GRANDEUR ET DÉCADENCE DE ROME

 

TOME II. — JULES CÉSAR

CHAPITRE VII. — LA CRISE SUPRÊME DE LA POLITIQUE DE CÉSAR : LA RÉVOLTE DE LA GAULE.

 

 

Tandis que ces troubles se produisaient à Rome, César franchissait les Alpes pour revenir dans la Gaule cisalpine. La précipitation, la colère, la situation si grave de son parti, sa nature parfois téméraire et emportée, la grandeur impossible de son entreprise, l'amenaient fatalement à accumuler faute sur faute. C'est ainsi que pour avoir un moment de répit pendant lequel il pourrait suivre ce qui se passait en Italie, il avait fait en Gaule une répression féroce, qui devait au contraire surexciter les haines[1]. En effet, à peine parti, et probablement quand il était encore en route, il apprit, par Labienus, que son ami Commius lui-même préparait une révolte. Courroucé, il donna l'ordre à Labienus d'inviter amicalement l'Atrébate à venir au camp, et de le tuer[2]. Labienus obéit ; mais Commius, blessé, parvint à se sauver ; et cette perfidie n'eut d'autre résultat que de faire de Commius un ennemi mortel de César. César s'épuisait dans un travail de Sisyphe, qui le rendait irritable et cruel. Pour le moment, du reste, Commius le préoccupait peu : il avait d'autres inquiétudes, et bien plus graves, en Italie.

Le parti démocratique baissait de nouveau dans l'opinion publique, comme en 57, parce qu'il n'avait pas tenu ses promesses extravagantes. La loi agraire de 59 n'avait pas, comme les précédentes, été mise à exécution ; les espérances que l'on fondait sur la Bretagne avaient été déçues ; l'armée romaine avait essuyé en Perse une défaite honteuse ; tout le monde avait cru que la Gaule avait été soumise en deux ans par le général unique, et elle était en pleine révolte ; Crassus était mort et la puissante triarchie se réduisait à un gouvernement de deux hommes, qui n'était pas même capable de réprimer les émeutes de la populace de Rome. Depuis longtemps bien des gens étaient las de ce terrible débordement de corruption et de violence, qui menaçait de tout emporter dans son courant furieux : mais la situation était surtout devenue terrible depuis la mort de Clodius. D'abord le public, obéissant à la fois à un sentiment de peur et de justice, avait jugé sévèrement Milon, qui avait fait achever par ses esclaves Clodius blessé[3] ; mais quand le petit peuple se fût livré à ses violences, il se fit un revirement. Même dans le camp conservateur, les violents, ceux qui approuvaient le meurtrier de Clodius, l'emportèrent ; le soir des funérailles, le sénat décréta l'état de siège et chargea Pompée, les tribuns du peuple et Milon lui-même d'exécuter ce décret[4] ; Milon, enhardi par ce changement en sa faveur, vint aussitôt à Rome, et, résolu à s'imposer à la lâcheté universelle à coups d'audace, il eut le courage presque incroyable de recommencer à briguer le consulat[5]. Mais cette audace exaspéra le petit peuple, qui menace de se révolter. En somme, la confusion était au combe : le public commençait à avoir peur et les ennemis de César à reprendre courage : puisqu'il était le créateur de cette politique, on le rendait responsable de tous les maux présents : du désastre de Crassus, qu'il avait fait partir pour la Perse ; de la corruption universelle, qu'il avait fomentée par ses largesses ; des désordres de Rome, qu'il encourageait ; de l'interminable guerre des Gaules, qu'il avait provoquée par ses rapines[6].

César avait donc à reconstituer une troisième fois le parti démocratique. Mais la chose n'était pas aisée, maintenant que Julie, Crassus et Clodius étaient morts. L'incomparable agitateur du peuple une fois disparu, les collegia électoraux qui faisaient la force de son parti se désagrégeaient ; et la mort de Crassus après celle de Julie rendait précaire l'accord avec Pompée, déjà miné par les événements des dernières années. C'est à tort que les historiens ont considéré la discorde qui commença alors à s'élever entre César et Pompée, comme l'effet d'une rivalité d'ambitions qui était latente depuis longtemps et aurait éclaté dès la disparition de Crassus. Ce n'est pas dans les ambitions, mais dans les tempéraments des deux hommes que couvait la discorde, et ce furent les événements et non la volonté de l'un ou de l'autre qui la firent éclater : ce n'est pas la lutte entre deux ambitions qui commence, mais c'est le choc suprême de la politique conservatrice et de la politique démocratique qui va se produire. Après tant de luttes, ces deux politiques finirent par se trouver personnifiées dans les deux anciens amis. Les rancunes et les intrigues des conservateurs, la difficulté qu'il y avait à lutter à la fois avec eux, et avec César, Crassus et Clodius, avaient contraint jusque-là Pompée à s'unir à César, bien qu'il fût au fond, par tempérament, un conservateur. Mais le désastre de Crassus, les troubles de la république et les révoltes de Rome l'épouvantaient, réveillaient ses instincts autoritaires, le poussaient vers les idées partagées maintenant par les meilleurs citoyens ; vers ce programme ingénieux et chimérique en même temps, qui demandait la conciliation de l'aristocratie et de la démocratie, la répression de la corruption publique et privée, le retour à une vie plus simple et plus morale. Les choses ne pouvaient durer ainsi : la république avait besoin d'ordre, de paix et de justice ; si les magistratures ordinaires ne suffisaient pas, il fallait créer un nouveau magistrat qui pût enfin maîtriser la situation. Ces idées se répandaient dans les hautes classes, dont Cicéron, sans s'en rendre bien compte, exprimait le nouvel état d'âme, en écrivant le De republica.

César comprit le danger, et chercha avant tout à avoir Pompée avec lui. De Ravenne, où il était allé passer l'hiver[7], il aida son ancien beau-fils à faire dans la Cisalpine la levée dont le sénat l'avait chargé[8] ; et il lui proposa un nouveau mariage double. César aurait épousé la fille de Pompée, qui était alors fiancée au fils de Sylla ; Pompée aurait épousé la seconde fille d'une des nièces de César, de cette Atia, qui avait épousé Caïus Octavius, mort au moment où il allait devenir consul et qui, outre un fils Caius, né en 63 et âgé alors de onze ans, avait deux filles plus grandes[9]. Mais Pompée, qui commençait à être gêné par son union avec César, refusa. La déception fut grande pour César. Il lui était d'autant plus nécessaire de parer à temps à un danger qu'il voyait déjà se préparer dans l'avenir. Ses pouvoirs proconsulaires finissaient le 1er mars de l'année 49, et, d'après la loi de Sylla, qui ne permettait une réélection qu'au bout de dix ans, il ne pourrait être de nouveau consul qu'en l'année 48. Il y aurait donc encore dix mois d'inoccupés, pendant lesquels il ne serait plus couvert par l'immunité des magistrats, mais, comme le premier venu des citoyens, exposé aux accusations et aux procès avec lesquels les partis se faisaient la guerre à Rome. Avec tant d'ennemis, si la situation de son parti déclinait encore, si Pompée l'abandonnait, le danger d'un procès pouvait être grand, car il n'aurait pas été impossible d'arracher aux juges une condamnation à l'exil qui mettrait fin brusquement à sa carrière politique. Il fallait donc qu'il conservât pendant ces dix mois le gouvernement de sa province ; mais comment obtenir cela ? Il serait sans doute venu facilement à bout de faire différer la nomination de son successeur jusqu'au Pr janvier de l'année 48, et de rester dans sa province comme magistrat intérimaire en attendant son successeur ; mais celle-ci écartée, une autre difficulté plus grave se présentait. Il n'aurait pas pu briguer le consulat pour l'année 48, sa présence à Rome étant nécessaire pour cela. S'il entrait à Rome, il perdait l'imperium, devenait simple citoyen, était exposé aux coups de ses ennemis ; s'il restait dans sa province, il ne pouvait se porter candidat au consulat. Il n'était pas aisé de sortir de ce réseau de difficultés juridiques et constitutionnelles ; mais César, qui n'était jamais à court d'expédients, en trouva encore un très habile. Comme bien des gens désiraient qu'il fût élu alors, en dépit des lois, et par un procédé révolutionnaire, consul avec Pompée, il pria ses amis d'en abandonner l'idée ; mais il demanda en revanche que l'on fit présenter par les dix tribuns une loi l'autorisant à solliciter le consulat étant absent de Rome[10]. Il pourrait ainsi se faire élire consul et rester en Gaule jusqu'au 1er janvier de l'année 48, en empêchant la nomination de son successeur. Aussitôt il commença à Rome les démarches nécessaires pour faire proposer cette loi. Mais soudain des courriers des Gaules lui apportèrent des nouvelles inattendues et terribles. Encore une fois il s'était trompé en croyant qu'une répression féroce lui laisserait un peu de répit. A peine avait-il quitté la Gaule, que les hommes les plus éminents de plusieurs nations, irrités des dévastations et des condamnations de l'année précédente, s'étaient donné rendez-vous dans les forêts, avaient examiné la situation de la Gaule, formé une entente, agité leurs partisans et les classes populaires. Déjà les Carnutes, insurgés de nouveau sous le commandement de Gutuatre et de Conconétodumnus, venaient de massacrer à Genabum les marchands italiens et parmi eux le chevalier Caïus Fufius Cita, qui était le directeur des services d'approvisionnement de l'armée romaine. En Auvergne, son ami le jeune Vercingétorix avait fait une révolution, s'était emparé du pouvoir et dressait l'étendard de la révolte ; les Senones, les Parisiens, les Pictones, tes Cadurques, les Turones, les Aulerces, les Lémovices, les Andes et tous les peuples habitant sur les bords de l'Océan s'étaient soulevés et l'avaient pris pour chef ; une armée avait déjà été envoyée par le jeune chef arverne sous le commandement du Cadurque Luctérius sur les frontières de la Gaule narbonnaise, tandis qu'il envahissait lui-même le territoire des Bituriges, tributaires des Éduens[11]. Une révolte plus étendue et plus dangereuse que les précédentes menaçait les armées romaines dispersées dans leurs quartiers d'hiver, et surprenait César à des centaines de milles de distance, quand il n'avait même pas pu commencer l'œuvre de restauration politique pour laquelle il avait, si à la hâte, abandonné la Gaule.

La situation était effrayante pour César. Toute son œuvre en Italie et en Gaule allait-elle s'écrouler et l'ensevelir sous les ruines ? Mais la grandeur du péril excita toutes les énergies de son esprit. Ne pouvant parer à la fois à la crise gauloise et à la crise italienne, obligé de choisir entre l'une et l'autre, il abandonna sans hésitation, comme en 57, l'Italie à son destin et repartit aussitôt, c'est-à-dire probablement vers la mi-février, pour la Narbonnaise[12]. En route, les nouvelles devenaient de plus en plus graves : les Éduens, les Rèmes, les Lingones, qui étaient restés fidèles au centre de la Gaule, étaient entourés de populations rebelles, comme d'un immense cercle de feu ; à l'est les Séquanes seulement étaient encore hésitants ; toute l'armée romaine se trouvait au sommet septentrional de ce cercle. Si César rappelait ses légions dans la Narbonnaise, elles auraient à traverser toute la Gaule insurgée ; s'il allait les rejoindre, il devait traverser avec de faibles forces la Gaule en révolte et passer par ce cercle de feu. L'alternative était terrible Mais sans perdre un instant, avec cette rapidité qui, comme l'a dit un ancien, semblait être celle de la flamme, César imagina et exécuta un plan d'une audace extraordinaire. En quelques jours, il organisa du mieux qu'il put la défense de la Narbonnaise, avec la garnison et avec les soldats qu'il venait de recruter en Italie ; puis il envoya un petit corps de cavalerie à Vienne ; enfin, avec ce qui restait de la garnison, il franchit en plein hiver les Cévennes, faisant ouvrir par les soldats une route dans la neige, et il se jeta à l'improviste sur l'Auvergne. Les Arvernes, qui se croyaient à l'abri de toute attaque tant que les montagnes seraient couvertes de neige, furent si effrayés par cette apparition inattendue, qu'ils appelèrent aussitôt Vercingétorix au secours de la patrie, envahie, disaient-ils, par une armée immense. C'était ce que voulait César. Il céda le commandement à Decimus Brutus en lui enjoignant de ravager le pays ; puis il repassa les Cévennes avec une petite escorte, fit en quelques jours les cent milles (150 kilomètres) qui le séparaient de Vienne ; là il prit la petite troupe de cavalerie qu'il y avait envoyée d'avance, et chevauchant jour et nuit, il traversa la Gaule au galop, sans être reconnu et par suite sans être inquiété. Tout le monde le croyait encore en Auvergne. Il rejoignit ainsi les deux légions qui prenaient leurs quartiers d'hiver dans le pays des Lingones ; il envoya alors aux autres légions des ordres pour la concentration de l'armée aux environs d'Agendicum (Sens), et vers la mi-mars[13], s'étant rendu lui-même à Agendicum avec deux légions, il se trouva à la tête de toute son armée, composée de onze légions, y compris la légion de l'Alouette. Cela faisait environ 35.000 hommes, plus les auxiliaires gaulois, dont il est difficile de calculer le nombre, et la cavalerie, qui était réduite à peu de chose[14]. César avait fait de Vienne à Agendicum, en partie à cheval, en partie à la tête de deux légions, 300 autres milles (environ 450 kilomètres).

Vercingétorix, cependant, ayant compris que César l'avait trompé, était revenu sur le territoire des Bituriges, et avait mis le siège devant Gorgobina, avec sa petite armée, qui se composait d'Arvernes et de petits contingents envoyés par les autres peuples. Cela faisait probablement de sept à huit mille cavaliers, et autant, peut-être moins, de fantassins[15], dont la plupart devaient être ses serviteurs ou serviteurs et clients de ses amis. Quel parti César devait-il prendre ? Au point de vue politique, le meilleur parti était celui de se lancer aussitôt contre Vercingétorix, pour sauver les Éduens et s'assurer ainsi leur fidélité, pour épouvanter les rebelles, finir la guerre au plus vite et revenir sans tarder en Italie. Au point de vue purement militaire, il était au contraire beaucoup plus sage d'attendre la belle saison[16], pendant laquelle l'armée pourrait trouver en route des provisions abondantes. Mais cette fois-là encore, ce furent les considérations politiques qui l'emportèrent sur les considérations militaires. César jugea que la révolte des Éduens serait plus dangereuse pour lui qu'une campagne pendant l'hiver ; et il voulait relever la réputation de ses armes par la rapidité foudroyante de ses attaques et de ses victoires. Il demanda donc aux Éduens de faire tous leurs efforts pour lui fournir le blé ; il laissa deux légions et tous les bagages à Agendicum ; et en peu de jours il attaqua et prit Vellaunodunum , incendia Génabum, traversa la Loire, et, pénétrant sur le territoire des Bituriges, mit le siège devant Noviodunum. La ville allait se rendre quand Vercingétorix, qui était à Gorgobina, accourut. Voulait-il affronter l'armée romaine et tenter sérieusement de délivrer la ville ? Cela ne me parait pas probable, car ses forces étaient trop insuffisantes. Il avait probablement feint de secourir la ville menacée, pour rassurer un peu la Gaule, épouvantée par la marche de César ; mais déjà à ce moment c'était le système de la guérilla qu'il songeait à employer contre les Romains. Quoi qu'il en soit, sous les murs de Noviodunum eut lieu un combat dont César exagère l'importance, à la suite duquel Vercingétorix se retira, et la ville se rendit. César marcha sur Avaricum (Bourges), la capitale des Bituriges, une des plus riches parmi ces villes qui commençaient à grandir.

Vercingétorix commença alors à mettre à exécution avec méthode le plan qu'il méditait à mon sens depuis longtemps, et que César au contraire prétend lui avoir été suggéré par sa récente défaite : faire le vide autour de César en incendiant à mesure qu'il s'avançait les villages, les villes, Avaricum lui-même ; lui couper les voies, capturer les convois, anéantir ses fourrageurs. Ce plan était bon, puisque sa cavalerie était beaucoup plus forte que la cavalerie romaine ; mais pour l'exécuter il fallait au peuple un très grand courage. Les Bituriges au début n'en manquèrent pas. César s'avançait dans un pays désert et dévasté, voyant toujours à l'horizon les colonnes de fumée des villages incendiés, harassé sans trêve par Vercingétorix, qui le suivait de près, en se refusant à toute action, faisant camper sa petite armée dans les bois et les marais, à l'abri des attaques, et cherchant à capturer les convois de grain. Si Avaricum aussi était détruit, l'armée romaine s'égarerait dans une marche sans but, à travers un pays mis à feu et à sang. Mais les Bituriges ne s'étaient pas senti le courage d'incendier le bel Avaricum, et Vercingétorix, cédant à la fin, l'avait épargné. Aussitôt César y courut, et avec sa prodigieuse activité entreprit de gigantesques travaux d'investissement, faisant travailler ses soldats dans la saison encore froide et pluvieuse sans se préoccuper de la guérilla de Vercingétorix, qui faisait souvent manquer de pain pendant des journées entières. Jamais armée romaine, depuis celle de Lucullus, n'avait eu à endurer d'aussi grandes fatigues. Mais César connaissait mieux les soldats de son époque que Lucullus, et dans ces moments critiques, au lieu de les traiter durement, il les comblait d'attentions qui font contraste avec la férocité de cette guerre terrible. Un jour, il alla jusqu'à leur proposer de lever le siège si l'épreuve devenait trop pénible pour eux. Tous refusèrent naturellement et revinrent au travail avec plus d'ardeur que jamais[17]. Ainsi malgré le froid, la faim et les sorties de l'ennemi, les travaux d'approche furent faits, les tours d'attaque dressées, l'assaut donné et la ville prise, dans la seconde moitié d'avril[18]. César voulut donner encore un exemple terrible : la ville fut abandonnée aux soldats, et la population tout entière fut massacrée sans que Vercingétorix osât venir à son secours.

Il n'avait guère fallu plus d'un mois à César pour détruire quatre foyers de révolte ; pour semer sa route de châtiments terribles, comme l'incendie de Genabum et le sac d'Avaricum ; pour remplir ses coffres d'or et d'argent en pillant les trésors des villes, des temples et des particuliers ; pour relever enfin dans les légions cette confiance, qui est si nécessaire à une petite armée qui guerroie dans un vaste pays en révolte. Son impétueuse et géniale énergie avait triomphé de tout, de l'espace, de la saison, de la faim, des murailles fortifiées et des hommes. II fit alors une petite halte à Avaricum, comme pour reprendre haleine. Jugeant qu'avec la prise d'Avaricum la partie la plus pénible de son œuvre était accomplie, et que si la révolte n'était pas complètement éteinte, elle était du moins définitivement domptée, César se proposait de faire reposer son armée et de la nourrir avec les provisions trouvées à Avaricum jusqu'au printemps qui approchait ; puis le printemps venu, il envahirait le pays des Arvernes, détruirait leur capitale Gergovie, et la guerre serait terminée. Mais il survint tout à coup un de ces dangereux incidents de politique gauloise qui depuis cinq ans causaient tant de soucis à César. Chez les Éduens l'élection du premier magistrat menaçait d'amener une guerre civile, car deux partis s'étaient formés, dont Fun avait nommé à la magistrature suprême Cotus, l'autre Convictolitavus, et ce dernier prétendait que l'élection de Cotus était illégale. César dut suspendre ses opérations militaires, se rendre avec son armée à Décétia et trancher le différend, en reconnaissant la validité de l'élection de Convictolitavus. II se passa ainsi quelques semaines pendant lesquelles les forces de l'insurrection auraient dû se dissoudre et se perdre, dans l'épouvante du dernier assaut qui allait lui être porté. Au contraire, les nouvelles qui arrivaient à César indiquaient clairement que l'insurrection n'avait pas été découragée par ses victoires autant qu'il était permis de le supposer. Au nord de la Gaule les Sénones et les Parisiens étaient en armes et pleins d'ardeur ; Comenius préparait une armée ; Vercingétorix avait reçu des secours de l'Aquitaine, recrutait des archers, enseignait à ses soldats à faire le camp comme les Romains, invitait à la révolte les peuples restés fidèles aux Romains, tels que les Éduens et les Séquanes, en envoyant à leurs chefs de grandes quantités d'or, car les mines les plus importantes étaient en Auvergne. Cependant César était si bien persuadé que la guerre touchait à sa fin, qu'il se crut assez fort pour diviser son armée. Comme il ne parle jamais de la légion gauloise de l'Alouette, et qu'il fait toujours semblant de n'avoir que dix légions, il dit qu'il en donna quatre à Labienus en l'envoyant pour la mi-mai dans le nord contre les Parisiens et les Séquanes ; tandis que lui-même se dirigea avec six légions vers le sud, pour envahir par la vallée de l'Allier l'Auvergne, obliger Vercingétorix à accepter la bataille et mettre fin à la guerre.

Vercingétorix cependant était venu jusqu'aux bords de l'Allier ; il avait fait couper tous les ponts, et suivait le long de la rive gauche les mouvements de César sur le bord opposé, pour l'empêcher de passer en Auvergne. César dut avoir recours à un stratagème. Il réussit un matin à cacher dans un bois, auprès d'un pont détruit, vingt cohortes (il en avait pris deux à chaque légion), et quand le reste de l'armée se fut éloigné le long de la rivière, les vingt cohortes sortirent de leur refuge, reconstruisirent le pont et l'occupèrent. Les légions, averties, revinrent et passèrent l'Allier. Vercingétorix, ne voulant pas livrer bataille, les laissa faire : et fidèle à sa tactique recommença à fuir devant l'ennemi. Cinq jours après, César arrivait en vue du plateau à pentes abruptes sur lequel était construite Gergovie ; et sans perdre un instant il commençait les travaux d'approche. Mais six légions n'étaient pas suffisantes pour prendre une ville aussi bien défendue par la nature et par l'art ; et la situation de l'armée romaine devint bientôt critique. Vercingétorix campait toujours à peu de distance, se tenant à couvert dans les forêts et dans les marais, toujours gênant et toujours inattaquable ; les nobles éduens, corrompus par l'or de Vercingétorix, commençaient à hésiter ; Gergovie tenait bon. Un jour il s'en fallut de peu qu'une troupe de soldats qui lui était envoyée par les Éduens ne passât à l'ennemi. César alors voulut épouvanter la Gaule en enlevant Gergovie de vive force, et il lança les six légions à un assaut général. Mais ce coup d'audace désespérée ne réussit pas ; les assaillants furent repoussés avec de grosses pertes[19]. Reconnaissant alors son erreur et le danger qu'il y aurait à s'obstiner devant la place, César décida de lever le siège et d'aller, probablement dans la seconde moitié de juin, chercher Labienus dans le nord.

La décision était sage, mais elle présentait un danger immédiat. Dans la surexcitation générale des esprits, ce premier insuccès manifeste de César parut être le commencement de sa ruine. On crut presque partout que César aurait désormais le dessous, et cela décida ceux qui hésitaient encore à se ranger contre lui. En route il apprit que les Éduens eux-mêmes avaient fini par se révolter, qu'ils avaient massacré les marchands romains, pris à Noviodunum son trésor, les otages gaulois, ses bagages, ses chevaux et coupé le pont sur la Loire, emporté, brillé ou jeté dans la rivière son blé, et qu'ils se préparaient à le refouler dans la Narbonnaise, en lui barrant le passage de la Loire. Ce fut le moment où César trembla vraiment pour son sort[20]. La défection des Éduens, le plus riche et le plus puissant peuple de la Gaule, coupait sa meilleure base de ravitaillement et ses communications avec Labienus, annulait tout l'effet de ses victoires précédentes, déchaînait la révolte dans toute la Gaule, entraînant les peuples qui jusqu'alors avaient hésité. C'en était fait : les vieilles institutions gauloises qu'il avait cherché à faire fonctionner sous son contrôle devenaient maintenant l'organe de la révolte, la grande machine de guerre contre Rome. Déjà d'un bout à l'autre de la Gaule on traitait pour convoquer une grande diète nationale à Bibracte. Une fois encore César se voyait au bord de l'abîme. Mais cette fois aussi il ne se laissa pas épouvanter par la révolte des Éduens. Il comprit que s'il se retirait seul dans la Narbonnaise en laissant Labienus dans le nord, les Gaulois pourraient facilement les anéantir tous les deux ; il décida donc de rallier à tout prix et le plus vite possible Labienus. Ne voulant pas perdre de temps à faire un pont sur la Loire, trop grossie par la fonte des neiges, il trouva un gué où ses soldats pourraient passer en ayant de l'eau jusqu'aux aisselles et en portant sur leurs têtes les armes et les fagots ; il plaça en amont la cavalerie, pour briser, comme un môle vivant, le courant ; et il poussa toute l'armée dans le fleuve. Puis ayant pris tout le blé et tout le bétail qu'il put trouver, ayant chargé les esclaves, les mulets, les soldats eux-mêmes, il avança à marches forcées et finit par rejoindre Labienus sur le territoire des Sénones, probablement dans le voisinage d'Agendicum (Sens). De Gergovie à Agendicum, César avait parcouru encore 200 milles (300 kilomètres) ; en supposant qu'il ait mis à cela une quinzaine de jours, il se trouvait au commencement du mois de juillet à la tête de son armée tout entière. Tandis qu'il subissait son échec à Gergovie, Labienus avait remporté des victoires considérables sur les Sénones et les Parisiens.

Il y eut alors une trêve. Les Commentaires ne nous disent pas combien elle dura, mais elle fut d'au moins un mois, pendant lequel il y eut une grande activité et des préparatifs fiévreux des deux côtés. La défaite de Gergovie semblait avoir changé les probabilités de la guerre. Les Éduens avaient entraîné à la révolte, par l'exemple de leur défection, presque tous les peuples gaulois, à l'exception des Rèmes, des Lingones, des Trévires et de certains peuples belges. Le jeune héros arverne s'était rendu à Bibracte, devenue le centre de l'insurrection, et les députés de tous les pays de la Gaule s'y réunissaient pour préparer une diète où l'on traiterait de la formation d'une armée nationale ; un enthousiasme immense entraînait toute la Gaule. César, au contraire, en sentant la révolte le menacer de toute part, considérait la Gaule comme perdue ; et il n'avait plus qu'une pensée, celle de tirer ses soldats-de cette fournaise. Mais la retraite paraissait maintenant très difficile au général, qui deux mois auparavant croyait avoir reconquis pour toujours la Gaule. Les soldats étaient très découragés[21] ; les approvisionnements, toujours difficiles, allaient le devenir plus encore dans un pays tout entier en révolte ; le manque de cavalerie pouvait causer de grands préjudices. A ce moment suprême le spectre de Crassus apparut à César : en ramenant à travers la Gaule avec une aussi faible cavalerie ses légions découragées, ne risquait-il pas de tomber comme Crassus sous les attaques de la cavalerie gauloise si nombreuse ? Ce fut sans doute cette crainte qui lui fit conduire son armée du côté de la Germanie, à un endroit où selon les uns est maintenant Vitry-sur-Marne[22], selon d'autres Bar-sur-Aube[23], pour recruter un grand nombre de cavaliers germains. Le général qui sept années auparavant était entré en Gaule comme le destructeur de la puissance germanique enrôlait maintenant des Germains contre les Gaulois, en les payant avec l'or des pillages de la Gaule. César passa ainsi tout le mois de juillet et peut-être une partie du mois d'août à enrôler des Germains, à en faire un gros corps de cavalerie et à préparer sa retraite ; mais ses soldats étaient très découragés, les Gaulois au contraire pleins de confiance et d'ardeur.

Le découragement des uns et la joie des autres ne devaient pas durer longtemps. César se trompait en croyant le danger si grand, comme il s'était trompé auparavant en jugeant que la guerre était finie. Vercingétorix était redevable de tous ses succès à la guérilla ; et certainement, si dans toute la Gaule on avait pu organiser la guerre de partisans sous des chefs comme lui, César aurait pu à la fin être obligé à la retraite par la famine. Mais la défaite essuyée par César sous Gergovie sauva la domination romaine. Enhardie par ce succès, une partie des Gaulois voulut changer la guérilla en une grande guerre régulière, dans laquelle la Gaule désunie, travaillée par une profonde crise sociale, ne pouvait pas triompher des armées romaines. Les premières difficultés commencèrent pour les Gaulois quand, à la diète de Bibracte, il s'agit de choisir le généralissime et d'établir un plan de guerre. Les Éduens voulaient élire un de leurs concitoyens ; un autre parti proposait de confirmer dans le commandement suprême Vercingétorix ; un parti voulait la grande guerre, un autre la continuation de la guérilla. Vercingétorix l'emporta ; mais pour ne pas faire trop sentir aux Éduens son autorité et pour concilier les partis opposés, il proposa une guerre mixte, c'est-à-dire un de ces compromis si dangereux et cependant si fréquents dans l'histoire, parce qu'ils sont imposés fatalement, même aux hommes les plus résolus et les plus intelligents, par la faiblesse et la sottise des autres. Les Éduens et les Ségusiaves enverraient dix mille fantassins et huit cents cavaliers sous le commandement d'un noble pour envahir le territoire des Allobroges dans la province romaine ; les Gabales et les Arvernes saccageraient le territoire des Helviens ; les Ruthènes et les Cadurques celui des Volces Arécomices, de façon à envahir sur plusieurs points la province romaine, et à faire descendre César du nord pour la défendre. Vercingétorix transporterait son quartier général à Alésia (Alise-Sainte-Reine) une petite ville fortifiée des Mandubiens[24], autour de laquelle se croisaient toutes les routes par lesquelles César pouvait passer pour descendre du nord dans la Narbonnaise ; et qui était une vedette excellente pour épier l'ennemi. D'Alésia, après l'avoir munie de vivres et fortifiée, Vercingétorix, avec un corps de 15.000 cavaliers et l'infanterie qu'il possédait déjà chercherait à ralentir la marche de l'ennemi, à lui couper les vivres et à le harceler quand il passerait par là pour aller au secours de la Narbonnaise. César, en effet, probablement dans la première moitié du mois d'août, après avoir organisé un gros corps de cavaliers germains, commençait, à la tête de ses onze légions fatiguées et découragées, sa retraite sur la Province[25], conclusion désastreuse d'une entreprise qui avait eu de si brillants débuts. La guerre, dans laquelle il avait engagé toute sa fortune politique, se terminait par une retraite précipitée ; l'œuvre à laquelle il avait travaillé pendant sept ans et qui devait faire de lui l'égal de Lucullus et de Pompée avait été détruite ; ces trente mille hommes qui partaient découragés et tristes, traînant derrière eux sur des mulets, en un long cortège, les machines de guerre, les bagages, les esclaves des légions, les restes du butin, les marchands italiens échappés au massacre, enfin tout ce qui restait encore, comme hommes et comme choses, d'italien dans le pays que l'on avait cru un instant conquis, représentaient la fin de la domination romaine au delà des Alpes et la ruine dernière de cette politique conquérante dans laquelle César avait pensé imiter et même dépasser Lucullus.

Il est difficile de savoir exactement par où il passa. Les uns le font partir de la région où est maintenant Troyes et se diriger par Gray et Dijon sur Besançon[26] ; d'autres le font partir de Vitry-sur-Marne pour descendre la vallée de la Tille, passer à Dijon, traverser la Saône près de Saint-Jean-de-Losne et se diriger vers la Narbonnaise, le long de la rive droite de la Saône[27] ; d'autres enfin le font partir de Bar-sur-Aube, dans la direction de Pontailler-sur-Saône[28]. Ce qui est certain, c'est que, vers le quatrième jour de marche[29], au matin, quand il fut arrivé à Beneuvre, entre Brevon et l'Ource, selon von Goler, sur les bords de la Vingeanne, selon Napoléon III, dans le voisinage de Montigny, selon le duc d'Aumale, ou près d'Allofroy, selon l'écrivain anonyme du Spectateur militaire, César fut à l'improviste attaqué par Vercingétorix et il fallut livrer une bataille rangée[30].

Que s'était-il donc passé ? Pourquoi Vercingétorix abandonnait-il son système de guérilla pour tenter la grande guerre ? Comme le général gaulois nous apparaît, même dans le récit de César, plein d'intelligence et d'énergie, en l'absence de documents précis il y a lieu de supposer que ce fut l'état de son armée qui l'obligea à aller chercher cette rencontre, que César désirait. On peut faire la guérilla avec une petite armée, avec peu de ressources, et sans avoir de grands généraux ; mais il faut pour cela des soldats courageux, résolus et patients. Tant que Vercingétorix avait été à la tête de petits corps de cavalerie et d'infanterie, composés presque uniquement d'Arvernes, qui étaient ses clients, ses serviteurs ou ses amis, il avait eu assez d'autorité pour leur faire endurer les lourdes fatigues de la guérilla. Mais maintenant qu'il était à la tête d'une armée hétérogène, il se trouvait avoir à la fois beaucoup plus de soldats et beaucoup moins d'autorité. Il est probable que des discordes s'élevaient entre les nombreux chefs de ces troupes et que les rivalités nationales grandissaient de jour en jour dans une armée qui s'était formée en peu de mois, dans un moment d'exaltation, et qui n'était pas soumise à une discipline régulière ; où les soldats étaient pour la plupart des clients de grands seigneurs, habitués aux petites guerres gauloises de courte durée, ou des jeunes hommes recrutés à la hâte dans toutes les classes et dépourvus de la préparation militaire suffisante. Vercingétorix dut craindre à un certain moment que l'enthousiasme patriotique ne s'éteignît bientôt, s'il ne le relevait pas par un succès analogue à celui de Gergovie ; il se dit aussi que l'armée romaine devait être fatiguée et découragée, que si l'année précédente les Parthes avaient détruit les légions de Crassus en lançant sur elles de grosses troupes de cavalerie, le même coup pourrait lui réussir. Il lança donc à l'improviste sa cavalerie sur l'armée de César qui était en marche, et il tint en arrière son infanterie, divisée en trois corps et immobile.

Mais Vercingétorix ne savait peut-être pas que César avait recruté de l'autre côté du Rhin une nouvelle cavalerie ; et au lieu des peu nombreuses et faibles turne romaines, il se trouva en face des vigoureux escadrons germains. L'engagement entre les deux cavaleries fut violent, mais court, car les Germains de César, avec l'aide des légions, ne tardèrent pas à mettre en fuite les Gaulois et à en tuer un grand nombre. Toutefois cette bataille, qui n'avait pas été terrible, eut des conséquences considérables, qu'il ne serait pas possible d'expliquer sans admettre que l'armée gauloise manquait tout à fait d'organisation et d'endurance, et que César l'avait crue plus dangereuse qu'elle n'était en réalité. En effet, aussitôt après la bataille, Vercingétorix se replia avec ses troupes sur Alésia ; et César, comprenant bien vite que cette retraite dans une ville fortifiée signifiait un profond découragement de l'armée, changea son plan, et au lieu de continuer sa retraite vers la Province, il résolut de reprendre l'offensive et de tenter un coup suprême. Ce serait la fin de la guerre, s'il était vainqueur, et le moyen de recouvrer son crédit à Rome ; s'il était vaincu, il périrait là avec son armée, et irait en Gaule même au-devant du destin qui l'attendait certainement dans la Province, s'il y rentrait avec ses légions vaincues. Dès le lendemain il se mit donc à la poursuite de l'armée gauloise ; et quand, arrivé devant Alésia, il vit le rocher sur lequel se dressait la citadelle, il n'hésita pas, étant en pays ennemi et sans approvisionnements assurés, à assiéger là avec 30.000 hommes un ennemi dont les forces étaient égales ou même supérieures[31] ; à y attendre les attaques des armées gauloises parties pour la Narbonnaise, si elles revenaient au secours des assiégés ; à en venir aux mains sous les murs d'Alésia, si cela était nécessaire, avec toute la Gaule insurgée. Ce serait l'épreuve suprême ! Mais cet homme qui portait en lui les destins de l'Europe était décidé à tout risquer. Les légionnaires prirent sur les bêtes de sommes leurs pelles et leurs pioches, et ils se mirent encore une fois à creuser des tranchées et à élever des terrasses autour de la ville.

Vercingétorix tenta d'abord de gêner les travaux des Romains en faisant des charges de cavalerie, mais il s'aperçut bientôt qu'il pourrait en retarder, mais non en empêcher l'exécution. Que faire alors ? Tenter une sortie et tout risquer dans une bataille rangée était un parti trop dangereux, mais se laisser enfermer était un suicide. Un conseil de guerre, après de vives discussions, décida de faire sortir la cavalerie avant que les lignes ne fussent achevées, avec la mission d'aller demander du secours aux différents peuples celtiques et d'exciter la Gaule à faire une levée en masse. Deux cent cinquante mille hommes devaient se réunir, et se jeter sur les tranchées romaines. Une nuit, en effet, toute la cavalerie gauloise sortit sans bruit, réussit à tromper la vigilance des sentinelles romaines, passa à travers les travaux du siège encore inachevés, et disparut en nombreux escadrons aux quatre coins de l'horizon. La première partie du plan avait réussi. Qu'allait-il maintenant se passer en Gaule ? Le pays tout entier répondrait-il à l'appel des assiégés d'Alésia, des défenseurs suprêmes de sa liberté ? Sur toutes les routes, à travers les grandes forêts druidiques et les marais déserts, de village en village, allait-on allumer les feux annonçant le danger et implorant le secours ? Les messagers de la révolte pénétreraient-ils jusque dans les derniers villages des montagnes pour faire savoir que la patrie gauloise demandait un suprême et sanglant sacrifice ? Et cette vague formidable d'hommes armés viendrait-elle déferler sur le récif d'Alésia ?

César ne pouvait pas répondre à ces questions inquiétantes. Mais le sort en était jeté. Il ne pouvait plus se retirer ; il ne pouvait pas, comme l'avait fait Lucullus sous les murs de Tigranocerte, laisser une partie de ses trente mille soldats pour continuer le siège, et marcher avec le reste contre l'armée de secours, parce que son armée était trop petite et qu'en la divisant chaque partie risquait d'être anéantie ; il ne pouvait cependant pas non plus se laisser prendre par une grosse armée sous les murs d'Alésia. Il se trouvait donc encore une fois dans une position très critique. Alors cet homme, dont l'esprit depuis sept mois bouillonnait comme une grande source qui jaillit par une ouverture trop étroite, conçut et exécuta sans reprendre haleine, avec une rapidité inouïe, une des idées les plus extraordinaires et les plus grandioses de la guerre antique : s'enfermer, lui aussi, dans une grande forteresse improvisée. Il pratiqua du côté de la plaine une seconde circonvallation, avec des tours et des vedettes, en laissant entre cette tranchée et celle qu'il avait déjà faite du côté de la ville un grand espace. Entre les deux tranchées son armée devait séjourner comme dans une longue forteresse ; en courant d'une tranchée à l'autre et en se mouvant dans l'étroit espace intermédiaire, elle essaierait de résister aux doubles assauts que lui feraient les assiégés d'Alésia et les deux cent cinquante mille hommes qui devaient venir de la Gaule. Mais les soldats auraient-ils le temps d'achever les immenses travaux pour lesquels on a calculé qu'il fallut déplacer deux millions de mètres cubes de terre ?[32] César ne risquait-il pas d'être assiégé à son tour par l'armée de secours, comme Mithridate sous les murs de Cizyque, et d'être réduit à mourir de faim ? La situation était terrible. Bien que l'ennemi fût encore loin, et que l'on fût aidé par les Rèmes et les Lingones[33], l'approvisionnement de l'armée était déjà difficile. Que serait-ce quand une immense multitude d'hommes armés occuperait tout le pays et fermerait toutes les routes ? Cependant du matin au soir César, avec l'aide de Mamurra, d'Antoine, de Labienus, de Decimus Brutus, de Caïus Trébonius, de Caïus Caninius Rébilus, de Caïus Antistius Réginus, dirigeait le travail gigantesque et communiquait son ardeur à son armée ; il étudiait les textes de poliorcétique, il consultait Mamurra et les esclaves orientaux les plus habiles dans les ouvrages militaires, il leur faisait faire des dessins, les distribuait aux centurions devenus contremaîtres ; il envoyait chercher partout du bois et du fer, tandis que neuf mille soldats travaillaient sans relâche, amoncelaient la terre, faisaient des trous au loin dans la plaine, y mettaient des crochets de fer et des pieux pointus, qu'ils recouvraient de fagots et d'herbes, pour semer le terrain de pièges redoutables.

Les semaines passèrent ainsi. Cependant partout dans les villages de la Gaule on recrutait la jeunesse pour la guerre, on préparait les contingents, on fourbissait les armes, on tirait les bêtes de somme des étables et on les chargeait de blé ; sur toutes les routes des jeunes gens et des convois se rencontraient se dirigeant vers les endroits choisis pour la concentration ; et d'où ils devaient tous se rendre à Bibracte. où les nobles des principaux États gaulois étaient déjà réunis pour délibérer au sujet du commandement de l'armée et du plan de la guerre. Mais autour d'Alésia planait le désert silencieux et sinistre. Il n'arrivait à César que de vagues nouvelles de l'armée de secours ; et du haut des murailles d'Alésia les vedettes de Vercingétorix interrogeaient en vain l'horizon. Bientôt on commença à Alésia à souffrir de la faim ; et le jour vint où Vercingétorix, après avoir rationné tout le monde, dut se débarrasser des bouches inutiles, envoyer toute la population non combattante hors des murailles, dans l'espace compris entre celles-ci et la tranchée intérieure des Romains. Il espérait que César les prendrait pour les vendre et qu'ainsi ils échapperaient à la mort. Mais César n'avait pas de pain pour ses soldats[34]. En vain cette foule de vieillards, de femmes et d'enfants abandonnée dehors aux intempéries et à la faim tendait ses bras aux chaînes, en suppliant les Romains de lui donner du pain. Tous les jours les assiégés d'Alésia et les Romains pouvaient voir des femmes, des vieillards et des enfants mordiller l'herbe, pleurer, se lamenter et tomber épuisés ; l'espace compris entre les tranchées et la colline se changeait en un champ d'agonies, en un cimetière où les mourants étaient déjà des squelettes ; mais les cris déchirants de ces malheureux mourant de faim n'émouvaient ni les cœurs romains ni les cœurs gaulois, endurcis les uns et les autres par le danger, par la disette, par cette convulsion effrayante et furieuse de la lutte de l'homme contre l'homme. Si entre les murs d'Alésia et les tranchées on mourait d'inanition, dans Alésia même la garnison épuisait ses dernières ressources ; et dans les tranchées romaines les soldats travaillaient le ventre vide. Si à ce moment terrible, au lieu de recruter une grande armée de secours, de nombreuses bandes de guerriers avaient tout dévasté à la ronde et capturé les convois des Lingones et des Rèmes, l'armée de Vercingétorix et la population mandubienne seraient peut-être mortes de faim, mais elles ne seraient pas descendues dans le néant sans entraîner avec elles trente mille soldats romains, morts eux aussi de faim et de souffrance autour du rocher d'Alésia.

Au lieu de cela la grande guerre sauva encore une fois César. Une armée gauloise fort nombreuse, même si elle comptait moins de 250.000 hommes, arriva au secours d'Alésia[35] ; mais ce n'était qu'une immense cohue, recrutée à la hâte dans toutes les classes de la société gauloise, et commandée par quatre généraux, Commius, Vercassivellaunus, Épérédorix et Viridomar, qui ne semblent pas avoir été bien d'accord. On a remarqué avec raison que deux de ces généraux étaient Éduens, et que les Éduens, qui n'étaient entrés dans le mouvement révolutionnaire qu'au dernier moment, semblent avoir pris part à cette lutte suprême avec une indolence qui rendrait possible pour bientôt une réconciliation avec Rome. De toute façon, si cette armée avait été une véritable armée bien commandée, elle aurait pu anéantir César, en sacrifiant Vercingétorix. Il fallait assiéger César comme Lucullus avait assiégé Mithridate sous les murs de Cizique, en le forçant à s'ouvrir de force un chemin ou à mourir de faim. Au lieu de cela le manque d'entente entre les chefs, le peu de cohésion de l'armée, la hâte que l'on avait de sauver Vercingétorix amenèrent les chefs à tenter des assauts répétés contre les tranchées romaines, tandis que Vercingétorix les attaquait de l'extérieur. Ces assauts durèrent sept jours[36], mais les Gaulois ne réussirent pas à briser le grand rempart de terres et d'hommes que le génie de César n'avait mis qu'un mois à élever. Antoine, Labienus, Trébonius, Antistius et Caninius repoussèrent avec énergie sous les ordres de César les assauts sur tous les points attaqués ; ces tentatives inutiles et qui coûtèrent beaucoup d'hommes fatiguèrent et découragèrent l'armée de secours, qui par sa composition devait vaincre vite ou se dissoudre ; elle finit par se débander en laissant de nombreux prisonniers au pouvoir des Romains, et sans avoir pu rompre le cercle de fer qui entourait Alésia. Vercingétorix dut capituler ; son armée, ce qui survivait des Mandubiens, et une grande partie des prisonniers furent distribués aux soldats. De cette façon singulière et au grand étonnement de tous, la guerre se trouva terminée vers la fin de septembre.

Pays barbare en train de se civiliser et pour cela plein de contradictions, la Gaule ne sut faire ni la guérilla terrible et tenace des barbares, ni la guerre savante et méthodique des peuples civilisés. Elle fit tour à tour l'une et l'autre. On retrouve dans cette guerre l'incohérence qui était alors dans la société gauloise ; et par laquelle seulement on peut expliquer comment la Gaule fut vaincue par une petite armée de 30.000 hommes. Vercingétorix fut le héros et la victime de cette contradiction, qui ne pouvait se résoudre que par une grande ruine. Mais l'armée romaine et son général avaient, en prenant Alésia, triomphé dans une grande épreuve, qui aurait pu aboutir à une catastrophe, non seulement si le général avait été moins audacieux, moins ingénieux, moins fort de corps et d'esprit, mais si les soldats avaient été moins résistants. Ces trente mille hommes auraient certainement été pris de panique, s'ils avaient été aussi médiocres que ceux de Crassus, quand ils se trouvèrent seuls dans un vaste pays ennemi, menacés de toute part, sans base d'opérations, les communications rompues avec l'Italie. Contre une armée aussi découragée même le mélange de guerre et de guérilla que firent les Gaulois aurait suffi à amener un désastre ; César aurait pu périr sur la route de la Narbonnaise, comme Crassus avait péri sur la route d'Arménie, et toute l'histoire de l'Europe prendre un autre cours. Que serait-il advenu si Rome avait subi en Gaule un désastre analogue à celui de l'année précédente en Perse ? Le moment était terriblement critique, et après la ruine de Crassus, le choc moral produit dans l'âme de la nation par une seconde catastrophe atteignant cette fois César, aurait pu être formidable. On se demande si l'Italie n'aurait pas été découragée pour toujours de pareilles entreprises, et si elle n'aurait pas renoncé à s'avancer désormais à l'intérieur du continent européen. C'est pendant les journées lugubres du siège d'Alésia que se décidèrent les destinées de la civilisation européenne. Si, comme le lui reprochaient ses ennemis, César n'avait pas conquis la Gaule avec la rapidité de l'éclair, il avait fait une chose plus modeste mais non moins importante : il avait en sept années créé une petite mais admirable armée, telle que Rome n'en avait pas eu depuis longtemps, et qui, à un moment décisif, avait su imprimer aux événements une direction définitive, que les siècles ne pourraient plus changer.

 

 

 



[1] JULLIAN, Vercingétorix, 114. Son attitude (celle de César) pendant l'hiver qui commence (53-52) est d'une étrange imprudence.

[2] César ne dit rien de ce farouche épisode. C'est HIRTIUS, B. G., VIII, XXIII, qui le raconte assez naïvement. Si les Gaulois avaient écrit eux aussi l'histoire de la conquête romaine, ils auraient sans doute eu à nous raconter beaucoup d'épisodes semblables qui nous feraient mieux comprendre la haine que la noblesse gauloise avait pour les envahisseurs. Selon Hirtius, c'est de son propre mouvement que Labienus fit sur Commius cette tentative d'assassinat, mais la chose est impossible. Commius avait été lié avec César d'une trop grande amitié, et Labienus n'aurait pas agi sans l'autorisation du proconsul.

[3] DION, XL, XLVIII.

[4] DION, XL, XLIX.

[5] DION, XL, XLIX ; APPIEN, B. C., II, XXII.

[6] Pour comprendre combien l'opinion publique varia sur César en 53 et en 52, il suffit de comparer ce que Cicéron disait de César en 56, en 55, en 54 (CICÉRON, F., I, IX ; VII, VII ; VII, VIII ; ad Q., II, XV, B. ; II, XVI ; III, I ; III, V ; III, VIII ; III, IX ; A., IV, XVI ; IV, XVIII, et tout le discours de provinciis consularibus), avec ce qu'il écrivait en 51 et en 50 (CICÉRON, A., VI, I, 25 ; VII, I ; VII, VII, 5). Voyez en outre CICÉRON, F., II, VIII, 2. Ce changement ne fut pas déterminé par des causes personnelles, car César fit toujours tout ce qu'il put pour conserver les bonnes grâces de Cicéron (voy. A., VII, I, 3), mais par un changement d'opinion dans les hautes classes et qui eut pour cause la ruine de Crassus, le désordre intérieur de Rome et la révolte des Gaules. Il faut remarquer en outre que dans la correspondance de Cicéron nous n'avons presque rien des lettres de 52, et que celles qui nous restent sont des billets sans importance. Comme il est probable que la correspondance fut publiée sous Auguste et qu'il est certain qu'elle fut l'objet d'une sorte de censure préventive, je suis porté à croire que les lettres de 52 furent presque toutes supprimées, parce qu'elles montraient trop bien l'épouvante qu'avait produite la révolte des Gaules, et qu'elles contenaient des jugements sévères sur César. Le moment où l'opinion publique impartiale, qui était favorable à César après la conquête de la Gaule, changea, est donc bien l'année 52 ; ce fut celle où on se rendit compte que l'annexion de 57 avait été une tromperie politique.

[7] FLORUS, III, X, 22.

[8] CICÉRON, pro Mil., XXIII, 61 ; XXVI, 70 ; ASCONIUS, p. 35, 51 ; DION, XL, 49-50 ; CÉSAR, B. G., VII, I.

[9] SUÉTONE, César, 27.

[10] APPIEN, B. C., II, XXV ; DION, XL, 51.

[11] CÉSAR, B. G., VII, I-V.

[12] La mort de Clodius ayant eu lieu le 18 janvier, il me semble que l'on peut fixer ainsi approximativement cette date d'après le passage de CÉSAR, B. G., VII, I. Je remarquerai en passant que César, dans le récit de cette guerre, a négligé presque absolument toute indication chronologique, ce qui augmente beaucoup la difficulté d'en écrire l'histoire.

[13] Selon JULLIAN (Vercingétorix, 155) César serait arrivé vers ses légions à la fin de février. Cela me parait difficile. Le voyage de Ravenne à Narbonne, les dispositions qu'il prit pour la défense de la Narbonnaise et le passage des Cévennes ne peuvent lui avoir demandé moins de quinze jours. De l'Auvergne à Sens en passant par Vienne il y a environ 600 kilomètres, et bien qu'une partie du trajet fut faite à cheval, il faut compter encore au moins quinze jours. Pour que César eût pu rejoindre ses légions vers la fin de février, il aurait fallu qu'il partit de Ravenne à la fis de janvier, ce qui n'est guère admissible, si l'on considère que Clodius fut tué le 18 janvier, que César arriva à Ravenne après ce meurtre, qu'il y resta quelque temps et fit des démarches pour pouvoir se présenter au consulat pendant son absence. Tout cela ne put se faire en quelques jours. Quant au fait que les légions se réunirent auprès d'Agendicum, il me parait résulter de ce que dit CÉSAR, B. G., VII, IX (legiones... unum in locum cogit) et VII, X (duabus Agendici legionibus... relictis).

[14] Le DUC D'AUMALE, dans la Revue des Deux Mondes du 1er mai 1858, à la page 75, a fait remarquer que les légions de César ne peuvent pas avoir été de 5.000 hommes, mais qu'elles devaient être de 3.500 à 4.000. Si nous considérons que nous sommes presque à la fin de la guerre, je crois qu'on peut les réduire encore et ne les évaluer qu'à 3.000 hommes.

[15] JULLIAN (Vercingétorix, 159) attribue à Vercingétorix de six à sept mille cavaliers et cent mille fantassins. La plupart des historiens sont aussi portés à considérer comme très considérable l'armée de Vercingétorix. Mais la chose ne me parait pas possible. D'abord où aurait-il recruté tant de soldats ? Il est certain que les peuples insurgés lui envoyèrent des contingents ; mais il ne faut pas oublier que quelques-uns d'entre eux, et les plus importants, tels que les Senones et les Parisiens, concentrèrent surtout leurs efforts militaires dans leur pays, si bien qu'à peu de temps de là César dut envoyer contre eux quatre légions. En outre, si dans l'antiquité il n'était pas facile de nourrir cent mille hommes en temps de guerre (Mithridate, par exemple, dut à plusieurs reprises accumuler du blé pendant des années et des années pour entretenir des armées qui étaient à peine plus considérables), il était impossible qu'une aussi grosse armée fit une guerre de dévastation comme celle que fit l'armée de Vercingétorix. Une pareille guerre ne peut réussir que si l'armée dévastatrice est moins nombreuse que l'armée ennemie ou si elle a des moyens d'approvisionnement de beaucoup supérieurs ; sans quoi le danger est plus grand pour elle que pour l'ennemi. Rien ne prouve que ce fut là le cas pour Vercingétorix. En outre ce fut la cavalerie qui fit presque tout dans la guerre (voy. CÉSAR, B. G., VII, XIV) ; l'infanterie ne joua qu'un rôle secondaire ; et quand César essaya de surprendre le camp (VII, XVII), elle put se cacher avec les bagages dans les marais, et cela très vite, ce qui n'aurait pas été possible si elle eût été très nombreuse. Enfin serait-il possible que César ait osé partager son armée et aller à Gergovie avec six légions seulement, c'est-à-dire environ vingt mille hommes, s'il avait eu contre lui une armée de 100.000 hommes et dont la cavalerie était supérieure à la sienne ? On peut évaluer à 8.000 le nombre des cavaliers, puisque Vercingétorix en avait 15.000 à la fin de la guerre (CÉSAR, B. G., VII, LXIV), c'est-à-dire après avoir reçu les renforts venus d'Aquitaine et ceux qu'il s'était procurés après la conférence de Bibracte.

[16] Il faut se souvenir que le calendrier était alors en avance de plus d'un mois.

[17] Il faut remarquer que César (B. G., VII, XVIII) ayant à raconter ici une tentative faite pour surprendre l'infanterie de Vercingétorix, tandis que la cavalerie était absente, ne dit pas avec quelles forces il marcha contre le camp gaulois, ce qui aurait été cependant un détail important. Ce ne doit pas être un oubli accidentel ; il est probable qu'il y alla avec un petit nombre d'hommes, parce que les fantassins gaulois étaient eux-mêmes peu nombreux. Il aura négligé de dire combien il emmenait de soldats pour qu'on ne puisse conjecturer ce qu'étaient les forces de l'ennemi.

[18] JULLIAN (Vercingétorix, 183) me parait estimer avec raison à cinq semaines le temps nécessaire pour cette expédition depuis le départ de Sens jusqu'à la prise d'Avaricum. On arrive ainsi de la fin du mois de mars à la seconde moitié d'avril.

[19] Voy. dans NAPOLÉON III, J. C., II, 281, les observations sur le récit que fait César de cet assaut. B. G., VII, XLV-LI.

[20] Voy. CÉSAR, B. G., VII, LVI.

[21] PLUTARQUE, César, 26.

[22] Le DUC D'AUMALE a le premier remarqué qu'il est nécessaire de supposer ce mouvement de César à l'est, dont les Commentaires ne disent rien. Selon lui, c'est à Vitry-sur-Marne que César serait allé. Voy. Revue des Deux Mondes, 1er mai 1858, p. 76-77.

[23] Spectateur militaire, avril 1863.

[24] Le DUC D'AUMALE, dans la Revue des Deux Mondes de mai 1853, p. 94, a fait voir les avantages stratégiques de cette place, et démontré que c'est bien là que Vercingétorix porta son quartier général. Je ne m'arrête pas sur la question de savoir si Alise-Sainte-Reine est bien l'ancienne Alésia, parce que la chose me paraît maintenant hors de doute.

[25] DION, 40-30, nous dit que César voulait secourir la province.

[26] VON GOLER, Cæsars Gallischer Krieg in dem Jahre 52, Karlsruhe, 1859.

[27] Revue des Deux Mondes, 1858, 1er mai, p. 87.

[28] Spectateur militaire, avril 1863.

[29] Revue des Deux Mondes, 1858, 1er mai, p. 95.

[30] Je le déclare franchement : j'ai eu beau étudier les cartes de géographie de la France, mesurer les distances et calculer les jours de marche, je ne suis parvenu à me ranger à aucune de ces hypothèses. Le problème est peut-être insoluble. Il nécessiterait en tout cas des connaissances stratégiques et topographiques supérieures à celles que je possède.

[31] On admet ordinairement en se basant sur CÉSAR, B. G., VII, LXXVII, que, outre la cavalerie, 80.000 soldats se réfugièrent à Alésia. Mais il faut observer d'abord que ce chiffre est mis dans la bouche de Critognatus qui prononce un discours ; et ensuite qu'il est difficile d'admettre que 80.000 hommes venant s'ajouter à la population, aient pu trouver place dans une petite ville gauloise et y vivre presque deux mois ; enfin que l'on ne peut expliquer l'inertie de Vercingétorix, s'il disposait de tant de soldats. Voy. les considérations du DUC D'AUMALE dans la Revue des Deux Mondes du 1er mai 1858, à la page 111.

[32] Revue des Deux Mondes du 1er mai 1858, p. 113.

[33] C'est une supposition vraisemblable que fait le DUC D'AUMALE, Revue des Deux Mondes du 1er mai 1858, p. 112.

[34] DION, LX, 40 ; CÉSAR, B. G., III, p. 47.

[35] CÉSAR, B. G., VII, LXXVI, dit que l'ensemble des contingents s'élevait à 250.000 hommes et à 8.000 cavaliers. La hâte avec laquelle la levée fut faite, la difficulté de nourrir 250.000 hommes, même pendant peu de temps, font supposer que ces chiffres sont un peu exagérés. Toutefois l'armée devait être très nombreuse.

[36] JULLIAN, Vercingétorix, 286.