GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME III. — LA FIN D'UNE ARISTOCRATIE

CHAPITRE IX. — « LES PHILIPPIQUES ».

 

 

Le lendemain, quand on apprit la nouvelle du départ d'Antoine, la première impression parmi les sénateurs, les chevaliers et les riches plébéiens de Rome fut une impression d'épouvante. On avait eu depuis 49, en cinq années, cinq guerres civiles : la sixième allait-elle commencer ? On annonçait déjà en effet, que Decimus Brutus avait recruté quatre nouvelles légions et qu'il se trouvait ainsi avoir une armée de sept légions[1]. Voyant que les événements se précipitaient, il avait probablement mené très vite le recrutement qu'il avait commencé. Ainsi beaucoup de citoyens influents se rendirent à Tibur, pour essayer une conciliation[2]. Et tout d'abord il sembla qu'Antoine, que la guerre civile épouvantait autant que les conservateurs, se déciderait à revenir à Rome. Malheureusement Lucius intervint, cette fois aussi, et employant, dit-on, les menaces[3], réussit à l'en détourner. Dans les premiers jours de décembre, Antoine se dirigea vers la Gaule cisalpine ; avec deux légions, la cohorte prétorienne, la cavalerie, les vétérans qui quittèrent presque tous Rome pour le suivre. Il emportait aussi ce qu'il avait trouvé encore dans le trésor public.

En même temps que les vétérans, un grand nombre de césariens venaient rejoindre Antoine qui, depuis la trahison maintenant manifeste d'Octave, était le seul chef du parti. Il y avait parmi eux Décidius Sacsa, T. Munatius Plancus, Censorinus, Trémellius et Volumnius, qu'Antoine voulait faire le chef du génie. Plusieurs d'entre eux voyageaient avec de l'argent emprunté à Atticus[4], qui prêtait aux deux partis et, tout en venant en aide aux conservateurs, ne négligeait pas de payer cette prime d'assurance contre la révolution. Aussi le parti césarien qui, au mois d'avril, avait chassé les conservateurs de Rome était maintenant contraint par un retour inattendu de la fortune à évoquer en toute hâte la métropole, ce qui signifiait abandonner la direction du gouvernement légal, tandis que les conservateurs pouvaient rentrer librement et s'emparer du pouvoir. Les parents de Pompée et des conjurés, ce qui restait de conservateurs intransigeants, comprirent aussitôt que c'était là une occasion unique pour détruire le parti césarien, et délivrer la république de leurs plus dangereux ennemis. Par malheur, Brutus, Cassius et les conjurés les plus influents étaient partis trop tôt ; et l'inepte majorité du sénat, abandonnée à elle-même, était plutôt portée à l'indulgence et disposée à pardonner toutes les illégalités commises par Antoine. Le commandement de Decimus serait à son terme dans quelques jours ; Antoine, pensaient-ils, pourrait bien gouverner la Gaule pendant cinq ans sans que le monde s'écroulât pour cela. Ne valait-il pas mieux céder[5] ? D'ailleurs, même parmi les ennemis d'Antoine, personne n'osait prendre au sénat l'initiative de la guerre. C'est ainsi qu'au commencement de décembre la république se trouvait abandonnée par tous et dans un désordre indescriptible. Il n'y avait plus de consuls, il manquait plusieurs préteurs, et bientôt tous les magistrats seraient au terme de leurs fonctions ; c'était un bon prétexte pour tout différer et attendre au 10 décembre, le jour où les nouveaux tribuns devaient entrer en charge ; attendre devenait le mot de ralliement de tous les timides, qui étaient la majorité. En attendant on aurait l'avantage de voir à quoi Decimus Brutus se décidait, s'il voulait céder ou résister. Le fait était important, car beaucoup de choses dépendaient de Decimus. Dans la correspondance privée on l'engageait beaucoup à résister, on partait même pour aller le retrouver ; mais personne n'osait proposer de convoquer le sénat et de l'autoriser légalement à faire la guerre à Antoine ; bien des gens au contraire espéraient encore qu'il allait céder. Un seul homme s'employait activement pour les conservateurs et pour les meurtriers de César, et c'était le fils de César, Octave, qui, très content d'avoir échappé miraculeusement au danger, était allé bien vite se mettre à l'abri à Albe, auprès des deux légions rebelles. Si Octave avait été abandonné par presque tout le parti de César, le petit groupe des conservateurs intransigeants continuait au contraire à l'encourager, à le flatter, à le traiter de héros ; et cette sympathie du parti aristocratique avait fait concevoir à l'ambitieux jeune homme le projet de profiter de ce désordre pour acquérir une autorité officielle, en faisant à tout prix éclater la guerre. Il envoyait des messages à Decimus pour lui offrir son aide et son alliance s'il voulait résister au consul[6] ; il flattait les soldats et se faisait offrir par les légions les insignes de propréteur qu'il refusait avec une feinte modestie[7] ; il engageait des pourparlers par l'intermédiaire de ses amis et de ses parents avec les nobles les plus hostiles à Antoine et avec les parents des conjurés ; il leur offrait de préparer une armée pour venir au secours de Decimus, de former une légion de nouvelles recrues, d'aller avec les deux légions à Arezzo, auprès des vétérans de son père, et de reformer là la septième et la huitième légion de César si on lui conférait l'autorité légale nécessaire. A tant de zèle cependant ceux des conservateurs que la haine d'Antoine n'aveuglait pas ne répondaient qu'avec froideur. La révolte des deux légions avait accru en eux, au lieu de l'éteindre, la défiance et l'aversion pour le fils de César. Il y avait en outre une difficulté d'ordre plus général ; pour engager la lutte à fond contre Antoine, qu'Octave désirait, il manquait un chef d'une valeur reconnue, qui pût en prendre la direction. On fit des démarches auprès de Cicéron, mais il hésitait et en revenait toujours à son idée de ne pas se présenter au sénat avant le premier janvier[8]. Cependant le départ des vétérans faisait qu'on respirait plus à l'aise ; beaucoup de conservateurs reprenaient courage et commençaient à s'entendre, à se concerter ; Cicéron, qui n'avait pas oublié l'affront que lui avait fait Antoine le premier septembre, éprouvait, de nouveau, après ses longues contemplations philosophiques, un certain besoin d'agir. Sur ces entrefaites il arriva à Rome un certain Lupus, envoyé par Decimus pour interroger les hommes les plus compétents sur ce qu'ils conseillaient de faire. Un conciliabule auquel prirent aussi part Servius Sulpicius et Scribonius Libon, le beau-père de Pompée, se tint dans la maison même de Cicéron, qui était certainement déjà au courant des propositions d'Octave. On décida de conseiller à Decimus d'agir de lui-même, sans attendre les ordres du sénat[9]. Un certain M. Séius partit aussitôt pour porter cette réponse. Malgré cela, dans les premiers jours de décembre, la situation continuait à être incertaine ; Cicéron doutait encore bien fort que Decimus osât assumer cette responsabilité à laquelle tout le monde à Rome cherchait à se soustraire, si bien qu'il ne tarda pas à lui écrire qu'il ne fallait pas considérer comme une folie les recrutements d'Octave et la révolte des deux légions, qui était approuvée par tous les bons citoyens[10].

Enfin, le 10 décembre, les nouveaux tribuns du peuple entrèrent en fonctions ; et vers le même moment Caïus Antonius partit avec la bruyante cohorte de ses amis pour la Macédoine, décidé à accomplir rapidement son voyage. Mais les nouveaux tribuns, à leur tour, laissèrent passer plusieurs jours sans rien faire ; ils finirent par se décider à convoquer le sénat pour le 20 décembre, pour s'occuper non pas d'Antoine ou de Decimus, mais des mesures à prendre pour que les nouveaux consuls pussent entrer en charge sans danger[11], comme si les vétérans encombraient encore Rome. On avait beaucoup de peine à se persuader qu'ils étaient partis véritablement. Mais ce même jour — le 14 ou 15 probablement, — on apprit à Rome que Decimus avait publié un édit pour déclarer qu'il ne reconnaissait pas Antoine comme gouverneur de la Gaule et qu'il maintiendrait la province au pouvoir du sénat[12]. Decimus voulait donc la guerre. Cette nouvelle causa à Rome une grosse émotion. Cicéron surtout en fut extraordinairement agité. Allait-il persister dans son intention de ne pas remettre les pieds au sénat avant le 1er janvier, ou irait-il à la séance du 20 ? Les amis et les parents d'Octave insistaient auprès de lui vivement ; la discussion ne pouvait manquer de dépasser le mesquin ordre du jour des tribuns et de s'étendre à l'édit de Decimus. Et alors Cicéron laisserait-il échapper l'occasion d'accomplir un grand exploit, plus glorieux encore que la répression de Catilina, en détruisant le parti de César et en restaurant définitivement la république ? Ce qu'il y avait de plus noble dans son ambition, le sentiment de ses devoirs envers la patrie, l'amour idéal pour la liberté républicaine, sa haine pour Antoine, son affection pour tant d'amis qui avaient péri dans la guerre civile ou qui étaient en danger, le poussaient à agir. Mais les difficultés étaient innombrables, les dangers très grands... Comme s'il eût eu le pressentiment que la résolution qu'il allait prendre était pour lui une question de vie ou de mort, Cicéron retombait dans sa timidité naturelle. Il est probable aussi que les sollicitations des agents, des amis, des parents d'Octave augmentaient son indécision. Si les propositions d'alliance faites par le jeune homme à Decimus avaient mieux disposé envers lui les plus méfiants[13], s'il paraissait imprudent de rejeter à la légère, quand la guerre était si probable, l'appui de cinq légions, c'était aussi un grave parti à prendre que de donner l'autorité d'un magistrat à un jeune homme de vingt ans, qui portait le nom de César. Tiraillé par des inquiétudes diverses, Cicéron ne put arriver à prendre une résolution avant le 19. Il fallait pourtant ce jour-là se décider pour une chose ou pour une autre. Et cependant, le soir du 19, il était encore hésitant ; le matin du 20, quand il se leva, il ne savait pas encore s'il irait ou non à la séance[14]. C'était l'heure décisive de sa vie, l'heure de l'audace suprême, du dernier sacrifice, de la gloire définitive. Et ce matin-là il prit enfin la résolution décisive : à soixante-deux ans, bien que plus habile à manier la plume que l'épée, le premier dans ce monde politique qui depuis huit mois tergiversait, il se lança dans le gouffre obscur et immense qui barrait le chemin de sa génération, avec une audace que sa nature timide rend encore plus belle et que l'Ln peut qualifier d'héroïque, si l'on considère combien les circonstances étaient incertaines et terribles. Il se rendit au sénat[15], où cependant Hirtius et Pansa ne se montrèrent pas[16], et il y prononça la troisième philippique, discours modéré, dont le but était de tâter le terrain peu sûr du sénat, en proposant que l'on décrétât des éloges à Decimus Brutus pour son édit, à Octave pour ses enrôlements, aux deux légions révoltées pour leur rébellion. Il proposait également que Pansa et Hirtius fussent chargés de désigner, le janvier, les prix à accorder à ceux qui avaient bien mérité de la république, depuis les chefs jusqu'aux soldats, avant toute autre affaire ; et enfin il proposait que l'on annulât la répartition des provinces qui avait été faite le 20 novembre par Antoine, et que tous les gouverneurs restassent en charge jusqu'à ce que le sénat en eût envoyé de nouveaux[17]. Le discours était habile, car il n'envisageait pas directement l'alternative de la paix ou de la guerre : Varius Cotila y répondit seul, mais faiblement, et la majorité, ne craignant plus de trop se compromettre, approuva toutes les propositions[18]. Le même jour Cicéron répéta au peuple les mêmes choses et prononça la quatrième philippique.

Cependant les premières nouvelles de la guerre arrivaient, s'il n'est pas trop tôt pour donner le nom de guerre à une lutte où les deux adversaires cherchaient mutuellement à s'éviter. Antoine et Brutus avaient commencé à échanger des lettres dans lesquelles ils s'engageaient très poliment, l'un et l'autre et pour leur bien, à céder. Brutus avait été invité par Antoine, en vertu de la lex de permutatione provinciarum, à sortir de la Cisalpine ; Antoine avait été prié par Brutus, au nom du sénat, de respecter la province. Ensuite, Antoine avait établi son quartier général et la plus grande partie de son armée à Bologne ; et il avait laissé Decimus Brutus conduire son armée à Modène et tout y disposer comme pour un long siège[19]. Ni l'un ni l'autre n'avaient hâte d'engager les hostilités. Decimus ne se sentait pas de force pour affronter les légions aguerries d'Antoine avec son armée recrutée tant bien que mal ; son intention était donc de tirer les choses en longueur, pour donner le temps à ses amis de Rome de lui envoyer du renfort. De son côté, Antoine, qui aurait peut-être pu surprendre et écraser Decimus[20], voulait d'abord réparer les pertes que lui causait la révolte des légions, en se faisant une armée nombreuse qui lui serait utile, soit que la guerre civile éclatât, soit que l'on arrivât à un arrangement. Il envoya encore, dans la dernière décade de décembre, quelques troupes pour cerner Modène et y faire un semblant de siège[21] ; puis, tandis qu'il restait lui-même à Bologne pour y attendre le printemps, il envoya Lucius Pison en Macédoine pour y prendre la légion qui y était restée, et Ventidius Bassus avec beaucoup d'argent dans l'Italie méridionale, pour recruter les vétérans de la septième et de la huitième légions de César, qui avaient abandonné Octave, et ceux de la neuvième. Ceci fait, au lieu de chercher à prendre immédiatement Modène, il s'appliqua à ne pas laisser Rome entièrement au pouvoir de ses ennemis. Tout espoir d'atteindre son but, non pas par une guerre, mais par des intrigues politiques, n'était pas perdu. Les choses étaient allées de telle façon qu'Antoine seul représentait désormais les traditions et les intérêts du parti césarien, auquel une restauration aristocratique pouvait être fatale, s'il était vaincu. Le parti qu'il avait réorganisé en juin et en juillet était donc intéressé à empêcher sa chute. Fufius Calénus lui-même, bien que dans les mois précédents, à diverses reprises, il eût penché du côté des ennemis d'Antoine, se rangeait maintenant de son côté, s'étant peut-être laissé gagner aussi par des arguments plus solides. Il avait donné l'hospitalité chez lui à Fulvie[22], et il se préparait à se mettre au sénat à la tête des anciens césariens et de tous ceux qu'Antoine avait nommés sénateurs ou favorisés d'une autre façon pour traîner les choses en longueur, pour empêcher l'envoi des renforts, pour donner à Antoine le temps d'intriguer auprès de Lépide, de Plancus et de Pollion, et d'attendre les événements. Antoine avait tout à gagner à cette adresse... Mais ses ennemis, au contraire, avaient intérêt à l'écraser sans retard. C'est pourquoi, à Rome, les premières nouvelles de la guerre furent grossies par les conservateurs intransigeants, par les parents des conjurés, par les amis d'Octave, déjà encouragés par la séance du 20 décembre. On prétendit que Decimus était déjà enfermé dans un cercle de fer ; on épouvanta par ces exagérations le public ; un grand revirement en faveur d'Octave se fit dans l'opinion du plus grand nombre. On assura que Rome aurait été pillée par Antoine, si Octave n'avait pas détourné les légions ; l'on commença à exalter Octave comme le sauveur de Rome ; si quelques jours auparavant Cicéron demandait modestement que l'on ne considérât pas ce qu'avait fait ce jeune homme comme une folie, tout le monde maintenant disait qu'il avait été d'une audace sublime[23] ; et l'alliance entre Octave et les conservateurs contre Antoine fut enfin conclue sous cette impression des premières nouvelles, très exagérées, de la guerre. Octave se chargerait de l'armée, les conservateurs de leur côté lui feraient donner par le sénat l'argent nécessaire et conférer la dignité de sénateur et de propréteur avec le privilège de pouvoir demander le consulat dix-huit ans avant le temps légal. Marcellus, Philippe, les ennemis les plus acharnés d'Antoine, amenèrent deux personnages âgés et considérés, Servius Sulpicius et Publius Servilius, à proposer que ces honneurs fussent décernés à Octave[24], et ils amenèrent également Cicéron à prononcer un grand discours pour soutenir cette proposition.

Le 1er janvier de l'année 43, à la première séance du sénat, quand furent terminés les discours des nouveaux consuls Hirtius et Pansa, Fufius Calénus se leva le premier pour parler ; il chercha avec beaucoup de modération à diminuer la gravité des événements, il assura qu'Antoine ne voulait pas la guerre, et il proposa enfin de lui envoyer des ambassadeurs pour traiter de la paix[25]. Servius Sulpicius et Publius Servilius parlèrent ensuite ; ils proposèrent que l'on donnât à Octave la dignité de propréteur et le commandement de l'armée avec laquelle il avait empêché les massacres que méditait Antoine, qu'il fût considéré comme sénateur du grade de préteur, qu'il pût briguer les magistratures comme s'il avait déjà exercé la questure. Puis Cicéron se leva. Il arrive parfois dans les révolutions que des hommes de plume timides, hésitants, indolents même, deviennent pendant quelque temps enflammés par la passion, habiles, impétueux, infatigables comme des héros. Ce changement s'était produit chez Cicéron, pendant les onze jours qui avaient suivi la dernière séance du sénat. Oubliant ses mauvais présages, rejetant toute crainte et toute hésitation, l'auteur du De republica, le philosophe doctrinaire, avait compris que pour défendre la cause conservatrice, il fallait en venir à des moyens révolutionnaires ; et, en prononçant la cinquième philippique, il attaqua furieusement Antoine, il exagéra démesurément toutes ses fautes, déclara qu'il ne s'agissait pas de faire la guerre au parti de César, mais à une bande de brigands ; il reprit lui-même les propositions de Servius et de Servilius et il en ajouta de nouvelles. Il demanda que l'on ordonnât des levées, que l'on proclamât le tumultus et l'état de siège, que l'on décrétât d'élever une statue d'or à Lépide pour le récompenser de ses sentiments républicains ; qu'Egnatuléius pût briguer les magistratures trois ans avant le temps légal[26], que l'on payât aux soldats les sommes promises par Octave et qu'on leur promît d'autres récompenses en terres, en argent et en privilèges. Après ce discours, la lutte commença entre les deux partis. Les amis déclarés d'Antoine n'étaient certainement pas nombreux au sénat, mais il y avait beaucoup d'hommes éminents, comme Pison et les deux consuls[27], qui étaient opposés à la guerre ; la proposition de Calénus était donc faite pour plaire à bien des gens. C'est pourquoi ce premier jour les amis d'Antoine parvinrent à prolonger la discussion et à faire remettre la décision au lendemain[28]. La discussion fut reprise le jour suivant ; mais pendant la nuit les conservateurs les plus avancés ayant manœuvré pour revenir en majorité à la nouvelle séance, les amis d'Antoine craignirent d'avoir le dessous, si on en venait au vote ; et par l'entremise d'un tribun ils firent reporter le vote à plus tard[29]. Cette obstruction indigna la majorité, et elle se vengea en approuvant immédiatement, avec quelques modifications toutefois, les honneurs demandés pour Octave. Celui-ci allait être admis au sénat parmi les sénateurs de rang consulaire, et non d'ordre prétorien ; il pourrait demander le consulat non pas dix-huit ans, ce qui sembla exagéré, mais dix ans avant le temps légal[30]. Les partisans d'Antoine n'osèrent pas mettre le veto à cette proposition, mais pendant la nuit ils travaillèrent pour leur ami, et allèrent jusqu'à envoyer de maison en maison la vieille mère d'Antoine et Fulvie, pour faire des démarches auprès des sénateurs hésitants[31]. Le 3 janvier, la discussion fut reprise avec une vivacité croissante. Cicéron parla de nouveau et fut applaudi bruyamment par ses amis, qui cherchaient à entraîner ainsi les gens incertains[32] ; d'autres parlèrent aussi ; mais ce jour-là non plus, nous ne savons pour quelles raisons, on ne put aboutir à une conclusion[33]. Il fut nécessaire de se réunir encore une fois le 4, et alors, après un discours de Pison, on finit par prendre un parti intermédiaire : on décida d'envoyer une ambassade composée de Servius Sulpicius, de Pison et de Lucius Marcius Philippus, non pour traiter de la paix, mais pour enjoindre à Antoine de sortir de la Cisalpine et de rentrer en Italie ; s'il n'obéissait pas, on proclamerait le tumultus. En attendant, on continuerait les armements et un des consuls prendrait le commandement suprême de l'armée qu'Octave préparait déjà à Arezzo, et la conduirait du côté de la Gaule[34]. On révoqua également, sur la proposition de Lucius César, la loi agraire de Lucius Antonius[35].

Le même jour, au forum, devant une foule immense, Cicéron prononça sa sixième philippique, et raconta ce qui s'était passé ; il prévint les citoyens que la guerre était inévitable ; et à l'imitation de ce qu'Aristote avait écrit au sujet des Grecs à Alexandre, il dit que les autres peuples pouvaient vivre dans l'esclavage, mais que les Romains ne pouvaient se passer de la liberté[36]. Ainsi se terminait, après cinq jours, le premier engagement de la lutte parlementaire, qui à ce moment se déroule à Rome, comme prologue à la guerre civile qui va bientôt s'allumer dans la plaine du Pô. Comme il arrive toujours, après cet engagement, il y eut une trêve pendant laquelle Hirtius, désigné par le sort, quitta Rome, bien qu'il fût à peine convalescent, pour rejoindre Octave ; Pansa resta à Rome pour y recruter quatre nouvelles légions et pour chercher à s'y procurer de l'argent ; et Cicéron devint, en fait sinon légalement, le chef de la république. Après les grands discours du 20 décembre et du lu janvier, le vieil orateur avec son audace se dressait, au milieu de l'universelle incertitude, comme dans la plaine un énorme bloc erratique. On s'adressait à lui de toute part pour dévoiler les dangers, indiquer des précautions, demander des conseils ; et il était obligé d'intervenir lui-même dans toutes les affaires publiques, pour veiller à l'exécution de ses décrets, qui autrement auraient été lettre morte. Ainsi, bien que le sénat eût, sur sa proposition, annulé la répartition des provinces faite le 27 novembre, Caïus Antonius était déjà parti pour la Macédoine, Calvisius Sabinus était sorti de Rome et envoyait des légats dans sa province. Cicéron, qui était sur ses gardes, protesta à diverses reprises au sénat contre cette usurpation de Calvisius, mais en vain et sans pouvoir faire voter une mesure rigoureuse[37]. En outre, il échangeait avec Octave une grosse correspondance. Il comprenait que la responsabilité des honneurs extraordinaires accordés au jeune homme retombait sur lui, bien plutôt que sur Servilius et sur Sulpicius, après le grand discours du premier janvier où il avait fait un si grand éloge d'Octave, se portant garant de ce qu'il ferait. Il cherchait donc à le diriger de loin, en lui adressant une infinité de lettres pleines de sages conseils, et arrivant ainsi à assumer indirectement une partie de la direction et de la responsabilité de la guerre. Il avait en somme, dans cette confusion universelle, à suppléer aux innombrables manquements de tous les organes de l'État. Ce travail, du reste, le passionnait ; et l'enthousiasme redoublait ses forces ; il n'avait jamais eu à recevoir tant de visites. à écrire tant de lettres, à faire tant de discours[38] ; mais il se sentait comme rajeuni, infatigable et plein d'une ardeur qui s'exaltait chaque jour davantage et qui tournait presque à l'idée fixe. Aussi, quand Pansa, dans la seconde moitié de janvier, convoqua le sénat pour traiter certaines questions administratives au sujet de la voie Appienne, de la frappe des monnaies, de la fête des Lupercales, le vieil orateur en profita pour inviter les sénateurs, dans un discours véhément, la septième philippique, à s'occuper non de la frappe des monnaies, mais de la guerre inévitable. A aucune condition, disait-il, je ne veux faire la paix avec Antoine[39]... Si nous ne pouvons vivre libres, il faut mourir[40]. Malheureusement tout le monde ne partageait pas son ardeur. Les deux consuls n'en écrivaient pas moins des lettres amicales à Antoine, où ils se déclaraient disposés à la paix[41] ; parmi les sénateurs qui louaient tout haut le courage de Cicéron, beaucoup en secret en faisaient autant ; les ambassadeurs, qui n'avaient accepté leur mission que pour terminer d'une façon quelconque le long débat qui fatiguait le sénat, se disposaient à changer en route l'ultimatum en une occasion d'entamer des négociations pour la paix. Le plus âgé des trois, Servus Sulpicius Rufus, qui était déjà malade, succomba en voyage[42] ; et seuls Pison et Philippe se présentèrent au camp d'Antoine, où ils purent voir de leurs yeux que :'homme que Cicéron leur avait décrit comme une bête altérée de sang romain dirigeait le siège d'une façon fort singulière. Il avait échelonné son armée depuis Claterne jusqu'à Parme, et, comme si c'était à dessein, il cernait la ville si mollement et avec si peu de soldats que les vivres continuaient à y entrer[43]. Antoine attendait le printemps et des renforts pour faire sérieusement la guerre, si cela était nécessaire ; en attendant, il tâchait d'augmenter ses forces, en se donnant partout pour le vengeur de César et pour le défenseur de la cause de ses soldats. Il avait envoyé des émissaires aux légions d'Asinius[44], et peut-être à celle de Plancus, pour les amener, avec la promesse de deux milles sesterces, à passer de son côté. Il tâchait également par des lettres et des messages de décider Lépide et Plancus à s'unir à lui ; il faisait recruter une légion de nouveaux soldats dans la Cisalpine et il arrivait à faire pénétrer dans Modène des émissaires pour dire aux soldats de Decimus qu'il ne voulait pas combattre contre eux, mais seulement punir Decimus Brutus, qui avait pris part à l'assassinat du dictateur. S'ils voulaient l'abandonner et faire cause commune avec tous les vétérans de César, ils en seraient récompensés[45]. Mais toutes ces manœuvres étaient secrètes, tandis que les ambassadeurs purent voir la mollesse avec laquelle Antoine menait la guerre. Philippe et Pison, naturellement, ne voulurent pas irriter un adversaire si complaisant ; ils se présentèrent à lui avec tout le respect dû à un aussi grand personnage, et au lieu de lui communiquer l'ultimatum du sénat, ils engagèrent avec lui une discussion amicale sur la situation. De son côté, Antoine fut très aimable, et s'il ne les autorisa pas à transmettre à Decimus Brutus les décisions du sénat, il leur fit cependant de raisonnables propositions de paix[46]. Il céderait la Gaule cisalpine, mais on lui laisserait la Transalpine pendant cinq ans, avec les trois légions qu'il avait et les trois légions que recrutait Ventidius : on ne reviendrait pas sur ce que Dolabella et lui avaient fait ; la lex judiciaria ne serait pas abrogée, on ne ferait pas d'enquête au sujet des sommes prises dans le trésor par les membres de la commission chargée d'appliquer la loi agraire de Lucius ; ses six légions. sa cavalerie et sa cohorte prétorienne recevraient des terres[47]. Tant il est qu'Antoine ne visait qu'à obtenir une riche province ! Pison et Philippe s'en allèrent, heureux de ces propositions, avec Lucius Varius Cotila, qui devait représenter Antoine dans la suite des pourparlers. Cependant Hirtius et Octave partaient d'Arezzo et, franchissant l'Apennin, arrivaient à Rimini ; ils remontaient la via Æmilia jusqu'à Forum Corneli, dans le voisinage d'Imola, où ils campèrent pour attendre le printemps[48]. Hirtius chassa même de Claterne, au bout de quelques jours, les avant-postes d'Antoine[49].

Les ambassadeurs arrivèrent à Rome dans les premiers jours de février[50], et aussitôt Pansa convoqua le sénat. La séance allait-elle être décisive ? Cicéron, qui, dans ses lettres privées, avait traité les deux ambassadeurs de misérables[51], l'espérait. En effet, dans cette séance, estimant qu'un discours n'était plus nécessaire, il dit brièvement son avis : Antoine n'avait pas obéi, il fallait le déclarer hostis[52]. Mais son ardeur le trompait sur les intentions des autres. Le plus grand nombre des consulaires ne désespéraient pas après cette ambassade de s'entendre avec Antoine[53] ; Fufius Calénus proposa d'envoyer de nouveaux ambassadeurs ; Lucius César, le vieil oncle d'Antoine, conservateur farouche, vaincu peut-être par les prières de ses amis, demanda une atténuation à la proposition de Cicéron : on déclarerait non pas la guerre, mais le tumultus ; ce serait reconnaître que l'ordre public était troublé, mais non qu'une véritable guerre civile avait éclaté. Pansa, qui cherchait toujours à faire la cour aux césariens. et qui voulait même proposer une loi aux comices des centuries pour confirmer les décisions prises par César[54], se rangea à la proposition de Lucius César et dirigea si bien les débats que cette proposition fut approuvée[55]. Cicéron, exaspéré, se prépara à un nouvel assaut plus vigoureux pour la séance du lendemain, où Pansa devait communiquer la lettre de Hirtius relatant l'escarmouche de Claterne, et proposer de restituer enfin aux Marseillais tout ce que César leur avait enlevé en 49[56], et qu'ils avaient tant de fois réclamé pendant les derniers mois. Sans se borner exclusivement à ce sujet, Cicéron prononça la huitième philippique ; il y blâma les délibérations du jour précédent, démontra qu'il s'agissait bien d'une guerre et non d'un tumultus, attaqua violemment Calénus, les consulaires, les ambassadeurs et prédit des confiscations et des carnages, si Antoine l'emportait. Il se plaignit aussi qu'on laissât, par une inaction coupable, refroidir le zèle des villes italiennes et gauloises. qui étaient toutes bien disposées à l'égard du sénat. Il proposait en terminant que l'on accordât jusqu'au 15 mars aux soldats d'Antoine pour l'abandonner : après cela ils seraient considérés comme rebelles. Son vigoureux discours produisit de l'effet, et la proposition fut approuvée. Mais Pansa, qui voulait peut-être donner une compensation aux conservateurs qu'il avait trahis le jour précédent, mettait en avant une autre proposition : il demandait que l'on élevât à Servius Sulpicius un petit monument funèbre aux frais de l'État et une statue équestre sur le forum, comme c'était la coutume pour les ambassadeurs qui avaient été tués pendant leur mission. Mais Servilius, qui dans les petites choses était un observateur méticuleux de la légalité, objecta que Servius n'avait pas été tué, mais avait succombé à une maladie. Alors l'infatigable vieillard prononça la neuvième philippique, pour soutenir la proposition de Pansa, en disant d'une façon fort sophistique qu'il fallait considérer les causes qui avaient amené la mort et non le genre de mort. Au sujet de Marseille on ne décida rien[57].

En réalité, Cicéron était le seul à vouloir véritablement la guerre. Tous les autres parlaient en faisant d'hypocrites réserves, ou agissaient avec l'intention secrète de ne pas pousser les choses jusqu'au bout. Tel était le cas non seulement de Hirtius, mais d'Octave lui-même, qui pourtant aurait vu très volontiers Antoine anéanti, et bien que son arrivée sur le théâtre de la guerre eût rendu très défavorable pour Antoine la situation militaire. Avec trois légions et une cohorte, Antoine assiégeait deux légions de vétérans et cinq légions de nouvelles recrues, et il avait à tenir tête à une armée de quatre légions de vétérans et d'une légion de nouvelles recrues : si Hirtius et Octave l'attaquaient, il se trouverait pris entre eux et Decimus, et il serait ou écrasé ou obligé de s'enfuir vers le nord[58]. Au lieu de cela, après l'escarmouche de Claterne, Hirtius et Octave avaient ramené leurs soldats dans leur camp, et n'avaient plus rien fait, parce qu'Antoine avait paralysé Octave, Decimus et Hirtius, en leur montrant ce qui était comme la tête de Méduse pour tous les hommes politiques d'alors : la vengeance de César. L'opinion des vétérans était de nouveau dans toute l'Italie tellement favorable à Antoine, que Ventidius avait réussi sans difficulté à rappeler sous les armes presque tous les soldats congédiés des septième, huitième et neuvième légions, de sorte qu'il y avait alors deux légions qui s'appelaient la septième et deux qui s'appelaient la huitième légion de César : celles de Ventidius et celles d'Octave. Et la faveur des vétérans valait pour Antoine, en ce moment, autant qu'une grande armée. Decimus, que les intrigues secrètes d'Antoine inquiétaient, était si occupé à surveiller ses soldats pour les empêcher de se révolter[59], qu'il n'osait plus sortir pour attaquer ; Hirtius, affaibli par la maladie, n'osait pas se mesurer avec son ancien ami, qui assiégeait Decimus pour venger leur commun bienfaiteur ; Octave, épouvanté lui aussi par le vague danger d'une révolte militaire, gêné par l'inertie de Hirtius, ne savait que faire ; et pour passer le temps, il reprenait ses exercices littéraires favoris ; il déclamait et écrivait toute la journée[60]. Cependant, à quelques jours de là un véritable coup de théâtre inattendu détourna pour quelque temps à Rome l'attention publique des affaires de Modène. Un jour, vers la mi-février, les sénateurs, qui ne s'y attendaient pas, sont avisés que Pansa convoque le sénat pour le jour suivant : on a reçu de Brutus des lettres si importantes, qu'on ne peut plus différer la réunion de l'assemblée[61]. Le jour suivant le sénat était bondé ; et à la stupéfaction générale on lut des lettres qui racontaient cette histoire presque invraisemblable. Arrivé en automne à Athènes, Brutus était descendu chez un ami et s'était mis, comme un homme privé quelconque, à suivre les cours de deux philosophes, Théomneste et Cratippe, avec beaucoup d'autres jeunes étudiants romains[62], parmi lesquels Cnéus Domitius Ænobarbus, le fils de Cicéron, et un jeune homme de vingt ans, originaire de Venouse, qui s'appelait Quintus Horatius Flaccus. Le père de ce dernier était un affranchi honnête et intelligent ; sa profession de collecteur d'impôts lui avait permis de faire quelques économies ; il avait acheté un petit bien, et comme il aimait beaucoup son fils, il lui avait fait faire ses études. Ces jeunes gens, qui appartenaient presque tous à de grandes familles, avaient fait un accueil très chaud au tyrannicide ; il avait aussi été bien accueilli par Athènes, la république déchue qui prodiguait avec une si grande facilité des honneurs à tous ses hôtes de marque. Les esprits s'étaient bientôt échauffés, et au milieu des lamentations, des fêtes, des conversations, on s'était mis à ourdir une conspiration révolutionnaire. On ne saurait dire qui en eut le premier l'idée ; et il n'est pas vraisemblable que Brutus en ait été l'auteur[63] ; bien qu'il ait dû à la fin en prendre la direction, comme chef. Son autorité personnelle, le rôle joué par lui dans la conjuration, ses amis, et enfin un incident survenu peu après son arrivée, l'obligèrent, bon gré mal gré, à se mettre à la tête du mouvement. Les jeunes gens de l'entourage de Brutus ayant appris que Trébonius envoyait à Rome de l'Asie 16.000 talents[64], et que la personne chargée de porter le tribut devait aborder en Grèce, ils démontrèrent à Brutus qu'il était nécessaire d'arrêter cette somme en route, sans quoi, une fois en Italie, elle tomberait au pouvoir de leurs ennemis, et que lui seul avait l'autorité nécessaire pour persuader à l'envoyé de Trébonius de lui confier ce trésor. Brutus se laissa persuader ; il alla à la rencontre de l'envoyé en Eubée, et le décida à lui remettre l'argent[65] ; mais une fois en possession de cette somme énorme, il se sentit alors obligé de l'employer au profit de la cause conservatrice. C'était le moment où, au mois de novembre de l'année 44, Dolabella passait comme un tourbillon à travers la Macédoine, ordonnant à une partie de la cavalerie de le devancer, emmenant avec lui une légion, et donnant l'ordre à la cavalerie qui restait de former deux corps et de le suivre en Asie[66]. Aussitôt que Dolabella fut parti, les jeunes amis de Brutus se mirent à suborner les soldats avec l'argent de Trébonius ; Domitius détourna de sa route un corps de cavalerie ; un autre, un certain Cinna, à ce qu'il semble, réussit à gagner l'autre corps à la cause de Brutus ; le fils de Cicéron amena encore à se révolter en faveur de Brutus la dernière légion de Macédoine, que le légat de Marc Antoine était venu prendre[67]. Brutus s'était donc trouvé en décembre à la tête d'une petite armée et entouré d'une cohorte de jeunes admirateurs, au nombre desquels était Horace ; il s'était rendu avec eux tous à Thessalonique, où le gouverneur de la Macédoine, Hortensius, qui n'avait plus un soldat, l'avait reconnu pour son successeur ; il avait alors sans retard envoyé des troupes pour s'emparer du dépôt d'armes établi par César à Démétriade, et avec l'aide d'Hortensius il s'était mis à recruter une nouvelle légion parmi les nombreux vétérans de Pompée, qui étaient restés en Macédoine et en Thessalie après Pharsale[68]. Mais au milieu de ces préparatifs, dans les premiers jours de janvier, il avait appris que Caïus Antonius, nommé gouverneur de la Macédoine, était débarqué à Dyrrachium[69]. Craignant que Caïus Antonius rie s'entendit, pour lui faire la guerre, avec le gouverneur de l'Illyrie, Vatinius, qui était un césarien, Brutus aussitôt avait bravé avec sa petite armée les rigueurs de l'hiver, et parcouru à marches forcées les 270 milles qui séparent Thessalonique de Dyrrachium, arrivant sur les bords de l'Adriatique vers le 20 janvier[70]. Par bonheur pour lui, Vatinius malade, inhabile, détesté des soldats, n'avait pas su empêcher après la mort de César la révolte générale des populations illyriennes, qui ne payaient plus leur tribut ; il avait même perdu cinq cohortes dans une embuscade ; l'armée, qui ne recevait plus un sou, était donc mécontente et irritée[71]. L'arrivée de Brutus, qui était si bien pourvu d'argent, avait produit une scission : deux des trois légions de Vatinius avaient passé du côté du meurtrier de César ; une autre avait suivi Caïus Antonius, qui cherchait à se retirer du côté de l'Épire. Mais en route il avait perdu trois cohortes, et il avait fini par se jeter avec les sept dernières dans Apollonie, où Brutus le tenait assiégé. Brutus concluait ses lettres en demandant que tout ce qu'il avait fait fût approuvé par le sénat[72].

On peut imaginer quelle émotion ces nouvelles produisirent à Rome. Leur importance était vraiment immense, car elles valaient mieux qu'une victoire, pour remonter le courage du parti conservateur. Cette révolution dans l'ordre légal des commandements militaires et des gouvernements, accomplie par un homme qui était parti d'Italie comme un fuyard avec quelques navires, quelques amis et 100.000 sesterces empruntés à Atticus, prouvait que les conservateurs avaient eu tort de croire toutes les armées tellement imbues de l'esprit césarien qu'ils ne pourraient jamais espérer en avoir une à leur service. A la fin on avait une armée, une bonne armée, une armée sûre ! Pour la même raison, ces nouvelles causèrent une grande déception aux amis d'Antoine. A la hâte, pendant la nuit, ceux-ci décidèrent de faire une tentative désespérée pour empêcher que le sénat approuvât les actes de Brutus. Et, en effet, le matin suivant, après qu'on eut donné lecture des lettres de Macédoine, Calénus demanda la parole ; il commença par faire un grand éloge du style dans lequel elles étaient écrites[73], mais il s'appliqua à démontrer qu'on ne pouvait pas approuver les actes de Brutus, parce qu'ils étaient illégaux, et il essaya de dresser encore une fois l'épouvantail des vétérans. Les vétérans, selon lui, n'avaient pas confiance en Marcus Brutus ; si le sénat se rendait à ses demandes, il risquait de les détourner tous de lui[74]. Mais cette fois Cicéron, en faisant dans la dixième philippique un éloge emphatique de la révolution accomplie par Brutus, fit approuver sans difficulté une proposition d'après laquelle Brutus serait investi d'un haut commandement proconsulaire sur la Macédoine, l'Illyrie et la Grèce, avec la recommandation de se tenir dans le voisinage de l'Italie[75]. Chose plus grave, encouragé par le succès de Brutus, le sénat annula dans cette même séance probablement, toutes les lois d'Antoine[76]. Mais si les nouvelles avaient donné du courage aux conservateurs, elles redoublèrent aussi l'activité d'Antoine et de ses amis. Les probabilités d'un accord étaient maintenant diminuées ; il fallait donc se préparer à une lutte éventuelle. Antoine, qui commençait à perdre l'espoir d'amener à la révolte les légions de Decimus, quitta Bologne vers la fin de février et porta toutes ces forces autour de Modène, qu'il voulait véritablement bloquer ; il donna à Ventidius Bassus, qui se dirigeait sur Ancône, l'ordre d'arriver vite avec ses trois légions ; il se résolut enfin à faire sérieusement la guerre et à prendre Modène[77]. En même temps, les amis d'Antoine redoublaient leurs efforts pour retenir à Rome Pansa, qui se préparait, mais avec une grande lenteur. à se porter au secours de Modène. Là-dessus, dans les premiers jours de mars (le 1er ou le 2 probablement) arriva la nouvelle que Dolabella, qui était entré en Asie avec sa légion et son corps de cavalerie, s'était emparé traîtreusement à Smyrne de Trébonius et l'avait fait mourir, après l'avoir torturé pendant deux jours pour savoir où était l'argent[78]. C'était du moins ce que racontaient les lettres, qui exagéraient peut-être à dessein la scélératesse de Dolabella. La perte de la province d'Asie, la grande mine d'or de Rome, était un malheur pour le parti conservateur ; mais ce malheur était compensé par l'atrocité du meurtre, qui souleva une indignation très vive dans l'opinion publique, et fit par contre-coup du tort à Antoine, que tout le monde savait être d'accord avec Dolabella, et que bien des gens accusaient même de l'avoir poussé à ce meurtre. L'habile Calénus tâcha toutefois d'exploiter même cet événement ; et quand le sénat se réunit, il fit un discours sévère contre Dolabella, en disant qu'il était prêt à le déclarer ennemi public[79], mais en même temps il proposa de confier la guerre contre lui aux deux consuls, quand ils auraient délivré Modène[80]. Par ce discours le parti d'Antoine désavouait le compromettant Dolabella et tâchait de faire perdre du temps aux consuls, en les obligeant à préparer une nouvelle guerre. La proposition souleva une vive opposition : d'autres sénateurs demandèrent, au contraire, que t'on envoyât contre Dolabella un général avec un commandement extraordinaire[81] ; et Cicéron fit une proposition plus audacieuse, qui fut le sujet de sa onzième philippique : il demanda que la guerre contre Dolabella fût confiée à Cassius, avec le proconsulat de la Syrie et des pouvoirs très étendus sur l'Asie, sur la Bithynie et sur le Pont. E ne savait encore rien de précis sur Cassius ; mais, exalté par les bonnes nouvelles qu'on avait reçues de Brutus, il ne doutait pas que Cassius aussi n'eût réussi dans le dessein qu'il avait formé en quittant l'Italie ; et, pour soutenir sa proposition, il affirma avec assurance que Cassius était déjà maître de la Syrie, qu'il avait déjà repris l'Asie, et qu'on en serait bientôt informé officiellement[82]. Cette fois cependant Pansa, qui servait les conservateurs mais qui ne voulait pas les voir trop puissants, fit une vigoureuse opposition et empêcha le vote. Cicéron alors chercha à violenter les hésitations du sénat en suscitant une agitation populaire ; il fit convoquer une réunion du peuple par un tribun et il exposa de nouveau sa proposition au milieu de grands applaudissements. Mais Pansa intervint et fit une nouvelle opposition, en disant que la proposition déplaisait à la mère de Cassius, à ses sœurs et à Servilia[83]. Au bout de plusieurs jours et de longues discussions, ce fut la proposition de Calénus qui finit par être adoptée[84]. Cicéron, très irrité contre Pansa, l'accusa de nouveau de trahir la cause conservatrice : et l'accusation qui n'était pas encore entièrement injustifiée, car l'adroit consul qui, en réalité, ne voulait pas voir les conservateurs devenir maîtres de la situation, refusait depuis quelque temps d'envoyer à Brutus une partie des soldats nouvellement recrutés en Italie, et cherchait même à empêcher bien des gens, et surtout les jeunes hommes des classes aisées, d'aller servir sous les ordres du chef de la conjuration[85]. Beaucoup partaient cependant, et entre autres Marcus Valerius Messala Corvinus, le fils de Lucullus, le fils de Caton, le fils d'Hortensius, le fils de Bibulus.

Cet insuccès découragea un peu le vieil orateur, et stimula au contraire les amis d'Antoine, qui tentèrent aussitôt une nouvelle manœuvre. Le 7 ou le 8 mars on vit soudain les partisans les plus connus d'Antoine sortir tristes et mornes, former des conciliabules, recevoir et expédier à la hâte des messages, demander en particulier aux sénateurs ce qu'ils feraient si Antoine levait le siège de Modène. Tout le monde crut qu'Antoine revenait à résipiscence ; Pansa voulut immédiatement s'entremettre pour négocier la paix ; la fatigue fit un instant perdre à Cicéron lui-même sa lucidité habituelle. Il y eut un moment de faiblesse générale, dans lequel le sénat décida d'envoyer à Antoine une nouvelle ambassade composée de cinq personnages de tous les partis, parmi lesquels Cicéron lui-même[86]. Cependant Octave, redoutant que Modène ne tombât véritablement, avait décidé Hirtius, toujours incertain, à sortir de ses quartiers d'hiver, à s'emparer de Bologne et à s'avancer jusqu'au Panaro, en vue de Modène, pour informer Decimus qu'ils étaient là et lui donner du courage[87], sans toutefois attaquer Antoine. Ni l'un ni l'autre ne l'osait. Leur embarras augmentait, car les événements de Macédoine, l'annulation des lois d'Antoine, les décisions du sénat au sujet de Marcus Brutus donnaient une confirmation éclatante aux accusations d'Antoine, qui prétendait que Hirtius et Octave défendaient la cause des meurtriers de César contre celle des vétérans. Octave se décida à apaiser les scrupules césariens de ses soldats en leur promettant, au lieu de deux mille, vingt mille sesterces[88] ; mais malgré ce beau présent il n'osa pas les conduire au combat, et au lieu d'attaquer Antoine il se mit, avec Hirtius, presque à le courtiser. Ainsi Hirtius, qui de Bologne pouvait couper les communications entre Antoine et ses amis de Rome, envoyait avec une extrême amabilité à Rome, à leur adresse, toutes les lettres d'Antoine qu'il interceptait[89] ; et quand lui et Octave apprirent, le 12, que l'on envoyait de Rome une nouvelle ambassade à Antoine, ils se hâtèrent de lui écrire une lettre sur un ton très humble. Dans cette lettre, ils lui racontaient la mort de Trébonius et l'horreur qu'elle avait soulevée ; ils l'informaient que le sénat avait décidé d'envoyer cette nouvelle ambassade ; ils s'excusaient presque de lutter contre lui, disant que leur but n'était pas de lui nuire ou de secourir Decimus, mais seulement de sauver les soldats de César enfermés à Modène ; ils lui demandaient de ne pas les mettre dans l'obligation de l'attaquer ; car ils n'étaient pas ses ennemis, et ils le laisseraient en paix s'il cessait d'assiéger Decimus, ou même seulement s'il faisait entrer du blé dans Modène[90]. Pouvaient-ils être plus conciliants ? Ils auraient pu l'anéantir, et ils le priaient de se montrer raisonnable, et d'être assez bon pour laisser pénétrer des vivres à Modène en attendant l'arrivée des ambassadeurs. Mais Antoine, qui devinait les raisons de cette modération, saisit l'occasion de se donner encore une fois aux soldats de Hirtius et d'Octave pour le vrai et le seul vengeur de César ; et il leur répondit par une lettre pleine de violence et d'outrages, qui nous est parvenue, et qui, si elle fut réellement écrite par lui, nous prouve qu'Antoine avait un talent littéraire remarquable. Il approuvait dans cette lettre, comme un superbe exploit, l'assassinat de Trébonius ; il déclarait que, voulant poursuivre tous les meurtriers de César, il resterait jusqu'au bout fidèle à Dolabella ; il reprochait à Hirtius et à Octave de trahir la cause césarienne, et de lutter pour la défense des meurtriers et du parti qui voulait dépouiller les vétérans de leurs récompenses ; il se déclarait prêt à laisser sortir de Modène les soldats, s'ils voulaient lui livrer Decimus ; il affirmait que Lépide et Plancus étaient d'accord avec lui ; il se disait tout prêt à recevoir les ambassadeurs, s'ils venaient, car il était toujours disposé à faire la paix, mais il ajoutait qu'il ne pensait pas qu'ils viendraient. Hirtius et Octave acceptèrent sans rien dire ni rien faire cette réponse insolente ; et ils se contentèrent d'envoyer la lettre à Rome, où elle arriva le 18 ou le 19, quand une partie des prévisions d'Antoine s'était déjà vérifiée. L'ambassade, entre le 10 et le 14 probablement, avait été annulée. Les amis d'Antoine s'étaient trop pressés de montrer leur grande joie ; Cicéron et les autres avaient compris aussitôt qu'ils avaient été dupes d'une feinte[91] ; on parlait déjà à Rome d'une trahison ; et dans la première séance qui fut tenue, Cicéron avait prononcé la douzième philippique, où il avouait qu'il s'était trompé. Le sénat avait annulé sa décision précédente. Cependant, avec la belle saison, les lettres des provinces commençaient à arriver plus nombreuses, et Pansa, n'ayant plus de prétexte pour différer, dut fixer son départ au 19 mars. Ce jour même cependant, avant de partir, il présida une séance au sénat où on lut des lettres de Cornificius qui se plaignait des difficultés que lui causaient les légats envoyés par Calvisius. Le sénat ordonna que le gouverneur de la Numidie, T. Sextius, fournît à Cornificius une légion pour rétablir l'ordre et qu'il en envoyât deux autres en Italie pour la guerre de Modène ; mais quelqu'un ayant proposé de punir les faux légats de Calvisius, Pansa s'y opposa[92]. Puis il partit à la tête de quatre légions nouvelles et prit, pour éviter Ventidius, la via Cassia, qui, par Fiesole et l'Apennin, débouchait dans la via Æmilia au dessous de Bologne. Avec les trois légions d'Octave et les quatre légions de Decimus, cela faisait déjà quatorze légions ou nouvellement recrutées ou rappelées sous les drapeaux en quelques mois ; les trente-six légions laissées par César étaient devenues cinquante dans cette Italie, qui depuis si longtemps ne fournissait plus de soldats. Les aptitudes guerrières si effacées des populations d'Italie allaient-elles renaître ? L'exemple des soldats de César qui s'étaient enrichis, une folie contagieuse d'espérances chimériques, et la misère aussi poussaient vers le métier de soldat beaucoup d'artisans qui ne trouvaient plus de travail à Rome ou dans les autres villes, beaucoup de fils de colons lassés de la pénible pauvreté de leurs pères, et beaucoup de travailleurs endettés et désespérés. Les rivalités politiques de l'oligarchie romaine leur permettaient seules de trouver à vivre à ce moment de crise. Cependant personne ne se demandait comment on ferait face aux dépenses militaires si rapidement augmentées : et on avait même de la peine à trouver des armes pour tant de soldats. C'est ainsi que dans le camp d'Antoine les nouvelles recrues de la Cisalpine restaient les mains vides ; Antoine avait même pensé un instant à faire venir des armes de Démétriade[93] ; et Pansa avait dû à Rome recruter des armuriers de tous les côtés[94].

Mais la situation restait toujours incertaine. Le 20 mars le préteur Aulus Cornutus lut en l'absence des consuls des lettres de Lépide et de Plancus qui exprimaient au sénat leur grand désir de voir la paix se rétablir. Plancus spécialement avait écrit avec beaucoup de prudence, en chargeant C. Furnius, qui portait les lettres, d'ajouter de vive voix des déclarations plus explicites de dévotion à la constitution[95]. Tout le monde savait que Lépide étaient favorable à Antoine ; mais l'un et l'autre cherchaient à tromper les deux partis de façon à ne se compromettre ni avec l'un, ni avec l'autre ; Lépide avait même fait mieux : il rappelait sous les armes la dixième et la sixième légions que César avait établies à Narbonne et à Arles, et il en formait une troisième, nous ne savons de quels soldats[96] ; il avait même envoyé à Modène des renforts, en donnant à l'officier Marcus Junius Silanus, fils de Servilia, et par suite son beau-frère, des ordres très équivoques, de façon à pouvoir prétendre qu'il l'avait envoyé contre Antoine[97]. Irrité de ces lettres, qui trahissaient à chaque ligne le souci de ne pas se compromettre, pensant qu'elles décourageraient le sénat déjà si indécis, Cicéron, pour exciter les sénateurs à la guerre, et pour demander que l'on décrétât des honneurs pour Sextus Pompée, prononça la treizième philippique, ce chef-d'œuvre d'éloquence furieuse et rugissante. Puis il écrivit deux lettres très sèches et très violentes à Plancus et à Lépide[98]. Chercherait-on encore à mettre de nouveaux empêchements ? Mais les derniers jours de mars et les premiers jours d'avril furent pour tout le monde pleins d'inquiétude et de malaise. On se demandait ce qui se passait autour de Modène, ce que machinaient en Orient Dolabella et Cassius. A Rome, à certains moments, on croyait tout perdu : on disait que Modène était à toute extrémité, que les consuls trahissaient la cause du sénat[99]. Cicéron était obligé de se montrer en public le visage serein, de rassurer tout le monde et de montrer une confiance qu'il n'avait peut-être pas lui-même. Le 7 avril[100] on lut au sénat de nouvelles lettres de Plancus[101], qui, ayant appris sur ces entrefaites que les secours de Pansa partaient véritablement, s'était empressé d'écrire qu'il avait jusque-là dissimulé sa dévotion républicaine pour s'assurer de la fidélité des légions qu'Antoine cherchait à entraîner à la révolte. Mais Cicéron ayant proposé certains honneurs pour lui, le sénat discuta avec violence pendant deux jours, parce que Servilius, tenace dans ses haines, ne voulait pas donner des honneurs à un ancien partisan de César[102]. Par bonheur, le 9 avril ou reçut enfin de divers côtés de bonnes nouvelles de Cassius. Débarqué dans la province d'Asie avant Dolabella, il avait reçu de l'argent de Trébonius ; et de Lentulus, qui l'avait détourné en route, le corps de cavalerie envoyé en avant par Dolabella ; puis, ayant recruté de nouveaux soldats en Asie et recueilli de l'argent, il avait envahi la Syrie, où les cinq légions des gouverneurs de la Syrie et de la Bithynie qui assiégeaient Cæcilius Bassus à Apamée étaient passées de son côté, suivies bientôt de la légion de Cæcilius Bassus. Le parti conservateur avait donc maintenant une nouvelle armée en Orient, et Dolabella était perdu. Mais d'autre part, deux jours après ces heureuses nouvelles, Cicéron recevait de Brutus une lettre bien étrange, datée du 1er avril. Dans cette lettre, le célèbre conjuré sr montrait effrayé et demandait conseil : ayant perdu l'Asie et ses subsides, il se trouvait sans argent (les seize mille talents étaient déjà épuisés) ; il ajoutait qu'à son avis il était opportun de bien réfléchir avant de divulguer les nouvelles que l'on recevait de Cassius ; il avouait enfin qu'il ne savait comment traiter Caïus Antonius, le frère de Marcus, qui s'était rendu à lui peu de temps auparavant à Apollonie. Ses prières l'avaient trop touché[103]. En réalité, Brutus, comme tous les hommes d'études égarés dans la vie active, était un homme simple, et tandis qu'il s'amusait à frapper des pièces de monnaie ornées du béret phrygien, des poignards et de l'inscription EID-MAR (Idus Martiæ), le rusé Caïus Antonius s'était mis à le berner par mille flatteries, et cherchait à le brouiller avec Cicéron, en lui disant que celui-ci mettait au désespoir les césariens, avec qui il était cependant possible de s'entendre ; qu'il était absurde de se fier à Octave au lieu de chercher à s'accorder avec son frère. Il avait en somme réveillé les anciennes défiances du conjuré à l'égard du fils de César. C'est ainsi que le faible Brutus avait fini par devenir son ami et par rêver d'une alliance avec Antoine contre Octave ; qu'il avait même fait une chose qu'il n'osait pas raconter à Cicéron : il l'avait pris sous ses ordres, comme gouverneur de l'Illyrie, à la place de Vatinius. Cicéron lui répondit sèchement le lendemain que l'on n'avait pas d'argent à lui envoyer, que l'on ne pouvait plus enrôler de soldats ; qu'il fallait garder Caïus Antonius en otage jusqu'à ce que Decimus fût délivré[104] et que, en ce qui concernait les nouvelles de Cassius, il convenait de les publier bien haut de tous les côtés, au lieu de les tenir secrètes. Mais le lendemain matin, le 13 avril, Cicéron eut au sénat une autre surprise, plus grande encore : deux messages, l'un de Caïus Antonius, l'autre de Brutus, étaient arrivés le matin et avaient été portés directement au sénat ; sans qu'on les eût, comme de coutume, donnés d'abord à lire à Cicéron ou à quelque autre personnage. Dans ces lettres, Caïus Antonius demanda la paix pour lui et pour son frère ; et Brutus non seulement recommandait que l'on fit bon accueil à cette demande, mais il avait même laissé César mettre en tête de sa lettre le titre de proconsul. Cicéron, absolument stupéfait, sut pourtant se contenir ; mais quand la séance fut levée, il courut en conférer avec d'autres sénateurs, et on décida d'avoir recours à un expédient extrême. Le lendemain le sénateur Labéon déclara qu'il avait examiné avec soin les cachets de la lettre de Brutus et qu'il était persuadé qu'elle était fausse. Le même jour Cicéron écrivait à Brutus une longue lettre sur un ton poli mais résolu ; il lui racontait tout et lui faisait comprendre, sans le lui dire clairement, qu'il ne fallait pas qu'il donnât un démenti à Labéon ; il lui déclarait enfin que dans une guerre où il n'y avait qu'à mourir, si l'on n'était pas vainqueur, il fallait montrer une énergie implacable et non une molle clémence[105]. C'était là un avertissement dont Brutus put bientôt vérifier la justesse ; car Caïus Antonius le récompensa bientôt de ses bons traitements en tramant contre lui une révolte de soldats, qui fut heureusement connue et arrêtée à temps[106].

Mais ce même jour du 14 avril, ou le jour suivant car la date est incertaine[107], les deux armées en venaient enfin aux mains à Castelfranco, qui s'appelait alors Forum Gallorum. Antoine disposait de forces peu considérables ; mais, sûr de l'appui de Lépide après que Silanus lui eut apporté ses soldats, et confiant dans son prestige de vengeur de César, il osa prendre l'offensive. Depuis quelque temps déjà ayant laissé une partie de ses troupes pour continuer le siège de Modène, il était venu mettre son camp auprès de celui d'Hirtius et d'Octave, et il les harcelait de petites attaques ; mais comme Ventidius approchait, quand il sut que Pansa allait quitter Bologne pour rejoindre Hirtius et Octave, il eut l'idée de l'attaquer en route, tandis que son frère Lucius aurait détourné l'attention de Hirtius et d'Octave en simulant une attaque contre leur campement. Mais Hirtius, qui avait envoyé un certain Galba au devant de Pansa pour lui dire de se hâter, se doutait de l'intention d'Antoine et, pendant la nuit du 13 au 14, il envoya à sa rencontre la légion de Mars et deux cohortes prétoriennes sous les ordres de Carfulénus. Carfulénus traversa pendant la nuit Forum Gallorum et continua son chemin, en marchant toujours à la rencontre de Pansa ; et quelques heures après Antoine, qui ignorait tout cela, arrivait et cachait deux légions et deux cohortes prétoriennes à Forum Gallorum : puis il envoyait à la rencontre de Pansa, sur la via Æmilia, de la cavalerie et de l'infanterie légère, pour attirer par des escarmouches les soldats jusque sous les murs de Castelfranco. Son plan réussit ; mais ce qu'il attira au combat, ce ne furent pas, comme il pensait, une ou deux légions de recrues, mais les douze cohortes des vétérans de Carfulénus, qui marchaient à la tête de l'armée, à une certaine distance des légions nouvelles. Pendant un certain temps, la via Æmilia se déroulant entre des bois et des marais, il ne fut pas possible d'en venir aux mains ; mais quand, dans le voisinage de Forum Gallorum, se trouvant dans un terrain plat et libre, les douze cohortes se déployèrent en ordre de bataille, alors les vingt-deux cohortes d'Antoine sortirent du village et attaquèrent la légion de Mars. L'engagement fut violent. Pansa ordonna à deux des quatre légions nouvelles de préparer à la hâte le campement ; il envoya les deux autres au secours ; il lança des messagers pour demander du renfort à Hirtius, et il se rendit lui aussi sur le front de la bataille. Mais les légions nouvelles ne servirent à rien ; la cohorte prétorienne de César fut détruite et Pansa fut blessé ; la légion de Mars elle-même finit par se replier vers le camp, poursuivie par l'ennemi, qui fit un grand massacre de vétérans et de recrues. Les soldats d'Antoine se croyaient déjà victorieux ; mais l'après-midi, après avoir contraint toute l'armée ennemie à se réfugier dans son camp, comme ils se retiraient fatigués sur Modène, soudain Hirtius apparut avec deux légions de vétérans. Il n'était pas possible d'engager une nouvelle bataille avec des troupes fraîches, et les deux légions se dispersèrent en désordre dans les forêts et les marais du voisinage. Par bonheur, la nuit qui tombait et l'absence de cavalerie ayant empêché Hirtius de poursuivre les fuyards, Antoine, pendant la nuit, les fit recueillir par la cavalerie et ramener dans leurs campements de Modène. Octave cependant avait défendu le camp contre les attaques simulées de Lucius. Ce fut là son premier fait d'armes, facile du reste, mais qui pourtant lui valut, comme aux deux consuls, une ovation de l'armée[108]. Ni l'un ni l'autre des deux adversaires ne pouvait se dire absolument vainqueur ou vaincu.

A Rome l'inquiétude était grande. Vers le 17 ou le 18 le bruit courait que l'armée du sénat avait été détruite[109]. A la fin, les lettres d'Hirtius arrivèrent. Les partisans d'Antoine s'enfermèrent chez eux désespérés ; une grande démonstration populaire fut faite devant la maison de Cicéron ; on le conduisit au Capitole et on l'obligea à parler au milieu des applaudissements[110] ; bien des gens ordinairement prudents ou indifférents, cédant à l'entraînement, manifestèrent leur haine pour Antoine. Cicéron, dans la séance du 21 avril, prononça la quatorzième et dernière philippique, où il demandait que l'on décrétât une supplication de quarante jours, aux soldats tombés dans la bataille l'érection d'un monument, aux parents l'abandon des sommes et des privilèges promis aux soldats de l'armée du sénat. Tout le monde croyait que le parti conservateur avait remporté une grande victoire. Mais la bataille n'avait pas été décisive. Antoine, redevenu prudent après son échec, avait ramené son armée dans son camp pour continuer le siège ; Ventidius approchait sur la via Æmilia derrière Hirtius et Octave. Ainsi ceux-ci, qui étaient devenus plus hardis en voyant que les vétérans combattaient, se décidèrent le 21 avril à essayer de rompre la ligne d'investissement, pour envoyer en ville un convoi de vivres. Antoine envoya pour les repousser sa cavalerie d'abord, puis, comme elle ne suffisait pas, deux légions. Hirtius profita du moment pour se jeter avec la quatrième légion sur le camp que défendait la cinquième légion ; et Decimus Brutus osa enfin faire sortir quelques cohortes de Modène, sous le commandement de Pontius Aquila. Il y eut alors deux mêlées terribles dans le camp et sur les tranchées. Hirtius et Pontius Aquila furent tués ; la quatrième légion reculait déjà quand Octave accourut à son secours ; la bataille recommença si violente qu'Octave lui-même se trouva au milieu de la mêlée et dut combattre comme un soldat. Il sauva le corps d'Hirtius, mais il ne put ou ne sut pas conserver le camp, et il donna l'ordre de la retraite. Les soldats de Decimus revinrent aussi à Modène ; et le soir la ligne d'investissement ne semblait pas avoir été rompue. L'armée d'Antoine cependant avait beaucoup souffert. Antoine réunit pendant la nuit un conseil de guerre, où presque tous furent d'avis qu'il fallait continuer le siège. Si Antoine avait su qu'Hirtius était mort, il aurait certainement attaqué le lendemain l'armée, qui n'était plus commandée que par Octave, et peut-être, avec l'aide de Ventidius, qui était arrivé à Fænza, eût-il anéanti pour toujours l'héritier de César. Mais pendant les révolutions le sort d'un homme tient souvent à des fils bien ténus. Antoine, ignorant ce qui s'était passé, craignit de plier le lendemain, avant que Ventidius n'arrivât, sous une nouvelle attaque ; il se souvint de ce que César avait fait sous les murs de Gergovie, et il prit le parti de se retirer dans la Gaule narbonnaise auprès de Lépide. Il envoya pendant la nuit des messagers à Ventidius Bassus pour lui ordonner de franchir l'Apennin et de le rejoindre dans la Narbonnaise ; il donna des ordres pour lever le siège et il partit pendant la nuit[111].

 

 

 



[1] Voy. CICÉRON, Phil., V, XIII, 36 ; F., XI, VII, 3.

[2] APPIEN, B. C., III, 46.

[3] CICÉRON, Phil., VI, IV, 10 : nuper quidem dicitur ad Tibur, ut opinor, cum ei (L. Ant.) labare M. Antonius videretur, mortem fratri esse minitatus.

[4] Voy. CORNELIUS NEPOS, Att., IX, 3.

[5] Voy. CICÉRON, Phil., V, II, 5.

[6] DION, XLV, 15.

[7] APPIEN, B. C., III, 48.

[8] CICÉRON, F., XI, VI, 2.

[9] CICÉRON, F., XI, VII, 1. — Au sujet de la date de cette lettre et de cette entrevue, qui a donné lieu à de nombreuses discussions, voyez STERNKOFF, in Phil., vol. LX, p. 297, qui place l'entrevue le 12 décembre. En admettant que Cicéron revint à Rome le 27 novembre, on peut la placer aussi dans la première décade.

[10] CICÉRON, F., XI, VII, 2.

[11] CICÉRON, F., XI, VI, 2.

[12] CICÉRON, Phil., III, IV, 8. APPIEN, B. C., III, 49, qui dit que Decimus fit cela à la suite d'un ordre du sénat, est contredit absolument par la troisième philippique de Cicéron.

[13] DION, XLV, 15.

[14] C'est ce que nous indique le passage de Cicéron, F., XI, VI, 3. Cicéron nous dit que ce ne fut qu'au matin du 20, quand on le vit aller à la séance du sénat, que beaucoup de sénateurs s'y rendirent. Cela signifie que le soir précédent les intentions de Cicéron n'étaient pas encore arrêtées.

[15] CICÉRON, Phil., III, I, 1 ; V, XI, 30, dit qu'il demandait tous les jours la convocation du sénat ; mais il se contredit lui-même dans l'aveu confidentiel et par conséquent plus sincère qu'il fait dans F., XI, VI, 2.

[16] CICÉRON, Phil., V, XI, 30.

[17] CICÉRON, Phil., III, XV, 37 et suiv.

[18] Contrairement à ce qu'en pensent Nake et Bardt, qui prétendent qu'elles ne furent pas approuvées. Voy. CICÉRON, Phil., IV, II, 6 ; IV, IV, 8 ; V, XI, 28 ; X, XI, 23 ; F., XII, XXII, 3. Voyez aussi STERNKOFF, dans Philol., vol. LX, p. 285 et suiv. — DION, XLVI, 29, fait une erreur au sujet de la date de l'annulation de la loi sur les provinces.

[19] APPIEN, B. C., III, 49.

[20] APPIEN, B. C., III, 49.

[21] Voy. DION, XLVI, 36 ; il dit que Brutus παντελώς άπετειχίσθη c'est-à-dire ne fut entièrement bloqué que quand Antoine désespéra de pouvoir débaucher ses soldats. En outre, CICÉRON, F., XII, V, 2, dit que jusqu'à la seconde moitié de février, les forces d'Antoine étaient toutes à Bologne et à Parme ; il ne devait donc guère lui en rester pour cerner Modène.

[22] CICÉRON, Phil., XIII, 1.

[23] Voy. CICÉRON, ad Br., I, XV, 7 ; I, III, 1.

[24] CICÉRON, ad Br., I, XV, 7.

[25] CICÉRON, Phil., V, IX, 25.

[26] CICÉRON, Phil., V, XVII-XIX, 46-53 ; CICÉRON, Phil., VI, I, 2.

[27] DION, XLVI, 35.

[28] DION, XLVI, 29 ; APPIEN, B. C., III, 50.

[29] APPIEN, B. C., III, 50.

[30] Mon. Anc., I, 3-5 (lat.) ; I, 6-7 (gr.) ; APPIEN, B. C., III, 51 ; TITE-LIVE, Per., CXVIII. L'affirmation de DION, XLVI, 29-41, est donc erronée. C'est ainsi également que, selon Appien, ces honneurs furent approuvés le 2 janvier, et le 3, selon Dion. Voy. GROEBE, APP. à Drumann, G. R., I2, p. 443,

[31] APPIEN, B. C., III. 51.

[32] APPIEN, B. C., III, 54.

[33] CICÉRON, Phil., VI, I, 3.

[34] CICÉRON, VI, III, 9 ; VII, IV, 11-14 ; VII, IX, 26.

[35] CICÉRON, Phil., VI, V, 14.

[36] CICÉRON, Phil., VI, VII, 19.

[37] CICÉRON, F., XII, XXV, 1 ; XII, XXX, 7. Voy. CICÉRON, Phil., III, X, 26.

[38] CICÉRON, F., X, XXVIII, 3 : eram maximis occupationibus impeditus.

[39] CICÉRON, Phil., VII, III, 8.

[40] CICÉRON, Phil., VII, V, 14.

[41] DION, XLVI, 35.

[42] CICÉRON, Phil., IX, I, 4.

[43] DION, XLVI, 36.

[44] Voy. CICÉRON, F., X, XXXII, 4.

[45] C'est ce que l'on peut voir en comparant DION, LVI, 36 et ce que dit Antoine dans la lettre à Hirtius et à Octave. CICÉRON, Phil., XIII, XVII, 35 : Nihil moror eos (les soldats de Modène), salvos esse et ire quo lubet, si tantum modo patiuntur perire eum qui meruit (Decimus Brutus). Voy. aussi DION, XLVI, 35.

[46] Cicéron lui-même le reconnaît, Phil., XII, V, 11 : videbatur... aliquo modo posse concedi.

[47] CICÉRON, Phil., VIII, VIII-IX.

[48] DION, XLVI, 35.

[49] CICÉRON, Phil., VIII, II, 6 : à l'ancienne Claterne correspond aujourd'hui Quaderna, à 19 kilomètres de Bologne, où le professeur Brizio a fait en 1890 des fouilles intéressantes. Voy. E. ROSETTI, La Romagna, Milan, 1894, p. 6.25.

[50] Il me semble que la date de la dixième philippique est placée d'une façon assez juste par SCHMIDT, De epistotis et a Cassio et ad Cassium datis, p. 27, aux ides de février ; pourvu qu'on accepte cette date comme approximative sans trop vouloir préciser. Les considérations de GANTER, Neue Jarhrbücher fur Philologie und Pædagogik, 1894, p. 613 et suiv., sont très ingénieuses et en grande partie acceptables, mais il me semble mettre trop peu d'espace entre les événements en voulant préciser, et il arrive ainsi que sa théorie ne se tient plus, si on n'admet pas que de gros événements, comme la révolution de Brutus en Macédoine, soient arrivés avec une précision mathématique. Il vaut mieux, à mon avis, laisser un peu plus de champ à l'imprévu et espacer un peu les dates ; d'autant plus que rien ne s'oppose à ce que la dixième philippique ait été prononcée vers le milieu de février et non le 4 février.

[51] CICÉRON, F., XII, IV, 1.

[52] Nous n'avons en effet aucun discours prononcé par Cicéron dans cette séance, où cependant : dixit sententiam : CICÉRON, Phil., VIII, I, 1 : vida est... propter verbi asperitatem... nostra sententia.

[53] CICÉRON, F., X, XXVIII, 3 : habemus fortem senatum, consulares partim timidos, partim male sentientes ; F., XII, V, 3 : partim inertes, partim improbos ; CICÉRON, Phil., VIII, VII, 20.

[54] CICÉRON, Phil., X, VIII, 17 ; voy. XII, XV, 31.

[55] CICÉRON, Phil., VIII, I, 1.

[56] CICÉRON, Phil., VIII, VI, 18.

[57] C'est ce que montre la lettre écrite en mars par Antoine à Hirtius et à Octave : CICÉRON, Phil., XIII, XV, 32 : Massiliensibus jure belli adempta reddituros vos pollicemini. Il est vraisemblable de supposer, comme le fait GANTER, Neue Jahrbücher für Philologie und Pædagogik, 1894, p. 616, que la huitième et la neuvième philippique furent prononcées le même jour.

[58] CICÉRON, F., XII, V, 2 remarque avec raison qu'en février Antoine était à la merci de Decimus Brutus, de Hirtius et d'Octave.

[59] DION, XLVI, 36.

[60] SUÉTONE, Auguste, 94.

[61] CICÉRON, Phil., X, I, 1.

[62] PLUTARQUE, Brutus, 24.

[63] Voy. BOISSIER, Cicéron et ses amis, Paris, 1902, 370.

[64] Environ huit millions de francs.

[65] PLUTARQUE, Brutus, 24.

[66] DION, XLVII, 26 et 29 ; CICÉRON, Phil., X, VI, 13 ; PLUTARQUE, Brutus, 25.

[67] CICÉRON, Phil., X, VI, 13.

[68] DION, XLVII, 21 ; PLUTARQUE, Brutus, 25.

[69] PLUTARQUE, Brutus, 25 ; DION, XLVII, 21.

[70] GANTER, dans Neue Jahrbücher fur Philologie und Pædagogik, 1895, p. 620 et suiv.

[71] APPIEN, III, 43.

[72] CICÉRON, Phil., X, VI, 43 ; TITE-LIVE, Per., 118 ; DION, XLVII, 21 ; PLUTARQUE, Brutus, 26 ; APPIEN, B. C., III, 79 ; IV, 75.

[73] CICÉRON, Phil., X, II, 5.

[74] CICÉRON, Phil., X, VII, 15.

[75] CICÉRON, Phil., X, XI, 25-26.

[76] Voy. CICÉRON, Phil., XII, V, 2. Au sujet de la date, voyez LANGE, Römische Alterthüme, Berlin, 1871, III, 515.

[77] DION, XLVI, 36.

[78] DION, XLVII, 29 ; TITE-LIVE, Per., 119 ; APPIEN, B. C., III, 26 ; OROSE, VI, XVIII, 6 ; CICÉRON, Phil., XI, II, 4 ; III, 9.

[79] CICÉRON, Phil., XI, VI, 15.

[80] CICÉRON, Phil., XI, IX, 21 et suiv.

[81] CICÉRON, Phil., XI, VII, 16 et suiv.

[82] CICÉRON, Phil., XI, XI, 26 et suiv.

[83] CICÉRON, F., XII, VII, 1.

[84] CICÉRON, F., XII, XIV, 4 : Consulibus decreta est Asia : DION, XLVII, 29.

[85] CICÉRON, ad Brutus, II, VI, 1. Je fais remarquer ici une fois pour toutes que les deux lettres ad Brutus, II, 3 et 5 sont les deux parties d'une même lettre écrite par Brutus à Cicéron, le 1er avril ; que les deux lettres ad Brutus, II, 4 et 6 sont les deux parties de la même réponse, écrite le 12 avril.

[86] CICÉRON, Phil., XII, I, 1 et suiv.

[87] DION, XLVI, 36.

[88] DION, XLVI, 35.

[89] APPIEN, B. C., III, 48 : il se trompe cependant sur la date de cette augmentation, en la plaçant avant le vote du sénat du 2 janvier. C'est une erreur évidente, car alors il ne se serait pas élevé dans la suite entre Octave et le sénat le différend au sujet de la somme due aux soldats dont nous parlerons au chapitre suivant.

[90] Le contenu de cette lettre peut se déduire de la réponse d'Antoine, dont la treizième philippique nous donne des fragments.

[91] CICÉRON, Phil., XII, VII, 18.

[92] CICÉRON, F., XII, XXV, 1.

[93] PLUTARQUE, Brutus, 25.

[94] CICÉRON, Phil., VII, IV, 13.

[95] CICÉRON, F., X, VI, 1.

[96] KROMAYER, dans Hermes, vol. XXXI, p. 1 et suiv.

[97] DION, XLVI, 38.

[98] CICÉRON, F., X, VI ; F., X, XXVII.

[99] CICÉRON, ad Br., II, I, 1.

[100] CICÉRON, F., X, XII, 2-3.

[101] CICÉRON, F., X, 8.

[102] CICÉRON, F., X, XII, 3-4.

[103] CICÉRON, ad Br., II, V, 2.

[104] Les lettres de CICÉRON, ad Br., II, 4 et II, 6 sont la réponse unique de Cicéron, dont on a fait deux lettres.

[105] C'est la lettre de CICÉRON, ad Br., II, 7. Je crois avec Gurlitt qu'elle a été écrite non pas le 19 avril, comme le disent les manuscrits, ou le 16, comme le pensent Schmidt et Meyer, mais le 14. Voy. Supp. Phil., IV, 564.

[106] APPIEN, B. C., IV, 79 ; DION, XLVII, 23.

[107] Voy. CICÉRON, F., X, XXX, 1 ; OVIDE, Fastes, IV, 625.

[108] CICÉRON, F., X, 30 ; DION, 46, 37 ; APPIEN, B. C., III, 67, 70.

[109] CICÉRON, ad Br., I, III, 2.

[110] CICÉRON, ad Br., I, III, 2.

[111] La meilleure reconstitution et la meilleure chronologie de la seconde bataille de Modène me semblent avoir été données par SCHMIDT, Neue Jahrbücher fur Philologie und Pædagogik, 1892, p. 323 et suiv.