I Quelque temps après sa sortie de tutelle, Philippe Ier épousa Berthe, fille de Florent Ier, comte de Hollande, et de Gertrude de Saxe[1]. Florent, qui, en 1048, avait succédé à son frère Thierry, avait eu de son mariage avec Gertrude trois enfants, Thierry V, qui lui succéda en 1062, Florent et Mathilde, dite Berthe[2]. Aimoin[3], Suger[4], la chronique de Vézelay[5], rappellent que Berthe était la sœur de Robert, comte de Flandre ; Berthe était en effet sœur utérine de Robert II, dit de Jérusalem, comte de Flandre, fils de Robert le Frison[6]. Robert le Frison, obligé par son père de quitter la Flandre, avait dû se retirer en Frise, et là, il avait épousé la veuve de Florent, comte de Hollande, Gertrude, mère de Berthe[7], qui se trouvait ainsi la sœur utérine des enfants que Robert eut à son tour de Gertrude. On ignore la date exacte du mariage de Philippe Ier avec Berthe de Hollande. Dom Brial remarque avec raison[8] qu'il est antérieur à 1075, puisque nous avons un diplôme pour Tournus de cette année-là avec la souscription de la reine Berthe[9]. Il y a cependant un renseignement précis dans Hugues de Fleury[10] : c'est que le mariage n'a eu lieu qu'après la mort de Baudoin, tuteur de Philippe Ier, survenue le 1er septembre 1067, et sur le conseil de Robert le Frison. Le continuateur de Guillaume de Jumièges affirme que Robert ne donna sa belle-fille au roi de France que pour lui faire perdre ses droits à la succession de son père et garder le comté de Hollande ; ce chroniqueur oublie que Florent avait laissé un fils qui régnait sous la tutelle de sa mère[11]. Il n'en est pas moins vrai que Robert aurait pris l'initiative de ce mariage. Reste à savoir s'il faut le placer avant ou après la guerre de Flandre de 1071[12]. D'après Hériman de Tournai, il serait postérieur à la guerre, puisque Robert, dit-il, gouvernait pacifiquement la Flandre et était tellement puissant qu'il maria sa belle-fille au roi de France Philippe[13]. Il est donc assez vraisemblable que c'est au moment où la paix fut signée entre Robert et Philippe, c'est à-dire en 1072, et comme pour la sceller, que fut conclu le mariage entre celui-ci et Berthe, belle-fille de Robert[14]. C'est d'ailleurs ce que disent positivement Guillaume de Malmesbury et Aubri, de Trois-Fontaines : Robert le Frison fit la paix avec le roi Philippe et lui donna sa belle-fille en mariage[15]. Ce mariage demeura longtemps stérile. Le roi, qui s'en désolait, envoya d'illustres personnages vers un reclus de l'abbaye de Saint-Médard, un des plus saints serviteurs de Dieu, Arnoul ; il alla même le trouver en personne et lui demanda d'implorer la miséricorde du Seigneur pour qu'il fît naître le fils tant désiré ; il allégua l'intérêt du royaume, la nécessité de donner à l'Eglise un défenseur qui continuerait à la protéger après sa mort. Le moine se refusa longtemps à adresser des prières au ciel : il se méfiait, dit son biographe, de la faveur des grands de la terre ; il craignait d'être détourné de la rigueur de ses pieux exercices. Cependant le vénérable évêque de Soissons et d'autres personnages, dont on ne pouvait suspecter l'esprit religieux, intervinrent : ils finirent par persuader au moine qu'en priant Dieu de donner un fils à la mère, il se rendrait agréable aux yeux du Seigneur. Il accepta donc ; la reine, toute joyeuse de la nouvelle, se croit déjà assurée de devenir mère ; elle envoie demander au moine quand l'heureux événement se produira. Arnoul, touché de la foi et de la confiance de Berthe, lui recommanda de répandre les aumônes autour d'elle, lui rappelant que les prières des pauvres faisaient en quelque sorte violence à la volonté divine. La reine obéit ; elle fit servir aux pauvres des repas quotidiens, convaincue que les prières du serviteur de Dieu ne pourraient être vaines[16]. Quelque temps après, l'évêque Thibaud étant mort, Arnoul fut élu à sa place[17]. Il devait être consacré à Die par Hugues, évêque de cette ville et légat du pape. De Soissons il gagna Vertus, où le comte Thibaud vint à sa rencontre. C'est alors qu'Arnoul déclara que la reine était enceinte. Il fit venir un moine du nom d'Ostermarus et lui dit : En nous quittant, vous irez à Paris trouver la reine Berthe en notre nom et vous lui annoncerez une grande joie ; elle porte dans ses flancs un fils qu'elle appellera Louis et qui, après son père, gouvernera le royaume de France. Elle aura de la peine à vous croire, car l'enfant n'a pas encore révélé sa présence par ses mouvements, mais vous lui direz que, d'ici peu, elle saura ce qu'elle porte en elle. Le moine prit joyeusement le chemin de Paris et transmit à la reine cet heureux message. Cinq jours après, l'enfant commençait à remuer[18]. Ceci se passait en 1081, année à laquelle le biographe d'Arnoul rapporte la naissance de Louis le Gros[19], sans doute vers le milieu de l'année, puisqu'Arnoul fut sacré à Die le 19 décembre 1081[20]. Nous nous rallions donc, avec M. Luchaire[21], à la date de 1081 pour la naissance de Louis le Gros. Le récit de la vie de saint Arnoul est confirmé par la chronique de Saint-Pierre-aux-Monts, à Châlons-sur-Marne[22], et par Aubri de Trois-Fontaines[23]. Nous ne croyons pas qu'il faille tenir compte du témoignage très vague de Suger[24], d'après lequel Louis le Gros mourut le 1er août 1137, presque sexagénaire (ferme sexagesimo auno). Nous admettons aussi qu'il ne faut pas accorder plus d'autorité à la chronique de Saint-Maixent qui ferait remonter la naissance de Louis le Gros jusqu'en 1073[25]. Une objection plus sérieuse pourrait venir d'un diplôme de Philippe Ier pour Saint-Vincent de Laon, antérieur à la mort de Thibaud, évêque de Soissons, dont il était question dans la vie de saint Arnoul, c'est-à-dire au 26 janvier 1080[26]. Le roi exprime le désir d'avoir une part dans les prières des moines de Saint-Vincent, ainsi que sa femme et sa progéniture[27]. L'original de ce diplôme ne nous est pas parvenu ; nous n'en avons que des copies du XVIIIe siècle : or plusieurs de ces copies, au lieu de cum uxore et prole, portent cum uxore et plebe[28]. C'est cette leçon qu'il faut évidemment adopter, et ainsi le diplôme pour Saint-Vincent de Laon n'est plus en contradiction avec le témoignage si positif et si vraisemblable de la Vie de saint Arnoul. Après avoir donné le jour à Louis, puis à une fille, Constance, la reine Berthe fut répudiée par Philippe Ier, on ne sait pour quelle cause ou sous quel prétexte. Elle fut reléguée dans le Ponthieu ; l'auteur de la Vie de saint Arnoul est d'accord sur ce point avec le continuateur d'Aimoin, qui est plus précis encore : la reine, dit-il, fut exilée à Montreuil-sur-Mer qu'elle avait reçu en dot lors de son mariage[29]. D'après Clarius, elle mourut en 1094[30]. II La répudiation de Berthe est connexe de l'enlèvement par Philippe Ier de Bertrade de Montfort, épouse du comte d'Anjou. II faut noter cependant pour mémoire toute une légende merveilleuse contée par Geoffroy Malaterra dans son Historia Sicula, d'après laquelle Philippe Ier aurait un moment pensé à épouser Emma, fille du comte Roger de Sicile. Vers 1089, dit le chroniqueur[31], le roi de France, Philippe, qui avait pour légitime épouse Berthe, d'illustre naissance, dont il avait eu un fils du nom de. Louis, commença à éprouver du dégoût pour elle et songea à la répudier, contrairement aux lois de l'Église ; il ne pouvait rien lui reprocher et prétextait un lien de parenté qui n'existait pas. Il envoya des ambassadeurs au comte Roger de Sicile pour lui demander en mariage sa fille Emma, jeune fille d'une grande beauté, que Roger avait eue d'un premier lit. Le comte, ne se rendant pas compte que Philippe le trompait au sujet de sa légitime épouse, donna son consentement au mariage ; à l'époque fixée, il arma des vaisseaux et fit conduire sa fille, avec de riches trésors, à Saint-Gilles, où le roi devait venir la prendre. Roger avait grande confiance dans le comte de cette province, Raymond, et comptait qu'il remettrait sa fille au roi, car Raymond avait lui-même épousé une autre fille de Roger. Philippe, mal conseillé, avait décidé maintenant de garder les trésors et de ne pas épouser la jeune fille. Le comte Raymond, de son côté, ayant compris la ruse du roi, en médita une autre ; il marierait la fille de Roger à un autre que Philippe, en gardant tout l'argent pour lui. Mais les prudents guerriers à qui le comte avait confié sa fille comprirent eux aussi tout ce qui se tramait ; ils laissèrent Emma à son beau-frère et retournèrent en Sicile avec les trésors. Raymond se trouva frustré de ce qu'il espérait ; il n'en maria pas moins la jeune fille au comte de Clermont. Tout s'arrangeait donc pour le mieux. Roger n'avait pas eu à subir l'outrage qu'avait voulu lui infliger Philippe Ier. Geoffroy Malaterra est le seul chroniqueur qui ait raconté cette histoire, assez fantastique, même si l'on tient compte de l'avidité et des besoins financiers de Philippe Ier ; il n'y a donc pas lieu de l'admettre et il faut la reléguer au rang d'une pure légende. Ce qui est certain, c'est que les chroniques présentent la répudiation de Berthe comme ayant été suivie presque immédiatement de l'enlèvement par Philippe Ier de Bertrade de Montfort, épouse du comte d'Anjou. Les deux faits doivent se suivre de très près chronologiquement, mais la date en est assez difficile à déterminer. En 1092, dit Clarius, le roi Philippe renvoya sa très noble femme, qui lui avait donné son fils Louis, et prit pour épouse Bertrade qui avait abandonné Foulque, comte d'Anjou[32]. La chronique de Saint-Martin de Tours rapporte l'événement à l'année 1093, trente-septième année de l'empereur Henri et trente-troisième du roi Philippe[33]. La trente-septième année de l'empereur Henri IV s'étend du 5 octobre 1092 au 4 octobre 1093, la trente-troisième année de Philippe Ier du 4 août 1092 au 3 août 1093, si l'on compte les années du règne à partir de la mort de Henri Ier ; les dates concordent dans ces conditions et il faudrait placer l'enlèvement de Bertrade à la vigile de la Pentecôte de l'année 1093. Clarius et la chronique de Tours se contredisent ; auquel faut-il ajouter foi ? Sans aucun doute, c'est à Clarius. Non seulement la chronique de Saint-Martin de Tours est plus sujette à caution, puisqu'elle a dû être rédigée près d'un siècle après celle de Clarius, mais il y a un témoignage qui fait autorité : c'est une charte de donation par Raoul de Beaugency à Marmoutier de la villa Caisninam, faite à l'abbé Bernard dans la maison des moines, à Chouzy, au mois de mai, l'année où Philippe, roi de France, prit pour femme Bertrade, épouse de Foulque, comte d'Anjou, à savoir l'an de l'Incarnation 1092[34]. Il faut conclure de là qu'à la fin de mai 1092 l'enlèvement de Bertrade, sinon son mariage avec Philippe Ier, était un fait accompli. Or, selon la chronique de Saint-Martin de Tours, c'est la veille de la Pentecôte, à Tours, dans l'église Saint-Jean, pendant que les chanoines faisaient la bénédiction des fonts baptismaux, que Philippe enleva à Foulque son épouse. La veille de la Pentecôte, en 1092, étant le 15 mai, il faut admettre que le chroniqueur de Saint-Martin s'est trompé d'une année ; en complétant Clarius et la charte de Raoul de Beaugency par les indications de jour que fournit la chronique de Tours, on peut s'arrêter à la date du 15 mai 1092 pour l'enlèvement de Bertrade. D'après cette dernière chronique, il semblerait que ce soit Philippe qui ait eu l'idée de l'enlèvement et il n'est pas dit qu'il ait agi de connivence avec Bertrade. C'est bien aussi la version donnée par la chronique de Pierre Béchin[35], par Richard de Poitiers[36], par Bernard Guidon[37]. Le continuateur d'Aimoin reproche à Philippe Ier d'avoir été l'esclave de sa passion, ce qui ne convient pas à un personnage si haut placé[38]. Guillaume de Malmesbury semble au contraire indiquer que Philippe a agi moins par passion pour Bertrade que par dégoût de Berthe, qu'il trouvait trop grosse[39]. Quant au lieu du rapt, l'Historia regum Francorum monasterii Sancti Dionysii[40] comme les Gestes des seigneurs d'Amboise[41] sont d'accord avec la chronique de Saint-Martin de Tours pour indiquer cette ville comme ayant été le théâtre de l'enlèvement ; mais, d'après les Gestes des seigneurs d'Amboise, c'est la nuit et à la dérobée que Philippe s'en alla avec Bertrade ; dans ce cas, il semble bien qu'il eût fallu la connivence de l'épouse infidèle. Or, d'après Orderic Vital, c'est Bertrade elle-même qui aurait fait les premières avances à Philippe. Voici le récit qu'il fait de la scène[42] : Vers ce temps-là, dit-il, le royaume fut troublé par un crime honteux. Bertrade, comtesse d'Anjou, craignant que son mari n'agît avec elle comme il avait fait avec deux autres[43] et ne l'abandonnât comme une vile courtisane, ayant d'autre part conscience de sa noblesse et de sa beauté, envoya un homme de confiance vers Philippe, roi de France, pour lui révéler ses projets : elle aimait mieux abandonner son mari et en prendre un autre que d'être abandonnée par lui et exposée au mépris de tous. Le roi, qui était faible, ne sut résister au désir de cette femme voluptueuse et consentit au crime. Bertrade, quittant son mari, gagna la France, où Philippe la reçut avec joie. II répudia alors sa noble et sainte épouse Berthe, fille de Florent, duc de Frise, qui avait mis au monde Louis et Constance, et épousa Bertrade. C'est donc Bertrade qui serait venue à Philippe, et la répudiation de Berthe aurait été simplement déterminée par la faiblesse du roi à la vue de Bertrade. Guillaume de Malmesbury affirme aussi que celle-ci abandonna son mari et alla trouver le roi, mais tandis que, d'après Orderic Vital, elle craignait surtout d'être délaissée par lui, selon l'historien anglais, c'est l'ambition qui détermina son acte[44]. Aubri de Trois-Fontaines donne la même version, mais il dit que Bertrade était abandonnée par son mari et que Philippe avait déjà répudié à ce moment-là Berthe de Frise[45]. Citons enfin Guillaume de Tyr, qui montre également Bertrade quittant son mari et allant trouver le roi[46]. La vérité semble être plutôt dans les Gesta consulum Andegavensium. Le roi Philippe, dit cette chronique, assez enclin à la passion, vint à Tours ; il s'entretint avec la femme de Foulque et décida de la faire reine. Cette femme perverse abandonna son mari la nuit suivante, rejoignit le roi, qui avait laissé à Maindray[47], près du pont du Beuvron, une escorte de chevaliers pour la conduire à Orléans[48]. Philippe se serait donc épris de Bertrade qui ne lui opposa aucune résistance. Cette version concilie les différents témoignages que nous avons analysés. Foulque ressentit, comme on le pense, une vive indignation de l'abandon de Bertrade. Au début, il la manifesta avec violence, rappelant jusque dans les chartes que la France était alors souillée par l'adultère de Philippe, roi indigne[49]. Il se consola cependant assez vite puisqu'en 1106 Philippe et Bertrade vinrent à Angers ; leur présence y est attestée, le 11 octobre 1106, par deux diplômes[50], et une continuation des chroniques de Saint-Aubin d'Angers nous apprend que le comte Foulque, entouré de nombreux clercs et laïques, les reçut magnifiquement[51]. Orderic Vital raconte que c'est Bertrade elle-même qui réconcilia Philippe et Foulque. Au début, ils auraient échangé des menaces et auraient fait des préparatifs de guerre. Cette femme, qui tenait de la courtisane, rétablit l'accord entre les rivaux, au point de les faire participer tous deux à un splendide festin qu'elle avait préparé[52]. Philippe dut aussi se défendre contre le comte de Flandre, qui avait à venger l'affront fait à Berthe, sa sœur utérine. On lit dans les Gestes de Lambert, évêque d'Arras, que, devant aller à Rome en 1093, pour recevoir la consécration du pape, Lambert n'osait traverser la France, à cause de la haine entre le roi et Robert II, fils de Robert le Frison[53]. Après la répudiation de Berthe et l'enlèvement de Bertrade, il ne restait plus à Philippe qu'à faire bénir par l'Église son nouveau mariage. Il convoqua les évêques de France à Paris pour cette solennité[54]. Cependant il fallait auparavant obtenir leur approbation et surtout en trouver un qui consentît à consacrer le mariage. Il n'est pas douteux, d'après les lettres d'Yves de Chartres, que le roi ne se soit heurté en général à une très vive opposition de l’épiscopat français. Philippe chercha d'abord à gagner Yves, sachant qu'il jouissait dans l'Eglise de France d'une grande autorité et pensant que, si Yves consentait à bénir le mariage, la plupart des évêques viendraient le sanctionner par leur présence. Il fit donc venir l'évêque de Chartres, le pria de l'assister dans son mariage avec Bertrade. Yves déclina cette offre, puisque l'affaire pendante entre le roi et son épouse légitime n'avait pas été jugée. Philippe affirma que la cause avait au contraire été tranchée par l'autorité apostolique et que la sentence avait été approuvée par l'archevêque de Reims et ses suffragants. Yves répondit qu'il l'ignorait et déclara qu'il ne consentirait à assister au mariage que si l'archevêque de Reims venait le bénir et le consacrer, assisté de tous ses suffragants ; c'est à lui, disait-il, et à son Église que revient ce droit, en vertu de l'autorité apostolique et d'une antique coutume. Yves écrivit à l'archevêque de Reims pour lui faire le récit de cette entrevue et lui demander si réellement les évêques de la province de Reims avaient cassé le mariage de Philippe et de Berthe[55]. Il ajoutait, à la fin de cette lettre : Puisque j'ai confiance en votre religion et que je suis persuadé qu'en une circonstance périlleuse, si dangereuse pour votre réputation personnelle et pour l'honneur du royaume, vous ne ferez rien qui ne s'appuie sur l'autorité ou la raison, je vous supplie instamment et très dévotement de mettre un terme à mes hésitations en cette affaire, de me donner un saint conseil, même s'il doit m'exposer à de graves ennuis. J'aime mieux perdre mon office, mon titre d'évêque, que de scandaliser par une prévarication le petit troupeau qui m'est confié. Il y a de plus des raisons cachées, que, pour le moment, il vaut mieux taire, pour lesquelles je ne puis approuver ce mariage. L'attitude d'Yves est donc très nette : elle a toujours été la même en face des adultères ; la même année 1092, il écrivait à Roger, cardinal de l'Eglise romaine[56], pour lui reprocher de préparer la réconciliation avec l'Eglise de Simon de Melfa, qu'il avait excommunié et qui persévérait dans son adultère. Nous n'avons pas la réponse de l'archevêque de Reims, mais
il est infiniment probable qu'elle ne fut pas favorable au roi et que Renaud
ne voulut pas prêter son ministère à ce mariage adultérin. Yves persista dans
son refus et il écrivit au roi[57] : : Ce que j'ai dit de vive voix à votre sérénité avant votre
serment[58], je le lui affirme maintenant par écrit ; je neveux pas,
je ne puis pas assister à la solennité du mariage, à laquelle vous m'invitez,
si je n'apprends auparavant qu'un concile général a décrété qu'un divorce
légal était intervenu entre vous et votre épouse et que vous pouvez
contracter un mariage légal avec celle que vous voulez épouser. Si j'avais
été invité à une discussion à ce sujet en un lieu où j'eusse pu examiner en
toute sûreté avec mes co-évêques les sentences canoniques, sans avoir à
craindre une multitude téméraire, j'y serais venu bien volontiers ; j'aurais
écouté, parlé et agi, ainsi que tous mes confrères, conformément à la loi et
à la justice. Mais maintenant, puisque je reçois l'ordre de venir à Paris
avec votre femme, de laquelle je ne sais si elle est votre épouse, en ma
conscience, devant Dieu, soucieux de la bonne réputation que doit conserver
un prêtre du Christ devant le monde, j'aime mieux être plongé dans les profondeurs de la mer avec une meule[59] que de choquer par mon aveuglement les esprits des
faibles. En parlant ainsi, j'estime que je ne manque pas à la fidélité que je
vous dois, mais que, au contraire, je vous donne la plus grande marque de
fidélité parce que je considère ce mariage comme un obstacle pour le salut de
votre âme et un grand danger pour votre royauté. Puis Yves, invoquant
les saintes Écritures, rappelle au roi ce qu'ont souffert Samson et Salomon
pour s'être laissé entraîner à des amours immodérées. Il résulte de cette lettre d'Yves de Chartres que Philippe Ier n'avait nullement cédé aux remontrances de l'évêque et que, après avoir échoué auprès de lui, il avait maintenu sa convocation des évêques à Paris. Yves supplia les évêques de se montrer énergiques, de ne pas avoir peur de représailles possibles de la part du roi, et il leur communiqua la lettre qu'il venait d'adresser à Philippe Ier[60]. Son appel ne fut pas entièrement écouté. L'assemblée de Paris se tint et le mariage fut célébré. Mais que se passa-t-il au juste et par quel évêque fut consacrée l'union de Philippe et de Bertrade, c'est ce qu'il est plus difficile de déterminer, en présence des contradictions des historiens. Orderic Vital prétend qu'aucun évêque de France — et par là il faut entendre le domaine royal — ne consentit à consacrer une union aussi répréhensible, mais, se tenant à la rigueur de la discipline ecclésiastique, tous aimèrent mieux plaire à Dieu qu'à l'homme et réprouvèrent à l'unanimité ce honteux concubinat qu'ils frappèrent d'anathème[61]. Ce passage d'Orderic contient plusieurs erreurs : d'abord l'anathème, comme nous le verrons, ne fut prononcé que plus tard et c'est le pape Urbain II qui en prit l'initiative. De plus, Orderic Vital est en contradiction formelle avec une lettre adressée, le 27 octobre 1092, par le même Urbain II à Renaud, archevêque de Reims et à ses suffragants[62]. Le pape reproche aux évêques un tel crime qui rejaillit en infamie sur eux tous[63]. Renaud et la plupart de ses suffragants avaient donc très probablement assisté à l'assemblée de Paris. Aussi ne peut-on accorder beaucoup plus d'autorité au témoignage d'Orderic Vital quand il dit que c'est Odon, évêque de Bayeux, qui bénit ce détestable mariage et reçut, en récompense, du roi adultère les églises de Mantes[64], Orderic est ici en contradiction avec Guillaume de Malmesbury qui accuse l'archevêque de Rouen, Guillaume, d'avoir donné la bénédiction nuptiale aux époux ; en punition de sa faute, il aurait été interdit de ses fonctions pendant plusieurs années[65]. Mais, comme le remarque Leprévost[66], la suspension de l'archevêque de Rouen par Pascal II est très postérieure au mariage de Philippe et de Bertrade. Hugues de Flavigny, qui rédigeait la chronique de Verdun
dans le temps même du mariage, écrit : le roi trouva des évêques qui
s'associèrent à lui dans la perpétration du sacrilège et en furent les
maîtres, à savoir Philippe, évêque de Troyes, et Gautier, évêque de Meaux ;
ce dernier n'obtint même son évêché que pour avoir consenti à assister
l'évêque de Troyes qui bénit l'union[67]. Cette dernière
assertion est inexacte, car Gautier était pourvu de l'évêché de Meaux dès
1085. De plus, nous savons par une lettre d'Yves de Chartres que Gautier,
évêque de Meaux, encourut la disgrâce du roi pour ne pas avoir approuvé le
mariage : Vous voulez, écrit Yves[68], que je travaille à vous faire rentrer en grâce avec le roi
; je réponds avec le poète comique que j'ai plus besoin que tout autre d'un
intercesseur auprès de lui. Le meilleur conseil que je puisse vous donner, maintenant
que le mariage est consommé, c'est de n'y donner en aucune manière votre
consentement, par la même raison que vous n'avez cru devoir l'approuver avant
qu'il fût fait ; mais attendez patiemment et étudiez avec soin quel parti
prendront les évêques de votre province et ceux des autres, et résignez-vous,
s'il est besoin, à souffrir quelque chose pour la justice et pour une si
bonne cause. Ce qui explique le texte de Hugues de Flavigny, c'est
qu'il résulte de la même lettre que, plus tard, après la mort de la reine
Berthe, Gautier chercha à justifier la conduite du roi et à trouver dans les
docteurs de l'Eglise des passages qui autorisaient les concubines à devenir
des épouses légitimes ; Yves répond précisément à son argumentation. Par suite de cette erreur, il est difficile de croire Hugues de Flavigny quand il affirme que c'est Philippe, évêque de Troyes, qui maria Philippe et Bertrade. Ce qui achève d'ailleurs de détruire l'autorité de son témoignage, c'est la lettre du pape Urbain II, datée du 27 octobre 1092, que nous avons précédemment citée. Nous avons vu de quels reproches Urbain II accable Renaud, archevêque de Reims et ses suffragants. ,Il incrimine particulièrement l'archevêque, parce que, dit-il, c'est l'évêque de Senlis, Ursion, qui a donné à cet adultère la bénédiction de l'Eglise[69]. Il y a bien dans la lettre les mots ut audivimus, comme nous l'avons appris ; ce n'est donc pas une certitude absolue ; toutefois il nous paraît impossible que, dans une lettre aussi solennelle, le pape, sans être bien renseigné, eût osé accuser un évêque et rendre l'archevêque de Reims responsable de la faute de son suffragant[70]. C'est donc Ursion, évêque de Senlis, qui a célébré le mariage devant plusieurs évêques français ; par leur présence ils ont donné leur assentiment à l'adultère du roi Philippe. Yves de Chartres persista dans son attitude hostile. Aussi, soit avant, soit après la célébration du mariage, Philippe Ier le fit jeter en prison[71]. La chronologie de tous ces événements est difficile à établir ; les chroniques ne donnent aucune date précise et les lettres d'Yves de Chartres présentent également de graves lacunes à ce sujet. Ce qu'on sait, c'est qu'Yves était sorti de prison le 24 août 1093, puisque ce jour-là il donna la consécration abbatiale à Geoffroy, abbé de Vendôme, ainsi que le rapporte la chronique de cette ville[72]. D'autre part, il était en prison au mois d'octobre 1092. Dans une lettre à Houel, évêque du Mans[73], il témoigne son regret de n'avoir pu assister à la translation des reliques de saint Julien faite par Houel dans sa cathédrale. Cette translation, d'après les Gestes des évêques du Mans, aurait eu lieu le 17 octobre 1093, huitième année de l'épiscopat de Houel[74]. Houel ayant été consacré, d'après la même chronique, le 21 avril 1085, la huitième année de son épiscopat s'étend du 21 avril 1092 au 21 avril 1093 ; c'est donc le 17 octobre 1092 et non 1093 qui se trouve dans la huitième année et c'est en1092 qu'eut lieu la translation. Comme Yves annonce à Houel dans la même lettre qu'il va bientôt sortir de prison, il est probable que sa libération eut lieu à la fin d'octobre 1092. A cette époque-là, le mariage de Philippe Ier et de Bertrade était certainement consommé ; d'ailleurs la lettre du pape Urbain II du 27 octobre 1092, à laquelle il faut toujours revenir, le présente comme un fait accompli en même temps qu'elle invite les évêques à travailler à la délivrance d'Yves de Chartres ; cette délivrance avait déjà eu lieu ou était imminente. Le mariage de Philippe et de Bertrade devait infailliblement amener une rupture entre le roi et le pape qui, gardien de la foi et des mœurs, ne pouvait ratifier, comme l'avaient fait les évêques, ce double adultère. Cependant il semble que Philippe Ier et Urbain II se soient efforcés, chacun de leur côté, d'éviter le conflit et ils ont réussi à l'ajourner assez longtemps. Philippe va tâcher de faire reconnaître par le pape la validité du mariage ; Urbain insistera au contraire pour qu'il renonce à Bertrade et ne frappera lui-même le roi d'excommunication qu'au bout de trois ans. Hugues de Flavigny lui a reproché dans sa chronique[75] d'avoir usé de trop de ménagements à l'égard de Philippe Ier et des évêques qui le soutenaient ; il oppose à l'attitude conciliatrice du pape celle beaucoup plus énergique et intransigeante de son légat Hugues de Die. L'étude des rapports de Philippe Ier et d'Urbain II au sujet de Bertrade prouvera la vérité de cette assertion. Notons dès maintenant qu'il n'y a là rien de surprenant. Urbain II, engagé dans la grande lutte du sacerdoce et de l'empire, cherche à se rapprocher de la France qui pourra être une alliée éventuelle contre l'Allemagne. De plus, Urbain II est un pape français, connaissant bien les affaires de la France ; c'est lui beaucoup plus que Pascal II qui a inauguré la politique traditionnelle des papes du XIIe siècle, consistant à s'appuyer sur la France contre l'Allemagne ; mais il s'est heurté à la ténacité de Philippe Ier et à son indomptable passion pour Bertrade ; son plan n'a pu réussir. Avant la répudiation de Berthe, Philippe Ier avait entretenu des rapports très cordiaux avec Urbain II. Bernold, moine de Saint-Blasien, raconte qu'au moment d'un séjour en Campanie, en 1091, le pape était grandement honoré par toute la chrétienté, en particulier par l'empereur de Constantinople et le roi de France Philippe, tandis qu'il ne l'était pas dans le royaume d'Allemagne[76]. Il n'y a aucune raison pour ne pas admettre le récit de Bernold, d'autant plus qu'il est exact en ce qui concerne le séjour du pape Urbain II en Campanie, ainsi que le témoigne la correspondance de celui-ci[77]. Le mariage de Philippe Ier avec Bertrade fut très sévèrement jugé par le pape. Nous avons vu en quels termes Urbain II reprocha à Renaud, archevêque de Reims, et à ses suffragants d'avoir toléré une pareille union au lieu de s'élever contre elle. Mais, dans cette même lettre du 27 octobre 1092, Urbain II manifeste très clairement l'espoir de ramener Philippe Ier dans le droit chemin par la persuasion. Au lieu de le frapper immédiatement d'anathème, Urbain II prescrit aux évêques d'aller trouver le roi ; au nom de Dieu, au nom du pape, au nom de l'épiscopat français, ils l'avertiront, ils le supplieront, ils le reprendront ; ils feront enfin tous leurs efforts pour l'arracher à un crime si grand et si horrible. Et c'est seulement s'il ne se rend pas à leurs exhortations que les évêques et le pape devront se préparer à remplir les devoirs qui leur incombent et à venger la loi divine outragée[78]. Les évêques se rendirent à l'invitation d'Urbain II et allèrent trouver le roi, car il ressort de la lettre 22 d'Yves de Chartres[79] qu'il y eut des négociations en vue d'une entente. Ces négociations n'aboutirent pas, parce que Philippe ne voulut pas renoncer à Bertrade. Le sénéchal Guy, auquel est adressée la lettre d'Yves, semble avoir été l'intermédiaire entre l'évêque et le roi ; Yves le remercie de travailler à rétablir la paix entre lui et le roi son maître. Mais cette paix, ajoute-t-il, ne pourra être stable que le jour où le roi consentira à ne pas persister dans son acte ; il faut donc attendre que Dieu ait éclairé son esprit et changé ses résolutions. Tout est d'ailleurs prêt pour lui permettre de divorcer avec sa nouvelle épouse ; Yves a vu la bulle que le pape Urbain II a envoyée aux évêques du royaume pour qu'ils ramènent le roi à la raison, et, s'il refuse, recourent aux sanctions de la discipline ecclésiastique. Cette bulle serait déjà publiée, si Yves n'était intervenu par affection pour le roi et pour ne provoquer aucun mouvement contre lui dans le royaume. Yves prie Guy de communiquer ces avis au roi et de le renseigner sur ses dispositions. Au moment où fut écrite cette lettre, Renaud avait dû porter à la connaissance du roi la bulle pontificale. Yves se joint à ses collègues et au pape pour demander au roi de renvoyer Bertrade, mais, en attendant, il refuse d'entrer en relations avec lui. Cette attitude d'expectative ressort encore mieux d'une autre lettre adressée au roi lui-même[80]. Philippe Ier avait prié Yves de venir se justifier, une fois sorti de prison, devant la cour du roi ; Yves refuse de s'y rendre, alléguant qu'il y va à la fois de sa sécurité et de son honneur. On ne sait pas d'une façon précise si les autres évêques l'imitèrent et interprétèrent comme lui les ordres d'Urbain II. Ils semblent avoir été beaucoup moins énergiques, car, dans une lettre au pape[81], Yves affirme qu'il a transmis aux métropolitains et à leurs suffragants la bulle, mais qu'ils se taisent encore, tanquam canes muti non valentes latrare. Cette bulle n'est sans doute pas celle du 27 octobre, adressée spécialement à Renaud, mais, comme le prouve la lettre 28, que nous analyserons plus loin, elle devait contenir à peu près les mêmes prescriptions, à l'usage des évêques des provinces autres que celle de Reims. Vers la fin de 1093, Yves de Chartres se rendit à Rome ; il écrivit en effet, quelque temps après, à Eudon de Normandie[82] qu'il était entré à Rome avec le pape à la fin de novembre et qu'il l'avait quitté en janvier, mais il n'a indiqué nulle part le but précis de son voyage. Il est probable qu'il dut être question de Philippe et de Bertrade et qu'Yves, qui a toujours exécuté docilement les ordres des papes, dut se concerter avec Urbain II pour la ligne de conduite à suivre désormais. On ne sait ce qu'ils décidèrent ; en tout cas, au retour, l'attitude d'Yves envers le roi ne différa point de ce qu'elle avait été précédemment. En 1094, à l'époque du carême, suivant les historiens anglais, Philippe Ier lève une armée pour aller au secours de Robert de Normandie contre son frère, le roi d'Angleterre ; il demande à Yves de venir le rejoindre avec son contingent ; Yves refuse. Le pape, dit-il au roi[83], vous a interdit, en vertu de son autorité apostolique, le lit de cette femme qui vous tient lieu d'épouse ; il vous a demandé de faire promettre par serment la sécurité du concile qu'il voulait réunir[84], et vous avez refusé. Si vous ne cessez tout commerce avec Bertrade, la même autorité vous séparera de la communion. Cette autorité interdit encore à tous les évêques de couronner cette femme[85] à laquelle vous vous êtes uni d'une façon illicite. Je ne puis donc aller en votre présence de crainte que, conformément aux ordres du Saint-Siège auquel je dois obéir comme au Christ, je ne vous répète tout haut ce que je vous dis aujourd'hui tout bas. Or, je ne veux pas vous scandaliser ou diminuer tant soit peu la majesté royale, aussi longtemps que je puis honnêtement me taire... J'attends donc que votre cœur s'ouvre à la clémence divine, que vous fermiez vos oreilles aux propos de ce serpent pour les ouvrir à mes avertissements qui vous ouvriront les voies du salut. C'est là ce que je désire et ce que je demande chaque jour à Dieu dans mes prières. On attendait donc toujours un retour de Philippe Ier ; on espérait qu'il finirait par se rendre aux avis du pape et des évêques. Pour parvenir plus facilement à ses fins, le pape avait enlevé la direction de l'affaire à Hugues de Die, son légat, dont il redoutait l'intransigeance, et l'avait confiée à l'archevêque de Reims, Renaud. Dans une lettre à Hugues de Die, datée du 16 mai 1094, il le loue de son zèle et s'excuse en quelque sorte d'avoir, dans l’intérêt de la paix, et pour arriver à une solution plus prompte, pris conseil de l'archevêque de Reims, entre les mains duquel se trouvait la cause intime du roi[86]. C'est sans doute Renaud qui, d'accord avec Philippe Ier, prit l'initiative de convoquer à Reims, en 1094, un concile sur lequel nous sommes assez mal renseignés. Ce concile dut se réunir après la mort de Berthe, qui survint en cette année 1094. La femme légitime ayant disparu, Philippe espérait que, avec cet obstacle en moins, il serait plus facile de faire admettre par l'Église son union avec Bertrade ; il oubliait que, si Berthe n'était plus là, l'autre obstacle, Foulque, subsistait toujours. Le roi convoqua donc à Reims les archevêques et évêques de son royaume. Clarius nous apprend que l'archevêque de Sens, Richer, fit quelques difficultés pour s'y rendre, et que le roi dut vivement insister ; cette-résistance ne tenait nullement, il est vrai, à la question du divorce, mais uniquement à des questions de hiérarchie, à la primatie sans doute que revendiquait toujours l'archevêque de Sens ; au contraire, si Richer céda, ce fut, dit Clarius, par affection pour le roi et pour satisfaire à son désir[87]. Il semble, d'après ce passage, que Renaud et Richer aient été entièrement dévoués à la cause royale. Ils n'étaient pas seuls : un manuscrit de l'Église d'Arras, publié par les Bénédictins[88], nous a conservé les noms des évêques venus au concile à la demande de Philippe Ier. Outre Renaud, archevêque de Reims, et Richer, archevêque de Sens, on y voit Raoul, archevêque de Tours, Geoffroy, évêque de Paris, Gautier, évêque de Meaux, Hugues, évêque de Soissons, Elinand, évêque de Laon, Radbod, évêque de Noyon, Gervin, évêque d'Amiens, Hugues, évêque de Senlis. La plupart des évêques du domaine royal s'étaient rendus à l'appel de Philippe Ier. Yves de Chartres leur écrivit[89] qu'il ne viendrait pas les rejoindre : il allègue plusieurs raisons dont les deux principales sont qu'il a été invité par des évêques qui ne sont pas de sa province et surtout que le roi ne lui a pas accordé de sauf-conduit pour se rendre au concile : c'était là un indice qu'il ne serait pas libre de dévoiler ses idées aux évêques ; il n'avait donc qu'à s'abstenir. Yves ayant souvent été en France l'interprète des idées de la papauté, cette abstention semble indiquer que le pape Urbain II n'était pour rien dans la convocation du concile, qui se réunit uniquement sur la demande de Philippe Ier. Les actes du concile de Reims ne nous ont été conservés par aucune chronique. Il est probable qu'il ne fit pas avancer l'affaire ; les évêques ne se montrèrent sans doute pas plus énergiques qu'ils ne l'avaient été jusque-là. Alors Hugues de Die rentre en scène, bien résolu à brusquer les choses. Le 16 octobre de la même année 1094, il réunissait un concile à Autun comprenant, selon Hugues de Flavigny, trente-deux évêques et de nombreux abbés[90]. Ce concile renouvela l'excommunication contre l'empereur Henri IV et contre le moine Guibert, puis, ajoute Bernold de Saint-Blasien qui donne seul quelques renseignements, il excommunia Philippe, roi de France, parce que, du vivant de son épouse, il s'était uni à une autre femme[91]. André de Marchiennes rapporte aussi à cette année 1094 l'excommunication de Philippe Ier, puisqu'elle eut lieu, dit-il, la trente-quatrième du règne[92]. L'excommunication ne fut sans doute pas du goût du roi, car, à peine le concile d'Autun eut-il prononcé sur son cas qu'il envoya au pape une ambassade ; Urbain II la reçut au moment où, avant de passer les monts, il réunissait un concile à Plaisance (1095)[93]. Sans doute le roi espérait-il que le pape, inquiet de l'Allemagne et prêt à venir en France, serait plus accommodant que son légat. Yves de Chartres mit Urbain II en garde contre les propositions fallacieuses de Philippe Ier. Vous allez recevoir bientôt, écrivait-il au pape[94], les messagers du roi de France l'esprit de mensonge parlera par leur bouche ; corrompus par les honneurs qu'ils ont reçus ou qu'on leur a promis, ils vont essayer d'ébranler le siège de la justice ; je tiens à avertir et à prémunir votre vigilance contre leur habileté ; il ne faut pas que votre rigueur se laisse fléchir par leurs promesses ou désarmer par leurs menaces. Quoi qu'ils disent, la hache atteint déjà la racine de l'arbre, à moins que vous ne détendiez votre arc ou que vous ne remettiez votre épée dans le fourreau. Ceux qui vont venir à vous, confiants dans l'habileté de leur esprit et dans le charme de leurs paroles, se sont promis d'obtenir du Saint-Siège l'impunité pour le crime du roi ; ils vont soutenir que le roi et le royaume se sépareront de l'obéissance du Saint-Siège si vous n'absolvez le roi de l'anathème et si vous ne lui rendez sa couronne. Or, si vous lui pardonnez sans qu'il ait fait preuve de repentir, quel espoir de pécher impunément vous donnez à tous ceux qui pèchent !... Yves termine en informant le pape que, sur l'ordre du roi, les archevêques de Reims, Sens et Tours ont convoqué leurs évêques suffragants à un concile qui doit se réunir le dimanche après la Toussaint ; il n'ira que si le pape l'autorise, car il redoute quelque entreprise contre la justice et le siège apostolique. Il n'avait vraiment pas une très haute idée de ses collègues dans l'épiscopat. Malgré les avertissements d'Yves de Chartres, Urbain II et le concile de Plaisance se laissèrent attendrir ; Philippe Ier faisait dire qu'il avait eu l'intention de venir lui-même au concile et il alléguait des excuses qui pouvaient paraître légitimes, si bien qu'on lui accorda un nouveau délai jusqu'à la Pentecôte. Cette fois encore, Urbain II s'était montré beaucoup plus disposé à la conciliation que Hugues de Die ou même qu'Yves de Chartres. La chronologie des événements qui suivent est difficile à déterminer ; mais, ce qui est certain, c'est que les négociations furent très actives pendant l'été de 1095. Notcher, abbé d'Altvillers, dans une notice sur les reliques de sainte Hélène, mère de Constantin[95], raconte que, en 1095, Philippe Ier tint sa cour à Mont-Notre-Dame pour y régler les affaires du royaume — pro negotiis regni statuendis —, ce qui veut dire pour se concerter encore une fois avec les évêques au sujet de Bertrade ; Renaud, archevêque de Reims, Richer, archevêque de Sens, et Raoul, archevêque de Tours, y vinrent avec la plupart de leurs suffragants. Cette réunion remplaça sans doute le concile de Troyes dont Yves de Chartres annonçait la convocation et dont on ne trouve aucune trace. Il est en effet impossible de suspecter Notcher, car nous savons, par un diplôme de Philippe Ier pour l'abbaye de Notre-Dame de Nogent-sous-Coucy[96], que le roi se trouvait à Mont-Notre-Dame le 14 juin 1095. Ce diplôme permet même de fixer la composition de l'assemblée ; il est souscrit par Renaud, archevêque de Reims, Elinand, évêque de Laon, Radbod, évêque de Noyon, Hugues, évêque de Soissons, Hugues, évêque de Senlis ; il ne porte pas les noms de Richer et de Raoul, mais, comme les évêques précédents sont tous de la province de Reims, il est fort possible que les autres prélats n'aient pas jugé nécessaire de souscrire un diplôme concernant une abbaye du diocèse de Laon. Ce qui est significatif, c'est que l'épiscopat français n'abandonne pas le roi. Fort de cet appui, celui-ci va essayer d'obtenir enfin du pape Urbain II ou de son légat Hugues de Die la ratification de son mariage avec Bertrade. Ici encore un diplôme de Philippe Ier va nous fournir un précieux renseignement. Nous avons un acte signé à Mozac en 1095, après le 23 mai, par lequel Philippe, à la prière de Robert, comte d'Auvergne, et de son fils Guillaume, confirme la donation et la soumission, faites par lesdits comtes et confirmées par l'évêque de Clermont et l'archevêque de Bourges, du monastère de Mozac à l'abbaye de Cluny[97]. Or ce diplôme, à côté de la souscription royale, porte celle du légat Hugues de Die, alors archevêque de Lyon et légat du Saint-Siège, dont le texte même de l'acte mentionne la présence. Il est donc incontestable que Philippe Ier et Hugues se sont rencontrés à Mozac, quelques mois, peut-être quelques jours avant le concile de Clermont, et aux portes mêmes de cette ville. Il est évident que la question de Bertrade dut être traitée dans cette entrevue ; il est même probable qu'elle la détermina et que, avant les assises solennelles de la chrétienté qui allaient se tenir à Clermont-Ferrand, Philippe Ier chercha à obtenir le consentement du légat, comme il avait eu déjà celui des évêques, qu'il dut multiplier les promesses et les démonstrations de fidélité envers le Saint-Siège. Une lettre d'Yves de Chartres au chancelier Guy[98], écrite dans le courant de l'année 1095, en fournit la preuve : Ce que vous m'avez fait dire par le prêtre Landri, je l'avais déjà appris par votre neveu Ébrard, à savoir que le roi est prêt à éviter le mal et à faire beaucoup de bien s'il peut, en paix avec le siège apostolique et en participant à la communion de l'Eglise, retenir auprès de lui cette femme à laquelle il est illicitement uni. Mais Yves prévoyait aussi la réponse que dut faire le légat quand il ajoutait, en citant force textes à l'appui : Je vous réponds, de par l'autorité divine, que nul ne peut supprimer son péché par aucun rachat ni aucun changement... Je suis donc convaincu que le désir du roi ne sera pas réalisé s'il ne renonce à son péché. Persuadez-lui de prendre une résolution plus sensée et, si Dieu la lui suggère, je l'aiderai en toutes choses autant que je le pourrai. Il est fort probable que Hugues, qui avait déjà prononcé la sentence d'excommunication au concile d'Autun, dut opposer à Philippe Ier, lors de l'entrevue de Mozac, une fin de non-recevoir absolue, que Philippe s'opiniâtra dans son idée et qu'une rupture complète s'ensuivit, car l'excommunication est prononcée aussitôt après, et cette fois par le pape en personne, au concile de Clermont. Notons toutefois que Urbain II a épuisé tous les moyens de conciliation possibles : au concile de Plaisance, il a temporisé ; avant le concile de Clermont, il a envoyé son légat faire une suprême tentative pour obtenir l'abandon de Bertrade. Voilà maintenant trois ans que les choses durent ; comme chef de l Eglise, il ne peut tolérer plus longtemps ce scandale, et il se voit obligé de frapper le roi de la lourde peine de l'excommunication. Ce qui contribua sans doute à décider Urbain II, ce furent les plaintes du comte d'Anjou qui semble être intervenu à ce moment-là. On lit dans une lettre écrite beaucoup plus tard (1110) par Yves de Chartres au sujet d'un cas analogue[99] : Les envoyés du comte d'Anjou, portant plainte contre le roi Philippe qui avait enlevé au comte sa femme légitime et la retenait au mépris des lois, comptèrent alors les degrés de parenté qui existaient entre le roi et le comte et en fournirent les preuves. Or le pape, convaincu que le mariage du roi avec Bertrade était incestueux, lança contre lui l'excommunication au concile de Clermont. L'excommunication du concile de Clermont est présentée dans cette lettre comme une conséquence de la plainte de Foulque ; il n'est pas question de celle antérieurement fulminée au concile d'Autun, ce qui nous fait supposer que l'ambassade de Foulque au pape doit se placer quelque temps avant le concile. Nous reviendrons plus loin sur la convocation et les caractères de cette grande assemblée ; nous n'en voulons retenir pour le moment que ce qui concerne le mariage de Philippe et de Bertrade. Nous remarquerons tout d'abord que Philippe laissa aux évêques toute liberté pour se rendre au concile, comme il ressort d'une lettre d'Urbain II à un certain Garnier[100]. Peut-être espérait-il encore, en se montrant empressé à cet égard, que le pape serait mieux disposé pour examiner et trancher la question de son mariage, malgré l'avis évidemment défavorable de Hugues de Die. Son représentant officieux au concile semble avoir été l'archevêque de Reims, Renaud, que le pape avait prié de venir en personne, ainsi que le prouve une lettre de ce prélat à Lambert, évêque d'Arras[101], et qui, d'après le récit de la translation des reliques de sainte Hélène par Notcher, aurait eu une entrevue avec Philippe Ier à Châlons[102]. Il est probable que, dans l'entretien qu'il eut avec l'archevêque, Philippe Ier le chargea de soutenir encore une fois sa cause, de gagner au moins du temps. Ce fut sans succès, car, si Renaud parla en faveur du roi, il ne put empêcher Urbain II de prononcer l'excommunication. D'après Sigebert de Gembloux[103], la Grande Chronique de Tours[104] et celle de Saint-Martial de Limoges[105], c'est aux divers conciles tenus en Bourgogne et en France que le pape Urbain II aurait excommunié Philippe Ier. Ces chroniques sont en contradiction avec la lettre 211 d'Yves de Chartres qui affirme, nous l'avons vu, que l'excommunication fut prononcée au concile de Clermont réuni le 18 novembre 1095. C'est d'ailleurs ce qu'indiquent la Chronique de Saint-Aubin d'Angers[106], Richard de Poitiers[107], Bernold, moine de Saint-Blasien[108], les Annales Blandinienses[109]. Guillaume de Malmesbury ajoute que le pape excommunia non seulement Philippe Ier, mais tous ceux qui l'appelleraient roi et seigneur, qui lui obéiraient, qui lui parleraient pour tout autre motif que pour l'inviter à s'amender ; il excommunia aussi sa maudite épouse, et tous ceux qui l'appelleraient reine[110]. Sans doute il y a là quelque exagération : Yves de Chartres, dans sa correspondance, continue à appeler Philippe roi et seigneur et ne cesse pas de se considérer comme un sujet du roi. Ce qui est plus significatif et montre bien qu'il y a rupture entre le roi et l'Eglise, c'est l'absence complète de diplômes royaux concernant des églises ou des monastères entre l'année 1095 et l'année 1100 ; Philippe Ier ne cède rien à aucune abbaye et ne confirme aucune donation pendant cette-période ; c'est une preuve que, sous le coup de l'excommunication, il est séparé de l'Eglise. Guillaume de Malmesbury a également raison quand il affirme que le pape pria les évêques de cesser toute relation avec le roi. Il faut croire que, même une fois l'anathème prononcé, ceux-ci continuèrent à se montrer plus dociles au roi qu'au pape, car, dans les premiers mois de l'année 1096, dans l'intervalle qui sépare le concile de Tours (16 mars 1096) du concile de Nîmes, réuni au début de juillet 1096, Urbain II fut obligé de les rappeler à l'ordre. Une lettre à Richer, archevêque de Sens, et aux évêques de France[111], une autre tout à fait identique à Manassès, élu archevêque de Reims, et à ses suffragants[112], témoignent d'une vive irritation de la part du souverain pontife. Nous avons appris, dit-il, que certains de nos frères ont eu l'extrême audace d'affirmer qu'ils ne cesseraient pas tout rapport avec le roi et même qu'ils le délieraient de l'excommunication sans qu'il abandonnât cette femme pour laquelle nous l'avons excommunié. Ceux qui parlent de la sorte ou ignorent les Écritures ou ne craignent pas d'excéder leurs pouvoirs. L'autorité des canons comme la coutume de l'Eglise décident qu'un évêque ne peut absoudre quiconque a été excommunié par un de ses confrères. Même les métropolitains ne peuvent, d'après les institutions des Pères, délier ce qu'un de leurs suffragants (qui leur sont inférieurs en dignité) a lié. S'il en est ainsi pour des évêques quelconques, à plus forte raison nos frères ne peuvent annuler les actes du Saint-Siège, alors qu'il est reconnu que non seulement les évêques et les primats, mais les patriarches eux-mêmes sont par institution divine soumis au souverain pontife, alors qu'il est certain que tout le monde peut faire appel au pape, mais qu'on ne peut en appeler à personne de ce qu'a décidé le pape, que le pape peut prononcer des sentences pour toute église, mais qu'il n'est soumis lui-même au jugement de personne. Urbain II renouvelle, en terminant, l'excommunication contre Philippe Ier jusqu'à ce qu'il donne satisfaction, et étend cette excommunication à tous ceux, évêques ou autres, qui auront des rapports avec lui ; il menace de la déposition ceux qui oseraient l'absoudre et convoque tous les évêques, pour l'octave de Saint-Pierre, à un concile qui se réunirait à Arles. Le concile se réunit à cette date, non pas à Arles, mais à Nîmes. Nous sommes très mal renseignés sur ce qui s'y passa, et encore plus mal sur les événements qui le précédèrent. La chronique de Saint-Maixent rapporte sèchement qu'à ce concile le pape réconcilia Philippe Ier, roi de France, avec l'Eglise[113]. Bernold de Saint-Blasien est un peu plus explicite : Philippe Ier, dit-il, excommunié pour son adultère, donna enfin satisfaction au pape, pendant qu'il était encore en Gaule ; il renonça à la femme adultère, rentra en grâce et se montra très empressé au service du pape. Urbain II, après avoir ainsi réglé les affaires de Gaule, réconcilié le roi avec l'Eglise et tenu de nombreux conciles, retourna triomphalement en Lombardie[114]. En combinant les deux chroniques, on peut conclure : 1° que Philippe Ier promit de renoncer à Bertrade ; 2° qu'aussitôt cette promesse faite, Urbain II s'empressa de l'absoudre. On relève donc encore ici, même après le concile de Clermont, un indice des tendances conciliatrices du pape et du roi, du désir qu'avait Philippe Ier de vivre en bons termes avec Urbain II et de l'empressement que met Urbain à faire rentrer le roi dans le sein de l'Eglise, tellement il souhaite s'appuyer sur la France contre l'Allemagne. Nous sommes loin de cette guerre à outrance et sans merci entre le roi de France et le pape qu'on a souvent reprochée à Urbain II[115]. Cependant Urbain II, si disposé qu'il soit à la conciliation, ne peut admettre que Philippe Ier ne tienne pas sa promesse. Or le roi, sous l'empire d'une violente passion, pas plus en 1096 que dans les années précédentes, ne voulait se séparer de Bertrade ; il espérait que le pape fermerait les yeux et garda auprès de lui l'épouse du comte d'Anjou. Mais Hugues de Die était là, plus sévère qu'Urbain II ; s'apercevant que Philippe Ier persévérait dans l'adultère, il dut le menacer d'une nouvelle excommunication. Dans une lettre d'Yves de Chartres au roi[116], il est question d'un troisième concile que devait convoquer l'archevêque de Lyon, légat du pape, même après les deux conciles généraux réunis par Urbain II ; Hugues y aurait mandé les évêques français, mais Yves n'en a pas entendu parler. En tout cas, il conseille au roi de ne pas se dérober aux invitations du légat, tout en maintenant ses droits. Que ce concile se soit réuni ou non, il est probable que Hugues dut prononcer à nouveau l'excommunication contre Philippe Ier avant la fin de l'année 1097, ainsi qu'il résulte d'une lettre adressée par Yves de Chartres à Urbain II à lafin de décembre 1097 ou au début de janvier 1098[117]. Je vous annonce, écrit Yves, que, malgré l'interdiction prononcée par votre légat, l'archevêque de Tours a couronné le roi aux fêtes de Noël et qu'il a obtenu, par cet acte de complaisance, l'évêché d'Orléans pour son protégé Jean. Cette élection de Jean à Orléans a eu lieu le jour des Saints Innocents, c'est-à-dire le 28 décembre 1097. D'autre part, pour que Hugues de Die ait interdit de couronner le roi, comme cela avait lieu souvent aux grandes fêtes de l'année, il fallait que Philippe fût de nouveau séparé de l'Eglise et qu'à l'absolution du mois de juillet, au concile de Nîmes, eût succédé une nouvelle excommunication, prononcée sans doute par Hugues de Die. Ce qui est certain, c'est qu'au mois d'avril 1098, non seulement le roi était de nouveau excommunié, mais le royaume entier était frappé d'interdit. Nous avons une bulle d'Urbain II, adressée à tous les moines de Cluny, en date du 17 avril 1098[118], déclarant que ni les moines ni leurs serviteurs ne tombent sous le coup de l'excommunication des diocèses où ils se trouvent ; ils pourront, les portes fermées et en l'absence des paroissiens, célébrer les saints offices, conférer l'extrême-onction et faire bénir par un évêque catholique l'huile nécessaire pour leurs églises. Pour que les monastères soumis à Cluny pussent bénéficier de ce régime d'exception, il fallait que l'interdit eût été lancé sur toute la France. C'est donc au plus tard dans les .premiers mois de 1098 qu'Urbain II, devant la volonté bien arrêtée de Philippe de ne pas renoncer à Bertrade, eut recours à la mesure la plus grave qu'il pût prendre, à l'interdit. On ne peut lui reprocher un excès d'intransigeance ; nous verrons que Pascal II, considéré généralement comme plus disposé à l'indulgence, maintiendra les dispositions prises par son prédécesseur. Les chroniqueurs ont donné libre cours à leur fantaisie et à leur imagination au sujet de cet interdit pontifical. Orderic Vital raconte que Philippe, par suite de sa résistance aux avertissements des évêques, fut affligé de maux de dents, de la rage et de plusieurs autres infirmités[119]. Le même Orderic fait un sombre tableau de la France à l'époque de cet interdit : pendant toute la durée de l'interdit, dit-il, le roi ne porta jamais le diadème ; il ne revêtit jamais la pourpre, il ne célébra pas une seule cérémonie solennelle. Arrivait-il dans un château ou dans une ville, aussitôt cessaient et le son des cloches et le chant des clercs ; c'était un véritable deuil public ; le culte du Seigneur même était privé aussi longtemps que le roi restait dans un diocèse. Cependant, par une tolérance des évêques dont il était le maître, le roi avait son chapelain qui célébrait la messe devant lui et sa famille, sans que personne autre y assistât[120]. Guillaume de Malmesbury affirme également que, pendant le séjour de Philippe Ier dans une ville, l'office divin cessait, mais que, aussitôt après son départ, le son des cloches se faisait entendre de tous côtés, ce qui faisait dire au roi : Écoute, ma belle, comment ils nous chassent[121]. Hugues de Flavigny raconte que, quelque temps après le concile de Poitiers (1100) qui renouvela l'interdit, Philippe et Bertrade vinrent à Sens et y séjournèrent quinze jours ; aussitôt les églises se fermèrent et le service divin cessa ; Bertrade, prise de fureur, fit briser les portes de l'église et célébrer la messe par des prêtres semblables à elle-même[122]. C'est qu'en effet les défections continuaient parmi le clergé français. Les évêques restèrent en majorité attachés au roi. Nous avons vu Yves de Chartres incriminer l'archevêque de Tours d'avoir couronné Philippe. Plus tard, en 1100, il adressera le même reproche à certains évêques de la Belgique et de la Celtique qui couronnèrent Philippe Ier au jour de la Pentecôte[123]. Les évêques ne respectaient donc pas très strictement l'interdit pontifical ; il est peu vraisemblable qu'ils aient fait complètement cesser le service divin, même dans le diocèse où se trouvait le roi, et il y a évidemment une forte part d'exagération dans les récits des chroniqueurs. La comédie de 1096 se renouvela encore une fois entre 1097 et 1099, probablement au mois d'avril 1098. Nous avons conservé une bulle d'absolution d'Urbain lien date du 24 avril, mais sans indication d'année[124] ; elle ne peut être que de 1097, 1098 ou 1099. Or le 17 avril 1097, l'interdit subsistait dans toute sa rigueur, comme le prouve la bulle d'Urbain II pour Cluny précédemment citée. Le 24 avril 1099 serait plus vraisemblable, mais paraît bien proche de la date de la mort d'Urbain II (29 juillet 1099) ; à la mort d'Urbain II, Philippe Ier était certainement excommunié une fois de plus, puisque Yves de Chartres, dans la lettre 84, écrite au début du pontificat de Pascal II, reproche à des évêques d'avoir couronné le roi, ce qui ne pouvait être critiqué si l'excommunication avait été levée. Il paraît donc rationnel de s'arrêter à la date du 24 avril 1098 pour cette absolution de Philippe Ier. Dans la bulle d'absolution adressée à Manassès, archevêque de Reims, et aux autres archevêques et évêques de France, Urbain II raconte avoir reçu un envoyé de Philippe Ier qui lui apportait une lettre par laquelle le roi se soumettait humblement ; il affirmait avoir donné satisfaction au Saint-Siège au sujet de cette femme pour laquelle l'archevêque de Lyon avait lancé l'interdit ; enfin l'ambassadeur jura que le roi n'aurait plus aucune relation charnelle avec Bertrade. Urbain II, que l'expérience du concile de Nîmes aurait dû faire réfléchir, accueillit avec empressement les propositions de Philippe Ier, tellement il désirait s'assurer son appui éventuel contre l'Allemagne. Il demanda simplement que le roi envoyât à Home avant la Toussaint quelques évêques qui confirmeraient la vérité des attestations de l'ambassadeur. Mais, dès maintenant, puisque Philippe se rendait aux avis du Saint-Siège, Urbain II levait l'interdit et lui reconnaissait le droit d'user de son pouvoir royal suivant les coutumes du royaume. La Grande chronique de Tours raconte qu'Urbain II imposa une pénitence à Philippe ; il lui enleva le droit de nommer aux évêchés de son royaume, tandis qu'il donna au comte d'Anjou, comme compensation de la perte de son épouse, le droit de nommer l'évêque d'Angers[125]. Cette affirmation est fausse ; nous ne voyons pas qu'il y ait eu rien de changé dans le mode de nomination aux évêchés. Le roi n'envoya-t-il pas les évêques réclamés par Urbain II ou ceux-ci rapportèrent-ils au pape que Philippe n'avait nullement cessé son commerce illicite avec Bertrade, nous ne pouvons l'établir ; ce qui est sûr, c'est que, pour les raisons indiquées précédemment, cette nouvelle absolution n'eut pas un sort plus heureux que les précédentes et que Philippe Ier était de nouveau excommunié lorsque mourut le pape Urbain II (29 juillet 1099), après avoir épuisé tous ses efforts et tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour arriver à la conciliation qu'il désirait. Pascal II va continuer sa politique ; il ne sera ni moins intransigeant ni plus souple que lui ; il aura simplement la chance de réussir où Urbain II a échoué ; peut-être ce succès est-il simplement dû à ce qu'il était moins pénétré d'esprit religieux que son prédécesseur. Le premier acte de Pascal II vis-à-vis de la France fut l'envoi dans le royaume de Jean de Gubbio, cardinal du titre de Sainte-Anastasie et de Benoît, cardinal de Sainte-Eudoxie. Ils eurent à régler plusieurs affaires ecclésiastiques dont nous reparlerons plus loin, mais surtout ils devaient essayer encore une fois d'obtenir de Philippe Ier l'abandon de Bertrade. Ils avaient convoqué un concile à Poitiers pour le 29 juillet 1100 ; mais, à la demande d'Yves de Chartres[126], ils en reculèrent la date jusqu'à l'automne ; il fallait prévoir, disait Yves, que, pour venir à ce concile, le voyage serait assez malaisé et périlleux. La même lettre d Yves de Chartres nous renseigne sur l'attitude observée par les légats vis-à-vis de Philippe Ier ; Yves les félicite de s'être abstenus de tout rapport avec lui (a communione regis) et il oppose cette attitude très digne à celle des évêques de la province de Belgique qui venaient de couronner Philippe[127]. On voit par là que Pascal II ne se montre pas moins rigoureux vis-à-vis du roi qu'Urbain II ; il ne fait aucune démarche auprès de lui ; il veut simplement faire ratifier par un concile d'évêques français le dernier interdit pontifical. Or, s'il avait voulu, comme le soutient dans tout son livre M. Bernard Monod[128], la conciliation à tout prix, il aurait réuni le concile dans une ville du domaine royal ; là, les évêques, sous la pression du roi, auraient certainement émis l'avis que l'on pouvait lever l'excommunication. Au contraire, à Poitiers, comme le remarque Yves de Chartres dans la lettre 84, ils agirent en pleine indépendance, sans avoir à craindre les moindres troubles. Le concile de Poitiers se réunit, comme il était convenu, le 18 novembre. C'est la date qui paraît devoir être adoptée malgré la Vie de saint Bernard, abbé de Tiron[129], qui en retarderait l'ouverture au 19. Clarius[130], la chronique dite de Guillaume Godelle[131], Hugues de Flavigny[132], donnent la date du 18 ; mais surtout on doit s'incliner devant une lettre des cardinaux Jean et Benoît convoquant pour ce jour-là à Poitiers Lambert, évêque d'Arras[133]. Peu importe le nombre des évêques présents, sur lequel les chroniques varient beaucoup[134]. Ce qui est plus intéressant à noter, ce sont les noms de ces évêques en partie conservés par une notice relative à un démêlé entre le chapitre de Sainte-Marie d'Auch et les moines de Saint-Orens[135] ; on ne relève dans cette notice que trois noms d'évêques faisant partie de la France : Raoul de Tours, Engeran de Laon, Yves de Chartres. Il est venu des prélats de tous les coins de la France : du nord, comme Lambert d'Arras ; de la Bretagne, comme Marbeuf de Rennes et Morvan de Vannes ; surtout du midi, comme Raymond d'Auch, Philippe de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Bertrand de Comminges. Le concile représente le royaume tout entier ; ce n'est pas, comme à Reims en 1094, une réunion de quelques évêques à la dévotion du roi. Nous avons trois récits du concile qui présentent de légères variantes. Le premier est celui de la Vie de saint Bernard, abbé de Tiron[136] : les deux cardinaux Jean et Benoît, écrit Geoffroy le Gros, son auteur, réunirent un concile il Poitiers, et les cent quarante Pères qui y participèrent frappèrent d'anathème Philippe, roi de France, à cause de sa liaison adultère avec l'épouse du comte d'Anjou. En apprenant cette excommunication, Guillaume, duc d'Aquitaine, présent au concile, dépourvu de toute pudeur et de toute sainteté, craignant un semblable châtiment pour de semblables péchés, s'enflamma de colère ; il, ordonna de dépouiller, de flageller et de tuer les Pères du concile. Ses serviteurs commencèrent aussitôt à exécuter ses ordres ; évêques et abbés prennent la fuite de tous côtés et, pour conserver la vie, cherchent une sûre retraite. Seuls, Bernard de Tiron et Robert d'Arbrissel, présents au concile, prêtèrent leur appui à la cause de la justice, luttèrent contre l'injustice et l'iniquité, et, tandis que les autres se dérobaient honteusement, ils restèrent immobiles, maintinrent l'excommunication, trouvant glorieux de s'exposer pour le Christ à la mort et aux affronts ; ils ne périrent pas cependant. Un récit anonyme qui fait suite à la Vie de saint Hilaire
de Poitiers[137]
donne une version un peu différente. Après avoir réglé plusieurs affaires
ecclésiastiques, les légats Jean et Benoît se préparaient à lancer l'anathème
contre le roi. Or Philippe Ier, sachant que tel était l'objet du concile,
avait envoyé au duc d'Aquitaine des ambassadeurs et lui avait donné le
conseil et l'ordre de ne pas tolérer que l'anathème fût prononcé dans une
ville de son royaume à lui, Philippe. Aussi le comte, à la fin du concile,
fit irruption avec une nombreuse troupe,-s'Indigna, poussa des cris et fit
cette déclaration : Le roi mon seigneur m'a
fait dire que, pour son déshonneur et le mien, dans cette ville que je tiens
de lui, vous vouliez l'excommunier, et il m'a prié, au nom de la fidélité que
je lui dois, de ne pas tolérer un tel acte. Je vous interdis donc de frapper
le roi d'anathème ; sinon je vous jure que vous ne quitterez pas indemnes
cette ville. Ce discours effraya tout le monde ; les titulaires
d'évêchés royaux et d'abbayes royales sortirent du concile ; mais le légat
Jean demeura et s'écria à son tour : Écoutez-moi et
prêtez attention, mes frères. Si ce comte a si bien rapporté les ordres de
son roi, roi de la terre, combien davantage nous, vicaires du Roi du Ciel,
devons-nous observer ses commandements. Que les vils mercenaires prennent
peur et s'enfuient à l'arrivée du loup, mais que les bons et vrais pasteurs
restent avec nous et souffrent persécution pour la justice, puisque bienheureux
sont ceux qui souffrent persécution pour la justice[138]. Se tournant
vers le comte, il lui dit d’une voix claire : Saint
Jean-Baptiste s'est vu trancher la tête par Hérode pour une cause semblable ;
si vous le désirez, je ne fuirai pas moi non plus la décollation. Et
tendant la tête, il ajouta : Frappez, si vous osez,
car je suis prêt à mourir pour la cause de la vérité. En présence
d'une telle fermeté d'âme, le duc sortit rapidement du concile, pour ne pas
entendre prononcer l'excommunication. Le légat Jean continua son discours,
exhorta les évêques au courage, et, après avoir invoqué saint Hilaire,
prononça solennellement l'excommunication contre Philippe Ier. A cette
nouvelle, le duc fit fermer les portes de la ville et garder tous les
chemins. Le bruit courut que ceux qui avaient assisté à l'excommunication
seraient pris et dépouillés. Effrayés, ils viennent trouver le légat, lui
demandant quelle conduite tenir. Jean les rassure et leur demande d'attendre
avec confiance. Or, pendant cet entretien, un messager courut leur annoncer
que les portes de la ville étaient ouvertes et qu'ils pouvaient en sortir
librement. Bien plus, le duc vint se prosterner devant les cardinaux, avouant
sa faute, implorant son pardon et promettant par serment de ne plus se livrer
à semblables violences. Les légats, comprenant que Dieu avait touché son
cœur, lui indiquèrent une pénitence et lui remirent son péché. Hugues de Flavigny rapporte d'une façon encore différente l'intervention du duc d'Aquitaine[139]. Guillaume aurait d'abord supplié les évêques de ne pas prendre une mesure aussi grave, mais les légats passèrent outre. Guillaume quitta alors le lieu où était réuni le concile, et quelques évêques se joignirent à lui, sans doute ceux qui étaient détenteurs d'évêchés royaux ou d'évêchés dont disposait le duc d'Aquitaine. Les légats excommunièrent le roi. Au moment où on allait se séparer, un des assistants lança dans la direction des cardinaux une pierre qui ne réussit qu'à tuer un malheureux clerc. Comme dans le récit de la Vie de saint Hilaire, Guillaume vint se prosterner devant les légats et solliciter son pardon. Entre ces trois versions du concile, il est difficile d'ajouter foi à l'une plutôt qu'à l'autre. Il est à remarquer toutefois qu'elles présentent un certain nombre de points communs. Il est certain, par exemple, que le duc d'Aquitaine est intervenu en faveur de Philippe Ier ; sa vie privée prêtait également à critique et il pouvait redouter lui aussi les censures ecclésiastiques ; de plus, les rapports entre le roi capétien et l'Aquitaine n'avaient cessé d'être excellents ; nous l'avons vu au moment du sacre de Philippe Ier ; nous le verrons encore quand nous étudierons le voyage à Poitiers, en 1076, du roi venant demander secours au duc d'Aquitaine contre Guillaume le Conquérant. Enfin Guillaume, vassal de Philippe, pouvait redouter la fureur de son suzerain s'il ne le soutenait contre les légats pontificaux. Une autre conclusion que l'on peut tirer de l'étude comparée des trois récits, c'est que les légats ont de nouveau prononcé l'anathème contre Philippe Ier. On a donc recours, sous Pascal II, à la même mise en demeure que sous Urbain II ; il n'y a rien de changé dans la direction de la politique pontificale vis-à-vis du roi de France. L'interdit persista dans toute sa rigueur après le concile de Poitiers ; c'est à ce moment que se place l'anecdote relative au passage de Philippe Ier et de Bertrade à Sens que nous avons citée plus haut. On voit par une lettre d'Yves de Chartres[140] que le roi parla d'aller à Rome s'expliquer lui-même avec le pape. Yves ne croyait pas à ce voyage. En tout cas, disait-il à Pascal II, faites bien attention, soit qu'il vienne lui-même, soit qu'il envoie des ambassadeurs, et tenez-le fortement enserré dans les chaînes de saint Pierre. Yves était instruit par l'expérience des années précédentes et redoutait que Pascal II, qui, par politique, devait, comme Urbain II, désirer la conciliation, ne se laissât séduire par de belles paroles et n'attachât trop d'importance à de vaines promesses. En 1102, Pascal II envoie en France un nouveau légat, Richard, évêque d'Albano[141], qui s'occupa d'abord de plusieurs affaires d'ordre purement ecclésiastique. Pendant près de deux ans, il ne fut plus question du mariage de Philippe Ier avec Bertrade de Montfort. Cependant il se produisait une évolution chez le roi, las de l'interdit qui pesait sur lui. Dans une lettre d'Yves de Chartres à Richard d'Albano[142], écrite quelque temps avant le concile de Troyes (2 avril 1104), l'évêque exprime sa satisfaction de voir le roi revenir à de meilleurs sentiments ; il parle déjà d'absolution et demande que cette absolution ait une large publicité, comme la faute elle-même ; il faut donc qu'elle soit prononcée dans un concile d'évêques. La question avait déjà dû être débattue et on avait dû fixer Sens comme lieu de réunion de ce concile ; Yves demande qu'il ait lieu ailleurs, dans un endroit où chacun pourra parler en pleine liberté. Les rapports du roi et de l'évêque de Chartres laissaient encore à désirer, car, dans la même lettre, Yves exprime des craintes au sujet de son voyage à Troyes et demande au légat de lui obtenir un sauf-conduit du roi et de la comtesse de Chartres, Adèle. Le concile de Troyes ne s'occupa pas de l'absolution de Philippe Ier. C'est au concile réuni, le 30 juillet de la même année, à Beaugency que l'affaire fit un pas décisif. Nous avons un compte rendu exact de ce concile dans une lettre d'Yves de Chartres au pape Pascal II[143]. Yves expose que plusieurs évêques des provinces de Reims et de Sens se sont réunis le 30 juillet à Beaugency, conformément aux ordres du pape, pour s'occuper de l'absolution du roi. Philippe Ier est venu au concile, ainsi que sa concubine (lateralis sua) ; il a juré de n'avoir plus avec elle aucune relation charnelle. Le concile n'a pris aucune décision par la faute du légat : comme le pape lui avait dit de prendre conseil des gens avisés, celui-ci voulut reporter sur les évêques tout le poids de la décision. Or les évêques voulaient bien participer à cette décision, mais non pas la susciter (comites, non duces), tout en pensant qu'il était juste d'absoudre le roi. C'était au Saint-Siège, par la bouche du légat, à rendre la sentence finale. Yves insiste pour qu'elle soit promptement prononcée d'abord parce que le roi n'est pas satisfait, ensuite par pitié pour le pays sous le coup de l'anathème. Il est certain qu'au concile de Beaugency, Philippe Ier n'avait guère été récompensé de la soumission dont il avait fait preuve et que la timidité du légat et des évêques avait inutilement retardé la solution. Pascal II en fut assez mécontent et, le 5 octobre 1104, il adressa une nouvelle bulle aux archevêques et évêques des provinces de Reims, Sens et Tours[144]. J'ai appris, écrit-il, par quelques-uns d'entre vous, que notre fils, le roi de France, s'était décidé, conformément à nos avis, à renoncer à cette femme pour laquelle il a été tant de fois réprimandé et excommunié et que cette femme elle-même était prête à se séparer du roi. Nous nous réjouissons vivement de cette conversion. Vous savez que cette cause a été confiée par nous à Richard, évêque d'Albano. S'il a quitté la France, nous la remettons à Lambert, évêque d'Arras, pour qu'il l'examine avec vous. Vous vous réunirez donc ; si le roi de France et Bertrade promettent de renoncer à tout lien charnel, à tout entretien sauf en présence de personnes non suspectes, l'évêque d'Arras pourra les absoudre. C'est en effet Lambert, évêque d'Arras, qui prit en mains la direction de l'affaire. Philippe Ier se mit immédiatement en rapports avec lui. Il le pria de venir à Paris le lendemain de la Saint-André, c'est-à-dire le 1er décembre, pour lui donner l'absolution en présence des archevêques et évêques, comme le demandait le pape[145]. Le concile se réunit le 1er décembre. Nous en avons un véritable procès-verbal dans une lettre de Lambert d'Arras au pape Pascal II[146]. Étaient venus, outre Lambert, Daimbert, archevêque de Sens, Raoul, archevêque de Tours, Yves, évêque de Chartres, Jean, évêque d'Orléans, Humbaud, évêque d'Auxerre, Galon, évêque de Paris, Manassès, évêque de Meaux, Baudri, évêque de Noyon, Hubert, évêque de Senlis. Il n'y avait donc que les évêques du domaine ou voisins de ce domaine. On lut la bulle pontificale, puis on délégua au roi Jean, évêque d'Orléans, et Galon, évêque de Paris, pour lui demander s'il était disposé à accepter la teneur de cette bulle et à renoncer à son illégitime compagne. Philippe répondit qu'il voulait plaire à Dieu et à la sainte Église romaine, qu'il était prêt à acquiescer aux ordres du Saint-Siège, des archevêques et évêques présents. Aussi, devant ces évêques, devant plusieurs abbés, archidiacres, clercs et laïques, le roi entra, pieds nus, dans une attitude très humble ; il toucha les saints Évangiles et prêta le serment suivant : Écoutez, Lambert, évêque d'Arras, qui représentez le Saint-Siège ; écoutez moi, archevêques et évêques présents ; moi, Philippe, roi des Francs, je renonce à ma faute ; je n'aurai plus avec Bertrade aucun commerce illicite ; je ne la verrai plus qu'en présence de personnes non suspectes. Avec l'aide de Dieu, comme l'exige la bulle du pape et comme vous pouvez le comprendre, je serai fidèle à mes engagements. Bertrade fit le même serment sur les Evangiles et reçut elle aussi l'absolution. Ainsi, comme en 1096, comme en 1098, Philippe Ier promettait de mettre fin à sa liaison avec Bertrade, et le pape, enregistrant sa promesse, lui donnait l'absolution. Le roi ne fut pas plus fidèle à ses engagements ; nous avons vu qu'en 1106 il apparaissait à Angers, ayant avec lui Bertrade qui souscrit, comme reine, à un diplôme royal ; il est donc peu probable que le roi n'eût avec elle que les entrevues prescrites par le pape. Mais Pascal II ferma les yeux ; il feignit de croire que Philippe Ier ne voyait plus Bertrade ; c'est que l'Allemagne devient menaçante ; le pape a plus que jamais besoin de l'appui du roi capétien ; en 1107, il doit se réfugier en France ; il ne croit pas pouvoir excommunier son hôte ; il met ses intérêts politiques au-dessus de ses devoirs religieux. De ce fait qu'après 1104 Bertrade n'a cessé de vivre avec Philippe Ier, certains historiens ont conclu que Pascal II, touché de la soumission du roi, avait enfin confirmé leur mariage en déclarant dissous celui de Foulque d'Anjou avec Bertrade pour cause de parenté[147]. Cette solution est évidemment très ingénieuse, peut-être trop ingénieuse pour être vraie ; mais elle n'est autorisée par aucun texte. Ménage, dans son Histoire de Sablé, donne comme preuve de la légitimation par le pape de ce mariage, que Bertrade, après la mort de Philippe Ier, n'a jamais cessé d'être traitée en reine, qu'elle eut un domaine, la terre de Haute-bruyère, dans le voisinage de Montfort et dans le diocèse de Chartres, où elle fonda un prieuré[148]. Il est incontestable que, pendant le règne de Philippe Ier, Bertrade n'a cessé d'être traitée en reine ; sa souscription figure, à côté de celle du roi, au bas de plusieurs diplômes royaux[149]. Mais, qu'il en ait été ainsi sous Louis le Gros, le fait nous paraît plus sujet à caution. Il semble au contraire que le roi Louis VI ait retiré à sa belle-mère la dot que lui avait jadis constituée Philippe Ier, ou du moins qu'il l'ait forcée à racheter cette dot. Nous avons une charte de Bertrade, datée de 1115, dans laquelle elle prend bien, il est vrai, le titre de reine, mais qui indique qu'elle avait acheté à Louis le Gros le bois de Foucher que Philippe lui avait donné en dot. C'est une charte par laquelle elle donne à Marmoutier une partie de ce bois de Foucher, la partie de la forêt quæ dicitur splendida contiguë à l'ouest à une autre partie que le comte Foulque avait donnée antérieurement à Marmoutier. Cette forêt, ajoute la charte, Bertrade l'avait d'abord tenue en dot du roi Philippe, puis elle l'avait achetée à son fils le roi Louis et l'avait concédée pour sa vie au clerc Guillaume, surnommé Burel ; avec le consentement de Guillaume, Bertrade investit de ce bois les moines de Marmoutier. Il résulte de cette charte que, pour conserver sa dot, Bertrade avait dit verser une somme à Louis VI[150]. Guillaume de Malmesbury raconte que Bertrade, encore jeune et belle, prit le voile au monastère de Fontevrault et qu'elle mourut peu après, Dieu ayant jugé que le corps délicat de cette femme ne pouvait s'adapter aux durs travaux de la vie religieuse. Il rapporte en même temps que Philippe Ier mourut sous l'habit monacal à Fleury-sur-Loire[151]. En réalité, Philippe n'eut qu'une velléité de vie monastique, ainsi que l'atteste une lettre de Hugues, abbé de Cluny[152], qui lui conseille vivement, en lui rappelant l'exemple de son prédécesseur saint Gontran, de finir ses jours à Cluny. Philippe ne réalisa son désir qu'après sa mort, en se faisant enterrer à Saint-Benoît-sur-Loire. Cette mort suivit de quatre années à peine l'absolution du roi. Philippe Ier est mort en 1108, date indiquée par toutes les chroniques, à l'exception des Annales de Saint-Aubin d'Angers[153] et des Annales de Saint-Germain-des-Prés[154]. C'est très probablement à Melun qu'il mourut, comme le veulent Suger[155], la chronique de Morigny[156] et l'Abréviation des gestes des rois de France[157]. Le jour de la mort est plus difficile à déterminer : il est absolument impossible de trancher entre le 29 et le 30 juillet[158]. Orderic Vital raconte[159] que, voyant venir la mort, le roi fit venir les seigneurs de France et ses amis et leur dit : La sépulture des rois de France est, je le sais, à Saint-Denis, mais j'ai trop péché pour que mon corps repose auprès de celui d'un si grand martyr. Je crains même que, pour ces péchés, je ne sois livré au diable et que mon sort ne soit celui qu'on attribue à Charles Martel. J'ai toujours eu beaucoup de dévotion pour saint Benoît ; j'invoque, en mourant, le pieux père de tous ces moines et je demande à être enseveli dans son église près de la Loire. Il est plein de clémence et de bonté ; il accueille avec bienveillance les pécheurs qui veulent se repentir et se réconcilier avec Dieu selon la discipline de sa règle. Suger[160] rapporte aussi que Philippe ne voulut pas être enterré à Saint-Denis parce qu'il n'avait pas eu une conduite assez bonne vis-à-vis de l'Eglise. Aussi, après de solennelles funérailles à l'église Notre-Dame de Melun présidées par Galon, évêque de Paris, par les évêques de Senlis et d'Orléans et par l'abbé de Saint-Denis, Adam, la dépouille mortelle fut conduite à Saint-Benoît-sur-Loire et inhumée dans l'église du monastère[161]. |
[1] Miracula sancti Benedicti, l. VIII, c. XXIV (Ed. de Certain, p. 315.) — Chronicon S.
Bertini. c. XXXVIII (Rec. des histor. de France, t. XI, p.
383 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXV, p. 782.)
[2] Cf. Rec. des histor. de France, t. XI, p. 63, n. a, et Magn. Chron. Belgicum, p. 112 et 120.
[3] Aimoin, De gestis Francorum, l. V, c. XLVII (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 157.)
[4] Suger, Vita Ludovici, c. 1 (Ed. Molinier, p. 7.) .
[5] Chronicon Vizeliacense, anno MLIX (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 384.)
[6] Abbreviatio gestorum regum Francorum (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 213.)
[7] Gesta episcoporum Leodiensium, l. III. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXV, p. 80.) — Aubri de Trois-Fontaines, année 1060. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 857 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 792.)
[8] Rec. des histor. de France, t. XVI, introduction, p. XXX.
[9] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° LXXVIII, p. 199, l. 22 ; Berthe a également souscrit, en 1077, le diplôme pour Saint-Symphorien d'Autun (n° LXXXVI, p. 226, l. 8) et l'acte d'emprunt du roi à Saint-Vincent de Senlis (n° CXXX, p. 331, l. 16).
[10] Hugues de Fleury, Historia modernorum regum Francorum. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. IX. p. 391.) — Aubri de Trois-Fontaines dit également que Robert a eu l'idée du mariage. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 357 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 792-793.)
[11] Guillaume de Jumièges, l. VIII, c. XIV. (Rec. des histor. de France, t. XI. p. 56.)
[12] On verra plus loin l'histoire de cette guerre.
[13] Hériman de Tournai, c. XIV. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XIV, p. 280 : Rec. des histor. de France, t. XI, p. 255.)
[14] Nous adoptons donc l'opinion formulée par les bénédictins. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 3, n. c) et par Meyer von Knonau : Jahrbücher des Deutschen Reichs unter Heinrich IV und Heinrich V, t. II, p. 64.)
[15] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl. l. III, c. CCLVII. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. X, p. 473 ; éd. Stubbs, t. II, p. 325.) — Même texte dans Aubri de Trois-Fontaines, année 1072. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 363 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 797.)
[16] Nous avons résumé le récit de la Vita S. Arnulfi, l. I, c. XXX. (Acta Sanctorum ord. S. Benecd., sæc. VI, IIe part., p. 525-526.)
[17] Sigebert de Gembloux, année 1080. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 258.)
[18] Vita S. Arnulfi, l. II, c. m. (Acta Sanctorum ord. S. Bened., sæc. VI, IIe part., p. 529 et suiv.)
[19] Vita S. Arnulfi, l. II, c. III. (Acta Sanctorum ord. S. Bened., sæc. VI, IIe part., p. 531.)
[20] Vita S. Arnulfi, l. II, c. IV. (Acta Sanctorum ord. S. Bened., sæc. VI, IIe part., p. 531.) En 1081, le dimanche précédant Noël est bien le 19 décembre. Il n'y a donc pas lieu de suspecter la chronologie donnée par ce texte.
[21] Luchaire, Louis VI le Gros, Annales de sa vie et de son règne, appendice II, p. 285-289.
[22] Chronicon S. Petri Catalaunensis, anno MCVIII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 276.)
[23]
Aubri de Trois-Fontaines, année 1109. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 817.)
[24] Suger, Vita Ludovici, c. XXXIII. (Ed. Molinier, p. 129.)
[25] Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MCVIII. (Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 423.) M. Luchaire, Louis VI (loc. cit.), corrige XXXV en XXVII.
[26] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° XCVIII, p. 252.
[27] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 254, l. 4-6.
[28] Cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 254, n. b.
[29] Vita S. Arnulfi, l. I, c. XVII. (Acta Sanctorum ord. S. Bened., sæc. VI, IIe part., p. 519.) — Continuation d'Aimoin, l. V, c. L. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 122.)
[30] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis, anno MXCIV. (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 512.)
[31] Gaufredi Malaterræ historia Sicula, l. IV, c. VIII, (Rec. des histor. de France, t. XIII p. 726.)
[32] Clarius, Chronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MXCII. (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 512.)
[33] Chronicon S. Martini Turonensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 465.)
[34] Charte-notice de Raoul de Beaugency. (Mabille, Cartul. de Marmoutier pour le Dunois, n° LX, p. 52.)
[35] Chronique de Pierre Béchin. (Salmon, Chroniques de Touraine, p. 55.)
[36] Richard de Poitiers. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 411.)
[37] Bernard Guidon, De origine regum Francorum. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 230.)
[38] Continuation d'Aimoin, l. V, c. XLIX. (Rec. des histor, de France, t. XII, p. 122.)
[39]
Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., l. III, c. CCLVII. (Ed. Stubbs, t. II, p. 315.)
[40] Historia regum Francorum
monasterii S. Dionysii. (Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. IX, p. 405.)
[41] Gesta dominorum Ambasiencium. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 506 ; Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 192.)
[42] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 386.)
[43] Cf. Orderic Vital, l. VIII, c. X, et les notes de Leprévost (t. III, p. 321) sur les précédentes femmes de Foulque, Hildegarde de Beaugency, Hermengarde de Bourbon et Arengarde de Castillon. Les deux dernières seules avaient été répudiées et existaient encore au moment du mariage de Foulque avec Bertrade.
[44] Guillaume de Malmesbury, De gestis reg. Angl., i. III, c. CCXXXV. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 181 ; éd. Stubbs, t. II, p. 293.)
[45] Aubri de Trois-Fontaines, année 1060. (Rec. des histor. de France, t. XI, p. 358 ; Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. XXIII, p. 793.)
[46] Guillaume de Tyr, l. XIV, c. I. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 518.)
[47] Il est impossible d'identifier cette localité, car il n'y a pas de Maindray sur le Beuvron. Ménage fait remarquer (Sablé, p. 86) : Il y a aujourd'huy en Touraine deux métairies du nom de Mindré, l'une appelée le grand Mindré, l'autre le petit Mindré, mais ces deux Mindré sont éloignés de deux lieues de la rivière du Beuvron.
[48] Gesta consulum Andegavensium. (Marchegay et Salmon, Chroniques d'Anjou, p. 142.)
[49]
Donation de Foulque à Saint-Serge. (Bibl. Nat. ms. lat. 11792, fol. 143.)
[50] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLVII, p. 391 ; n° CLVIII, p. 396.
[51] Addenda chronicis S. Albini Andegavensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 486.)
[52] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 388.)
[53] De Atrebatensi episcopatu restituto. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 745.)
[54] Yves de Chartres, ep. 13 (à Renaud, archevêque de Reims). (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 73.) Il est dit dans la lettre 15 (ibid., p. 75) que c'est à Paris qu'Yves fut convoqué.
[55] Yves de Chartres, ep. 13. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 73.
[56] Yves de Chartres, ep. 18. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 75.)
[57] Yves de Chartres, ep. 15. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 74.)
[58] D'après la lettre analysée à la page précédente, Philippe Ier avait dû affirmer par serment que le divorce avait été prononcé canoniquement ; c'est à ce serment qu'Yves fait allusion ici.
[59] Saint Marc, c. IX, 41.
[60] Yves de Chartres, ep. 14. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 74.)
[61] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 387.)
[62] Jaffé, n° 5469.
[63] Lettre d'Urbain II à Renaud, archevêque de Reims, et à ses suffragants. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 702.)
[64] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 387.)
[65] Guillaume de Malmesbury. De gestis reg. Angl., l. V, c. CCCXIV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 11 ; éd. Stubbs. t. II, p. 480.)
[66] Orderic Vital, éd. Leprévost, t. III, p. 387, n. 5.
[67] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 493.)
[68] Yves de Chartres, ep. 16. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 81.)
[69] Jaffé, n° 5469. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 702.)
[70] Il est à remarquer que dans les deux seuls diplômes de Philippe Ier que nous ayons conservés des années 1093 et 1094 se trouve une seule souscription d'évêque, qui est précisément celle d'Ursion. (Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXII, p. 336, l. 15.)
[71] Yves de Chartres, ep. 20. (Rec. dès histor. de France, t. XV, p. 77.)
[72] Chronicon Vindocinense, anno MXCIII. (Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 170 ; Halphen, Annales angevines et vendômoises, p. 66-67.)
[73] Ep. 21. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 78.)
[74] Gesta pontificum Cenomanensium, c. XXXIV. (Mabillon, Analecta, p. 312.)
[75] Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores, t. VIII, p. 493.
[76]
Bernold, moine de Saint-Blasien, année 1091. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 450.)
[77] Voir dans Jaffé : Regesta pontificum Romanorum, t. II, p. 667, les lettres d'Urbain II remontant au début de 1091.
[78] Lettre d'Urbain II à Renaud, archevêque de Reims, et à ses suffragants (Jaffé, n° 5469). (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 702.)
[79] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 78.
[80] Yves de Chartres, ep. 22. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 78.)
[81] Yves de Chartres, ep. 25. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 80.)
[82] Yves de Chartres, ep. 27. (Migne, Patr. Lat., t. CLXII, col. 38-40.)
[83] Yves de Chartres, ep. 28. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 82.)
[84] Nous ne savons à quel concile Yves fait ici allusion ; peut-être le pape songeait-il à déférer l'affaire à un concile.
[85] Cet ordre se trouvait évidemment dans la bulle perdue d'Urbain II à laquelle la lettre 25 faisait allusion ; on voit que. les autres prescriptions de cette lettre ressemblent beaucoup à celles de la bulle du 27 octobre 1092.
[86] Lettre d'Urbain II à Hugues de Die (Jaffé, n°5523). (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 758.)
[87] Clarius, Çhronicon S. Pétri Vivi Senonensis, anno MXCIV. (Duru, Bibl. histor, de l'Yonne, t. II, p. 512.)
[88] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 750, n. c.
[89] Yves de Chartres, ep. 35. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 83.)
[90] Hugues de Flavigny, l. II. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 473.) Cf. aussi la lettre par laquelle Hugues de Die convoqua au concile Lambert, évêque d'Arras. (Migne, Patr. lat., t. CLVII, col. 516-517.)
[91] Bernold, moine de Saint-Blasien, année 1094. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 461.)
[92] André de Marchiennes. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 419.)
[93] Bernold, année 1095. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 462.)
[94] Yves de Chartres, ep. 46. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 84.)
[95] Libellus Notcheri abbatis Altivillarensis. De veritate reliquiarum S. Helenæ matris Constantini magni. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 89.)
[96] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXIV, p. 340.
[97] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXXXV, p. 342.
[98] Yves de Chartres, ep. 47. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 85.)
[99] Yves de Chartres, ep. 211. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 150.)
[100] Lettre d'Urbain II à Garnier (Jaffé, n° 5584). (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 754.)
[101] Cf. Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 753.
[102] Ex libello Notcheri abbatis Altivillarensis. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 90.)
[103]
Sigebert de Gembloux, année 1095. (Rec. des histor. de France, t. XIII,
p. 260. Monumenta Germaniæ
historica, Scriptores,
t. VI, p. 367.)
[104] Chronicon Turonense magnum, anno MXCV. (Salmon, Chroniques de Touraine, p. 129.)
[105] Chronicon S. Martiulis Lemovicensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 427.)
[106] Chronicæ S. Albini Andegavensis, anno MXCV. (Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 27-28. Halphen, Annales angevines, p. 42.)
[107] Richard de Poitiers. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 411.)
[108] Bernold de Saint-Blasien, année 1095. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 463.)
[109] Annales Blandinienses, anno MXCV. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores., t. V, p. 27.)
[110] Guillaume de Malmesbury, l. IV, c. CCCXIV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 6 ; éd. Stubbs. t. II, p. 393.)
[111] Jaffé, n° 5636. (Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 722.)
[112] Jaffé, n° 5637.
[113] Chronicon S. Maxentii Pictavensis. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 403 ; Marchegay et Mabille, Chroniques des églises d'Anjou, p. 411-412.)
[114]
Bernold de Saint-Blasien, année 1096. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. V, p. 464.)
[115] Voir en particulier : Bernard Monod, Essai sur les rapports de Pascal II et de Philippe Ier, p. XXV et suiv.
[116] Yves de Chartres, ep. 56. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 90.)
[117] Yves de Chartres, ep. 67. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 100.)
[118] Jaffé, n° 5682 ; Migne, Patr. lat., t. CLI, col. 493.
[119] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 390.)
[120] Orderic Vital, l. VIII, c. XX. (Ed. Leprévost, t. III, p. 389.)
[121] Guillaume de Malmesbury, l. V, c. CCCIV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 14 ; éd. Stubbs, t. II, p. 180.)
[122] Hugues de Flavigny, 1. II. (Monumenta Germaniæ historien, Scriptores, t. VIII, p. 493-494.)
[123] Yves de Chartres, ep. 84. (Rec.. des histor. de France, t. XV, p. 107.)
[124] Jaffé, n° 5574 ; Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 729.
[125] Chronicon Turonense magnum, anno MXCVIII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 467 ; — Salmon, Chroniques de Touraine, p. 129.)
[126] Yves de Chartres, ep. 84. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 107.)
[127] Il résulte de cette lettre d'Yves de Chartres qu'il ne faut nullement tenir compte du récit d'Hugues de Flavigny (Monumenta Germaniæ historien, Scriptores, t. VIII, p. 491) d'après lequel les légats auraient eu, au début de leur mission, une entrevue avec Philippe Ier.
[128] Bernard Monod, op. cit.,
passim.
[129] Acta Sanctorum, Aprilis, t. II, p. 233 E. Cf. Bernard Monod, op. cit., p.
18, n. 3.
[130] Clarius, Chronicon S. Petri Vivi Senonensis, anno MC. (Duru, Bibl. hist. de l'Yonne, t. II, p. 514.)
[131] Chronique dite de Guillaume Godelle, année 1100. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 673.)
[132]
Hugues de Flavigny, t. II. (Monumenta
Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 491.)
[133] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 191.
[134] Il y aurait eu cent quarante évêques ou abbés suivant la Vie de saint Bernard, abbé de Tiron (Acta Sanctorum, Aprilis, t. II, p. 233 E), quatre-vingts seulement selon Hugues de Flavigny. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 491.)
[135] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 321.
[136] Acta Sanctorum, Aprilis, t. II, p. 233 E.
[137] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 108-109.
[138] Saint Mathieu, c. V, 10.
[139] Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 493.
[140] Yves de Chartres, ep. 104. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 116.)
[141] Hugues de Flavigny. (Monumenta Germaniæ historica, Scriptores, t. VIII, p. 502.)
[142] Yves de Chartres, ep. 141. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 128.)
[143] Yves de Chartres, ep. 144. (Rec. des histor. de France, t. XV, p. 129.)
[144] Jaffé, n° 5979 ; Rec. des histor. de France, t. XV, p. 29. — Sur la date de cette bulle, cf. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. 374, n. 1.
[145] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CXLVIII, p. 374.
[146] Rec. des histor. de France, t. XV, p. 197.
[147] Cf. Ménage, Sablé, p. 89.
[148] Cf. Ménage, Sablé, p. 89.
[149] Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, n° CLVII, p. 395, l. 1 ; n° CLVIII, p. 396, l. 23. Le consentement de Bertrade est mentionné dans deux autres diplômes : n° CXLI (1101), p. 352, l. 8 ; n° CLXVIII (1101-1108), p. 412, l. 18.
[150] Voir le texte de la charte de Bertrade tel qu'il se trouve, d'après l'original, dans l'Histoire de Marmoutier de Dom Martène (Bibl. nat. Ms. lat. 12879, fol. 24).
[151] Guillaume de Malmesbury, l. V, c. CCCXIV. (Rec. des histor. de France, t. XIII, p. 14 ; éd. Stubbs, t. II, p. 480.)
[152] Rec. des histor. de France, t. XIV, p. 811.
[153] Annales de Saint-Aubin. (Halphen, Recueil d'annales angevines et vendomoises, p. 7.)
[154] Annalium S. Germani
continuatio (Monumenta Germaniæ historica,
Scriptores, t. IV, p. 4.)
[155] Suger, Vita Ludovici, c. XII. (Ed. Molinier, p. 38.)
[156] Chronicon Mauriniacense. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 68.)
[157] Abbreviatio gestorum regum
Francorum (Ibid., t. XII, p. 67.)
[158] Voir à ce sujet la dissertation de M. Prou. (Recueil des actes de Philippe Ier, introduction I, 6, p. XXXIV-XXXVIII.)
[159] Orderic Vital, l. XI, c. XXXIV. (Ed. Leprévost, t. IV, p. 283.)
[160] Suger, Vita Ludouici, c. XII. (Ed. Molinier, p. 38-39.)
[161] Chronicon Turonense magnum. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 468. — Salmon, Chroniques de Touraine, p. 131. — Chronicon S. Maxentii Pictavensis, anno MCVIII. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 458 ; — Marchegay et babille, Chroniques des églises d’Anjou, p. 423. — Abbreviatio gestorum regum Francorum. (Rec. des histor. de France, t. XII, p. 67.)