GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME III. — LA FIN D'UNE ARISTOCRATIE

CHAPITRE IV. — LE FILS DE CÉSAR.

 

 

Caïus Octavius n'avait pas encore dix-neuf ans. Dans quelle mesure les renseignements fragmentaires qui nous sont parvenus sur son caractère et ses mœurs à cette époque sont-ils exacts ? Il est malaisé de le dire. Mais ses faits et gestes nous portent à supposer que ce protégé de César n'était pas seulement un jeune homme d'une intelligence vive, niais aussi un de ces νέώτεροι, comme les appelait Cicéron qui les détestait tant, un de ces jeunes gens qui affectaient en toutes choses le mépris des vieilles traditions latines et l'admiration de toutes les choses étrangères. Choyé par l'homme le plus puissant de Rome, mis au nombre des patriciens, revêtu de charges honorifiques et même fait magister equitum à cet âge, le jeune homme devait avoir conçu de grandes ambitions et s'être habitué à considérer comme faciles et sans importance bien des choses dont le temps et l'expérience seuls devaient lui apprendre la difficulté et la valeur.

Octave était arrivé juste à temps à Rome. Les conjurés avaient fui, les sénateurs les plus en vue étaient partis, le sénat était en vacances, le parti conservateur avait pour ainsi dire disparu, les vétérans et la plèbe, satisfaits de leur victoire et un peu tranquillisés, étaient les maîtres de Rome. Survenant à ce court moment de satisfaction et de tranquillité, le fils de César avait été accueilli avec joie par tous ceux qui avaient fait des manifestations contre les conjurés, par les deux frères d'Antoine qui cherchaient à se faire bien voir par les vétérans et par la plèbe, par le peuple qui depuis quelque temps déjà attendait l'héritier du dictateur, celui qui devait payer à chacun les trois cents sesterces légués par César. On allait donc enfin avoir l'argent. Les conseils que lui avait donnés son beau-père, et que sa mère à Rome lui avait répétés, n'avaient pas ébranlé la résolution d'Octave[1] ; sans perdre de temps, il s'était aussitôt montré partout comme étant le fils de César ; il était allé un matin avec une grande suite d'amis auprès du préteur Caïus Antonius pour déclarer qu'il acceptait l'héritage et l'adoption[2] ; et, sans attendre que les formalités de l'adoption fussent remplies, il avait pris le nom de Caïus Julius Cæsar Octavianus — nous continuerons à l'appeler Octave pour éviter toute confusion entre lui et son père adoptif — et il avait voulu parler au peuple. Il n'était pas magistrat, mais, comme il devait payer trois cents sesterces à tous les plébéiens, Lucius Antonius avait consenti volontiers, comme tribun, à le présenter au peuple. Et Octave avait fait un discours dans lequel, sans faire aucune allusion à l'amnistie, il exaltait la mémoire du dictateur et déclarait qu'il paierait sans tarder le legs de César, qu'il s'occuperait immédiatement de préparer pour le mois de juillet les jeux en l'honneur des victoires de César, comme c'était son devoir, à titre de membre du collège chargé de les célébrer[3]. Le silence sur l'amnistie semble avoir déplu à Atticus et à Cicéron[4]. Mais le discours, au contraire, avait plu beaucoup au petit peuple. Les trois cents sesterces allaient donc enfin être distribués Mais il fallait pour les payer de l'argent comptant. Octave avait lui-même de la fortune, — son grand-père nous l'avons vu, avait été un riche usurier de Velletri, — et le testament de César le faisait entrer en possession des trois quarts de l'immense fortune que le dictateur avait accumulée pendant les dernières années, grâce aux dépouilles des guerres civiles, et qui comprenait probablement un grand nombre de maisons à Rome, de vastes terres en Italie, et, propriété plus précieuse, de très nombreux esclaves et affranchis, car les droits que le patron avait sur eux passaient à l'héritier. Comme argent comptant, César n'avait cependant laissé que les cent millions de sesterces que Calpurnie avait remis à Antoine. Octave était donc obligé d'attendre le retour d'Antoine et de lui demander son argent.

Mais le joyeux accueil fait à Octave ne pouvait durer très longtemps. Si la lutte entre les conservateurs et le parti populaire s'était un peu calmée après la fuite des conjurés, les soupçons et les rancunes, que les récents tumultes avaient avivés encore, devaient bientôt la rallumer. L'arrivée des vétérans en grand nombre, le passage de tant de litières chargées d'armes[5], les dilapidations des fonds de l'ærarium, changeaient en une aversion chaque fois plus amère et violente les bons sentiments que les conservateurs avaient d'abord eus pour Antoine, après le 17 mars[6]. D'autres, au contraire, surtout les nombreux parents et clients des conjurés, s'irritaient contre Octave à cause de ses premières menées, redoutaient qu'il ne voulût pas respecter l'amnistie. Ainsi, même pendant ces jours de tranquillité relative, les incidents se multipliaient à chaque instant. Un jour que Dolabella se montra au théâtre après la destruction de l'autel, il fut salué par les ovations enthousiastes de la partie la plus distinguée du public[7] ; et un autre jour où Octave — à ce qu'il semble, aux jeux que l'édile Critonius donnait avec un retard de plus d'un mois, à cause des désordres du mois d'avril — voulut apporter le siège doré de César, il en fut empêché par quelques tribuns, aux applaudissements des sénateurs et des chevaliers[8]. En somme, la situation était tellement tendue, que si des relâchements passagers étaient possibles, on ne pourrait espérer un apaisement définitif. L'oligarchie qui était maîtresse de la grande république se composait de deux groupes ennemis, dont l'un était mécontent de la part qui lui était échue, dans le partage du butin, et dont l'autre était inquiet de voir les mécontents convoiter sans cesse la leur ; et tous les deux étaient soupçonneux, disposés à la violence et retenus seulement par une peur réciproque, par une espèce de délire mutuel de la persécution qui les faisait s'accuser tour à tour et se considérer comme capables des projets les plus louches. Le premier groupe comprenait ce qui restait des tout petits propriétaires qui, en Apulie par exemple, travaillaient encore la terre de leurs propres bras, à la façon du légendaire Cincinnatus, derniers vestiges d'une époque disparue[9] ; il comprenait les travailleurs libres de la campagne qu'on prenait à gages pour la vendange, pour la moisson ou pour les travaux malsains[10], les paysans, les coloni ou petits fermiers qui çà et là cultivaient les terres d'autrui avec des baux assez semblables à ceux du métayage moderne[11] ; il comprenait le petit peuple misérable des capite censi, qui vivait à Rome et dans les petites villes de métiers, de petits commerces, de mendicité, et où les plus obscures victimes de la conquête romaine, les affranchis misérables de toute nationalité et de toute langue, se confondaient avec la plèbe des conquérants, celle qui avait apporté au parti de César la force des soldats et les troupes vénales des comices. L'autre groupe comprenait la véritable aristocratie des conquérants. Dans tous les pays soumis à Rome elle avait pris à bail les domaines publics ; elle avait acheté de vastes étendues de terrain dans les provinces ; elle avait prêté des capitaux considérables à des souverains, à des villes, à des hommes privés un peu partout ; elle occupait les charges de l'État et commandait dans les légions ; elle possédait la plus grande partie des terres d'Italie et les faisait cultiver par des esclaves ou par des colons. Il ne faudrait pas toutefois s'imaginer que toute cette oligarchie se composât de gens véritablement riches. Il y avait, avant tout, de nombreux degrés, dans cette oligarchie ; car de modestes propriétaires, des chevaliers et des marchands aisés qui vivaient dans les villes secondaires y coudoyaient les grands propriétaires qui faisaient partie du sénat et les très riches capitalistes qui étaient ou chevaliers comme Atticus, ou sénateurs comme Marcus Crassus, ou affranchis comme bon nombre de ces usuriers ignorés et opulents, qui savaient attendre à Rome, et dépouiller à leur tour ceux qui dépouillaient le monde. En outre, beaucoup d'entre eux, dans la hâte de gagner et de jouir, s'étaient laissés prendre dans ce filet de dettes et de créances qui enserrait toute l'Italie. Les grandes familles aristocratiques possédaient de vastes domaines ; mais, en général, elles manquaient d'argent, si bien que non seulement Octave, mais même Brutus, Cassius et leurs amis se trouvaient dans une grande pénurie de numéraire[12] ; le capital était presque tout entre les mains d'un petit groupe de personnes ; on était au contraire très obéré et sur le point de succomber sous le poids des dettes dans une grande partie de l'ordre des chevaliers et des sénateurs, c'est-à-dire dans cette classe de propriétaires, de marchands, d'hommes politiques et d'intellectuels qui, entre la ploutocratie et la noblesse d'une part, et le petit peuple pauvre d'une autre, aurait dû former ce qu'est aujourd'hui chez nous la bourgeoisie aisée. Le patrimoine de Cicéron est un document précieux sur les conditions économiques des classes supérieures de cette époque. Cicéron avait grossi sa fortune avec tous les moyens les moins illicites qui fussent alors ; il avait accepté les dons importants que lui faisaient les souverains, les villes étrangères, les clients qu'il avait défendus avec éloquence devant les tribunaux ; il avait contracté des mariages avec des femmes riches ; il avait fait de nombreux héritages que lui avaient laissés des amis et des admirateurs inconnus ; il avait aussi spéculé en achetant et en vendant des terrains et des constructions ; il avait prêté un peu d'argent, mais plutôt pour rendre service à des amis que pour faire un profit, et il s'en était fait prêter beaucoup par de véritables usuriers et par des amis, comme Atticus et Publius Sylla, qui n'exigeaient pas d'intérêts[13]. Il possédait donc un patrimoine considérable, composé de maisons à Rome, de domaines d'un bon rapport et de riches villas en Italie. Mais malgré cela il se trouvait pris dans un réseau de dettes et de créances où il ne savait plus se débrouiller lui-même, et où se débrouillait mal son négligent comptable, l'esclave Érotès. Celui-ci lui avait naguère présenté un beau budget, d'après lequel le 45 avril, ses créances une fois recouvrées et ses dettes payées, il aurait dû y avoir un reliquat à son actif[14] ; mais, soit que les créances ne fussent pas rentrées, soit que le comptable se fût trompé, Cicéron se trouvait alors tout à fait à court d'argent, avec de nombreuses dettes à payer, entre autres plusieurs échéances de la dot de Térentia, la pension de son fils qui étudiait à Athènes, une dette aux habitants d'Arpinum, qui lui redemandaient une somme qu'ils lui avaient prêtée autrefois, à une époque où la ville s'était trouvée avoir de l'argent disponible[15]. Dans de pareilles conditions, et contraints comme Cicéron à se creuser la tête pour trouver des expédients, mais sans les ressources que valaient à Cicéron son nom et ses amitiés, se trouvaient un grand nombre de gens en Italie, dans cette classe moyenne qui aurait dû sauver la république, en s'interposant entre les conservateurs intransigeants et la démagogie révolutionnaire, et qui au contraire était poussée par les événements vers une crise formidable ; désunie, découragée, diminuée, mécontente du présent, sans argent, sans courage, sans confiance dans l'avenir.

Le retour d'Antoine augmenta l'agitation. Dans dix jours on serait au 1er juin, et on était curieux de savoir quels étaient les vrais projets du consul pour la première séance du sénat. Les imaginations allaient leur train et l'on épiait les moindres gestes d'Antoine. Mais celui-ci, depuis son arrivée, semblait vouloir se soustraire à toute curiosité. Il ne se montrait plus en public qu'entouré de vétérans et d'une garde d'Arabes ituréens qu'il avait achetés sur le marché aux esclaves ; il faisait bien garder les portes de son palais et il n'admettait les étrangers qu'avec beaucoup de difficulté[16]. Quelles pouvaient être les raisons de tant de précautions ? L'incertitude était grande, mais au bout de

deux ou trois jours, un bruit très grave se répandit à Rome, et remplit d'effroi les conservateurs, les parents et les amis des conjurés : non seulement, disait-on, Antoine voulait avoir les Gaules, mais il voulait les avoir immédiatement, sans même attendre à l'année suivante ; il revenait à son projet du 16 mars d'enlever la province à Decimus Brutus, pour abattre ainsi le plus grand soutien du parti conservateur[17] ; malgré l'amnistie, disait-on encore, Lucius Antonius allait intenter un procès contre Decimus Brutus à cause de la mort de César, et d'autres accuseraient Brutus et Cassius[18]. L'inquiétude des classes supérieures s'accentua : tout le monde oublia les menées d'Octave ; on se demanda si le danger n'était pas ailleurs, si Antoine, pour se rendre populaire, ne complotait pas contre l'amnistie du 17 mars, plus secrètement que le soi-disant fils de César. Il y avait néanmoins de l'exagération dans tous ces bruits, qui transformaient en projets bien arrêtés l'écho confus des discussions qui avaient lieu, depuis son retour, dans la maison du consul. Il est probable en effet que, enhardis par le succès du recrutement, Lucius et Fulvie incitaient alors Antoine à profiter du désordre dans lequel était le parti des grands, à déchirer l'amnistie, à faire passer en jugement les tyrannicides, à se poser ouvertement en vengeur de César, en lui démontrant que, quand il serait parvenu à disperser et à exiler tous les conjurés, il se trouverait, grâce à l'appui des vétérans, plus puissant que ne l'était César en 59 à la tête des collegia de Clodius. D'ailleurs le moment semblait excellent ; car Antoine disposait des légions de Macédoine que le sénat avait mises sous ses ordres, et il pourrait recruter autant de soldats qu'il voudrait parmi les vétérans de César, le jour où il les appellerait pour venger le général et défendre son œuvre, si les conservateurs osaient résister avec l'armée de Decimus Brutus. Mais si Fulvie et Lucius insistaient, Antoine hésitait beaucoup plus que le public ne croyait. Il redoutait encore trop les conservateurs ; il voyait un grand obstacle en Dolabella qui était son ennemi ; il savait que, parmi les tribuns du peuple, Lucius Cassius, Tiberius Cannutius et jusqu'à Carfulénus, un brave soldat de César, s'étaient déclarés contre lui[19] ; que Hirtius lui-même hésitait de nouveau, effrayé par les vols faits par Antoine dans le trésor public[20] ; que Fufius Calénus, lui aussi, qui depuis quelque temps était mal avec Cicéron, écrivait à celui-ci en lui proposant une réconciliation[21]. En outre le bruit courait que Brutus et Cassius voulaient quitter l'Italie pour tenter une révolution dans les provinces[22]. Antoine s'efforçait de gagner Dolabella et de faire courir des bruits inquiétants pour détourner les sénateurs de revenir à Rome. Mais à combien d'entre eux saurait-il inspirer une frayeur suffisante ? Cicéron viendrait-il ? Pourrait-il se risquer à détruire l'amnistie, c'est-à-dire à provoquer la guerre civile, au bout de sept ou huit jours, pour le 1er juin qui approchait ? Autrefois il n'aurait peut-être pas hésité à commettre cette folie, mais maintenant qu'il se trouvait seul à la tête du gouvernement, entre les dangers et les responsabilités d'une situation inattendue, exposé aux critiques et à la haine de tous, il se sentait intimidé ; et pour la première fois de sa vie peut-être, il agissait avec bon sens et pondération.

Au milieu de ces discussions, Antoine reçut d'Octave la demande d'un entretien. Même si le jeune homme ne dit pas quel en était le sujet, il ne fut pas difficile à Antoine de le comprendre. Rien ne porte à croire qu'il fût disposé à restituer l'argent de César à son héritier légitime, et il n'est même pas vraisemblable qu'il considérât la personne, les prétentions et les menées de ce jeune homme comme sérieuses. Ii est probable au contraire que les revendications d'Octave firent naître en lui une autre idée : puisque César l'avait nommé avec Decimus Brutus second héritier, et que Decimus Brutus ne pourrait jamais faire valoir ses droits, il chercherait à amener Octave à abandonner son héritage, et lui, il en prendrait sa part[23]. Il pensa donc effrayer le jeune homme en le rudoyant un peu ; et quand Octave se présenta au palais de Pompée, il commença par le faire attendre longtemps ; puis l'ayant enfin admis en sa présence, il le laissa à peine prononcer quelques mots et l'interrompit brusquement, en lui disant qu'il était fou s'il pensait, jeune comme il était, pouvoir accepter la succession de César. Et il partit, sans lui donner le temps de répondre et en le laissant confus et mortifié[24]. Il avait à s'occuper de bien d'autres choses que des demandes de ce jeune homme. Les jours passaient, on arrivait à la fin de mai : Antoine avait bien réussi à la fin à faire passer de son côté Dolabella en lui donnant une somme considérable, prise dans le trésor public, et en lui promettant de faire prolonger pour lui aussi le pouvoir proconsulaire ; mais tandis que tout le monde pensait qu'il proposerait sa demande au sénat le 1er juin, il n'arrivait pas encore à prendre une résolution au sujet du moment où il faudrait commencer à agir. Dans les derniers jours de mai, il reçut une lettre de Brutus et de Cassius qui lui demandaient dans quel but il recrutait tant de vétérans : le prétexte d'assurer les récompenses promises par César était futile, disaient-ils, puisque personne parmi les conservateurs ne prétendait les leur enlever[25]. Antoine voulut alors les tranquilliser, et il leur fit savoir par l'intermédiaire de Hirtius et de Balbus que, dès la rentrée du sénat, ils leur ferait donner les provinces auxquelles ils avaient droit, sans dire lesquelles[26]. En somme il ne se décidait pas à entrer en guerre ouverte avec les meurtriers de César, redoutant encore la puissance du parti conservateur. Cependant Cicéron écrivait à Atticus que le parti conservateur n'était malheureusement plus ce qu'il avait été cinq ans auparavant, quand il avait avec tant de hardiesse déclaré la guerre à César[27] ! L'orateur jugeait la situation mieux que le consul. La présence des vétérans, les bruits alarmants épouvantaient ceux qui étaient restés ; Hirtius qui était revenu à Rome en repartait et allait à Tusculum[28] pour y écrire, sur le conseil de Balbus, la continuation des commentaires de César[29] ; on disait que les consuls désignés ne seraient pas présents à la séance du 1er juin[30]. Tout cela ne pouvait guère encourager à revenir à Rome ceux qui en étaient déjà sortis ; et on engageait de divers côtés Cicéron à ne pas remettre le pied à Rome. Il s'en était rapproché cependant ; il était allé à Arpinum, et puis, après le 25, à Tusculum, et il écrivait à Atticus que de toute façon il voulait se rendre bien compte de ce qui allait se passer[31] ; mais à Tusculum il avait trouvé Hirtius, qui l'avait conjuré de ne pas aller plus loin[32]. Brutus et Cassius étaient, eux aussi, ces derniers jours de mai, dans une grande indécision, et ballottés par le flux et le reflux de nouvelles contraires. On leur disait tantôt qu'Antoine allait leur faire attribuer leurs provinces, et tantôt qu'il leur tendait des embûches ; ils demandaient conseil à tous, ils faisaient venir de Rome Servilia, ils écrivaient et faisaient écrire à des amis, à Cicéron et à Atticus, pour qu'ils vinssent à Lanuvium s'entretenir avec eux[33] ; ils décidaient enfin d'inviter Atticus à prendre l'initiative d'un emprunt auprès des riches chevaliers de Rome pour fournir à Brutus et à Cassius l'argent, qui est le nerf de la guerre. Un ami de Brutus, Caïus Flavius, était allé à Rome pour traiter avec le richissime financier[34]. Cassius, en outre, écrivait lettres sur lettres[35] à Cicéron, en le priant de s'employer en leur faveur auprès de Hirtius et de Pansa, les deux consuls de l'année suivante. Cicéron, qui ne savait quels conseils donner, se disposait à se trouver à Lanuvium le 29 ou le 30[36], bien qu'il craignît de donner lieu à trop de bavardages par ses allées et venues[37] ; Atticus consentait aussi à y venir[38], mais après avoir refusé de prendre l'initiative de l'emprunt auprès des chevaliers de Rome[39]. Il n'avait peut-être pas voulu trop se compromettre ; peut-être aussi avait-il désespéré de réussir dans l'entreprise, parce que les hommes qui possèdent de l'argent, tout en désirant le maintien de l'ordre public, n'aiment pas à dépenser de l'argent pour le maintenir. Et quand, vers le 30 mai probablement, Atticus et Cicéron se rencontrèrent à Lanuvium avec Brutus et Cassius, ils en furent réduits, après de longs discours, à reconnaître qu'Antoine était désormais le maître de la situation, et qu'il pouvait leur faire tout le mal qu'il voulait[40].

Mais Antoine était au contraire bien loin de former les projets terribles qu'on lui prêtait, et il ne s'aperçut qu'il était le maître de la situation, comme Brutus et Cassius l'avaient dit quelques jours auparavant, que le 1er juin, quand, à son grand étonnement, il vit que ni Cicéron, ni les consuls désignés, ni les hommes les plus éminents n'étaient venus au sénat[41]. La journée fut bizarre. Antoine n'avait trouvé à la séance que des sénateurs obscurs, disposés à le laisser dire et faire ce qu'il voulait. Tout le monde s'attendait donc à ce qu'Antoine présentât au sénat ses prétentions sur les provinces ; et tout le monde fut étonné de voir que le consul dans cette séance ne traita que d'affaires ordinaires, sans faire aucune allusion aux projets attendus. Avait-on calomnié Antoine ? Vers le soir, les conservateurs semblaient se ressaisir. Mais après la séance, enhardi par l'absence des chefs éminents, et comme il arrive souvent quand on a longtemps hésité, Antoine résolut d'agir en toute hâte, de convoquer à l'improviste une réunion populaire pour le lendemain matin, sans qu'il y eût entre la promulgation et l'approbation l'intervalle légal du trinum nundinum[42] ; d'empêcher par ce moyen ses adversaires d'envoyer des tribuns contraires interposer leur veto, et de faire proposer dans cette réunion, par quelques tribuns amis, la loi qui prolongeait de six ans, y compris celui du consulat, pour lui et pour Dolabella, le commandement proconsulaire de la Syrie et de la Macédoine. Même dans cette précipitation cependant il cherchait à être prudent, à ménager les conservateurs, à leur offrir quelque compensation pour ce vote peu légal. Il renonçait en effet pour l'instant à demander les Gaules, il fixait au 5 juin la séance où serait rendu le décret attribuant leurs provinces à Brutus et à Cassius ; il proposait de faire changer en loi, sur la proposition des mêmes tribuns et dans les mêmes comices, le sénatus-consulte qui instituait une commission pour l'examen des papiers de César. Les instructions furent donc données le soir aux vétérans et aux amis ; le matin, le consul, les magistrats qui lui étaient favorables et un certain nombre de citoyens se trouvèrent sur le forum pour représenter les tribus ; et pendant la journée un grand nombre de gens qui ne savaient même pas qu'il se fût tenu une assemblée ce jour-là apprirent que la lex de provinciis et la lex de actis Cæsaris cum consilio cognoscendis avaient été approuvées à la hâte[43]. Le même jour probablement, Balbus apprit, non sans quelque étonnement, qu'Antoine songeait à envoyer Brutus en Asie et Cassius en Sicile pour acheter du blé[44]. C'était là une manœuvre des plus habiles, car si les deux conjurés refusaient, ils pouvaient être accusés d'être cause de la demi-famine qui sévissait continuellement sur Rome ; et s'ils acceptaient, ils étaient obligés de se séparer et d'interrompre, pour aller traiter avec les marchands de blé, tout ce qu'ils pouvaient faire pour la défense du parti conservateur. Une tranquillité relative parmi les conservateurs et les conjurés avait succédé à l'inquiétude des derniers jours de mai, quand on avait vu que l'amnistie au moins était respectée. Cicéron lui-même, à peine arrivé à Tusculum, avait demandé à Dolabella de le choisir comme légat pour son proconsulat, mais avec la faculté de rentrer à Rome quand il voudrait[45]. Il lui semblait, après son inutile entretien avec les héros, que le meilleur parti à prendre était de voyager aux frais de la république. Mais quand on eut connaissance des intentions d'Antoine sur les provinces de Cassius et de Brutus, tout le monde se fâcha[46] ; pouvait-on donner une mission aussi humble aux deux libérateurs de la patrie ! C'était là un exil déguisé et non une mission ; Antoine voulait les éloigner de l'Italie et enlever à Decimus sa province[47]. Brutus fit appeler de nouveau sa mère, Cicéron, Atticus, ses amis de partout, et les invita à se réunir à Antium pour une nouvelle conférence. Cependant de nouveaux dissentiments éclataient à Rome, mais cette fois entre Antoine et Octave. Irrité de l'affront qu'il avait subi, celui-ci se mettait à agiter les masses, à dénoncer le consul comme un ennemi du peuple, en rappelant les cruelles répressions de l'année 47[48], en l'accusant de trahir la mémoire et le parti de César, de l'empêcher de payer le legs fait par lui. Il accompagnait ses discours d'un beau geste en annonçant qu'il vendrait tous les biens de César, ses biens et ceux de sa famille, dans le but de payer promptement les trois cents sesterces[49]. Antoine, par représailles, mettait sournoisement obstacle à ce que la lex curiate qui ratifiait l'adoption fût approuvée[50], et il était en cela favorisé par les parents des conjurés, qui désiraient qu'il n'y eût à Rome aucun fils de César. Octave n'en mit que plus d'ardeur à agiter le peuple ; il réunit une bande de partisans et, nouvel Érophile, il parcourut les rues de Rome en prononçant partout des discours contre Antoine, en cherchant à émouvoir les vétérans eux-mêmes, en réclamant de nouveau la vengeance de César, en accusant Antoine de ne pas vouloir venger le dictateur et de trahir son parti[51]. Il écrivit aussi à ses amis des légions de Macédoine pour leur faire connaître la façon infâme dont Antoine traitait le fils de César.

Cicéron cependant avait reçu le 7 juin[52], peut-être un peu en retard, une lettre de Dolabella qui lui disait l'avoir nommé son légat le 2 juin, c'est-à-dire aussitôt après l'approbation de la lex de provinciis, mais pour cinq ans et non pour deux, comme l'avait pensé Cicéron[53]. Dolabella avait immédiatement donné satisfaction à son ancien beau-père, pour l'obliger ainsi à reconnaître la légalité très douteuse de la loi. De fait, cette nomination avait amené l'inquiet Cicéron à un certain apaisement philosophique, et le jour suivant, le 8, il était allé à Antium, cédant aux sollicitations de Brutus et de Cassius. Sur la belle plage d'Antium il trouva réunis Brutus et sa femme Portia, Servilia, Tertulla, femme de Cassius et sœur de Brutus, Favonius et beaucoup d'autres amis. Atticus n'était pas là : il n'avait pas voulu quitter Rome. Cicéron eut à dire son avis devant cette réunion d'hommes et de matrones, et il conseilla d'accepter la mission. La légation de Dolabella avait pour quelque temps calmé le conservateur furieux, qui voulait exterminer tout le parti populaire. Mais Cassius, hors de lui, déclara bien haut que jamais, au grand jamais, il n'irait en Sicile et qu'il irait plutôt en exil en Achaïe. Brutus, au contraire, malgré son découragement, disait qu'il voulait retourner à Rome, où il devait, comme préteur, donner au peuple les jeux apollinaires. Cicéron chercha à l'en dissuader ; Servilia, qui voulait sauver, non pas la république, mais son fils et son gendre, conseillait d'accepter la légation, où elle s'arrangerait pour faire supprimer la charge désagréable de l'achat du blé. La conversation s'égara : on se répandit en d'inutiles regrets sur tant de choses que l'on aurait dû faire et auxquelles personne n'avait pensé ; on déplora que. sur le conseil de Decimus Brutus, on n'eût pas tué Antoine, lui aussi, aux Ides de mars ; la discussion semble même avoir été si vive sur ce point que Cicéron et Servilia auraient eu une querelle. A la fin, Brutus céda et résolut de ne pas aller à Rome et de faire célébrer les jeux par son collègue Caïus Antonius, qui le remplaçait. Mais la question de la légation resta en suspens : Cassius, s'il ne protestait plus avec la même véhémence, ne disait pas encore qu'il était disposé à partir. Brutus parut au contraire à Cicéron plus porté à accepter la mission[54]. En somme, ce fut encore un voyage inutile. Cicéron se consola, en pensant qu'il avait du moins fait son devoir et il se décida à partir pour la Grèce[55].

 

 

 



[1] APPIEN, B. C., III, 13 ; SUÉTONE, Auguste, 8 ; DION, XLV, 3.

[2] APPIEN, B. C., III, 14.

[3] DION, XLV, 6 ; il se trompe cependant en donnant le nom du tribun, et il fait une confusion avec des événements qui se sont passés plus tard comme nous le verrons. Le tribun qui présenta Octave fut Lucius Antonius, comme le prouve un passage de CICÉRON, A., XIV, XX, 5.

[4] CICÉRON, A., XV, II, 3.

[5] CICÉRON, Phil., II, XLII, 108 : Sentorum lecticas portari videmus.

[6] CICÉRON, A., XV, III, 2, répondant à une lettre d'Atticus du 21 mai, qui l'informait du retour d'Antoine dit : Antonio quam est (ou, comme on a corrigé, male quoniam est) volo pejus esse. Il me semble que ces mots font allusion à cette mauvaise disposition du public à son égard, dont Atticus lui avait parlé dans une lettre.

[7] CICÉRON, Phil., I, XII, 30.

[8] Du passage de CICÉRON, A., XV, III, 2 (de sella Cæsaris bene tribuni...) on peut conclure que dans la troisième décade de mai, avant qu'Antoine fût revenu, ou dès son retour et avant qu'ait commencé le litige avec Octave, il y eut un incident à propos du siège de César avec certains tribuns du peuple. C'est à cela que fait allusion APPIEN, III, 28, en parlant des jeux de Critonius en l'honneur de Cérès ? Cela ne me parait pas invraisemblable, bien que ces jeux aient dû être célébrés entre le 12 et le 19 avril (C. I. L., I2, p. 315) ; mais il est plus que probable qu'ils furent reportés, cette année-là à plus tard, à cause des désordres qui troublèrent Rome au mois d'avril. Il faut alors corriger le récit d'Appien avec Cicéron et admettre qu'Antoine n'y prit pas part, et que ce ne fut pas Critonius, mais, comme le dit Cicéron, certains tribuns du peuple qui firent opposition. La chose est vraisemblable, puisque Critonius était césarien. Les tribuns agirent seuls, poussés par les conservateurs. Appien a pu faire une confusion avec les incidents des Ludi Victoria Cæsaris, dont il sera question plus loin.

[9] VARRON, R. R., I, XVII, 2 ; I, XXIX, 2.

[10] VARRON, R. R., I, XVII, 2.

[11] On trouve des allusions à ces colons dans CICÉRON, Pro. Cœc., 94 ; CÉSAR, B. C., I, 34.

[12] CORNELIUS NEPOS, Att., 8.

[13] Voy. au sujet du patrimoine de Cicéron : LICHTENBERGER, De Ciceronis re privata, Paris, 1895 : La fortune de Cicéron, dans la Revue internationale de Sociologie, 1896, p. 90 et suiv.

[14] CICÉRON, A., XV, XV, 3.

[15] CICÉRON, A., XV, XV.

[16] CICÉRON, A., XV, VIII, 1 ; aditus ad eum (Ant.) difficilior.

[17] Un passage de Cicéron, A., XV, IV, 1, nous montre que le 23 mai Atticus lui avait écrit qu'il était bruit à Rome de cette intention : Si quidem D. Bruto provincia eripitur.

[18] CICÉRON, A., XV, V, 3 (écrite le 27 ou le 28 mai : RUETE, Cor. C., p. 20). Quod si, ut scribis, L. Antonius in D. Brutum, reliqui in nostros, ego quid faciam ? Cette phrase trop concise fait allusion aux accusations judiciaires contre les conjurés et non aux guerres ou aux expéditions. Pourquoi L. Antonius devait-il marcher contre D. Brutus, alors que tout le monde disait que Marcus voulait la Gaule ? Et comment pouvait-il être question de faire la guerre à Brutus et à Cassius, puisqu'ils n'avaient pas d'armée ?

[19] CICÉRON, A., XV, IV, 1 ; Phil., III, IX, 23 (il n'est cependant pas certain que Cannutius et Cassius se soient tournés contre lui à ce moment).

[20] CICÉRON, A., XV, II, 4 : Πεντέλοιπος désigne Hirtius (bien que le mot soit un peu ambigu), comme le prouve le passage de CICÉRON, A., XIV, XXI, 4.

[21] CICÉRON, A., XV, IV, 1.

[22] Bruit recueilli par Hirtius. CICÉRON, A., XV, VI, 2-3.

[23] FLORUS, IV, IV, 1.

[24] Le récit de l'entretien qui est dans APPIEN, B. C., III, 14 et suiv., est tiré, suivant SOLTAU, Suppl. au Philologus, VII, p. 601 et suiv. des mémoires d'Auguste, et par conséquent il dit la vérité en retranchant les détails humiliants. La vérité entière il faut la chercher dans VELLEIUS, II, LX, 3, et dans NICOLAS DE DAMAS, 28, où il est fait allusion à un premier entretien d'Antoine et d'Octave dont le récit était compris dans le texte précédent qui s'est perdu et où Antoine fut grossier avec Octave. Ce premier entretien est certainement celui auquel fait allusion Velleius. PLUTARQUE, Antoine, 16, donne un résumé des paroles échangées entre Antoine et Octave qui parait très vraisemblable.

[25] CICÉRON, F., II, 2.

[26] CICÉRON, A., XV, V, 2.

[27] CICÉRON, A., XV, III, 1 : nec causa eadem est nec simile tempus. Causa, signifie ici parti politique comme dans CICÉRON, A., XV, VI, 1 : causæ... amicissimus ; et dans CICÉRON, A., VII, III, 5 : causam solum illa causa non habet.

[28] CICÉRON, A., XV, VI, 2 ; XV, V, 2 : j'adopte pour ce texte la correction heureuse : qui quidem se afuturum.

[29] HIRTIUS, B. C., VIII, prœf.

[30] CICÉRON, Phil., I, II, 6.

[31] CICÉRON, A., XV, III, 1.

[32] CICÉRON, A., XV, V, 2.

[33] CICÉRON, A., XV, IV, 2 et 5.

[34] CORNELIUS NEPOS, Att., 8. C'est une conjecture que ces négociations aient eu lieu à ce moment-là Le fait qu'un tiers, C. Flavius, se rendit auprès d'Atticus donne à penser que Brutus et Cassius n'étaient pas à Rome. II y a peut-être en outre une allusion au refus d'Atticus dans CICÉRON, XV, IV, 5 (lettre écrite à cette époque, et qui est certainement le commencement d'une petite lettre, qui s'est trouvée par erreur réunie à la précédente) : quam vellem Bruto studium tuum navare potuisses ! BOISSIER, Cicéron et ses amis, Paris 1902, p. 158, place ces négociations plus tard, quand Brutus était en Macédoine. Mais il me parait peu probable que, alors qu'il pouvait comme proconsul pressurer la province ou demander de l'argent au sénat, il ait eu recours à Atticus.

[35] CICÉRON, A., XV, V, 1 ; XV, VI, 1.

[36] RUETE, Correspondants de Cicéron, p. 23.

[37] CICÉRON, A., XV, IV, 2 : Lanuvium eundum... non sine multo sermone.

[38] CICÉRON, XV, XX, 2 : L'entretien de Lanuvium auquel il est fait allusion est certainement celui-ci, et c'est à lui que se rapporte le commencement de la lettre de CICÉRON, A., XV, VIII, 1 : post tuum discessum.

[39] CORNELIUS NEPOS, Att., 8.

[40] CICÉRON, A., XV, XX, 2 : Lanuvii... vidi nostros tantum spei habere ad vivendum, quantum accepissent ab Antonio.

[41] CICÉRON, Phil., I, II, 6.

[42] CICÉRON, Phil., V, III, 7 et suiv.

[43] CICÉRON, Phil., V, III, 7.

[44] CICÉRON, A., XV, IX, 1 : il reçut la lettre de Balbus avec la nouvelle le soir du 3, probablement à Tusculum.

[45] CICÉRON, A., XV, 8.

[46] CICÉRON, A., XV, 9.

[47] CICÉRON, A., XV, 10 : Si vero aliquid de Decimo gravita... Dionis legatio.

[48] Voy. DION, XLV, 6.

[49] APPIEN, B. C., III, 21.

[50] DION, XLV, 5. Dans ce que raconte APPIEN, B. C., III, 2 et suiv., il me semble qu'il y a beaucoup d'exagération.

[51] APPIEN, B. C., III, 28.

[52] CICÉRON, XV, XI, 4 : Id mihi heri vesperi nuntiatum est (la lettre est du 8).

[53] CICÉRON, A., XV, IX, 4.

[54] Voyez toute la belle lettre de Cicéron, A., XV, XI, avec toutes les explications et tous les détails ajoutés dans la 12e sur la demande d'Atticus. — Les mots : amissas occasiones Decimumque Brutum graviter accusabant du § 2 indiquent, à mon sens, un regret de n'avoir pas tué Antoine aux Ides de mars, sur le conseil de Decimus et non de Marcus, comme on le croit généralement d'après Plutarque et Appien. Cela est vraisemblable parce que Decimus et Antoine avaient été compagnons d'armes, tandis que Marcus Brutus et Antoine se connaissaient à peine ; et cela est confirmé clairement par ce passage qui sans cela est inexplicable. On ne peut entendre par amissas occasiones l'inertie où se tenait Decimus en Gaule avec les légions : Antoine n'était guère plus actif à Rome, et Decimus avait encore le temps d'agir.

[55] CICÉRON, A., XV, XI, 8.