GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME IV. — ANTOINE ET CLÉOPÂTRE

CHAPITRE X. — LA CHUTE DE L'ÉGYPTE.

 

 

Ni Antoine ni Octave ne comprirent d'abord la gravité de ce qui s'était passé à Actium. Parti à contrecœur, comme un homme qui sent qu'il va commettre une faute irréparable, Antoine s'était arrêté trois jours après, avec Cléopâtre, au cap Ténare, où il avait appris les nouvelles peu précises que la rumeur publique avait déjà apportées là D'après ces bruits, sa flotte était perdue, mais son armée demeurait intacte et toute prête à livrer bataille. Antoine envoya aussitôt un message à Canidius pour lui dire de faire passer bien vite son armée en Asie par la route de Macédoine[1] ; et il reprit la mer pour se rendre à Alexandrie. Octave, de son côté, même après la reddition des légions ennemies, n'osait pas, comme César après Pharsale, tirer parti immédiatement de son succès et se lancer à la poursuite de l'ennemi. Antoine avait si souvent échappé à de terribles dangers ; il était encore si puissant et si admiré ! Octave pouvait-il considérer comme définitive la victoire d'Actium remportée d'une façon si singulière, et presque sans combattre ? D'ailleurs trop de soucis le retenaient en Grèce, et surtout le manque d'argent, qui l'obligeait à contracter des emprunts auprès de ses tribuni militum. La reddition des dix-neuf légions d'Antoine le mettait dans un grand embarras. Avec quel argent allait-il les payer, puisqu'il n'en avait même pas pour les siennes ? Cependant les nouvelles de la bataille navale, de la reddition de 'l'armée, de la fuite d'Antoine, — ces trois faits réunis 'faisaient croire facilement à une extraordinaire victoire remportée par Octave, — se répandaient en Europe et en Asie, et changeaient tout à coup la disposition des esprits. L'effet s'en fit sentir d'abord en Grèce, comme il était naturel. Toutes les villes qui avaient auparavant flatté Antoine et Cléopâtre se rendirent sans combattre, à l'exception de Corinthe qui fut prise par Agrippa[2] ; et, malgré l'inévitable contribution qui leur fut imposée, elles élevèrent des statues à Octave, lui décrétèrent des honneurs[3], firent assaut de servilités auprès du vainqueur, en épiant, en dénonçant, en arrêtant les partisans d'Antoine. Mais il en résultait une nouvelle difficulté pour Octave. Antoine et ses partisans n'avaient pas été déclarés ennemis publics, et l'imperium attribué par la conjuratio à Octave ne s'étendait qu'aux Italiens, et qu'à ses soldats. Comment fallait-il donc traiter les vaincus ? Octave aurait penché vers la modération et la clémence ; mais après la victoire, le parti victorieux, irrité du danger qu'il avait couru, et les soldats mêmes d'Antoine exaspérés par la trahison dont ils se croyaient victimes, réclamaient le châtiment de ceux qu'on accusait d'avoir voulu livrer l'Italie à la reine d'Égypte. Octave fut contraint, par les haines et les rancunes de ses soldats, à faire un nouveau massacre[4] ; mais il le fit à contre cœur, avec des oscillations de clémence et de sévérité qui bien souvent faisaient dépendre la vie et la mort d'un accident heureux, d'un retard de quelques heures, d'un rien. Le nombre des victimes semble avoir été tout de même assez considérable : parmi elles, il y eut aussi le fils de Curion, le fils de l'ami de César, à qui on fit, pour cette raison, un crime de ce qu'il avait suivi son beau-père[5]. Cependant de la Grèce, la nouvelle de la victoire parvenait en Asie ; la riche province, dépourvue alors de soldats, et se sentant déjà au pouvoir d'Octave, se disposa elle aussi à l'honorer par des décrets et des statues, et à lui demander protection et secours ; bon nombre des souverains asiatiques, qui étaient partis du golfe d'Ambracie pour rentrer chez eux, cherchaient maintenant à engager des pourparlers avec le vainqueur[6]. Ainsi la nouvelle se répandait et parvenait enfin à Alexandrie, où elle fut apportée dans la seconde moitié d'octobre par Canidius lui-même[7] ! Encouragé par ce mouvement des esprits en sa faveur, Octave se décida à congédier tous les soldats qui avaient fini leur temps de service, sans leur donner aucune récompense, et il chargea Agrippa et Mécène, en octobre et en novembre, de reconduire en Italie beaucoup de troupes[8]. Mais, sauf cette grave décision, il ne prit aucun parti définitif et il resta en Grèce, perdant son temps à se faire initier aux mystères d'Éleusis, sans se décider ni à tenir les promesses qu'il avait faites au moment de la campagne pour la conjuatio et à faire la guerre à fond à Antoine et à Cléopâtre, ni à chercher encore une fois à en venir à une entente avec Antoine.

Mais les hésitations du vainqueur irrésolu furent bientôt emportées par une force à laquelle il ne pouvait guère résister : par l'opinion publique en Italie, où la bataille d'Actium avait amené dans les esprits un revirement soudain et complet. L'Italie avait suivi cette guerre lente avec une mauvaise humeur, mêlée d'amertume et de rage. Après tant de déceptions, pouvait-on nourrir encore quelque espoir ? Au lieu du rétablissement de la république qui avait été promis tant de fois, on avait l'épouvantable désordre de deux factions se faisant la guerre, sans même une apparence de justification légale ; le prestige de Rome était .si bien tombé que les massacres d'Italiens recommençaient en Orient ; les conditions économiques de l'Italie n'étaient pas meilleures que les conditions morales et politiques. L'Italie avait trop souffert de ce double gouvernement qui depuis dix ans la tenait séparée des provinces riches et civilisées de l'Asie, et 'es fortunes avaient trop de peine à se reformer ; le gouvernement des triumvirs avait épuisé non seulement tout l'empire, mais aussi la patience de l'Italie, en contractant des dettes auprès d'une foule de gens, et en ne payant que très irrégulièrement les soldats, les fermiers et les fournisseurs. Le trésor était vide. Il fallait cependant des sommes énormes pour réorganiser les services publics qui avaient été abominablement négligés, et l'argent ne se prêtait qu'à un taux très élevé. Tout le monde était exaspéré par cet état de choses ; mais on ne voyait aucune force sociale assez puissante pour y mettre fin. Aussi il était facile de prévoir que l'Italie ferait retomber toutes ses sourdes rancunes sur celui des deux rivaux qui succomberait, comme sur l'auteur de tout le mal ; mais personne peut-être n'avait songé qu'après Actium, l'Italie tout entière se lèverait si furieuse contre Antoine, qui, jusqu'au jour de la bataille, avait joui de sympathies beaucoup plus profondes et générales que son rival. Antoine, véritablement, avait trop abusé de sa fortune et de sa puissance ; avec sa politique orientale, il avait trop étourdiment blessé l'orgueil national et porté un trop grand préjudice aux intérêts de l'Italie ; si presque personne n'avait osé se plaindre de lui qu'avec une grande discrétion tant qu'il avait paru être le plus puissant, il porta en un instant, dès que la fortune se mit à l'abandonner, la peine de tout ce qu'il avait fait. L'Italie se rua sur lui avec l'exaspération de tous ses sentiments, bons et mauvais, et que la crise épouvantable des guerres civiles avait surexcités : le besoin de haïr quelqu'un comme étant la cause de ses malheurs, l'empressement servile à aduler le vainqueur, le désir sincère de reconstituer l'unité de l'empire, de rétablir la république et le prestige de Rome dans le monde, de revenir aux véritables mœurs latines, l'espoir que, la puissance romaine recouvrant son unité, les tributs de l'Orient afflueraient de nouveau en Italie, rendraient possibles l'abolition des impôts du triumvirat, la réorganisation des services publics, le retour de l'ancienne prospérité. Tout le monde reprit alors avec indignation les accusations que, dans l'entourage d'Octave, depuis si longtemps on ne cessait, mais en vain, de répandre ; on eut horreur des mœurs et de la conduite d'Antoine, que l'on trouva indignes d'un Romain ; on crut à toutes les calomnies répandues par ses ennemis, sur lui, sur Cléopâtre, sur leurs rapports, sur leurs intentions parricides. Ainsi en peu de jours le triumvir puissant et adulé devint un grand traître à la cause nationale ; Horace lui-même sortit enfin de sa réserve et, dans l'épode IX, il célébra la victoire d'Octave sur ce capitaine d'esclaves, en se plaignant d'avoir dû assister au scandale incroyable de soldats romains obéissant à une reine et à de vils eunuques, alors que les deux mille Galates d'Amyntas s'étaient eux-mêmes refusés à un servage aussi indigne. On décréta à Rome qu'Octave célébrerait le triomphe, qu'on lui élèverait un arc d'honneur à Brindes et un arc de triomphe sur le forum ; on décida que le temple du Divus Julius serait orné des rostres des vaisseaux ;capturés, que l'on célébrerait tous les cinq ans des jeux en souvenir de la bataille, que le jour anniversaire de la naissance d'Octave et le jour où était arrivée la nouvelle de la victoire, on ferait des supplications ; qu'à son entrée dans Rome, les vestales, le sénat et le peuple iraient au-devant de lui ; que le jour anniversaire d'Antoine serait considéré comme néfaste et qu'il serait interdit à tous les membres de la famille d'Antoine de porter le nom de Marcus[9]. Mais l'opinion publique déchaînée ne s'arrêta pas à décréter des honneurs au vainqueur, des représailles contre les vaincus. Elle alla plus loin. La conquête et l'annexion de l'Égypte furent partout réclamées comme une satisfaction et une vengeance nécessaires pour l'outrage que Cléopâtre avait infligé à Rome par ses audacieux projets de fonder à ses dépens un grand empire en Orient. Les hésitations, les scrupules, les craintes qui avaient si longtemps arrêté la politique romaine aux portes de l'Égypte, furent en un moment emportées par ce déchaînement de l'opinion publique. Octave, qui depuis quelque temps cherchait une occasion pour acquérir définitivement la popularité, après laquelle il avait en vain soupiré jusque-là finit par comprendre que le moment était arrivé, que la conquête de l'Égypte, l'écrasement de Cléopâtre et d'Antoine seraient le grand exploit qui ferait de lui le plus admiré des Romains ; et il n'hésita plus. Poussé par la formidable impulsion de l'opinion publique, il sortit de son incertitude et, vers la fin de l'année, se rendit en Asie, pour y passer l'hiver à préparer la conquête de l'Égypte.

Cependant, avec ses hésitations, Octave avait donné à Antoine le temps de se ressaisir, de réorganiser une défense. La puissance d'Antoine ressemblait à un superbe édifice auquel un tremblement de terre a fait soudain de vastes lézardes, mais qu'il n'a pas détruit. L'édifice était encore debout. Malgré tout, Antoine avait onze légions, une flotte, un trésor, des amis, des espérances, et surtout du temps. Si Antoine avait pu déployer la même énergie qu'après la défaite de Modène, il aurait peut-être encore réussi à se sauver. Mais les choses, auxquelles Antoine avait fait si longtemps violence, commençaient à se venger ; les contradictions dans lesquelles il s'était aventuré avec une si superbe insouciance, pendant les années heureuses, commençaient à produire leurs effets funestes. Il n'avait plus sur les soldats, sur les officiers et sur la cour, ni le prestige d'un proconsul romain, ni l'autorité d'un roi d'Égypte ; devenu un personnage incertain, diminué par l'âge et par la débauche, il ne pouvait plus agir avec vigueur ; autour de lui, à Alexandrie, Cléopâtre, les fonctionnaires de la cour, les affranchis, ses amis romains, les officiers de ses légions, tous enfin étaient pleins d'épouvante, incertains, agités, irrésolus. Hérode était accouru à Alexandrie ; il avait eu de longs entretiens avec Antoine et lui avait donné un conseil atroce, mais excellent : celui de tuer Cléopâtre, d'annexer l'Égypte à l'empire de Rome, de donner ainsi un démenti à ses ennemis qui l'accusaient de trahir la république au profit de la reine d'Égypte. L'admiration de l'Italie lui reviendrait alors ; Octave serait obligé de suspendre la guerre et de conclure un accord avec lui[10]. Mais Antoine n'eut pas le courage de suivre ce conseil ; il resta fidèle à Cléopâtre et il s'occupa avec elle de défendre l'Égypte, sans s'arrêter toutefois à aucun plan définitif, en prenant d'un jour à l'autre les dispositions les plus contradictoires, en menant de front, avec une hâte fiévreuse, trois ou quatre projets à la fois, en imaginant les plans les plus extravagants, en créant ainsi les plus grands désordres, et en rendant bientôt soupçonneux ceux mêmes qui avaient encore confiance dans Antoine et dans Cléopâtre. Tout le monde à la fin commençait à se rendre compte de l'étrangeté de ce couple. Étaient-ils roi et reine ? Mari et femme ? Pour lutter contre l'opposition devenue plus vive depuis la défaite et pour grossir le trésor de la guerre, ils firent mettre à mort les personnages les plus riches et les plus contraires à Cléopâtre ; ils pillèrent les temples qui contenaient le plus de richesses, et ils en firent porter l'or et l'argent au palais royal ; ils déclarèrent majeurs Césarion et Antyllus, le fils d'Antoine et de Fulvie, pour les désigner comme rois et raviver le sentiment dynastique du peuple égyptien, qu'il semblait impossible maintenant de réchauffer en faveur d'Antoine et de Cléopâtre ; ils se mirent à construire des vaisseaux à Alexandrie et dans la mer Rouge, pour se préparer à fuir avec leur trésor, les uns disent dans l'Inde, les autres en Espagne ; ils firent recruter des soldats dans différentes régions et ils envoyèrent des ambassades à des rois et à des souverains, pour raffermir leurs anciennes alliances[11]. Mais ils ne se décidèrent pas à réunir en Égypte toutes leurs forces, les quatre légions de Cyrène et les trois légions Syrie, qui furent laissées où elles étaient, par crainte. que ces pays aussi ne vinssent à passer à l'ennemi, et qu'ainsi ne disparût la dernière apparence du grand empire égyptien auquel Cléopâtre ne savait pas renoncer.

C'est ainsi que l'hiver de l'an 31 à l'an 30 vint interrompre la navigation, sans que la guerre entre l'Égypte et Rome fût commencée. Marcus Licinius Crassus, le fils du triumvir, était l'un des consuls désignés pour. cette année-là Les grandes fêtes, comme à l'ordinaire ; recommencèrent à Alexandrie ; Cléopâtre et la cour cherchaient ainsi à tranquilliser le peuple[12]. Mais le découragement était profond ; les efforts fébriles de Cléopâtre ne faisaient que l'augmenter et son activité incohérente rendait la confusion plus grande. On en avait la preuve jusque dans les fantaisies lugubres de la jeunesse frivole de la cour, qui, comme si elle avait eu au milieu de ces fêtes le pressentiment de la chute prochaine, avait quitté le nom de Société des Inimitables pour celui des Associés de la mort[13]. Antoine lui-même avait des accès de zèle et d'activité où il s'occupait de fêtes et de préparatifs militaires, puis des périodes d'affaissement et de paresse pendant lesquelles il s'enfermait dans des endroits solitaires et ne s'occupait plus de rien[14].

Octave pendant ce temps continuait, entre Samos et les villes asiatiques de la côte[15], à juger les prisonniers, à régler les affaires des provinces d'Asie qu'il considérait comme étant maintenant à lui, et à préparer la guerre d'Égypte, pour donner satisfaction à l'Italie. Il accorda son pardon à Caïus Sossius, grâce à Lucius Arruntius qui intercéda pour lui[16]. Amyntas et Archélaüs reçurent la récompense qu'ils avaient méritée pour être passés à temps du côté du vainqueur ; mais les autres petits princes qui avaient soutenu Antoine furent tous dépossédés[17]. L'Italie les considérait comme coupables de lèse-majesté vis-à-vis de Rome, et il fallait qu'ils fussent punis. Mais, tandis qu'Octave prenait ces mesures, arriva en Asie, vers le 1er janvier de l'an 30, un petit vaisseau qui avait osé traverser la mer, pendant ces mois d'hiver où les marins avaient coutume de rester tous au foyer domestique, dans leurs petites maisons des villes maritimes. Quel besoin urgent poussait ainsi ce vaisseau à travers la mer déserte et tempétueuse ? Il apportait des lettres d'Agrippa et de Mécène qui avertissaient Octave que les soldats congédiés sans récompense emplissaient l'Italie de troubles, et menaçaient des plus graves désordres, s'ils n'étaient pas traités comme leurs compagnons d'armes qui avaient été libérés avant eux ; Agrippa n'était pas parvenu à les calmer, il était donc nécessaire qu'Octave rentrât lui-même sans retard[18]. Ce fut là assurément la dernière grande frayeur d'Octave. Le danger était très grand : si Antoine apprenait cette nouvelle, il reprendrait courage, il enverrait en Italie des agents pour enrôler les vétérans désespérés. Antoine et Cléopâtre disposaient du trésor des Lagides, dernière ressource, mais formidable en face d'une armée mutinée à cause de la solde non payée. Sans perdre un instant, comprenant que le moment était décisif, Octave expédia un vaisseau portant une lettre dans laquelle il ordonnait de faire venir à Brindes le plus grand nombre possible de vétérans ; et peu après il s'embarqua lui-même pour faire cette traversée d'hiver que l'on considérait alors comme un voyage des plus téméraires. II faillit en effet par deux fois faire naufrage, et il arriva vers la fin du mois de janvier[19] à Brindes, où l'attendaient un nombre infini de sénateurs, de chevaliers, de quémandeurs venus de partout pour lui rendre hommage et le déranger dans une besogne déjà suffisamment difficile[20]. Il comprit bien vite qu'il fallait céder et donner des terres et de l'argent aux vétérans ; mais comment s'y prendre puisqu'il en était complètement dépourvu ? Il ne voulait ni ne pouvait recourir à de nouvelles confiscations, maintenant qu'autour de lui tant d'anciens révolutionnaires rassasiés étaient devenus des conservateurs et des amis de l'ordre. D'ailleurs il fallait en finir avec la plus grande rapidité, pour retourner en Asie avant que les nouvelles ne se remissent à circuler avec les vaisseaux, de façon à ce que les troubles fussent déjà apaisés quand Antoine en aurait connaissance. Il promit de l'argent à tout le monde, et résolut d'acheter aux municipes de l'Italie une grande partie de leurs propriétés qui constituaient ce que nous appellerions aujourd'hui des biens communaux, et de prendre leurs terres aux villes qui n'avaient pas pris part à la conjuratio (c'étaient celles sur le territoire desquelles des colonies avaient été fondées pour des soldats d'Antoine), en donnant en échange, aux propriétaires dépossédés, des terres dans des villes à demi abandonnées et en dehors de l'Italie, telles que Dyrrachium et Philippes. Les trésors des Lagides devaient servir à tenir toutes ces promesses et à payer toutes ces terres. Toutefois, comme les soldats avaient été trop souvent leurrés par des promesses fallacieuses, il voulut les encourager à avoir patience en leur donnant un gage de ses intentions honnêtes : il distribua quelques acomptes, puisant abondamment pour cela dans sa fortune et dans celle de ses amis ; il alla même jusqu'à mettre en vente leurs terres et les siennes en Italie, sans que d'ailleurs personne se présentât pour les acheter[21].

Puis il repartit à la fin de février pour l'Asie, et pour aller plus vite, au lieu de doubler la Grèce, il traversa l'isthme de Corinthe, en faisant porter ses vaisseaux sur des chars[22]. Il réussit ainsi à être de retour en Asie peu de temps après la reprise de la navigation et assez tôt pour qu'Antoine ne pût tirer qu'un profit insignifiant des nouvelles qui lui arrivèrent toutes à la fois, ou à peu d'intervalle les unes des autres[23]. Il s'occupa aussitôt de la guerre d'Égypte, étant aussi résolu que son adversaire était incertain, se sentant cette fois appuyé et poussé droit vers son but par les vœux de l'Italie, par son désir de conquérir la faveur publique, et par la nécessité. La conquête de l'Égypte s'imposait désormais pour des raisons financières encore plus fortement que pour des raisons politiques. C'était en effet la seule façon d'empêcher la terrible faillite d'Octave et de son parti, qui aurait entraîné avec elle la faillite de la république et de la moitié de l'Italie. Octave n'avait apaisé les nouvelles révoltes des légions qu'en contractant une nouvelle dette, plus énorme que les autres, avec les villes d'Italie, dont ses agents prenaient les terres en promettant de les payer, avec les vétérans qui consentaient à rentrer chez eux les mains vides, mais en comptant formellement sur les promesses d'Octave. Et cette dette au moins il fallait la payer, le plus tôt possible, si on ne voulait pas déchaîner en Italie une véritable dissolution sociale. Dans de telles conditions, si Antoine, déjà à demi vaincu, s'obstinait à défendre Cléopâtre, l'Égypte et ses trésors contre le général qui s'approchait pour payer encore une fois avec ceux-ci les dettes de l'Italie, il était certainement perdu. Pour cette raison encore, le conseil donné par Hérode était bon. Mais les bruits qui couraient au printemps de l'an 30 devaient causer à Octave de terribles alarmes : Cléopâtre, disait-on, voulait sauver ses trésors en les faisant fuir par la mer Rouge ; elle les avait réunis, prétendait-on aussi, dans le grand tombeau qu'elle s'était fait élever près du temple d'Isis pour tout faire brûler, si Alexandrie était prise[24]. Octave avait ordonné à Cornélius Gallus de se diriger sur Cyrène et lui-même marchait sur la Syrie : mais il ne suffisait pas de vaincre, il fallait ne pas perdre le prix de la victoire, chose plus difficile peut-être que de triompher d'Antoine, qui, dans les oscillations continuelles de la cour d'Alexandrie, ne pouvait plus rien faire de vigoureux ni de cohérent. En Afrique, abandonnées à elles-mêmes, les quatre légions de Cyrène, perdant leur confiance en Antoine et ne se sentant plus commandées, se rendirent sans combattre ; et Cornélius Gallus les ayant réunies aux siennes, put marcher sur Parétonium et s'en emparer[25]. En Asie, Hérode perdant sa confiance dans la cause d'Antoine, qui s'obstinait à ne pas abandonner Cléopâtre, vint au-devant d'Octave à Rhodes, et avec de beaux discours, de grands présents en argent, l'offre de lui venir en aide et de lui fournir des vivres dans la prochaine guerre, il réussit à conserver son royaume[26]. La Syrie aussi tomba facilement au pouvoir d'Octave, car le gouverneur Didius passa à son service, et, pour faire preuve de son zèle, persuada aux Arabes de brûler la flotte que Cléopâtre faisait construire dans la mer Rouge, pour emporter ses trésors[27]. A ce moment même cependant, d'étranges pourparlers commençaient. Antoine, en apprenant qu'il avait été trahi par l'armée de Cyrène, avait voulu se tuer ; puis il avait repris courage et il avait voulu aller à Parétonium pour chercher à ramener à lui ses soldats, mais après avoir envoyé des ambassades à Octave pour lui proposer la paix et lui offrir des présents. C'était une feinte pour gagner du temps et éviter la guerre avant qu'il ne fût de retour à Alexandrie[28]. Cependant Cléopâtre aussi envoyait des ambassades du même genre, et Octave, au lieu de répondre clairement, envoyait un de ses affranchis, Thyrsius, avec la mission de faire comprendre à Cléopâtre qu'il s'était épris d'elle et qu'il serait disposé à lui abandonner l'Égypte, si elle consentait à faire périr Antoine[29]. Malgré les sentiments de colère dont on était animé contre lui en Italie, Antoine n'était pas un de ces sénateurs vulgaires comme on en donnait journellement à égorger aux soldats ; s'il avait pu disparaître, comme Pompée, et sans qu'Octave fût l'auteur de sa mort, tout eût été pour le mieux. Il est donc probable qu'Octave comptait tromper Cléopâtre, lui faire tuer Antoine, et trouver intacts à Alexandrie les trésors de l'Égypte ; alors il pourrait se poser en vengeur d'Antoine et faire mettre à mort Cléopâtre, à cause de son crime. Aussi bientôt ce fut entre Octave, Antoine et Cléopâtre une lutte de ruses et de mensonges pour se tromper et se trahir mutuellement ; tandis qu'Antoine combattait à Parétonium où, au lieu de gagner à lui les soldats, il perdait même une partie de ses vaisseaux, Cléopâtre prêtait l'oreille aux mensonges perfides d'Octave : en voyant son empire s'écrouler, elle se prenait à espérer qu'elle pourrait du moins conserver l'Égypte, en trahissant Antoine, et en se donnant à Octave. A son retour de Parétonium de nombreux indices firent soupçonner à Antoine le changement qui s'était produit chez Cléopâtre, mais elle fut d'abord assez habile pour endormir les appréhensions du nef Romain. Un événement très grave vint quelque temps après réveiller ses soupçons : arrivé à Péluse, Octave s'emparait de la ville presque sans combattre. De nouveau Antoine se demanda si Cléopâtre n'avait pas donné l'ordre de livrer Péluse sans combattre. Mais une fois encore Cléopâtre sut le tranquilliser[30] ; et, comme Octave approchait, elle fit mine de l'aider, par des édits très belliqueux, à organiser la défense d'Alexandrie. Ce fut le dernier effort. L'histoire et les épisodes de la défense d'Alexandrie ont été racontés d'une façon si confuse par les historiens de l'antiquité, qu'il est impossible de savoir ce qui s'est passé : une seule chose est certaine, c'est que le 1cr ace une grande bataille devait avoir lieu auprès d'Alexandrie ; qu'au dernier moment les troupes et la flotte d'Antoine le trahirent, obéissant, à ce qu'il semble, à des ordres secrets de Cléopâtre ; que la reine, redoutant la colère de l'homme qu'elle avait trahi, se réfugia dans son tombeau ; et qu'enfin Antoine, considérant sa cause comme perdue, se donna la mort, Le même jour, Octave entrait à Alexandrie, accompagné de son maître, l'Alexandrin Didymus Aréus[31]. La victoire fut encore suivie d'un massacre, le dernier heureusement de cette sanglante histoire. Octave fit tuer Césarion, Antyllus, le fils aîné d'Antoine et de Fulvie, qui avait déjà connu les honneurs royaux ; il fit tuer Canidius, qui connaissait le secret de la victoire d'Actium, Cassius Parmensis, le dernier des conjurés qui fût encore vivant, et Q. Ovinius, le sénateur qui avait accepté la charge de directeur des manufactures royales de tissus à Alexandrie[32].

Ainsi mourut le dernier et le plus célèbre des généraux de César. La postérité, toujours sans pitié pour les vaincus, l'a jugé trop sévèrement. Malgré ses nombreux défauts, malgré les graves erreurs qu'il a commises, Marc Antoine a le droit d'être considéré comme le véritable continuateur et héritier de César. Il connut les dernières pensées du dictateur ; il eut en sa possession ses papiers les plus importants, et il essaya de réaliser les projets qu'il avait conçus vers la fin de sa vie, en poussant Rome vers l'Orient et la civilisation asiatique et en cherchant à employer les forces de l'Italie à la fondation d'une grande monarchie, semblable à celles des successeurs d'Alexandre. Il n'est pas douteux qu'avec son tempérament inégal et sensuel, son esprit puissant mais inconséquent, et cette incohérence qui rendait stériles tous ses actes, il ait en partie gâté le programme de César. Mais puisque la tentative orientale et monarchique échoua deux fois, aussi bien avec César qu'avec Antoine, il serait au moins téméraire de dire que ce fut là le résultat d'un simple accident. Si Antoine n'était pas un homme d'une intelligence aussi vaste que César, il eut aussi à vaincre des obstacles moins grands ; il n'avait plus en face de lui une aristocratie républicaine puissante, mais un monde politique obscur, sans autorité, facile à mener, incapable de se sacrifier pour l'idée républicaine comme l'avaient fait les plus grandes familles romaines, depuis les ides de mars jusqu'à la bataille de Philippes. Et cependant la crainte d'une domination égyptienne, exploitée par Octave, avait effrayé l'Italie au point qu'à Actium l'adversaire d'Antoine triompha de lui presque sans combattre. L'échec de César et d'Antoine n'est donc pas imputable seulement aux fautes, aux aventures, aux faiblesses des hommes qui tentèrent cette révolution, mais aussi à ce que cette tentative n'était pas mûre, et à ce que la force d'un homme, si grand qu'il fût, ne pouvait avoir raison en quelques années de toutes les résistances qui s'opposaient à la réalisation de ce plan. Le désastre de la politique d'Antoine entraîna la chute de l'Égypte. De son refuge, Cléopâtre chercha d'abord à obtenir de meilleures conditions en menaçant de brûler ses trésors. Octave réussit à la faire rentrer dans le palais royal en lui ôtant tous les moyens d'attenter à sa vie ; il la fit garder comme en prison et il l'amusa avec des propos ambigus dans le dessein de l'embarquer à l'improviste et de la conduire à Rome pour son triomphe. Mais Cléopâtre se défiait, et si elle consentit à vivre tant qu'elle eut l'espoir de sauver quelque chose de sa puissance, elle eut le courage de se donner la mort, quand elle fut persuadée que le vainqueur la destinait à son triomphe. On la trouva un jour sur son lit, parée de son plus somptueux costume royal ; endormie pour toujours, entre un esclave déjà mort et un autre qui agonisait. On n'a jamais su comment elle s'était tuée. On raconta qu'elle s'était fait mordre au bras par de petits serpents venimeux qui lui avaient été envoyés dans un panier de fruits, et ce fut la version la plus accréditée[33].

Avec elle s'en allait le dernier reste de l'empire d'Alexandre, l'antique et glorieux royaume des Ptoléméen. Après Pergame, après Antioche, Alexandrie tombait. La politique mondiale romaine, commencée à la fin de la seconde guerre punique, venait de remporter son dernier grand triomphe : au bout de cent soixante-dix ans, la perle égyptienne était enchâssée dans la bague méditerranéenne. Le pays ne fut pas traité durement ; le vainqueur s'appliqua au contraire à ménager l'orgueil national et il tint compte de la tradition dynastique séculaire à laquelle le peuple était encore si attaché ; ta terre des Pharaons ne fut pas réduite en province romaine. Imitant, mais dans une mesure plus raisonnable, la politique d'Antoine, tandis qu'il annonçait à Rome qu'il avait conquis l'Égypte pour elle, Octave feignit d'être lui-même le nouveau roi d'Égypte et le successeur de la dynastie éteinte ; pour gouverner le pays il nomma, non pas un propréteur, ni un proconsul, mais un præfectus, qui devait être son représentant et ressembler bien davantage à un gouverneur asiatique qu'à un proconsul romain[34]. Le premier fut Cnéus Cornélius Gallus, le grand ami de Virgile. Mais tous les citoyens durent payer un impôt du sixième de leurs biens, et d'autres sommes furent extorquées aux riches sous différents prétextes ; l'immense trésor des Lagides, la collection merveilleuse d'objets d'or et d'argent finement travaillés et ciselés ; tout le musée composé en deux siècles par les innombrables Cellini de l'Orient fut jeté brutalement dans les fourneaux pour tout fondre et tout transformer en monnaie[35]. Ce fut sur ces trésors des Ptolémées que les officiers reçurent aussitôt en récompense des sommes considérables, que les soldats furent enfin payés, que de grandes fortunes furent faites en peu de jours dans l'entourage d'Auguste[36].

Nunc est bibendum, nunc pede libere

Pulsanda tellus...

chantait joyeusement Horace, tout à fait converti maintenant et si plein d'admiration pour Octave, que, pour la gloire du vainqueur, il consentait à mettre en vers l'absurde légende de Cléopâtre et à montrer la reine qui

Capitolio

..... dementes ruinas

Funus et imperio parabat

Contaminato cum grege turpium

Morbo virorum...

La bataille d'Actium, si elle n'avait pas eu à sauver Rome et sa puissance, avait du moins sauvé sa petite villa de la Sabine où il pourra désormais écrire en paix ses odes et ses épîtres. Sans qu'elle eût jamais été

menacée véritablement des chaînes égyptiennes, l'Italie

échappait à la faillite. Aussi on vit fondre tout un

déluge d'honneurs sur la tête de l'heureux vainqueur : le jour anniversaire de sa naissance et celui de la prise d'Alexandrie furent déclarés jours de fête ; on lui décréta un second triomphe ; on approuva avec serment tous les actes accomplis par lui jusqu'à cette époque ; on lui accorda le droit de juger toutes les causes en appel et de trancher par son vote celles où les suffrages se balanceraient ; on lui donna d'autres privilèges de tribuns, sans que nous sachions au juste lesquels ; on décida enfin que les trente-cinq tribus lui offriraient chacune mille livres d'or[37]. Un zèle étrange animait l'Italie ; on oubliait tout le passé d'Octave et le fils de César était l'objet d'une admiration universelle ; la victoire l'avait prodigieusement grandi, comme elle avait grandi Sylla et César, dans cette république aristocratique, vieillie et dégénérée par l'esprit mercantile et la politique démocratique. Qui donc eût osé maintenant faire de l'opposition à l'homme qui était à la tète de toutes les armées et qui disposait des trésors de Cléopâtre ? Cette popularité et cette puissance permettaient à Octave de faire tout ce qu'il voulait, et il en profita pour devenir l'homme le plus riche du monde en prenant hardiment pour lui et pour ses amis la fortune privée des rois d'Égypte, qui se composait d'un nombre infini de champs cultivés, de plantations de palmiers, d'eaux poissonneuses, de mines et des revenus de certaines taxes sur les cérémonies religieuses. Le neveu de l'usurier de Velletri s'empara, comme successeur des Lagides, de leur immense fortune ; il en distribua une partie à ses amis, donna par exemple une grande propriété à Mécène ; et, pour la partie qu'il garda pour lui, il maintint en Égypte l'administrateur royal des domaines, l'Idiologos ; il en fit l'administrateur des biens qui désormais lui appartenaient, le plaçant auprès du gouverneur et le chargeant de lui envoyer tous les ans à Rome les loyers des champs, des maisons, des mines, l'argent des taxes religieuses qui dans les derniers temps de la monarchie égyptienne, malgré le désordre et la décadence de l'Égypte, s'élevaient encore à six mille talents, c'est-à-dire à environ vingt-cinq millions de francs[38]. Après avoir pillé le trésor des Lagides, la bande des aventuriers romains se rua sur les biens de la couronne, et de nouvelles fortunes furent faites du jour au lendemain. Puis Octave revint par le même chemin qu'il avait suivi en venant, donnant partout des ordres, prenant des mesures, recevant des hommages, agissant enfin en vrai souverain de l'empire. Il donna à Artaxerxés, qui était déjà roi de la Médie Atropatène, la petite Arménie ; à Hérode la Samarie, c'est-à-dire la côte de Syrie depuis les confins de l'Égypte jusqu'à Tyr ; il reconnut Cléon prince de Cumana dans le Pont ; il accueillit amicalement Tiridates qui réclamait le trône des Parthes, voulant ainsi montrer à l'Italie qu'il se proposait de mener à bien l'entreprise dans laquelle Antoine avait échoué[39]. Il fit en outre replacer dans les temples d'Orient beaucoup de statues qui avaient été enlevées par Antoine et par Cléopâtre[40], et, comme certaines villes, telles que Nicomédie et Pergame, demandaient l'autorisation de lui élever des temples comme à leurs anciens souverains, il consentit, à condition que les temples fussent dédiés à la fois à nome et à lui[41].

Octave termina ainsi l'an 30 et commença l'an 29 en Orient. Au printemps, finalement, il revint en Italie où, vers la fin de l'an 30, le fils de Lépide avait tenté de provoquer une révolte. Mécène n'avait pas eu de peine à la réprimer[42]. L'Italie avait maintenant une admiration trop ardente pour l'homme qui revenait à la tête de tant de vaisseaux chargés d'or, accompagné par le brillant cortège des officiers et des généraux qui, partis pauvres, rapportaient d'Égypte les riches dépouilles des Ptolémées. On lui décrétait à tout moment de nouveaux honneurs : son nom allait figurer dans le carmen saliare ; les prêtresses prieraient pour lui dans les prières publiques ; dans tous les banquets publics et privés on ferait des libations en son honneur[43]. Et il arriva enfin en Italie, accueilli avec un immense enthousiasme ; il s'arrêta quelque temps, pour soigner une laryngite qu'il avait sans doute contractée pendant la guerre, à Atella où Virgile vint à sa rencontre et pendant quatre jours lui lut les Géorgiques qui étaient terminées[44], lui manifestant aussi son désir de rappeler ses hauts faits dans un poème[45]. Les triomphes consécutifs qui furent enfin célébrés les 43, 14 et 15 août de l'an 29[46] furent très solennels, et merveilleuses furent les fêtes que l'on donna dans la seconde moitié du mois d'août pour l'inauguration des monuments qui symbolisaient la victoire définitive de César au milieu de tant de guerres civiles, le temple du Divus Julius inauguré le 18 août[47], puis la Curia Julia, avec le sanctuaire de Minerve et l'Ara Victoriæ dans la Curia Julia[48]. Toute l'Italie était dans la joie et l'éblouissement ; cet heureux et dernier survivant de tant d'hommes illustres qui avaient lutté pour dominer le monde romain, semblait avoir acquis définitivement l'héritage d'Alexandre et de Rome. C'est à sa grandeur démesurée et à l'élévation de ses quelques amis que semblait aboutir l'effort des deux siècles de guerres et de conquêtes dans le monde immense, dévasté, affligé, découragé.

 

 

 



[1] PLUTARQUE, Antoine, 67.

[2] DION, L, 13 : ΰστερον... c'est-à-dire après la bataille d'Actium, puisqu'on voit dans PLUTARQUE, Antoine, 67, que, quelques jours après la bataille, Corinthe était encore au pouvoir d'Antoine.

[3] Voy. des inscriptions qui sont probablement de cette époque : C. I. G. (Bœck) 1069 ; 2282 ; 2283. C. I. L., III, 7255. C. I. G. (Gr. SEPT.) I, 63 ; 1863.

[4] L'éloge de VELLEIUS, II, 86 : Victoria clementissima est un peu exagéré. DION, LI, 2, nous dit qu'il y eut de nombreuses condamnations. Le passage du MON. ANC., I, 14 (Lat.), où il est fait allusion à ces jugements, est mutilé.

[5] DION, LI, 2.

[6] DION, LI, 1.

[7] PLUTARQUE, Antoine, 71.

[8] DION, LI, 3.

[9] DION, LI, 19. Il énumère dans ce chapitre tous les honneurs qui furent décrétés pendant les deux années qui suivirent la bataille d'Actium. Il me parait probable, par le caractère même des honneurs, que ceux qu'il énumère comme décrétés avant la mort d'Antoine le furent, tous ou presque tous, à la nouvelle de la bataille.

[10] JOSÈPHE, Antiquités judaïques, XV, VI, 6.

[11] DION, LI, 5-6 : PLUTARQUE, Antoine, 69.

[12] PLUTARQUE, Antoine, 71.

[13] PLUTARQUE, Antoine, 71.

[14] PLUTARQUE, Antoine, 69.

[15] DION, LI, 4 ; SUÉTONE, Auguste, 17.

[16] VELLEIUS, II, 86.

[17] DION, LI, 2.

[18] SUÉTONE, Auguste, 17 ; PLUTARQUE, Antoine, 73 ; DION, LI, 4.

[19] DION, LI, 5, nous dit qu'Antoine fut informé à la fois du voyage d'Octave en Italie, et de son retour, et cela veut dire qu'Octave fut de retour peu de temps après la reprise de la navigation, qui avait lieu le 5 mars. Comme Octave resta un mois en Italie, il dut arriver à Brindes vers la fin de janvier.

[20] DION, LI, 4.

[21] DION, LI, 4.

[22] DION, LI, 5.

[23] DION, LI, 5.

[24] DION, LI, 6 ; PLUTARQUE, Antoine, 69.

[25] DION, LI, 9 ; OROSE, VI, XIX, 15 ; PLUTARQUE, Antoine, 69. Plutarque se trompe de date, car ce fait eut lieu certainement en l'an 30, comme on peut le voir dans Dion et dans Orose.

[26] JOSÈPHE, Antiquités judaïques, XV, VI, 6 et suiv.

[27] DION, LI, 7.

[28] DION, LI, 8 ; PLUTARQUE, Antoine, 72. Les textes au sujet de ces ambassades sont très confus. Selon Plutarque elles auraient eu lieu pendant l'automne de l'an 31, mais la chose n'est guère vraisemblable.

[29] PLUTARQUE, Antoine, 73 ; DION, LI, 8.

[30] PLUTARQUE, Antoine, 74.

[31] OROSE, VI, XIX, 16 ; DION, LI, 10 ; PLUTARQUE, Antoine, 75-80.

[32] OROSE, VI, XIX, 20 ; PLUTARQUE, Antoine, 81.

[33] OROSE, VI, XIX, 18 ; DION, LI, 11-14 ; PLUTARQUE, Antoine, 82-86. — Les lecteurs qui désireraient connaître dans tous les détails l'histoire des derniers jours d'Antoine et de Cléopâtre peuvent lire la narration superbe de M. BOUCHÉ-LECLERCQ, Histoire des Lagides, II, p. 315-314. Ces pages sont un chef-d'œuvre de critique et de narration historique.

[34] Voy. MON. ANC., V, 24 (lat.) où Auguste dit qu'il aurait pu Armeniam majorem facere provinciam... mais ajoute au contraire : Ægyptum imperio populi romani adjeci.

[35] SUÉTONE, Auguste, 71.

[36] DION, LI, 17.

[37] DION, LI, 19 ; MON. ANC., IV, 25 et suiv.

[38] STRABON, XVII, I, 42 (797). Voy. sur cette question ROSTOWZEW, Philol., vol. LVII et suiv., 964 et suiv.

[39] DION, LI, 18 ; MON. ANC., V, 54.

[40] MON. ANC., IV, 49.

[41] DION, LI, 20.

[42] VELLEIUS, II, 83.

[43] MON. ANC., II, 21.

[44] DONATUS, p. 61, R.

[45] VIRGILE, Géorgiques, III, 46.

[46] DION, LI, 21 ; LIVE, Ép. 133 ; SUÉTONE, Auguste, 22. Les dates de ces trois journées sont tirées d'un rapprochement fait entre ce que disent ces histoires et les indications données par les Tabulæ barberinianæ (C. I. L., I, p. 478) et les Fasti Antiatini (C. I. L., X, 6638).

[47] C. I. L., I, p. 399 ; DION, LI, 22.

[48] DION, LI, 22.