NAPOLÉON III ET LES FEMMES

LIVRE I. — LES AMOUREUSES DU CONSPIRATEUR

 

III. — ÉROS SOUS LES VERROUS.

 

 

Le Coup d'État de Boulogne. — Louis-Napoléon prisonnier. — Mimi-la-Bouchère. — Origines de cette maîtresse supposée. — Raisons qui combattent la légende de cette passade. — Le prince à Ham. — Son logis et ses occupations. — La question des femmes. — Le baiser de Déjazet. — Badinguet. — Les amours éthérées de la bouchère. — Amours plus pratiques du prince. — La belle Sabotière. — Une maîtresse de petite condition. — Enfants naturels de Louis-Napoléon. — Ce qu'ils deviennent. — Curieuse destinée des bâtards impériaux. — Leur fin. — Sort que fait Napoléon III à la mère. — La mort de la belle Sabotière.

 

LE 6 août 1840, à la tête d'une petite troupe de domestiques déguisés en soldats, accompagné de quelques vieux soldats de l'Empire, comme le général Montholon et le commandant Parquin, Louis-Napoléon recommençait dans le Nord la tentative si misérablement échouée, quatre ans auparavant, dans l'Est. Il débarquait à Wimereux, à un lieu dit la Pointe-aux-Oies, angle de récif enfoncé dans la mer, marchait sur Boulogne-sur-Mer, envahissait les casernes et rappelait vainement aux quelques hommes de la garnison les grands souvenirs dont il incarnait la leçon. Je dirai un jour par la trahison de qui ce coup d'État avorta et comment le gouvernement de Louis-Philippe en fit un traquenard où le prince fut poussé et tomba. Mais je parle ici, pour le présent, de l'amoureux, uniquement, et me borne à l'essentiel de ce qui doit éclairer l'épisode dont j'écris. Repoussé des casernes, Louis-Napoléon, suivi de sa troupe, gagna dans les champs, la colonne de la Grande-Armée élevée sur les rivages boulonnais par la Grande-Armée du camp de 1804. Traqué au pied du monument par la garde nationale, entraîné par ses amis, il se rejeta vers la plage où, par une barque de sauvetage trouvée par hasard, il tenta de regagner le paquebot qui l'avait amené. Il était désarmé, et il faut bien le dire, il fuyait. Comme il était sans défense, la garde nationale ouvrit le feu sur lui. Un sieur Siméon Pringé, — tirons ce nom boueux et déshonoré de l'oubli, — tira le premier coup de fusil[1]. La barque des fugitifs chavira. Un d'eux se noya. Un autre ut fusillé et tué net dans la vague. On arriva à temps pour sauver le prince et le tirer, ruisselant, de l'eau. Un canot le déposa à l'escalier de pierre de la jetée Pidou[2], proche la calle des débarquements[3]. Quelques instants on le laissa reprendre haleine dans une des salles de la douane[4], où il échangea son uniforme trempé contre une capote de douanier[5]. Hissé alors, suivant les uns, sur une charrette[6], suivant les autres, dans une voiture[7], on se mit en marche vers le château de Boulogne, tandis que, magnanimement, autour du vaincu de la cause napoléonienne, les courageux anonymes qui se trouvent toujours dans ces occasions, hurlaient : Vive le Roi ! Rue de l'Écu — aujourd'hui rue Victor-Hugo —, le maire et le sous-préfet rejoignirent le prince[8], et, à neuf heures, Louis-Napoléon et sa troupe étaient écroués au château de Boulogne.

C'était un antique bâtiment, flanqué de tours, défendu par de profonds fossés herbeux, construit en 1231 par Philippe Le Hurepel, fils de Philippe-Auguste, comte de Boulogne, et, qui, naguère, avait servi de résidence aux gouverneurs de la ville[9]. Prison lugubre et sinistre où, aux vieux murs, suintait, eût-on dit, la tragique humidité des siècles. Avec le général Montholon, le prince fut enfermé dans une chambre[10]. Moyennant 19 francs, quelques portefaix y transportèrent les bagages du prisonnier[11] ; on la meubla sommairement d'un lit et d'une armoire, louée par un sieur Cocquerel pour 12 francs[12], et la garde des captifs était donnée tu chef des appariteurs de la mairie, Capet, nommé, pour la circonstance, concierge du château[13].

L'état du prince était pitoyable. Un témoin oculaire, Mme Mercier, de Wimereux, dit qu'il était d'une pâleur effrayante[14]. Il était abattu[15]. Et le correspondant du Times écrivait : Le pauvre diable est dans un triste État[16]. C'est, pourtant, dans ce triste état que le pauvre diable aurait eu le loisir de songer à l'amour. Il est, en effet, à Boulogne-sur-Mer, une tradition qui veut que Louis-Napoléon, pendant sa brève captivité au château, — deux jours, — ait eu pour maîtresse une fille dite Mimi-la-Bouchère, chargée, ajoute-t-on, des soins de la chambre du prisonnier[17]. Il en est même demeuré une chanson populaire, fort en faveur parmi le bas peuple des poissardes, et dont on a retrouvé cet unique couplet :

C'est Mimi-la-Bouchère

Qu'elle part en chemin de fer

Pour aller à Paris

Parler au prince Louis.

Mimi-la Bouchère n'est pas une fiction populaire. En 1809, elle était née à Calais, Aglaë-Françoise-Louise Vandemale[18]. Son frère était concierge de l'abattoir et était appelé, lui aussi, Mimi, par abréviation du nom du père qui était Barthélémy[19]. Détail local : pour le peuple du port boulonnais, et celui des casernes aussi, je le présume, une Mimi-la-Bouchère est le surnom des filles à soldats[20]. J'ignore si la femme Vandemale était une facile créature de cette catégorie, mais les registres de l'état civil me forcent à constater que, le 31 juillet 1838, n'étant point mariée, il lui était né un fils : Henry-Charles. Quelles furent, à la réalité, ses possibles relations avec le prince captif ? Rien ne permet de dire qu'elle fut choisie, et le choix eût été pour le moins curieux, pour femme de chambre. La municipalité de Boulogne-sur-Mer prit pour ce travail un sieur Hautin[21] et un nommé Bernard François[22], l'un comme valet de chambre, l'autre comme balayeur. Le nom de Mimi-la-Bouchère ne figure dans les documents qu'au bas d'une facture de vin livré aux prisonniers. Cette indication doit rendre suspecte la légende de ses amours passagères avec Louis-Napoléon, encore que celui-ci, en amour, ne fut pas un raffiné[23] et qu'il eût pu se réclamer de Charles-Quint, lequel aimait particulièrement les jolies bouchères de sa bonne ville de Gand, où les bouchers sont encore appelés les enfants du prince[24]. J'incline à croire ce conte apocryphe. L'état d'abattement du prince, la brièveté de son séjour à Boulogne-sur-Mer, l'unique fait de la fourniture du vin au château par Mimi-la-Bouchère, tout permet de croire qu'on se trouve en présence ici d'une légende grossière basée sur on ne sait quelle plaisanterie. Sur un autre point encore, elle peut être ruinée. Il apparaît comme certain que Napoléon III se souvint de la Mimi de 1840 et qu'il fit entrer son fils Henri-Charles à Saint-Cyr ou à Polytechnique, — on ne précise point. Or, ce fils, en 1858, fut réformé pour myopie ! Il était photographe, et, en 1863, il gîtait à Paris, au n° 172, rue Saint-Denis. En 1841, par son mariage avec un sieur Pierret, Mimi avait légitimé la naissance de ce fils, voire celle de sa fille, Louise-Emma, qui vit le jour le 16 novembre 1841. En 1851, on voit Mimi établie marchande-bouchère, ou revendeuse de viandes, place Navarin à Boulogne. Elle ne borna point son commerce à son étal, et une curieuse note locale nous donne sa silhouette, telle qu'elle apparut aux vieux Boulonnais qui en ont gardé le souvenir :

La femme Pierret, plus connue sous le nom de Mimi-la-Bouchère ou la Mère des soldats. Excellente créature, qui avait un faible pour les militaires ; elle les attirait chez elle, rue Saint-Louis — à présent rue de l'Hôpital —, leur donnait à manger et à boire, raccommodant leurs effets, recousant leurs boutons et leur rendait mille petits services. Elle leur prêtait même parfois de petites sommes, et cela se répéttait à la caserne, aussi quelques-uns furent assez indélicats pour l'exploiter. En somme, très bonne créature, compatissante et agréable pour tous ; elle fut regrettée dans son quartier[25].

 

Ne serait-ce pas là, dans cette échoppe, entre le schnick et le brie sur le quignon, que serait née la légende galante de Mimi-la-Bouchère ? D'avoir, dans l'au-delà de son passé, aperçu dans la geôle passagère, l'Empereur d'aujourd'hui, n'avait-elle pas gardé le souvenir qu'amplifient et exagèrent ceux qui touchèrent à de grandes catastrophes ? Le beau conte à faire aux tourlourous et aux fricoteurs de l'estaminet, que celui d'un prince déposant ses hommages aux pieds d'une belle bouchère ! Trame édifiante où broder on ne sait quels vulgaires et extravagants romans ! Mais pour Mimi la chose n'aida point à sa fortune. En 1856, elle quittait Boulogne pour Paris. Sa famille s'y établit, et elle-même ne regagna les bords de la Liane que pour y achever, obscurément et misérablement, une vie dont on ne saurait rien si le rayon de la légende ne la dorait furtivement d'un faux et bref éclat.

***

Le 8 août[26], à huit heures et demie du matin, sa voiture flanquée d'un peloton de gardes municipaux et de lanciers, Louis-Napoléon quittait le château de Boulogne[27]. En attendant l'instruction de son procès, car cette fois on avait résolu de le faire juger, et pour éviter les manifestations bonapartistes de Paris, le gouvernement avait décidé de le rapprocher de la capitale, et, temporairement, de l'interner au fort de Ham, en Picardie. Le prince y arriva de nuit, à la lueur des flambeaux crachant leurs flammèches vers les vieux murs du château fort. Il était une heure du matin. Le 11 août, il reprenait le chemin de Paris ; le 28 septembre, il comparaissait devant la Cour des Pairs, qui, le 3 octobre, le condamnait à l'emprisonnement perpétuel dans une forteresse située sur le territoire continental du royaume. Le 7 octobre, la forteresse choisie étant Ham, Louis-Napoléon réintégrait le château où il avait, deux mois auparavant, passé de rapides heures.

Si le château de Boulogne a de l'autrefois le tragique muet et immobile, la terreur figée et silencieuse parmi les automnales verdures de ses longs remparts solitaires, la forteresse de Ham a de naguère toute la mélancolie, tout l'ennui résigné et humide. Murs et bâtiments portent la greffe féodale de ce connétable de Saint-Pol qui les bâtit solidement parmi les marais picards[28]. Les remparts, flanqués de tours et dominés par un donjon, évoquaient ces vieux châteaux romantiques où Dunois aime rêver. Dans la cour, à l'automne venu, un magnifique arbre de la Liberté, planté sous la Terreur, par André Dumont, le conventionnel, semait l'or rouillé de sa frondaison dévastée. Proche les pierres moussues des courtines, le canal de Saint-Quentin roulait son eau lente où descendaient les chalands paresseux. Le paysage était d'une tristesse épuisante, paré de lointaines verdures, d'eaux mortes, envahi de brumes hivernales accrochant leurs écharpes aux gémissants roseaux des marais battus de l'aigre vent. Par cette finissante journée de mars, noyée de pluie, où je le visitai, qu'avait-il qui n'était point pareil à ce qu'il fut naguère, ce château où battaient lugubrement les roulements maladroits d'une école de tambours, et ce rempart à l'herbe rase, entre les tours crénelées et jaunies, où retentissaient et s'éploraient les sonneries de quels nostalgiques clairons ? Ah ! le gris ennui enclos entre ces murailles énormes et mêlé à la fade odeur moisie des caves où sur la clef de voûte, se frise et ondule la houppe héraldique de Messieurs de Saint-Pol ! Et rien à l'horizon, que ces éternelles eaux dormantes, leur infinie mélancolie, et, là-bas, Ham aux étroites ruelles et obscures venelles, aux noms doucement archaïques, — rue Saint-Vaneng, rue du Grenier-à-Sel, où, dans le silence monacal et la paix quasi-conventuelle qui les ouatte, claque sur l'aigu caillou le dur sabot, Ham enveloppé de l'humide brune montée et déroulée des herbeuses rives de la Somme glissant parmi les prairies hantées de poules d'eau.

Au premier étage d'un des bâtiments, un appartement de trois pièces, pour la mise en état duquel M. de Rémusat, le ministre, avait accordé le maigre subside de 600 francs[29], fut réservé au prince. C'était un cabinet de travail décoré d'un grand bureau en acajou, d'une vieille commode, d'un canapé, d'un fauteuil, de quatre chaises de paille et d'une table en sapin garnie d'un tapis vert. Dans un coin, il y avait un paravent garni de dessins satiriques découpés dans le Charivari. Au long des murs nus et gris étaient suspendus les portraits de l'Empereur et d'Hortense. Sur la cheminée s'érigeait le buste de Napoléon et de Joséphine, tandis que des statuettes de soldats de la Garde achevaient de donner à la pièce un caractère d'intimité militaire. Sur des planches étaient jetés des livres, une collection du Moniteur et cinquante volumes du Journal des Débats. Aussi modeste était la chambre à coucher dont le lit était en bois peint comme la toilette, et que chauffait un poêle de faïence. Les tablettes en sapin étaient ornées d'objets de, toilette aux armes impériales. La troisième pièce était un laboratoire[30]. Des fenêtres à petites vitres éclairaient ces rudes et noirs décors. Le front aux carreaux, le prince pouvait voir sous lui les hommes de la garnison montant la garde. Le fort contenait 40o soldats d'infanterie. Ils avaient été tirés du 46e de ligne de Strasbourg et du 42e, de Boulogne-sur-Mer[31]. Ils étaient placés sous le commandement du chef de bataillon Girardet, et la place avait pour gouverneur le major Demarle, commandant de la place de Boulogne-sur-Mer, lors de l'attentat du 6 août 1840.

Telle était la prison perpétuelle assignée à Louis-Napoléon. Par autorisation spéciale, trois de ses complices étaient autorisés à partager sa captivité : Montholon, condamné à vingt ans de détention ; le docteur Conneau, frappé d'une peine de cinq ans d'emprisonnement, et le valet de chambre Thélin, qui avait bénéficié d'un non-lieu. Conneau arriva, à Ham le 11 octobre ; Montholon le 16, et, Thélin, qui, en Angleterre, avait été régler les affaires du prince, le 25 mai 1841. Thélin était l'homme de confiance. Depuis son enfance, disait avec pompe Capo de Feuillide, il s'honore du titre et des fonctions de valet de chambre du Prince ; le Prince l'élève à lui par le titre d'ami[32]. Du service de la reine Hortense, Thélin était passé à celui de Louis-Napoléon, qui en avait fait le chef de sa domesticité. L'Empire appela Thélin à l'intendance de la cassette particulière, et il survécut dix ans à la chute de Napoléon III. Le prince, Montholon et Conneau mangeaient ensemble, à cinq heures et demie, à raison de vingt francs par jour[33]. Les prix de la cantinière du fort étaient modestes. Des promenades dans l'enceinte de la prison étaient autorisées au prince. Mélancoliquement, en capote militaire et bonnet de police, ou en redingote bleue boutonnée avec un képi rouge à ganses d'or[34], il errait sur le rempart. Lentes, longues et mornes les heures passaient. Il faisait des expériences dans son laboratoire, il écrivait l'Extinction du paupérisme, l'Analyse de la question des sucres, il méditait les Études sur le passé et l'avenir de l'artillerie, il lisait, il chantait[35], il cultivait même des fleurs au long des murs de la geôle, mais, écrivait-il à une dame anglaise, tout cela remplit le temps sans remplir le cœur[36].

Ah ! le cœur, et les femmes ! Après les soucis de la politique, c'étaient là les grandes préoccupations de son âme éternellement avide d'illusoires et trompeuses espérances. Mais, prisonnier, derrière les verrous de Ham, que faire ? On assure qu'il fit demander à M. Duchâtel, le ministre de l'Intérieur, la permission de recevoir des femmes. Il en recevait, cependant, mais animées d'intentions bien platoniques, comme Déjazet qui envoyait des baisers vers le donjon[37], et c'était, certes, chose qui lui pouvait paraître et être insuffisante. Le ministre dit qu'il ne pouvait prêter l'oreille à une demande aussi immorale, mais qu'il fermerait les yeux sur la manière dont le prisonnier observerait les bonnes mœurs[38]. Cette affirmation est donnée dans un rapport de police du 19 avril 1853, et l'histoire secrète du château de Ham démontre qu'il n'y a là rien de fantaisiste. A preuve les maîtresses connues de la captivité. J'écarterai tout d'abord de parmi elles cette dame Badinguet, femme d'un boulanger, suivant les uns[39], demoiselle, suivant les autres[40]. Il est vraisemblable que cette amoureuse a été créée pour expliquer le sobriquet de Badinguet dont l'Empereur a été, si longtemps, décoré[41], et qui, en picard, a  pour synonyme : badaud ou étourdi[42]. Il est une amoureuse plus réelle et dont l'histoire a quelque chose de funèbrement plaisant. Admirons ce hasard : c'était, elle aussi, une bouchère, ou plutôt une fille de boucher, dont le père, le sieur G..., était établi à Paris. La demoiselle, de complexion délicate et de poitrine faible, avait été envoyée à Ham, chez deux vieilles personnes, pour guérir à l'air de la campagne. Au hasard d'une promenade, un jour, sur les remparts du fort, elle aperçut le prince. Coup de foudre ! C'était le héros de ses rêves, le prince Charmant de ses nuits solitaires. Chez les, dames où elle avait gîte, Thélin fréquentait. Elle supplia le valet de chambre de lui ménager une entrevue avec le captif. N'était-ce que cela ? Hé mais, volontiers ! Et Thélin en informa le prince, qui, amusé par cette histoire, consentit à accorder un rendez-vous. Jour de fête ! La donzelle énamourée vola au fort, vit le prince et en reçut un baiser, — sur la main. Elle n'en demandait pas davantage et celui fut suffisant. Ayant eu occasion de convoler en mariage, elle s'y refusa, prétextant : J'ai là un baiser qui me brûle la main ! Thélin eut le loisir de calmer cette brûlure, car il ne tarda pas à être du dernier bien avec cette incandescente héroïne. Il apporta dans ces amours une fougue bien étonnante et fit tant et si bien que de sa partenaire à ce petit jeu badin, la maladie de poitrine empira et la conduisit rapidement au tombeau[43]. Féroce Thélin !

Le prince, lui, tout au moins, aimait plus discrètement, et sa liaison avec la fille dite la belle Sabotière se termina moins tragiquement. Je ne sais pourquoi cette jeune personne est appelée la belle Sabotière. Ce doit être là une des inventions des pamphlétaires du second Empire. Et, de fait, dans l'un d'eux je vois que Louis-Napoléon séduisit la fille d'un sabotier, Marguerite Bayeux, qu'il acheta à son père argent comptant. Je l'ai déniaisée, disait-il cyniquement à ses amis un mois plus tard. Je la dresse[44]. Naturellement, à l'examen, pas plus de sabotier, de Marguerite et de Bayeux que sur la main. Cette Marguerite, à la vérité, s'appelait Éléonore Vergeot et son père était tisseur et non sabotier[45]. Elle était née le 3 septembre 1820, aux environs de Ham, à Estouilly. Fille de ménage à la journée chez des bourgeois de Ham, elle avait failli épouser un peintre en bâtiment. Ce badigeonneur courut à d'autres amours, et je ne dirai pas que c'est de désespoir qu'Éléonore Vergeot se plaça comme repasseuse chez Mme Renard, la femme du portier-consigne de Ham. C'était une jolie fille, saine et vigoureuse, grande et sans maigreur, fraîche, cheveux châtains et yeux bleus[46]. Comme sa patronne la chargeait d'apporter la nourriture aux prisonniers, elle ne tarda pas à être remarquée du principal d'entre eux. Elle avait vingt ans... il était prince... Mon Dieu, il est beaucoup de romans qui n'ont pas d'autres débuts. Ce fut le leur. Dans la prison elle fut le sourire, la gaieté, l'odeur de liberté de la plaine. Et, comme le dit le rapport de police de 1853, on ferma les yeux. Éléonore était à demeure dans l'appartement du prince. Son éducation ayant été négligée, Louis-Napoléon s'appliqua à la parfaire ; il lui inculqua les éléments de la syntaxe et se plut à l'instruire[47]. Il ne s'arrêta point là, et lui fit mieux, notamment deux fils. Le 25 février 1843, Éléonore accouchait d'un garçon : Alexandre-Louis-Eugène ; et, le 18 mars 1845, au n° 9 de la rue Capron, d'Alexandre-Louis-Ernest. Je pense donc qu'il est manifestement erroné de dire qu'à Louis-Napoléon manquait certaine qualité ordinairement requise pour assurer une dynastie quelconque[48]. Combien d'enfants convient-il donc de faire pour ne point passer pour impuissant dans l'histoire ?

La vie des deux fils d'Éléonore Vergeot est des plus curieuses. Elle en eut un troisième, Pierre-Alexandre-Edmond, né à Paris, le 12 août 1850. Ce dernier était fils de Pierre-Jean-François Bure, frère de lait de Louis-Napoléon, et, sous l'Empire, trésorier général de la couronne. Bure, très complaisamment, endossa la paternité des trois fils, et, en épousant Éléonore le 3 août 1858, à la mairie du IIe arrondissement, il reconnut pour sien le trio[49]. La vie du troisième de ces enfants ne me regarde point, mais celle des deux fils de Louis-Napoléon vaut que je m'y arrête un instant.

Eugène Vergeot fut sous-secrétaire d'ambassade en Russie, et il y enleva une actrice, maîtresse de l'ambassadeur[50]. Je ne me porte point garant de l'anecdote, mais ce que je sais, c'est qu'en 1864, et il avait alors vingt et un ans, l'Empereur lui faisait une pension de 6.000 francs. Il était alors surnuméraire à la direction des fonds du ministère des Affaires Étrangères. Cette situation lui paraissait ridicule, et, dégoûté de Paris, il sollicitait un consulat en quelque coin du monde. Il était en délicatesse avec Bure, son père putatif. Inutilement il sollicitait de lui quelque affection, et, aussi, de l'argent. Est-ce une raison, écrivait-il à son père, l'Empereur, parce que l'on a été contraint de donner son nom à un individu — ce sont les propres paroles de M. Bure à moi-même, je le jure —, pour l'abandonner aussi déloyalement et sous d'aussi faux prétextes ? En effet, ces raisons paraissent insuffisantes. Et pourtant, continuait le bâtard, je sais pertinemment, puisque c'est M. Bure lui-même qu'il l'a dit, que Votre Majesté lui a confiée une somme de 400.000 francs pour nous. Qu'on n'ait pas l'air de me jeter sur le pavé comme une bête puante ! Eugène Vergeot exagérait. Et la preuve, c'est que, quoique l'Empereur eut toujours refusé de le recevoir, on le nomma vice-consul à Rosas, et, en 1868, consul à Zanzibar[51]. L'Empereur fit encore plus pour lui. En 1869, il le créa comte d'Orx, du nom d'un domaine qu'il lui donna dans les Landes[52]. Le comte d'Orx se maria, en France, avec Mlle Volpette, d'une excellente famille belge, et mourut en janvier 1910, dans son château des Castets, à Saint-André-de-Seignaux, où il était maire[53]. Il laissait trois enfants. Il avait survécu de vingt-huit ans à son frère cadet.

Louis Vergeot, lui, avait végété pendant de longues années au Mexique, où il s'était engagé, et marié, à Puebla. Il y eut des aventures de mélodrame : sa belle-mère voulait l'empoisonner. Entre temps, en la personne de Maximilien d'Autriche il prétendait venger la mort d'un de ses parents. Lequel ? Un Vergeot ? Un Camus ? Point. Le duc de Reichstadt, tout simplement. M. Louis Vergeot, on le voit, avait l'esprit de famille. Mis en goût par ce premier succès historique, il s'écria : Il ne nous reste plus que la mort de notre oncle Napoléon Ier à venger ! Ce fut plus difficile, et, j'imagine qu'il échoua dans ce fier projet, car ayant échappé à la mort, — je ne sais laquelle, — il se mit à travailler et parvint à rentrer en France, le 28 avril 1870. Ce jeune héros choisissait mal la date de son retour. Aussitôt il se dépêcha d'écrire à l'Empereur : Nous aurons beaucoup à causer. Je ne puis affirmer que le père y tint beaucoup, mais en attendant de causer, le fils lui demandait d'acheter une maison à Rueil, du prix de 140.000 francs, une misère ! Il ajoutait avec une désarmante confiance : Je crois que vous m'accorderez ceci. Cependant il ne bornait point ses vœux à cet achat : il espérait avoir ses entrées aux Tuileries. Et d'ajouter, sur un beau ton qu'il comptait, sans doute, irrésistible :

Cher père, je vous en supplie, rendez moi à moi-même. Recevez-moi dans vos bras paternels, que j'aie au moins le bonheur de vous voir, de vivre à vos côtés, comme un homme honorable. Si vous m'aimez comme je vous aime, toute froideur sera rompue, je désire vous faire oublier le passé et qu'on dise : Il fait l'honneur de son père et soutient dignement son nom.

Et, sans plus, il signait : Louis-Napoléon[54].

Son père lui répondit, le 11 juin 1870, en le créant comte de Labenne, titre pris dans une terre des Landes, et en lui donnant de belles armoiries où, dans l'écusson, sur fond d'azur à deux bandes de sable alternaient aigles et coquilles de sable, avec une fière devise : Semper recte. Tout cela fut englouti dans les paperasses des Finances, où M. de Labenne devint receveur. Le 12 mars 1879, il épousait la fille d'un banquier, Mlle Marie-Henriette Paradis, née à Vaugirard le 23 mars 1857[55]. De ce mariage naissait, en 1880, Georges-Henri-Louis, décédé quatre ans plus tard, et deux ans après son père, lequel mourut le II février 1882, rue de Miromesnil, n° 69[56]. Son corps fut transporté dans la chapelle de Lancey, proche Plourivo, en Bretagne, sur la ligne de Paimpol. Et la pierre, veillée par deux anges, porte :

Ici repose

LOUIS, comte de LABENNE

décédé le 11 février 1882

dans sa 38e année[57].

L'année suivante, sa veuve épousait, en secondes noces, M. Dupont, de Paimpol. Ainsi s'éteignit ce nom sans éclat et effacé de l'histoire secrète du second Empire.

En 1856, Napoléon III, accompagné de l'Impératrice, visita Ham et lui fit les honneurs de sa prison de 1840. Avec une souriante mélancolie et une amertume consolée, il lui montra les remparts derrière lesquels il rêva de si longues heures désenchantées, le triste jardin où s'étiolaient les fleurs de la captivité, la chambre de ses jours de solitude résignée. Lui parla-t-il de la fraîche Éléonore qui y apportait la blancheur de sa peau de paysanne saine, la complaisance de sa volupté soumise ? A cette heure, qu'était-elle pour l'Empereur, sinon un souvenir déjà effacé et lointain ? Pourtant, non loin de ces Tuileries où il confinait ses lassitudes, elle vivait, effacée et tranquille, au n° 21 des Champs-Elysées, en un appartement au premier étage, à cinq fenêtres béant sur la verdure du paysage, et d'un loyer de 2.000 francs[58]. Heureuse, elle l'était, et pourquoi non ? N'avait-elle pas fait une fin enviable avec ce mari qui, à ses 30.000 francs d'appointements, ajoutait 6.000 francs de frais de bureau et 5.000 francs d'indemnité de logement[59] ? C'était un beau revenu à vivre sur un large pied, et pour elle, surtout, qui, dedans son village picard avait connu le pain noir et les ratatouilles de son tisseur de père et avait rougi ses mains et crevassé leurs paumes à laver les vaisselles bourgeoises de Ham. Son existence était très retirée, car, disaient les mauvaises langues, Mme Bure a peut-être été, autrefois, la Belle Sabotière, mais, aujourd'hui, elle n'est plus belle, tout en étant restée bien sabotière[60]. Méchant propos, sans doute, car elle n'aspirait à rien de ce qu'accorde le monde à ceux qui sollicitent la faveur de ses sourires. Dans sa solitude elle se cloîtrait, loin de ses fils grisés par leur origine et victimes de leurs ambitions désillusionnées. Quelque part, — à Rueil, sous le second Empire, — elle avait une fille mariée à un sieur Edouard Boussu, à qui l'Empereur faisait une pension de 1.600 francs et à laquelle il payait son loyer, 1.000 francs, des pièces de vin de 600 francs, des meubles, de la lingerie, une pendule, voire des cadeaux plus importants : 3.000, 25.000 et même 50.000 francs[61]. Cette fille où était-elle ? Quels souvenirs devaient échanger ces deux femmes, la mère dont la fille était à la merci de l'impériale générosité d'un vieil amant ?

Après la chute de l'Empire, Bure s'était retiré rue de Rome, n° 39. Quelques années il y mena une existence sur laquelle rien n'est à dire, et il y mourut le 17 janvier 1882. Son corps alla au cimetière du Mont-Parnasse. Éléonore quitta alors Paris pour la banlieue. Au Vésinet, rue Auber, n° 5, elle acheva les dernières années d'une vie qui, maintenant, ne désirait plus rien. Mourut-elle pauvre[62] ? Je l'ignore, et ne le crois pas. Le 4 août 1886 elle trépassait[63]. Une messe basse, un simple tombeau, et ce fut tout. Et d'elle le promeneur, à Ham, ne cherche et ne trouve que le fantôme de sa jeunesse amoureuse, prisonnier de la vieille forteresse où, d'un cœur sans ambition, et d'une tendresse sans orgueil, elle sacrifia à cette volupté d'autant plus désirable et d'autant plus enivrante qu'on n'en sollicite nulle récompense...

 

 

 



[1] LE CHERCHEUR, Notes historiques sur l'échauffourée de Boulogne, dans La France du Nord, mercredi 28 juin 1905. —Le chercheur est le pseudonyme d'un érudit, H. Alphonse Lefebvre, à qui on doit de remarquables travaux sur l'histoire du Boulonnais.

[2] L'Annotateur... ; p. 874, 6 août 1840.

[3] Déposition d'Alexandre Adam, maire de Boulogne-sur-Mer ; 11 août 1840. — Cour des Pairs ; Attentat du 6 août 1840 ; Procédure ; Dépositions des témoins ; Paris, MDCCCXL, in-4°, p. 49.

[4] L'Annotateur... ; p. 874, 6 août 1840.

[5] Déposition d'Augustin-Claude Launay-Leprovost, sous-préfet de Boulogne-sur-Mer ; 11 août 1840. — Cour des Pairs ; Attentat du 6 août 1840 ; Procédure ; Dépositions des témoins... ; p. 44.

[6] C. VERJUX, Napoléon-Louis à Boulogne ; notice historique et rectificative des événements de 1840 ; p. 28. — Manuscrit de la Bibliothèque de Boulogne-sur-Mer. Cette notice, écrite en i863, a pour auteur un témoin oculaire du coup d'État. Elle est inédite et m'a été très obligeamment signalée et communiquée par M. Cresson, bibliothécaire de Boulogne-sur-Mer.

[7] L'Annotateur..., n° 874, 6 août 1840.

[8] L'Annotateur..., n° 874, 6 août 1840.

[9] Sur le château de Boulogne, cf. Boulogne-sur-Mer et la région boulonnaise ; Boulogne-sur-Mer, 1899, in-8°.

[10] Colonne de Boulogne ; dimanche 9 avril 1840.

[11] Dossier du coup d'État. — Archives communales de Boulogne-sur-Mer.

[12] Dossier du coup d'État. — Archives communales de Boulogne-sur-Mer.

[13] L'Annotateur... ; 13 août 1840.

[14] HENRI BOUCHER, Souvenirs d'un Parisien... ; t. II, p. 432.

[15] L'Écho du Nord, n° 223, 10 août 1840.

[16] Cité par IMBERT DE SAINT-AMAND, Les Femmes des Tuileries ; Louis-Napoléon et Mademoiselle de Montijo ; Paris, s. d. [1896], in-18, p. 255.

[17] Communication de M. Z. Hédoux, fils d'un témoin oculaire du coup d'État.

[18] L'état civil de Mimi-la-Bouchère a été reconstitué ici grâce aux soins amicaux de M. Émile Hiance, archiviste communal de Boulogne-sur-Mer, qui, dans ces recherches, a été un véritable collaborateur à qui je dois le témoignage public de mon affectueuse gratitude.

[19] Communication de M. Émile Hiance, archiviste communal de Boulogne-sur-Mer.

[20] Communication de M. Alphonse Lefebvre, de Boulogne-sur-Mer.

[21] Je connais (sic) avoir (sic) dix francs et dix sous pour avoir étté valé (sic) de chamdre (sic) au chatos (sic) pour la faire (sic) du prince Louis-Bonaparte. — HAUTIN. — Archives communales de Boulogne-sur-Mer.

[22] Il est dû à Bernard François pour avoir été occupé pendant deux jours à balayer les chambres occupées par M. Louis-Napoléon au château à 2 fr. 50 par jour.... 5.00. — A Boulogne-sur-Mer, 25 mai 1841. Pour acquit : BERNARD. — Archives communales de Boulogne-sur-Mer.

[23] PIERRE DE LANO, Les Bals travestis et les Tableaux vivants sous le second Empire... ; p. 89 ; PIERRE DE LANO, Histoire anecdotique du second Empire ; L'Empereur (Napoléon III) ; Paris, s. d., in-18, p. 28.

[24] Lettre de Victor Hugo à Mme Victor Hugo ; Gand, 28 août 1837. — VICTOR HUGO, En voyage ; France et Belgique ; Paris, s. d., édit. Ne varietur, in-18, pp. 114, 115.

[25] LE CHERCHEUR, Vieux types populaires, dans Les Causeries boulonnaises, de la France du Nord, 24 juin 1895.

[26] ELIAS REGNAULT, Histoire de huit ans ; 1840-1848 ; faisant suite à l'Histoire de dix ans ; 1830-1840 ; par M. Louis Blanc, et complétant le règne de Louis-Philippe ; Paris, 1871, in-8°, t. I, p. 301.

[27] L'Annotateur... ; 31 avril (?) 1840.

[28] Sur l'histoire du Fort de Ham, cf. J.-G.-C. DE FEUILLIDE, Le Château de Ham, son histoire, ses seigneurs, ses prisonniers ; Paris, 1842, in-8° ; CHARLES GOMART, Ham, son château et ses prisonniers ; Ham et Paris. 1894, in-8°.

[29] FERNAND GIRAUDEAU, Napoléon III intime... ; p. 90.

[30] H. THIRRIA, Napoléon III avant l'Empire... ; t. I, pp. 207-208.

[31] [FR. BRIFFAULT, de Brighton], Le Prisonnier de Ham ; Paris, 1849, in-18, p. 53. — Fr. Briffault, qui n'était, a-t-on dit, qu'un prête-nom du général Montholon... — A. MOREL, Napoléon III... ; p. 296.

[32] J.-G.-C. DE FEUILLIDE, Le Château de Ham... ; p. 192.

[33] CH.-ED. TREMBLAIRE, Revue de L'Empire, 1845, p. 260, cit. par H. THIRRIA, Napoléon III avant l'Empire... ; t. I, p. 208.

[34] E. FOURMESTREAUX, Etude sur Napoléon III ; Paris, 1862, in-8°, p. 2.

[35] On lit dans Le Guetteur, de Saint-Quentin : Le prince Louis-Napoléon charme les ennuis de sa prison par la musique ; il chante souvent, et quelquefois il exécute des duos avec le général Montholon, son compagnon de captivité. Il emploie aussi une grande partie de son temps à faire des armes, et, pour se perfectionner dans cet exercice, il a fait venir exprès à Ham le meilleur maître d'armes du 63e, dont un corps détaché tient garnison au fort. Le Constitutionnel, lundi 30 novembre 1840.

[36] H. THIRRIA, Napoléon III avant l'Empire... ; t. I, p. 211.

[37] Au sujet de la visite de Virginie Déjazet à Louis-Napoléon, à Ham, M. Théophile Eck, conservateur du musée La Tour, à Saint-Quentin, veut bien me communiquer cette curieuse note que j'ai plaisir à donner ici : Au sujet de Louis-Napoléon, j'avais dans mon dossier une pièce aujourd'hui égarée relatant qu'entre les années 1840-1846, je ne sais plus laquelle, Virginie Déjazet vint à Saint-Quentin pour y donner, sur le théâtre de cette ville, une ou deux représentations des pièces de son répertoire. Or, Déjazet voulant voir le prince, prit une voiture, se lit conduire à Ham et ne fut point reçue dans le château par suite d'une cause que j'ai oubliée. Dans sa déconvenue, elle se dirigea vers l'une des tours, celle où le prisonnier d'Etat, lui dit-on, se rendait quelquefois. Dépité, sans doute, de ne pouvoir recevoir l'actrice, dont il avait appris la visite, Louis-Napoléon s'attendait à l'entrevoir, tout au moins. Il alla donc vers la fenêtre qui donnait sur l'eau. Elle était là, immobile. Elle salua, et pour que le prince sut mieux encore que l'artiste était venue pour lui seul, elle chanta avec toute son âme la Lisette de Béranger. Quand elle eut fini, elle envoya un baiser au prisonnier radieux de l'aubaine, lequel répondit à l'artiste par des saluts plusieurs fois répétés. — J'avais bien d'autres choses encore, mais tout cela est égaré. — Je signale, en passant, et en saluant, la vigueur de sa santé et la fidélité de sa mémoire, que M. Théophile Eck est un contemporain de la captivité du prince à Ham. — Quant à Déjazet, son bonapartisme était fait de beaucoup de sentimentalité. On le comprendra en apprenant qu'à cette époque elle était la maîtresse d'Arthur Bertrand, le fils du Bertrand de Sainte-Hélène. Sur cette liaison amoureuse, cf. HENRY LECOMTE, Un amour de Déjazet ; histoire et correspondance inédites ; 1834-1844 ; Paris, MDCCCCVII, in-8° ; HECTOR FLEISCHMANN, Rachel intime, d'après ses lettres d'amour et des documents nouveaux ; Paris, 1910, in-8°, pp. 171 et suivantes.

[38] CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; p. 85.

[39] CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; p. 84-85.

[40] ANDRÉ LEBEY, Les Trois Coups d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte... ; p. 416.

[41] Il apparaît aujourd'hui comme une chose certaine que le sobriquet de Badinguet eut pour origine une planche de Gavarni, parue le 29 janvier 1840. On y voit un étudiant, montrant un squelette monté, à une grisette et disant : Tu ne la connais pas ? Eugénie, l'ancienne à Badinguet !... L'histoire et les origines de ce sobriquet ont été étudiées d'une manière définitive par M. PAUL MANTOUX, Badinguet, dans La Grande Revue, 10 décembre 1911, pp. 559-576. — J'ajoute que l'article publié par Le Gaulois, 15 janvier 1912, sur le même sujet, est absolument nul.

[42] H. THIRRIA, La Marquise de Crenay... ; p. 108.

[43] PIERRE HACHET-SOUPLET, Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham.... ; pp. 80-81.

[44] L. STELLI, Les Nuits et le Mariage de César... ; pp. 36-37.

[45] Extrait du registre aux actes de naissance de la commune d'Estouilly, pour l'année 1820 : L'an mil huit cent vingt le trois septembre, par devant nous, maire, chevalier de l'Ordre Royal et militaire de Saint-Louis, officier de l'état-civil de la commune d'Estouilly, département de la Somme, arrondissement de Péronne, canton de Ham, est comparu Antoine-Joseph Vergeot, tisseur, âgé de vingt-trois ans, domicilié en cette commune, lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin, née aujourd'hui trois septembre à une heure de l'après-dînée, de lui déclarant et de Marie-Louise-Françoise-Éléonore Camus, son épouse, et auquel il a déclaré vouloir donner le prénom de Éléonore ; les dites déclaration et présentation faites en présence de Charles Camus, charpentier, âgé de cinquante-cinq ans ; et d'Alexis Gorlier, manouvrier, âgé de cinquante-cinq ans, tous deux domiciliés en cette commune, et ont les père et témoins signé avec nous le présent acte après qu'il leur en a été fait lecture. Ont signé : CAMUS, VERGEOT, GORLIER BOUZIER, D'ESTOUILLY. — Communication de M. Lecomte, maire d'Estouilly.

[46] PIERRE HACHET-SOUPLET, Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham... ; p. 82.

[47] PIERRE HACHET-SOUPLET, Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham... ; p. 82.

[48] Le Ménage impérial... ; p. 27.

[49] CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; pp. 27 à 30.

[50] PIERRE HACHET-SOUPLET, Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham... ; p. 86.

[51] Papiers et correspondance de la famille impériale... ; t. II, pp. 118, 119.

[52] Journal de Saint-Quentin, 23 février 1910.

[53] CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; pp. 32, 33.

[54] Papiers et correspondance de la famille impériale... ; t. II, pp. 140, 141.

[55] Cf. l'acte de mariage dans CHARLES NAUROY, Les Secrets des Bonaparte... ; pp. 34 et suivantes.

[56] LÉONCE DE BROTONNE, Les Bonaparte et leurs alliances ; Paris, 1901, in-8°, p. 106.

[57] L'Indépendance belge, 22 septembre 1909.

[58] PAUL GINISTY et M. QUATRELLES-L'ÉPINE, Chronique parisienne des six derniers mois d'Empire ; Paris, s. d. [1912], in-18, p. 169.

[59] PAUL GINISTY et M. QUATRELLES-L'ÉPINE, Chronique ... ; p. 169.

[60] PAUL GINISTY et M. QUATRELLES-L'ÉPINE, Chronique ... ; p. 169.

[61] Papiers et correspondance de la famille impériale... ; t. II, p. 160.

[62] PIERRE HACHET-SOUPLET, Louis-Napoléon prisonnier au fort de Ham... ; p. 84. — C'est par erreur que l'auteur fait mourir Éléonore à Paris. Cf. l'acte de décès qui suit.

[63] Du registre des actes de l'état-civil de la ville du Vésinet, année 1886, a été extrait ce qui suit : L'an mil huit cent quatre-vingt-six, le cinq avril, à quatre heures et demie du soir, par-devant nous Jean Laurent. maire et officier de l'état-civil de la commune du Vésinet, arrondissement de Versailles, département de Seine-et-Oise, sont comparus Messieurs Pierre-Alexandre-Edmond Bure, âgé de trente-six-ans, propriétaire, demeurant à Orléans (Loiret), et Adrien-Léon Bure, âgé de vingt-neuf ans, aussi propriétaire, demeurant à Bône (Algérie), tous deux fils de la défunte, lesquels ont déclaré que Éléonore Vergeot, âgée de soixante-cinq ans, rentière, demeurant en cette commune, rue Auber, numéro cinq, née à Ham (Somme), fille des défunts. Antoine-Joseph-Vergeot et Marie-Louise-Françoise-Éléonore Camus, son épouse, et veuve de Pierre-Jean-François Bure, est décédée hier dans son dit domicile, rue Auber, cinq, à dix heures du soir. Et après nous être assuré du décès, nous avons donné le présent acte, que les déclarants ont signé avec nous après lecture faite. — Communication de M. Gaston Rouvier, maire du Vésinet. — Les deux fils d'Éléonore, signataires de cet acte, sont ceux nés de ses relations avec Bure. A ce titre, et déjà je l'ai dit, je n'ai point eu à m'occuper d'eux dans ce chapitre.