V. — LE LENDEMAIN DU SYNODE. Les membres du Synode étaient à peine dispersés que le Consistoire de Nîmes, par une délibération en date du 12 décembre 1873, et communiquée à tous les conseils presbytéraux et à tous les consistoires, déclarait que, d'accord avec les membres de la gauche du Synode, — dont il approuvait sans réserve la conduite, — il repoussait le joug d'une confession de foi qui change absolument le caractère de l'Église protestante telle qu'elle existe depuis le commencement de ce siècle. Le Consistoire se disait fermement décidé, — si cette confession de foi était décrétée, — à continuer à vivre, comme par le passé, sous le régime de la loi de germinal et des décrets de 1852. Les plus importants des consistoires libéraux suivirent l'exemple du Consistoire de Nîmes et manifestèrent les mêmes intentions. Mais une occasion allait bientôt être offerte à toutes les Églises de France de dessiner leur attitude à l'égard du Synode. Les élections pour le renouvellement triennal des Conseils presbytéraux et des Consistoires devaient avoir lieu, aux termes de lois existantes, dans le courant du mois de janvier 1874. Une circulaire ministérielle, en date du 20 novembre, antérieure par conséquent à la seconde session du Synode, avait déjà convoqué les électeurs pour la dernière quinzaine de janvier. Cette circulaire ne faisait aucune mention des nouvelles conditions religieuses de l'électorat déterminées par le Synode. Aussi les libéraux l'avaient-ils accueillie avec une joie bruyante. Ils avaient espéré que le gouvernement ne sanctionnerait pas la nouvelle loi électorale et interprétaient le silence du ministre dans le sens de leurs espérances. Mais ces espérances ne tardèrent pas à être déçues. Le gouvernement ne pouvait pas se déjuger lui-même et méconnaître à ce point l'autorité du Synode dont le Conseil d'État venait de proclamer avec tant d'éclat la légalité. La circulaire du 20 novembre avait été prématurément lancée par le ministre d'alors, M. Batbie. Elle fut retirée par son successeur, M. de Fourtou, qui publia, le 22 décembre, une circulaire nouvelle, visant les conditions électorales édictées par le Synode et retardant les élections prochaines jusqu'à la seconde quinzaine d'avril. Les registres paroissiaux devaient rester ouverts jusqu'au 31 mars, afin, disait le ministre, que tous les intéressés pussent être informés et toutes les réclamations entendues. Les consistoires qui avaient protesté contre l'autorité du Synode devaient nécessairement protester aussi contre les nouvelles conditions électorales formulées par lui et visées par la circulaire ministérielle du 22 décembre. C'est ce que s'empressa de faire le Consistoire de Nîmes, dans une nouvelle délibération communiquée à tous les conseils presbytéraux et à tous les consistoires. On y déclarait que, par déférence pour la circulaire ministérielle, les élections seraient retardées jusqu'à la seconde quinzaine d'avril. Mais on refusait formellement d'appliquer la loi électorale votée par le Synode, et les élections devaient se faire sur la base des règlements de 1852. L'exemple de Mimes fut suivi par tous les consistoires qui avaient adhéré à ses premières protestations contre le Synode. Au moment où nous écrivons ces lignes, on se prépare au scrutin qui va s'ouvrir. Il aura sans doute pour résultat de séparer l'Église nationale en deux Églises distinctes. La fraction qui se ralliera au Synode demeurera l'Église réformée de France. Mais il est probable que la fraction qui sera séparée du Synode sera reconnue par l'État comme une Église nouvelle, ave laquelle devra être conclu un nouveau concordat. Ce n'est pas sans un sentiment de profonde tristesse que nous envisageons la perspective du schisme qui se prépare. Le protestantisme est une trop petite minorité en France pour que nous nous résignions volontiers à le voir encore divisé et affaibli. N'y a-t-il pas d'ailleurs entre les deux fractions du protestantisme français tout un trésor commun de traditions et de souvenirs ? Mais quelque douloureuse que soit la séparation, elle est devenue nécessaire du jour où s'est produite, au sein de notre Église, une tendance qui en reniait les principes et la foi. La responsabilité du schisme retombe tout entière sur ceux qui ont abandonné les grandes croyances évangéliques qui ont été celles de nos pères, et en dehors desquelles il ne saurait y avoir ni religion ni Église chrétienne. Le devoir de l'Église réformée de France était d'affirmer sa foi à ses croyances et de la faire respecter. Lorsque la conscience commande, il faut obéir, même au prix des plus douloureux sacrifices. Mieux vaut une Église petite par le nombre, mais grande par le zèle et par la foi, fortement unie sous la bannière de l'Évangile, qu'une Église nombreuse mais divisée et que l'anarchie condamne à l'impuissance. Nous espérons, d'ailleurs, que le schisme, s'il doit se produire, ne s'accomplira que dans des proportions restreintes et pour un temps limité. On ne tardera pas à reconnaître que les principes du libéralisme ne suffisent pas à fonder une Église et à la faire prospérer. On reviendra alors à la foi et aux principes sans lesquels il est également impossible aux âmes de vivre et à une Église d'exister. L'unité de l'Église réformée de France se reconstituera sur le large et solide terrain des croyances évangéliques. Nous verrons alors refleurir la foi et le zèle des anciens jours ; et notre Église, redevenue la glorieuse Église d'autrefois, pourra travailler efficacement au relèvement de la France. |