LE RÈGNE DE PHILIPPE Ier

LIVRE DEUXIÈME. — LE POUVOIR ROYAL AU TEMPS DE PHILIPPE Ier

 

CHAPITRE PREMIER. — LA COUR DU ROI ET LE GOUVERNEMENT CENTRAL.

 

 

I

Le sacre, par lequel Philippe Ier a inauguré son règne, a donné à son pouvoir un caractère nettement ecclésiastique. Aussi l'Eglise conserve-t-elle sur la royauté une influence supérieure, une sorte de tutelle. Nous avons vu quel prix Philippe Ier attachait à sa réconciliation avec l'Eglise au moment de son mariage avec Bertrade et, si la passion qu'il éprouva pour cette femme l'emporta sur le désir de vivre en bons termes avec la papauté, il n'en reste pas moins vrai qu'il a plusieurs fois imploré l'absolution d'Urbain II et de Pascal II. Les évêques français ont été moins intransigeants que les papes et, à quelques exceptions près, ils auraient fermé les yeux sur le mariage adultère du roi.

Ce n'est pas tout : Philippe Ier, rejeté de l'Eglise par l'excommunication, lui a, par son attitude à plusieurs reprises, reconnu le droit de couronner les rois. Au jour du sacre, l'archevêque de Reims, Gervais, l'avait élu roi ; il lui avait conféré une sorte d'investiture ecclésiastique. Cette investiture, il se la fit renouveler plusieurs fois au cours de son règne par la cérémonie du couronnement. En 1071, dans un diplôme accordé à Elinand, évêque de Laon, il est question d'un couronnement de Philippe Ier à Laon, le jour de Noël de cette année-là[1]. Plus tard, deux lettres d'Yves de Chartres nous apprennent qu'en 1098 le roi fut couronné le jour de la Pentecôte par l'archevêque de Tours[2] et en 1100 le jour de Noël par les évêques de la province de Belgique[3]. En 1104, d'après les Annales de Saint-Bénigne de Dijon, Philippe Ier et Louis VI se firent encore couronner[4]. Ce couronnement, à certains intervalles, le roi y a donc attaché une grande importance ; il pensait, à l'aide de cette cérémonie religieuse, maintenir son autorité, en dépit des excommunications.

De l'archevêque de Reims, au jour du sacre, le roi a reçu le droit de gouverner toute la France ; il est à la fois souverain de son domaine et roi de France ; il s'intitule dans ses diplômes rex Francorum ; il atteste à plusieurs reprises qu'il a le gouvernement du royaume entier, en 1077 par exemple, quand il confirme toutes les donations qui seront faites à l'abbaye du Bec, dans le royaume sur lequel s'étend son autorité (in regno cui mea præest auctoritas)[5].

Enfin un troisième caractère du pouvoir royal à l'époque de Philippe Ier, c'est l'absence de capitale où réside le roi et où le gouvernement central soit fixé. Le règne de Philippe Ier ne se distingue pas beaucoup à cet égard de celui de ses prédécesseurs. Si nous laissons de côté ses expéditions lointaines, nous voyons qu'il n'a pas eu dans son domaine une capitale unique, mais qu'au cours d'une même année il réside successivement dans plusieurs villes de la France où il a des châteaux ou des palais.

On peut, à l'aide des diplômes, dresser une liste, sans doute incomplète, des palais de Philippe Ier. Le roi avait d'abord un palais à Paris : il en est question dans un diplôme confirmant une charte de Gelduin de Saumur[6] ; un diplôme pour Saint-Magloire révèle que ce palais se trouvait dans la cité, car il y est dit que l'église de Saint-Magloire était située dans la cité près du palais royal (juxta aulam regiam)[7].

Les diplômes signalent encore des palais de Philippe Ier à Poissy[8], Compiègne[9], Soissons[10], Melun[11], Sens[12], Étampes[13], Orléans[14] ; Raoul Tortaire mentionne un palais à Vitry-aux-Loges[15].

En dehors de ces palais (palatia), Philippe Ier avait des châteaux forts (castra) : c'est ainsi qu'il donna à l'église de Noyon, à la prière de Radbod, son évêque, le château de Quierzy, nécessaire pour la défense de l'église[16]. Nous savons par un privilège pour les moines du Bec qu'il avait un château à Pontoise[17]. Ce sont là les deux seuls châteaux dont il soit question dans les diplômes ; il est probable que Philippe Ier en avait d'autres encore.

Il s'en faut de beaucoup que ces divers palais aient été également fréquentés par Philippe Ier. Autant qu'on en peut juger par les actes royaux, Paris et Orléans semblent avoir été ses résidences favorites : nous avons relevé, entre 1067 et 1108, vingt-trois diplômes délivrés à Paris et quatorze à Orléans. Viennent ensuite : Melun avec cinq diplômes, Poissy et Compiègne avec quatre. Etampes avec trois, Sens avec deux, Soissons avec un seul.

Même dans ses deux villes de prédilection, Philippe Ier ne fait jamais de bien longs séjours ; il va constamment de l'un à l'autre de ses palais. Ainsi, en 1069, sa présence est signalée par les diplômes, avant le 4 août, successivement à Orléans, Paris et Senlis ; le 25 septembre, il est à Poissy ; dans le courant de l'année, il a encore été à Pontoise. En 1071, avant le 4 août, il a séjourné à Poissy et à Melun ; de là il s'est rendu sans doute à Sens, où il était le 25 avril, et à Saint-Benoît-sur-Loire ; le 2 novembre il vient à Paris et de là entreprend une expédition à Mareolum, où il signe un diplôme le 25 décembre. En 1075, il passe le début de l'année à Paris ; au mois de mai, il est à Orléans, où il a délivré deux diplômes, l'un antérieur, l'autre postérieur au23 mai, puis, à la fin de l'année, il apparaît à Saint-Médard de Soissons. En 1085, il visite Orléans, Étampes, Beauvais, Nesle et Compiègne. Nous avons pris comme exemples certaines années typiques, et, bien qu'il soit impossible de suivre continuellement le roi dans ses pérégrinations, on peut affirmer qu'elles ont été nombreuses et que, sous Philippe Ier, on ne relève pas trace d'un essai pour donner au royaume comme capitale telle ville du domaine plutôt que telle autre, Paris de préférence à Orléans par exemple.

 

II

Quels sont maintenant les auxiliaires du roi dans le gouvernement du royaume ? Il faut en premier lieu faire une place à la famille royale.

La reine mère, Anne de Russie, continue, sous le règne de Philippe Ier, à rester assez effacée, comme elle l'était déjà sous la régence de Baudoin. Elle n'a souscrit que deux actes, l'un à Melun en 1067[18] ; l'autre est la charte de fondation du monastère de Pontlevoy, confirmée par le roi à Paris, en 1075[19]. Anne s'occupa surtout d'assurer le salut de son âme par de pieuses donations à des monastères : une charte, qu'elle fit confirmer par le roi son fils, a laissé le souvenir d'un accord conclu entre elle et les moines de Saint-Maur-des-Fossés au sujet de la terre de Verneuil ; l'abbé et les moines lui cédaient cette terre pour sa vie afin de la cultiver, de la planter et d'y faire construire, mais, à sa mort, la terre reviendrait à l'abbaye avec toutes les améliorations qu'Anne y aurait apportées[20]. C'est surtout l'église de Saint-Vincent de Senlis, fondée par elle, qui bénéficia de ses largesses. On a conservé, sinon la véritable charte de fondation, du moins une notice relatant la fondation de cette église[21]. Anne céda aux chanoines de Saint-Augustin, qu'elle y avait établis, plusieurs terres et coutumes, le chemin de ronde autour de la cité de Senlis, un moulin à Gouvieux, la villa appelée Mansionale Blavum[22], enfin, dans le territoire de Laon, un alleu dans la villa de Crépy. Après avoir fondé cette église de Saint-Vincent à Senlis, Anne voulut lui assurer une aussi grande liberté que possible : en 1069, elle alla trouver le roi et lui demanda de lui accorder la même liberté qu'aux autres églises royales, c'est-à-dire Saint-Frambourg de Senlis, Saint-Martin de Paris et Sainte-Geneviève. Philippe lui concéda en outre les coutumes de ses hôtes[23].

Anne a donc vécu en bons termes avec son fils, mais son rôle dans le gouvernement du royaume est presque nul. Aucun chroniqueur n'a cité la date de sa mort. Anne vivait encore en 1075, puisqu'elle souscrit un diplôme cette année-la. Elle était morte sans doute en 1089 ; à cette date, Philippe Ier concède une prébende à l'église de Saint-Quentin de Beauvais pro remedio animæ patris mei et matris meæ[24] ; Anne est donc morte entre 1075 et 1089, sans qu'il soit possible de déterminer avec plus de précision la date de cette mort. D'après Carlier, elle aurait été enterrée dans l'abbaye de Villiers (ordre de Cîteaux), près de la Ferté-Alais, en Gâtinais, où son tombeau aurait été découvert en 1682, par un jésuite, le père Ménestrier[25].

Raoul de Crépy, mari de la reine mère, continue, même quand le roi fut parvenu à l'âge de la majorité, à souscrire assez fréquemment les diplômes royaux[26]. Cela suffit pour attester sa présence presque continuelle auprès du roi qu'il a pu, sans que nous en ayons la preuve, aider de ses conseils.

La reine Berthe est vraiment en dehors de l'histoire du règne de Philippe Ier. Elle n'a souscrit que trois actes[27]. Il est vrai que le nom de Bertrade n'apparaît guère non plus[28] ; mais son consentement est plusieurs fois mentionné[29]. Déplus, elle a joué un rôle dans les affaires politiques. Nous avons vu avec quelle ténacité elle avait poursuivi Yves de Chartres pour son intransigeance ; l'évêque la redoutait certainement beaucoup plus que le roi qui, aveugle dans sa passion, lui cédait toujours ; plus d'une fois, il n'a pas osé se rendre à un concile ou à l'appel de son métropolitain parce que Philippe Ier lui avait refusé un sauf-conduit et que Bertrade le menaçait[30]. Les lettres d'Yves de Chartres montrent aussi que Bertrade s'est plusieurs fois mêlée des affaires de l'Eglise ; c'est ainsi qu'en 1100 les clercs de Beauvais ont élu évêque Etienne de Garlande, bien qu'il eût été excommunié pour adultère par le légat Hugues de Die ; mais ils ont obéi à la pression du roi et de sa concubine (illius contubernalis suæ)[31]. Au contraire quand, en 1096, les chanoines de Paris nommèrent évêque Guillaume, Yves les félicita de leur indépendance ; dans une lettre à Richer, archevêque de Sens, il se montra tout joyeux de ce qu'ils n'eussent pas cédé à la terreur qu'inspiraient le roi et la reine[32]. Cette dernière lettre semble prouver que dans les élections épiscopales, pour faire triompher le candidat simoniaque, Bertrade s'associait toujours à Philippe Ier.

Après les reines, le parent le plus proche du roi est son frère, Hugues ; un autre frère de Philippe Ier, Robert, était mort, comme nous l'avons dit, en bas âge. Guibert de Nogent donne une biographie assez complète de Hugues[33]. Il devint comte de Vermandois par suite de son mariage avec Adèle, fille du comte de Vermandois Hubert IV. Aubri de Trois-Fontaines se trompe en effet quand il dit qu'Alix, fille de Raoul de Valois, épousa Hugues de France, frère du roi Philippe Ier[34]. Veuve de Thibaud, comte de Champagne, elle se remaria avec Hubert, comte de Vermandois, dont la fille Adèle épousa Hugues. Adèle est mentionnée d'ailleurs dans un diplôme de Philippe Ier[35]. Dans ce même diplôme, Hugues est appelé Hugues de Crépy, ce qui prouve qu'il était comte de Valois en même temps que de Vermandois. Les chroniqueurs lui ont donné le surnom de Grand. Les Annales de Saint-Bénigne de Dijon le présentent comme le coadjuteur de son frère dans le gouvernement du royaume[36]. De fait, entre 1067 et 1082, il a souscrit un certain nombre de diplômes[37], tandis que son nom n'apparaît jamais avant 1067 ; peut-être Philippe Ier, privé de son tuteur, éprouva-t-il le besoin de se ménager l'appui de son frère et de le retenir à la cour, l'empêchant ainsi de se mettre à la tête de l'opposition, toujours possible, des seigneurs du royaume. Guibert de Nogent insiste sur la part qu'il prit à la croisade : il partit pour la Terre Sainte en 1096, et c'est précisément l'habileté dont il fit preuve qui lui aurait valu le surnom de Grand : il assista aux sièges de Nicée ct d'Antioche ; en 1097 il fut le chef de la députation à l'empereur d'Orient après la prise de Nicée. Il revint ensuite à son château de Crépy, mais retourna en Terre Sainte en 1100 ou 1101 et il y périt d'une blessure reçue dans un combat le 18 octobre 1102[38].

 

III

Après la famille royale, il faut mentionner dans l'entourage de Philippe Ier les fidèles du roi (fideles, optimates) qui composent sa cour. Ceux-ci, pendant la régence de Baudoin, avaient pris une part assez active au gouvernement du royaume. En est-il ainsi pendant le règne personnel de Philippe Ier ?

A cet égard, le règne paraît avoir une importance décisive dans l'histoire de la monarchie capétienne. Les caractères du gouvernement royal ne sont plus en 1108 les mêmes qu'en 1067, au moment où se terminait la tutelle de Baudoin. Si l'on étudie les souscriptions des diplômes, on voit qu'il s'est établi, au cours de ce long règne, une distinction très nette entre les fidèles du roi (fideles), c'est-à-dire ses vassaux, grands ou petits, qui composent la cour (curia regis), et ses conseillers permanents (curiales), qui forment le palais (palatium) ; les premiers tendent à perdre toute influence au profit des seconds, qui deviennent les auxiliaires essentiels du roi capétien. Cette évolution s'est opérée lentement, par une série de transformations complexes et parfois difficiles à saisir ; l'étude des chartes royales nous éclairera cependant sur la composition et le rôle administratif à la fois de la cour et du palais.

On établit généralement une distinction entre les cours ordinaires ou provinciales, composées des seigneurs de la région, et les cours générales ou solennelles, où viennent les grands vassaux du royaume[39]. A vrai dire, la différence entre les unes et les autres ne nous semble pas marquée d'une façon aussi catégorique à l'époque de Philippe Ier ? nous serions fort embarrassé s'il fallait dresser la liste des cours générales d'une part et des cours provinciales d'autre part. Entre ces deux cas extrêmes, il peut s'en produire une foule d'autres.

Evidemment il y a eu des réunions très solennelles qui ont groupé autour du roi, outre les seigneurs du domaine et des régions avoisinantes, plusieurs grands feudataires du royaume ; mais elles semblent avoir été en petit nombre sous Philippe Ier. Au jour du sacre, tous les vassaux du royaume étaient venus à Reims ou avaient envoyé des délégués ; ils avaient approuvé l'élection faite par l'archevêque et avaient juré fidélité au jeune roi. Ils avaient ainsi reconnu son autorité suprême ; mais cette autorité, Philippe Ier ne l'exerça pas plus que ses prédécesseurs sur les grands fiefs éloignés de son domaine dont les titulaires n'étaient les fidèles du roi qu'en théorie et ne fréquentaient guère sa cour. Une seule fois, en 1077, à Orléans, ils se réunissent presque tous autour de leur souverain. Un diplôme pour Saint-Symphorien d'Autun désigne cette assemblée solennelle sous le nom de regale concilium[40], et nous voyons, par les souscriptions de ce diplôme, que la plupart des grands feudataires s'y étaient rendus. On relève, parmi les souscriptions, celles de Guy, comte de Poitiers, d'Étienne, comte de Champagne, de Guillaume, comte de Nevers, et de son fils Renaud, d'Eudes, duc de Bourgogne[41]. A côté des archevêques de Reims et de Sens, des évêques d’Orléans, Châlons, Beauvais, Noyon et Soissons, nous trouvons Richard, archevêque de Bourges, Aganon, évêque d'Autun, Landri, évêque de Mâcon, Hugues, évêque de Nevers[42]. On est venu à cette cour de toutes les parties du royaume, de l'Aquitaine comme de la Bourgogne, les prélats comme les seigneurs laïques.

Nous ne trouvons pas trace dans les diplômes d'une autre assemblée aussi complète. Cette cour de 1077 fut déterminée par des circonstances spéciales, et la lutte de Philippe Ier contre Guillaume le Conquérant ne fut peut-être pas étrangère à sa convocation ; nous sommes au lendemain du siège de Dol, et la présence du comte de Poitiers est d'autant plus notable que, l'année précédente, Philippe Ier s'était rendu en Aquitaine pour y chercher appui contre le duc de Normandie[43]. Peut-être le roi voulut-il s'assurer, dans sa lutte contre l'Etat anglo-normand, l'appui des principaux seigneurs du royaume et resserrer les liens qui les rattachaient à lui. En tout cas, la cour d'Orléans est la seule à laquelle on puisse donner à bon droit le qualificatif de générale.

A défaut d'une telle unanimité, il y eut, sous le règne de Philippe Ier, d'autres assemblées auxquelles participa l'un ou l'autre des grands feudataires. Thibaud III, comte de Blois et de Champagne, s'est rendu à la cour du roi à Senlis en 1068[44], à Paris en 1074[45] ; en 1076, il a souscrit, ainsi que son fils Étienne, une donation pour l'église de Saint-Jean-au-Mont, à Soissons, que Philippe Ier confirma en sa présence[46]. De même, on relève la présence d'Eudes III, comte de Champagne, son fils, à l'assemblée de Poissy en 1082[47], à celle de Paris en 1090[48]. En 1095, au moment où Urbain II allait réunir le concile de Clermont et prononcer l'anathème contre Philippe et Bertrade, le roi eut une entrevue avec le légat du pape, Hugues de Die, archevêque de Lyon, à Mozac en Auvergne ; Eudes, duc de Bourgogne, vint à sa rencontre, et, avec lui, Robert, comte d'Auvergne, et son fils Guillaume, Adémar, évêque du Puy, Aganon, évêque d'Autun, Adémar, abbé de Saint-Martial de Limoges[49]. Voilà une cour qu'on pourrait qualifier de régionale ; mais la présence du duc de Bourgogne, en même temps que celle du légat du pape, lui donne une importance particulière.

Ainsi le roi, dans certaines circonstances, a convoqué à sa cour les titulaires des grandes seigneuries du royaume et les évêques de Bourgogne ou d'Aquitaine. En général, la composition de la cour est beaucoup plus restreinte ; elle ne comprend guère que les évêques des provinces ecclésiastiques de Sens et de Reims, les seigneurs du domaine royal et des régions immédiatement attenantes. Même dans ces limites, la cour a réuni parfois un assez grand nombre de personnes. Par exemple, l'assemblée qui se tint à Paris le 27 mai 1067, jour de la Pentecôte, a eu un caractère de solennité assez marqué ; elle dura plusieurs jours, puisque, le 29 mai, les mêmes fidèles souscrivaient un diplôme pour Saint-Martin-des-Champs[50]. Si l'on en juge par. les souscriptions de ce diplôme et par celles qui accompagnent les donations faites aux moines de Saint-Denis par Jean de Saint-Caprais de la villa de la Chapelle en Berry[51], on voit que l'assemblée de Paris comprenait près de quatre-vingts personnes. On y remarque l'archevêque de Sens et la plupart de ses suffragants, les évêques d'Amiens, de Laon, de Meaux, de Châlons, de Beauvais, de Séez, les abbés de Saint-Denis et de Saint-Benoît-sur-Loire, le trésorier de Saint-Martin de Tours, de nombreux dignitaires des Églises de Paris et d'Orléans. L'élément laïque n'y est pas moins représenté, d'abord avec Baudoin, comte de Flandre, et Raoul, comte de Crépy, puis avec les comtes de Meulan, de Soissons, de Corbeil et de Beaumont, avec de nombreux seigneurs de l'Ile-de-France et du Berry, enfin avec les officiers du roi et les fonctionnaires du palais. D'autres assemblées ont un caractère analogue : celle de Melun, en 1067[52] ; celles de Paris, en 1070, 1071, 1073 et enfin en 1074 ou 1075[53]. Après cette date de 1075, on ne relève dans les diplômes aucune trace d'une assemblée approchant comme nombre de celle de 1067. Cela veut-il dire que Philippe Ier n'ait plus convoqué à sa cour qu'un plus petit nombre de personnes ? Ce n'est pas impossible ; en tout cas, c'est un indice que, les fidèles ne figurant plus sur les diplômes royaux, ils sont considérés comme une quantité beaucoup plus négligeable, que leur assentiment ni même leur présence n'est plus nécessaire pour la validité des actes royaux.

Dans l'assemblée de 1067, qui nous apparaît comme l'une des plus caractéristiques, nous avons signalé trois éléments : les évêques, abbés et autres dignitaires ecclésiastiques, les seigneurs laïques, les fonctionnaires royaux. Dans d'autres cours moins nombreuses, les trois éléments ne sont pas toujours représentés, mais l'un ou l'autre peut l'emporter, parfois à l'exclusion des deux autres.

Certaines cours, sous Philippe Ier, comme sous ses prédécesseurs, ont été des cours exclusivement ecclésiastiques, des conciles présidés parle roi. Philippe Ier présida ainsi un concile à Sens, le 25 avril 1071 ; à ses côtés on remarque uniquement Richer, archevêque de Sens, les évêques de Troyes, Meaux, Chartres, Orléans, Auxerre, Langres[54]. De même, au concile de Compiègne, en 1085, il n'y avait pas de laïques, mais simplement l'archevêque de Reims., Renaud, les évêques de Laon, Châlons, Beauvais, Senlis, Amiens, Noyon, Cambrai, Térouanne, Paris et Meaux, enfin de nombreux abbés[55]. L'élément laïque figure bien dans les souscriptions du diplôme pour Saint-Philibert de Tournus[56], mais il est à remarquer que ce diplôme est confirmé non par les fidèles, mais par les évêques, et qu'il prévoit, en cas de violation, à la fois crime de lèse majesté et anathème[57]. Ailleurs, les évêques siègent à la cour avec des laïques, mais en général leurs souscriptions précèdent celles des seigneurs et des fonctionnaires royaux. Dans plusieurs chartes, il y a peu d'ordre dans les souscriptions ; parfois, au contraire, la hiérarchie est bien marquée. Dans un diplôme de 1071[58], les souscriptions sont disposées sur trois colonnes : la première, à gauche, contient celles des évêques ; la seconde, celles des comtes et autres seigneurs ; la troisième, celles des fonctionnaires royaux. Longtemps même, malgré la part prépondérante prise par ces derniers, les évêques précéderont les grands officiers de la couronne dans la liste des signataires des diplômes.

Le caractère des diplômes royaux explique l'importance de l'élément ecclésiastique à la cour de Philippe Ier. Comme il s'agit surtout, dans ces diplômes, de donations ou privilèges accordés ou confirmés à des abbayes, il était tout naturel que ces actes fussent placés en quelque sorte sous la garantie épiscopale. Mais, au XIe siècle, il n'existe souvent pas de limite bien tracée entre le domaine de l'autorité spirituelle et celui de l'autorité temporelle ; les seigneurs laïques ont tranché avec le roi et les évêques des questions purement ecclésiastiques et ont généralement assisté aux assemblées convoquées par Philippe Ier.

Parmi ces seigneurs laïques, il y a des distinctions à 'établir. Les uns ne viennent à la cour que de temps en temps, lorsque le roi, au cours de ses déplacements, a l'occasion de passer près de leur domaine ; les autres, au contraire, accompagnent sans cesse le roi, et ce sont certains seigneurs de ce qu'on appellera plus tard l'Ile-de-France qui, surtout pendant la seconde moitié du règne, ont été les véritables fidèles de Philippe Ier.

La vie de Philippe Ier a été un déplacement perpétuel ; chaque année, le roi va de l'une à l'autre de ses résidences. Quand il arrive à l'une d'elles, aussitôt les seigneurs des pays avoisinants accourent auprès de lui, l'entretiennent de leurs affaires, lui font confirmer des chartes. Un diplôme de 1092 nous renseigne sur ces cours régionales[59]. En cette année-là, Philippe Ier donna en fief l'abbaye Saint-Mellon de Pontoise à Guillaume, archevêque de Rouen, et à ses successeurs ; les archevêques de Rouen, devenaient ainsi les vassaux du roi de France. Philippe Ier eut grand soin de régler quels devoirs ils auraient, comme tels, à remplir envers lui ; or, nous voyons que, avant tout, l'archevêque de Rouen sera obligé de venir chaque année à l'une des cours du roi, soit à Beauvais, soit à Paris, soit à Senlis, si le roi le prie d'y venir et s'il n'a pas d'excuse légitime à invoquer[60]. Le roi semble indiquer par là que, chaque année, il y a au moins une réunion de la cour dans l'une des trois villes indiquées ; le grand nombre de diplômes datés de Paris et de Senlis prouve que le roi séjournait fréquemment dans ces deux villes et qu'il y convoquait qui il lui plaisait parmi ceux qui détenaient des fiefs. Beauvais, Paris et Senlis sont les villes du domaine les plus proches de Rouen ; nous pouvons en conclure que le roi, chaque année, devait également tenir sa cour dans d'autres villes situées à l'est et au sud du domaine ; Orléans en particulier fut souvent un lieu de réunion. La cour est donc une institution permanente ; chaque année, le roi, dans ses voyages, réunit autour de lui sinon tous ses fidèles, du moins plusieurs groupes de fidèles. Le souvenir de certaines de ces assemblées locales, tenues soit dans le domaine, soit au dehors, a persisté dans quelques diplômes. En 1075, Philippe Ier, à la prière de Robert le Frison et de la comtesse ; Adèle, confirme le chapitre de Saint-Pierre d'Aire dans la possession de ses biens et la jouissance de ses privilèges ; le diplôme est délivré en présence de Geoffroy, évêque de Paris, qui accompagnait le roi, et de seigneurs flamands et picards : Eustache, comte de Boulogne, Guy, comte de Ponthieu, et son frère Hugues, Baudoin de Gand, Robert, avoué de Béthune. Engeran et Arnoul, qu'on ne peut identifier, sont très probablement aussi des seigneurs de Flandre ; il devait y en avoir d'autres (testibus... et aliis multis) dont la charte ne donne pas les noms[61].

Voilà une cour régionale. De même, en 1079, Philippe Ier vient à Saint-Benoît-sur-Loire, accompagné du sénéchal Robert ; un diplôme pour Cluny atteste la présence auprès de lui du comte de Nevers, Renaud, et d'autres seigneurs du Nivernais, comme Gauthier de Clamecy[62]. Les souscriptions d'une charte de confirmation pour l'église de Saint-Pierre de Cassel donnée en 1085 à Nesle ne sont pas moins caractéristiques : outre les officiers du roi, on y relève uniquement les noms de Jean de Saint-Quentin, Yves de Nesle et Robert de Péronne, c'est-à-dire de seigneurs peu éloignés de Nesle[63]. Ailleurs, les noms de seigneurs locaux sont mêlés à ceux d'autres seigneurs qui accompagnent fréquemment le roi.

Philippe Ier a eu en effet un entourage permanent de fidèles qui ont été les témoins d'un grand nombre de ses actes. Ce sont en général des seigneurs de l'Ile-dc France : nous en retrouverons quelques-uns quand nous étudierons le domaine royal, et il semble bien que Philippe Ier ait essayé de prévenir leur opposition souvent turbulente en les appelant fréquemment auprès de lui, en leur confiant parfois certaines fonctions du palais. Ces seigneurs ne sont pas tous égaux en dignité et en puissance : nous y trouvons des comtes à côté de châtelains et de simples chevaliers ; ces derniers deviendront particulièrement nombreux à la fin du règne et composeront presque exclusivement le palais. Parmi les comtes, il faut accorder la première place à la dynastie des comtes de Meulan : leur souscription figure assez fréquemment à la fin des diplômes royaux, celle de Hugues de 1067 à 1073, puis celle de Galeran en 1074 et 1075, enfin celle de Robert en 1082[64]. Après eux, on peut citer encore, parmi les conseillers habituels de Philippe Ier, Hugues, comte de Dammartin, de 1067 à 1080, et Yves, comte de Beaumont, de 1071 à 1090[65]. D'autres comtes apparaissent quelquefois à la cour, mais plus rarement : ce sont Guillaume, puis Renaud, comtes de Soissons, Guy, comte d'Abbeville, Bouchard, comte de Corbeil, Ebles, comte de Roucy, Guarin, vicomte de Sens, et Manassès, vicomte de Melun. Ce dernier souscrit un diplôme de 1094. Après cette date, on ne trouve jamais de souscriptions de comtes ; elles commencent à être très rares dès 1085.

Les comtes de Meulan, de Dammartin et de Beaumont ne sont pas les seuls fidèles qui aient été fréquemment convoqués par Philippe Ier. D'autres seigneurs de moindre importance y figurent aussi. La liste en serait très longue à dresser. Parmi ceux qui viennent le plus souvent à la cour, on peut citer : Guy de Montlhéry, Gosselin de Chauny, Hervé de Marly, Thibaud de Montmorency, Simon de Montfort, Amaury, puis Hugues de Châteaufort, Aubri, puis Renaud de Coucy, mais surtout Hugues du Puiset, Geoffroy de Chaumont, et enfin les seigneurs de Gometz-le-Châtel, Guillaume' d'abord, puis, à partir de 1074, Geoffroy. Ces seigneurs, qui ont assisté à un très grand nombre de cours royales, ne résidaient pas loin de Paris, Orléans ou Senlis, les capitales ordinaires de Philippe Ier ; leurs châteaux sont pour la plupart situés sur les confins du domaine royal. On comprend que le roi eût un intérêt immédiat à les convoquer plus souvent et à se les attacher en les consultant, en les faisant participer aux principaux actes de l'autorité royale.

Le roi appelle donc à la cour qui il lui plaît ; rarement il y convoque les grands feudataires ; la cour, au temps de Philippe Ier, c'est plus généralement la réunion des seigneurs du domaine et des régions avoisinantes. La composition en varie au gré du roi et suivant ses résidences.

Cette cour, où Philippe Ier appelle qui il veut, il la convoque aussi quand il veut. Nous avons vu qu'il la réunissait plusieurs fois dans l'année, tantôt au nord, tantôt au sud du domaine ; il ne voulait pas qu'il s'écoulât un trop long intervalle sans qu'il put voir les différents seigneurs de ce domaine. Mais la date n'en est pas fixe. Certaines cours ont été tenues à de grandes fêtes de l'année, à la Pentecôte, comme celle de Paris en 1067[66], ou à l'Epiphanie, comme celle de Poissy en 1082[67] ; mais d'autres l'ont été un simple dimanche, comme celle de Senlis le 15 juin 1068[68].

La charte de donation de l'abbaye de Saint-Mellon de Pontoise à Guillaume, archevêque de Rouen, prouve que l'on était tenu de se rendre à la cour si l'on ne pouvait invoquer d'excuse légitime. En revanche, le roi assurait un sauf-conduit à ceux qui venaient à la réunion ; mais il déterminait lui-même leur itinéraire. Quand l'archevêque de Rouen .viendra à sa cour, Philippe Ier promet de lui envoyer un sauf-conduit à Chaumont ou à Pontoise ; mais l'archevêque devra venir par le Vexin si le roi le lui fait demander[69].

En résumé, le roi tient sa cour fréquemment ; il la réunit où il veut et à des dates fixées par lui seul ; personne ne peut se dérober à l'obligation d'y venir. Il reste à déterminer dans quelle mesure les fidèles qui viennent à cette cour participent au gouvernement et à l'administration du royaume.

La cour a d'abord un pouvoir judiciaire : c'est le tribunal du roi. Lorsque le roi réunit ses fidèles, ceux qui ont à demander justice peuvent venir lui adresser leurs plaintes, et le roi, s'il le juge nécessaire et légitime, cite celui qui est accusé. Une sentence, rendue par la cour réunie à Poissy en 1082, décrit assez bien quelle était la procédure[70]. Tandis que, le jour de l'Epiphanie, Philippe Ier se trouvait à Poissy avec les seigneurs, l'abbé de Saint-Germain-des-Prés, Isembard, vint, avec quelques moines de cette abbaye, se plaindre d'un chevalier, Hugues Estevel, et de sa femme, qui revendiquaient l'avouerie sur une terre de Saint-Germain-des-Prés sise à Dammartin et sur les villages avoisinants ; ils avaient même donné cette avouerie à un chevalier du nom de Henri et, pour cette raison, cette possession se trouvait réduite à rien. Hugues et sa femme furent cités devant le roi ; le chevalier fit valoir les droits qu'il pensait avoir, par son mariage, sur l'avouerie ; mais le roi et ses fidèles se prononcèrent contre lui (judicio nostro ac procerum nostrorum sibi refragante). Hugues se soumit et promit que ni lui, ni sa femme, ni ses héritiers, ne revendiqueraient désormais l'avouerie sur la terre de. Dammartin ni sur les villages avoisinants.

La procédure, dans le cas qui nous occupe, a été la suivante : l'une des parties s'est plainte au roi, ce qui a amené la citation de l'autre devant la cour, puis la sentence simultanée de la cour et du roi. Dans un procès entre l'église de Compiègne et Nevelon de Pierrefonds, en 1106, les choses se sont passées un peu différemment : c'est le roi lui-même qui a pris l'initiative de la citation[71]. Les chanoines de Compiègne avaient reçu de Charles le Chauve la permission d'exercer tous les droits régaliens sur la terre appelée la Couture de Charles ; ils pouvaient y rendre la justice et y lever la taille ; tandis qu'ils exerçaient ces droits, Nevelon de Pierrefonds leur contesta celui de lever la taille sur ceux de ses hommes qui habitaient la Couture de Charles et voulut lever sur eux cette taille pour son compte ; les chanoines refusèrent de se rendre à ses exigences et il en résulta de vives querelles. Comme elles ne s'apaisaient pas, Philippe Ier décida de faire comparaître les deux parties devant son fils Louis à Senlis. Louis se constitua à Senlis un tribunal composé de clercs et de nobles laïques, qui, à vrai dire, ne sont plus des fidèles, mais des palatins ; mais peu importe pour le moment la composition du tribunal. Nevelon parla d'abord et déclara que la taille, que les clercs avaient levée sur les hôtes de l'Eglise qui étaient en même temps ses hommes, devait lui revenir, car cette taille, il la tenait du roi comme un fief. A. cela les clercs opposèrent le privilège de, Charles le Chauve, qu'ils mirent sous les yeux du tribunal. Louis pria les juges de rendre leur sentence ; Nevelon, sentant sans doute qu'elle le frapperait, préféra se retirer. Cette retraite prouva que le droit était du côté des clercs et, en présence de Louis, le tribunal déclara les chanoines libres de lever la taille sur tous les hommes et d'exercer la justice sur la terre de la Couture de Charles. Le roi confirma ensuite le jugement.

De ce différend plusieurs conclusions sont à tirer en ce qui concerne la procédure au temps de Philippe Ier. 1° Le roi cite à son tribunal qui il veut. — 2° Il ne rend pas seul la justice, mais doit être assisté des fidèles ou des palatins. — 3° La sentence de ceux-ci n'est valable que si elle a été confirmée parle roi. — La cour, pendant la première partie du règne, le palais, à la fin, est donc le tribunal suprême et, pour prendre un exemple où il s'agisse vraiment des fidèles et non des palatins, nous citerons encore une sentence rendue par Philippe Ier, en 1067 ou 1068, dans un procès entre l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire et le chevalier Hervé[72] : l'abbé et les moines se plaignaient de ce qu'Hervé dévastât les terres de l'abbaye, sous prétexte qu'il devait tenir de l'abbé un bénéfice qui, disait-il, lui revenait par héritage. Philippe Ier décida que l'affaire serait jugée par lui et ses fidèles (decrevimus ut judicio nostro et optimatum nostrorum causa definivetur)[73].

Cette sentence est intéressante pour d'autres raisons encore. Ce n'est pas à proprement parler une sentence, mais plutôt la confirmation d'un accord intervenu entre les deux parties. Lorsque bien des paroles eurent été échangées de part et d'autre, le roi et ses fidèles trouvèrent qu'il valait mieux en finir par un accord que par une sentence. Ils persuadèrent aux deux parties de s'entendre sur la base suivante : Hervé renoncerait pour toujours à une partie des terres qu'il revendiquait ; il garderait l'autre, sa vie durant, mais ne la léguerait pas à ses héritiers. Ainsi, dans cette circonstance, la cour n'a pas prononcé de sentence ; elle a eu recours à un véritable arbitrage.

Dans tous les cas que nous avons énumérés jusqu'à présent, il s'est | toujours agi de procès entre une abbaye d'une part et un laïque d'autre part. Quand un différend éclatait entre des clercs, entre un évêque et une abbaye par exemple, la cour avait-elle le droit d'intervenir ? En d'autres termes, pouvait-elle être un tribunal ecclésiastique ?

La question est très délicate. On cite toujours, à ce propos[74], la lettre écrite par Yves de Chartres en 1093[75]. L'évêque avait été prié par Philippe Ier de se rendre à sa cour pour se justifier de certaines accusations qui pesaient sur lui. Yves déclara qu'il était prêt à se justifier devant l'Église s'il s'agissait de questions ecclésiastiques, devant la cour si l'affaire était du ressort de la cour (vel in Ecclesia, si ecclesiastica sunt negotia, vel in curia, si sunt curialia). Cette lettre est fort obscure et prouve simplement que, en principe, la cour ne jugeait pas les affaires ecclésiastiques. Nous ne possédons malheureusement qu'un très petit nombre de diplômes relatifs à des procès de ce genre, ce qui ne permet pas d'être très affirmatif ; toutefois ils semblent confirmer que les laïques ne s'occupaient pas des procès entre clercs.

En 1068, un différend s'était élevé entre l'évêque de Paris et l'abbé de Saint-Denis au sujet de coutumes que l'évêque prétendait lever sur les terres du monastère ; l'abbé et les moines lui opposaient nombre de privilèges des rois de France et du Saint-Siège. L'affaire vint à plusieurs reprises devant le roi et les fidèles de son royaume, mais, comme elle paraissait d'ordre ecclésiastique plutôt que laïque (quia magis ordinis æcclesiastici videbatur esse quam popularis), avec la permission du roi, elle fut jugée par le pape Alexandre II ; Philippe Ier et sa cour acceptèrent la sentence du pape et prêtèrent leur concours à son exécution, en confirmant à nouveau les privilèges accordés à l'abbaye par les rois de France et les souverains pontifes[76]. Voilà donc un démêlé entre clercs, qui n'est pas relatif à des questions de pure discipline ecclésiastique, mais qui a trait à des terres, à des affaires temporelles : la cour refuse de le trancher et en réfère au pape ; elle ne se reconnaît donc pas le droit, parce que composée en partie de laïques, de juger les clercs.

Nous avons vu cependant qu'il y avait eu des cours purement ecclésiastiques, des conciles présidés par le roi. Dans ces conciles, le roi a pu prononcer des sentences relatives à des clercs, mais ces sentences n'ont reçu aucune confirmation laïque. Le concile de Compiègne, en 1085, eut à se prononcer sur des plaintes portées par Helgot, évêque de Soissons, contre les chanoines de l'église de Compiègne. Philippe Ier, en présence de Renaud, archevêque de Reims, et de nombreux évêques et abbés, déclara que l'église de Compiègne, depuis sa fondation par Charles le Chauve et sa dédicace par le pape Jean VIII, avait été exempte de la soumission à tout évêque, même à celui de Soissons, et il interdit, en vertu de ce privilège, à tout primat, métropolitain ou évêque d'appeler les chanoines en justice[77]. Ici, comme précédemment, il y a confirmation par le roi de la sentence du concile, mais il s'agit d'un concile et non pas d'une cour ordinaire, composée à la fois de laïques et d'ecclésiastiques.

La première attribution de la cour au temps de Philippe Ier, c'est la justice. Nous avons vu que, pendant la régence de Baudoin, les fidèles du roi avaient pris une part active au gouvernement du royaume et qu'ils avaient à plusieurs reprises confirmé les chartes royales. Ont-ils conservé ces prérogatives pendant le règne personnel de Philippe Ier ?

La première assemblée solennelle réunie par Philippe Ier, peu après sa sortie de tutelle, en mai 1067, ne diffère guère de celles tenues précédemment. Philippe Ier déclare qu'il a présenté le diplôme pour Saint-Martin-des-Champs à tous les évêques et princes qui étaient présents et qu'ils l'ont confirmé[78]. La formule est à peu près identique dans un diplôme de la même année 1067 pour Saint-Benoît-sur-Loire [79]. Et il en est ainsi très fréquemment jusqu'en 1079 : le roi déclare qu'il a voulu faire confirmer ses chartes par ses fidèles en leur demandant leur souscription. Le consentement des fidèles est mentionné dans un diplôme pour Oinville en 1068[80], dans l'acte d'affranchissement d'Erfroi, serf du comte d'Anjou, en 1069[81], dans une charte du comte Bouchard, confirmée en 1071 par le roi, Richer, archevêque de Sens, Geoffroy, évêque de Paris, et plusieurs autres évêques et seigneurs laïques[82], dans un diplôme de 1072, confirmant une donation de Simon de Montfort à Saint-Magloire de Paris[83], dans un diplôme pour Saint-Pierre de Bourgueil en 1074[84]. Ce sont encore les fidèles qui confirment, en 1074 ou 1075, une charte de Geoffroy de Gometz pour Marmoutier[85], en 1078 l'érection par Philippe Ier au titre d'abbaye de l'église de Saint-Pierre de Neauphle-le-Vieux[86], et enfin en 1079 la donation de Saint-Martin-des-Champs à Cluny[87]. A partir de cette date, il n'est plus jamais question de confirmation des diplômes royaux par la cour ; cette cour, comme on a pu le remarquer en étudiant sa composition, n'est que très rarement convoquée ; elle ne l est même pas pour les affaires judiciaires. Tout le gouvernement du royaume tend à passer à la fraction permanente de la cour, à ces palatins qui, après les évêques et les seigneurs, constituent le troisième élément du gouvernement central ; de 1080 à 1086 environ, ils sont devenus les véritables maîtres de l'administration.

Ce changement si curieux ne s'est pas fait d'un seul coup, mais par une évolution lente et graduelle. Dès le début du règne de Philippe Ier, on peut remarquer certaines velléités d'indépendance de la part du roi vis-à-vis de ses fidèles ; il cherche de temps en temps à faire échapper ses actes à leur confirmation. Dès 1070, un diplôme pour l'abbaye de Saint-Pierre-le-Vif de Sens est simplement notifié aux fidèles, mais il n'est pas question de leur assentiment[88]. En 1071, quand Philippe Ier confirme la donation faite par Thibaud, comte de Troyes, au monastère de Montier-la-Celle de l'église Sainte-Savine de Troyes, il déclare avoir agi sur le conseil de Richer, archevêque de Sens, et des autres évêques et fidèles[89] ; mais les fidèles ne confirment pas l'acte royal par leurs souscriptions. Il en est de même dans un diplôme relatif à la villa de Courcelles, accordé cependant per suggestionem fidelium meorum[90]. Bientôt, un nouveau pas sera réalisé : les fidèles ne sont même pas appelés à donner leur assentiment ; ils souscrivent simplement les diplômes royaux comme témoins C'est le cas d'un diplôme pour Cluny, en 1077[91], d'un autre pour Saint-Quentin de Beauvais en 1079[92], et de plusieurs autres diplômes qui s'échelonnent entre les années 1080 et 1086[93]. Nous sommes donc loin de la confirmation des actes royaux par la cour ; la cour ne participe plus au gouvernement. Cela ne veut pas dire qu'elle ne se réunisse jamais ; les convocations s'espacent davantage, mais elles ont encore lieu de temps en temps : ainsi, en 1101, Hervé, vassal du roi, vient faire une donation à une abbaye en présence de Philippe Ier et de ses optimates[94] ; les fidèles sont également présents à la renonciation du chevalier Hugues Gregarius à ses prétentions sur les fils de Thibaud de Grandchamp qu'il réclamait comme ses colliberts[95] ; il est vrai que, dans ce dernier cas, à en juger par les souscriptions, le terme d'optimales paraît s'appliquer davantage à des hommes du palais qu'aux fidèles de la cour.

 

IV

Au fur et à mesure que l'importance de la cour diminue, le rôle du palais grandit. Dès l'origine, il s'établit une distinction assez nette entre la cour et le palais. En 1068 cependant, dans la sentence d'arbitrage entre l'évêque de Paris et les moines de Saint-Denis, il est fait mention des palatins à côté des fidèles ; mais ils ne semblent pas avoir des attributions bien distinctes[96]. Pourtant le palais existait déjà, indépendamment de la cour, comme le prouve une charte par laquelle Guy, comte de Ponthieu, restitue à l'abbaye de Saint-Riquier, le quart de la villa d'Outrebois[97] : Guy déclare être venu en présence du roi Philippe, de Baudoin et des principes regalis palatii ; les souscriptions de la charte montrent qu'il s'agit du palais et non de la cour. Ce palais avait des attributions spéciales : en 1068, le diplôme pour Oinville, que nous avons cité plus haut, est écrit par le chancelier Pierre, sous les yeux de tous les palatins (omni palatio vidente), puis souscrit par les fidèles[98] ; dans un autre diplôme qui se place entre les années 1065 et 1069, l'expression de videntibus est également appliquée aux ministres du palais, tandis que celle de presentibus est réservée aux seigneurs de la cour[99]. Mais bientôt le palais apparaîtra à l'exclusion de la cour ; on le remarque pour la première fois dans un diplôme pour Sainte-Colombe de Sens en 1074[100]. Ce fait se généralisera de plus en plus à partir de ce moment.

De même, le palais accapare aussi la justice. Dans le procès de 1106 entre les chanoines de Compiègne et Nevelon de Pierrefonds, il n'est plus question des fidèles de la cour, mais simplement des nobles laïques (nobiles laici) qui composent le palais[101]. Ce sont eux qui dictent la sentence que promulgue le prince Louis.

Une évolution très curieuse s'est donc produite : l'administration et la justice sont passées de la cour au palais. Elle va en entraîner une autre non moins caractéristique du règne : c'est la spécialisation dans le palais d'un certain nombre d'offices qui vont constituer les grandes charges de la couronne.

Les grands officiers de la couronne[102] apparaissent pour la première fois sous Henri Ier. Sous Hugues Capet et Robert le Pieux, le chancelier seul existait[103]. Sous Henri Ier, on lui adjoignit d'abord le bouteiller et le connétable, puis le chambrier et le sénéchal, mais ils restent toujours confondus avec les grands dans la masse des fidèles du roi : leur pouvoir est mal défini ; ils s'occupent des questions les plus différentes. La régence de Baudoin continue le règne de Henri Ier : dans les premiers diplômes de Philippe Ier, on ne voit pas que les grands officiers aient eu une place distincte dans le palais, ni qu'il se soit établi une hiérarchie entre eux.

Le règne personnel de Philippe Ier a marqué à cet égard une certaine évolution dans l'administration centrale des rois capétiens. Sans doute il ne faut rien exagérer : les fonctions des grands officiers ne sont pas toujours nettement définies ou, du moins, on ne voit guère la trace de cette spécialisation dans les diplômes royaux. Cependant le chambrier (camerarius, regis camerarius) est plus spécialement attaché à la personne du roi, chargé de surveiller sa maison et son personnel ; dans un diplôme pour Saint-Benoît-sur-Loire, il s'intitule magister regie domus[104]. Il accompagne Philippe Ier dans ses déplacements, même dans ses expéditions militaires : il est à Chaumont-sur-Loire en 1067[105], à Poitiers en 1016[106] et à Gerberoy en 1079[107]. Ce qui a contribué à augmenter l'importance de cette charge, c'est qu'elle a eu pendant toute la durée du règne le même titulaire, Galeran. Galeran avait sous ses ordres d'autres chambriers qui l'aidaient ou même le suppléaient parfois, comme Hugues qui figure seul, comme chambrier, sur les diplômes royaux en 1074 et au début de 1075[108].

Le sénéchal (dapifer), au temps de Philippe Ier, n'apparaît pas encore avec ses fonctions administratives ; nous ne voyons pas qu'il ait eu un droit de surveillance sur les prévôts. Son rôle est presque exclusivement militaire, au moins à la fin du règne, quand la charge de sénéchal eut été confiée à Guy de Rochefort. Lorsqu'à son retour de la croisade (1104), Philippe Ier et Louis VI lui eurent rendu le sénéchalat qu'ils lui avaient précédemment enlevé Guy, aidé par son fils, Hugues de Crécy, s'employa de toutes ses forces, dit Suger[109], à la défense et à l'honneur du royaume. Au moment d'un siège de Montlhéry, il apparaît à la tête des troupes royales, bientôt rejoint parle prince Louis. Il a donc, après le roi, le commandement des troupes. Avant Guy de Rochefort, on voit les sénéchaux accompagner Philippe Ier au siège de Chaumont-sur-Loire et à celui de Gerberoy. En 1076, quand Philippe Ier va en Aquitaine chercher un secours contre Guillaume le Conquérant, le nom du sénéchal n'apparaît pas dans les diplômes royaux, mais ces diplômes concernant l'Aquitaine[110], il est possible que la souscription des officiers royaux ait été jugée inutile et que Ferri, alors titulaire du sénéchalat, ait été cependant aux côtés du roi.

Le connétable (constabularius, conestabulus, conestablus. constablus) devait sans doute, comme son nom l'indique, être à la tête du service des écuries royales, mais les textes ne permettent pas de préciser davantage. Il en est de même pour le bouteiller (butienlarius, pincerna).

Entre ces quatre grands officiers est-il possible d'établir une hiérarchie ? Selon M. Luchaire, le règne de Philippe Ier serait décisif à cet égard : Depuis l'avènement de Philippe Ier jusqu'en 1070, c'est le chambrier qui signe en tête ; le sénéchal ne vient qu'en second lieu, et après lui le bouteiller et le connétable. A partir de 1071, le sénéchal apparaît au premier rang et il gardera cette place jusqu'à la suppression définitive du dapiférat[111]. Cette opposition nous semble trop absolue et souvent contraire à la réalité. Avant 1070, le chambrier apparaît bien plusieurs fois avant les autres officiers, mais on peut citer aussi plusieurs exemples où il suit déjà le sénéchal[112] ; dans un diplôme de Chaumont-sur-Loire, Galeran est relégué à la fin des souscripteurs, après le bouteiller et le sénéchal[113]. De même, à partir de 1071, le sénéchal ne signe pas fatalement avant les autres officiers : dans un diplôme de 1072, Galeran, chambrier, souscrit avant Ferri sénéchal[114], tandis que, dans un autre diplôme de l'année précédente, il suit le même Ferri[115], ce qui prouve bien qu'il n'y avait pas non plus de question de personnes ni d'ancienneté dans la charge, pour déterminer l'ordre des souscriptions. Le chambrier précède encore le sénéchal dans deux diplômes de 1076[116], dans des diplômes de 1078[117], 1082[118], 1085[119], et enfin de 1101-1104[120]. Le connétable a souscrit deux fois avant les autres officiers[121], mais, en général, il signe, ainsi que le bouteiller, après le sénéchal, souvent après le chambrier, bien qu'ici encore l'ordre varie beaucoup.

Ainsi le sénéchalat semble avoir été une fonction plus honorifique que les autres ; mais il est impossible d'établir, au temps de Philippe Ier, une véritable hiérarchie entre les grands officiers de la couronne.

Il est certain, en revanche, que, sous le règne de Philippe Ier, les souscriptions des quatre officiers tendent à se rapprocher dans les diplômes, et qu'à la fin elles apparaissent parfois à l'exclusion de toute autre. D'abord, il est extrêmement rare que les noms du sénéchal, du chambrier, du bouteiller et du connétable ne soient pas à la suite les uns des autres. On ne peut citer que trois cas dans lesquels d'autres personnages viennent s'intercaler : dans un diplôme pour l'église Saint-Ouen de Gisors (1069), la souscription du chapelain Eustache sépare celles de Galeran, chambrier, et de Baudoin, sénéchal[122] ; dans une charte-notice pour Marmoutier (1069 ou 1070) confirmée par Philippe Ier, Guillaume, prévôt de l'église de Chartres, a signé aussitôt après le connétable Gautier, mais avant Baudoin, sénéchal ; et Galeran, chambrier[123] ; enfin un diplôme de 1072 pour Saint-Magloire de Paris montre la signature du sénéchal et celle du bouteiller séparées par celle d'un certain Amauri, fils de Simon[124]. Ce dernier cas est de 1072 ; il remonte au début du règne. Au delà de cette date, il n'y a pas de diplôme où les noms des quatre grands officiers qui souscrivent les actes royaux soient isolés les uns des autres.

Dans un grand nombre de diplômes, le sénéchal, le chambrier, le bouteiller et le connétable souscrivent à la suite les uns des autres, ce qui semble déjà indiquer qu'ils sont les grands officiers du palais, de la maison du roi, mais leurs souscriptions consécutives sont intercalées parmi celles d'autres personnages de la cour. La place de ces souscriptions varie au fur et à mesure que l'on avance dans l'histoire du règne, sans qu'il soit possible ici encore de poser des règles absolues et ne souffrant pas d'exceptions. Au début, les souscriptions des grands officiers viennent tout à fait à la fin du diplôme : dans un acte de 1070, par lequel Philippe Ier renonce aux coutumes qu'il percevait sur les terres de l'abbaye de Ferrières, les quatre officiers souscrivent après le frère du roi, plusieurs comtes et vicomtes ; on ne relève après eux que les noms de fonctionnaires subalternes de la maison du roi[125]. Quand Philippe Ier, en 1073, renonce aux coutumes qu'il avait dans la villa de Courcelles, donnée par sa tante, Adèle de Flandre, à Saint-Denis, il fait souscrire le diplôme d'abord par Guy, évêque d'Amiens, et Thibaud, évêque de Soissons, puis par le comte Raoul et enfin par Ferri, sénéchal, Aleaume, connétable, Guy, bouteiller[126]. Voilà donc deux diplômes dans lesquels les grands officiers ont souscrit après les évêques et les comtes.

Dans d'autres diplômes, les grands officiers souscrivent immédiatement après les évêques et les membres de la famille royale. C'est le cas du privilège de liberté pour Saint-Vincent de Senlis, en 1069, dans lequel, immédiatement après Manassès, archevêque de Reims, Alard, évêque de Soissons, Eudes, évêque de Senlis, et Hugues, frère du roi, viennent Galeran, chambrier, Raoul, sénéchal, Baudri, connétable, Engenoul, bouteiller[127]. C'est aussi le cas du diplôme pour Saint-Amé de Douai, en 1076, souscrit uniquement par plusieurs évêques et les quatre grands officiers[128], ce qui montre l'importance que ceux-ci avaient prise à cette date. Déjà, en 1070, dans un diplôme d'immunité pour le monastère de Saint-Pierre-le-Vif de Sens, ils souscrivaient après les évêques, mais avant les seigneurs laïques Hugues du Puiset. Hugues de Dammartin et Geoffroy de Chaumont[129]. En 1077, les grands officiers souscrivent même avant de grands feudataires comme le comte de Poitiers et le comte de Champagne[130]. Toutefois, comme nous avons déjà eu occasion de le dire, il ne faudrait pas attacher une importance exagérée à ces souscriptions, car, dans un cas au moins, les évêques et les grands officiers ont souscrit avant le roi lui-même. Le diplôme pour Saint-Philibert de Tournus (1075) présente en effet une disposition assez originale ; les signatures se suivent dans cet ordre : 1° les évêques ; 2° les quatre grands officiers ; 3° le roi Philippe Ier, la reine Berthe et le frère du roi, Hugues ; 4° les comtes[131]. Il est vrai que nous n'avons de ce diplôme qu'une copie du XVIIe siècle qui a dû faire subir des modifications à l'original.

Bientôt, les grands officiers souscrivent avant les membres de la famille royale. En 1079, au camp de Gerberoy, Philippe Ier, à la demande de Guy, évêque de Beauvais, accorde un privilège à la basilique de Saint-Quentin fondée par lui dans cette ville ; immédiatement après la souscription du roi de France et celle de Guillaume, roi d'Angleterre, alors auprès de lui, viennent celles de Robert, sénéchal, Galeran, chambrier, Hervé, bouteiller, Adam, connétable, puis celles de deux personnages ecclésiastiques et enfin de Hugues, frère du roi[132]. Dans une charte-notice confirmée par Philippe Ier en 1092, les évêques eux-mêmes, à savoir Yves de Chartres et Foulque de Beauvais, n'ont souscrit qu'après les grands officiers[133].

Ainsi, sans qu'on puisse fixer de dates précises, on peut dire que, vers 1070, les quatre grands officiers sont encore confondus parmi les palatins et les fidèles du roi ; vers 1075, ils n'ont au-dessus d'eux en dignité que les évêques ; en 1092, mais dans un seul diplôme,ils sont d'un degré au-dessus de ceux-ci. Ils ont pris à la cour du roi une importance de plus en plus grande.

Il y a plus encore : les grands officiers de la couronne prennent, à la fin du règne, une place spéciale dans les diplômes, ce qui prouve qu'ils devaient constituer une sorte de ministère royal. Déjà, en 1067, lorsqu'à Chaumont Philippe Ier confirme une charte de Geoffroy, comte d'Anjou, on voit apparaître à la fin de l'acte les noms des quatre grands officiers précédés de la mention hommes du roi (homines régis) et s'opposant aux hommes du comte Baudoin (homines comitis Balduini)[134] : ils composent donc la maison du roi. Dans un diplôme de 1071 pour l'église de Laon, on distingue trois séries de souscriptions réparties en trois colonnes : la première renferme les noms des évêques, la seconde ceux des seigneurs laïques, la troisième enfin ceux des quatre grands officiers auxquels est ajouté Aubri de Coucy, mais ce dernier nom figure probablement par erreur dans la troisième colonne et doit être reporté dans la seconde ; l'original du diplôme est en effet perdu et nous n'en avons qu'une copie du XVIIIe siècle[135]. Ici, les quatre grands officiers de la couronne ont leur place à part. Bientôt, leurs noms vont apparaître encore plus en évidence ; ils suivront immédiatement le texte du diplôme, précédant le monogramme royal, la date, les témoins de la donation, s'il y en a. Dès 1074, dans un diplôme pour l abbaye de Sainte-Colombe de Sens, le chambrier Hugues et le connétable Alard signent aussitôt après le texte du diplôme ; le monogramme royal sépare leurs souscriptions de celles des témoins de la donation, suivies elles-mêmes de celles du roi et de plusieurs comtes ; la date et la souscription du chancelier terminent le diplôme[136]. L'acte par lequel Philippe Ier renonce, en 1079, à certaines coutumes en faveur de l'église des Saints-Gervais-et-Protais d'Orléans est plus explicite encore . après le texte du diplôme, on relève successivement ; 1° les souscriptions des quatre grands officiers ; 2° le monogramme ; 3° la date ; 4° la souscription du chancelier ; 5° des souscriptions diverses[137]. De même une charte pour Marmoutier, en 1082, se termine ainsi : Nous avons fait apposer sur cette charte notre nom et notre sceau, étant présents les hommes de notre palais dont les noms suivent : Galeran, chambrier, Gervais (sénéchal), Thibaud, connétable, Alard, bouteiller. Vient ensuite le monogramme, suivi des noms des témoins de la donation, puis la souscription de Hugues, frère du roi, enfin la date[138]. Dans un acte de 1085, on observe un ordre à peu près analogue : les grands officiers, le roi, Ursion, évêque de Senlis, Pierre, trésorier, Pierre, sénéchal (sans doute de l'évêque), Roger de Châlons, puis la date et la souscription du chancelier, enfin une liste de témoins[139].

Ces divers exemples prouvent que les quatre grands officiers forment dans le palais du roi et dans l'administration une association distincte du reste de la cour et toute-puissante. Cette association, cette sorte de ministère, apparaît même dans certains actes comme omnipotente ; les quatre officiers souscrivent en effet à l'exclusion de toute autre personne. Déjà, dans un acte de 1071, ne figurent avec eux que Hugues, frère du roi, et un comte Hugues[140], dans un acte de 1075 qu'Anne, mère du roi, et Geoffroy de Chaumont, qui avait sollicité le diplôme[141], dans un acte de 1074, que Raoul de Crépy et son fils Simon[142]. La confirmation faite par Philippe Ier, en 1075 ou 1076, d'une donation à Cluny de Guy, comte de Ponthieu, est vraiment décisive : le diplôme se termine par ces mots qui deviendront, à peu de chose près, la formule courante au XIIe siècle : sub testimonio subtitulaturum personarum de palatio nostro, soit Ferri, sénéchal, Hervé, bouteiller, Galeran, chambrier ; le connétable ne figure pas[143], mais il se trouve, avec ses collègues et à l'exclusion de toute autre personne, dans un diplôme pour la Maison-Dieu d'Etampes les Vieilles[144]. Enfin, dans un diplôme pour l'église des Saints-Gervais-et-Protais d'Orléans[145], dans un autre pour la Trinité de Morignyen 1106[146], et dans un troisième relatif à l'église de Saint-Eloi de Paris en 1107[147], on trouve encore les quatre noms seuls et précédés de la formule définitive : astantibiis de palatio nostro quorum nomina subtitulata sunt et signa.

En résumé, pendant le règne de Philippe Ier, les quatre grands officiers, créés par Henri Ier, ont pris dans l'administration une part tout à fait prépondérante, au point de devenir exclusive à la fin du règne. Ce sont les véritables conseillers du roi et les personnages les plus importants de la cour.

Nous avons jusqu'ici laissé de côté une cinquième charge aussi importante et plus ancienne que les deux autres, celle du chancelier. Le chancelier a une place à part dans les diplômes royaux ; il souscrit à la fin, bien qu'il y ait certaines exceptions à cette règle[148]. La principale attribution de son office, à l'époque de Philippe Ier, semble avoir été la rédaction des diplômes royaux ou, tout au moins, la surveillance et la vérification de la rédaction des actes.

Il y a en effet toute une organisation de la chancellerie[149]. Nous avons vu qu'au moment du sacre, Philippe Ier a conféré à l'archevêque de Reims Gervais et à ses successeurs le titre d'archi-chancelier ; mais c'était là un titre purement honorifique qui disparut à la mort de Gervais, en 1067. Le véritable chef de la chancellerie est le chancelier proprement dit. Il a sous ses ordres des vice-chanceliers et des notaires qui remplissent en même temps les fonctions de chapelains du roi, comme Eustache qui, dans les diplômes, s'appelle tantôt notaire, tantôt chapelain du roi, ou comme Geoffroy qui, sous-chapelain, puis chapelain, finit par arriver à la chancellerie. Il y avait donc, à l'époque de Philippe Ier, un lien très étroit entre la chancellerie et la chapelle royale ; le chancelier est à la tête de cette chapelle en même temps qu'il scelle les diplômes royaux et qu'il détient le sceau royal. Cette double fonction exigeait sa présence continuelle auprès du roi, et c'est pour cette raison qu'on voit les divers chanceliers qui se sont succédé accompagner régulièrement Philippe Ier dans ses déplacements.

Les diplômes révèlent la présence au palais d'autres officiers d'un degré inférieur, beaucoup plus effacés dans le gouvernement et l'administration[150]. Il y a d'abord les maréchaux ; nous en connaissons quatre : Guy, Dreux, Oscelin et Floher. Ce sont ensuite les cubiculaires (cubicularii) et les chambellans (camberlani), le maître-queux (coquus), le panetier. Comme nous ne connaissons ces divers personnages que par leurs souscriptions au bas des diplômes royaux, nous ne pouvons spécifier quelles étaient leurs fonctions exactes. Nous noterons seulement que la présence de ces fonctionnaires témoigne que le service du palais devait avoir déjà sous Philippe Ier une certaine importance, puisqu'il exigeait tout un personnel, une familia assez nombreuse.

Ce palais comprend encore d'autres membres : les chevaliers qui accompagnent perpétuellement le roi, les palatins ou curiales ; ils sont les conseillers habituels du roi et participent, avec les officiers de la couronne, à l'administration du royaume. Ce sont eux, et non plus les fidèles, qui, pendant les vingt dernières années du règne, souscrivent, avec les grands officiers, les chartes royales et qui constituent le tribunal du roi. Certaines familles ont ainsi vécu dans l'intimité de Philippe Ier. De 1070 à 1082, Guarin Ridel, chevalier, souscrit un très grand nombre de diplômes ; son fils Geoffroy lui succède auprès du roi qu'il accompagnait encore, en 1106, dans son voyage à Angers. Les Ridel, surtout Guarin, semblent avoir été les conseillers les plus habituels du roi. D'autres familles de simples chevaliers ont également tenu une place assez importante au palais : au début du règne, Garnier et son fils Pierre, Nivard et son fils Geoffroy. De 1082, date à laquelle le nom de Guarin Ridel disparaît des diplômes, à 1094, le personnage qui apparaît le plus souvent dans les chartes est Simon de Neauphle, qui s’intitule aussi chevalier. Enfin, peu de temps avant sa mort, Philippe Ier eut souvent auprès de lui Barthélemy de Poissy et Hugues de Bourgneuf.

Ce sont donc de simples chevaliers qui sont devenus les véritables auxiliaires du roi à l'époque de Philippe Ier. Ce sont eux aussi qui détiennent en général les grandes charges de la couronne. Si l'on examine la liste des grands officiers sous Philippe Ier[151], on voit que les chambriers s'appellent Galeran, Hugues, Humbert, Guy, les bouteillers Engenoul, Guy, Hervé, Milon, les connétables Baudri, Gautier, Alleaume, Henri, Gervais, Thibaud, Gace de Poissy. Aucun d'eux n'appartient à une famille occupant un rang élevé dans la couronne ; tous sont de simples chevaliers.

Il y a cependant une exception à cette règle. Deux familles seigneuriales ont joué un rôle au palais pendant la seconde moitié du règne : ce sont les Rochefort et les Garlande auxquels Philippe Ier a conféré parfois le sénéchalat. Cela paraît surprenant a priori, puisque les seigneurs qui avaient autrefois assisté le roi, comme les comtes de Meulan, de Dammartin et de Beaumont, les sires du Puiset, de Chaumont et de Gometz-le-Châtel, ne viennent plus au palais. Cette situation privilégiée fut une œuvre de politique intérieure : le roi ou, pour mieux dire, le prince Louis cherche à rétablir l'ordre dans le domaine, à réduire certains seigneurs turbulents que Philippe Ier n'avait pas réussi à calmer. Dans cette lutte, les deux rois ont besoin d'alliés ; ils veulent opposer les uns aux autres les seigneurs du domaine ; ils s'appuient successivement sur les Rochefort et les Garlande en leur conférant à la cour de hautes fonctions et spécialement celle qui leur donnait le commandement de l'armée, le sénéchalat.

Nous aurons à revenir sur le rôle si important joué par ces deux familles. Il nous faut, pour le moment, dégager les conclusions qui résultent de cette étude de la cour et du gouvernement de Philippe Ier. Elles se réduisent à deux principales : 1° Le pouvoir royal, qui reposait au début du règne sur le concours des fidèles, grands vassaux et seigneurs avoisinant le domaine, est passé aux mains des curiales qui composent le palais. — 2° Ce palais s'est organisé : les différentes fonctions commencent à se définir et à se spécialiser. Sans doute, ce n'est encore qu'une ébauche d'organisation, mais les successeurs de Philippe Ier vont en tirer parti et continueront sa politique. Philippe Ier, en matière d'administration, a fait de graves innovations, et nous n'hésitons pas à dire que son règne est à cet égard un des plus importants du moyen âge : c'est la transition entre la monarchie féodale des trois premiers Capétiens et l'administration des légistes des XIIe et XIIIe siècles. Ce sont en effet les palatins qui, après s'être recrutés parmi les chevaliers sous Philippe Ier et Louis VI, dans le clergé sous Louis VII, deviendront les bourgeois légistes qui apparaîtront sous Philippe-Auguste et joueront un si grand rôle à l'époque de saint Louis et de Philippe le Bel.

 

 

 



[1] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 162, l. 11-12.

[2] Yves de Chartres, ep. 67. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 100.)

[3] Yves de Chartres, ep. 84. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 107.)

[4] Annales S. Benicti Divionensis, anno MCIV. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 43.)

[5] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XC, p. 233, l. 20.

[6] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXV, p. 191, l. 16.

[7] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXII, p. 335, l. 18.

[8] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVI, p. 271, l. 7 ; n° CLVI, p. 391, l. 4.

[9] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXVII, p. 300, l. 14 ; n° CXXV, p. 317, l. 16 ; n° CXXVI, p. 320, L 26.

[10] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 199, l. 30.

[11] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVIII, p. 347, l. 28. Ce palais de Melun devait être assez récent, car il est appelé novum palatium.

[12] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LVII, p. 152, l. 18 ; n° LVIII, p. 154, l. 3.

[13] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVIII, p. 276, l. 15.

[14] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVI, p. 226, l. 17 ; n° CLIV, p. 388, l. 25.

[15] Raoul Tortaire, Miracula S. Benedicti, l. VIII, c. XXVI. (Ed. de Certain, p. 320.)

[16] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXVI, p. 344, l. 26.

[17] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXII, p. 309, l. 23.

[18] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXII, p. 98, l. 19.

[19] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXV, p. 191, l. 19.

[20] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVI, p. 105.

[21] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXX, p. 329.

[22] L'identification de cette villa est impossible.

[23] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLIII, p. 120.

[24] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIX, p. 304, l. 1.

[25] Cf. Carlier, Histoire du duché de Valois, t. I, p. 301.

[26] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LI (1070), p. 139, l. 8 ; n° LX (1071), p. 159, l. 25 ; n° LXI (1071), p. 162, l. 16 ; n° LXII (1072), p. 165, l. 20 ; n° LXV (1073), p. 172, l. 3 ; n° LXVI (1074), p. 173, l. 9.

[27] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII (1075), p. 199, l. 22 ; n° LXXXVI (1077), p. 226, l. 8 ; n° CXXX, p. 331, l. 16.

[28] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLVII, p. 395, l. 1 : n° CLVIII, p. 396, l. 24.

[29] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLI, p. 352, l. 8 ; n° CLVIII, p. 412, l. 18.

[30] Voir en particulier la lettre 50 à Richard, archevêque de Sens. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 87.)

[31] Yves de Chartres, ep. 87. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 109.)

[32] Yves de Chartres, ep. 50. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 88.)

[33] Guibert de Nogent, Gesta Dei per Francos, l. II, c. VII. (Migne, Patr. Lat., t. CLVI, col. 74.)

[34] Aubri de Trois-Fontaines, année 1061. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 793.)

[35] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIII, p. 266, l. 13.

[36] Annales S. Benigni Divionensis, anno MLXI. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 42.)

[37] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX (1067), p. 93, l. 9 ; n° XXXIX (1068), p. 113, l. 1 ; n° XLIII (1069), p. 123, l. 10 ; n° LI (1070), p. 139, l. 7 ; n° LIV (1071), p. 145, l. 14 ; n° LXXVI (1075), p. 193, l. 8 ; n° LXXVIII (1075), p. 199, l. 24 ; n° XCIV (1079), p. 244, l. 17 ; n° CVI (1082), p. 272, l. 3 ; n° CVII (1082), p. 273, l. 26 ; n° CXXXII (1094), p. 336, l. 16.

[38] Cf. Guibert de Nogent, Gesta Dei per Francos, l. VI, c. II (Migne, Patr. Lat., t. CLVI, col. 770), et l. VIII, c. V. (Ibid., col. 813.)

[39] Luchaire, Manuel des institutions françaises, p. 494.

[40] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVI, p. 226, l. 17.

[41] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 226, l. 15-17.

[42] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 226, l. 9-13.

[43] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIII et LXXXIV. Nous reviendrons d'ailleurs sur ces événements à propos des rapports de Philippe Ier avec la Normandie.

[44] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIX, p. 113, l. 9.

[45] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVII, p. 174, l. 27.

[46] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXII, p. 214, l. 18.

[47] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVI, p. 272, l. 6.

[48] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXX, p. 306, l. 23.

[49] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXV, p. 343, l. 18-31.

[50] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX, p. 93-94.

[51] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXIX, p. 90-91.

[52] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXII, p. 98-99.

[53] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLVIII, p. 132, l. 4-15 ; n° LX, p. 158-160 : n° LXIII, p. 168, l. 17-23 ; n° LXX, p. 180-181.

[54] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LVII, p. 152, l. 22-26 : n° LVIII, p. 154, l. 7-12.

[55] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXVII, p. 299, l. 6-16.

[56] On trouve de même les souscriptions des quatre grands officiers à la suite de celles des évêques dans un diplôme pour Saint-Amé de Douai, délivré au concile de Senlis en février 1076. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXI, p. 210-211.)

[57] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 198, l. 36-37.

[58] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 162-163.

[59] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVII, p. 321.

[60] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 323, l. 7.

[61] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 184, l. 27-29.

[62] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCV, p. 248, l. 7-9.

[63] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXV, p. 290, l. 11-15.

[64] Pour la liste des diplômes auxquels ont souscrit ces divers personnages, nous renvoyons à la table analytique du Recueil des actes de Philippe Ier de M. Prou.

[65] Pour la date de la mort de ce personnage, voir Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 307, n. 1.

[66] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXIX, p. 91, l. 4.

[67] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVI, p. 272, l. 15.

[68] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIX, p. 112, l. 3-5.

[69] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXYII, p. 323, l. 10.

[70] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVI, p. 270.

[71] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIX, p. 397.

[72] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVII, p. 107.

[73] Cf. aussi deux bulles du pape Alexandre II (Jaffé, n° 4573 et 4586) où il est question du jugement du roi et de ses optimales. Ces deux bulles remontent à l'année 1065.

[74] Cf. Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. I, p. 286.

[75] Yves de Chartres, ep. 23 (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 78).

[76] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XL, p. 114.

[77] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXVII, p, 297.

[78] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX, p. 93, l. 1-3.

[79] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXII, p. 98, l. 9-11.

[80] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVIII, p. 110, l. 17-18.

[81] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLI, p. 118, l. 17-18.

[82] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LX, p. 158, l. 1-4.

[83] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 164, l. 18.

[84] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVI, p. 173, l. 5-6.

[85] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXX, p. 180, l. 23-27.

[86] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCI, p. 235, l. 33-34, et p. 236, l. 1-2.

[87] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCV, p. 248.

[88] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LII, p. 141, l. 10-12.

[89] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LVII, p. 152, l. 15-18.

[90] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXV, p. 171, l. 25.

[91] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIX. p. 232, l. 8-12.

[92] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIV, p. 244. l. 10 et suivi

[93] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CI, p. 262, l. 18-22 ; n° CIII, p. 266, l. 18-20 ; n° CVIII, p. 275, l. 22-23, et p. 276, l. 1-15 ; n° CXVIII, p. 301, l. 22.

[94] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLII, p. 353, l. 14.

[95] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLVII, p. 374, l. 4-6.

[96] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XL, p. 116, l. 27.

[97] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXV, p. 104, l. 11-12.

[98] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXVIII, p  110, l. 15.

[99] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLIV, p. 124, l. 13-14.

[100] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVII, p. 174, l. 16-17.

[101] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIX, p. 399, l. 13.

[102] Pour la liste des grands officiers, nous renvoyons à Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, c. IV, 21, 26 (Voir en particulier le tableau de la succession des grands offices, p. CXLVIII-CLI.)

[103] Cf. Pfister, Etudes sur le règne de Robert le Pieux, p. 147.

[104] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LV, p. 147, l. 20.

[105] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIII, p. 100, l. 18 ; n° XXXIV, p. 102, l. 19.

[106] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIV, p. 221, l. 1-2.

[107] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIV, p. 244, l. 15.

[108] Nous nous rallions pleinement à cette hypothèse de M. Prou. (Recueil des actes dé Philippe Ier, introduction, p. CXLV-CXLVI.)

[109] Suger, Vita Ludovici, c. VIII. (Ed. Molinier, p. 18.)

[110] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXIII, p. 215 ; n° LXXXIV, p. 217.

[111] Luchaire, Histoire des institutions monarchiques, t. I, p. 164.

[112] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXX (1067), p. 94, l. 5 ; n° L (1069-70), p. 137, l. 3.

[113] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIV (1067), p. 102, l. 17-18.

[114] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 165, l. 6.

[115] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 162, l. 16-22.

[116] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXX, p. 206, l. 25-26 ; n° LXXXI, p. 210, l. 34.

[117] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCI, p. 236, l. 5-7.

[118] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVII, p. 273, l. 22-23.

[119] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIII, p. 287, l. 4-5.

[120] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLIX, p. 379, l. 19-21.

[121] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIV (1067), p ; 102, l. 18-19 ; n° L (1069-70), p. 137, l. 2.

[122] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLVI, p. 128, l. 18-19.

[123] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° L, p. 137, l. 2.

[124] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXII, p. 165, l. 6.

[125] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LI, p. 139, 1.9-10.

[126] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXV, p. 172, l. 2-4.

[127] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XLIII, p. 123, l. 11-14.

[128] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXI, p. 210, l. 34, et p. 211, l. 1.

[129] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LII, p. 142, l. 4-6.

[130] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXXVI, p. 226, l. 13-15.

[131] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 199, l. 11-27.

[132] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCIV, p. 244, l. 15-16.

[133] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXVIII, p. 326, l. 16-20.

[134] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XXXIII, p. 100, l. 18-20.

[135] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXI, p. 162, l. 16-22.

[136] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVII, p. 174, l. 19 et suiv.

[137] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVII, p. 252, l. 7-17.

[138] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CVII, p. 273, l. 22-30.

[139] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIII, p. 287, l. 4-13.

[140] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LIV, p. 145, l. 14-16.

[141] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXV, p. 191, l. 19 21.

[142] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXVI, p. 173, l. 9-12.

[143] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXIX, p. 202, l. 18-19.

[144] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXIV, p. 288, l. 22-23.

[145] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVII, p. 251, l. 21-22, et p. 252, l. 7-8. — On trouve déjà la formule dans un diplôme de 1077 (n° LXXXVII, p. 228, l. 7-8), mais d'autres personnes que les officiers ont souscrit. De plus, dans ces deux diplômes, la formule ne se trouve pas encore à la fin, immédiatement avant les souscriptions.

[146] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLIV, p. 388, l. 22-24.

[147] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLXI, p. 403, l. 24-28.

[148] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, IV, 33, p. CLXXV-CLXXVII.

[149] En ce qui concerne l'organisation de la chancellerie, nous renvoyons, pour plus de détails, à Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, III, p. XLVIII et suiv., que nous ne faisons que résumer.

[150] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, IV, 27, p. CLI-CLIII.

[151] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, introduction, IV, 26, p. CXLVIII-CLI.