Sur Otton le Grand et la restauration de l'empire, on devra consulter avant tout : R. Köpke et E. Dümmler, Kaiser Otto der Grosse, Leipzig, 1876, auquel nous renverrons constamment pour les références aux textes contemporains. On trouvera également des vues très suggestives dans Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III. Nous citerons encore : W. von Giesebrecht, Geschichte der deutschen Kaizerzeit, t. I, Leipzig, 1881 ; M. Manitius, Deutsche Geschichte unter den sachsischen und salischen Kaisern, 911-1125, Stuttgart, 1889. En français, il n'existe que la traduction de l'ouvrage anglais de Bryce (The Holy Roman Empire, Londres, 1864), intitulée Le Saint Empire romain germanique et l'Empire actuel d'Allemagne, Paris, 1890 ; on lira toutefois avec beaucoup de fruit le dernier chapitre de l'Empire carolingien de Kleinclausz : Les origines, carolingiennes du Saint Empire romain germanique. On ne manquera pas enfin de recourir aux histoires générales d'Allemagne et d'Italie déjà mentionnées ainsi qu'au livre, plusieurs fois cité, de Duchesne sur Les premiers temps de l'État pontifical.SURVIVANCE DE L'IDÉE IMPÉRIALE EN OCCIDENT. — Pendant la première moitié du Xe siècle, les divers États issus du démembrement de l'empire carolingien ont vécu de leur vie propre, sans qu'aucun des rois qui les ont gouvernés ait tenté de réunir les rameaux détachés du grand tronc. De son côté, la papauté, accaparée par la noblesse romaine, n'a pas essayé davantage de ressusciter l'institution impériale telle qu'elle existait au siècle précédent. Toutefois le souvenir de celle-ci n'a jamais disparu ; il reste vivace dans la littérature qui exalte Charlemagne et le régime instauré par lui. Dès la seconde moitié du Xe siècle, la légende du grand empereur s'ébauche à travers les poèmes et les chants en langue vulgaire[1]. Au même moment, le Libellus de imperatoria potestate in urbe Roma, composé vraisemblablement en 897 ou 898[2], célèbre l'ordre merveilleux institué par Charlemagne et déplore sa disparition. Ce sentiment persiste et s'accroît au Xe siècle sous l'influence des maux causés par l'invasion. Vers 950, Adson, moine à Montiérender, dans sa Vita Antechristi, annonce que la venue de l'antéchrist, qui doit concorder avec le moment où tous les royaumes se sépareront de l'empire romain, n'est pas encore proche, car, aussi longtemps qu'il existera des rois francs pour tenir l'empire romain, la dignité impériale ne périra pas. Ces œuvres ont eu une grande influence[3]. Partout ce sont les mêmes appels émus à un nouveau Charlemagne qui mettra fin aux dures épreuves de la chrétienté. Ce nouveau Charlemagne surgit au Xe siècle et il vient d'Allemagne. Seul ce royaume était parvenu, depuis l'avènement de la dynastie saxonne (919), à un état de stabilité favorable à une œuvre de longue haleine, et cette dynastie saxonne eut par surcroît l'heureuse fortune de donner le jour à un homme de génie en la personne du fils et successeur d'Henri Ier, Otton Ier, surnommé le Grand, à qui il devait être échu de restaurer l'empire en 962. OTTON LE GRAND. — Otton le Grand est né le 23 novembre 912[4]. Il n'est donc âgé que de vingt-quatre ans, au moment où, en 936, il succède à son père Henri Ier comme roi de Germanie. Il a tout ce qu'il faut pour conquérir les sympathies de son peuple. Il en impose d'abord par sa haute taille et sa puissante carrure, par sa physionomie énergique qu'embroussaille une barbe rousse et touffue, par son regard enflammé et impétueux. Passionné pour les exercices physiques, naturellement très brave, d'une endurance peu commune, toujours prêt à donner de sa personne, il ne reculera jamais devant les plus rudes fatigues et ne craindra pas dans les combats d'affronter les postes les plus périlleux. Ce corps robuste abrite, en même temps qu'une âme de guerrier, une intelligence de premier ordre. Sans doute Otton n'est-il guère cultivé. Son éducation, toute militaire, n'a pas visé à faire de lui un lettré. Il ignore le latin et, en dehors de sa langue maternelle, parle mal le slave et le français ; il n'a appris à lire que tardivement, mais ces lacunes de son instruction ne l'empêcheront pas, tellement il est bien doué, de se distinguer autant comme homme d'État que comme général. Sa belle humeur, sa bonté souriante ne seront pas étrangères non plus à la popularité que lui vaudra son gouvernement toujours équitable et modéré. Sa piété achèvera de lui concilier les sympathies des hommes d'Église. Comme la plupart des rois de son temps il ne s'est pas montré, au moins pendant sa jeunesse, bien scrupuleux quant à l'observation des lois de la morale chrétienne ; à dix-sept ans, il avait déjà un fils naturel, né d'une belle captive slave, mais il s'est assagi en prenant de l'âge et il a alors racheté cette fâcheuse sensualité par une extrême fidélité aux pratiques religieuses. Il a une foi immense dans la protection des saints dont il vénère les reliques avec dévotion et se complaît à présider les grandes cérémonies cultuelles. D'autre part, il s'efforcera toujours de conformer son gouvernement aux principes évangéliques et de réaliser, du mieux qu'il le pourra/le type du roi chrétien que Charlemagne incarne à ses yeux[5]. A son avènement, quoique n'ayant jamais été associé aux affaires, il sait clairement où il veut en venir. Consolider en Allemagne l'œuvre paternelle, afin d'être en mesure de revendiquer la couronne d'Italie, puis la dignité impériale, tel est le but qu'il se propose tout d'abord et qu'il poursuivra avec autant de méthode que de ténacité. I. --- Le gouvernement d'Otton Ier en Allemagne. ÉLECTION ET COURONNEMENT D'OTTON Ier. — Les circonstances qui ont entouré l'avènement d'Otton Ier, en 936, révèlent les intentions du nouveau roi et son programme de gouvernement, très différent de celui auquel s'était conformé Henri Ier. Henri Ier s'est efforcé avant tout de vivre en parfait accord avec les ducs nationaux qu'il a associés à sa politique. Il les a si bien gagnés qu'aucun d'eux ne cherche à disputer le royaume à son fils ; ceux de Souabe et de Lorraine sont ses créatures ; quant à celui de Bavière, il se tient pour satisfait des concessions qui lui ont été accordées. D'autre part, les victoires remportées sur les Hongrois, les Slaves et les Danois ont assuré à la dynastie saxonne un prestige incontesté. Enfin Henri Ier, avant de mourir, a pris soin de désigner son fils Otton au choix des princes, mais ceux-ci ont été sollicités de donner leur assentiment, en sorte que le principe électif demeurait sauf en apparence, malgré une transmission héréditaire de la couronne[6]. A la différence de son père, Otton Ier inaugure son règne en se faisant sacrer et couronner. Il n'a pas les mêmes raisons que Henri Ier de redouter la puissance excessive de l'Église qui peut, au contraire, concourir à la réalisation de ses desseins. Aussi, dans l'été de 936, sans doute le 8 août, réunit-il à Aix-la-Chapelle une grande assemblée où viennent en foule ses vassaux et arrière-vassaux. Les ducs renouvellent l'élection et Otton reçoit d'eux le serment féodal, puis l'archevêque de Mayence le conduit au milieu de l'Église et le présente au peuple qui l'acclame comme l'élu de Dieu et des princes, après quoi, l'entraînant derrière l'autel, il lui remet les insignes de la royauté, tandis que l'on chante le Te Deum[7]. Cette cérémonie est tout à fait significative. Elle renoue la tradition carolingienne avec laquelle Henri Ier avait nettement rompu et confère à la royauté saxonne un caractère religieux dont elle avait été dépourvue à ses origines. D'autre part, si Otton Ier manifeste, à cette occasion, son désir d'entente avec l'épiscopat, il affirme, au même moment, sa volonté de subordonner les ducs à l'autorité royale. Après lui avoir prêté le serment féodal, les quatre ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine, ont assuré son service personnel comme grands officiers de la couronne[8]. Tous les actes du gouvernement d'Otton Ier témoigneront que le roi les considère comme de véritables ministeriales. Une avance à l'Église et un avertissement aux ducs, voilà ce que trahit chez le nouveau roi la cérémonie du 8 août 936, deux traits qui se relient d'ailleurs l'un à l'autre. Il était facile de prévoir que les ducs ne se plieraient pas sans résistance à l'adaptation qui leur avait été assignée par surprise et c'est pour triompher de leur opposition éventuelle, peut-être aussi pour préparer, dans un avenir plus lointain, la restauration de l'empire à son profit, qu'Otton Ier s'est rapproché de l'Église en sollicitant la bénédiction dédaignée par son père. SOULÈVEMENT DE LA BOHÊME ET DES SLAVES DE L'ELBE. — Les ducs, surpris et décontenancés, n'ont pas marqué le coup et Otton Ier a pu, sans être gêné par eux, parer aux graves embarras qui surgirent, au début du règne, sur les frontières orientales de son royaume. Le duc de Bohême, Venceslas, n'avait cessé, depuis 929, de manifester les dispositions les plus pacifiques. Il avait tout à la fois accentué le rapprochement de son pays avec l'Allemagne et facilité la pénétration du christianisme en rappelant les prêtres bannis, en construisant de nouvelles églises et en relevant celles qui étaient tombées en ruines, en invitant l'évêque de Ratisbonne à venir consacrer la cathédrale édifiée à Prague par ses soins, mais, quelques mois avant l'avènement d'Otton Ier, le 28 septembre 935, il a été assassiné par son frère Boleslas qui groupait autour de lui tous les opposants. Ce coup de force fut suivi aussitôt d'une réaction nationale, à la fois antichrétienne et antigermanique. Les clercs furent pourchassés et dépouillés, tandis que Boleslas, proclamé duc, se dérobait à la tutelle allemande qu'Otton Ier n'osa pas lui imposer par la force[9]. Un autre danger, plus grave encore, se dessinait sur l'Elbe où les tribus slaves s'agitaient. Les Rédariens notamment, qui avaient déjà préoccupé Henri Ier à la fin de son règne, affichaient une hostilité non déguisée à l'égard de la Germanie. Otton, n'osant s'éloigner aussitôt après son avènement, les fit combattre par le jeune Hermann de Billung qui réussit à les tenir en respect sans pouvoir implanter parmi eux la suprématie allemande[10]. Ainsi le péril slave est loin d'être écarté, tandis qu'au même moment les Hongrois s'empressent de rappeler qu'ils n'ont en aucune façon renoncé à leurs marches périodiques vers l'ouest. L'INVASION HONGROISE (937). — Dès les premiers jours de l'année 937, l'Allemagne est envahie par les Magyars. Un premier flot submerge la Franconie, un second la Souabe. D'autres bandes font irruption en Saxe. Otton les repousse et les poursuit jusqu'à Metz[11]. L'invasion est ainsi dérivée vers la France de l'est, puis vers l'Italie que les Hongrois traversent à leur retour, non sans avoir poussé une audacieuse pointe jusqu'à Capoue et au Mont-Cassin[12]. Bien que l'Allemagne ait relativement moins souffert que les pays, voisins, le règne d'Otton Ier commence mal. Le prestige du jeune roi est quelque peu atteint par cette réapparition du péril extérieur que l'on croyait conjuré. Les difficultés intérieures ne vont pas tarder à surgir. Elles viendront de la part des ducs qui ne tarderont guère à s'insurger contre les nouvelles méthodes de gouvernement, esquissées au jour du sacre et bientôt affirmées par d'autres actes. LES RAPPORTS D'OTTON Ier AVEC LES DUCS NATIONAUX. — La mort du duc de Bavière, Arnulf (14 juillet 937), pose pour la première fois la question des rapports entre la couronne et les duchés nationaux. Arnulf s'était toujours montré loyal et dévoué envers la dynastie saxonne qui, en retour, n'avait pas cherché, sous Henri Ier, à lui disputer les droits régaliens qu'il avait usurpés. Après sa disparition, Otton Ier veut au contraire ressaisir les prérogatives abandonnées par son père ; il entend en particulier nommer les évêques bavarois. Le fils d'Arnulf, Eberhard, lui oppose une résistance farouche. De son côté, le roi tient bon et ne renonce à aucune de ses revendications, mais il lui faut conduire deux expéditions en Bavière pour les faire triompher[13]. Toutefois son succès est aussi complet qu'il pouvait le souhaiter ; Eberhard vaincu doit prendre le chemin de l'exil et le duché est remis A l'un des plus fidèles serviteurs d'Otton, Berthold, frère d'Arnulf[14]. Il en est de même en Franconie où le duc Eberhard, frère de Conrad Ier, nourrissait à l'égard de la dynastie saxonne une jalousie acrimonieuse. En 937, cédant aux conseils de son entourage, il se soulève lui aussi, mais la répression est immédiate et le duc rebelle doit verser au roi cent livres d'argent, après quoi il obtient son pardon[15]. GUERRE CIVILE EN ALLEMAGNE (938-939). — Cet échec ne calme pas l'ambition d'Eberhard. En 938, il participe très activement à une conjuration formée contre Otton, par le duc de Lorraine, Gilbert, inquiet lui aussi pour l'indépendance de son duché, et par le propre frère du roi, Henri. Celui-ci, plus jeune qu'Otton, né après l'avènement de son père, prétendait que la couronne aurait dû lui revenir ; il avait réussi à rallier à ses vues sa mère, Mathilde, et par ses largesses s'était concilié en Saxe même de nombreux partisans. Il n'hésite pas à se mettre à la tête des ducs et à faire siennes leurs réclamations. Le plan des conjurés était de provoquer un soulèvement de la Lorraine avec, si possible, l'appui du roi de France, Louis IV, au moment où Otton Ier se trouvait retenu à la frontière orientale de la Germanie. Otton déjoua ces combinaisons par la rapidité de ses mouvements. Il confia au fidèle comte Géron la mission de contenir les Slaves et se retourna aussitôt contre ses adversaires. Au début de 939, il surprit, près de Xanthen, son frère qui se dirigeait vers le Rhin pour opérer sa jonction avec l'armée lorraine. Il le battit, mais ne put l'empêcher d'aller s'enfermer dans Mersebourg où il vint aussitôt l'assiéger. Henri finit par se rendre moyennant la promesse d'un armistice de trente jours. Ainsi libéré, il s'empressa de joindre Gilbert qu'il décida à reprendre les hostilités. Louis IV avait enfin consenti à recevoir l'hommage, qu'il avait d'abord décliné, des seigneurs lorrains[16] et l'on pouvait espérer son concours effectif. La lutte s'engageait donc pour les conjurés sous les plus favorables auspices[17]. VICTOIRE D'OTTON Ier SUR LES DUCS. — Otton ne se laissa pas prendre au dépourvu. Informé de la trahison de son frère, avec lequel il avait eu une entrevue sans grands résultats, il gagne de nouveau la région rhénane, ravage la Lorraine, contraint Gilbert à se réfugier dans la forteresse de Chièvremont, près de Liége, puis retourne en Saxe où le péril slave s'accusait de nouveau. Dès qu'il est rassuré de ce côté, il réapparaît en Alsace et assiège Brisach que tenaient les partisans d'Eberhard. Il accepte alors d'engager des négociations par l'intermédiaire de l'archevêque de Mayence, Frédéric, mais celui-ci, dont l'attitude était depuis quelque temps fort douteuse, passe aux insurgés, entraînant avec lui plusieurs prélats parmi lesquels l'évêque de Strasbourg, Ruthard. Le roi ne perd pas confiance, et il a raison. Au moment où il paraît avoir perdu la partie, il est sauvé de la façon la plus inattendue. Gilbert de Lorraine et Eberhard de Franconie, venus de Metz, avaient passé le Rhin à Andernach pour obliger Otton à lever le siège de Brisach. Brusquement ils sont surpris par une petite troupe saxonne, que commandaient les comtes Udon de Wetterau et Conrad le Sage, et périssent misérablement l'un et l'autre. Aussitôt la situation est retournée. Brisach capitule ; l'archevêque de Mayence et l'évêque de Strasbourg sollicitent leur pardon ; Henri dépose les armes ; les seigneurs lorrains font leur soumission ; la veuve du duc Gilbert, Gerberge, qui était la propre sœur d'Otton, épouse le roi de France et désormais Louis IV, que les coalisés avaient essayé d'entraîner dans leur parti, se désintéressera de la Lorraine. Otton confie la garde du duché à un comte du pays, Otton, qui veillera sur le jeune fils de Gilbert et de Gerberge, Henri, jusqu'à ce qu'il atteigne sa majorité. Quant au duché de Franconie, il revient tout simplement à la couronne[18]. AFFERMISSEMENT DE LA MONARCHIE SAXONNE. — Otton ne pouvait espérer une victoire plus complète. La royauté a brisé la puissance des ducs nationaux et peut disposer désormais de leurs États à sa guise, sans soulever la moindre résistance. En 948, à la mort de Berthold de Bavière, Otton peut retirer le duché au fils du défunt, qui était en bas-âge, et le remettre à son frère Henri avec lequel il scelle ainsi sa réconciliation[19]. Quatre ans plus tôt, en 944, il a donné la Lorraine, où le fils de Gilbert et le comte Otton étaient morts simultanément, à Conrad le Roux, qui put ainsi arrondir les larges domaines qu'il possédait dans la région rhénane, autour de Worms et de Spire[20]. Quant à la Souabe, elle revint, en 949, au fils aîné du roi, Liudolf, qui avait épousé, en 947, Ida, fille du duc Hermann. Celui-ci n'ayant pas d'héritiers mâles, la transmission s'accomplit, à sa mort (949), sans aucune difficulté[21]. Il n'y a donc plus, au milieu du Xe siècle, de duchés indépendants : c'est le roi qui nomme les ducs. L'autorité monarchique, partout contrebattue, jouit en Allemagne d'une force et d'un prestige grâce auxquels Otton pourra bientôt concevoir les projets les plus grandioses. OTTON Ier ET L'ÉGLISE. — Cet affermissement de la monarchie saxonne a été grandement facilité par l'appui de l'Église. Henri Ier n'avait pas su, comme roi, se dépouiller des sentiments de défiance jalouse qu'entretenaient les ducs nationaux à l'égard des évêques, alliés traditionnels de la couronne. Ceux-ci ont été, pendant son règne, tenus à l'écart. Dès son avènement, Otton Ier atteste au contraire sa volonté de gouverner avec eux, Lorsqu'en 937 il réunit à Magdebourg une assemblée pour juger Eberhard de Franconie, rebelle à son autorité, il convoque, pour l'entourer, deux archevêques, Frédéric de Mayence et Adalgag de Hambourg, et huit évêques, venus de toutes les parties de l'Allemagne, et c'est après s'être éclairé de leurs avis qu'il rend sa sentence[22]. Il y a là l'indice d'une ligne de conduite nouvelle : Otton a vu clairement qu'à. la condition d'être maître absolu des élections épiscopales, il n'avait rien à redouter de l'Église et qu'il pouvait retirer de son alliance les plus précieux avantages. En lui concédant des privilèges territoriaux et féodaux, il creusera le fossé qui la sépare des ducs, menacés par cet accroissement de puissance, et, comme les ducs se dressent contre la couronne, l'Église sera tout naturellement amenée à se ranger aux côtés du roi en face de l'ennemi commun. Dominer l'Église en se rendant maître des évêchés et l'enrichir pour avoir son appui, tels seront, pendant toute la durée du règne, les deux traits essentiels de la politique ecclésiastique d'Otton Ier. INTERVENTION DU ROI DANS LES ÉLECTIONS ÉPISCOPALES. — Dès le début, les nominations épiscopales sont faites par le roi ou tout au moins avec son assentiment le plus formel. Les textes ne disent pas explicitement si, en 936, Frédéric, qui succède à Hildebert comme archevêque de Mayence, a été désigné par Otton Ier[23], mais il ne saurait y avoir aucun doute pour Adalgag qui monte au même moment sur le siège de Hambourg[24]. Par la suite, aucune élection ne s'est opérée sans l'intervention royale. Otton n'hésite pas à s'imposer les plus lointains déplacements pour faire valoir sa prérogative : en 941, la double vacance des sièges de Würtzbourg et de Spire le ramène de Saxe en Franconie ; en 942, il entreprend également un long et pénible voyage, afin de pourvoir d'un nouveau titulaire l'église de Ratisbonne. Le plus souvent, il est vrai, il nomme l'évêque à la cour même[25], mais il s'efforce toujours de ne pas aller à l'encontre des vœux des électeurs canoniques. Parfois même, il accorde par diplôme la licentia eligendi[26] ; il ne se prive pas, en pareil càs, de faire de la candidature officielle et demeure libre de ne pas ratifier les propositions qui lui sont adressées[27]. Otton Ier a pu de la sorte peupler les évêchés de ses créatures. Les membres de sa famille ont été particulièrement favorisés. Son fils, Guillaume, est devenu archevêque de Mayence et son frère, Brunon, archevêque de Cologne. Henri de Trèves, les deux Poppon de Wurtzbourg, Liudolf d'Osnabrück, d'autres encore étaient ses parents plus ou moins proches. Il faut reconnaître que ces choix ont été en général heureux. Brunon de Cologne, destiné de bonne heure au service de. l'Église et élevé à l'école cathédrale d'Utrecht, n'a pas été seulement un habile diplomate qui a rendu au roi d'éminents services en France et en Lorraine[28] ; il n'a jamais oublié qu'il était évêque et, comme tel, il s'est signalé tout à la fois par son austère piété et par sa large culture intellectuelle qui lui a valu une réputation de philosophe et de lettré[29]. PUISSANCE TEMPORELLE DES ÉVÊQUES. — Ces évêques, nommés par lui, Otton Ier les considère comme des vassaux qui relèvent directement de la couronne. Ce sont de véritables seigneurs temporels qui jouissent de prérogatives multiples. Sans doute Otton n'a fait que reprendre la politique de ses prédécesseurs qui avaient concédé à l'épiscopat de nombreux privilèges d'immunité, mais son règne est marqué, à cet égard, par de nouveaux progrès. Non seulement en effet il a accru les pouvoirs judiciaires du tribunal épiscopal sur le territoire qui jouit de l'immunité, non seulement il a abandonné à plusieurs prélats d'importants droits régaliens, comme la frappe de la monnaie et la perception de tonlieux, mais il en est arrivé à conférer à l'évêque les pouvoirs du comte à l'intérieur -et même dans les dépendances de la cité. Il en a été ainsi pour Spire dès 946, puis pour Magdebourg, Mayence, Cologne, Chur[30]. Les successeurs d'Otton Ier obéiront aux mêmes tendances et ainsi l'épiscopat allemand arrivera à acquérir, pendant la seconde moitié du Xe siècle, une extraordinaire puissance territoriale. L'INVESTITURE ROYALE. — L'évêque, devenu seigneur-temporel, ne se distingue guère des hauts feudataires laïques. Le roi voit en lui un de ses vassaux immédiats et se conduit à son égard comme un suzerain. Non content d'exercer, en l'élargissant, le pouvoir traditionnel que lui reconnaissaient les canons lors des élections épiscopales, il lui remet sa dignité, l'investit en lui tendant lui-même le bâton pastoral, et la consécration n'a lieu qu'après cette formalité. S'il n'est pas sûr que la formule Accipe ecclesiam ait été employée dès le Xe siècle[31], le sens de la cérémonie qui a lieu à cette occasion n'est pas douteux : c'est du roi que l'évêque tient son église et le serment qu'il prête est un serment féodal, mais, comme dans l'évêché le spirituel et le temporel forment un tout qu'il est très difficile de disjoindre, il en résulte une confusion qui pèsera sur les rapports de l'Église et de l'État le jour où dans l'Église le pouvoir suprême, représenté par le Saint-Siège, aura conquis sa pleine indépendance. L'ÉPISCOPAT ALLEMAND AU TEMPS D'OTTON Ier. — Pour le moment, il est vrai, les inconvénients de ce régime ne se laissent guère percevoir. L'épiscopat allemand, au temps d'Otton Ier, a une réelle valeur morale et ne se désintéresse pas de ses fonctions spirituelles. Brunon de Cologne est le type accompli de l'évêque. On pourrait en dire autant d'Ulrich d'Augsbourg, défenseur de la cité menacée par les Hongrois, mais aussi pasteur de son peuple qu'il se préoccupe d'évangéliser avec une touchante sollicitude. Et ce ne sont pas là des exemples isolés. Peu à peu toutefois, chez ces évêques vassaux les soucis temporels se feront plus ardents, plus âpres, et les aspirations politiques primeront les grands intérêts religieux. Avec un prince comme Otton Ier les abus seront facilement évités, mais la subordination étroite de l'épiscopat à la monarchie n'est pas sans inconvénient pour l'avenir, car il peut suffire d'un changement de souverain pour que des pratiques fâcheuses s'insinuent dans l'Église impériale. LE POUVOIR ROYAL D'OTTON Ier. — Quoi qu'il en soit, en brisant la puissance des ducs et en s'appuyant sur l'Église, Otton ler a donné à la monarchie saxonne une force incomparable. C'est là ce qui explique comment, au bout de dix ans de règne, le roi de Germanie peut songer à renouer la tradition de Charlemagne, à conquérir l'Italie et à ressusciter l'empire à son profit. II. — La conquête de l'Italie. LA POLITIQUE EXTÉRIEURE D'OTTON Ier JUSQU'EN 950. — C'est en 950 qu'Otton Ier, cédant aux sollicitations qui lui venaient d'Italie, descend dans la péninsule pour y prendre la couronne, mais depuis longtemps déjà son attention avait été attirée sur le royaume que gouvernait depuis 926 Hugue d'Arles. A la fin de 941, le marquis d'Ivrée, Bérenger, révolté contre cet impopulaire despote, s'était enfui en Germanie et avait imploré l'intervention de son roi. Otton ne crut pas devoir accéder à sa prière. Sans doute il a, dès ce moment, dompté l'opposition des ducs et fait triompher sa conception monarchique, mais il n'a pas encore imposé silence à tous les mécontents. L'attitude de l'archevêque de Mayence, Frédéric, malgré une apparente soumission, demeure équivoque et incertaine. Le frère d'Otton, Henri, tout d'abord calmé par la concession de la Lorraine, a rendu le roi responsable de difficultés qui l'ont obligé à renoncer à son duché et projeté de l'assassiner le jour de Pâques de l'année 941. Sans doute le complot a-t-il été découvert et Henri, pieds nus, a demandé pardon à son frère lors d'une grande assemblée tenue à Francfort le jour de Noël[32], mais le simple fait que cette conjuration ait pu se tramer prouve que la paix intérieure n'est pas suffisamment affermie pour qu'Otton puisse se lancer dans une expédition lointaine. D'autre part la situation extérieure n'est pas plus favorable : sur l'Elbe le margrave Géron contient péniblement les Slaves[33] et, au sud-est, une agression hongroise paraît imminente. LA QUESTION DE BOURGOGNE. — Dans ces conditions, Otton juge avec sagesse qu'une intervention en Italie est prématurée. Il l'a du moins préparée depuis le début de son règne en prévenant une extension du royaume de Hugue d'Arles. Celui-ci avait essayé de mettre à profit la mort de Rodolphe II de Bourgogne (937) pour faire annuler la convention de 933 et pour étendre son influence au delà des Alpes. Aussitôt après la mort de Rodolphe, il s'était empressé d'épouser la veuve du défunt, Berthe, et de fiancer son fils, Lothaire, à la fille de Rodolphe et de Berthe, Adélaïde, alors âgée de sept ans. Comme le successeur de Rodolphe, son fils Conrad n'avait qu'une quinzaine d'années, il apparaissait clairement que Hugue voulait, au mépris du traité de 933, annexer le royaume de Bourgogne. Cette politique envahissante, qui risquait de faire tomber les passages des Alpes au pouvoir du roi d'Italie, avait inquiété Otton Ier, d'autant plus que, de son côté, le roi de France cherchait à faire prévaloir sa suzeraineté sur le Lyonnais et le Viennois. Aussi, dès 938 sans doute, le roi de Germanie fit-il une apparition en Bourgogne. Il prit sous sa protection le jeune Conrad qui l'accompagna et qui restera plusieurs années auprès de lui. Quant à Hugue d'Arles, il se retira en Italie, emmenant sa femme et sa bru[34]. Le royaume de Bourgogne avait ainsi gardé son indépendance. C'était pour Otton un succès, encore tout récent en 941, et dont il lui sembla préférable de se contenter pour le moment. L'Italie demeura donc sous la domination, plus ou moins théorique, de Hugue d'Arles qui mourut en 947. Son fils Lothaire lui succéda, mais il ne lui survécut que trois ans et disparut à son tour le 22 novembre 950[35]. BÉRENGER II ROI D'ITALIE. — Aussitôt Bérenger, qui depuis 945 était rentré en Italie et avait gouverné sous l'autorité nominale de Hugue, puis de Lothaire, s'empressa de se faire élire roi à Pavie (15 décembre 950) et il associa du même coup à la couronne son fils Adalbert[36]. Il pouvait redouter toutefois la compétition de la veuve de Lothaire, Adélaïde, que le roi avait épousée en 947, aussitôt après la mort de son père. Aux droits qu'elle tenait de son mari. la jeune princesse ajoutait ceux qui lui venaient de son propre père, Rodolphe II de Bourgogne, qui avait ceint un moment la couronne d'Italie. Comme elle s'était rendue très populaire par son affabilité et par la très grande dignité de sa vie, Bérenger, qui la savait intelligente et énergique, jugea plus sûr de l'emprisonner à Côme, mais le frère d'Adélaïde, Conrad de Bourgogne, protesta aussitôt contre cet acte de violence et il porta ses plaintes au roi de Germanie. Otton Ier allait trouver là une occasion chevaleresque d'intervenir en Italie[37]. OTTON Ier EN ITALIE. — Le moment est beaucoup plus favorable qu'en 941. La situation intérieure de l'Allemagne n'a cessé de s'améliorer : les différents duchés ont à leur tête des hommes tout dévoués au roi et, en donnant la Bavière à Henri, Otton Ier a enlevé tout prétexte à l'opposition d'un frère aussi ambitieux que jaloux. A l'extérieur, les Hongrois ont été deux fois battus au cours des dernières années, en 943 par Berthold de Bavière[38], en 948 par Henri lui-même[39] ; un autre engagement, à Lova, en 95o, a été, semble-t-il, moins heureux pour les Bavarois[40], mais il n'y a aucun péril imminent. De même, les Slaves paraissent calmes : dans l'été de 950, Otton s'est montré en Bohême avec une forte armée, afin d'imposer un terme aux combats de frontière, incessants depuis bientôt quinze ans, et a réussi à soumettre le pays dont il confie la surveillance à son frère Henri de Bavière[41]. Enfin, du côté de la France, lors du concile d'Ingelheim (948), une véritable alliance a été conclue avec Louis IV, Otton peut partir pour l'Italie où il va libérer Adélaïde et conquérir sa couronne ; il sait qu'aucun événement fâcheux ne viendra entraver son expédition. Il envoie d'abord en avant-garde son fils aîné, Liudolf, qui, en raison de l'insuffisance de ses troupes, n'obtient aucun résultat positif[42]. Il franchit lui-même le Brenner en septembre 951, escorté de ses frères Brunon et Henri, du duc Conrad de Lorraine, des archevêques de Mayence et de Trèves, de plusieurs évêques et de nombreux seigneurs laïques[43]. Dès que cette imposante armée paraît en Lombardie, Vérone ouvre ses portes. Au même moment la reine captive réussit à s'évader de sa prison et trouve une sûre retraite à Reggio[44]. Le 23 septembre, Otton est à Pavie, où il prend le titre de roi d'Italie sans même se faire élire ni couronner, après quoi il envoie une ambassade, chargée de présents, solliciter pour lui la main d'Adélaïde qu'il obtient sans peine[45]. Le mariage est promptement célébré et ainsi le sort de l'Italie se trouve réglé sans qu'aucun des partisans de Bérenger ait esquissé le moindre geste d'opposition. Otton a-t-il songé dès ce moment à rétablir l'empire en sa faveur ? Il est permis de le penser, car de Pavie une ambassade, composée de l'archevêque de Mayence, Frédéric, et de l'évêque de Chur, Hartbert, partit pour Rome[46], mais, si Otton s'est proposé de se rendre dans la capitale chrétienne, il n'a obtenu aucun succès : Albéric ne tenait aucunement à s'effacer devant le nouveau roi d'Italie qu'il était décidé à ignorer, comme il l'avait fait pour ses prédécesseurs. L'ORGANISATION DE L'ITALIE PAR OTTON Ier. — Il s'agissait, maintenant d'organiser le pays si rapidement conquis. Peut-être Otton, pressé de montrer aux Allemands la nouvelle reine, s'est-il éloigné un peu vite, avant que. Bérenger n'eût dévoilé ses intentions. Celui-ci se rendit compte très rapidement que toute résistance était impossible et il alla porter sa soumission au duc de Lorraine, Conrad, qu'Otton avait laissé à Pavie pour le représenter. Il essaya du moins, non sans habileté, de sauver sa couronne en offrant de gouverner l'Italie comme vice-roi, au nom du roi de Germanie. Conrad n'osa pas décliner cette extraordinaire proposition où il vit peut-être un gage de paix. Il accompagna Bérenger en Allemagne, afin d'obtenir la ratification de son beau-père[47]. Otton l'accueillit plutôt froidement. Il finit pourtant par accepter de porter la question italienne devant le concile qui allait se réunir à Augsbourg pendant la seconde semaine d'août 952. Bérenger parut devant cette imposante assemblée et prêta au roi le serment de fidélité per manus, moyennant quoi il reçut comme vassal le gouvernement de l'Italie, à l'exception de l'ancien marquisat de Frioul qui, avec l'Istrie, fut laissé à Henri de Bavière ; il s'engagea aussi à administrer avec plus d'équité et à ne plus tyranniser ses sujets, comme il l'avait fait jusque-là[48]. On ne voit pas nettement quelles raisons ont pu amener Otton à conclure cet arrangement qui, étant donné le caractère de Bérenger, ne pouvait être définitif. Peut-être le roi a-t-il voulu avoir les mains libres pour faire face à un nouveau mouvement d'opposition qui se dessinait en Allemagne. Peut-être aussi n'était-il pas fâché de se donner, vis-à-vis de ses sujets d'outre-monts, des allures désintéressées et de les amener à souhaiter eux-mêmes une subordination plus étroite à la royauté germanique, d'où résulterait presque fatalement la restau-. ration de l'empire d'Occident à son profit. Tel est, en tout cas, le but suprême de sa politique, mais il lui faudra encore dix années pour y parvenir. III. — La restauration de l'Empire d'Occident. L'ALLEMAGNE DE 952 À 956. — De 952 à 956, Otton Ier a dû interrompre l'exécution de ses grands projets. La situation intérieure et extérieure de l'Allemagne, si favorable en 950, est devenue brusquement pour lui l'objet de préoccupations de la plus haute gravité. RÉVOLTE DE LIUDOLF ET DE CONRAD DE LORRAINE. — L'opposition est née une fois de plus dans la famille royale. Lors du règlement de l'affaire italienne, Otton Ier a eu le tort d'avantager son frère Henri, personnage intrigant et brouillon, généralement antipathique, au détriment de son fils aîné Liudolf, duc de Souabe, qu'il avait eu d'un premier mariage avec Édith, sœur du roi Édouard d'Angleterre. Liudolf, dont le duché confinait à la péninsule et qui, par surcroît avait, en 951, préparé. les voies à son père, s'attendait à recevoir sa récompense. Il ne vit pas sans dépit Otton attribuer le Frioul à Henri de Bavière qui n'avait joué aucun rôle actif dans la campagne d'Italie. Cette déception se doubla d'une crainte, lorsqu'en 952 la reine Adélaïde eut donné le jour à un fils, Henri[49]. Convaincu qu'il serait évincé de la couronne après la mort de son père, Liudolf groupa autour de lui tous les mécontents ; son beau-frère, Conrad le Roux, duc de Lorraine, également jaloux de Henri de Bavière, et l'archevêque de Mayence, Frédéric, qui reprochait à Otton d'avoir choisi Brunon comme archichancelier[50], lui apportèrent une adhésion empressée. Le complot, formé dès le printemps de 953, n'éclata pas aussitôt. Il semble que, de part et d'autre, on ait songé à un accommodement. Liudolf et Conrad, avant de se révolter ouvertement, allèrent trouver le roi à Mayence et lui déclarèrent qu'ils n'avaient aucune intention hostile à son égard, que seul Henri de Bavière était l'objet de leur ressentiment[51]. On ne sait pas sur quoi portèrent exactement leurs revendications[52]. Il paraît probable qu'Otton, inquiet du mouvement qui se dessinait en Franconie, en Souabe et même en Bavière, se montra très conciliant, mais, après une entrevue avec sa mère, Mathilde, qui avait toujours manifesté une fâcheuse prédilection pour Henri, il changea d'attitude. Il convoqua, pour mai 953, une assemblée à Fritzlar. Liudolf et Conrad n'y parurent pas[53]. Le second fut privé de son duché où il vit se dresser à nouveau contre lui son ancien rival, le comte Renier, neveu du duc Gilbert. Vaincu par lui sur les bords de la Meuse, il dut battre en retraite vers le Rhin et alla se réfugier à Mayence où l'archevêque Frédéric ne demandait pas mieux que de seconder sa résistance[54]. Le roi, avec une armée de Saxons, de Franconiens et de Lorrains, vint aussitôt assiéger Mayence. Après deux mois de vains efforts pour pénétrer dans la place, il se décida à négocier par l'intermédiaire de son cousin, le comte saxon, Egbert, et de son frère Brunon auquel il avait tout récemment remis l'archevêché de Cologne. Liudolf et Conrad consentirent à se soumettre, mais des propos injurieux tenus sur eux par Henri de Bavière déchaînèrent à nouveau leur colère et l'accord, à peine conclu, se trouva irrémédiablement compromis[55]. VICTOIRE D'OTTON Ier SUR LES OPPOSANTS. — La guerre civile recommença donc en Allemagne. Les conjurés, très populaires, recueillirent aussitôt de précieuses adhésions comme celles du comte saxon Egbert et du comte palatin Arnulf, fils du duc du même nom. La Bavière et la Souabe se prononcèrent pour eux, si bien qu'Otton fut obligé de se porter au secours de son frère Henri gravement menacé. Le roi n'obtint d'ailleurs aucun succès ; il alla faire le siège de Ratisbonne, qu'il dut abandonner au bout de quelques semaines, et rentra en Saxe[56]. En Lorraine il n'avait guère été plus heureux. Son frère Brunon, auquel il avait remis le duché, n'avait pu empêcher Conrad de s'emparer de Metz où l'évêque Adalbéron s'était montré particulièrement hostile à son égard[57]. En Souabe, Arnulf, fils de l'ancien duc de Bavière, combattait âprement en faveur de Liudolf, mais il fut battu à Schwabmünden par le comte Dietbald, frère de l'évêque d'Augsbourg, Ulrich[58]. C'était le premier succès remporté par Otton Ier. La réapparition du péril hongrois lui permit de ressaisir son royaume. Les populations terrorisées se détachèrent des opposants qui dès lors n'eurent plus qu'à se soumettre. En 954, à l'assemblée de Langenzenn, Conrad rentra dans la fidélité du roi et Frédéric de Mayence se justifia des accusations qui pesaient sur lui. Liudolf résista plus longtemps. Il livra à son père la sanglante et indécise bataille d'Horsdal, à la suite de laquelle il s'enferma dans Ratisbonne. La famine le contraignit à se rendre. Il s'en remit alors à la clémence d'Otton Ier, Une nouvelle assemblée se tint à Arnstadt. Liudolf et Conrad furent graciés l'un et l'autre. On les laissa en possession de leurs biens patrimoniaux, mais ils perdirent leurs duchés et leurs fiefs. La Souabe fut donnée au comte Burchard, gendre de Henri de Bavière. L'archevêque de Mayence, Frédéric, était mort le 25 octobre ; il eut pour successeur un fils naturel du roi, Guillaume, ce qui acheva de subordonner au roi Otton Ier les grandes métropoles de la région rhénane[59]. L'INVASION HONGROISE DE 954. — La paix était rétablie, mais la guerre civile, déchaînée par la révolte de Liudolf et de Conrad, avait eu de fâcheuses conséquences. Abandon momentané de la politique italienne, et surtout réapparition, à la faveur des désordres intérieurs, du danger extérieur sous la forme d'une invasion hongroise, telles ont été les deux répercussions essentielles des événements de 952-953. Liudolf et Henri se sont mutuellement accusés d'avoir appelé les Magyars en Bavière[60]. En réalité, il est plus probable que ceux-ci ont profité des embarras de la royauté pour renouer une tradition qu'avait rompue l'énergie de la monarchie saxonne. Bref, en 954, ils se jettent sur la Bavière. Otton accourt pour les repousser, mais, au moment où il arrive avec une forte armée, il apprend que Liudolf a négocié leur départ vers la région rhénane où Conrad le Roux s'est empressé de traiter avec eux et les a conduits lui-même ravager les diocèses de Cologne et de Metz. Les Hongrois atteignent ensuite les pays de la Meuse et de l'Escaut qui sont durement traités : les abbayes de Gembloux et de Lobbes sont pillées ; Cambrai résiste, grâce au merveilleux sang-froid de son évêque, Fulbert, mais ses faubourgs sont réduits en cendres. De là, les envahisseurs gagnent la région de Reims et de Châlons, puis, suivant le rythme habituel, se retirent par la Bourgogne et par l’Italie[61]. L'Allemagne a été relativement épargnée et, à certains égards, l'invasion magyare a eu pour elle un heureux résultat : elle a raffermi le pouvoir du roi, seul capable de sauver le pays. L'INVASION DE 955 ET LE SIÈGE D'AUGSBOURG. — Cette confiance était nécessaire. En 955 les Hongrois, encouragés par leur succès de l'année précédente, déversent sur l'Allemagne des hordes plus nombreuses que jamais[62]. Après avoir ravagé la Bavière et une partie de la Souabe, ils viennent mettre le siège devant Augsbourg. L'évêque Ulrich, averti du danger, ne néglige aucun moyen pour assurer la défense de sa cité épiscopale : il prescrit des prières et des processions, fait réparer les murs et fortifier les maisons, place de solides garnisons aux points vitaux. Les Hongrois, qui croyaient la résistance de la ville très affaiblie depuis la guerre civile de 953, éprouvent une profonde surprise devant cette digue que leur a opposée le prélat. Leurs troupes, si hardies et si endurantes qu'elles soient, murmurent et ne manifestent aucun enthousiasme pour l'assaut ; les chefs doivent user du fouet pour les contraindre à aller au combat. Là-dessus, on apprend dans le camp magyar qu'Otton Ier approche. Pour éviter d'être pris à revers, on abandonne le siège et l'on décide qu'on ne le reprendra qu'après avoir anéanti l'armée de secours. BATAILLE DU LECH (10 AOÛT 955). — Le roi s'est montré, comme l'évêque, à la hauteur des circonstances. Il a réuni en Saxe une magnifique armée qui, si elle n'atteint pas en nombre celle des Hongrois, réunit cependant toutes les forces dont l'Allemagne peut disposer. Les ducs ont répondu à son appel. La Bohême elle-même a envoyé des contingents. Conrad le Roux, oubliant la rude expiation qui lui a été imposée par son beau-père, est venu lui aussi et la présence de cet entraînant et habile guerrier, dont la bravoure est proverbiale, donne confiance à. tous. Il ne manque que le frère du roi, Brunon, retenu en Lorraine pour achever l'œuvre de pacification. Le combat s'engage sur les bords du Lech, le 10 août 955. Les forces hongroises campaient sur la rive gauche de la rivière, au sud d'Augsbourg, dans une plaine découverte où la cavalerie pouvait se déployer librement. Otton voudrait obtenir par la surprise l'avantage initial qui peut décider du succès. Pour cela il a, afin de ne pas attirer l'attention, partagé son armée en huit colonnes qui s'avancent par des voies différentes : les trois premières sont fournies par des Bavarois que commandent, à défaut du duc déjà malade, trois comtes ; la quatrième groupe les Franconiens sous la direction du duc Conrad ; Otton s'est placé lui-même à la tête de la cinquième, entouré de ses Saxons ; la sixième et la septième, avec le duc Burchard, constituent l'apport souabe ; la huitième représente le contingent bohémien, conduit par le duc Boleslas. Malgré toutes les précautions prises, les Hongrois ont été informés de l'arrivée des Allemands en ordre dispersé et, loin de se laisser surprendre, ce sont eux qui tombent à l'improviste sur le contingent bohémien et le mettent en fuite. Cette retraite jette le désarroi, mais le duc Conrad, chargé par Otton de rétablir le combat, réussit à ranimer les courages et même à délivrer les prisonniers capturés par l'ennemi. Bientôt l'impression fâcheuse, causée par l'échec du début, est effacée. La bataille proprement dite commence et la lutte est sanglante. Des deux côtés on se défend avec une âpreté féroce, tellement on éprouve le sentiment que cette journée comptera dans les annales du monde occidental. Enfin le soir, Otton, après avoir percé de part en part l'armée hongroise, entre dans Augsbourg où il peut, en compagnie du fidèle évêque Ulrich, rendre grâces à Dieu pour cette resplendissante victoire qui lui vaudra le surnom de Grand, puis, le lendemain (11 août), il se lance à la poursuite de l'ennemi, qui fuit en désordre, capture quelques chefs illustres, sème partout la terreur. Seules quelques bandes décimées regagnent la plaine du moyen Danube où autrefois les envahisseurs revenaient chargés de glorieux trophées et de riches dépouilles cueillies dans les églises et les monastères[63]. IMPORTANCE DE LA VICTOIRE D'OTTON Ier SUR LES HONGROIS. — Certains historiens ont rapproché la victoire du Lech de celle de Poitiers[64]. Peut-être y a-t-il à quelque exagération. On ne doit pas méconnaître toutefois qu'Otton Ier, en infligeant une défaite sans précédent aux barbares qui avaient tant de fois souillé l'Allemagne, l'Italie, la France de leurs meurtres et de leurs cupides dévastations, a rendu à l'Occident chrétien un éminent service dont on lui a gardé justement une infinie reconnaissance. Les contemporains ont eu le sentiment que quelque chose de grand s'était passé sous les murs d'Augsbourg et cela par le fait du roi de Germanie dont le prestige s'est sensiblement accru. Si la bataille de Poitiers a été le premier jalon vers la restauration de l'empire au profit de Charlemagne, celle du Lech est, à coup sûr, le prélude du couronnement impérial d'Otton le Grand. VICTOIRE D'OTTON Ier SUR LES SLAVES (16 OCTOBRE 955). — L'invasion magyare a eu son contre-coup sur la frontière de l'Elbe où, dès 954, avec un remarquable synchronisme, les Slaves ont commencé à s'agiter. Pendant l'année 955, les tribus échelonnées entre le cours inférieur de l'Elbe et la Baltique, dessinent un mouvement de plus grande envergure qu'il est prudent d'enrayer immédiatement. Aussi, dès qu'il en a fini avec les Hongrois, Otton se dirige-t-il vers le Nord. Il s'avance, sans rencontrer de résistance, jusqu'à la Recknitz derrière laquelle ses ennemis se sont fortement organisés pour lui barrer le passage. C'est là que s'engage, le 16 octobre 955, une grande bataille qui fait écho à celle du Lech. Là aussi la victoire est chèrement achetée. La position de l'armée allemande paraît un moment tout à fait critique, mais le comte Géron, en jetant audacieusement trois ponts sur la rivière, déclenche une vigoureuse attaque qui aboutit à d'éclatants résultats. Les Slaves prennent la fuite à leur tour, laissant aux mains de leurs adversaires leur chef, Stoinef, qu'Otton eut le tort de faire mettre brutalement à mort avec un bon nombre de ses guerriers[65]. Du moins cet acte de férocité a-t-il produit une impression de terreur parmi les tribus slaves qui pour la plupart renouvelèrent leur soumission. Bien que deux expéditions aient encore été nécessaires en 957 et en 959 pour consolider les résultats obtenus, dès 955 tout péril est écarté. En un mot, cette année 955 a vu le recul de tous les envahisseurs qui se pressaient aux frontières de l'Allemagne. Au nord comme à l'est, Otton Ier, victorieux de ses ennemis, apparaît comme le glorieux défenseur de la chrétienté qu'il a par son intelligence de la situation, par son énergie, par ses dons militaires, affranchie du cauchemar qui depuis plus d'un demi-siècle la paralysait dans son action. L'EXTENSION DU CHRISTIANISME DANS LES PAYS DU NORD. — En même temps qu'il fait reculer les peuples païens, Otton Ier travaille au rayonnement de l'Evangile dans les pays du nord. La grande œuvre qui remplit l'histoire de la Germanie médiévale a été inaugurée avant le rétablissement de l'empire d'Occident. Dès les premières années du règne d'Otton Ier, sous l'impulsion de l'archevêque de Hambourg, Adalgag, dont le roi n'a pas cessé un instant de seconder le persévérant effort, les fondations pieuses se sont multipliées dans les pays Scandinaves, en même temps que se développaient les relations commerciales. En 948, Adalgag peut paraître au concile d'Ingelheim, entouré de ses suffragants danois, les évêques Hored de Schleswig, Liafdag de Ribe, Reginocand d'Aarus, qui sont également nommés dans la bulle par laquelle le pape Agapit II, en conférant le pallium à Adalgag, institue l'église de Hambourg comme métropole des Danois, Norvégiens et Suédois (2 janvier 948)[66], A cette date, l'évangélisation du Danemark est donc fort avancée et il est non moins curieux de constater que les nouveaux diocèses sont rattachés à un archevêché allemand. Un effort religieux analogue a également servi l'influence germanique dans les pays slaves où sont fondés au même moment, l'un le 9 mai 946, l'autre le Ier octobre 948, les deux évêchés de Havelberg et. de Brandebourg, suffragants non plus de Hambourg, mais de Mayence[67]. Ces nouveaux diocèses ont pour frontière à l'est l'Oder, à l'ouest et au sud l'Elbe, ce qui constitue un sérieux pas en avant aussi bien pour l'Allemagne que pour le catholicisme. En collaborant ainsi à l'organisation de la mission chrétienne au dehors, Otton apparaissait de plus en plus comme le seul prince capable de reprendre et de continuer l'œuvre de Charlemagne. Il semblait donc que le titre impérial dût être la sanction de cette politique qui servait si bien les intérêts de la religion en même temps que ceux du royaume. OTTON Ier ET LA RÉFORME DE L'ÉGLISE. — L'Église ne pouvait être que favorable à cette résurrection de l'empire au profit du roi de Germanie. Otton Ier, tout en la peuplant de ses créatures et en l'utilisant pour la réalisation de ses desseins temporels, n'a cessé de la seconder et, comme Charlemagne, de donner force de loi à ses décisions synodales. C'est lui qui, en 951, se charge d'appliquer la législation sévère, édictée par le concile de Francfort au sujet du rapt des femmes et des jeunes filles[68]. L'année suivante (952), se tient à Augsbourg une assemblée beaucoup plus importante où sont venus, avec la plupart des archevêques et évêques allemands, plusieurs prélats italiens. A la demande de l'archevêque de Mayence, le roi prend la présidence et sanctionne une série de décrets réformateurs qui défendent aux clercs de chasser, de fréquenter les tavernes, de se livrer au jeu et, sous peine d'être fouettés et tondus, d'avoir commerce avec des femmes, ou encore qui interdisent aux laïques de chasser les prêtres des églises et de dérober à l'évêque tout ou partie de la dîme[69]. Par ces mesures réformatrices qu'il a largement encouragées et parfois inspirées. Otton a gagné d'ardentes sympathies parmi le clergé. N'est-il pas le protecteur de l'Église au dedans comme au dehors ? L'épiscopat allemand ne doit-il pas, dans ces conditions, travailler avec un pieux enthousiasme à la restauration de l'empire en faveur de ce généreux émule de Constantin, de Théodose et de Charlemagne ? LA MISSION D'HADAMAR DE FULDA À ROME. — En 955, le moment paraît venu de renouer avec Rome les négociations qui, quatre ans plus tôt, n'ont pu aboutir. Otton envoie au pape Agapit II, qui appréciait comme il convenait son action politico-religieuse dans les pays païens, l'abbé Hadamar de Fulda. Le prétexte de cette ambassade était d'aller chercher le pallium pour le frère du roi, Brunon, archevêque de Cologne. Hadamar est admirablement accueilli et rapporte le pallium demandé ainsi que les reliques du saint martyr Pantaléon[70]. Il est probable toutefois qu'au cours des entretiens qui eurent lieu entre le pontife et l'abbé le problème impérial a été envisagé et que les premiers jalons vers sa solution ont été posés. La mort d'Agapit, survenue le 16 décembre 955, interrompit la négociation et retarda son issue LA POLITIQUE DE JEAN XII. — Le successeur d'Agapit II est en effet le fils d'Albéric, ce triste Octavien qui, en 953, a déjà hérité de son père de la charge de sénateur des Romains et qui, sous le nom de Jean XII, va, à l'âge de seize ans à peine, cumuler les pouvoirs politiques et religieux. Le nouveau pape, qui songeait surtout à augmenter, pour en jouir grassement, les revenus de son église, ne désirait nullement restaurer l'empire ni favoriser l'influence germanique en Italie. Il préférait travailler pour lui-même et accroître son pouvoir temporel. C'est ainsi qu'en 959 il entreprend dans l'Italie du sud une expédition, d'ailleurs malheureuse, dont le but était d'enlever Capoue aux princes de Bénévent[71]. Cet échec n'aurait pas découragé ses rêves italiens, si d'autres circonstances, indépendantes de sa volonté, ne l'avaient contraint à changer l'orientation de sa politique. OTTON Ier ET L'ITALIE. — Otton Ier, malgré l'opposition qu'il éprouvait à Rome, ne perdait pas de vue son royaume italien. La situation de la péninsule demeurait trouble. Bérenger n'avait pas tenu les engagements pris à Augsbourg ni modifié les procédés de gouvernement qui l'avaient fait détester de ses sujets. Des plaintes furent adressées à la cour allemande[72]. Otton accueillit ces doléances avec un empressement intéressé, puis, à la fin de l'automne de 956, il envoya au delà des monts son fils Liudolf qui malheureusement mourut de la fièvre, après être entré à Pavie où il avait reçu la soumission de Bérenger[73]. Les choses en restèrent là pour l'instant, mais, en 960, les récriminations contre Bérenger se firent plus pressantes. Jean XII, allié du marquis de Spolète, qui était alors en guerre avec le vice-roi, ne crut pouvoir faire autrement que de joindre ses instances à celles de l'épiscopat lombard. Une ambassade, composée du cardinal diacre Jean et du protoscriniaire Azon, partit pour l'Allemagne, afin d'inviter Otton Ier à venir délivrer l'Italie d'un tyran exécré[74]. EXPÉDITION D'OTTON Ier EN ITALIE (961-962). — Le roi ne se fit pas prier. Le calme régnait aux frontières ; la mort de Liudolf écartait pour l'avenir tout danger de compétition dynastique et aucun des princes ne songeait plus à troubler l'ordre ni à créer des embarras à la monarchie[75]. Otton peut quitter son royaume sans courir le moindre risque. Il emploie les derniers mois de 960 et les premiers de 961 à préparer son expédition. Afin d'assurer, en cas de malheur, la perpétuité de la dynastie, il réunit, en mai 961, à Worms, une cour qui prend les mesures nécessaires. Son fils aîné, Otton, qu'il avait eu de son mariage avec Adélaïde, est associé à la royauté par la volonté des princes et du peuple, puis solennellement consacré par les trois archevêques rhénans. Brunon de Cologne et Guillaume de Mayence sont spécialement chargés de veiller sur le jeune prince, tant que son père sera en Italie[76]. En août 961, Otton Ier franchit le col du Brenner avec une nombreuse armée, accompagné de la reine Adélaïde et de plusieurs évêques. Il ne rencontre aucune résistance ; toutes les villes lui ouvrent leurs portes et il arrive sans difficulté à Pavie où il célèbre paisiblement la fête de Noël, dans l'attente du grand événement qui doit marquer le terme de ce triomphal voyage[77]. OTTON Ier DEVANT ROME. — De Pavie le roi de Germanie a dépêché à Rome, au début de décembre, l'abbé de Fulda, Hatton, afin de préparer, de concert avec le pape, la cérémonie qui doit renouveler celle du jour de Noël de l'an 800[78], puis, en janvier 962, tandis que Bérenger et sa femme, Willa, vont se mettre à l'abri dans une forteresse de l'Apennin, il continue sa marche vers le sud. Le 31 janvier, il est devant Rome, mais il ne peut franchir le seuil de la Ville éternelle qu'après avoir prêté le serment traditionnel qui devait rassurer le pape et les Romains sur la pureté de ses intentions[79]. Ses promesses sont beaucoup plus précises que celles autrefois proférées par les empereurs carolingiens. Otton ne s'engage pas seulement à travailler à l'exaltation de l'Église romaine, à ne rien entreprendre contre la vie et l'honneur du successeur de Pierre ; il jure aussi de ne tenir aucun plaid à Rome sans l'assentiment du pape, de n'intervenir en rien dans l'administration de l'État pontifical, de restituer tout ce qu'il détenait du patrimoine de saint Pierre et de protéger les biens temporels du Saint-Siège[80], En échange, Jean XII et les Romains prêteront serment, sur les reliques de Saint-Pierre, de ne pas soutenir les ennemis d'Otton en Italie, c'est-à-dire Bérenger et son fils Adalbert. Cet échange de promesses indique clairement quelles sont, à la veille du couronnement impérial, les dispositions de Jean XII. II entend ménager l'indépendance du siège apostolique et conserver toutes ses possessions. Obligé de subir les événements, il n'accepte qu'à contre-cœur de renoncer à ses ambitions italiennes ; du moins veut-il sauver ce qui lui reste de puissance temporelle et prévenir la subordination, qu'il a tout lieu de redouter, de l'Église romaine à l'empire. Il a fait preuve d'une réelle habileté, mais Otton qui, pour entrer dans Rome, a juré tout ce qui lui était demandé, ne se tient pas pour battu. Pour le moment, il ne songe qu'à ceindre le glorieux diadème ; il prendra sa revanche à l'heure qu'il aura choisie. LE COURONNEMENT IMPÉRIAL D'OTTON LE GRAND (2 FÉVRIER 962). — L'heure du dénouement est arrivée. Le 2 février 962, Otton Ier se rend à Saint-Pierre avec la reine Adélaïde et reçoit des mains de Jean XII la couronne impériale suivant le vieux cérémonial byzantin et franc. Le peuple acclame, conformément à l'usage traditionnel, le successeur de Constantin et de Charlemagne. Le pape et l'empereur se retirent ensuite après avoir échangé de riches présents[81]. LE CONCILE ROMAIN DU 12 FÉVRIER 962. — Une fois investi de la dignité à laquelle il aspirait depuis plusieurs années, Otton, désormais tranquille, va arracher au pape une série de concessions qui lui semblent nécessaires pour assurer un brillant avenir à l'empire ressuscité en son honneur. Le 12 février, un concile se réunit à Saint-Pierre. Deux mesures importantes y sont prises. Tout d'abord, Jean XII, à la demande d'Otton, crée à Magdebourg un archevêché auquel il donne pour suffragant l'évêché de Mersebourg ; Magdebourg devient ainsi la métropole des pays slaves, centre d'évangélisation, mais aussi foyer d'influence germanique. C'est là pour Otton un avantage incomparable qui permettra à la politique, suivie depuis plusieurs années, de prendre un nouvel essor. D'autre part, toujours pour être agréable à l'empereur, Jean XII dépose l'archevêque de Salzbourg, Hérold, qui avait manifesté une opposition tenace à l'égard de la politique religieuse d'Otton et auquel Henri de Bavière avait fait crever les yeux[82], et il remet le pallium au candidat royal Frédéric[83]. Par ces décrets Jean XII consacre et ratifie la politique religieuse d'Otton le Grand : il lui donne les moyens de poursuivre l'extension de l'Allemagne vers l'est et reconnaît son pouvoir absolu sur l'Église dans son royaume d'outre-monts. Il a toutefois soin d'affirmer, à cette occasion, la prééminence pontificale en rappelant, en tête de la bulle qui érige l'archevêché de Magdebourg, qu'il appartient à l'Église romaine de régler les affaires de la chrétienté et en mentionnant qu'il s'est rendu aux humbles supplications d'Otton[84]. Au moment où il dispense à celui-ci les moyens d'accroître sa puissance, il ne manque pas de faire sonner la supériorité du pape sur l'empereur. LE PRIVILÈGE D'OTTON Ier. — Le lendemain (13 février), c'est au tour d'Otton Ier de prouver au pape que, si le successeur de Pierre a une universelle souveraineté dans le domaine spirituel et ecclésiastique, l'empereur jouit de la même prérogative en matière temporelle. Il promulgue ce jour-là le fameux privilège par lequel il confirme les droits du pape sur les possessions territoriales de l'Église romaine, notamment sur celles qui proviennent des donations de Pépin et de Charlemagne[85]. En outre, s'inspirant de la constitutio romana de 824, il établit son contrôle sur l'administration de l'État pontifical en stipulant que ses missi devront chaque année lui adresser un rapport sur les conditions dans lesquelles la justice y est rendue et l'informer des troubles qui pourraient se produire. C'est affirmer qu'il est le suzerain de cette Rome dont il avait promis, quelques jours plus tôt, de respecter l'indépendance[86]. Il y a plus. Le privilège, renouvelant les dispositions de la constitution de 824, décide qu'à l'avenir le pontife, canoniquement élu, ne sera consacré qu'après avoir prêté serment à l'empereur ou à ses missi. Ainsi le pape peut proclamer sa supériorité sur l'empereur ; elle n'est qu'illusoire, puisqu'il lui est impossible d'obtenir sa dignité sans le concours du chef temporel de la chrétienté. LE PAPE ET L'EMPEREUR. — Décrets conciliaires du 12 février et privilège impérial du 13 précisent la signification de l'événement qui vient de s'accomplir. Entre Jean XII et Otton Ier l'accord est de pure forme ; un profond malentendu subsiste sur la situation réciproque du pape et de l'empereur. Jean XII a consenti à la venue d'Otton en Italie sous la pression des ennemis de Bérenger, avec l'espoir qu'il mettrait fin à l'anarchie tyrannique qui désolait l'Italie du nord ; il ne lui a concédé l'empire qu'à la condition que l'indépendance de l'État pontifical demeurerait entière et ne l'a laissé entrer. à Rome qu'après avoir obtenu toutes garanties sur ce point. Le roi de Germanie, au contraire, n'est nullement disposé à se contenter de cet empire honorifique ; ce n'est pas à Bérenger ou à Louis de Provence qu'il entend ressembler ; il veut faire revivre Charlemagne, ce qui implique au temporel la suzeraineté de Rome et de l'Italie, au spirituel la tutelle de l'Église romaine, affranchie du joug de l'aristocratie. Ces deux conceptions inconciliables expliquent pourquoi Otton, après avoir restauré l'empire, se heurtera à toutes sortes de difficultés qui l'obligeront à de fréquents séjours en Italie. Jean XII a subi le privilège du 13 février[87] ; il est bien décidé à ne pas en tenir compte. Or il a de précieux atouts en mains. Bérenger n'a pas plié devant Otton et, réfugié au fond de l'Apennin, il peut lui créer bien des embarras ; il est un allié possible pour le Saint-Siège. L'opinion publique italienne est peu favorable aux Allemands, guerriers redoutables sur lesquels courent toutes sortes de bruits sinistres et elle flétrit l'asservissement de Rome à un roi étranger[88]. L'empereur a été acclamé suivant l'usage, mais lorsque, le 14 février, il quitte la capitale chrétienne, il n'est pas sûr du lendemain et peut aisément prévoir un revirement qui se produira en effet dans un avenir tout à fait prochain. CARACTÈRES DE LA RESTAURATION IMPÉRIALE DU 2 FÉVRIER 962. — Il faudra toute l'énergie d'Otton Ier pour rendre durable la restauration de l'empire d'Occident. En dépit d'apparences contraires, c'est sa conception, et non celle de Jean XII, qui triomphera, au moins pendant près d'un siècle ; jusqu'à la réforme grégorienne, les empereurs germaniques, malgré une opposition âpre à certaines heures, domineront Rome et exerceront une forte influence sur le gouvernement pontifical. A cet égard, le rêve d'Otton est pleinement réalisé : il a bien ressuscité l'empire de Charlemagne. Telle est d'ailleurs la signification que les contemporains ont attachée à l'événement du 2 février 962. Pourtant, malgré des analogies incontestables dans les institutions aussi bien que dans le cérémonial, on ne saurait conclure à une identité parfaite. Charlemagne dominait tout l'Occident ; Otton est seulement le maître de l'Allemagne et d'une partie de l'Italie. Le sud de la péninsule appartient encore à Byzance et jusqu'à la fin du XIIe siècle échappera entièrement à la domination germanique qui, au centre, sera toujours éphémère. La France reste en dehors de l'empire d'Otton le Grand et, si pendant la minorité de Lothaire, Brunon y exerce, comme on l'a vu, une véritable régence, ni les derniers Carolingiens ni les premiers Capétiens ne consentiront à subir la tutelle allemande. L'unité chrétienne, réalisée par Charlemagne, n'est pas restaurée en 962. La puissance d'Otton le Grand reste donc inférieure à celle du grand empereur dont le souvenir a hanté toute sa politique ; elle est allemande plus qu'universelle, mais il ne faudrait pas mésestimer pour cela la valeur de l'œuvre accomplie par le roi saxon. Dans le chaos, où se débattait l'Occident depuis la mort de Charles le Gros, il a introduit un élément d'ordre et de vie. L'empire est amoindri sans doute, mais il existe à nouveau et sa seule présence va imprimer à l'histoire du monde occidental, à partir de 962, une allure nouvelle. La crise politique, née du démembrement de l'empire carolingien, est terminée, mais les transformations sociales, engendrées par les invasions et favorisées par l'éclipsé du pouvoir royal, persistent : c'est pendant la seconde moitié du Xe siècle que le régime seigneurial atteint son plus grand développement. |
[1] Voir : Kleinclausz, L'Empire carolingien, p. 506 et suiv.
[2] Cf. Lapôtre, l'Europe et le Saint-Siège à l'époque carolingienne, p. 192.
[3] Voir : Kleinclausz, op. cit., p. 550-551.
[4] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 6, n. 3.
[5] La plupart des éléments de ce portrait sont empruntés au biographe d'Otton Ier, Widukind, qui reste une des sources primordiales de l'histoire du règne. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 513-522.
[6] C'est ce qui résulte de cette mention très significative que l'on relève dans les Annales de Quedlinbourg (a. 937), relativement à l'élection d'Otton Ier : Jure hereditario paternis eligitur succedere regnis. On trouvera tous les textes relatifs à cette élection dans Köpke et Dümmler, op. cit., p. 21-23.
[7] Widukind II, 1 et 2.
[8] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 37-41 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 25-26 ; F. L. Ganshof, Quelques aspects de l'histoire de l'empire au XIe siècle, Paris, 1928, p. 8.
[9] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 50-55 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 190-192.
[10] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 55-58.
[11] Widukind II, 5 ; Annales
Augustani, a. 937.
[12] Léon d'Ostie, I, 55 ; Annales Beneventani, a. 937.
[13] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 68 et suiv.
[14] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 79, n. 1 et 2.
[15] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 62-63.
[16] Cf. Lauer, Le règne de Louis IV d'Outremer, p. 41-42.
[17] Les deux sources principales pour ces divers événements sont Widukind, II, 13 et suiv., et le continuateur de Réginon, a. 937-939. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 76 et suiv.
[18] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 86 et suiv.
[19] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 150.
[20] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 131-133.
[21] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 101.
[22] Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III, p. 28.
[23] Voir : Köpke et Dümmler, op. cit., p. 66, n. 2.
[24]
L'une des vies de Mathilde dit formellement que le roi a désigné Adalgag sur la
recommandation de sa mère. Cf.
Köpke et Dümmler, op. cit., p. 67, n. 2.
[25] Hauck, op. cit., t. III, p.
30-31.
[26] Stumpf, 63 et 101 ; Köpke et Dümmler, op. cit., p. 529, n. 1.
[27]
C'est ce qui est arrivé à Cologne et à Cambrai. Cf. Hauck, op. cit., p. 29, n. 8.
[28] Voir plus haut, on rôle en France pendant la minorité de Lothaire.
[29] Sur le rôle et l'activité de Brunon, voir : Strebitzki, Quellenkritike Untersuchungen zut Geschichte des E'B Brun I von Köln, Neustadt, 1875 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 41-46.
[30] Hauck, op. cit., t. III, p.
62-63 ; Ganshof, op. cit., p. 22.
[31] Le mot n'apparaît qu'au début du XIe siècle, mais il traduit un état de fait bien antérieur. Cf. Hauck, op. cit., t. III, p. 52 et suiv. ; Ganshof, op. cit., p. 26.
[32] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 116-121.
[33] On trouvera le récit des luttes qu'il doit soutenir à ce moment dans Widukind, II, 30.
[34] Poupardin, Le royaume de Bourgogne, p. 67-72.
[35] Hartmann, Geschichte Italiens im
Mittelalter, t. III, 2e p., p. 242, n. 16.
[36] Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 243 ; Köpke et Dümmler, op. cit., p. 185, n. 1.
[37]
Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 243-244 ; Köpke et Dümmler, op.
cit., p. 190, n. 4 et 191, n. 3-5. Sur Adélaïde, voir : E. P. Wimmer, Kaiserin Adelheid, Gemahlin Ottos
I des grossen in ihrem Leben und Wirken, Diss. Erlanger, 1897.
[38] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 130, n. 3.
[39] Annales S. Emmeranni, a. 948.
[40] Flodoard, Annales, a. 950.
[41] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 180-181.
[42] Widukind, III, 6.
[43] Sur la composition de l'escorte, voir : Köpke et Dümmler, op. cit., p. 194, n. 1-3.
[44] Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 245-246. Cet épisode a été entouré par la suite d'une série de légendes qui ne reposent sur rien.
[45] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 197-198 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 247-249.
[46] Köpke et Dümmler, op. cit.,
p. 199 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 249.
[47] Köpke et Dümmler, op. cit.,
p. 201-204 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 250.
[48] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 205-209 ; Héfélé-Leclercq, Histoire des conciles, t. IV, 2e p., p. 783.
[49] Widukind, III, 12.
[50] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 211, n. 1. Cf. aussi O. Rommel, Der Aufstand Herzog Liudolfs von Schwaben in den Jahren 952 und 954, dans Forschungen zur deutschen Geschichte, t. IV, et W. Maurenbrecher, Der Liudolfinische Aufstand von 953, dans Ibid., t. IV.
[51] Widukind, III, 10 et 18. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 215.
[52] D'après Köpke et Dümmler, op. cit., p. 216, Liudolf aurait exigé d'Otton la promesse de lui succéder et une participation immédiate au gouvernement.
[53] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 217-218.
[54] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 120 ; Lauer, Le règne de Louis IV d'Outremer, p. 226-227.
[55] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 121.
[56] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 122 et suiv.
[57] Lauer, op. cit., p. 227-228.
[58] Vita Oudalrici, c. 10-11.
[59] Köpke et Dümmler, op. cit.., p. 237-244.
[60] C'est du moins Widukind (III, 32) qui le prétend.
[61] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 231-235 ; Lauer, op. cit., p. 228-230.
[62] Elles se seraient chiffrées par cent mille cavaliers suivant les chroniqueurs. Cf. Annales Sangallenses, le continuateur de Réginon et Flodoard, a. 955.
[63] La source essentielle pour l'histoire du siège d'Augsbourg et de la bataille du Lech est Widukind, III, 44 et suiv., mais ce grand événement a alimenté toutes les chroniques dont on trouvera de nombreuses citations dans Köpke et Dümmler, op. cit., p. 255 et suiv. La bataille du Lech a donné lieu également à une foule d'articles parmi lesquels nous signalerons : M. Bresslau, Die Schlacht auf dem Lechfeld dans Historische Zeitschrift, t. XCVII, 1906, p. 137-151 et -t. XCVIII, 1907, p. 471-472 ; D. Schäfer, Die Ungarnschlacht von 955, dans Ibid., t. XCVII, 1906, p. 538-551 ; A. Schroder, Die Ungarnschlacht von 955, Dillingen., 1911.
[64] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 262.
[65] Ici encore, c'est surtout par Widukind, III, 53-55, que l'on connaît l'expédition d'Otton Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 264-267 ; Hauck, op. cit., t. III, p. 90.
[66] Jaffé-Wattenbach, 3641 ; Constitutiones et acta, t. I, p. 13. Cf. Hauck, op. cit., t. IIÏ, p. 99-100. Sur l'authenticité de la bulle d'Agapit II, attaquée par Dehio, Geschichte des E. B. Hamburg-Bremen, t. I, Anmerk,. p. 31, cf. ibid., p. 99, n. 1, et Köpke et Dümmler, op. cit., p. 167, n. 2.
[67] Hauck, op. cit., t. III, p. 102 et suiv.
[68] Mansi, t. X.VIII, col. 435. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 187-188 ; Héfélé-Leclercq, op. cit., t. IV, 2e p., p. 783.
[69] Mansi, t. XVIII, col. 435 ; Héfélé-Leclercq, t. IV, 2e p., p. 783-784.
[70] Vita Brunonis, c. 26.
[71] Chronicon Salemitanum, c. 166.
[72] Voir : Köpke et Dümmler, op. cit., p. 285-287
[73] On connaît mal le détail de cette expédition pour laquelle on est réduit à de brèves mentions des Annales Sangallenses majores, a. 957 et du continuateur de Réginon, a. 956 et 957. Cf. Köpke et Dümmler, op. cit., p. 284-292.
[74] Hauck, op. cit., t. III, p.
221 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 257. Voir aussi K. Hampe, Die
Berufung Ottos des Grossen nach Rom durch Papst Johann XII. Weimar 1910, et
Zum weiten Zuge Ottos I nach Italien dans Neues Archiv., t. XXV.
[75] Otton Ier a également perdu, en 955, son frère, Henri de Bavière, qui, à plusieurs reprises avait mis la paix de l'Allemagne en danger. Il a remis le duché au plus jeune fils du défunt, également nommé Henri, et, comme celui-ci était encore mineur, il a confié la régence à sa mère Judith, elle-même fille de l'ancien duc Arnulf. Cette mesure conciliante a été fort bien vue en Bavière et dans le reste du royaume.
[76] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 313-324.
[77] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 326-327 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 258-259.
[78] Hatton était à Rome le 10 décembre. Cf. Jaffé-Wattenbach, 3588.
[79] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 328 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 259-260
[80] On trouvera le texte de ce serment dans : Constitutiones et acta, t. I, p. 20 et suiv Sur son authenticité, qui paraît aujourd'hui évidente, voir : Hauck, op. cit., t. III, p. 223, n. 7.
[81] Köpke et Dümmler, op. cit., p. 329 et suiv ; Hauck, op. cit., t. III, p. 224-225 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 260-261.
[82] Sur cet incident, voir : Hauck, op. cit., t. III, p. 39-40.
[83] Hauck, op. cit., t. III, p. 225 ; Héfélé-Leclercq, Histoire des conciles, t. IV, 2e p., p. 791.
[84] Jaffé-Wattenbach, 3690.
[85] Ce privilège, dont l'original est perdu, a donné lieu à de nombreuses discussions. Dans un remarquable mémoire, intitulé Das Privilegium Ottos I für die römische Kirche vont Jahre 962 erlaübert, Innsbrück, 1883, M. von Sickel en a démontré l'authenticité. Il ne semble pas cependant que la copie contemporaine qu'il en a publiée soit parfaitement conforme à l'original. Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 7, n. 1 et aussi Hauck, op. cit., t. III, p. 226, n. 1. Il est très difficile de restituer le texte du privilège de 962 qui a subi, en 963, des additions dont il sera question plus loin.
[86] Hauck, op. cit., p. 228, n. 1, a très bien mis en lumière les différences (on ne saurait dire les contradictions) qui existent entre le serment du 31 janvier et la promesse du 13 février.
[87] On s'est demandé (cf. Hauck, op. cit., p. 228) s'il n'avait pas accepté le privilège pour obtenir la retraite d'Otton qui a lieu en effet le lendemain. Il est également possible que le privilège ait soulevé, de la part de Jean XII, des protestations tellement vives que l'empereur jugea plus sûr d'abandonner Rome.
[88] Voir dans Hauck, op. cit., t. III, p. 229, les textes tirés d'Atton de Verceil et de Benoît du Mont-Soracte qui prouvent que tel était bien le sentiment des Italiens.