anjou et ses dépendances à son neveu Geoffroy, dit le Barbu, fils de sa sœur, qui avait épousé Aubri, comte de Gâtinais[77]. Ce Geoffroy avait un frère, Foulque, dit le Réchin. Foulque obtint-il quelque chose de la succession de son oncle ? Aubri de Trois-Fontaines et Orderic Vital ne font allusion à aucun territoire légué il Foulque par Geoffroy Martel[78]. En revanche, d'après la Chronique de Saint-Maixent. les deux fils d'Aubri se seraient partagé la succession d'Anjou[79]. Les Gesta consulum Andegavensium sont beaucoup plus formels : Geoffroy Martel aurait laissé à Foulque l'Anjou et Saintes, il Geoffroy la Touraine avec Château-Landon, c'est-à-dire en somme le Gâtinais[80]. Ce texte est en contradiction avec une charte de Saint-Nicolas d'Angers et Hugues de Fleury, d'après lesquels, au contraire, Geoffroy le Barbu eût été comte d'Anjou, et Foulque comte de Gâtinais[81]. Les Gesta, comme la charte de Saint-Nicolas, renferment des erreurs : d'abord Geoffroy Martel n'a pu disposer du Gâtinais, qui ne lui appartenait pas, et il est certain que, du vivant de Geoffroy Martel, Geoffroy le Barbu fut comte de Gâtinais[82] ; il était d'ailleurs l'aîné. En second lieu, le même Geoffroy Martel a obtenu certainement l'Anjou, puisque Foulque viendra s'en emparer sept ans plus lard. Mais a-t-il offert comme compensation à son frère le Gâtinais, comme le veut la charte de Saint-Nicolas, ou Saintes, comme l'affirment les Gesta consulum Andegavensium ? La chose ne semble pas impossible : pour le Gâtinais, aucun texte ne vient confirmer le témoignage de la charte de Saint-Nicolas, mais nous ne voyons pas de raison décisive de le rejeter. Pour Saintes, le Réchin lui-même raconte qu'à la fin de sa vie, le jour de la Pentecôte de l'année 1060, Geoffroy Martel l'arma chevalier et lui donna le gouvernement de la cité et du pagus de Saintes[83] ; rien ne prouve qu'il ait quitté ce gouvernement à la mort de son oncle. D'ailleurs Orderic Vital[84], tout en disant que Geoffroy, étant l'aîné, obtint la principauté, laisse entendre que Foulque eut une part de la succession. Enfin Hugues de Fleury rapporte que Foulque se plaignait de ce que son père ne lui eût cédé qu'un petit territoire[85]. Foulque était bien décidé à ne pas se contenter de si peu et il convoitait la totalité de la succession angevine. En 1067[86], il essaya un coup de main sur Angers ; il s'entendit avec plusieurs seigneurs de l'entourage de Geoffroy le Barbu et se le fit livrer par eux[87]. Son triomphe fut de courte durée : il avait pris Angers le 4 avril ; le lendemain même, la foule fit justice des traîtres[88]. Guillaume, comte d Aquitaine, avait déjà profité de la lutte entre les deux frères pour prendre Saintes, en 1062, et il conserva ensuite la ville[89]. Foulque ne se tint pas pour battu et, après l'échec de la tentative des barons angevins, il chercha des appuis au dehors. Guillaume, duc de Normandie, qui venait de conquérir l'Angleterre, était trop préoccupé par l'organisation de sa conquête pour intervenir d'une façon efficace. Le comte de Poitiers avait pris Saintes, et cela devait lui suffire : peu lui importait le triomphe de Geoffroy ou de Foulque. Restaient le comte de Blois et le roi de France , qui, suivant les Gesta consulum Andegavensium, prêtaient leur appui à Geoffroy le Barbu[90] ; mais d'après les mêmes Gesta et d'après une autre chronique sur l'origine des comtes d'Anjou, Foulque le Réchin aurait prêté hommage à Etienne, comte de Blois, et, en échange, aurait obtenu son appui. Il se rendit ensuite avec lui à la cour de Philippe Ier[91]. Pour obtenir l'intervention ou la neutralité de Philippe Ier, la compensation n'était pas difficile à trouver : ce ne pouvait être que le Gâtinais, qui n'était que d'une médiocre utilité pour la maison d'Anjou et dont la possession présentait de grands avantages pour le roi de France. Séparé par le domaine royal et par le Blésois de la Touraine et de l'Anjou, le Gâtinais était au contraire le trait d'union entre le Sénonais, qui appartenait au roi, et le pays d'Orléans et de Paris ; sa possession aurait donné plus d'unité au domaine. Philippe Ier ne pouvait donc qu'accepter avec empressement l'offre de Foulque le Réchin ; au reste, peu lui importait que le comte d'Anjou s'appelât Geoffroy ou Foulque. Il avait de plus intérêt à se faire de l'Anjou un allié contre son rival le duc de Normandie : or non seulement il n'achetait pas son alliance, mais se faisait payer la sienne à un très bon h prix. Toutes les chroniques s'accordent pour dire que Château-Landon et le comté de Gâtinais furent cédés à Philippe Ier par Foulque le Réchin. La chronologie de ces négociations est plus difficile à déterminer. Plusieurs chroniques semblent indiquer que, à la suite de l'échauffourée d'Angers en avril 1067, Geoffroy le Barbu aurait été délivré par la populace angevine et que c'est seulement l'année suivante qu'il aurait été fait prisonnier par Foulque le Réchin et emmené en captivité à Chinon[92]. Dans ce cas, les négociations avec Philippe Ier se placeraient entre la délivrance et la nouvelle captivité de Geoffroy. D'autre part, les chroniques qui racontent la venue de Foulque à la cour de Philippe Ier, et en particulier les Gesta consulum Andegavensium, ne font allusion en aucune manière à la délivrance de Geoffroy le Barbu ; les Gesta, dans le passage que nous avons cité précédemment, affirment même que les Angevins luttaient pour faire rendre la liberté à Geoffroy. Ainsi tout ce que Foulque eût pu demander à Philippe Ier, c'était de ne pas intervenir pour délivrer Geoffroy qu'il emmenait en captivité à Chinon. A-t-il même sollicité cela, et quelle est la date exacte de son voyage ? Il est bien difficile de dire s'il eut lieu avant qu’il eût repris le comté d'Anjou ou seulement après. Les Gesta consulum Andegavensium laissent entendre que Foulque n'était pas encore le maître dans son comté, puisqu'il allait surtout trouver Philippe pour l'empêcher de prêter main-forte aux partisans de Geoffroy le Barbu ; il aurait alors signé un traité par lequel il abandonnait au roi de France Château-Landon[93]. En revanche, Hugues de Fleury, dans les Modernorum Francorum regum actus, raconte que Foulque, après avoir pris le comté de son frère, craignit que le roi de France n'envahît l'Anjou et ne le privât de sa charge acquise par la violence ; il prévint cette intervention en lui cédant le Gâtinais[94]. La même note se trouve dans les Gesta Ambaziensium dominorum : Foulque, après avoir enfermé Geoffroy à Chinon et s'être emparé du comté, alla prêter hommage à Philippe Ier et lui céda en même temps Château-Landon[95]. Cette tradition a été reprise par une chronique de Tours du XIIIe siècle[96]. Il est difficile de se prononcer entre ces deux versions : la première semble cependant plus vraisemblable : une fois maître de l'Anjou, Foulque n'aurait eu aucun intérêt à céder le Gâtinais si Philippe Ier n'avait fait des préparatifs militaires contre lui ; il n'avait qu’à attendre ; d'ailleurs le roi n'était pas si fort qu'avec l'appui du comte de Blois il n'eût pu lui résister victorieusement. Au contraire, tant qu'il ne tient pas le comté, il a intérêt, même au prix de sacrifices, à prévenir une coalition : il s'adresse au comte de Blois d'abord, au roi ensuite, et lui promet le Gâtinais qui ne lui servira désormais à rien. Quoi qu'il en soit, c'était un heureux commencement de règne. Cette annexion au sud du domaine allait être suivie, quelques années après, d'une autre non moins utile au nord, celle de Corbie. Nous sommes peu renseignés sur les circonstances de cette annexion ; les textes sont rares, et nous sommes réduits, comme source littéraire, aux Miracles de saint Adalhard, abbé de Corbie. Voici comment ils racontent la chose[97] : Henri Ier, roi de France, avait une sœur, Adèle, qu'il maria à Baudoin de Flandre ; il lui donna en dot, entre autres présents, Corbie, qui touchait à son domaine (quæ regno suo adjacebat) ; à la suite de cette union, le roi et le comte furent unis par les liens d'une grande amitié tant qu'ils vécurent ; mais, après la mort de l'un et de l'autre, leurs fils, le roi Philippe Ier et le comte Robert, brisèrent ce pacte d'amitié. Le roi Philippe trouvait que son domaine royal était diminué d'une façon fâcheuse par la perte de Corbie : il y entra en grande pompe et se fit jurer fidélité par les habitants. Quand le comte Robert apprit cela, il fut très mécontent ; et, bien décidé à ne pas supporter le tort qui lui était fait, mais ne pouvant se venger du roi comme il l'aurait voulu, il retourna sa colère contre l'abbaye de Corbie, qui n'avait pas mérité un tel sort, et pilla ses terres. Foulque, alors abbé de Corbie, et les moines, fort émus, allèrent se plaindre à Philippe Ier et lui demandèrent de venir à leur aide. Soit que la chose fût impossible, soit par insouciance, le roi ne fit pas rendre aux moines tout ce qu'ils avaient perdu et ils en éprouvèrent un grand dommage ; ils furent privés de leurs revenus pendant près de deux ans. Dès lors, ils n'eurent plus confiance que dans le Seigneur ; ils allèrent finalement trouver Robert avec les reliques de saint Adalhard, et Robert rendit ce qu'il avait pris. On ne peut ajouter foi à ce récit qui renferme plusieurs invraisemblances. D'abord la date en serait difficile à fixer. L'affaire aurait duré deux ans ; par conséquent, elle ne peut se rattacher à la grande lutte de Philippe Ier et de Robert le Frison au sujet de la succession flamande[98]. Or, après la guerre de 1072, Philippe Ier et Robert le Frison se sont réconciliés ; Philippe Ier avait besoin d'être tranquille du côté de la Flandre pour porter toute son attention vers la Normandie ; il eût été bien maladroit de provoquer Robert le Frison et de se créer un nouvel ennemi. De plus, on ne comprend pas comment, dans le récit des Miracles de saint Adalhard, Robert va attaquer l'abbaye de Corbie qui était bien innocente de l'annexion ; pourquoi n'envahit-il pas plutôt le domaine royal et ne cherche-t-il pas à reprendre la ville de Corbie ? La guerre de 1071 lui avait cependant démontré que Philippe Ier n'était pas plus fort que lui, et il pouvait être sûr que Guillaume le Conquérant, jugeant l'occasion favorable, ferait une diversion dans la région de la Seine. Ainsi, ni la conduite de Philippe Ier ni celle de Robert le Frison ne peuvent s'expliquer ; le récit des Miracles de saint Adalhard est un tissu d'invraisemblances. Un acte de Philippe Ier, passé à Corbie entre 1071 et 1079, très probablement avant 1075[99], permet de remettre les choses au point. Philippe Ier est venu à Corbie à cette date et a fait déposer sur l'autel de saint Pierre par Robert, comte de Flandre, et Geoffroy, évêque de Paris, un diplôme par lequel il restituait à l'abbaye de Corbie la vicomté que Gautier, comte d'Amiens, lui avait enlevée[100]. L'acte qui en fait mention est souscrit par Foulque, abbé de Corbie[101], celui dont il est précisément question dans le récit des Miracles de saint Adalhard et qui aurait été trouver Philippe Ier pour solliciter son intervention contre Robert le Frison. Le récit de Foulque contient plusieurs faits qu'il est intéressant de rapprocher de ceux rapportés par les Miracles. L'abbaye de Corbie aurait toujours été exempte depuis sa fondation ; ni l'évêque ni aucune autre personne n'auraient eu le droit d'y exercer les fonctions d'avoué ou de vicomte ; elle vécut ainsi libre pendant près de six cents ans, jusqu'au jour où Maingaud devint abbé ; à cette époque, elle perdit plusieurs privilèges qu'elle laissa tomber par négligence ou qui lui furent arrachés par la force, si bien que, Maingaud étant vieux, le roi Robert, qui avait proclamé l'immunité de l'abbaye, dut le prier de se retirer pour nommer un autre abbé à sa place. Maingaud n'en fit rien ; il resta à Corbie et prit en haine cette abbaye qu'il avait aimée jusque-là. Gautier, comte d'Amiens, trouva l'occasion favorable ; il inquiéta l'église et ses dépendances ; il usurpa la vicomté et tous les pouvoirs judiciaires qui appartenaient uniquement à l'abbé. Son fils Foulque, déjà évêque d'Amiens, adopta la même attitude, mais dut cesser devant les représentations du Saint-Siège. Quant à Gautier, il garda quelque temps la vicomté, puis céda à un certain Drogon la villa de Sailly[102]. Il en fut ainsi jusqu'à l'époque du roi Philippe Ier qui, ayant reçu Corbie d'Arnoul, reconnut la liberté de l'église, lui rendit la vicomté et fit placer le privilège qu'il venait d'accorder sur l'autel de saint Pierre par Robert, comte de Flandre, et par Geoffroy, évêque de Paris[103]. Le seigneur de Boves, Engeran, avoué (curatus) du monastère, se plaignant qu'on eût diminué l'héritage paternel et qu'on lui eût enlevé la vicomté qu'il avait injustement exercée, commença à assaillir le roi de ses plaintes, à sévir contre l'abbaye, et finalement à piller et incendier ses terres ; enfin, jugeant qu'il ne pouvait supprimer les droits de l'église, il tenta de négocier, et les moines ne demandèrent pas mieux que d'arriver à un accord. Si l'on rapproche ce récit de celui des Miracles de saint Adalhard, on peut remarquer que les pillages du seigneur de Boves ressemblent singulièrement à ceux que les Miracles prêtent à Robert le Frison et que, dans les deux cas, un accord intervient finalement. D'autre part, le récit de Foulque rapporte que Philippe Ier avait à ce moment-là la possession de Corbie et aussi qu'il était en bons termes avec Robert le Frison. Enfin Corbie aurait été donnée à Philippe Ier par Arnoul, et cela est très vraisemblable. Philippe Ier, étant intervenu en Flandre en faveur d'Arnoul contre Robert le Frison, a dû se faire donner un gage : ce gage ne pouvait guère être que Corbie, qui avait appartenu autrefois aux rois de France et avait été récemment cédée aux comtes de Flandre. Lorsque la guerre fut terminée, les deux rivaux se réconcilièrent ; le mariage de Philippe Ier avec Berthe de Frise scella l'accord, et Robert le Frison, pour ne pas se créer d'embarras et asseoir son autorité en Flandre, confirma la cession de Corbie qu'Arnoul avait faite à Philippe ; c'est ainsi que Philippe Ier peut y intervenir et disposer de la vicomté, vers 1073 ou 1074. L'acte que nous venons d'analyser ne laisse pas de doute : Corbie a été annexée au domaine royal en 1071, avant l'intervention de Philippe Ier en Flandre. Cette acquisition avait une grande importance ; la position de Corbie sur la Somme en faisait le lien tout naturel entre le domaine royal et la possession plus éloignée de Montreuil-sur-Mer, La politique de Philippe Ier a été la même que dans l'affaire de la succession d'Anjou : de même qu'il a profité de la rivalité de Geoffroy le Barbu et de Foulque le Réchin pour se faire céder le Gâtinais, il a donné son appui à Arnoul contre Robert le Frison et il a promis ensuite à Robert de le laisser tranquille moyennant l'abandon de Corbie. C'est toujours la même idée d'étendre progressivement le domaine royal aux dépens des fiefs voisins ; la politique de Philippe Ier est avant tout une politique de conquêtes. Après l'acquisition du Gâtinais et de Corbie, Philippe Ier en fit une autre, celle du Vexin, c'est-à-dire de la région de Mantes, Pontoise et Chaumont-en-Vexin. Une chronique des rois de France prétend que c'était un fief de l'abbaye de Saint-Denis[104]. Les rois de France y exerçaient cependant déjà une suzeraineté effective et Philippe Ier y percevait des droits, car, en 1069, il avait cédé le conduit et le péage de Chaumont-en-Vexin à l'église Saint-Ouen de Gisors pour la veille, le jour et le lendemain de la fête de saint Ouen[105]. Mais le Vexin français, séparé du Vexin normand par l'Epte, n'en était pas moins une possession de Raoul de Valois qui avait épousé Anne de Russie, mère du roi[106]. C'est la mort de Raoul, survenue en 1074[107], qui a été l'origine de cette nouvelle extension du domaine royal qui allait faire de Philippe Ier le voisin immédiat de Guillaume, duc de Normandie. Raoul laissait un fils, Simon, et une fille, Alix, qui épousa Thibaud, comte de Champagne[108]. Philippe Ier voulut dépouiller les enfants de Raoul ; il fit envahir par un certain Hugues Bardoul, seigneur de Broyes, le comté qui revenait à Simon ; Hugues s'empara de Vitry, de Bar-sur-Aube et de la Ferté, pendant que Philippe envahissait les autres États du comte et venait en particulier à Amiens[109]. Cette guerre eut lieu en 1075, ainsi que l'indique la chronique de Saint-Pierre de Châlons[110]. Les actes de Philippe Ier aident à préciser la chronologie et l'itinéraire du roi. Il est venu à Amiens en 1075 ou 1076 et il y a confirmé une donation faite par Guy, comte de Ponthieu, au monastère de Cluny[111]. Pendant ce temps Simon, tout en résistant énergiquement à Philippe, avait l'esprit tourmenté par des scrupules religieux : son père avait, de son vivant, pris par force un château où il s'était fait ensuite enterrer. Simon demanda au pape Grégoire VII de lui tracer une ligne de conduite ; Grégoire VII lui répondit d'arracher à cette terre injustement acquise le corps de son père, de faire dire des messes et de faire de larges aumônes. Simon s'acquitta de ce qui lui était prescrit par le pape ; il fit transférer le corps de son père dans l'église de Saint-Arnoul de Crépy. Tel est le récit que fait la Vie de Simon, comte de Crépy, racontée par un anonyme[112]. Ce récit est confirmé sur tous points par une charte de Simon, datée du 31 mars 1077, confirmée par Philippe Ier, et où Simon rapporte qu'il a fait transférer le corps de son père de Montdidier à Saint-Arnoul de Crépy ; il donne à cette occasion à cette église la terre de Boneuil[113]. La Vie de Simon rapporte qu'ensuite, diffé4rant la guerre qui continuait toujours avec Philippe Ier, il se rendit à Rome, voulant demander une pénitence au pape ; Grégoire VII lui prescrivit de déposer tout d'abord les armes et lui indiqua ensuite la pénitence qu'il sollicitait ; il revint et, après avoir remporté une nouvelle victoire sur Philippe Ier, il fit la paix avec lui, recouvra son héritage, puis entra dans un monastère[114]. D'après la Vie de Simon de Crépy, tout cela se serait passé après le transfert du corps de Raoul de Montdidier à Crépy-en-Valois. Or nous savons, par un diplôme de Philippe Ier, que Simon était déjà moine au plus tard le 23 mai 1077[115]. Ces événements n'ayant pu se dérouler dans l'espace de moins de deux mois, il faut corriger la Vie de Simon de Crépy à l'aide d'Aubri de Trois-Fontaines, qui place en 1075 le voyage à Rome, la victoire de Simon sur Philippe et la paix à la suite de laquelle Simon recouvra son héritage[116]. En 1076, d'après Aubri, Simon aurait promis d'épouser la fille de Hildebert, comte d'Auvergne ; mais, dès son premier entretien avec elle, il l'aurait si bien sermonnée qu'elle se serait enfuie au monastère de la Chaise-Dieu. Puis le roi d'Angleterre, Guillaume le Bâtard, aurait mandé Simon — ce que rapporte également la vie anonyme[117] —, et lui aurait offert sa fille en mariage. Simon répondit qu'il était proche parent de l'épouse de Guillaume ; il partit pour Rome afin d'obtenir une dispense, mais n'y arriva pas : il se fit moine auparavant[118]. En réalité, les choses ne paraissent pas s'être passées tout à fait de la sorte, et il semble bien que Philippe Ier n'ait pas été totalement étranger à la vocation de Simon de Crépy. Le 31 mars 1077, il avait avec lui à Crépy, une entrevue et là confirmait la donation de Boneuil à Saint-Arnoul ; au mois de mai, Simon était déjà moine et Philippe Ier possédait le Vexin, puisqu'il disposait de la villa de Mantes en faveur de l'abbaye de Cluny[119]. La même année 1077, le roi confirme un abandon de droits de transit fait par le comte Simon aux moines du Bec et déclare que rien ne sera perçu en son nom, ni à Mantes ni à Pontoise, sur les choses appartenant aux moines du Bec et traversant ces deux villes[120]. C'était là ce qui lui revenait de la succession de Raoul de Crépy. Le reste du Valois passa au Vermandois ; mais, comme Hugues le Grand obtint plus tard le Vermandois, on peut dire que, de ce côté, avec Corbie, le Valois et le Vermandois, le roi de France était bien défendu. Du côté de l'ouest, l'Epte formait entre la France et la Normandie une barrière facile à défendre. Le domaine royal débordait maintenant, au nord et à l'ouest, au delà de la région parisienne proprement dite. Au sud, l'acquisition de Bourges allait étendre la domination directe du roi de France au delà de la Loire ; c'est peut-être la plus importante des annexions réalisées par Philippe Ier. Le pays de Bourges formait une vicomté qui, à la fin du XIe siècle, appartenait à un chevalier du nom d'Eudes Arpin[121]. Eudes Arpin tenait la vicomté de son beau-père Gilon, seigneur en même temps de Sully-sur-Loire et des Aix-d'Angillon. Les vicomtes de Bourges avaient toujours entretenu de bons rapports avec les rois de France. En 1012, Robert le Pieux était venu à Bourges et y avait confirmé une charte du vicomte Geoffroy en faveur de l'abbaye de Saint-Ambroix[122]. Dans une charte qui n'est pas datée, Gilon de Sully prend le titre de seigneur de Sully et des Aix-d'Angillon et ajoute celui de seigneur de Bourges en communauté avec Eudes Arpin, sous la domination du roi de France[123]. Philippe Ier transforma cette suzeraineté en possession directe. L'acquisition de Bourges se fit, comme celles du Gâtinais et de Corbie, sans guerre. Philippe Ier acheta Bourges à Eudes Arpin pour soixante mille sous[124]. Si Eudes Arpin renonça si facilement à sa vicomté, c'est qu'il avait formé le projet de partir pour la croisade : Orderic Vital raconte en effet que, en 1101, Arpin vendit Bourges à Philippe, roi de France, et prit ensuite le chemin de Jérusalem avec Gozlin de Courtenay et Milon de Bray[125]. La date exacte de cette acquisition est difficile à déterminer, les chroniques, à l'exception d'Orderic Vital, étant muettes ou franchement inexactes. C'est ainsi qu'Aimoin, aussitôt après avoir rapporté l'acquisition de Bourges, raconte la guerre entre Geoffroy le Barbu et Foulque le Réchin qu'il considère donc comme postérieure. La chronique de Vézelay commet la même erreur et place l'acquisition de -Bourges en 1065[126]. En réalité, les deux dates extrêmes sont 1097 et 1102. Nous avons en effet une charte souscrite par Eudes Arpin, vicomte de Bourges, datée de juin 1097 : c'est une donation faite à Saint-Sulpice par un certain Constance et son frère Etienne, sur les conseils de la très noble et très prudente dame Mathilde, épouse du seigneur Eudes Arpin[127]. D'autre part, Philippe Ier est venu à Bourges le 16 octobre 1102 et y a confirmé les restitutions, concessions et donations faites par Geoffroy, vicomte de Bourges, sa femme Ildeburge et Eudes de Déols aux chanoines de l'église Saint-Ambroix[128]. A cette date, le roi avait déjà à Bourges des exacteurs et des prévôts[129], ce qui prouve que la vicomté était organisée comme le reste du domaine royal. Ainsi les textes diplomatiques permettent de placer l'acquisition de Bourges entre juin 1097 et octobre 1102. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison pour suspecter Orderic Vital et ne pas adopter la date de 1101. Arpin resta quelques années en Terre Sainte. On retrouve en 1107 un Arpin à la Charité-sur-Loire ; c'est sur la demande d'Arpin, homme très illustre, que le pape Pascal Il serait venu consacrer l'église[130]. Il est fort possible, sans que la chose soit prouvée, qu'il s'agisse de l'ancien vicomte de Bourges. Le Berry, tel qu'Arpin le cédait à Philippe Ier, ne formait pas un domaine bien étendu ; tous les chroniqueurs s'accordent pour dire qu'Arpin céda au roi la ville de Bourges ; il faut y ajouter la Septaine, c'est-à-dire le pays peu étendu autour de la ville. D'ailleurs le diplôme pour Saint-Ambroix mentionne une série de petits seigneurs du Berry qui enserraient de tous côtés la vicomté[131] : outre ceux de Déols, dont Philippe Ier confirme les donations, il y avait encore ceux de Sancerre, de Montfaucon, de Mehun, de Dun et, si l'on ajoute que les terres possédées par l'église Saint-Ambroix sont tenues comme en alleu (quasi in alodum)[132], on voit que la nouvelle acquisition de Philippe Ier était enserrée de tous côtés par des terres qui échappaient à la -justice royale. Malgré cela, cette enclave du Berry allait permettre à la royauté capétienne de faire sentir son influence au delà de la Loire ; elle plaçait le roi aux portes de l'Aquitaine, comme l'acquisition de Sens l'avait rendu voisin du duc de Bourgogne. Le domaine royal était maintenant rapproché de tous les grands fiefs, de la Flandre, de la Normandie, du Blésois et de l'Anjou, de l'Aquitaine, de la Bourgogne et de la Champagne. La situation était favorable pour poursuivre dans de bonnes conditions la politique d'annexions et de conquêtes inaugurée par Philippe Ier. III A la suite des annexions de Philippe Ier, le domaine royal déborde au delà de la région parisienne. Il ne forme pas encore un tout homogène : Bourges, Corbie, Montreuil sont des postes avancés que les successeurs de Philippe chercheront à réunir au reste du domaine. A l'intérieur même de la région parisienne, il y a un certain nombre d'enclaves qui échappent à la justice royale. Les limites de ce domaine sont difficiles à fixer dans le détail ; on peut cependant se rendre compte de quoi il se composait à la fin du règne, au début du XIIe siècle. En descendant la Seine, le domaine royal s'étendait jusqu'à l'Epte depuis l'acquisition du Vexin ; nous avons vu qu'il y avait des prévôts royaux à Poissy et à Mantes . La frontière abandonnait l'Epte un peu en aval de Gisors, passait à l'ouest de Chaumont-en-Vexin, qui était la position la plus avancée du domaine de ce côté : c'est là que Philippe Ier envoyait un sauf-conduit à l'archevêque de Rouen quand il venait à la cour du roi, à Beauvais, Paris ou Senlis[133]. Au nord de Chaumont-en-Vexin, Beauvais faisait encore partie du domaine et le roi y tenait parfois sa cour, puisque c'est une des villes où l'archevêque de Rouen aura à se rendre ; l'évêché de Beauvais était un évêché royal et Philippe Ier intervint dans les élections. Au delà de Beauvais, la limite regagnait la vallée de l'Oise : il y avait des seigneurs à Breteuil[134] et à Auneuil[135] ; le diplôme de 1060 pour Saint-Lucien de Beauvais semble établir que le domaine royal s'étendait jusqu'à Cinqueux, Rosoy et Verderonne[136]. Mais il y avait des enclaves plus au nord dans le territoire des comtes de Ponthieu : d'abord, sur la Somme, Corbie, depuis 1071, puis Montreuil-sur-Mer ; au sud de Montreuil-sur-Mer, le roi possédait encore, sur l'Authie[137], non loin de son embouchure, Nampont ; tout le territoire entre Montreuil et Nampont lui appartenait, puisque le diplôme pour Saint-Lucien de Beauvais accorde aux chariots de l'abbaye non seulement le libre passage à Nampont, mais la liberté de tout le parcours jusqu'à Montreuil[138]. Nampont était séparé de Corbie par les domaines des comtes de Ponthieu : deux diplômes de Philippe Ier[139] montrent que le comté comprenait Doullens et Abbeville, et aussi des terres à Barly et à Outrebois. Le domaine royal était donc très morcelé de ce côté. Si nous revenons maintenant à la vallée de l'Oise, au nord du pays de Liancourt dans lequel se trouvaient les villas précitées, la limite du domaine suivait, à une certaine distance, la rive droite de la rivière. Compiègne appartenait au roi qui, en 1092, concédait aux chanoines de Saint-Corneille son droit de s'opposer à l'édification d'une tour ou d'une fortification, notamment sur la rivière, le pont et les îles[140]. Au nord, dans le canton actuel de Ribécourt, Philippe Ier possédait la villa de Saint-Léger, la forêt de Laigue[141] et le brenage de Chevincourt qu'il céda à l'abbaye de Saint-Riquier[142]. Un diplôme pour Saint-Corneille de Compiègne peut également aider à délimiter le domaine de ce côté[143] : Philippe Ier confirme aux chanoines de cette église, en 1092, les donations de ses prédécesseurs, soit la vicairie de Longueil jusqu'au milieu de l'Oise, la vicairie de Sacy, une vicairie qu'avait l'église à Jaux, enfin la forêt de Cuise qui est aujourd'hui la forêt de Compiègne. La frontière du domaine devait se trouver sur l'Oise entre Ribécourt et Noyon ; un diplôme de Philippe Ier signale la présence d'un comte à Noyon[144] ; Noyon ne faisait donc plus partie du domaine. Sur la rive gauche de l'Oise, le domaine royal s'étendait jusque dans la région de Coucy et de Laon. Dans un diplôme de 1095 pour Notre-Dame de Nogent-sous-Coucy, il est en effet question du camp de Coucy qui est attenant au fisc royal (quod regio fisco attinet)[145]. Philippe Ier possédait d'ailleurs, près de Coucy, le château de Quierzy qu'il donna, entre 1068 et 1098. à l'église de Noyon[146]. Au delà de Coucy, dans le Laonnais, Wary était du domaine royal[147] ; le roi avait aussi, aux portes de Laon, le bois et la villa de Crépy[148], ainsi que des biens à Saint-Marcel, faubourg de Laon[149]. On peut dire aussi que la cité de Laon faisait partie du domaine, car, bien que nous ne trouvions aucune mention de la justice royale à Laon, Philippe Ier y était tout-puissant ; il y avait des droits de marché que, en 1071, il abandonna à l'église de Laon[150]. Au sud-est de Laon, sur l'Aisne, Philippe Ier possédait Attigny, qu'il donna en dot à sa fille Constance, la villa de Houdilcourt et Neufchâtel. Le domaine s'étendait assez loin vers l'est ; en revanche, le cours inférieur de l'Aisne n'en faisait pas partie, car il y avait à Soissons un comte dont il est plusieurs fois question dans les diplômes royaux[151]. Le domaine se rétrécissait donc dans la région de Compiègne, où sa frontière orientale n'était guère éloignée de l'Oise. Au delà de Compiègne et en descendant vers le sud, la limite devait passer entre Senlis et Crépy-en-Valois. Senlis est une des villes où s'est tenue la cour royale, et le diplôme pour Saint-Vincent montre qu'elle faisait partie du domaine[152]. A côté, la villa de Barberie appartenait au roi, mais, vers 1092, il l'engagea aux chanoines de Saint-Vincent de Senlis, à la suite d'un emprunt qu'il leur avait fait[153]. Au sud de Senlis, le domaine royal venait jusque dans le voisinage de Dammartin. Il y avait dans les limites du domaine et du comté de Dammartin, comme en plusieurs autres endroits, une singulière confusion : c'est ainsi que Philippe Ier avait à Dammartin même la voirie et la justice sur des vignes qui appartenaient aux chanoines de l'église d'Orléans, droits qu'en 1090 ou 1091 il abandonna à ces chanoines[154] ; d'autre part, Hugues de Dammartin avait sur les terres qu'il possédait à Esserent, dans le voisinage de l'Oise, le droit de justice[155] ; Esserent ne faisait pourtant pas partie du domaine royal. Les domaines du roi et du comte de Dammartin chevauchaient en quelque sorte l'un sur l'autre. Le domaine royal ne s'étendait pas très loin à l'est de Paris ; il confinait à la Champagne dans la région de la Brie. Les textes sont trop rares pour que nous puissions en fixer les limites exactes. Dans la région de Coulommiers, le monastère de Faremoutiers, un peu au sud de cette ville, était un monastère royal, car, entre 1090 et 1100, Philippe Ier le soumit à l'abbaye de Marmoutier à titre de prieuré[156], mais il pouvait être une enclave au milieu des terres du comte de Champagne. Nous sommes ainsi revenus à la vallée de la Seine. En amont de Paris, le domaine royal atteignait le Sénonais, qui avait été acquis par la couronne sous Robert le Pieux[157]. Le Sénonais se prolongeait au sud-ouest, depuis 1067, par le Gâtinais. Un diplôme de 1070 pour Ferrières montre que l'abbaye était propriété du roi, dont la souveraineté s'étendait sur toute la vallée du Loing[158]. Dans la vallée de l'Essonne, les diplômes font mention de la villa de Sermaises, où Philippe Ier concéda certaines coutumes à l'abbaye de Sainte-Colombe de Sens[159]. Plus à l'ouest, toute la Beauce appartenait au roi, qui y avait les prévôtés de Pithiviers, d'Etampes et d'Orléans. Par la prévôté d'Orléans, le domaine atteignait la Loire. Sur la Loire, en amont, il s'étendait jusqu'aux environs du monastère de Saint-Benoît ; nous avons vu que le roi possédait une maison à Châteauneuf-sur-Loire , un peu en aval de Saint-Benoît[160] ; de plus, en 1080, il concéda à l'abbaye les droits et les redevances qu'il exigeait dans son voisinage jusqu'à Châteauneuf[161]. En aval d'Orléans, le domaine se heurtait assez vite au comté de Blois ; Beaugency semble être la dernière ville appartenant au roi de ce côté ; Philippe Ier y était le maître, puisqu'en 1075 il interdisait aux chevaliers et aux sergents qui s'y trouvaient de lever des coutumes sur les terres de l'abbaye de Saint-Mesmin de Micy[162]. Mais, ici encore, le domaine 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. avait des enclaves plus au sud. En dehors de Bourges, Philippe Ier possédait une terre entre la Loire et le Cher, par conséquent assez au sud de Blois, à Pontlevoy, ainsi que le prouve un diplôme de 1078[163]. Il nous reste à déterminer jusqu'où s'étendait le domaine à l'ouest, entre la Loire et la Seine. Au nord d'Orléans, Philippe Ier percevait à Villaines des coutumes auxquelles il renonça en faveur des moines de la Sauve-Majeure[164] ; il renonça également à la voirie sur la terre d'Oinville en faveur des chanoines de Saint-Liphard[165]. Villaines et Oinville semblent avoir été, dans la Beauce, à l'extrémité du domaine royal. Plus au nord, le domaine côtoyait le comté de Chartres[166] ; la forêt d'Iveline en faisait partie ; il comprenait enfin la région de Dreux : l'église Saint-Germain de Brezolles était tenue en bénéfice du roi[167] ; de même les deux localités de Neuville et de Faverolles sont signalées comme étant de beneficio regis dans la charte de Gasse en faveur de Marmoutier confirmée par Philippe Ier[168]. Le pays de Dreux nous ramène au bord de la Seine, non loin du confluent de l'Epte. Nous avons fait le tour du domaine royal ; mais, comme nous avons pu le faire remarquer à plusieurs reprises, il ne faudrait pas considérer ce domaine comme formant un tout compact et uniforme. Corbie, Montreuil, les villas de l'Aisne, Bourges, Pontlevoy, sont complètement isolés. Le même phénomène peut être constaté à l'intérieur du domaine : dans les limites que nous avons indiquées, il y a un certain nombre de seigneuries où la suzeraineté du roi est évidemment plus effective qu'ailleurs, mais où il n'a pas le droit de justice ; elles ne peuvent être considérées comme faisant partie du domaine royal de Philippe Ier. Certaines de ces seigneuries se trouvaient aux portes mêmes de Paris ; nous venons de voir que les comtes de Dammartin avaient des domaines autour de Creil. Egalement au nord de Paris, il y avait le comté de Beaumont-sur-Oise et, non loin de là, la seigneurie de Montmorency. Les comtes de Beaumont et les seigneurs de Montmorency étaient fort turbulents et constituaient une menace perpétuelle pour le domaine royal : la lutte contre les uns et les autres, vigoureusement menée par Louis le Gros, remplira la fin du règne de Philippe Ier[169]. Au nord-est, un autre seigneur, dont le domaine était voisin des possessions royales de la vallée de l'Aisne, Ebles de Roucy, était également dangereux, mais il s'attaquait surtout aux biens ecclésiastiques ; Louis le Gros entreprit contre lui une expédition, en 1102 ou 1107, parce qu'il dilapidait les domaines de l'église de Reims[170]. A l'ouest et au sud de Paris, le domaine royal ne présentait pas beaucoup plus d'unité, et les propriétés de Philippe Ier étaient menacées par des seigneurs aussi turbulents que ceux de Beaumont, Montmorency et Roucy. A douze lieues au sud-ouest de Paris, sur la route de Chartres, se trouvait le comté de Rochefort. Le château de Rochefort constituait une position militaire de premier ordre coupant les communications avec Chartres. Ce château de Rochefort se reliait en outre à d'autres forteresses isolées au milieu du domaine royal, celles de Châteaufort, de Gometz-le-Châtel et de Chevreuse, étagées sur la même route. Les comtes de Rochefort avaient aussi des relations avec les sires de Montlhéry, qui pouvaient couper la route d'Orléans[171]. Enfin, au sud-est, le comté de Corbeil isolait Paris des possessions royales du Gâtinais et du Sénonais ; mais le comte de Corbeil, Bouchard, dont le nom se rencontre quelquefois dans les diplômes royaux[172], paraît avoir été beaucoup plus pacifique. Ainsi, dans la région parisienne elle-même, il y avait des territoires qui échappaient complètement au roi. Nous aurons à revenir sur les guerres entre Philippe Ier et ses vassaux du domaine. Il nous faut simplement remarquer ici que, dans ces seigneuries, le roi n'avait pas la justice. Nous avons cité plus haut l'exemple d'Esserent, où elle était rendue par Hugues de Dammartin. On peut en rapprocher le cas de Geoffroy de Gometz : une charte de 1074 ou 1075, confirmée par Philippe Ier, prouve qu'il avait la justice de la villa de Bazainville[173]. Même des seigneurs de moindre importance, comme un certain Thierry d'Orléans, vassal du roi, avaient aussi ce droit de justice en plein domaine royal ; nous avons en effet un diplôme de Philippe Ier confirmant une charte par laquelle ce Thierry , en 1080, cède une partie de ses biens à l'église de Saint-Benoît-sur-Loire et dit explicitement qu'il donne à l'église la vicairie de tous ses biens[174]. Cette vicairie échappait donc au roi. Nous n'avons cité que les principales seigneuries enclavées dans le domaine royal. On pourrait multiplier les exemples presque à l'infini. Le domaine, c'est en principe l'ensemble des terres où le roi exerce la justice ; mais il y a encore, au milieu de ce domaine, de petits seigneurs ou chevaliers dont les terres échappent plus ou moins à l'action royale. La délimitation est impossible à établir ; à chaque instant, une partie de la justice est inféodée. Ces petits seigneurs de l’Île-de-France, nous ayons vu que le roi avait cherché à les attirer auprès de lui, à sa cour et même au palais, en leur confiant diverses fonctions. Ils étaient encore assez nombreux. On peut citer parmi eux Simon de Montfort, qui, dans un diplôme royal, est dit tenir une terre en bénéfice du roi[175], Garnier et Amauri, seigneurs de Pontoise[176], Nevelon, seigneur de Pierrefonds, qui fut obligé de s'incliner, en 1106, devant une sentence royale, lors de son démêlé avec l'église de Compiègne[177]. Ainsi, au début du XIIe siècle, le domaine royal reste quelque chose de confus et de morcelé ; mais les enclaves sont destinées à être absorbées par lui, au fur et à mesure que la royauté sera plus forte, de même que les enclaves royales au delà des limites du domaine sont destinées à lui être réunies. IV Comment le domaine royal était-il administré à la fin du XIe siècle ? Philippe Ier n'a pas modifié le système adopté par Robert le Pieux et Henri Ier. Le rouage essentiel de l'administration dans le domaine, c'est le prévôt, généralement désigné dans les diplômes sous le nom de præpositus, parfois aussi de præfectus[178] ou de prætor[179]. Ces fonctionnaires apparaissent pour la première fois sous Robert le Pieux, mais les textes n'en mentionnent que deux sous son règne, l'un à Étampes, l'autre à Sens[180]. Sous Philippe Ier, ils sont les représentants du roi dans les différentes parties du domaine, et, dans leur circonscription, ils sont à la tête de l'administration ; les diplômes établissent une distinction entre les prévôts et leurs subordonnés (ministri, ministeriales)[181]. Les prévôts ayant parfois souscrit les diplômes royaux délivrés dans leur circonscription, on peut sinon dresser la liste de tous ces fonctionnaires, du moins saisir quelles étaient les prévôtés entre lesquelles était partagé le domaine royal[182]. Il y avait, à l'époque de Philippe Ier, des prévôts à Orléans, Paris, Sens, Étampes, Poissy, Mantes, Senlis, à Bourges à partir de l'annexion au domaine, probablement à Pithiviers, bien qu'il ne soit pas prouvé que dans le diplôme en faveur de l'église des Saints-Gervais-et-Protais[183], le Samson, prévôt de Pithiviers, dont il est question, soit un prévôt royal. Nous croyons qu'il y avait aussi un prévôt royal à Compiègne ; aucun diplôme n'en fait mention, mais dans une charte, qui paraît être de la fin du XIe siècle, et par laquelle Gérard de Capi remet à l'église Saint-Corneille de Compiègne une terre qu'il tenait d'elle à cens, on relève parmi les témoins le nom d'Obert, prévôt du roi[184]. Les fonctions du prévôt résultent de ce que nous avons dit des caractères du roi comme seigneur de son domaine. Le domaine, ce sont les terres où le roi exerce le droit de justice ; le rôle du prévôt, c'est donc, avant tout, de rendre la justice en l'absence du roi. Il suffit de parcourir les diplômes pour s'en rendre compte. Nous avons déjà cité le diplôme qui rapporte les plaintes des moines de Saint-Pierre de Melun au sujet de l'intervention judiciaire du prévôt et de ses subordonnés sur les terres et les hommes du monastère[185] ; le prévôt voulait rendre la justice au delà des limites de sa circonscription. Le prévôt avait aussi des fonctions financières ; c'est lui qui était chargé de percevoir les différentes redevances domaniales. Dans le diplôme exemptant les hommes de la villa de Bagneux de toute autre exaction que les amendes légales, il est dit que le prévôt de Paris était chargé de lever la taille et les autres impôts et qu'à l'avenir il ne devrait plus le faire[186]. De même, dans un diplôme de 1070, Philippe Ier fait droit aux réclamations de l'abbé et des moines de Saint-Pierre-le-Vif de Sens qui s'étaient plaints des prévôts et autres officiers royaux parce qu'ils prétendaient soumettre l'abbaye à des coutumes injustes et mauvaises[187]. C'était donc le prévôt de Sens qui levait les taxes. Ainsi les prévôts sont des agents de justice et de finances ; ils ont dans la prévôté la délégation du pouvoir royal. En matière de finances, deux diplômes signalent, à côté d'eux, la présence d'autres officiers qui semblent leur être égaux. En 1102, dans le diplôme pour Saint-Ambroix de Bourges, on lit que le roi interdit à ses exacteurs et à ses prévôts de ne rien enlever aux chanoines qui atteigne le prix d'une geline ou d'un œuf[188]. L'exacteur est nommé ici avant le prévôt. Ce mot apparaît déjà dans un diplôme de 1071pour l'église de Laon qui était inquiétée par les exacteurs du roi[189]. Ce sont les deux seuls textes où ces fonctionnaires soient signalés. Quelle que fût leur situation plus ou moins dépendante vis-à-vis du prévôt, il apparaît clairement que leur rôle était surtout financier et qu'ils prêtaient leur concours au prévôt pour la perception des exactiones. D'autres officiers apparaissent plus fréquemment dans les diplômes : ce sont les voyers (vicarii) ; ceux-là peuvent être considérés comme les auxiliaires Immédiats des prévôts dans leurs fonctions judiciaires. Quand Philippe Ier cède aux chanoines de Saint-Liphard de Meung-sur-Loire la terre d'Oinville, il stipule que ni son prévôt, ni son voyer, ni tout autre officier ne pénétreront jamais sur les terres de l'abbaye[190]. Les termes sont à peu près identiques dans le diplôme qui, vers 1102, confirme les donations de Geoffroy, vicomte de Bourges, aux chanoines de l'église Saint-Ursin[191]. Le voyer est également nommé dans un diplôme pour l'église des Saints-Gervais-et-Protais d'Orléans, avec un autre fonctionnaire appelé auceps et dont il n'est fait mention nulle part ailleurs[192]. Dans ces différents textes, le voyer apparaît comme le subordonné immédiat du prévôt, son secrétaire en quelque sorte dans l'administration de sa circonscription. Il est à remarquer que, tandis que le prévôt contresigne fréquemment les diplômes royaux relatifs à sa prévôté, la souscription du voyer n'apparaît dans aucun des actes de Philippe Ier : cela prouve qu'il était d'un degré au-dessous dans la hiérarchie. Enfin, au-dessous du voyer, il y avait une foule d'autres fonctionnaires : ce sont les ministri ou ministérielles. L'un était chargé de lever les tonlieux (telonearius)[193], l'autre transmettait au prévôt les ressources provenant de la justice (bannarius)[194]. Il est question également des veneurs (venatores)[195], qui semblent avoir eu aussi un rôle financier : dans le diplôme cédant aux chanoines de Saint-Gervais-et-Saint-Protais d'Orléans l'église de Saint-Remi et un clos de vigne à Chanteau, le seul fonctionnaire qui soit nommé est le venator ; ce veneur cessera de percevoir les coutumes[196]. Il s'agissait sans doute d'un droit de chasse. Enfin, au bas de l'échelle administrative, il y avait une foule de chevaliers et de sergents qui avaient, eux aussi, des fonctions de police, de justice et de finances. Ceux-là faisaient plus de zèle encore que les prévôts et les aidaient dans leurs usurpations. Les prévôts accaparent toute l'administration locale. Les diplômes nous ont conservé trop peu de noms de ces fonctionnaires et nous donnent trop peu de renseignements sur la façon dont ils géraient leur charge pour qu'on puisse dire que, dès l'époque de Philippe Ier, ils constituaient une sorte de féodalité administrative dont le roi ne disposait pas toujours aussi librement que l'auraient comporté ses intérêts1[197]. Le fait de posséder la délégation du pouvoir judiciaire du roi leur assurait une influence que rien ne pouvait contrebalancer. En cela, ils étaient très puissants. Cependant, à Melun[198] et à Sens[199], subsistaient en face d'eux des vicomtes, mais il nous est impossible de définir quelles étaient exactement leurs attributions en face de la juridiction prévôtale au XIe siècle. Tel est le domaine royal de Philippe Ier. Malgré les acquisitions du règne, il n'est pas encore bien étendu, mais une impulsion nouvelle est donnée à la politique royale. Philippe Ier a indiqué la voie à ses successeurs : le roi ne pourra recouvrer la puissance et l'autorité perdues que par l'extension de la justice royale au détriment des justices seigneuriales, par la conquête et les annexions, en identifiant progressivement la France et le domaine royal. Cette évolution est particulièrement intéressante si on la rapproche de celle qui s'est produite dans le gouvernement central, de la centralisation des fonctions administratives dans le palais au détriment de la cour. On peut apercevoir dans le règne de Philippe Ier les origines lointaines à la fois de l'unité territoriale et de la monarchie absolue : c'est ce qui en fait la grande originalité. |
[1] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXV, p. 223, l. 1-3.
[2] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CII, p. 263, l. 25-26.
[3] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXVII, p. 410, l. 22.
[4] Hugues de Gisors donne à cette abbaye une église dédiée à saint Ouen. (Depoin, Cartul. de Saint-Martin de Pontoise, n° III, p. 3.) Cf. aussi Orderic Vital, l. VII, c. XIV. (Ed. Leprévost, t. III, p. 222.)
[5] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVI, p. 344.
[6] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVII, p. 251, l. 18-19.
[7] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CI, p. 262, l. 4-5.
[8] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIV, p. 144.
[9] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIV, p. 387.
[10] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVII, p. 227.
[11] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XC, p. 232.
[12] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XII, p. 36, l. 17.
[13] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 38.
[14] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIII, p. 38.
[15] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIX, p. 230.
[16] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVIII, p. 252.
[17] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLIX, p. 378.
[18] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIV, p. 288, l. 4-8.
[19] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVI, p. 192.
[20] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCI, p. 235, l. 29-30.
[21] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXL, p. 349.
[22] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIX, p. 202, l. 11-15.
[23] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIII, p. 143, l. 21-22.
[24] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIII, p. 185.
[25] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLV, p. 388.
[26] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCI, p. 234.
[27] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVI, p. 250, l. 4.
[28] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIX, p. 276.
[29] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° IV, p. 14, l. 26 28.
[30] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVIII, p. 110, l. 6-7.
[31] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 110, l. 9-13.
[32] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXIII, p. 311, l. 2-4.
[33] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXIV, p. 169-170.
[34] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 170, l. 7-8.
[35] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVIII, p. 274 (confirmation des diplômes de Robert et Henri Ier pour Notre-Dame d'Etampes) ; n° CXXXIII, p. 337 (confirmation des diplômes des mêmes rois pour Saint-Père de Melun) ; n° CLIX, p. 397 (sentence en faveur de l'église de Compiègne conformément à un diplôme de Charlemagne.)
[36] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIX, p. 278, I. 12. — On lit à la ligne 14 : nullum jus, nullam dominationem, nullam corvetam nec mihi nec successoribus meis retinens.
[37] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIX, p. 56, l. 5.
[38] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVIII, p. 275, l. 16.
[39] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIII, p. 337 et suiv.
[40] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIX, p. 397 et suiv.
[41] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 400, l. 14-19.
[42] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 399, l. 17.
[43] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXIII, p. 311, l. 2-4.
[44] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIX, p. 129, n. 1.
[45] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIV, p. 287.
[46] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 288, l. 9-12.
[47] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLI, p. 382.
[48] Nous croyons qu’il faut distinguer justicia de justiciæ. Ce dernier terme a un sens plus général et parait s'appliquer à l'ensemble des droits régaliens.
[49] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIII, p. 336, l. 13-17.
[50] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 195, l. 19 ; n° CIV, p. 268, l. 9 ; n° CLI, p, 383, l. 9 ; n° CLV, p. 389, l. 10.
[51] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLI, p. 383, l. 9-10.
[52] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIV, p. 288, l. 17-20.
[53] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX, p. 91.
[54] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 160.
[55] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVI, p. 318.
[56] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° V, p. 16, l. 25-29, et p. 17, l. 1.
[57] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLVI, p. 128.
[58] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XC, p. 234, l. 13-15, et n° CXXII, p. 308. Il est dit dans ce dernier diplôme (p. 309, l. 22) que les droits étaient perçus et in aqua et extra aquam.
[59] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXVII, p. 410.
[60] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIII, p. 338, I. 25-27, et p. 339, l. 1.
[61] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° V, p. 16, l. 21.
[62] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 6, l. 2.
[63] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LVI, p. 150, l. 22-24.
[64] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXI, p. 308, l. 13-14.
[65] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XV, p. 46, l. 21 ; n° XXII, p. 62, l. 26 ; n° XXIV, p. 69, l. 12-14 ; n° XXV, p. 75, l. 10.
[66] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXV, p. 290, l. 7-10.
[67] Bruel, Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, n° 3401, t. IV, p. 504.
[68] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXI, p. 210, l. 25-27.
[69] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXV, p. 408.
[70] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXX, p. 331, l. 8-14.
[71] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIX, p. 278, l. 15.
[72] Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. I, p. 106.
[73] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LVI, p. 150, l. 24.
[74] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIII, p. 386, l. 17-19.
[75] Cf. Prou, l'Acquisition du Gâtinais sous Philippe Ier (Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, t. XIV, année 1898). — Halphen, le Comté d'Anjou au XIe siècle, 1906. — De Grandmaison, Geoffroi II, dit Martel, comte d'Anjou, dans les positions des thèses des élèves de l'Ecole des Chartes, 1887.
[76] Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MLX. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 220 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 402.)
[77] Aubri de Trois-Fontaines, année 1060. (Monumenta Germaniæ historica. Scriptores, t. XXIII, p. 7915.) Orderic Vital, I. III, c. VI. (Ed. Leprévost, t. II, p. 92) ; — l. IV, c. XII. (Ed. Leprévost, t. II, p. 253.)
[78] Loc. cit.
[79] Chronicon S. Maxentii, anno MLX. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 220 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 402.)
[80] Gesta consulum Andegavensium. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 270. Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 13.)
[81] Grandet et Lemarchand, Notre-Dame Angevine, p. 471. — Hugues de Fleury. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 158.)
[82] Cf. une charte-de Saint-Père de Chartres dans le Cartulaire de Saint-Père de Chartres, t. I. p. 125 et 444.
[83] Foulque le Réchin. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 138 ; Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 379.)
[84] Orderic Vital, l. IV, c. XII.
[85] Hugues de Fleury. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 158.)
[86] Les Gesta consulum Andegavensium placent à tort ces événements en 1066 ; les autres chroniques s'accordent pour la date de 1067.
[87] Gesta consulum Andegavensium. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 273 ; Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 138.) — Chronicon S. Sergii Andegavensis, anno MLXVII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 30 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 137 : Halphen, Annales angevines et vendômoises, p. 91.) — Chronicæ S. Albini Andegavensis. (Rec. des histor. de France, t. XI. p. 287 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 25 ; Halphen, Annales angevines, p. 5.)
[88] Gesta consulum Andegavensium. (Loc. cit.) — Chronicon S. Sergii Andegavensis. (Loc. cit.) — Hugues de Fleury, Modernorum regum Francorum actus. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 390.)
[89] Gesta consulum Andegavensium. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 273 ; Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 139.) Cf. Halphen, op. cit., p. 150, n. 5.
[90] Le 7 août 1067, Philippe Ier était même venu prêter son concours à Geoffroy le Barbu, qui assiégeait Chaumont-sur-Loire, ainsi qu'en témoigne la confirmation d'une, charte de Robert de Sablé. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIV, p. 100.) Sur ce siège, cf. Halphen, op. cit., p. 147.
[91] Gesta consulum Andegavensium. (Loc. cit.) — De origine comitum Andegavensium. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 534.)
[92] Chronicæ S. Albini Andegavensis. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 287 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 25 ; Halphen, Annales angevines et vendômoises, p. 5.) — Chronicon S. Sergii Andegavensis. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 30 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 138 ; Halphen, Annales angevines et vendômoises, p. 92.) — Chronicon Rainaldi, archidiaconi S. Mauritii Andegavensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 478 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 12 ; Halphen, Annales angevines, p. 87.)
[93] Gesta consulum Andegavensium. (Rec. des histor. de France, t. XI. p. 273 : Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 139.)
[94] Hugues de Fleury, Modernorum regum Francorum actus. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX, p. 390.)
[95] Gesta Ambuziensium dominorum. (Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 176.)
[96] Chronicon Turonense magnum, anno MLXVIII. (Salmon, Recueil des chroniques de Touraine, p. 125.)
[97]
Miracula S. Adalhardi, abbatis Corbeiensis, l. II, cap. I-V. (Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. XV, p. 863-865.)
[98] Voir plus loin livre III, c. II.
[99] Sur la date, cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 238, n. 1.
[100] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIII, p. 238-242.
[101] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 242, l. 3.
[102] Nous adoptons pleinement à ce sujet la correction de MM. Levillain et Prou. (Cf. Prou, Recueil, p. 240, n. 1.)
[103] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIII, p. 240, l. 8-10.
[104] Chronicon regum Francorum. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 394.)
[105] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLVI, p. 128.
[106] Raoul est appelé comte de Mantes (cornes Medantensium) par Orderic Vital, l. III, c. X. (Ed. Leprévost, t. II, p. 113.)
[107] Le dernier diplôme souscrit par Raoul est de 1073. (Prou, Recueil, n° LXVI, p. 173, l. 9.) Dans une charte de Simon confirmée par Philippe Ier et datée du 31 mars 1077, il est dit que Raoul était mort depuis trois ans. (Ibid., n° LXXXVIII, p. 229, l. 26.)
[108] Aubri de Trois-Fontaines, année 1061. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 358 ; Monumenta Germaniæ historien, Scriptores, t. XXIII, p. 793.)
[109] Aubri de Trois Fontaines, année 1061. (Loc. cit.)
[110] Chronicon S. Pétri Catalaunensis, anno MLXXV. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 276.)
[111] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIX, p. 200-202.
[112] Vita B. Simoni Crispeiensis, c. I-IV. (Rec. des hislor. de France, t. XIV, p. 37-38.)
[113] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVIII, p. 229-230.
[114] Vita B. Simoni Crispciensis, c. V. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 38.)
[115] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, ri° LXXXIX, p. 231, l. 27-28. Pour la date, cf. Prou, p. 230, n. 1.
[116] Aubri de Trois-Fontaines. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 798.)
[117] Chap. XXI. (Acta sanctorum, Septembris, t. VIII, p. 748 E.)
[118] Aubri de Trois-Fontaines, année 1076. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 798.) Cf. sur tous ces événements : Carlier, Histoire du duché de Valois, et du Cange, Histoire de la ville d'Amiens.
[119] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIX, p. 230-232.
[120] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XC, p. 234, l. 10-19.
[121] Sur les vicomtes de Bourges, cf. Raynal, Histoire du Berry ; Ninglat, Etablissement de l'autorité royale dans le Berry. (Revue des sociétés savantes, 2e série, t. I, année 1859.)
[122] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLV, p. 365, l. 15-17.
[123] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLV, p. 366, l. 18-19.
[124] Aimoin, De gestis Francorum, l. V, c. XLVII. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 157.) Chronicon regum Francorum. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 394.)
[125] Orderic Vital, l. X, c. XIX. (Ed.
Leprévost, t. IV, p. 119.)
[126] Chronicon Vizeliacense. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 385.)
[127] Charte citée par Raynal (Histoire du Berry, t. I, p. 393), d'après le cartulaire A de Saint-Sulpice.
[128] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLV, p. 358-367.
[129] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 361, l. 4.
[130] Dans le récit de la dédicace de l'église de Notre-Dame de la Charité, on lit que Pascal II est venu rogatu domni Arpini prioris, viri scilicet illustrissimi, et seniorum de Caritate. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 120.)
[131] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLV, p. 3(51, l. 7-8.
[132] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 261, l. 10.
[133] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVII, p. 323, l. 11.
[134] Galeran de Breteuil a souscrit une charte. (Prou, Recueil, n° CXIII, p. 287, l. 12.)
[135] La souscription de Hugues d'Auneuil accompagne dans le même diplôme celle de Galeran.
[136] Il résulte en outre d'Orderic Vital, l. VIII, c. IX (éd. Leprévost, t. III, p. 319) que Gournay, Eu et Aumale se trouvaient en Normandie, tandis que Gerberoy, au contraire, était en France.
[137] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° V, p. 16, l. 25.
[138] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° V, p. 15, l. 26-28.
[139] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIX, p. 200-202, et XXXV, p. 103-104.
[140] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXV, p. 315-317.
[141] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIX, p. 278, l. 7-8.
[142] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIX, p. 154.
[143] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXIV, p. 314, l. 6-9.
[144] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XVII, p. 82, I. 4-5.
[145] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIV, p. 341, l. 11.
[146] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVI, p. 344-345.
[147] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXL, p. 349-350.
[148] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVIII, p. 253, l. 21-22.
[149] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 161, l. 30.
[150] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 160-162.
[151] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXVII, p. 83, l. 14-15 ; n° XXVIII, p. 85, l. 10 ; n° CV, p. 269, l. 15-16.
[152] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLIII, p. 120-123. L'église Saint-Vincent de Senlis était une église royale.
[153] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXX, p. 329-331.
[154] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXIII, p. 311, l. 2 4.
[155] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIII, p. 266, l. 5-7.
[156] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVII, p. 345-346.
[157] Cf. Pfister, Etudes sur le règne de Robert le Pieux, p. 122.
[158] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LI, p. 137-139.
[159] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVII, p. 173-175.
[160] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CI, p. 262, l. 4-5.
[161] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CI, p. 262, l. 1-4.
[162] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 194, l. 18 23, et p. 195, l. 1-13
[163] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCI, p. 235, l. 28-31.
[164] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CIV, p. 268, l. 5-7.
[165] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVIII, p. 109-110.
[166] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLII, p. 384, l. 26.
[167] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° II, p. 3-7.
[168] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° VIII, p. 26, l. 16 et l. 20.
[169]
Cf. Suger, Vita Ludovici, c. II-IV (Ed. Molinier, p. 9-13) ; Orderic Vital, l. XI, c. XXXV.
(Ed Leprévost, t. IV, p. 286.)
[170] Cf. Suger, Vita Ludovici, c. V. (Ed. Molinier, p. 13-14.)
[171] Voir plus loin l. III, c. V, Cf. Suger, Vita Ludovici, c. VIII (Ed. Molinier, p. 18).
[172] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LX, p. 155-160 ; n° LXII, p. 165, l. 21 ; n° LXVII, p. 174, l. 27.
[173] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXX, p. 179, l. 20-21 — p. 180, l. 8-10.
[174] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° C, p. 257-260. Cf. en particulier, p. 259, l. 19.
[175] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 164, l. 23-24.
[176] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLV, p. 127, l. 3-4.
[177] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIX, p. 397-400.
[178] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XIX, p. 56, l. 12 ; n° XCVII, p. 251, l. 24. — Dans le récit du miracle de la croix d'or de Saint-Germain-des-Prés à Paris, il est question de Stephanus, urbis prædictæ præfectus. Ce même Etienne, dont on retrouve la souscription dans plusieurs diplômes, est appelé plus loin præpositus, ce qui montre bien l'identité des deux termes à cette époque. (Acta sanctorum ordo S. Bened., sæc. III, IIe partie, p. 122 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 24.)
[179] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXII, p. 99, l. 12-13 : on relève parmi les souscriptions celles de Guarinus, prætor Meleduni, et de Durandus, prætor Stampensis.
[180] Cf. Pfister, Etudes sur le règne de Robert le Pieux, p. 130. Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. I, p. 208-209.
[181] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVIII, p. 254, l. 6-8. — N° CXIV, p. 288, l. 10.
[182] On trouvera cette liste dans Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. II, p. 296, — et aussi dans Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, IV, 27, p. CLIV-CLV.
[183] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVII, p. 252, l. 12.
[184] Bibl. nat. Coll. Moreau, t. XL, fol. 249 v°.
[185] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIII, p. 338, l. 10-13.
[186] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIII, p. 386, l. 13-14. Il est à remarquer que la juridiction du prévôt de Paris s'étendait au delà de la cité et au moins jusqu'à Bagneux.
[187] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LII, p. 141, l. 16-19.
[188] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLV, p. 361, l. 3 6.
[189] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 162, l. 1-2.
[190] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVIII, p. 110, l. 10-11.
[191] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLVI, p. 370, l. 2-5.
[192] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVII, p. 251, l. 23-25.
[193] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 193, l. 1.
[194] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 194, l. 28.
[195] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVII, p. 194, l. 28 ; n° LXXXVII, p. 228, l. 12 ; n° XCVII, p. 251, l. 25.
[196] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVII, p. 228, l. 11-15.
[197] Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. I, p. 211.
[198] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIII, p. 338, l. 17-18.
[199] Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVII, p. 174, l. 28 ; n° CIV, p. 268, l. 17 ; n° CIX, p. 279, l. 9. — Cf. Lecoy de la Marche, les Coutumes et péages de Sens. (Bibl. de l'Ec. des Chartes, t. XXVII.)