HISTOIRE DU MOYEN ÂGE

PREMIÈRE PARTIE. — LES CONSÉQUENCES DU DÉMEMBREMENT DE L'EMPIRE CAROLINGIEN (888-962)

 

CHAPITRE V. — LA PAPAUTÉ DE 896 À 962.

 

 

I. — L'aristocratie romaine et le Saint-Siège[1].

 

LA PAPAUTÉ ET L'EMPIRE CAROLINGIEN. — La dislocation de l'empire carolingien n'a pas seulement engendré les transformations politiques qui ont été précédemment exposées. Elle a aussi ébranlé la puissance du Saint-Siège et déterminé par contre-coup une crise religieuse.

Pendant la période carolingienne, les deux pouvoirs spirituel et temporel ont vécu dans la plus intime union. Les rares dissentiments que l'on peut enregistrer ont été passagers et sans grande portée. Les empereurs, s'ils ont fait peser sur le siège apostolique une tutelle parfois assez lourde, notamment par leurs interventions dans les élections pontificales, lui ont par ailleurs rendu d'immenses services en contenant la noblesse romaine, toujours prête à se soulever et en protégeant l'État pontifical contre les périls extérieurs ; ils ont également respecté la hiérarchie ecclésiastique et favorisé l'action chrétienne parmi les peuples d'Occident. Aussi la papauté est-elle restée très attachée à l'institution impériale et a-t-elle travaillé, pendant la période de crise qui a précédé le démembrement définitif, à maintenir la paix et l'unité, avec le pressentiment que la disparition de l'empire entraînerait pour elle et pour l'Église les pires catastrophes[2].

RÔLE POLITIQUE DU SAINT-SIÈGE DE 888 À 896. — Cette crainte était fondée. Dès le pontificat de Jean VIII (875-882), Rome fut en proie à une agitation inquiétante qui aboutit à l'assassinat du pape. C'était là un grave avertissement qui explique pourquoi, après la mort de Charles le Gros (888), le Saint-Siège s'attacha par-dessus tout à ressusciter l'empire carolingien qui lui semblait présenter pour lui plus de garanties que la domination spolétaine. On a vu comment Formose, quoique ayant reconnu Guy de Spolète et sacré son fils Lambert (30 avril 892), a favorisé l'entreprise du bâtard carolingien, Arnulf, roi de Germanie, qu'il s'est empressé de couronner empereur (22 février 896). Cette politique à double face a eu les plus fâcheuses conséquences La retraite précipitée d'Arnulf a livré le siège apostolique d'abord à la maison de Spolète, qui s'est cruellement vengée, puis à l'aristocratie romaine. La chute irrémédiable de l'empire carolingien, en privant la papauté de ses seuls protecteurs, ouvre pour elle, à la mort de Formose (4 avril 896), une période douloureuse qui ne se terminera qu'avec le couronnement impérial d'Otton le Grand (2 février 962).

LA QUESTION DE FORMOSE. — Le procès, intenté à la mémoire de Formose, traître envers les Spolétains, par son successeur Étienne VI, a été la première étape vers l'asservissement du Saint-Siège. Il n'y a pas lieu de revenir ici sur les scènes macabres dont il a été l'occasion. Il suffira d'en analyser les conséquences qui pendant plusieurs années ont troublé la vie de l'Église romaine.

Étienne VI avait cassé les ordinations et autres actes de Formose, sous prétexte que sa promotion était irrégulière : le pape défunt avait abandonné son évêché d'Anagni pour celui de Rome. Tous ceux qui devaient leur situation à Formose se trouvaient menacés par cette décision qui greffait sur une affaire purement politique un problème canonique d'une solution délicate. Ils réussirent à constituer un puissant parti et à fomenter une insurrection contre Étienne VI, qui fut assassiné en 897. Ses successeurs immédiats, Romain, puis Théodore, ne firent que passer sur le siège pontifical et l'année n'était pas encore terminée qu'une troisième élection devenait nécessaire. Partisans et adversaires de Formose s'affrontèrent : toute entente fut impossible et deux papes, Serge III et Jean IX, furent élus à la fois[3]. L'intervention de l'empereur Lambert décida en faveur du second, pourtant favorable à la réhabilitation de Formose dont les ordinations furent reconnues valables par les conciles de Rome et de Ravenne (898)[4], mais, après la mort de Jean IX (900) et de son successeur, Benoît IV (903)[5], le parti anti-formosien reprit le dessus. L'ancien compétiteur de Jean IX, Serge III, réussit, en janvier 904, à supprimer Léon V et Christophe qui se disputaient la tiare et qui périrent l'un et l'autre en prison d'une façon, semble-t-il, peu naturelle[6]. Un synode cassa à nouveau tous les actes de Formose et contraignit les prêtres ou diacres consacrés par lui à se démettre de leurs fonctions ou à se laisser réordonner, tandis que Jean IX et ses successeurs étaient rayés de la liste des papes légitimes[7].

Ces polémiques et ces luttes autour de Formose successivement outragé, réhabilité et de nouveau condamné, n'étaient pas faites pour rehausser le prestige de la papauté. A Rome, le clergé, terrifié par Serge III, n'osa pas protester, mais il n'en fut pas de même dans les autres diocèses où les évêques nommés par Formose ne voulurent pas abandonner leurs charges. Deux prêtres, Auxilius et Vulgarius, entreprirent de démontrer que les ordinations de Formose étaient canoniques. Serge III maintint ses positions et jusqu'à la fin de son pontificat (911), on discuta âprement, mais sans aboutir[8].

ASSERVISSEMENT DE LA PAPAUTÉ À L'ARISTOCRATIE ROMAINE. — Il semble que Serge III, en la circonstance, ait été surtout l'instrument de la famille de Théophylacte qui, à la faveur de l'anarchie déterminée par la disparition de l'empire carolingien, était devenue toute-puissante à Rome et avait réussi à confisquer à son profit l'élection pontificale. Jean IX, pressentant cette usurpation, avait essayé de la prévenir en remettant en vigueur la constitution de 824 aux termes de laquelle le pape ne pouvait être désigné qu'en présence des missi de l'empereur, mais la carence de l'empire, après l'échec d'Arnulf et après la mort de Lambert de Spolète, a ôté à cette décision toute espèce de valeur. En 904, Serge III a dû son ascension à la dignité pontificale à Théophylacte et plus encore à sa femme Théodora. Désormais — et c'est là une des plus graves conséquences de l'effondrement de l'empire carolingien - la papauté est sous le joug de l'aristocratie romaine, d'abord de Théophylacte et de sa femme, puis de ses filles Théodora et Marozie, plus tard d'Albéric.

Dans l'ensemble, ce régime a été désastreux pour le Saint-Siège et pour l'Église. Ce qui caractérise l'histoire religieuse du Xe siècle, c'est une éclipse, au moins partielle, de l'autorité apostolique d'où est résulté un affaiblissement notable de la discipline cléricale et de la morale chrétienne. Plusieurs papes ont donné eux-mêmes l'exemple d'une vie dévergondée et souillée par le vice. Toutefois il ne faudrait pas généraliser. On a eu trop longtemps tendance à accepter, sans examen critique, les anecdotes scandaleuses colportées par le panégyriste d'Otton le Grand, Liudprand de Crémone, qui, pour faire ressortir les services rendus à l'Église par l'empereur germanique, n'a pas craint d'assombrir encore la période qui a précédé sa venue en Italie et de jeter systématiquement le discrédit sur tous les pontifes intronisés par l'aristocratie romaine[9]. Or, si l'on examine le détail des faits, on constate très vite qu'une condamnation globale risquerait d'être injuste et que le mot de pornocratie ne saurait légitimement s'appliquer à toute l'histoire du Saint-Siège de 904 à 962.

SERGE III (904-911). — Serge III, qui inaugure cette période, a été particulièrement chargé par Liudprand. Il aurait été, au dire du chroniqueur, l'amant d'une fille de Théophylacte, Marozie, et de cette scandaleuse union serait né le futur pape Jean XI. Bien que cette paternité soit indiquée aussi par une brève mention du Liber Pontificalis, on ne peut la considérer comme certaine[10]. Il n'en demeure pas moins vrai que les mœurs de Serge III laissaient sans doute à désirer et que, d'autre part, la famille de Théophylacte a exercé sur lui une grande influence. C'est grâce à son appui qu'il a pu garder pendant sept ans le pouvoir pontifical, malgré l'antipathie universelle que lui a valu son tempérament autoritaire et emporté. Appliqué par-dessus tout à satisfaire ses rancunes personnelles, il s'est désintéressé le plus souvent du gouvernement de l'Église et a inauguré une politique de laisser-aller très préjudiciable à l'action du Saint-Siège et, par suite, au maintien de la discipline ecclésiastique. Il semble du moins qu'il n'ait pas trop mal administré son propre diocèse : c'est par ses soins que fut reconstruite, à Rome, la basilique de Saint-Jean de Latran qui tombait en ruines[11].

ANASTASE III (911-913) ET LANDO (913-914). — Serge III mourut en 9I1. Après lui, Anastase III (911-913) administra l'Église romaine pendant deux ans, sans essayer davantage de se soustraire à l'autorité des Théophylacte qui ne s'effacèrent pas davantage sous l'éphémère et insignifiant pontificat de Lando[12]. Il n'en sera plus de même avec Jean X (914-928) qui, parvenu au siège apostolique dans des conditions analogues, n'obéira au contraire qu'à ses propres impulsions.

JEAN X (914-928). — Si l'on en croyait Liudprand, Jean X, d'abord clerc à Ravenne, aurait dû sa rapide ascension à la violente passion qu'éprouvait pour lui la propre épouse de Théophylacte, Théodora. Par son intermédiaire, Jean, qu'elle avait forcé de pécher avec elle, serait devenu évêque de Bologne, puis archevêque de Ravenne à la mort de Pierre et, peu après, titulaire du siège apostolique[13]. La critique moderne a fait justice de ces calomnies sans consistance et sans fondement[14]. Jean X n'en est, pas moins devenu pape par la volonté des Théophylacte, ce qui ne l'a pas empêché de manifester à leur égard une indépendance inaccoutumée.

SA POLITIQUE ITALIENNE. — Il a d'ailleurs une personnalité plus accusée que ses prédécesseurs. C'est un politique clairvoyant qui, d'un sûr coup d'œil, a fort bien saisi les traits dominants de la situation de l'Italie et s'est efforcé aussitôt, avec beaucoup d'esprit de suite, de conjurer les périls extérieurs et intérieurs qui jetaient le désarroi dans la vie de la péninsule. Il a compris notamment que, pour faire renaître la tranquillité et l'ordre, il fallait avant tout se débarrasser des Musulmans, fortement retranchés sur les rives du Garigliano ; il a été l'âme de la coalition dirigée contre eux et s'est révélé, à cette occasion, aussi bon général qu'habile diplomate, c'est grâce à lui que des positions considérées comme inexpugnables ont été enlevées, car cet homme d'Église, qui par définition aurait dû avoir horreur de verser le sang, n'a pas hésité à charger lui-même au milieu des lignes ennemies ni à s'exposer dans la mêlée[15]. De même, il s'est préoccupé d'imposer un terme à l'anarchie intérieure et de rétablir la paix en Italie. En décembre 915, il a couronné Bérenger et, après l'assassinat de ce pâle souverain qui avait déçu toutes ses espérances (924), il a, après un moment d'hésitation, opté pour Hugue de Provence avec lequel il a conclu, lors d'une entrevue à Mantoue (926), un pacte dont on ignore la teneur, mais qui avait sans doute pour but primordial l'expulsion des terribles Hongrois.

SES INTERVENTIONS EN ALLEMAGNE ET EN FRANCE. — Jean X a su également porter ses regards au delà de l'horizon italien et faire prévaloir, au delà des monts, la même politique de pacification. En Allemagne, c'est un de ses légats, Pierre d'Orta, qui préside le concile de Hohenaltheim, réuni par le roi Conrad Ier pour mettre fin à la guerre civile (916) et le pape n'hésite pas à user de son autorité pour affermir le pouvoir d'un prince régulièrement élu et très favorable à l'Église. Les affaires de France sollicitent également l'attention du pontife : en 923, il proteste avec véhémence, mais sans succès, contre l'incarcération de. Charles le Simple qui lui paraît contraire au droit des gens aussi bien qu'à la morale chrétienne[16]. Il semble qu'avec lui la papauté ait repris conscience de sa mission œcuménique, quelque peu oubliée par Serge III et par ses successeurs, et l'on verra que, dans le gouvernement de l'Église, Jean X a également réagi contre la politique d'abandon et d'abstention où s'étaient complu ses prédécesseurs immédiats. C'est là ce qui lui a valu les éloges, parfois enthousiastes, des écrivains contemporains. Flodoard et l'auteur des gestes de Bérenger, pour ne nommer que ceux-là, ont eu conscience des services rendus à l'Église et à la chrétienté par ce pape dont l'intelligence et le sens pratique ne peuvent être mis en discussion.

OPPOSITION DE MAROZIE ET ASSASSINAT DE JEAN X (928). — L'aristocratie aurait à la rigueur pardonné à Jean X ses interventions au dehors, mais elle lui sut mauvais gré d'avoir cherché à consolider sa puissance à Rome et dans la campagne romaine où le propre frère du pape, Pierre, tenait la citadelle d'Orta. Il semble que Jean ait cherché à exploiter tout à la fois le prestige dont l'avait entouré sa victoire sur le Garigliano et la situation créée par la mort de Théophylacte, mais il se heurta aussitôt à la fille du vestiaire, la trop fameuse Marozie, aussi ambitieuse que dévergondée qui, mariée au marquis de Toscane, Guy, avait la ferme volonté de dominer Rome. Un conflit ne pouvait manquer de se produire. Il éclata en effet et se termina par l'assassinat de Jean X. Redoutant l'influence grandissante du pontife qui risquait de faire échouer ses projets, la domna senatrix résolut de le supprimer. Elle fit venir des troupes de Toscane et, avec leur appui, organisa une insurrection. Le Latran fut envahi, Pierre, frère du pape, massacré : Jean X lui-même, tombé aux mains de Marozie, ne tarda pas à disparaître à son tour, lâchement étouffé sous un coussin (928)[17].

LA PAPAUTÉ AU POUVOIR DE MAROZIE (928-931). — La mort de Jean X livre le siège apostolique à Marozie qui, pendant cinq ans, dispose de la tiare au gré de ses fantaisies et de ses caprices. On connaît fort mal les papes qui lui ont dû leur dignité. Ce sont des personnages incolores qui ne font que passer sans esquisser aucune politique et semblent se désintéresser du sort de l'Église. Léon VI (928-929), fils du primicier Christophe, et prêtre de Sainte-Suzanne, ne dure que quelques mois. Après lui, Étienne VII (929-931), Romain lui aussi et prêtre de Sainte-Anastasie, gouverne un peu plus de deux ans, mais son pontificat est tout aussi vide. Marozie le remplace par son propre fils, Jean XI, dont elle a besoin pour réaliser le nouveau projet qui lui tient à cœur. Hugue, roi d'Italie, est veuf ; elle lui offre sa main et se voit déjà couronnée impératrice par le pontife auquel elle a donné le jour. Le mariage est célébré à Rome en mars 932, mais l'intervention d'un autre fils de la grande courtisane, Albéric, écœuré de cette union, déchaîne une émeute contre Hugue, et Marozie, au lieu de coucher dans le lit d'un empereur, se voit contrainte, tandis que son nouvel époux s'enfuit en toute hâte, d'aller gémir en prison sur la fragilité de la destinée humaine. Albéric, maître de Rome, laisse Jean XI terminer son lamentable pontificat, mais, après la mort de ce singulier successeur de l'apôtre, il usurpe à son, tour le privilège e de nommer le pape et jusqu'en 955 décide des destinées de l'Église[18].

LA PAPAUTÉ SOUS LE PRINCIPAT D'ALBÉRIC (932-955). — Léon VII (936-939), Étienne VIII (939-942), Marin II (942-946), Agapit II (946-955) doivent leur dignité à Albéric. Ce sont des personnages pieux, dont la moralité est à l'abri de tout soupçon, mais très effacés, étrangers à l'administration de Rome et à la politique italienne, dépourvus de toute autorité temporelle, princes théoriques comme les rois mérovingiens des derniers temps[19]. Au début mêmes ils n'exercent que d'une façon lointaine leurs prérogatives apostoliques : Léon VII, qui était moine au moment de son ascension sur le siège pontifical, a secondé plutôt que dirigé la réforme monastique en Italie, dont l'initiative appartient avant tout à Albéric et à saint Odon de Cluny. Peu à peu cependant le Saint-Siège s'efforce de reprendre la direction de la chrétienté : Étienne VIII, Marin II et surtout Agapit II sont intervenus dans les affaires de France et l'on verra par la suite comment Agapit s'est rapproché du roi de Germanie, Otton Ier, dont il a soupçonné le rôle possible. Bref, si les papes institués par Albéric ont été forcés de se tenir à l'écart des événements romains, ils ont eu le mérite de relever le prestige moral du Saint-Siège et dé reprendre, timidement sans doute, le rôle extérieur qu'avait joué autrefois Jean X.

JEAN XII. — La disparition presque simultanée d'Albéric (954) et d'Agapit II (955) interrompt brusquement cet effort de régénération et déchaîne à nouveau les pires scandales.

Albéric, sentant venir la mort et devinant les transformations politiques qui allaient s'accomplir en Italie du fait de l'intervention allemande, avait fait jurer aux Romains d'élire pape, après la mort d'Agapit II, son propre fils Octavien qui devait hériter déjà de sa puissance temporelle ; celle-ci paraissant très fragile, le prince s'était préoccupé d'assurer l'avenir de son rejeton en lui remettant, à défaut de Rome, la dignité pontificale. Sa dernière volonté fut strictement observée et Octavien, en décembre 955, reçut la tiare sous le nom de Jean XII.

Ce libidineux jeune homme ne brillait pas précisément par les vertus sacerdotales. Liudprand n'est pas seul à l'accabler. Le Liber Pontificalis a pu dire de Jean XII qu'il passa toute sa vie dans l'adultère et la vanité, et il serait facile d'illustrer ce témoignage, impressionnant dans sa brièveté, de commentaires contemporains où s'étalent toutes les turpitudes de ce singulier pontife, sans cesse entouré d'un essaim de jeunes femmes, grand buveur et grand chasseur, dont les amours sacrilèges s'affichaient publiquement et n'étaient arrêtées ni par la considération des personnes qu'il désirait, ni par les liens du sang[20].

Un tel pontificat ne pouvait être que néfaste pour l'Église. L'autorité apostolique, qui avait résisté à la crise formosienne et à celle de l'époque des Théophylacte, a été beaucoup plus ébranlée par les incartades de Jean XII : c'est en étalant les hontes de ce pape plongé dans le bourbier de ses débauches que l'évêque d'Orléans, Arnoul, pressera les évêques français, réunis en concile à Saint-Basle de Verzy, de désobéir au Saint-Siège[21]. De même, la scandaleuse administration du fils d'Albéric servira de prétexte à Otton Ier lorsqu'il voudra, après son couronnement (962), étroitement subordonner le pouvoir pontifical à son autorité impériale. Toutes les difficultés rencontrées par les papes à la fin du Xe et au début du XIe siècle, sont dues au dernier représentant de l'aristocratie romaine dont les impuretés dépassent de beaucoup celles de ses prédécesseurs.

 

II. — Le gouvernement de l'Église[22].

 

AFFAIBLISSEMENT DE LA PUISSANCE TEMPORELLE DU SAINT-SIÈGE. — La puissance temporelle du Saint-Siège, échafaudée par Grégoire le Grand et ses successeurs, n'a pas survécu à la disparition de l'empire carolingien et les diverses tentatives qui ont été esquissées pour la ressusciter ont été vaines ou éphémères. L'œuvre de Jean X s'est éteinte avec lui. Depuis sa mort (928) jusqu'au couronnement impérial d'Otton le Grand (962), la papauté, prisonnière de l'aristocratie romaine, n'a joué aucun rôle politique en Italie et, si elle est parfois intervenue en Allemagne ou en France, elle n'a pas conservé le prestige dont elle jouissait parmi les princes chrétiens au temps de Nicolas Ier (858-867) et de Jean VIII (872-882). Du moins son autorité spirituelle est-elle intacte ; l'Église romaine reste, au Xe siècle, la mère de toutes les églises.

LA PRIMAUTÉ ROMAINE. — La primauté du siège apostolique n'a pas cessé d'être reconnue. Il suffit, pour s'en rendre compte, de parcourir les collections canoniques qui ont vu le jour pendant les premières années du XIe siècle[23]. Si les textes destinés à mettre en relief l'autorité pontificale sont relativement peu nombreux, si surtout ils n'apparaissent pas encore groupés, comme ils le seront plus tard, en un faisceau impressionnant, on peut relever malgré tout, éparses à travers ces recueils, des affirmations significatives, comme celle-ci : Prima sedes a nemine judicatur, qui figure notamment dans une collection composée dans l'Italie méridionale, entre 911 et 930[24]. Burchard de Worms, dont le Decretum a été très répandu au début du XIe siècle, rappelle que saint Pierre a reçu le premier le pouvoir de lier et de délier, et en conclut qu'en raison de cette prééminence, ses successeurs ont le droit de juger les procès que les évêques n'auraient pas réussi à terminer ; il reconnaît aussi qu'un concile n'est pas œcuménique, s'il n'a été convoqué par le pontife romain et que celui-ci peut seul disposer du gallium archiépiscopal[25]. En France, au même moment, Abbon de Fleury admet également que l'autorité du siège romain et apostolique brille par toute l'Église universelle, puisque les pontifes de ce siège tiennent la place du bienheureux Pierre qui est le prince de toute l'Église, et affirme avec non moins de force que celui qui s'oppose à l'Église romaine se sépare de ses membres pour entrer dans le corps des adversaires du Christ[26].

INTERVENTIONS DU SAINT-SIÈGE DANS LES AFFAIRES ECCLÉSIASTIQUES. — L'examen des faits prouve que ces formules canoniques sont l'expression de la réalité. Les papes, nommés par les Théophylacte et par Albéric, n'ont cessé d'exercer leur pouvoir apostolique sur l'Église universelle[27]. Les abbayes continuent à solliciter la confirmation pontificale pour leurs biens et leurs privilèges, les archevêques à requérir l'envoi du pallium que seul le Saint-Siège peut conférer[28]. Plus généralement le monde chrétien persiste dans sa soumission aux sentences du pontife romain qu'il continue à provoquer dans certains cas.

Ces interventions de l'autorité apostolique se sont produites surtout pendant le pontificat de Jean X dont l'activité s'est étendue aux choses spirituelles aussi bien qu'aux temporelles. Le pape écrit par exemple aux évêques du midi de la France pour les inviter à expulser du siège de Narbonne l'intrus Giraud, puis à reconnaître l'archevêque Agius qu'il considère comme légitime et auquel il envoie le pallium par la même occasion. De même, il donne des instructions à l'archevêque de Cologne, Hermann, pour apaiser un différend survenu entre l'évêque d'Utrecht et le comte de Flandre, ou encore il mande à Rome ;'ce haut dignitaire pour régler la situation de l'évêché de Tongres que se disputent deux compétiteurs. C'est lui aussi qui, en 926, après l'élection du jeune Hugue de Vermandois, âgé de cinq ans, à l'archevêché de Reims, fixe les modalités suivant lesquelles l'église sera administrée. En d'autres circonstances enfin, il rappelle le respect que l'on doit à la primauté romaine : s'il félicite Hermann de Cologne de son zèle envers le siège apostolique, il reproche au contraire à Jean, archevêque de Spalato, la négligence dont il fait preuve à son égard et lui intime de se rendre auprès de lui pour compléter l'organisation des églises de Dalmatie[29].

Les pontificats suivants se ressentent de la tyrannie exercée par Marozie ou Albéric, mais, si les interventions sont plus rares, le contact entre le siège apostolique et les églises locales n'est pas rompu. Léon VI envoie le pallium à Jean de Spalato et invite les évêques de Dalmatie à obéir à leur métropolitain. Jean XI, comme on le verra plus loin, sanctionne de son autorité pontificale la fondation de l'ordre clunisien. Léon VII, très ferme dans sa revendication de la primauté romaine, confie à l'archevêque de Mayence, Frédéric, un vicariat en Germanie avec mission de réprimer les abus. Marin II et Agapit II, en même temps qu'ils délivrent un nombre relativement important de privilèges pour les monastères, se signalent par quelques timides mesures en faveur d'une réforme de l'Église[30].

CARACTÈRES DE L'AUTORITÉ APOSTOLIQUE AU Xe SIÈCLE. — Sans doute il ne faut pas exagérer l'importance ni la valeur de ces interventions. Elles attestent simplement que les papes du Xe siècle ont réussi à maintenir leurs prérogatives essentielles et que la juridiction suprême du Saint-Siège est respectée par l'Église. Personne ne songe, au moins avant Jean XII, à méconnaître l'autorité apostolique, mais la pesante tutelle de Théophylacte, de Marozie et d'Albéric en a plus d'une fois gêné l'exercice et n'a pas permis aux pontifes qui se sont succédé sur le siège de Pierre de diriger effectivement l'Église ni la chrétienté. L'action de ces papes porte surtout sur des questions juridiques ; elle se désintéresse le plus souvent des grands événements d'ordre ecclésiastique ou religieux qui ont peu à peu modifié la physionomie du monde occidental. Si Jean X a combattu les Sarrasins en Italie, l'évangélisation des Slaves et des peuples scandinaves massés aux frontières de la Germanie s'est accomplie, en dehors de toute direction romaine. C'est à peine si une bulle d'Agapit II, le 2 janvier 948, institue l'église de Hambourg comme métropole des évêchés danois, norvégiens et suédois[31].

AFFAIBLISSEMENT DE LA DISCIPLINE ECCLÉSIASTIQUE. — Cet effacement de l'autorité pontificale est encore plus sensible à l'intérieur de l'Eglise. La papauté, tout en restant au sommet de la hiérarchie ecclésiastique, n'exerce plus la même action dirigeante. Les conciles, si nombreux pendant la période carolingienne, sont rares au Xe siècle et leurs canons n'ont qu'un rayonnement limité. Invasions et guerres civiles ont rendu également plus difficile le gouvernement de l'Église. Partout on observe un affaiblissement de la discipline.

LES USURPATIONS LAÏQUES. — Impuissante à se défendre contre l'aristocratie romaine, la papauté ne paraît plus capable d'empêcher la mainmise des rois et des seigneurs laïques sur les églises. Sans doute bien des usurpations ont été commises avant le Xe siècle. A la fin de la période carolingienne, l'élection des évêques comme des abbés appartient déjà au roi qui, en Allemagne, la conservera comme une de ses prérogatives essentielles, tandis qu'en France il l'abandonnera souvent à ses vassaux[32], Ces pratiques ne font que se généraliser au Xe siècle et surtout elles donnent lieu à de fâcheux abus sur lesquels le Saint-Siège a constamment fermé les yeux.

LA SIMONIE. — Les princes temporels, qui confèrent les évêchés et les abbayes, ne se soucient guère des mérites spirituels des candidats. Le plus souvent ils disposent des dignités ecclésiastiques en faveur des membres de leur propre famille ou de ceux qu'ils désirent s'attacher. Les riches propriétés foncières, inhérentes aux églises et aux monastères, sont l'objet des plus vives convoitises et, pour les tenir en fief du roi ou du seigneur, on n'hésite pas à verser une somme d'argent par laquelle on acquiert simultanément le temporel et le spirituel. De là un véritable trafic des choses saintes, désigné sous le nom de simonie, qui a peuplé les évêchés d'hommes se recommandant plus par leur bourse bien garnie que par leurs vertus, et que rien ne prédisposait au sacerdoce[33].

LE NICOLAÏSME. — Cet abus, conséquence de l'usurpation par les laïques de l'élection épiscopale, en engendre lui-même un autre, le nicolaïsme ou désordre des mœurs cléricales.

L'évêque, qui a gagné son siège par sa fortune ou par ses relations, n'est guère disposé à se plier aux règles de la discipline ecclésiastique. S'il a convoité sa haute fonction, c'est uniquement pour jouir des revenus qui y sont attachés. A son tour, il vend les dignités inférieures qui dépendent de lui, mais surtout il n'entend pas renoncer, du jour où il est investi de sa charge, aux passions du siècle ; il continue à chasser, à fréquenter les tavernes et les mauvais lieux ; il se moque de la loi du célibat ecclésiastique qui de plus en plus tombe en désuétude. Le clergé inférieur suit l'exemple qui lui vient d'en haut. J'ai honte de le dire, mais je crois dangereux de le taire, écrit Atton de Verceil aux prêtres de son diocèse, plusieurs d'entre vous sont tellement subjugués par la passion qu'ils permettent à d'obscènes courtisanes d'habiter dans leurs demeures, de partager leur nourriture, de se montrer avec eux en public... et, afin que ces femmes puissent être bien parées, les églises sont dépouillées[34]. Ce relâchement s'étend aux abbayes où s'étale, jusqu'à la réforme clunisienne, une dépravation éhontée[35].

LES TENTATIVES DE RÉFORME. — En face de cette situation, qui témoigne de la plus lamentable anarchie morale, la papauté, gangrenée elle-même à certaines heures, s'est confinée dans une attitude de passive abstention. Les avertissements ne lui ont pas manqué. Dès 909, en France, le concile de Trosly jette le cri d'alarme et dénonce aussi bien le concubinage des clercs séculiers que les mœurs dissolues qui pénètrent jusque dans les monastères[36]. Des évêques, comme Atton de Verceil ou Rathier de Vérone, signalent à plusieurs reprises, pendant la première moitié du Xe siècle, l'immensité du mal. Le Saint-Siège reste sourd à leur appel. Il faut attendre les pontificats de Léon VII (936-939), de Marin II (942-946), d'Agapit II (946-955) pour découvrir quelques très rares bulles attestant une vague préoccupation de réforme[37] ; encore n'ont-elles trait qu'à des cas isolés de simonie ou d'invasions d'églises par des laïques, mais on y chercherait en vain l'indice d'un programme[38].

En réalité, les seules tentatives qui se soient fait jour pour supprimer la simonie et le nicolaïsme sont l'œuvre d'évêques qui, animés du plus pur esprit chrétien, ont cherché à enrayer le courant dévastateur. Tels Atton de Verceil (924-964), Rathier de Vérone (931-968) ou encore en Allemagne Ulrich d'Augsbourg (924-973), en France Fulcran de Lodève (949-1006). Si méritoire qu'ait été le zèle de ces prélats qui tranchent dans leur siècle par l'éclat de leurs vertus, leurs efforts étaient condamnés à l'impuissance et à la stérilité parce que dispersés, sans cohésion ni continuité[39]. L'élection étant à la merci du pouvoir temporel, l'évêque réformateur est le fruit d'un heureux hasard que tôt ou tard ne se renouvellera pas ; le plus souvent son successeur ne lui ressemble guère et l'œuvre ébauchée est interrompue, compromise ou même entièrement détruite. D'autre part, pour extirper les abus déshonorants dont l'Église est souillée, un mouvement d'ensemble est nécessaire et, pour diriger ou coordonner ce mouvement, seule la papauté a suffisamment d'autorité et de prestige. Or la papauté, elle-même prisonnière du pouvoir temporel, ne veut ni ne peut prendre une semblable initiative que réprouveraient et contrarieraient forcément ses tyranniques protecteurs.

Aussi l'anarchie morale s'est-elle perpétuée même après la restauration de l'empire par Otton le Grand. Simonie et nicolaïsme continueront à exercer leurs ravages pendant la fin du Xe et la première moitié du XIe siècle. C'est là une des plus lointaines et des plus fâcheuses conséquences de la disparition de l'empire carolingien.

LA PAPAUTÉ ET LE MOUVEMENT MONASTIQUE. — L'Église séculière, privée de la direction apostolique, s'en va à la dérive, livrée aux puissances temporelles, généralement impuissante à réagir contre les abus et les vices qui la contaminent. L'Église régulière la devance dans l'œuvre de régénération qui, entrevue dès le début du Xe siècle, s'est poursuivie avec succès et a reçu les encouragements du Saint-Siège. C'est Jean XI qui, en 931, a délivré le privilège qui devait assurer l'avenir de la réforme clunisienne[40].

CLUNY. — L'abbaye de Cluny a été fondée le il novembre 910, sur les bords de la Grosne, au diocèse de Mâcon, par le duc d'Aquitaine, Guillaume le Pieux. On a conservé la charte qui présida à sa naissance. Deux particularités y attirent l'attention. Le nouveau monastère est affranchi de toute juridiction laïque. Il m'a paru bon de décider par la présente charte, dit Guillaume, qu'à dater de ce jour les moines seront soustraits à toute domination temporelle, qu'elle vienne de nous, de nos parents ou même du roi. D'autre part Cluny, libre d'entraves temporelles, échappe également à l'autorité spirituelle de l'évêque et relève directement du pontife romain[41]. C'est là pour l'abbaye un gage d'avenir : elle ne risque pas de tomber entre les mains des laïques ni d'avoir à sa tête un de ces seigneurs cupides et âpres au gain qui, dans d'autres monastères, ont tué l'esprit monastique et transformé en lieux d'orgie les maisons de la prière et de la pénitence. Subordonnée exclusivement à, Rome, elle ne subira pas l'étreinte d'un épiscopat trop souvent corrompu ou asservi aux passions du siècle ; jouissant de la plus complète indépendance, elle restera l'un des rares sanctuaires de la vie religieuse en un temps où le paganisme a envahi l'Église elle-même.

LA RÈGLE CLUNISIENNE. — La plus ancienne rédaction que l'on ait conservée de la règle clunisienne remonte à l'époque de saint Maïeul (948-994)[42], mais on n'a fait que codifier à ce moment-là des usages antérieurs, apportés par le premier abbé, Bernon, du monastère de Baume, au diocèse de Besançon, où le duc Guillaume avait été le chercher pour lui confier l'avenir de sa fondation. Or, à Baume, on suivait la règle de saint Benoît d'Aniane, qui procédait elle-même de celle du Mont-Cassin[43]. Cluny ne fait donc que ressusciter dans toute leur rigueur les vieilles traditions bénédictines[44]. Les moines vivent dans la solitude du cloître, à l'abri des agitations du siècle, en renonçant à leurs biens personnels et à toute propriété individuelle, ce qui est le seul moyen de parvenir à la paix de l'âme, source et condition du salut. Le vœu de pauvreté s'accompagne de celui d'obéissance, forme essentielle de l'humilité qui est la vertu monastique par excellence : le Clunisien n'a d'autre volonté que celle de l'abbé entre les mains duquel il abdique sa liberté et dont il exécute les ordres avec la plus joyeuse promptitude. La chasteté est une obligation non moins primordiale et, pour la faire observer, la règle édicte une série de précautions : nulle femme ne peut pénétrer dans l'abbaye et aucun moine n'est autorisé à pénétrer dans une maison où se trouve une personne de l'autre sexe. La mortification continue, par le jeûne, par les veilles, au besoin par la flagellation, et par une série d'autres fatigues qui brisent le corps, est un puissant remède à la sensualité.

Pauvreté, humilité, chasteté, pénitence sont autant de moyens pour le moine de rompre les chaînes qui l'attachent au monde et d'atteindre Dieu, mais, s'il fuit le siècle, il pratique la loi de charité qui est la vertu sociale par excellence. La règle clunisienne insiste sur la nécessité de la prière, de la sanctification personnelle par l'assistance au service divin et par le chant des psaumes ; en outre, suivant la tradition de saint Benoît, elle considère le travail comme l'un des éléments essentiels de la vie monastique que résument les deux mots ora et labora. Les formes en sont très diverses : service intérieur, moisson et vendange, défrichement de la forêt, mais aussi copie de manuscrits, étude des saintes Ecritures et des arts libéraux. Les Clunisiens, par leur activité économique et intellectuelle, ont joué un rôle dans l'histoire de la civilisation et l'on ne saurait oublier non plus que par la suite, en construisant leurs églises, ils ont contribué à la formation et au développement de l'art roman. Ils ont aussi travaillé au bien matériel de leurs semblables, en pratiquant largement les lois de l'hospitalité et en répandant les aumônes autour d'eux.

LE MOUVEMENT CLUNISIEN. — Or cette règle clunisienne va avoir une extraordinaire diffusion et les principes qui l'animent s'enrichiront d'une série d'applications nouvelles qui en faciliteront le rayonnement. Dès sa fondation, l'abbaye élevée par Guillaume d'Aquitaine apparaît comme une abbaye modèle et suscite aussitôt des émules. En 917, un vassal de Guillaume d'Aquitaine, Ebbon, édifie à Déols, en Berri, un monastère auquel il confère un privilège calqué sur celui qu'avait délivré son suzerain à l'abbaye bourguignonne, et demande à Bernon, premier abbé de Cluny, de venir en prendre la direction. Dans la même région, Bernon est également appelé à assumer la charge de l'abbaye de Massay. C'est le début du mouvement clunisien qui va s'accentuer avec une prodigieuse rapidité après la mort de Bernon (926), sous le gouvernement de son illustre successeur, saint Odon[45].

SAINT ODON. — Saint Odon, abbé de Cluny de 926 à 942, est une des plus grandes figures du Xe siècle. C'est un ascète qui ne recule pas devant les plus rudes mortifications ni devant les plus humiliantes pénitences jugées nécessaires à sa sanctification personnelle, mais c'est aussi un homme d'action ardent, convaincu, enflammé par le désir de conquérir des âmes à Dieu, pour lequel le seul moyen d'entraîner celles-ci dans les voies du salut est de les conduire au port du monachisme. Toute sa vie n'est qu'un combat opiniâtre, méthodique pour le triomphe de la discipline clunisienne. Vrai fils de saint Benoît, il confesse sans phrases qu'il ne peut y avoir de salut pour ses contemporains que dans le retour à l'idéal tracé par ce conducteur providentiel des hommes dans leur marche vers le ciel, et il n'a d'autre programme que d'enrichir la sainte milice, de lui insuffler davantage l'esprit du fondateur, de l'organiser plus fortement pour les luttes qu'elle devra sans cesse soutenir[46].

PROGRÈS DE LA RÉFORME. — Sous l'impulsion du fougueux abbé, la règle clunisienne réalise de remarquables conquêtes. La plupart des abbayes étaient contaminées par les mœurs du siècle. Odon entreprend de les réformer. Il est aidé par les quelques évêques qui, au milieu de la dépravation générale, ont conservé le vieil esprit sacerdotal et aussi par les seigneurs qui espèrent, en suivant l'exemple de Guillaume d'Aquitaine, racheter une vie souillée par l'iniquité ou par le vice et s'assurer la divine récompense qu'ils ont conscience d'avoir peu méritée. Les uns et les autres appellent Odon et lui demandent de restaurer dans leurs monastères la règle de saint Benoît. C'est ainsi que, pour répondre au désir exprimé par Adélaïde, duchesse de Bourgogne, épouse de Richard le Justicier, l'abbé de Cluny prend la direction de l'abbaye de Romain-moutier. Ont été de même réformés par ses soins les monastères d'Aurillac, Tulle, Sarlat, Saint-Martial de Limoges, Saint-Jean d'Angély, Saint-Allyre de Clermont en Aquitaine, de Jumièges en Normandie, de Fleury-sur-Loire et de Saint-Pierre-le-Vif de Sens dans le domaine royal, de Saint-Paul, de Sainte-Marie de l'Aventin, de Saint-Laurent et de Sainte-Agnès à Rome, de Subiaco, Saint-Hélie près Népi et même Farfa dans le reste de l'Italie. Cette prodigieuse extension se prolongera sous les successeurs d'Odon, sous Aimar (942-948), surtout sous Maïeul (948-994) et sous Odilon (994-1049), tous personnages extraordinaires, doués, comme on l'a remarqué, tout à la fois d'une exceptionnelle longévité et d'une étonnante ubiquité, qui, par leur intelligence, par leur volonté réformatrice, par leur inlassable activité, perpétueront et développeront en France, en Italie, en Allemagne, en Espagne, l'œuvre accomplie par leur devancier[47].

LE PRIVILÈGE DE JEAN XI (931). — Le prodigieux succès obtenu par saint Odon ne doit pas faire illusion sur les difficultés qu'il a rencontrées. Lorsque, par exemple, il arriva à Fleury-sur-Loire, les moines l'accueillirent par des menaces de mort que calmèrent peu à peu ses protestations d'humilité. On pourrait citer plusieurs autres traits du même genre : ils prouveraient que l'intervention de Cluny n'a pas toujours été accueillie avec enthousiasme. Aussi, pour rendre son action efficace et durable, Odon a-t-il songé à grouper les diverses abbayes qu'il avait ramenées à l'observation de la règle bénédictine en un ordre fortement centralisé, dont le chef aurait une autorité absolue et illimitée. En 931, il obtient du pape Jean XI un privilège aux termes duquel les monastères réformés resteront subordonnés à Cluny ; l'abbé de Cluny sera l'abbé de toutes les filiales où il délèguera, pour le représenter, un simple prieur. Cluny devient une congrégation et c'est là le caractère primordial de l'œuvre réalisée par saint Odon[48].

LA PAPAUTÉ ET CLUNY. — En imprimant à Cluny ce caractère, Jean XI, très probablement sans en avoir conscience, a rendu un immense service à l'Église. Il a permis à la réforme monastique, commencée par saint Odon, de se perpétuer et de s'étendre. Ses successeurs, notamment Léon VII, étaient plus qualifiés pour saisir la portée du mouvement qu'ils n'ont cessé d'encourager en multipliant les privilèges[49]. Le monachisme est la seule force sur laquelle puisse s'appuyer le Saint-Siège, au moment où l'Église sécu. lière passe de plus en plus sous la coupe des laïques dont Cluny et ses diverses filiales ont réussi au contraire à s'affranchir.

CARACTÈRES DU MOUVEMENT CLUNISIEN. — Par là, Cluny, dans l'anarchie dissolvante du Xe siècle, apparaît comme un principe de conservation. L'ordre réalise, sous l'autorité suprême et exclusive du Saint-Siège, l'unité de l'Église régulière, mais son rôle se borne là. Le mouvement clunisien est exclusivement monastique et il ne pénétrera guère l'Église séculière. Sans doute l'esprit de Cluny a-t-il çà et là gagné quelques prélats qui essaieront de ramener leur clergé à des mœurs meilleures, sans doute aussi Cluny a créé autour de ses abbayes, notamment dans certaines paroisses où ses moines avaient la cura animarum, une atmosphère de pureté, favorable à une réforme morale de l'Église, mais là se borne son rôle. On n'a pas vu à Cluny les causes profondes des maux qui ravagent la chrétienté et l'on n'y a aperçu d'autres sources de salut que le renoncement au siècle et la multiplication des abbayes clunisiennes où l'on peut, en vivant chrétiennement, gagner le ciel.

LA RÉFORME MONASTIQUE DANS LE ROYAUME DE LORRAINE. — La réforme monastique du Xe siècle ne se concentre pas uniquement autour de Cluny. Un autre mouvement s'est dessiné, contemporain de celui qu'avait provoqué la fondation de Guillaume d'Aquitaine, dans l'ancien royaume de Lorraine d'où il a rayonné sur le nord et l'est de la France.

GÉRARD DE BROGNE. — L'initiateur est un jeune seigneur, tourmenté par le dégoût du siècle, Gérard, qui, en 914, bâtit sur sa terre de Brogne, près de Namur, une église où il réunit d'abord des chanoines. Bientôt, il implante parmi ses compagnons la règle de saint Benoît et, renonçant au monde, devient lui-même abbé du monastère qu'il avait fondé. Il donne l'exemple du plus rigoureux ascétisme, acquiert très vite une grande réputation de sainteté, puis il gagne à la cause du monachisme plusieurs seigneurs tels que Gilbert de Lorraine et Arnoul de Flandre. Grâce à leur appui, il réussit, avant sa mort survenue en 959, à réformer les abbayes de Saint -Ghislain, de Saint-Bavon de Gand, de Saint-Pierre au mont Blandain, de Saint-Bertin, de Saint-Omer, toutes fort éprouvées par les invasions normandes et par les guerres civiles[50].

JEAN DE GORZE. — Gérard de Brogne a eu plusieurs émules. Le plus connu et aussi le plus influent a été Jean de Gorze. Fils d'un riche seigneur de la région de la Moselle, il se sent, à la suite d'un séjour à l'école de Toul, où régnait une atmosphère de vive piété, attiré par le cloître ; un voyage en Italie, où il visite Rome et le Mont-Cassin, l'affermit dans son désir d'ascétisme. L'évêque de Metz, Adalbéron, prélat fort intelligent qui appartenait à l'aristocratie lorraine, aperçoit tout le parti qu'il pourra tirer de Jean et des compagnons que celui-ci avait entraînés dans son pieux dessein. Il les oriente vers l'abbaye de Gorze qui, fondée autrefois par Chrodegang, était depuis plusieurs années désertée par les moines et tombait en ruines (933). En 938, le pape Léon VII confirme cette fondation et accorde le privilège d'élire librement l'abbé[51]. Malgré quelques difficultés d'ordre divers, Gorze connut une période de réel éclat et, jusqu'à la mort de Jean (974), le nombre des moines ne cessa de s'accroître. De plus, grâce au concours particulièrement actif de l'évêque Adalbéron, l'influence de Jean s'étendit sur toutes les abbayes de la Haute-Lorraine dont beaucoup furent réformées au milieu du Xe siècle. Tel fut le cas dans le diocèse de Metz de Saint-Arnulf, de Saint-Félix, de Longeville, de Hornbach, dans celui de Toul de Saint-Apre, Saint-Mansuet, Sénones, Moyenmoutier, dans celui de Trêves de Saint-Maximin, dans celui de Liège de Stavelot, Malmédy et Saint-Hubert. En même temps que la vie renaît dans les anciennes abbayes, de nouveaux monastères s'édifient, comme Belmont, Bainville qui relèvent l'un de Moyenmoutier, l'autre de Saint-Apre, comme Gembloux, comme Bouxières et Saint-Gengout de Toul destinés aux nonnes[52].

CARACTÈRES DE LA RÉFORME LORRAINE. — Il y a donc eu en Basse et Haute Lorraine un mouvement monastique intense, nettement distinct de celui de Cluny et. qui revêt d'ailleurs des caractères assez différents[53]. D'abord il a une allure beaucoup plus ascétique, mais là n'est pas la divergence essentielle. Elle réside plutôt dans ce fait que Cluny est une congrégation, tandis que les monastères lorrains conservent leur pleine autonomie. Cluny relève directement du Saint-Siège : aucune des abbayes lorraines n'a été affranchie de la juridiction de l'ordinaire. D'ailleurs entre celles-ci et l'épiscopat le contact a été beaucoup plus étroit. Alors que, dès l'origine, Cluny et ses filiales sollicitent et obtiennent de la papauté des privilèges d'exemption qui les mettent en marge de l'Église séculière et leur attirent plus d'une fois la défiance ou même l'hostilité de l'épiscopat, en Lorraine ce sont les évêques qui le plus souvent ont pris l'initiative de la réforme : Adalbéron à Metz, Gozlin à Toul, Richer à Liège ont secondé, souvent orienté les efforts des réformateurs qui sans eux n'auraient pas abouti[54].

CE QUE LA PAPAUTÉ DOIT AUX RÉFORMATEURS LORRAINS. — Aussi ce mouvement a-t-il un caractère local beaucoup plus marqué. Tandis que Cluny conquiert le monde chrétien tout entier, les réformateurs lorrains, étrangers à toute idée de large propagande, n'étendent pas leur action au delà de la Lorraine, de la Flandre, de l'Allemagne rhénane. A cet égard leur rayonnement est moindre que celui de Cluny. En réalité leur influence a été d'un tout autre ordre et elle se fera sentir beaucoup plus tard. C'est en Lorraine que l'on a saisi pour la première fois les causes véritables de la crise dont souffre l'Église depuis la disparition de l'empire carolingien et que l'on a posé la question d'une réforme générale que les clunisiens, confinés dans leur idéal monastique, n'ont pas cherché à concevoir avec clarté et précision. On y a compris que le désordre des mœurs cléricales était une conséquence de l'asservissement du pouvoir spirituel au temporel et l'on y a entrevu, de bonne heure, que la régénération de l'Église ne pourrait être opérée avec succès que le jour où la papauté, maîtresse du monde chrétien, aurait recouvré sa pleine indépendance[55].

L'ORIENTATION DU GOUVERNEMENT PONTIFICAL APRÈS 962. — Ces idées, dont on trouverait la plus lointaine esquisse chez Rathier de Liège au milieu du Xe siècle[56], mettront de longues années à éclore et à se préciser. Elles n'entreront vraiment en lice que le jour où plusieurs réformateurs lorrains viendront à Rome au temps de Léon IX (1048-1054) et où l'un d'eux parviendra à la papauté sous le nom d'Étienne IX (1057-1058)[57]. Pour le moment, le Saint-Siège ignore les caractères véritables du mouvement lorrain et ses titulaires successifs restent à l'écart des voies qui peuvent assurer sa libération totale. Il se laisse conduire par les événements plutôt qu'il ne songe à les diriger. La restauration de l'empire par Otton le Grand, en 962, va l'arracher à la tyrannie de l'aristocratie romaine, mais elle ne lui rendra pas son indépendance ni son autonomie. Jusqu'à l'avènement d'Étienne IX (1057), les papes subiront la tutelle impériale, substituée à celle des Théophylacte ; ils ne jouiront pas d'une liberté véritable et n'auront pas l'autorité suffisante pour combattre les divers abus qui se sont insinués à tous les degrés de la hiérarchie.

 

 

 



[1] L'ouvrage essentiel est celui de L. Duchesne, Les premiers temps de l'État pontifical, 3e édit., Paris, 1911, complété par l'article très suggestif de P. Fedele, Ricerche per la storia di Roma e del papato nel sec. X dans Arch. della soc. Rom. di storia patria, t. XXIII, 1910, p. 177-247. Voir aussi : L. Hartmann, Geschichte Italiens im Mittelalter, t. III, 2e p., chap. VI, et Gregorovius, Geschichte der Stadt Rom im Mittelalter, t. III, Stuttgart, 1890.

[2] Sur les rapports de la papauté avec l'empire carolingien, voir tome I.

[3] Duchesne, op. cit., p. 300-302.

[4] Mansi, t. XVIII, col. 222. Cf. Duchesne, op. cit., p. 302-303 ; Héfélé-Leclercq, Histoire des conciles, t. IV, 2e p., p. 714-7x8.

[5] Sur ce dernier pontificat, voir : Duchesne, op. cit., p. 306.

[6] Duchesne, op. cit., p. 308.

[7] Dümmler, Auxilius und Vulgarius, Leipzig, 1866, p. 78 ; Duchesne, op. cit., p. 308-309.

[8] On trouvera tous les textes relatifs au débat, notamment le traité d'Auxilius, intitulé In defensionem sacræ ordinationis Formosi, dans Dümmler, op. cit., p. 59 et suiv. — Sur la valeur canonique des ordinations de Formose, voir : L. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 152-163.

[9] Cf. à ce sujet l'article cité de P. Fedele qui corrige heureusement sur certains points les appréciations parfois excessives de Mgr Duchesne. Il y aurait lieu de reprendre en détail l'histoire de toute cette période, en commençant par une étude critique un peu serrée de l'Antapodosis de Liudprand de Crémone.

[10] C'est là une question très controversée. Mgr Duchesne, op. cit., p. 313, a adopté l'opinion traditionnelle, suivant laquelle Serge III fut l'amant de Marozie et le père de Jean XI. Celle-ci a été combattue par M. Fedele dans l'article cité à la note 1. Pour lui, le Liber Pontificalis dérive de Liudprand, ce que nie Mgr Duchesne, Serge III et Jean XI dans Mélanges de l'École française de Rome, t. XXXIII, 1913, p. 43 et suiv. Nous renvoyons à ces deux articles, en constatant que les nombreux arguments accumulés par M. Fedele ont ébranlé Mgr Duchesne lui-même qui, dans la 3e édition des Premiers temps de l'État pontifical, maintient ce qu'il a écrit à ce sujet, mais y ajoute l'expression d'un doute. Le problème est d'une solution très difficile. Il est fort possible que la version de la naissance illégitime de Jean XI ait été répandue par les ennemis, fort nombreux, de Serge III et que l'intimité du pape avec la famille de Théophylacte ait donné crédit à cette calomnie.

[11] Gregorovius, op. cit., t. III, p. 239-241 ; Duchesne, op. cit., p. 314.

[12] Duchesne, op. cit., p. 314.

[13] Liudprand, Antapodosis, II, 48.

[14] On a relevé dans le récit de Liudprand une série de contradictions et d'erreurs qui en font suspecter la véracité. Il semble prouvé notamment que Jean était archevêque de Ravenne dès 905 ; il aurait donc attendu neuf ans pour devenir pape, ce qui s'accorde mal avec le modica temporis intercapedine qui, suivant Liudprand, aurait séparé les deux promotions et prouve par surcroît que Théodora a pu vivre longtemps éloignée de l'objet présumé de sa passion. Cf. Duchesne, Serge III et Jean XI, p. 42. De plus l'archevêque de Ravenne, auquel Jean X a succédé, ne s'appelait pas Pierre, mais Cailon.

[15] Voir sa lettre à l'archevêque de Cologne où il raconte la bataille du Garigliano (Jaffé-Wattenbach, 3556).

[16] Flodoard, Historia ecclesiæ Remensis, IV, 21 ; Richer, 1. 54.

[17] Duchesne, op. cit., p. 314-321 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 213-216 ; Gregorovius, op. cit., t. III, p. 242 et suiv.

[18] Duchesne, op. cit., p. 321-323 ; Hartmann, op. cit., t. III, 2e p., p. 216-218 ; Gregorovius,, op. cit., t. III, p. 273-281.

[19] Duchesne, op. cit., p. 323.

[20] Duchesne, op. cit., p. 35.

[21] Voir : F. Lot, Étude sur le règne de Hugue Capet et la fin du Xe siècle, p. 33 et suiv ; A. Fliche, La Réforme grégorienne, t. I, p. 13-14.

[22] Cette question n'a pas encore fait l'objet d'une étude approfondie. On trouvera des renseignements dans : Langen, Geschichte der rômischen Kirche von Nikolaus I bis Gregor VII, 1892, p. 275 et suiv. ; Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III, p. 203 et suiv. ; A. Fliche, La Réforme grégorienne, t. I, p. 10 et suiv. Sur le mouvement monastique, voir : U. Berlière, L'ordre monastique des origines au XIIe siècle, et L'ascèse bénédictine des origines à la fin du XIIe siècle. Paris, 1927 ; Pignot, Histoire de l'ordre de Cluny, Autun, Paris, 1868, 3 vol ; E. Sackur, Die Cluniacenser in ihrer kirchlichen und allgemeinengeschichtlichen Wirksamkeit bis zur Mitte des elften Jahrhunderts, Halle 1892-94, 2 vol. ; W. Schultze, Gerhard von Brogne und die Klosterreform in Niederlothringen dans Forschungen zur deutschen Geschichte, t. XXV, 1885, p. 222-271, et : Forschungen zur Geschichte der Klosterreform im X Jahrbundert, Halle, 1883 ; A. Cauchie, La querelle des investitures dans les diocèses de Liège et de Cambrai, Louvain, 1890, t. I ; J. Warichez, L'abbaye de Lobbes depuis les origines jusqu'en 1900, Tournai, 1909 ; E. Sabbe, Note sur la réforme de Richard-de Saint- Vannes dans les Pays-Bas, dans Revue belge de philologie et d'histoire, tome VII, 1928, p. 551-570.

[23] Sur le mouvement canonique aux Xe et XIe siècles, voir : Paul Fournier, Un groupe de recueils canoniques italiens des Xe-XIe siècles, dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XL, 1915, p. 95-123, et : Le décret de Burchard de Worms, son caractère et son influence, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, t. XII, 1911, p. 451-473 et 670-701.

[24] Cf. P. Fournier, Un groupe de recueils canoniques italiens.

[25] Voir : A. Fliche, La Réforme grégorienne, t. I, p. 16.

[26] Réforme grégorienne, t. I, p. 12 et 56.

[27] Réforme grégorienne, t. I, p. IO-II ; Hauck, op. cit., t. III, p. 203 et suiv.

[28] Voir : Réforme grégorienne, t. I, p. 11, n. 2 et 3.

[29] Jaffé-Wattenbach, 3.554, 3.557, 3.564, 3.570, 3.568, 3.571, 3.573.

[30] Jaffé-Wattenbach, 3.579, 3.584, 3.613, 3.628, 3.634, 3.636.

[31] Jaffé-Wattenbach, 3641.

[32] Voir : Imbart de la Tour, Les élections épiscopales dans l'Église de France du IXe au XIIe siècles, Paris, 1890, p. 74-gi ; Hauck, op. cit., t. III, p. 1 et suiv.

[33] Réforme grégorienne, t. I, p. 23-30.

[34] Atton de Verceil, Epist. 9. Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 32.

[35] On trouvera des exemples typiques de ce relâchement dans Réforme grégorienne, t. I, p. 30-36.

[36] Mansi, t. XVIII, col. 263-308 ; Héfélé-Leclercq, Histoire des conciles, t. IV, 2e p., p. 722-725.

[37] Jaffé-Wattenbach, 3613, 3628, 3634, 3636.

[38] Seul Léon VII l'a esquissé dans la lettre J. W. 3613 par laquelle, en nommant Frédéric, archevêque de Mayence, vicaire du pape en Germanie, il confère à ce prélat le pouvoir de corriger les évêques, les prêtres, les diacres et les moines. Frédéric a réuni, en 952, à Augsbourg, un concile qui a interdit aux évêques, prêtres, diacres et sous-diacres d'avoir commerce avec les personnes de l'autre sexe. Cf. Réforme grégorienne, t. I, p. 31.

[39] Sur cette réforme épiscopale du Xe siècle, voir : Réforme grégorienne, t, I p. 60-92.

[40] Jaffé-Wattenbach, 3584.

[41] Sur les débuts de Cluny, voir surtout : Sackur, Die Cluniacenser, t. I, p. 39 et suiv.

[42] Berlière, L'ascèse bénédictine, p. 29.

[43] Berlière, op. cit., p. VI et 29 ; Sackur, op. cit., t. I, p. 62-63.

[44] Sur la règle clunisienne, cf. Berlière, op. cit., p. 117 et suiv., Sackur, op. cit., t. I, p. 50-63.

[45] Sackur, op. cit., t. I, p. 63-64.

[46] Sur saint Odon, voir : Réforme grégorienne, t. I, p. 40-47.

[47] On trouvera la liste des monastères réformés par saint Odon et par ses successeurs dans Sackur, op. cit., t. I, p. 71 et suiv.

[48] Réforme grégorienne, t. I, p. 48.

[49] Jaffé-Wattenbach, 3598, 3599, 3600, 3603, 3605, 3606, 3610.

[50] Sur Gérard de Brogne, voir : W. Schultze, Gerhard von Brogne dans Forsch, 3. d. Gesch., t. XXV, p. 222-271 ; Sackur, op. cit., t. I, p. 121 et suiv. ; Berlière, Monasticon belge, t. I, p. 28 et suiv. ; Hauck, op. cit., t. III, p. 346-350 ; A. Fliche, Réforme grégorienne, t. I, p. 74.

[51] Jaffé-Wattenbach, 3609.

[52] Cf. Schultze, Forschungen zur Geschichte der Klosterreform im zehnten Jahrhundert ; Sackur, op. cit., t. I, p. 146 et suiv. ; Hauck, op. cit., t. III, p. 350 et suiv.

[53] L'influence de Cluny ne pénétrera que très tard dans ces régions. On a cru longtemps qu'elle s'était fait sentir au début du XIe siècle sous l'impulsion de Richard de Saint-Vannes. Dans un fort curieux article sur La réforme de Richard de Saint-Vannes, paru dans la Revue belge de philologie et d'histoire, t. VII, 1928, p. 556-570, M. Sabbe a démontré qu'il n'en était rien et que le mouvement créé par Richard était, comme celui de Brogne et de Gorze, tout à fait indépendant de Cluny. On aura d'ailleurs l'occasion de revenir plus loin sur cette réforme.

[54] Hauck, op. cit., t. III, p 357 et suiv. ; Réforme grégorienne, t. I, p. 75.

[55] Réforme grégorienne, t. I, p. 126-128.

[56] Réforme grégorienne, t. I, p. 75-86.

[57] Réforme grégorienne, t. I, p. 152-153 et 173, n. 1.