AVANT- PROPOS. Pendant les douze années qui se sont écoulées depuis les deux dernières éditions de l'Histoire des Protestants de France[1], la situation extérieure du protestantisme français n'a pas changé. Le nombre de ses adhérents serait demeuré à peu près le même, si le traité de paix qui a suivi notre dernière guerre avec l'Allemagne, en arrachant l'Alsace et la Lorraine allemande à la France, n'avait enlevé à l'Église réformée et à celle de la confession d'Augsbourg un certain nombre de consistoires, représentant ensemble une population protestante de 250.000 âmes environ. Les protestants ont continué sous les divers régimes qui se sont succédé en France, à jouir de la liberté religieuse et de l'égalité civile et politique. Ce sont là des droits qui leur paraissent définitivement acquis. Pour ébranler les principes sur lesquels ils reposent, il Vaudrait renier les conquêtes de la Révolution française, revenir de plusieurs siècles en arrière, et accomplir dans les idées, dans les mœurs et dans les lois, une transformation que nous ne pouvons ni ne voulons prévoir. Toutefois, le principe de la liberté religieuse, inscrit depuis tant d'années dans nos codes, est loin encore d'avoir reçu dans la pratique toutes les applications qu'il est susceptible de recevoir. Aussi longtemps que subsisteront les lois sur les réunions de plus de vingt personnes et sur le colportage, la liberté religieuse ne sera pas complète en France. Car la liberté religieuse ne va pas sans la liberté du prosélytisme. Toute conviction, quand elle est sérieuse, cherche à se propager. Cela est vrai surtout des convictions religieuses qui touchent aux intérêts les plus élevés des âmes, et pour qui le prosélytisme est le plus sacré, le plus absolu des devoirs. C'est dans le domaine de sa vie intérieure et de son organisation ecclésiastique que se sont accomplis, au sein de notre Église, pendant ces douze dernières années, les évènements les plus graves. C'est donc à l'histoire de la crise intérieure, dont le dénouement s'accomplit sous nos yeux, que nous devrons nous attacher, avant tout, dans les pages qui vont suivre. Raconter une telle histoire, lorsque l'on est encore au milieu des évènements et du bruit de la lutte, c'est là, nous le sentons, une tâche difficile et délicate entre toutes. Nous n'aurions jamais songé à l'entreprendre, si d'impérieuses circonstances ne nous en avaient fait un devoir. Nous nous efforcerons, du moins, de nous en acquitter en historien impartial, sans nous interdire, toutefois, d'apprécier les faits et les principes, lorsque notre conscience de protestant et de chrétien nous commandera de le faire. F. BONIFAS. |
[1] Cette période est celle qui s'est écoulée entre la quatrième et la sixième édition de cette histoire (Note des éditeurs).