CARACTÈRES GÉNÉRAUX DU XIe SIÈCLE. — La fameuse légende des terreurs de l'an mil, a écrit M. Henri Pirenne, n'est point dénuée de signification symbolique. Il est faux sans doute que les hommes aient attendu la fin du monde en l'an mil, mais le siècle qui s'ouvre à cette date se caractérise, en opposition avec celui qui le précède, par une recrudescence d'activité si marquée qu'elle pourrait passer pour le réveil d'une société longuement oppressée par un angoissant cauchemar[1]. C'est bien en effet une véritable renaissance qui se manifeste dans tout l'Occident autour de cette date. Elle ne commence pas au même moment dans tous les pays ; elle n'affecte pas avec la même intensité les diverses branches de l'activité humaine, mais elle les effleure toutes et annonce le début d'une ère nouvelle. A la courbe descendante, jusque-là suivie par le monde occidental, succède ici dès la fin du Xe, là au début du XIe siècle, une courbe ascendante. L'époque des Ottons marque l'aurore de la civilisation médiévale qui atteindra son plein épanouissement au temps de saint Louis. La vie économique a reçu de bonne heure l'impulsion décisive. Si l'agriculture ne réalise encore que de timides progrès, du moins le commerce d'échange reprend-il son cours interrompu, provoquant une résurrection urbaine dont les conséquences sur la vie sociale se feront très vite sentir. I. — La colonisation agricole[2]. CIRCONSTANCES FAVORABLES AU RELÈVEMENT AGRICOLE. — Au cours du XIe siècle, à des dates qui varient avec les régions, se dessinent des conditions plus favorables à l'agriculture. Tout d'abord, il y a une certaine stabilisation du régime seigneurial. C'est l'époque où se consolide en Allemagne la puissance territoriale des évêques et des abbés, où se constituent dans. la France du Nord des États provinciaux plus ou moins centralisés, où un Baudouin V de Flandre, un Guillaume le Conquérant ou même un Robert le Pieux, en attendant un Louis VI, réussissent à rétablir une sécurité relative dont le paysan sera le premier à bénéficier. Au même moment, en Aquitaine, en Languedoc, en Bourgogne, les évêques réagissent contre l'esprit du siècle, décrètent la paix de Dieu qui se propagera un peu partout et que le pape Urbain II, en 1095, étendra à la chrétienté tout entière. Dans ce monde si troublé, l'ordre paraît en voie de renaître et les grands feudataires, non contents de protéger le paysan en le préservant des dévastations systématiques qui, au siècle précédent, ont si souvent paralysé son activité, s'efforcent de faire progresser l'agriculture, soit qu'ils encouragent les défrichements, soit qu'ils attirent chez eux la main-d'œuvre nécessaire : c'est à Baudouin V, comte de Flandre, pour prendre un exemple entre tant d'autres, que revient l'idée des grands travaux d'assèchement entrepris le long des côtes de la mer du Nord[3]. De telles initiatives sont encouragées par l'Église qui parfois prend les devants : les grands domaines ecclésiastiques ou monastiques abriteront les premières exploitations agricoles où l'on ait cherché à mettre en œuvre des procédés un peu plus scientifiques et partant plus rémunérateurs[4]. PROGRÈS SOCIAUX. — L'Église a également favorisé le mouvement d'affranchissement des serfs qui se dessine bien timidement encore et qui se généralisera au XIIe siècle. Dès la fin du Xe siècle, une charte contenue dans le Livre des serfs de Marmoutier proclame que l'affranchissement d'un esclave est une œuvre pie. Plus tard, dans une lettre célèbre, Yves de Chartres affirmera que tous les hommes sont égaux aux yeux de Dieu qui ne distingue parmi eux ni serfs ni hommes libres[5]. Affranchir un serf, c'est donc se préparer une éternité meilleure, c'est aussi — et ce point de vue n'a pas échappé aux seigneurs — s'assurer en ce monde des revenus immédiats, puisque le serf, pour acquérir sa liberté, paye un droit parfois élevé. De plus, beaucoup de barons se sont inquiétés de l'exode provoqué par une condition trop dure et, afin de prévenir les départs en masse, ils ont attaché leurs serfs au sol qu'ils cultivaient en les transformant en tenanciers libres dont les redevances, quoique limitées, continuèrent à soulager leurs finances obérées[6]. Un progrès social n'en était pas moins réalisé, car le paysan libre cesse d'être taillable et corvéable à merci ; ses obligations sont fixées par un contrat ; il n'est plus exposé aux vexations de l'arbitraire seigneurial et, du fait qu'il jouira de ses biens avec sécurité, il aura plus d'ardeur pour cultiver son champ ou sa vigne. ACCROISSEMENT DE LA NATALITÉ. — Au moment où s'élaborent ces conditions plus propices au développement de l'agriculture, l'accroissement de la natalité va fournir les bras nécessaires. Si éprouvées qu'elles aient été au Xe siècle et au début du XIe par les famines et les épidémies, les populations de l'Europe occidentale sont arrivées à maintenir leur effectif et même à l'augmenter. Les chartes révèlent un peu partout, dans la seconde moitié du XIe siècle, la formation de villages[7], plus encore l'afflux ! d'une main-d'œuvre nouvelle dont le rôle sera prépondérant. LES HÔTES. — Cette main-d'œuvre est constituée par les hôtes (hosftites) que beaucoup de seigneurs, dès le XIe siècle, ont fixés sur leurs terres en friche. Il y a, en effet, à cette époque, une abondante population nomade, composée de serfs qui, pour une raison ou pour une autre, ont quitté leur tenure, de cadets de famille, de routiers en quête d'emploi, la guerre une fois finie. Tous n'ont qu'une idée, c'est d'en finir avec leur existence errante et de se louer comme ouvriers. Aussi vont-ils se mettre avec entrain à la disposition des seigneurs, ecclésiastiques ou laïques,-qui songent à défricher leurs forêts ou leurs terres incultes ; ils s'établiront parfois très loin de leur pays d'origine et formeront, le plus souvent au milieu de la forêt, des agglomérations comptant jusqu'à cinquante feux. Naturellement leur condition sera très variable, étant donné qu'elle est réglée par un contrat personnel, mais, précisément parce qu'un contrat intervient, elle est très différente de celle du serf : toutes les obligations de l'hôte sont définies, ainsi que le chiffre des amendes en cas d'infraction ; le seigneur s'interdit toute prestation injuste et parfois renonce à toute redevance pendant les premières années qui suivront l'établissement. En un mot, l'hôte est libre : c'est tantôt un fermier, tantôt un métayer ; sa condition juridique ne ressemble en rien à celle du serf[8]. PROGRÈS DE LA COLONISATION AGRICOLE. — Les hôtes ont joué un très grand rôle dans l'histoire économique du XIe siècle. Ils ont été, comme on l'a dit bien des fois, les pionniers des travaux de défrichement et d'endiguement qui ont transformé la physionomie de l'Europe occidentale. Sans doute, le grand essor date du XIIe siècle, mais, dès le XIe, l'impulsion est donnée. Déjà, dans le midi de la France et en Auvergne, on se préoccupe d'assécher les marais[9]. En Flandre, le long de la côte, commence, à l'aide d'immigrants venus de l'intérieur, la lutte méthodique contre la mer qui va substituer aux marécages des terres riches et fertiles où s'édifient les villages aux noms terminés en kerk ou en capelle. Bientôt, de cette région surpeuplée partiront d'autres pionniers qui s'en iront, à leur tour, dessécher les moores du pays de Brême et feront bénéficier de leur expérience même la région au delà de l'Elbe[10]. C'est surtout grâce au défrichement que des terres nouvelles sont gagnées à la culture. Le clergé a vivement encouragé les travaux de ce genre et beaucoup de seigneurs, à sa suite, ont compris l'intérêt qu'il y avait pour eux à réduire le nombre des espaces couverts par les bois ou les broussailles. Pour transformer ces espaces en terres cultivées, on a eu généralement recours à l'écobuage qui consiste à incendier les fourrés et à l'essartage par lequel, à l'aide de pics, on fait disparaître les derniers vestiges des gros troncs, ce qui permet ensuite à la charrue d'accomplir son œuvre[11]. La forêt recule partout, plus ou moins rapidement suivant les régions ; en Allemagne, en Angleterre, en France, bientôt en Espagne, les territoires boisés tendent de plus en plus à céder la place à des terres labourées ou à des vignobles. PRINCIPALES CULTURES. — Parmi les cultures qui succèdent ainsi à la forêt, il faut tout d'abord accorder une place importante aux cultures maraîchères. Dans beaucoup de chartes du XIe siècle, il est question du gardignus ou hortus, qui est le jardin potager, du viridarium ou verger ; les monastères en particulier tirent des légumes et des fruits d'assez sérieux revenus. La culture de la vigne a connu aussi une rapide extension et cela, chose assez curieuse, dans des pays d'où aujourd'hui elle est à peu près entièrement exclue : il est question de vignobles en Bretagne, autour de Rouen et de Coutances, même à Saint-Bertin en Flandre[12]. Quant aux autres cultures, elles se maintiennent, semble-t-il, à un stade inférieur. On en reste à l'agriculture à trois soles avec l'alternance de la jachère, de la céréale d'hiver et de la céréale d'été ; les exploitations sont de médiocre étendue, et l'on emploie toujours la charrue en bois avec le bœuf plutôt que le cheval comme bête de labour[13]. Avec de tels procédés le rendement ne pouvait être qu'assez faible : le XIe siècle est surtout l'époque des grands défrichements ; l'ère des progrès techniques dans la culture viendra ensuite. L’ÉLEVAGE. — L'élevage se réduit aussi à fort peu de chose. Sans doute il est question dans les chartes de troupeaux, troupeaux de porcs et troupeaux de moutons surtout, sans doute on voit apparaître çà et là des prairies qui alternent avec des champs cultivés, mais le plus souvent on en est encore au pacage qui donne lieu à d'importantes redevances. Dans quelques pays, comme l'Angleterre et le 'nord-ouest de la France, on commence à élever des bœufs et de préférence des chevaux. Ceux-ci se multiplieront, lorsque le monde seigneurial se lancera dans des expéditions lointaines qui nécessiteront plus de cavalerie que les simples guerres privées[14]. ENRICHISSEMENT DE, LA CLASSE RURALE. — On ne saurait qualifier ces timides résultats de renaissance agricole, mais ils constituent d'encourageants symptômes. L'élaboration des moyens indispensables à une extension de la culture et à un meilleur aménagement des exploitations rurales est plus notable encore. Bref, si de grands progrès ont été réalisés surtout aux XIIe et XIIIe siècles, la situation des campagnes se présente, dès le XIe, sous un jour plus favorable : la misère tend manifestement à diminuer ; à partir de l09°, les années de disette sont plus rares et, comme le rendement de la terre s'est accru, tandis que les redevances seigneuriales ont acquis une fixité jusque-là inconnue, le paysan s'achemine vers une plus grande aisance et s'apprête à bénéficier de l'enrichissement général que va provoquer une incomparable renaissance commerciale. II. — La renaissance commerciale[15]. RETOUR À L'ÉCONOMIE D'ÉCHANGE. — Tandis que l'agriculture revient lentement à la vie, le commerce enregistre au XIe siècle une prodigieuse ascension, marquée avant tout par le retour à l'économie d'échange qui avait à peu près disparu depuis les invasions musulmanes et normandes. Plusieurs causes ont favorisé cette résurrection : l'entrée en scène de Venise, la réouverture des ports flamands, la création de débouchés nouveaux. LE COMMERCE VÉNITIEN. — Le développement économique de Venise est antérieur au XIe siècle. La grande métropole de l'Adriatique a eu l'avantage inestimable de se maintenir sous le protectorat grec, après la chute de la domination byzantine en Italie, ce qui lui a permis d'échapper aux convulsions politiques qui ont secoué la péninsule après la dislocation de l'Empire carolingien. En raison de sa position géographique qui la mettait à l'abri des incursions musulmanes, elle n'a jamais interrompu ses relations commerciales avec Constantinople et le traité passé en mars 992 avec Basile II, en lui conférant des avantages douaniers, en lui assurant une protection efficace dans les ports orientaux, ne pouvait qu'accroître son trafic. Le doge Pierre II Orseolo (991-1009), l'un des meilleurs artisans de la grandeur vénitienne, a réussi, à la suite d'une expédition fameuse (1000), à affranchir la République du tribut qu'elle payait aux Slaves, en même temps qu'il a établi sa domination sur les ports d'Istrie et de Dalmatie, à Zara, à Spalato et à Raguse, autant d'étapes sur la route de l'Est. Enfin, profitant de la lassitude qui se manifeste dans les pays musulmans d'Orient à la fin du Xe siècle, Venise a pu entamer des négociations qui ont abouti à la concession de privilèges pour ses marchands à Alep, à Alexandrie, au Caire, à Damas, à Kairouan et à Palerme. Ainsi ont été jetées les bases de sa puissance commerciale : dès la fin du Xe siècle, elle semble destinée, par sa situation au débouché de la plaine du Pô et des cols alpins, à devenir l'intermédiaire entre l'Allemagne et l'Italie d'un côté, l'Orient grec et musulman de l'autre[16]. Le mouvement du port atteint déjà d'énormes proportions. L'esprit d'initiative et le sens des affaires que les Vénitiens ont révélés au cours de leur expansion méthodiquement poursuivie sont autant de gages d'avenir : maîtres des marchés méditerranéens, ils feront sortir le commerce occidental de sa torpeur et serviront de trait d'union entre deux mondes isolés économiquement, politiquement, religieusement. Dès le Xe siècle aussi, Venise, tout en intensifiant son trafic avec Byzance, a posé des jalons vers l'Ouest. Elle s'est créé d'abord des relations commerciales avec Pavie, puis, profitant de ses bons rapports avec Otton Ier, Otton II et Otton III, elle a étendu son influence économique sur toutes les villes de la plaine de Pô qui, au début du XIe siècle, naissent à l'industrie et dont elle exportera les produits au dehors[17]. En vertu des traités signés avec les empereurs germaniques, elle a le monopole du commerce avec toutes ces cités. Bientôt son rayonnement se propage au delà de la Lombardie : par les cols alpins, notamment par le Brenner, le Splügen et le Saint-Bernard, elle atteint l'Allemagne, la Gaule et l'Espagne, devançant les ports de la mer Tyrrhénienne qui, sans cesse sillonnée par les flottes musulmanes, reste interdite aux navigateurs[18]. Aussi le XIe siècle est-il pour la République le début de l'ère de splendeur qui s'ouvrira avec la première croisade, lorsque la création des États latins de Syrie et de Palestine assurera au commerce vénitien de nouveaux débouchés[19]. LE COMMERCE SCANDINAVE. — Au moment où Venise jette les bases de sa puissance future, on observe également un réveil de l'activité économique au nord-ouest de l'Europe. La fixation des envahisseurs scandinaves en Normandie et en Angleterre a eu pour résultat de transformer ces hardis pirates en paisibles commerçants. Eux aussi ont subi l'attraction de l'Orient et, à travers la Russie, par Kiev et Novgorod, atteint Constantinople et Bagdad, mais c'est surtout le commerce de la mer du Nord et de la Baltique qui, interrompu par eux au IXe siècle, a été restauré par leurs soins. Grâce à eux, les ports installés à l'embouchure des fleuves de l'Europe centrale ou sur les estuaires anglais se rouvrent peu à peu au trafic ; grâce à eux aussi, les Pays-Bas vont reprendre très rapidement conscience de leur vocation maritime[20]. RÉVEIL DE LA VIE MARITIME AUX PAYS-BAS. — Les Pays-Bas ont été destinés au commerce par la nature. L'Escaut, la Meuse, le Rhin viennent y converger, ouvrant de larges voies de pénétration vers l'intérieur. Par ailleurs, la mer du Nord, resserrée entre les Iles Britanniques et le Continent, forme un couloir qu'utilise nécessairement la navigation qui unit les pays septentrionaux à ceux de l'Europe du Sud-Ouest, en même temps qu'elle est le lien naturel entre l'Angleterre et les États qui lui font face. Aussi, de tout temps, les ports de la côte flamande ont-ils eu une activité intense, interrompue seulement aux époques de cataclysme. A Quentovic et à Duurstede, détruits au milieu du IXe siècle, va succéder Bruges qui, dès le XIe, prélude à son magnifique avenir. On connaît mal les circonstances qui ont présidé à ce renouveau commercial, mais des documents d'ordre divers signalent, dès le début du XIe siècle, l'existence de relations entre la Flandre d'un côté et, de l'autre, l'Angleterre, le Danemark, la Prusse, la Russie. De même, si l'on n'a guère de précisions sur les éléments de ce trafic, il est plus que vraisemblable que les ports flamands exportaient dès ce moment les fines étoffes de laine que l'on a toujours fabriquées dans l'arrière-pays[21]. A la fin du XIe siècle, la renaissance commerciale des Pays-Bas s'accentue notablement. La conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant crée de nouveaux débouchés. D'autre part, par suite du rayonnement du commerce vénitien, les marchands italiens vont arriver en Champagne où, au début du XIIe siècle, on les verra fréquenter en nombre les foires déjà célèbres[22]. Une soudure s'opérera entre les deux grands courants commerciaux nés à la fin du Xe siècle et leur conjonction va imprimer au trafic international une allure nouvelle. CRÉATION DE NOUVEAUX MARCHÉS. — Cette expansion commerciale, qui s'affirmera surtout au XIIe siècle, sera aussi une conséquence de l'expansion religieuse et politique. Au moment où Venise s'assure le monopole des relations avec l'Orient byzantin et où la mer du Nord renaît à la vie, des marchés s'ouvrent un peu partout. La pression missionnaire vers le Nord-Est, qui commence avec le règne d'Otton le Grand, a pour résultat de faire entrer dans la chrétienté les peuples slaves échelonnés au delà de l'Elbe. Au Sud, l'Espagne, où s'organise la lutte contre la domination musulmane, attire les chevaliers occidentaux et noue des relations plus étroites avec les pays voisins, en attendant que la première croisade facilite la reprise du commerce méditerranéen. L'activité intense de la chrétienté a aussi sa part dans la renaissance économique : le pèlerinage devient, de plus en plus, au XIe siècle, une des formes essentielles de la piété médiévale : sur les chemins qui conduisent à Rome et à Saint-Jacques de Compostelle, à Chartres et au Puy commence à circuler une multitude d'hommes animés du désir de se sanctifier par la pénitence[23]. Tout naturellement ces routes sillonnées par les pèlerins vont l'être aussi par les marchands qui trouvent leur compte dans ces manifestations de la foi. En outre, les communications deviennent plus sûres ; l'œuvre de police accomplie à l'intérieur des grands fiefs à la fin du XIe et au début du XIIe siècle profite a ; la fois à l'agriculture et au trafic qui, mieux protégé, s'intensifie du même coup. ORGANISATION DU COMMERCE AU XIe SIÈCLE. — Ainsi se trouvent réunies toutes sortes de circonstances économiques, religieuses, politiques qui favorisent la renaissance commerciale ; mais, si celle-ci a pu produire des effets durables, cela tient aussi à ce qu'elle a bénéficié, dès l'origine, d'une merveilleuse organisation qui, persistera jusqu'à la fin du moyen âge. FORMATION DES ASSOCIATIONS MARCHANDES. — La forme essentielle de cette organisation, c'est l'association marchande qui existe dès le début du XIe siècle. De très bonne heure en effet, les commerçants, recrutés, comme les hôtes, parmi la population flottante en quête de moyens d'existence, ont senti la nécessité de se grouper. En se réunissant, ils couraient moins de dangers sur les routes encore peu sûres et pouvaient, en même temps, entreprendre de plus importantes transactions. Ainsi naquirent les associations primitives, composées d'aventuriers entreprenants qui ont mis en commun bénéfices et risques et qui, en unissant leurs efforts, ont réussi à s'enrichir. Peu à peu, cet esprit d'aide mutuelle se développant, il s'est constitué de véritables caravanes, organisées par les gildes dans le Nord, par les frairies ou compagnies dans le Midi, qui, sous la conduite d'un chef, ont transporté les produits souvent fort loin de leur pays d'origine. On note par exemple à Londres, dès la fin du Xe siècle, la présence de marchands ainsi groupés venant de Cologne, de Dinant et de Rouen, un peu plus tard, en Espagne, celle de négociants originaires de l'est de la France. Au XIe siècle, gildes et compagnies sont déjà prospères, non seulement en Flandre et dans l'Italie du Nord, mais en Normandie, en Picardie, dans la région de la Seine, dans les pays rhénans. Observées d'abord avec défiance, elles ont peu à peu forcé la sympathie parce qu'elles apportaient dans une région en proie à la disette les denrées de première nécessité qui manquaient, plus tard parce qu'en provoquant le retour à l'économie d'échange, elles ont été la source d'un bien-être général. Aussi personne n'a plus songé à entraver leur liberté, ni même à restreindre leurs bénéfices, et, leur action s'étendant progressivement, il en est résulté un large développement du commerce international[24]. LES GRANDES ROUTES COMMERCIALES. — La physionomie que revêt le trafic est en corrélation étroite avec les circonstances qui l'ont fait naître. De Venise d'un côté, de Bruges de l'autre, partent des routes qui s'acheminent vers l'intérieur du continent. Derrière Venise, la Lombardie devient, au XIe siècle, l'un des pays les plus actifs du monde occidental et à la richesse agricole s'ajoute bientôt une grande activité industrielle pour laquelle un commerce intense est le meilleur des stimulants. De plus, lorsque les Musulmans eurent été chassés de Provence, de Sardaigne, de Sicile, la mer Tyrrhénienne fut entraînée à son tour dans le mouvement d'expansion ; après Venise, Gênes et Pise prennent conscience de leur vocation. Aussi la Lombardie devient-elle davantage encore une région de passage : Bergame, Vérone, Milan et la plupart des villes du bassin du Pô sont autant d'étapes nécessaires au débouché des monts. Au delà des Alpes, le Danube, le Rhin, le Rhône transportent à leur tour les produits venus d'Orient ou d'Italie ; l'Allemagne centrale est touchée par le commerce vénitien. Les choses se passent exactement de la même façon dans l'arrière-pays de Bruges : la batellerie est active sur l'Escaut et sur la Meuse. De proche en proche, le commerce intérieur, succédant au commerce maritime, crée une série d'entrepôts dans les villes flamandes de Gand, d'Ypres, de Lille, de Tournai ; plus au Sud, Cambrai et Valenciennes sur l'Escaut, Liège et Dinant sur la Meuse, Cologne et Mayence sur le Rhin sont également tributaires des ports flamands. Ainsi les voies qui partent de Bruges se rapprochent de celles que suivent les marchands vénitiens. Entre les unes et les autres, la jonction s'opérera, au XIIe siècle, en Champagne et cette rencontre assurera la prospérité des foires fameuses qui feront de-Troyes, de Bar-sur-Aube, de Provins, de Lagny les marchés les plus fréquentés du monde médiéval. Bruges et Venise ont été les deux pôles du commerce occidental au XIe siècle. Les autres ports n'ont pas connu d'aussi brillantes destinées. Sur l'Océan, si Rouen prend quelque importance en raison des liens politiques qui unissent la Normandie avec l'Angleterre, Bordeaux ne s'éveillera que plus tard. Sur la Méditerranée, Narbonne est en irrémédiable décadence, Marseille ne concurrence pas encore Gênes, et c'est seulement après les croisades que la région méditerranéenne de la Gaule renouera les vieilles traditions d'autrefois. Grâce aux Scandinaves, la mer Baltique entretient une navigation plus active, tributaire dans une certaine mesure de Bruges et de la mer du Nord[25]. RENAISSANCE DE LA VIE URBAINE. — Tout le long de ces voies, maritimes ou continentales, les villes ressuscitent à leur tour. Au fur et à mesure que le commerce prend plus d'extension, il utilise un personnel plus nombreux : à côté des marchands qui voyagent sans cesse, il exige, aux grands nœuds de communication, la présence d'une main-d'œuvre stable qui charge et décharge les marchandises, construit des bateaux, confectionne des chariots, et, comme il faut fournir à cette main-d'œuvre elle-même ce dont elle a besoin pour vivre, le groupement se complète par l'afflux indispensable de boulangers, de bouchers, de brasseurs, de tisserands. A tous les points où les marchandises quittent la voie d'eau pour emprunter celle de terre ou inversement, à ceux où elles viennent se concentrer comme à ceux d'où elles divergent, en un mot partout où s'accomplit un acte de la vie commerciale, il se constitue une agglomération d'ouvriers, de marchands, de banquiers dont l'importance varie avec celle du lieu[26]. Ces nécessités du commerce sont la source du développement urbain qui, par une coïncidence remarquable, se dessine tout le long des routes précédemment indiquées : c'est dans l'Italie du Nord et en Flandre qu'apparaissent les premières cités commerçantes, si différentes des villes fortifiées où la population trouvait un refuge à l'époque des invasions normandes ou hongroises. La pénurie des textes ne permet pas de saisir les différents moments de cette évolution. Le plus souvent, l'agglomération marchande s'est créée en bordure de celle qui existait déjà : à Strasbourg et à Ratisbonne, elle apparaît à côté de la ville épiscopale, à Gand au pied du château. Tantôt elle est comprise dans l'enceinte de l'ancien bourg qui, comme à Marseille, s'élargit pour la circonstance, tantôt elle s'installe en dehors des murailles et constitue le faubourg ou le nouveau bourg (forisburgus, novus burgus) qui s'oppose à l'ancien (vetus burgus), ou encore le port (portus), situé au bord du fleuve, où l'on embarque et débarque les marchandises[27]. Bientôt ce faubourg dépassera le bourg en importance et usurpera son nom : ce sont ses habitants qu'à peu près partout vers 1080 on appelle les bourgeois (burgenses) par opposition aux castellani ou castrenses qui habitent l'ancienne ville fortifiée[28]. Il est lui-même entouré de murailles qui protègent ses richesses contre les agressions extérieures ; il a son église et son marché ; bref, il est devenu le véritable centre de la vie urbaine. APPARITION DE L'INDUSTRIE. — Ce qui achève de donner à ces faubourgs une activité intense, c'est l'apparition d'industries nouvelles qui naturellement se concentrent autour des lieux d'échange. L'industrie domaniale ne pouvait suffire aux besoins qui résultaient de l'enrichissement général. Une consommation plus développée exigeait une production plus abondante et une technique moins primitive. Aussi, dans les cités commerçantes de la Lombardie et des Flandres, l'industrie textile connaît-elle, dès le XIe siècle, un réel essor : Lucques fabrique des étoffes et ses soies ont déjà une certaine réputation[29] ; on manque de renseignements précis pour les villes voisines, mais le fait que Milan employait, au XIIe siècle, soixante mille ouvriers pour le travail des laines fines, laisse supposer que les origines de cette industrie remontent plus haut[30]. Quant à la Flandre, dès la fin du Xe siècle, elle exportait du drap en Angleterre ; au XIIe siècle, Douai, Gand et Ypres en déverseront sur tous les marchés européens[31]. Les industries d'alimentation se créent elles-aussi un peu partout ; la métallurgie est plus longue à s'éveiller et ne paraît avoir alimenté le commerce européen que sensiblement plus tard. LE PATRICIAT URBAIN. — De tels faits ne pouvaient manquer d'avoir des répercussions dans l'ordre social. La naissance des villes, a écrit M. Henri Pirenne, marque le début d'une ère nouvelle dans l'histoire interne de l'Europe occidentale. La société n'avait comporté jusqu'alors que deux ordres actifs, le clergé et la noblesse. En prenant place à côté d'eux, la bourgeoisie la complète ou plutôt l'achève. Sa composition désormais ne changera plus jusqu'à la fin de l'ancien régime[32]. De fait, le retour à l'économie d'échange a provoqué l'éclosion dans les villes d'une aristocratie marchande qui rapidement devint très riche. Dès le XIe siècle, on voit apparaître, dans la Haute Italie aussi bien que dans les villes qui s'échelonnent le long de l'Escaut, de la Meuse, du Rhin et du Danube, des mercatores qui pratiquent la banque en même temps que le commerce : ils ne tardent pas à devenir les riches (divites) ou les notables (meliores) dont les filles, grassement dotées, sont recherchées en mariage par les chevaliers, par ceux que l'on appelle dans les villes lombardes les valvassores par opposition à la haute féodalité des capitanei. Ainsi se constitue un patriciat urbain, doté d'une réelle puissance, car il détient la fortune mobilière, les capitaux dont le rôle va devenir décisif dans le mécanisme même de la vie économique[33]. Or ce patriciat n'avait pas sa place dans l'organisation sociale issue du régime seigneurial qui ne supposait pas son existence. L'économie domaniale ne connaît que des artisans qu'elle confine dans une situation assez analogue à celle des paysans. Aussi les marchands du XIe siècle, étrangers au domaine, venus du dehors, se trouvent-ils en marge de la société ; ils n'ont pas de condition légale et ne vivent qu'en vertu d'un état de fait. Les seigneurs, s'ils respectent leur liberté personnelle, ne la reconnaissent pas en droit et s'ingénient à grever leurs transactions par des droits oppressifs, péages et tonlieux qui paralysent le travail, amendes et redevances de toutes sortes qui finissent par devenir très onéreuses. De là des rancunes et des inimitiés qui iront toujours en s'accroissant et provoqueront, en fin de compte, une véritable révolution. Forts des moyens matériels dont ils disposent, forts aussi du concours des artisans et des manœuvres de tout ordre, dont les revendications sont solidaires des leurs, les marchands vont, pour défendre leurs intérêts matériels et leur liberté, chercher à conquérir dans la société la place qui leur est refusée, ce qui ne sera possible que le jour où le faubourg suburbain, le suburbium, se sera affranchi du burgus, centre de la puissance seigneuriale et aura acquis, avec son indépendance, un gouvernement autonome, affranchi de l'autorité du châtelain et de l'évêque. Les puissantes associations destinées à protéger les intérêts économiques et doublées le plus souvent de confréries religieuses, gildes marchandes ou corporations industrielles, donneront l'impulsion et coordonneront les efforts. En un mot, la renaissance urbaine, conséquence du retour à l'économie d'échange, aura à son tour pour corollaire indispensable l'émancipation des villes dont l'entrée en scène va changer la physionomie de la société occidentale. LE MOUVEMENT D'ÉMANCIPATION URBAINE. — Étant donné cette filiation qui relie les faits économiques et sociaux, il était fatal que le mouvement d'émancipation urbaine commençât aux deux pôles du commerce, dans l'Italie du Nord et dans les Flandres. Et c'est ce qui arriva en effet. DANS L'ITALIE DU NORD. — Pour l'Italie du Nord, le détail des événements est assez mal connu. On sait cependant que, avant 1032, Venise, dont le gouvernement avait été jusque-là monarchique, secoua l'autorité du doge souverain en défendant à celui-ci de s'associer, dès son avènement, un successeur de son choix ; le patriciat recouvrait ainsi son droit d'élection tombé en désuétude et deux de ses membres devaient désormais contrôler le pouvoir exécutif[34]. Au même moment, c'est-à-dire pendant la première moitié du XIe siècle, Brescia, Crémone, Milan cherchent également à s'affranchir de la tyrannie de l'évêque ou de la haute féodalité, mais le succès ne couronna pas toujours l'effort des marchands alliés aux valvassores, et c'est seulement à la fin du siècle que les villes lombardes parviendront à conquérir leur indépendance. A cette date, le patriciat urbain trouvera un secours inattendu chez les Patares., qui, recrutés parmi le bas clergé et le menu peuple, animés d'un idéal moral supérieur et d'un ardent désir de faire revivre dans l'Église la pureté traditionnelle, se dresseront eux aussi contre un épiscopat simoniaque et corrompu. Cette, alliance a produit les plus heureux effets : en ro68, Lucques ; a une cour communale qui administre la cité ; à Milan, les consuls ne sont nommés pour la première fois dans les textes qu'en 1107, mais il apparaît clairement que dès l067 la ville était affranchie de l'autorité archiépiscopale ; Plaisance devient libre en 1090 ; Crémone et Lodi le sont en io95 ; bientôt ce sera le tour de Vicence, de Bologne, de Pavie, de Gênes. De Lombardie, le mouvement gagnera la Provence et le Languedoc ; l'existence de consuls est signalée à Marseille en llZ8, puis viendra le tour d'Arles, de Nîmes, de Montpellier et des autres villes du littoral méditerranéen[35]. EN FLANDRE ET DANS LE NORD DE LA FRANCE. — En même temps qu'en Italie, les villes s'émancipent en Flandre et dans le nord de la France. La première commune, pour employer le terme usité dans cette région, est celle de Cambrai dont l'histoire est particulièrement typique. Cambrai au XIe siècle, appartenait à l'évêque, mais, tout autour du château, s'était formé un faubourg où rapidement le commerce était devenu très actif. En l077, la population, qui vivait en mauvais termes avec Gérard II, profita de ce que ce prélat était parti en Allemagne où il était allé recevoir l'investiture des mains de Henri IV, pour s'insurger. Le mouvement était dirigé par les riches marchands ; la masse des artisans marchait avec entrain à leur suite et même le clergé s'était laissé entraîner, Gérard étant accusé de simonie. On s'empara des portes de la ville, on proclama la commune (communio) et on s'organisa en vue du retour de l'évêque. A cette fin, les bourgeois formèrent une association jurée qui, partout ailleurs, sera aussi la cellule d'où sortira le régime communal. D'ailleurs cette organisation improvisée ne peut se maintenir et l'évêque, à son retour, détruisit la commune, mais l'élan était donné : entre 1080 et 1120, beaucoup de cités du nord de la France, comme Saint-Quentin, Beauvais, Arras, Noyon, Valenciennes, Laon, Amiens, Corbie, Soissons, Bruges, Lille, Saint-Omer, réussissent à s'affranchir et à créer chez elles une administration autonome. Partout le mouvement est en relation avec l'organisation économique : à Beauvais, par exemple, c'est la corporation des teinturiers qui prend l'initiative ; sous ses auspices se constitue, comme à Cambrai, une association jurée que l'évêque Anseau reconnaît d'abord, qu'il désavoue ensuite, mais qui passe outre à ses défenses et reste le pivot de l'organisation communale[36]. En général, la création d'une commune a pour point de départ une insurrection qui s'accompagne de toutes sortes de violences. A Laon, les bourgeois profitent, comme ceux de Cambrai, de l'absence de leur évêque, Gaudri, un singulier personnage qui guerroye plus souvent qu'il n'officie et ne recule pas devant le meurtre de ses ennemis, pour créer une commune avec laquelle Gaudri entre en lutte à son retour ; les artisans s'insurgent alors contre le prélat honni et détesté, ferment leurs boutiques, assaillent le palais épiscopal, dénichent Gaudri dans sa cave, blotti au fond d'un tonneau, le mettent à mort et livrent son cadavre aux pires outrages, puis incendient les maisons des clercs et des chevaliers[37]. Toutes les communes ne sont pas nées dans de pareils flots de sang ; la révolution s'est parfois opérée pacifiquement, mais quel qu'ait été son caractère. le résultat a toujours été le même : les villes, ainsi émancipées, se sont affranchies de leur seigneur[38]. LES LIBERTÉS URBAINES. — Ce qui caractérise avant tout la commune, c'est la liberté. Die Stadtluft macht frei, l'air de la ville rend libre, dit le proverbe allemand si souvent cité. Toute servitude a en effet disparu. La liberté, suivant les fortes expressions de M. Pirenne, était autrefois le monopole de la noblesse ; l'homme du peuple n'en jouissait qu'à titre exceptionnel. Par les villes, elle reprend sa place dans la société comme un attribut naturel du citoyen. Il suffit désormais de résider à demeure sur le sol urbain pour l'acquérir. La liberté, dont au début les marchands avaient seuls joui en fait, est maintenant en droit le lien commun de tous les bourgeois[39]. Les personnes ne sont pas seules à jouir de cette liberté. On a remarqué avec non moins de raison qu'elle s'étendait également au sol : la ville, au XIIe siècle, va se couvrir de maisons et ces maisons, exemptes des droits seigneuriaux, deviendront autant d'alleux. De même aussi, l'affranchissement des villes entraîne la suppression des droits seigneuriaux, notamment des redevances fiscales comme les tonlieux qui grevaient si lourdement la circulation des marchandises. Sans doute, par la suite, la crise financière qui affectera la plupart des villes émancipées amènera l'établissement de taxes impopulaires, mais, pour le moment, il n'en est pas question : la liberté du commerce, s'ajoutant à celle des personnes et à celle des terres, reste un des grands bienfaits apportés par les premières révolutions communales[40]. Aussi bien, ce mouvement urbain, né du réveil économique, provoquera dans le domaine commercial et industriel de nouveaux progrès qui s'affirmeront au cours du XIIe siècle, époque à laquelle vont s'épanouir les institutions municipales qui imprimeront à la société médiévale une physionomie nouvelle ; richesse mobilière, liberté et indépendance politique vont assurer aux villes dans le monde occidental une place importante à laquelle elles n'avaient jusque-là osé prétendre. |
[1] Henri Pirenne, Les villes du Moyen âge, p. 72.
[2] Pour la bibliographie, voir la note en tête chapitre précédent.
[3] Pirenne, Histoire de Belgique, t. I, p. 148.
[4] Boissonnade, op. cit., p. 193-194.
[5] Sée, op. cit., p. 240 ; Luchaire, Manuel des institutions françaises, p. 321. On ne saurait voir dans l'affirmation d'Yves de Chartres une de ces formules traditionnelles recopiées par les scribes féodaux auxquelles M. Luchaire et, après lui, M. Sée, n'attachent avec raison aucune importance. Elle est au contraire, comme les idées du même évêque sur la paix, l'expression de la doctrine de l'Église, bien souvent méconnue à cette date par les feudataires ecclésiastiques qui tenaient à garder leurs serfs et à en tirer le plus de profit possible.
[6] Cf. surtout Luchaire, op. cit., p. 319-332.
[7] Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 141.
[8] Sée, op. cit., p. 224 et suiv. ; Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 232 et suiv.
[9] Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 139.
[10] Pirenne, Histoire de Belgique, t. I, p. 146-150.
[11] On trouvera un bon nombre d'exemples de l'utilisation de ces procédés dans Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 130-133.
[12] Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 132 et suiv.
[13] Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 128-130.
[14] Lamprecht-Marignan, op. cit., p. 122-126.
[15] Sur cette question, l'ouvrage décisif est celui de Henri Pirenne, Les villes du Moyen âge, dont nous nous inspirerons le plus souvent dans les pages qui suivent. Cf. aussi A. Doren, Untersuchungen zur Geschichte der Kaufmannsgilden im Mittelalter, Leipzig, 1890 ; K. Hegel, Stàdte und Gilden der indogermanischen Vôlker im Mittelalter, Leipzig, 2 vol., 1891-1892 ; K. Schaub, Handelsgeschichte der Römanischen Völker, Munich, 1906. Pour l'industrie, voir l'ouvrage déjà cité de Boissonnade avec la bibliographie qui l'accompagne.
[16] Cf. Ch. Diehl, Une république patricienne, Venise, Paris, 1915, p. 19 et suiv. ; Pirenne, op. cit., p. 75-78 ; R. Heyneh, Zur Enstehung des Kapitalismus in Venedig, Stuttgart, 1905, p. 65 et suiv.
[17] Cf. K. Schaub, op. cit., p. 61 ; Pirenne, op. cit., p. 79.
[18] Diehl, op. cit., p. 21 ; Pirenne, op. cit., p. 84.
[19] Diehl, op. cit., p. 34. Dès 1100, une convention avec Godefroy de Bouillon stipule que les marchands vénitiens jouiront d'une franchise totale d'impôts à l'intérieur du royaume de Jérusalem et que dans toutes les villes ils recevront un emplacement pour un marché.
[20] Pirenne, op. cit., p. 84-87. Cf. aussi A. Bugge, Die nordeuropaïschen Verkehrswege im früheren Mittelalter dans Vierteljahrschrift fur Social und Wirtschaltsgeschichte, t. IV, 1906, p. 227 et suiv.
[21] Pirenne, op. cit., p. 87-90.
[22] Pirenne, op. cit., p. 84.
[23] Cf. Emile Mâle, L'art religieux du XIIe siècle en France, Paris, 1922, p. 245 et suiv.
[24] Pirenne, op. cit., p. 95 et suiv. Voir aussi, du même auteur, Les périodes de l'histoire sociale du capitalisme, dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, 1914, p. 358 et suiv.
[25] Pirenne, op. cit., p. 83-84 et 89-92 ; cf. aussi : A. Schulte, Geschichte der Handelbezithungen zwischen Deutschland und Italien, t. I.
[26] M. Pirenne a fort bien montré que telle était bien l'origine des villes et réfuté l'opinion suivant laquelle il faudrait voir l'origine des agglomérations urbaines des Xe et XIe siècles soit dans les marchés, soit dans les foires. Cf. notamment ses deux articles sur L'origine des constitutions urbaines au Moyen âge dans la Revue historique, t. LVII, 1895, p. 57 et suiv., et Villes, marchés et marchands au Moyen âge dans ibid., t. LXVII, 1898, p. 59 et suiv., résumés dans Les villes du Moyen âge, p. 116 et suiv.
[27] Pirenne, op. cit., p. 124-129.
[28] Pirenne, op. cit., p. 134-135.
[29] Schaub, op. cit., p. 61 ; Pirenne, op. cit., p. 79 ; Boissonnade, op. cit., p. 232.
[30] Boissonnade, op..cit., p. 230.
[31] Pirenne, op. cit., p. 136-139.
[32] Pirenne, op. cit., p. 186.
[33] Sur les origines du capitalisme, voir l'article de Pirenne, Les périodes de l'histoire sociale du capitalisme, dans le Bulletin de l'Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, 1914, p. 358 et suiv. Cf. aussi du même auteur L'origine des constitutions urbaines au Moyen âge dans la Revue historique, t. LVII, p. 57 et suiv.
[34] Diehl, op. cit., p. 83-84.
[35] E. Mayer, Itälienische Verfassungsgeschichte, t. II, Leipzig, 1909. Cf. aussi : Pirenne, op. cit., p. 153-156 et le chapitre de C W. Prévité-Orton dans la Cambridge medieval history, t, V. p. 208-241.
[36] Cf. Labande, Histoire de Beauvais.
[37] Voir le récit de Guibert de Nogent.
[38] Pirenne, op. cit., p. 156-158.
[39] Pirenne, op. cit., p. 170.
[40] Cf. Pirenne, op. cit., p. 171 et suiv.