LA SAINT-BARTHÉLEMY

LA VEILLE - LE JOUR - LE LENDEMAIN

 

PRÉFACE.

 

 

LA SAINT-BARTHÉLEMY

LA VEILLE - LE JOUR - LE LENDEMAIN

 

Ce titre, sous la forme d'une trilogie, explique la pensée, la portée de ce livre.

LA VEILLE, les Causes.

LE JOUR, l'Exécution.

LE LENDEMAIN, les Conséquences.

La Saint-Barthélemy, hâtons-nous de le dire, fut une faute, un crime politique. La religion n'y entra pour rien.

Dès l'année 1563, Catherine envisagea froidement l'éventualité de l'assassinat de Coligny et des principaux chefs protestants.

Elle est donc la grande coupable, la seule responsable de la sanglante journée.

Elle-même a déchargé Charles IX de toute préméditation, de toute complicité : L'on a eu bien de la peine à lui faire faire ce qu'il a fait, dira-t-elle à Walsingham, l'ambassadeur d'Angleterre, au lendemain de la Saint-Barthélemy[1].

Mais une part de responsabilité, celle-là indirecte, il est vrai, incombe à l'Angleterre, à sa politique égoïste et perfide.

Nous sommes peut-être le premier à le dire et à en apporter les preuves.

A la fin de janvier 1571, Coligny eut un entretien secret avec Middlemore, l'un des agents d'Elisabeth en qui elle avait le plus de confiance et la conversation étant tombée sur les Flandres : Nous redoutons surtout, lui dit Middlemore, que la France ne vienne à s'en emparer, ce que l'Angleterre ne peut souffrir à aucun prix[2].

En répondant ainsi, Middlemore n'était que l'interprète fidèle de l'opinion dominante en Angleterre. Lord Burghley écrira à Walsingham : Pour ce qui regarde les affaires des Pays-Bas, nous avons grand sujet d'en être jaloux ; entre les mains des Espagnols nous ne pourrions pas trafiquer avec sincérité, et si les places maritimes tombent à ceux chez qui vous êtes, ils régleront non seulement le commerce de nos marchands en ces pays-là, mais la souveraineté de la Manche qui nous appartient se trouverait compromise. »

Que l'on ne cherche pas d'autre cause à la guerre acharnée que nous ont faite les Anglais sous le premier empire. Ils ne voulaient pas laisser Anvers dans nos mains. Ainsi s'explique leur vive opposition, en 1831, à l'élection du duc de Nemours au trône de Belgique.

Dans tous les temps, l'intérêt mercantile a été le seul mobile de leur politique.

D'accord et sincèrement avec Coligny, Charles IX voulait porter la guerre dans les Flandres, et en prendre sa part, tout en laissant la sienne à l'Angleterre, pour prix de son concours, et une autre au prince d'Orange ; trois fois Catherine y mit obstacle, et le fit reculer, lui montrant Élisabeth négociant secrètement un traité de commerce avec l'Espagne. Dans la seconde quinzaine d'août 1572, lorsqu'elle se verra impuissante à détourner cette guerre résolue en dehors d'elle, elle reviendra à l'idée qui l'avait toujours hantée, de faire tuer Coligny, et aura recours à l'arquebuse de Maurevel.

Coligny blessé et vivant, la Saint-Barthélemy, ce crime de la peur, sera sa dernière ressource.

Si l'Angleterre avait été de bonne foi, ce qu'elle n'est jamais, et si, grâce à son concours effectif, condition exigée par Catherine et qu'Élisabeth déclinait toujours, cette guerre des Flandres, voulue par Charles IX, eût été enfin entreprise, catholiques et protestants auraient marché sous le même drapeau et au cri de vive la France, ainsi qu'ils l'avaient fait, en 1563, à la reprise du Havre sur les Anglais. Si la victoire ne les avait pas complètement réconciliés, elle aurait pu du moins empêcher la Saint-Barthélemy et préserver leur patrie commune de tous les maux dont elle fut l'inévitable cause.

Venons aux conséquences et résumons les sommairement :

L'odieux de la Saint-Barthélemy exploité contre la France, aussi bien par les puissances catholiques que par les puissances protestantes.

Cette grande victoire diplomatique, l'élection du duc d'Anjou au trône de Pologne, rendue inutile.

Le protestantisme, de dogmatique qu'il était dans le commencement, se faisant radical et antimonarchique.

Vingt années de guerres civiles.

L'Espagnol dans Paris.

Enfin, ce que certes n'avait pas prévu Catherine, les protestants, se rapprochant de ceux qu'on appelait les politiques et dont le duc d'Alençon était le chef.

Mais ce Gaston d'Orléans de la maison de Valois était au-dessous d'une pareille tâche ; il appartenait à Henri IV de chasser l'Espagnol de la capitale et d'y rentrer en pacificateur.

La vraie grandeur de la France date de lui.

 

 

 



[1] Mémoires de Walsingham, édit. d'Amsterdam.

[2] Record Office, State Papers, France. Voir notre livre : Le  XVIe  Siècle et les Valois, Plon.