EXAMEN DES HISTORIENS D’AUGUSTE

 

APPENDICE II — RECHERCHES NOUVELLES SUR L’HISTOIRE DES INSTITUTIONS MUNICIPALES CHEZ LES ROMAINS.

 

 

LES AUGUSTALES

Les historiens de la république romaine ne nous offrent sur la constitution des municipes que des renseignements vagues et incomplets. Les historiens de l’empire ne sont guère plus explicites à cet égard ; et lorsqu’au quatrième siècle de notre ère, le Digeste et les Codes nous présentent la curie comme un système régulier d’oppression financière, sévèrement maintenu par le pouvoir au profit du pouvoir, on se demande par quelles révolutions les libertés municipales sont ainsi venues s’anéantir sous cette inflexible servitude[1]. On sent bien que l’Italie, que la Gaule, que l’Espagne, même vaincues par les armées de Rome, n’ont pu subir d’un seul coup et sans transition le poids d’un pareil joug. Entre les mille petits traités qui réglèrent les rapports des villes soumises avec la république victorieuse, et l’organisation uniforme et oppressive du municipe impérial, entre la Loi municipale de Jules César et les constitutions de Théodose ou de Justinien, il y a évidemment une vaste lacune. Tout ce qui peut servir à la combler mérite au plus haut point l’attention de ceux qui veulent approfondir les origines des sociétés modernes. Telle est précisément, à nos yeux, l’importance des documents que nous allons rapporter ou résumer dans cet appendice, pour offrir ici un exemple des ressources que l’archéologie peut prêter à l’histoire.

La question des Augustales n’est pas agitée ici pour la première fois. Plusieurs savants l’ont examinée avant nous, entre autres le cardinal Noris, Morcelli, O. Marini, et tout récemment M. Orelli[2], qui, sans cloute, l’eussent résolue d’une manière définitive, s’ils eussent embrassé dans leurs recherches tous les documents nécessaires, et entrepris ces recherches avec un esprit libre de toute préoccupation.

C’est ce que nous essayerons de faire, après avoir ainsi rendu brièvement mais sincèrement justice à des maîtres éminents qui nous ont ouvert le chemin, et dont nous venons à la fois étendre et rectifier les découvertes.

Pour simplifier notre tâche et celle du lecteur, on nous permettra d’exposer, sans discussion, autant qu’il se pourra, les résultats d’une longue étude : l’évidence devra sortir de l’ordre seul et de la valeur de nos preuves.

 

§ 1. - Anciennes divisions municipales de Rome. - Ancien culte des dieux Lares.

On sait que Rome était déjà divisée sous la république en régions et en quartiers ; que des jeux accompagnés de sacrifices se célébraient tous les ans dans les compita ou carrefours, où s’élevaient des chapelles, des autels consacrés aux dieux Lares, à la mère des dieux Lares, Stata Mater, qu’on pourrait appeler la Vesta du pauvre peuple[3]. Ces jeux étaient les Compitalia, ludi Compitales ou Compitalicii ; un ancien calendrier les mentionne au premier jour de mai[4]. Cicéron paraît les rapporter aux calendes de janvier ; peut-être ces deux dates sont également vraies, mais relatives à deux célébrations différentes de la même fête. Ce qui est certain, c’est que les Compitalia figuraient comme les féries latines parmi les feriœ conceptivœ, dont la célébration, nécessairement annuelle, était attribuée à tel ou tel jour de l’année par les magistrats ou les pontifes. On les faisait présider par les quarteniers (magistri vicorum), et quelquefois peut-être par les chefs de corporations autorisées (magistri collegiorum). Tour à tour suspendus et rétablis pendant les troubles civils, les ludi Compitales reparaissent dans les fêtes qui suivirent la victoire d’Actium et la réduction de l’Égypte en province romaine. On connaît ces vers de Virgile :

... Cœsar, triplici invectus romana triumpho

Mœnia, Dis Italis votum immortale sacrabat,

Maxima ter centum totam delubra per Urbem.

Laetitia ludisque viæ plausuque fremebant[5].

Des lors la flatterie commence à mêler le nom du prince à celui des dieux honorés dans ces fêtes populaires. L’an 726, Octave reçoit du sénat le nom d’Auguste[6], et l’on peut sans invraisemblance rapporter à cette époque quelques-unes des dédicaces Laribus Augustis si fréquentes sur les marbres. Mais, après la mort de Lepidus, en 741, et le passage du souverain pontificat aux mains d’Octave, nous trouvons des renseignements précis sur cette espèce de culte indirect qui associait aux vieilles divinités du Latium la divinité de César, éludant ainsi la répugnance que ce prince montra toujours à se voir adorer comme un immortel dans la capitale du monde[7] ; nous voyons naître une réforme à la fois religieuse et municipale, qui, partant de Rome, doit bientôt embrasser la moitié du monde soumis aux Romains.

 

§ 2. - Nouvelle division municipale de Rome.

Dion Cassius écrit sous la date de 746 : Les quartiers de Rome furent confiés à des administrateurs (στενώπαρχοι) gens du peuple, qui pouvaient, en certains jours de l’année, prendre la robe de magistrat, et se faire accompagner de deux licteurs dans la circonscription de leurs quartiers respectifs. On mit aussi sous leurs ordres les esclaves attachés aux édiles pour la répression des incendies. Les quatorze régions de la ville furent partagées au sort entre ces magistrats, les tribuns et les préteurs, et ce régime dure encore. Suétone, plus précis, aux dates près : Auguste divisa la ville en régions et en quartiers (in regiones vicosque) ; et il établit que les régions seraient soumises à un magistrat désigné par le sort, les quartiers à des magistri, hommes du peuple, choisis dans le voisinage. Pour la répression des incendies, il imagina un service de nuit et un corps de vigiles[8].

Ces deux témoignages diffèrent sur deux points qu’il faut éclaircir.

1° Sur la manière dont les magistri vicorum étaient désignés. Dion semble dire[9] qu’ils l’étaient par le sort, comme les préteurs et les tribuns préposés aux régions. Suétone distingue nettement et avec raison, je crois. En effet, les préteurs et les tribuns, en général les magistrats de Rome, formaient une classe dans laquelle on pouvait, sans inconvénient, laisser au sort le choix des personnes. De tout temps, sous la république, les provinces étaient tirées au sort entre les consuls et les préteurs sortant de charge. Mais tirer au sort e plebe (έx τοΰ δήμον, Dion Cassius) les magistri vicorum, n’était-ce pas évidemment s’exposer aux choix les plus ridicules et les plus dangereux ? Les chefs de quartiers étaient donc nommés par une autorité supérieure, soit celle des chefs de régions, soit celle du préfet de la ville ou de l’empereur lui-même.

2° Ces esclaves attachés aux édiles et commis à la diligence des chefs de quartier, suivant Dion Cassius, pour la répression des incendies, sont-ils les mêmes que ces vigiles chargés, selon Suétone, d’un service de nuit ? Dion Cassius va nous aider à répondre, en nous fournissant une date que Suétone a négligée, suivant son usage. Dion nous apprend qu’en 758 l’empereur, pour remédier aux ravages souvent renouvelés des incendies, constitua, d’abord provisoirement, sept corps de troupes commandés par un chevalier, et entre lesquels il partagea la surveillance des quatorze régions ; puis, qu’ayant reconnu la nécessité de cette nouvelle milice, il la conserva[10]. En effet, les monuments en attestent l’existence plusieurs siècles après. C’est donc à cette seconde fondation que doit se rapporter le texte de Suétone. Le premier essai[11] indiqué par le premier texte de Dion Cassius n’ayant pas suffi à la répression des incendies qui dévastaient Rome, Auguste y pourvut par une institution plus spéciale, plus efficace, et qui a mérité de survivre à son fondateur.

Quant au costume de magistrats (έσθής άρχιxή) que Dion accorde aux quarteniers, c’est évidemment la prœtexta qu’ils portaient déjà sous la république, pendant la célébration des Compitalia, comme le prouvent Cicéron et. Tite-Live, cités plus haut. Reste le privilège d’avoir deux licteurs en certaines occasions, privilège qui se rapporte sans cloute aux mêmes jours de l’année, et qu’on peut admettre comme très vraisemblable, sur le seul témoignage de l’historien grec.

Maintenant, s’il y avait quatorze régions et autant de chefs à la tète de ces arrondissements de l’ancienne Rome, combien y avait-il de vici ? combien de magistri vicorum ? Pline va répondre à la première question ; les monuments répondront à la seconde.

Selon Pline[12], Rome avait, du temps de Vespasien, 265 quartiers ; et ce nombre est assez bien confirmé par ce que nous apprennent les auteurs d’anciennes descriptions de Rome, connus sous le, nom de Régionnaires. A travers toutes les variantes que nous offrent Rufus (incomplet pour les cinq dernières régions), P. Victor et le Curiosus urbis Roma, on retrouve toujours un total qui dépasse deux cents. La même induction peut se tirer d’une longue dédicace adressée à l’empereur Hadrien[13] par les magistrats municipaux des quatorze régions, et vulgairement désignée par le nom de Base Capitoline. Cinq régions seulement figurent sur ce monument avec les noms de leurs quartiers, et ceux de leurs magistrats de premier ou de second ordre. La moyenne fournie par cette liste conduit également à un total de plus de deux cents quartiers pour les quatorze régions.

Mais ces divers textes nous apprennent d’autres détails importants : d’abord, en ce qui concerne les chefs de régions. Sur la Base Capitoline, les cinq curatores (c’est ainsi qu’elle les nomme) sont assistés chacun d’un denunciator, espèce d’aide de camp civil dont ne parlent ni Suétone ni Dion Cassius ; et, tandis que parmi les cinq denunciatores il se trouve un ingénu, les cinq curateurs sont tous des affranchis. Les curateurs ne sont donc pas précisément ces magistrats élus par le sort parmi les préteurs et les tribuns ; ce n’étaient en quelque sorte que les intendants choisis dans le peuple même par le tribun, le questeur ou le préteur, auquel chaque région était échue[14]. Aussi, dans la formule de la dédicace à l’empereur, les curatores et les denunciatores ne se sont pas distingués par leurs titres, mais ils sont compris sous une dénomination générale avec les chefs de quartier.

IMP. CÆSARI. — TRAIANO HADRIANO. — MAGISTRI VICORVM VRBIS REGIONVM XIIII.

Ce qui prouve encore qu’ils appartenaient à la même classe du peuple, et que leur chef supérieur, tribun, préteur ou questeur, n’était pour rien dans cet humble hommage à César. Ces grands dignitaires de l’empire n’avaient donc, sur les régions de Rome, qu’une haute surveillance, sans titre spécial. Marc-Aurèle, le premier, régularisa cette surveillance, en y attachant d’ailleurs un droit de juridiction positive, qu’Alexandre Sévère confia plus tard à quatorze consulaires[15].

Il y aurait ainsi une grave confusion dans Rufus et P. Victor, si, en attribuant, comme ils le font, à chaque région deux curatores et deux denunciatores, ces auteurs avaient mis sur la même ligne le magistrat chargé de la haute surveillance, et le plébéien auquel était commise l’administration active des régions. Mais il est plus probable qu’à l’époque où ces auteurs rédigeaient leur manuel, véritable Indicateur des rues de Rome, comme nous avons des Indicateurs des rues de Paris ; le nombre des curateurs avait doublé comme celui de leurs officiers, et que le nom du magistrat supérieur était omis d’ordinaire, ce magistrat ayant d’ailleurs une dignité indépendante de la charge qui l’attachait à telle ou telle région.

Quoi qu’il en soit de cette question accessoire, le témoignage des Régionnaires et celui de la Base Capitoline s’accordent sur le nombre et la condition des chefs de quartiers.

Partout le nombre des magistri est quadruple de celui des quartiers. Il y avait donc quatre magistri par vicus, total, 1060 magistri pour les 265 vici. Leur condition est bien celle que nous ont indiquée plus haut nos deux historiens ; elle n’est pas cependant la plus humble parmi le peuple ; ce sont presque toujours des affranchis, très rarement des esclaves[16]. Mais comme les magistri fontium, dont on trouve également de fréquentes mentions sur les marbres[17], ils ont sous leurs ordres un nombre égal de ministri, toujours choisis dans la classe des esclaves, et compris néanmoins, malgré la bassesse de leur état, dans l’organisation officielle de cette hiérarchie municipale, puisqu’ils figurent après les magistri, et quelquefois seuls, sur un certain nombre de monuments[18] ; puisque, comme les magistri, ils ont le privilège d’être appelés deux et trois fois aux mêmes fonctions[19].

Les maîtres et les esclaves constituent un véritable collège qui a ses fastes et son album comme tant d’autres corporations[20]. Ils se désignent eux-mêmes sur les monuments par une date comptée à partir de la fondation de leur collège ; et toutes les fois qu’au chiffre se trouvent joints les noms des consuls, ces noms se rapportent naturellement à la date indiquée par Dion Cassius. Nous allons réunir ici tous les exemples que nous avons pu rencontrer de cette, notation particulière.

MAGISTRI ANNI I

 

Consulat d’Antistius et de Lælius Balbus (c’est précisément l’an 747 de Rome). Orelli, n° 1386. Cf. Muratori, 295, 2.

II

 

Orelli, n° 1388 ; Marini, Iscr. Alb., p. 9.

V

 

Gruter, 54, 1. Cf. io6, 7, où l’année ne se trouve marquée que par le nom des consuls.

VI

 

Gruter, 36, 7.

XVIII

 

Orelli, n° 18.

XI et XIX

 

Donius,1, 97 (c’est un exemple de magistri appelés deux fois aux mêmes fonctions).

XXXI

 

Fabretti, p. 465, n° 98 ; Donius, IV, 44 ; Orelli, 1574.

L

 

Orelli, n° 1387 ; Fea, Miscellanea, p. 149.

LXXXXII

 

Gruter, 106, 6.

LXXXXIX

 

Donius, II, 5 (inscription mutilée, mais où l’on restitue avec certitude le signe de l’année d’après les noms des consuls Torquatus Asprénas et Sergius Paullus[21]).

CIV

 

Donius, I, 137 (inscription mutilée, mais où la date se restitue avec la même certitude).

CVII

 

Orelli, n° 782.

CXXI

 

Fabretti, p. 103, n° 241[22].

On voit que la première année de cette ère, qui paraît être restée inconnue aux chronologistes modernes, suit immédiatement celle où Dion place la création de la nouvelle municipalité romaine. L’historien grec est donc ici en parfait accord avec les monuments, car le système administratif fondé en 746 a pu exiger plusieurs mois de travail préparatoire ; et ainsi les premiers magistrats nommés, en vertu des règlements d’Auguste, ne seront entrés en charge que l’année suivante.

Mais il est temps de considérer cette institution sous un autre point de vue.

 

§ 3. - Restauration du culte des dieux Lares à Rome.

Les deux premiers monuments que nous rencontrons dans les fastes des magistri, et celui de l’an L, sont des dédicaces à Stata Mater, ou à la mère des dieux Lares ; celui de l’an CVII est une dédicace Laribus Augustis et geniis Cœsarum ; un autre monument, de l’an 754 de Rome, contient la consécration des statues des Lares Augusti par quatre magistri[23]. Plusieurs autres dédicaces du même genre, et sans date, portent également Laribus Augustis[24]. L’une de ces dernières est faite par quatre magistri reg. I, vico III ararum, sur l’ordre d’un préteur[25]. Ne reconnaît-on pas aussitôt l’ancien culte des dieux Lares, qui se confond avec celui de l’empereur dans les attributions à la fois municipales et religieuses des magistri vicorum ; sous la tutelle des magistrats tirés au sort pour l’administration des quatorze régions ? La réforme de l’an 746 avait donc un double caractère : elle restaurait le culte des dieux Lares, et l’associait, comme sous l’ancienne république, aux fonctions des chefs de quartiers. Le caractère religieux de cette réforme montre en même temps qu’elle se place très bien après la mort de Lépidus, époque où Auguste s’occupa plus directement des affaires de la religion. Les témoignages d’Ovide et de Suétone viennent à propos confirmer ici l’autorité déjà bien explicite des monuments. Parmi les fondations d’Auguste, souverain pontife, Suétone signale deux fêtes annuelles des dieux Lares, dont l’une avait lieu au printemps, l’autre en été : Compitales Lares ornari bis anno instituit, vernis floribus et œstivis. Ovide le commente en vers dans ses Fastes[26] :

Les calendes de Mai ont vu élever un autel aux Lares protecteurs et consacrer leurs petites statues. Déjà Curius l'avait fait autrefois ; mais le temps n'épargne rien, et la pierre elle-même subit les atteintes de la vétusté. Le surnom qui fut donné à ces dieux quand on établit leur culte vient de ce qu'ils protègent du regard tout ce qui nous appartient. Ils veillent aussi pour nous, président à la sûreté des murs ; partout présents, partout prêts à porter secours. À leurs pieds se tenait un chien, taillé dans la même pierre; pourquoi ce chien avec le Lare? L'un et l'autre gardent la maison, l'un et l'autre sont fidèles au maître ; les carrefours plaisent au dieu, au chien plaisent les carrefours. Le Lare et la meute de Diane harcèlent et chassent les voleurs ; vigilants sont les chiens, et vigilants les Lares. Je cherchais les statues de ces dieux jumeaux, ruinées à la longue par les années ; la ville aujourd'hui possède mille Lares et le génie du chef qui nous les a donnés ; chaque quartier adore trois divinités. Mais je m'égare ; ce sujet, c'est le mois d'Auguste qui doit m'appeler à le traiter ; en attendant...           

Ainsi, le poète cherchait dans Rome les anciennes statues des dieux Lares, avec le chien fidèle ordinairement couché à leurs pieds ; et, au lieu de ces statues vénérables dans leur caducité, il trouve à Rome mille dieux Lares, dans chaque quartier trois divinités, les deux Lares et le génie du prince qui a donné à Rome ces divinités protectrices. Enfin il s’arrête au moment de louer Auguste ; le mois d’août (qu’il n’a jamais écrit) lui en réserve une occasion plus légitime.

Pour commencer par la fin de ce curieux commentaire, la fête clés Lares avait donc deux fois place dans le calendrier romain, une fois au mois de mai, c’est-à-dire au printemps ; une autre fois au mois d’août, en été : c’est bien ce qu’indiquait Suétone : bis anno—vernis floribus et œstivis.

Les trois divinités adorées dans chaque vicus sont d’abord deux Lares, et ensuite lé génie de César, qu’on trouve en effet associé à ces petits dieux dans une foule d’inscriptions contemporaines ou plus récentes ; et cela avec des variantes de flatteries dont nous négligeons le détail[27]. Les chapelles où sont réunies ces trois statues sont les œdiculœ que, dans les Régionnaires, on trouve précisément en nombre égal à celui des quartiers ; 265 chapelles, à trois statues par chapelle, font un total de 795, que le poète arrondit pour le faire entrer dans son vers[28]. Virgile avait déjà dit tercentum delubra, par une hyperbole aussi excusable. Enfin, le dux qui a doté Rome de tous ces monuments, c’est Auguste, souverain pontife, qui vient de donner son nom au mois Sextilis[29]. Ceci nous conduit à expliquer une dernière formule qu’on trouve plusieurs fois dans les dédicaces aux dieux Lares, et dont jusqu’ici le sens était demeuré fort obscur.

A la suite des noms de magistri, se lit sur quelques monuments : qui primi kalendis Augustis magisterium inierunt ; et à la suite des noies de ministri, qui primi kalendis Augustis ministerium inierunt, ou simplement, dans les deux cas, qui priori inierunt[30]. Or, aucun de ces monuments ne portant une date certaine, on peut admettre que des fonctionnaires qui y sont nommés sont en effet les premiers qui entrèrent en exercice l’an de Rome 747. Que si l’on découvrait un monument qui offrît la même particularité avec une date postérieure à 747, il serait facile d’en conclure qu’une partie des chefs de quartiers entraient en fonction au mois de janvier, et les autres au mois d’août ; mais que cette dernière manière étant la plus honorable à cause du nom d’Augustus attaché au mois d’août, les chefs de quartiers la mentionnaient par vanité sur leurs actes publics. En attendant, un fait reste probable : c’est que l’organisation municipale de 747 fut inaugurée au mois d’août, et mise ainsi sous l’autorité religieuse de l’empereur. Un autre fait reste certain, c’est que la principale fête des dieux Lares était célébrée au mois d’août ; car ces mots d’Ovide ne peuvent avoir d’autre sens : Augustus mensis mihi carminis hujus Jus habet. C’était au mois d’août qu’il convenait d’honorer les dieux et le héros protecteurs de Rome.

Si maintenant on pouvait douter du double caractère civil et religieux des chefs de quartiers, une seule inscription romaine[31] lèverait à cet égard tous les doutes. Dans cette inscription, les magistri de l’an XI attestent qu’ils ont dédié à Hercule des poids étalons, à l’usage des habitants du quartier (viciniœ, ce qui rappelle l’expression, de Suétone e plebe cujusque viciniœ). Renommés huit ans plus tard, les mêmes fonctionnaires veillaient à la conservation des poids qu’ils avaient jadis consacrés, idem tuentur anno XIX. Les inscriptions nous ont gardé d’autres preuves de la sollicitude du gouvernement romain pour ces garanties de l’ordre et de la bonne foi dans les relations commerciales[32] ; et l’on voit par cet exemple que les attributions purement civiles des magistri se mêlent à leurs fonctions religieuses. Cela nous explique comment Suétone et Dion Cassius d’un côté, et de l’autre les deux scoliastes d’Horace[33], peuvent parler des mêmes fonctionnaires, les uns en leur attribuant un office tout municipal, les autres en les représentant, comme de véritables prêtres des dieux Lares. Ils étaient à la fois prêtres et magistrats. Lès deux historiens comme les deux interprètes d’Horace n’ont dit qu’une moitié de la vérité ; les monuments seuls pouvaient nous la révéler tout entière. Continuons donc de les interroger.

La divinité à laquelle s’adresse la dernière dédicace dont nous venons de parler, est Hercule ; ce qui semble nous éloigner du culte des dieux Lares. Mais d’innombrables exemples nous prouvent que le génie de César n’était pas seul associé aux Lares dans le culte public. Diane, Mars, Cérès, la Fortune et bien d’autres divinités, sont l’objet de semblables dédicaces : seulement on ajoute alors à leur rom le titre d’Auguste, comme on le trouve spécialement ajouté au nom d’Hercule dans une inscription de Rome[34], curieuse à d’autres titres, et parce qu’elle mentionne la cérémonie du lustrum ou de la purification, qui se faisait annuellement dans chaque quartier, sans doute par l’office du magister vici, à une époque déterminée par le grand pontife[35]. Cette facilité à confondre le culte des grands dieux avec celui des divinités inférieures, en rapportant tous ces actes de dévotion à une pensée commune, celle du respect pour Auguste, fondateur ou restaurateur des temples, nous explique encore comment, dans les Régionnaires, chaque fois que les noms des édicules ou chapelles ont été conservés, il n’est jamais fait mention des dieux Lares. C’est évidemment que les deux statues des Lares, comme celle du génie de l’empereur, étant placées dans toutes les édicules, il n’y avait d’autre moyen de distinguer ces petits monuments, que de les marquer du nom d’une quatrième divinité[36].

Pour nous résumer sur ce point, Rome est divisée, depuis l’organisation de l’an 746, en quatorze régions et deux cent soixante-cinq quartiers, et, à cette division, se rattachent les fonctions municipales et religieuses de :

14

 

préteurs, tribuns du peuple ou questeurs, chargés chacun de la haute administration d’une région ;

14

 

curateurs, chargés de fonctions plus réelles et plus actives, qui, réunies à celles des quatorze magistrats précédents, ressembleraient beaucoup aux fonctions de nos maires d’arrondissement.

14

 

dénonciateurs, c’est-à-dire officiers subalternes transmettant les ordres des curateurs aux

1060

 

chefs de quartiers, qui eux-mêmes ont sous leurs ordres

1060

 

esclaves

Total

 

 

2162

 

fonctionnaires, tous plébéiens, à l’exception des quatorze premiers[37].

Qui ne voit briller dans ce résultat la profonde politique d’Auguste, inventant, comme l’a remarqué Suétone, de nouveaux offices, pour faire participer le plus grand nombre possible de citoyens romains au maniement des affaires publiques[38] ? Qui ne s’étonne en même temps que le plus consciencieux et le plus exact des historiens d’Auguste ait oublié précisément de signaler parmi tant de fondations habiles, celle qui ouvrait le plus de voies à l’ambition des citoyens de toute classé et même des esclaves ? Ainsi, dans un chapitre de sa biographie d’Auguste, Suétone nous apprend en quelques mots la nouvelle division de Rome ; dans un autre, la restauration du culte des dieux Lares et des jeux qui s’y rattachaient. Plus loin enfin, il nous parle de la création d’un préfet de Rome qui, selon Dion Cassius, précéda de plusieurs années cette organisation. Étrange façon de mutiler et de morceler l’histoire, qui nous réduit à retrouves aujourd’hui, par de simples conjectures, la date et le caractère des plus graves événements !

 

§ 4. - Extension de la réforme municipale et du culte des dieux Lares dans l’Italie et dans les provinces.

Deux ans après l’époque mémorable que nous venons de signaler, sous le consulat de C. Calvisius Sabinus et de L. Passiénus Rufus, Auguste dédiait[39] aux Lares de l’État, Laribus publicis, un monument dont l’inscription est parvenue jusqu’à nous.

Laribus publicis, c’est-à-dire que les dieux Pénates, dont le culte venait d’être solennellement rétabli, ne protégeraient plus seulement le foyer du citoyen de Rome, noir plus seulement la chapelle desservie par les chefs d’un quartier, non plus la ville entière, niais l’État, mais tout le monde romain. Il semble qu’en traçant cette simple et majestueuse dédicace, Auguste prévît, annonçât les développements de son institution récente.

En effet, soit qu’un édit de l’empereur ait imposé aux villes d’Italie le culte des dieux Lares, soit qu’on mouvement spontané d’imitation y ait sollicité jusqu’aux moindres municipes, on voit, du vivant même d’Auguste, se multiplier hors de Rome la magistrature et le sacerdoce des augustales. Dès l’an 755 de Rome, nous les trouvons à Pompéi[40] ; vers la même date, dans une petite ville des Falisques[41], où quatre magistri attestent, par une inscription, qu’ils ont fait les frais du pavage d’une route en l’honneur d’Auguste, père de la patrie (par conséquent après l’an 750) ; en 752, à Vérone[42] ; enfin à Bologne et à Osimo, dans le Picenum, avant l’an 767[43]. Sous le règne de Tibère, les augustales de Pouzzoles, constitués en véritable corporation, élèvent une statue à l’empereur pont- perpétuer le souvenir de sa générosité envers quatorze villes d’Asie ruinées par un tremblement de terre[44]. On peut désormais suivre les progrès de l’institution jusqu’à la fin du troisième siècle -de notre ère, d’après des monuments datés :

A Véies, l’an de Rome 778 (de J.-C., 26). Orelli, n° 4046 ;

A Terni, en 784 (32). Orelli, n° 689 ;

A Préneste, vers la même date. Orelli, nos 1167 et 4009 ;

Dans un municipe dont le nom est resté inconnu, en 798 (46). Orelli, n° 1436 ;

A Naples, en 808 (56). Gruter, 9, 4 ;

A Uclès, en Espagne, sous Néron. Gruter, 237, 1 ;

A Alétrium, en 836 (84). Reinesius, p. 221 ;

A Herculanum, avant 831 (79). Orelli, n° 610. Volum. Hercul. Diss. Isagog., I, p. 59 ;

A Cère, en 865 (113). Orelli, n° 3787 ;

A Tibur, en 871 (119). Gruter, 249, 5. Orelli, n° 3933 ;

A Narbonne, sous Trajan et sous Hadrien. Hist. du Languedoc, Preuves, n° 2, et Orelli, n° 1238 ;

A. Canusium, du temps des Antonins. Orelli, n° 2630, 3913 ;

A Hipponium ou Vibo Valentia, vers le même temps. Orelli, n° 3703 ;

A Bovilles, en 909 (157). Orelli, n° 3701 ;

A Lépirinium, en 914 (162). Orelli, n° 4086 ; A Gabies, en 920 (168). Orelli, no 1368 ;

A Bovilles, en 921 (169). Orelli, & 265

A Suessa Pométia, en 941 (189). Orelli, n° 4047 ;

A Gabies, en 972 (220). Orelli, n° 3741 ;

A Gaëte, sous Septime Sévère. Reinesius, p. 235 ;

A Sestinum, sous le même règne. Muratori, 697, 4 ;

A Véies, vers 1008 (256). Orelli, n° 108 ; Cf. 3448, 3706, 3738 ;

A Casulum, en 1022 (270). Orelli, n° 3948 ;

A Ostie, en 1028 (276). Reinesius, p. 484[45].

Dès l’origine, le sacerdoce augustale se montre en relation, dans les provinces comme dans la métropole, avec les fonctions municipales des chefs de quartiers[46]. Il s’en détache plus tard ; mais, dans toute la durée de son existence, il se recrute parmi la classe moyenne de la société. Ainsi, pour choisir quelques exemples dans le nombre immense des inscriptions relatives à ce sujet, se trouvent mentionnés comme augustales :

A Préneste et à Vérone, un grammairien. Orelli, n° 1167. Donius, V, 223 ;

A Padoue et à Assise, un médecin ; Reinesius, p. 607 ; Orelli, n° 2983 ;

Dans une ville d’Espagne, un négociant ; Reinesius, p. 620

A Canusium, un pantomime. Orelli, n° 2630 ;

A Albe, un cuisinier (mais un excellent cuisinier, coquo optimo, dit positivement le texte authentique, ou du moins admis pour tel). Orelli, n° 4166 ;

A Lyon, un marchand de vases d’argent. Menestrier, Histoire civile et consulaire de Lyon, p. 54. Cf. Nardini, Roma antica, I, p. 213, éd. Nibby ;

A Pouzzoles et à Narbonne, un naviculaire. Orelli, nos 3241 et 4242 ;

A Vérone, un calculator, c’est-à-dire un teneur de livres ou professeur d’arithmétique élémentaire ? Gruter, 376, 7 ;

A Rothenburg, sur le Neckar, un marchand de craie. Gruter, 112, 12 ;

Ailleurs, un membre de la corporation des dendrophores, un scribe, un licteur, un viator et un accensus[47], la plupart affranchis ou fils d’affranchis, quelquefois esclaves, souvent aussi gens libres de naissance[48].

Ainsi qu’à Rome, la plupart des dédicaces qui portent le nom de ces fonctionnaires sont adressées soit aux dieux Lares, soit à quelque grande divinité honorée du nom d’Augustus ou Augusta[49]. Ainsi qu’à Rome, on trouve des ministri mentionnés à côté des magistri, mais plus rarement[50] ; comme les quarteniers de Rome, ils peuvent être appelés deux fois à ces fonctions[51] ; seulement ce que je n’apprends nulle part, pour les magistrats de Rome, les augustales de province peuvent être nommés à perpétuité[52]. De même qu’à Rome ils dépendent de fonctionnaires supérieurs, tels que le préfet de la ville ou le tribun chargé de la surveillance d’une région, ainsi dans les colonies et les municipes ils relèvent ordinairement des duumvirs et des décurions[53] ; ils ont aussi leurs fastes, s’il est vrai qu’on trouve mentionnés, dans un municipe resté inconnu, un magister et un minister de l’année LII[54] ; enfin, ils sont quelquefois au nombre de quatre, comme dans la Civitas Castellana, du pays des Falisques, que nous avons citée plus haut, et peut-être aussi à Tarvisium[55].

Mais ici s’arrêtent à peu prés toutes les ressemblances, et dans les provinces la magistrature augustale prend un caractère particulier, et une tout autre importance que dans Rome. D’abord le nom des magistrats a un peu changé, puis leur nombre :

1° Leur nom. Ce ne sont plus des magistri ou magistri vici, mais des magistri Larum augustorum, ou seviri magistri Larum augustalium, ou simplement matristri Larum augustalium ; ou magistri augustales, ou simplement augustales, comme les appelle le scoliaste d’Horace[56] ; ou enfin augustales œditui[57].

2° Leur nombre. Ils sont d’abord six dans le plus grand nombre des villes, par exemple :

A Véies. Nibby, Viaggio antiquario, I, p. 50 ;

A Tibur. Gruter, 249, 5 ;

A Assise (tous nommés sur le marbre). Gruter, 167, 9 ;

A Arles (it.). Muratori, 1110, 1, 2 ;

A Rieti (it.). Gruter, 96, 8 ;

A Genève (it.). Orelli, n° 260 ;

A Vilches (it.). Gruter, 1075, 6 ;

A Uclés (it.). Gruter, 237, 1 ; Masdeu, Historia critica de Espana, t. IV, n° 792.

Ce nombre est remarquable ; en effet, il distingue nettement les augustales de Rome et ceux de la province ; il prévient d’ailleurs toute confusion entre les augustales et les autres magistrats soit de Rome, soit même des municipes[58].

A Rome, où il n’y avait point d’autres quatuorvirs, le nombre quatre convenait très-bien aux chefs de quartiers[59]. Dans les petites villes d’Italie, au contraire, les magistrats supérieurs sont ou des duumvirs, ou des quatuorvirs, ou des triumvirs, quelquefois aussi des octovirs ou des duodecimvirs[60] ; de là le nombre six, ordinairement adopté pour les augustales en province.

Mais si les augustales n’étaient jamais moins de six ni plus de six à la fois en fonction, il parait qu’à la sortie de leur charge ils en retenaient le titre honorifique, et formaient ainsi un corps désigné tour à tour sous le nom de :

Ordo auqustalium, comme à Préneste. Orelli, n° 1197 ;

Corpus augustalium, comme à Pétélia, en Lucanie. Orelli, n° 3678 ; et à Sénia, en Dalmatie. Gruter, 372, 7.

Collegium augustalium, comme à Bude. Orelli, n° 3953 ; Cf. n° 2386, et Marini, Atti, p. 373.

Seviri corporati ou seviri augustales corporati, comme à Nîmes. Hist. du Languedoc, Preuves, n° 57, 68 ;

Ordo sevirum (ou sexvirum), comme à Antinum, dans le pays des Marses. Orelli, n° 3940 ;

Ordo seviralis, comme à Suasa. Gruter, 320, 12 ; Muratori, 168, 6 ;

Ordo seviralium, comme à Sentinum. Orelli, n° 3229[61] ;

Seviri augustales socii ou seviri socii, comme à Brescia. Orelli, nos 3913, 3927. Cf. Fabretti, p. 409, n° 342 ; Donati, 90, 5 ;

Seviri, comme à Alétrium. Gruter, 422, 3 ;

Seviri augustales et ordo augustalium, comme à Ostie. O. Jahn, Specimen epigraphicum, p. 114 ;

Augustules, comme à Pétélia et à Pouzzoles. Orelli, nos 687 et 3939 ;

Augustalicii, comme à Cellémum, près de Viterbe. Muratori, 2026, 6.

Ce corps se distingue nettement des nombreuses corporations d’ouvriers dendrophores, centonaires et autres, sur lesquels les inscriptions nous fournissent tant de détails précieux[62]. Les collèges autorisés par le gouvernement, licite coeuntia, comme on dit dans le latin de l’époque impériale, ont bien leur organisation propre et leurs magistrats électifs, avec des réunions officielles, des droits déterminés ; mais ils n’occupent pas, à beaucoup près, une place aussi considérable que les augustales dans le municipe et dans la colonie. Les augustales, comme l’indique le mot ordo, peu prodigué à cette époque, sont un ordre de l’État dans chacune de ces petites républiques, comme la curie, comme le peuple, mais entre les deux. Ils participent souvent aux actes collectifs du gouvernement municipal, et figurent à titre d’autorités reconnues sur les monuments où ces actes sont consignés. Comme les chevaliers à Rome, ils forment donc la transition entre le peuple et l’aristocratie des décurions. Chez les magistri vicorum de la métropole, c’est à peine si l’on aperçoit une sorte d’avancement par lequel le bourgeois obscur puisse s’élever de sa médiocrité aux grandes charges de l’État. Sans doute, comme tant d’autres affranchis, ils achètent la décurie, c’est-à-dire le grade de décurion, ce qui, par exception, pouvait les grandir jusqu’au titre de chevaliers[63]. Mais dans les municipes, l’augustalité est une chevalerie régulièrement constituée, et recrutée parmi les classes inférieures ; on va le voir par de nombreux exemples, où les variétés locales laissent bien voir un fond d’organisation commune : les divers ordres de la cité sont énumérés comme il suit :

Decteriones, sexviri et augustales, plebs, à Forum Sempronii. Gruter, 434, 1.

Decuriones, augustales, populus, à Sutrium. Orelli, n° 3807 ;

- A Pétélia. Orelli, n° 3677 ;

- A Bocinum. Gruter, 446, 7 ;

- A Hipponium ou Vibo Valentia. Orelli, n° 3703 ;

- A Sutrium. Orelli, n° 3976 ;

- A Népète. Orelli, n° 3991 ;

- A Crotone. Mur., 1106, 6 ; Fabr., p. 485, n° 161 ;

Decuriones, augustalicii, plebs, à Cellénium près de Viterbe. Muratori, 2026, 6 ;

Decuriones, augustales, plebs universa, à Préneste. Orelli, n° 1167 ;

Decuriones, augustales, plebs, à Pétélia. Orelli, n° 3939. Cf. 3678 ;

- A Tifernum. Gruter, 494, 5 ;

- A Sestinum. Orelli, n° 3902 ;

- A Pésaro. Donius, IV, 1 ; Fabretti, p. 486, n° 165 ;

Decuriones, seviri, plebs utriusque sexus, à Atina. Muratori, 1102, 4 ;

Decuriones, seviri, plebs urbana, à Tifernum. Fabretti, p. 459, n° 81 ; Gruter, 344, 6 ;

Decuriones, seviri augustales, plebs, à ...... près de Carpinéa (Romagne). Fabretti, p. 486, n° 164 ;

Decuriones, seviri augustales, tabernarii intra murum negotiantes, à Gables. Orelli, n° 1368. (Monument qui se voit à Paris, au musée du Louvre.)

Ordo decurionum, sexvirum, plebs, à Antinum, dans le pays des Marses. Orelli, n° 3940 ;

Decuriones, sevirales, plebs utriusque sexus, incolœ, à Utraria. Donius, V, 200 ;

Decuriones, augustales, coloni, à Osimo. Gruter, 68, 3 ; Donius, V, 80 ;

Ordo municipii, augustales, vicani, à Leprinium. Orelli, nos 3690 et 4086 ;

Ordo, seviri, populus, cives et incolœ, à Mongibar. Muratori, 1073, 6 ;

Centumviri, augustales, municipes intramurani, à Véies. Orelli, n° 3706 ; Cf. 4046 ;

Decuriones, seviri, juvenes[64], populus, à Rieti. Gruter, 414, 2 ;

Decuriones, augustales, curiœ[65], curia mulierum, à Lavinium. Orelli, n° 3740 ;

Decuriones, augustales, mercuriales[66], populus, à Rudies. Orelli, n° 134 ;

Decuriones, seviri augustales, municipes, à Privernum. Donius, VI, 18 ;

Decuriones, seviri, municipes et incolœ, à Aletrium. Gruter, 422, 3 ;

Ordo adlectorum, decuriones, augustales, mulieres honoratœ, populus, à Bovilles. Orelli, n° 2625 ;

Ordo decurionum, ordo augustalium, à Bovilles. Orelli, n° 3701 ;

Decuriones, augustales, à Milan. Orelli, n° 2980 ;

- à Ostie. O. Jahn, Specimen epigraphicum, p. 114 ;

Decuriones, seviri augustales, à Privernum. Gruter, 494, 10 ;

Seviri augustales, plebs urbana, à Sestinum. Orelli, n° 3902.

Enfin, à Lyon, un riche citoyen, nommé Sex. Ligurius, dans les distributions faites à l’occasion d’une dédicace, range ainsi qu’il suit les notables de la colonie : 1° les décurions ; 2° les chevaliers (romains, car il était curator civiurn romanorum dans la province), les sévirs augustales et les négociants en vins ; 3° les corporations autorisées[67]. On ne saurait assimiler plus nettement la condition des chevaliers et celle des augustales, et m’arquer mieux l’infériorité des autres corporations.

Il est vrai que Pline le Jeune, parlant d’actes tout semblables, ne mentionne que le sénat et le peuple, comme appelés au partage des libéralités du donateur[68]. Il est vrai que dans certaines villes, comme à Misène, à Atina, à Laurentum, à Anagni, on ne trouve mentionnés que deux ordres : le sénat ou les décurions, et le peuple[69]. Mais, à défaut d’autres preuves, cette omission n’impliquerait pas plus l’absence des augustales dans ces petites villes, que la formulé senatus populusque romanus, dans les actes de la métropole, ne permet de conclure à la disparition de l’ordre des chevaliers. Si dans une inscription de Canusium[70], datée de l’an 220 après J.-C., on ne trouve pas les augustales sur la liste détaillée du corps des décurions, cela prouve simplement (ce qui sera plus bas confirmé par des preuves nombreuses) que les augustales ne devinrent jamais l’ordo amplissimus, pas plus qu’à Rome les chevaliers ne devinrent le sénat, et qu’ils étaient compris dans le nom général de populus. D’ailleurs, à Tibur, par exemple, où nous rencontrons la formule senatus populusque[71], nous avons déjà constaté plus haut l’existence du corps augustale. Il en est de même à Préneste. A Tuderte, en Ombrie, un augustale même est l’auteur d’une inscription qui ne mentionne que l’ordre des décurions et le peuple[72].

Il serait facile, mais vraiment superflu, de démontrer par de nombreuses citations que, dans presque toutes les villes de l’occident romain, on trouve des augustales ; il vaut mieux étudier maintenant l’organisation duce corps, et les textes que nous aurons occasion d’invoquer suppléeront assez à une démonstration plus longue que le lecteur nous permettra de lui épargner.

 

§ 5. - Organisation, charges et devoirs du corps des augustales.

Parmi les divers actes où nous avons vu les augustales figurer à leur rang entre les décurions et le peuple, il en est trois d’une étendue assez considérable, et que nous reproduirons ici presque en entier, selon leur ordre chronologique, parce qu’ils feront saisir d’un seul coup d’œil les principaux faits que nous devrons ensuite analyser.

PREMIER MONUMENT : Arrêté des centumvirs de Véies, l’an de Rome 778, ap. J. C. 26 (Orelli, n 4046).

Les centumvirs du municipe Auguste[73] de Véies, réunis à Rome dans le temple de Vénus Genetrix, décident provisoirement à l’unanimité, en attendant qu’un décret soit rédigé, que C. Julius Gélos, affranchi du divin Auguste, ayant de tout temps servi le municipe véien de ses conseils et de son crédit, ayant voulu contribuer à l’éclat dudit municipe par des dépenses personnelles et par des libéralités de son fils, ils lui décernent le plus juste honneur en l’admettant au rang des augustales, comme s’il avait exercé dans ce corps honorable ; qu’il lui sera permis en conséquence d’assister à tous les spectacles dans notre municipe, parmi les augustales, sur un bisellium particulier, et de prendre part avec les centumvirs à tous les repas publics ; de plus, qu’aucun impôt ne sera exigé de lui au nom dudit municipe véien.

Présents à la rédaction de l’acte, etc. (Suivent les noms des duumvirs, de deux questeurs, et de neuf centumvirs).

Fait sous le consulat de Gætulicus et de Calvisius Sabinus.

Ainsi, dès l’an 26 de notre ère, l’admission au corps des augustales est un honneur qui a ses conditions et ses degrés. On peut être augustale après avoir été sévir ou sans l’avoir été. On peut être simplement augustale ou jouir en outre du droit de bisellium, quelquefois aussi nommé honor biselliatus, d’où vient le titre de biselliarius[74]. Les spectacles dont il est ici question sont : soit des jeux scéniques, soit des combats de gladiateurs, soit même des jeux du cirque, si souvent mentionnés dans les inscriptions municipales[75]. Les repas publics ne sont guère moins fréquents ; souvent donnés par les décurions, ils le sont aussi quelquefois par les sévirs ; d’où l’expression cena seviralis, qu’on trouve précisément à côté des jeux de gladiateurs dans une inscription d’Osimo[76] ; de là aussi la construction d’une salle de repas, cenatorium, aux frais d’un sévir de Bologne[77]. Alors, comme de nos jours, les repas avaient une place dans le règlement des corporations ; mais ce qu’on pratique moins, c’est l’usage d’étendre cette réjouissance au peuple entier d’une petite ville, usage qu’on retrouve partout sur les monuments grecs et romains.

Pour dernière faveur, les centumvirs de Véies déclarent C. Julius Gélos exempt de tout impôt municipal, c’est-à-dire qu’ils le déclarent immunis où qu’ils lui accordent l’immunitas ; et cela à perpétuité sans doute, car le décret ne mentionne aucune restriction[78]. Nous verrons bientôt que l’impôt municipal n’était pas la plus lourde charge de l’augustalité ; mais auparavant demandons à un second monument quelques détails nouveaux sur le lieu des réunions de l’ordre augustale.

DEUXIÈME MONUMENT : Pièces relatives à la construction d’une salle des séances pour les augustales à Cère. An de Rome 865, ap. J.-C. 113. (Orelli, n. 3787).

Vesbinus, affranchi d’Auguste (c’est-à-dire de Trajan), a fait construire et meubler à ses frais, sur un terrain donné par l’État, une salle de séance pour les augustales[79]. Copié et collationné dans le vestibule du temple de Mars, d’après le registre que Cupérius Hostilianus a fait produire par T. Rustius Lysipon, greffier, et sur lequel il est écrit en ces termes :

Étant consuls T. Publilius Celsus pour la deuxième fois, et C. Clodius Crispinus, aux ides d’avril ; M. Pontius Celsus étant dictateur[80] ; C. Suétonius Claudianus, édile avec juridiction et préfet du trésor public, Journal du municipe de Cère, page vingt-sept, chapitre six.

M. Pontius Celsus, dictateur, et C. Suétonius Claudianus, tous deux décurions, ont fait la proposition dans le temple des divins (empereurs), où Vesbinus, affranchi d’Auguste, a demandé qu’un emplacement qu’un fût donné par l’État sous le portique de la basilique Sulpicienne, pour y construire aux augustales une salle de séances ; et les décurions ayant consenti à lui donner l’emplacement qu’il désirait, on est convenu, à l’unanimité, d’en écrire à Curiatius Cosanus, curateur[81]. Présents dans la curie : Pontius Celsus, etc. (Suivent plusieurs noms.)

Page suivante, chapitre premier. Les magistrats et les décurions à Curiatius Cosanus, salut. Aux ides d’août, sur la requête d’Ulpius Vesbinus, nous avons réuni le conseil des décurions, auquel il a demandé qu’une place lui fût, donnée à l’angle du portique de la basilique, promettant d’y préparer au nom de l’État, et selon la dignité de notre municipe, une salle de séances pour les augustales. Des remercîments unanimes lui ont été votés ; mais il a paru aussi convenable de vous écrire pour vous demander votre consentement. Le terrain eu question ne sert point à la république, et n’est d’aucun rapport.

Page huit, chapitre premier. Curiatius Cosanus aux magistrats et aux décurions des Cérites, salut. Je dois non seulement consentir à l’intention que vous m’exprimez, mais féliciter celui qui veut contribuer à l’éclat de notre ville. J’accède donc à votre avis, non comme curateur, mais comme si j’étais un des membres de votre ordre ; car de semblables exemples devraient même être provoqués par les plus honorables distinctions. — D’Amérie, la veille des ides de septembre.

Arrêté le jour des ides de juin, sous le consulat de Q. Ninnius Hasta et de P. Manilius Vopiscus. La dédicace a été faite aux calendes d’août, sous les mêmes consuls.

Un autre monument en l’honneur du même acte de Vesbinus a été retrouvé à Rome, où demeurait peut-être cet affranchi de Trajan, parfaitement inconnu d’ailleurs dans l’histoire[82].

Ces minutieuses formalités montrent bien le rôle important du corps augustale dans le municipe Céritain ; elles confirment aussi ce que déjà plusieurs témoignages nous ont appris sur les rapports de cet ordre avec les décurions. C’est toujours parmi les décurions due les magistrats se recrutent, ce sont les décurions qui correspondent avec le curateur ; mais les augustales ont le premier droit à la bienveillance du sénat et des magistrats. Voici maintenant une pièce de nature toute différente, un acte de libéralité testamentaire qui se rapporte non plus aux réunions en général de nos augustales, mais aux repas dont ils devaient supporter les frais.

TROISIÈME MONUMENT : — Extrait d’un testament en faveur des Augustales, à Pétélia, aujourd’hui Strongili, dans la Calabre citérieure. Date incertaine ; probablement le troisième siècle de notre ère (Orelli, n° 3678.)

Après une dédicace en l’honneur de M. Méconius, édile, questeur, patron du municipe, suit un article du testament, kaput ex testamento, dont nous n’essayerons pas de reproduire en français la rédaction diffuse et à moitié barbare[83], mais dont nous résumerons du moins toutes les dispositions essentielles :

1° Méconius lègue à la république de Pétélia un capital de 10.000 sesterces, dont les intérêts, à 6 pour cent, devront servir : pour la première année, à fournir de lampes et de candélabres deux salles de repas, triclinia, que Méconius a données de son vivant aux augustales ; pour les années suivantes, à tel achat de mobilier que les augustales jugeront convenable.

2° Il lègue en outre aux augustales une vigne et une partie d’un bien fonds. Le vin que produira cette vigne doit servir aux repas officiels dont les augustales font les frais ; et si l’entretien en dépassait les profits, on pourrait y subvenir sur les intérêts du capital susmentionné ; mais ces intérêts ne peuvent être distraits pour aucun autre usage.

3° D’ailleurs les héritiers de Méconius doivent prendre dans ses autres propriétés, pour mettre à la disposition de la république (qui elle-même les mettra à la disposition des augustales), des échalas en nombre nécessaire pour la susdite vigne.

Par ces libéralités, le donateur a voulu alléger le poids des fonctions augustales ; il a voulu qu’on redoutât moins l’honneur ou plutôt le fardeau de l’augustalité (facilius subiturionus augustalitatisrelevati impendiis facilius prosilituri hi qui ad munus augustalitatis compellerentur). Il termine par une allocution aux augustales, et les conjure de faire que les volontés de leur bienfaiteur soient pleinement accomplies pour le présent et dans l’avenir.

Un ancien centurion de Marc-Aurèle, grand dignitaire dans la ville de Barcelone, va plus loin encore : il lègue par son testament, dont un extrait nous est parvenu[84], des sommes considérables à la république, sous la condition expresse que ni ses affranchis, ni les affranchis de ses affranchis ou de ses affranchies, ne seraient jamais soumis aux charges du sévirat. En cas d’infraction à cette clause, il transfère son legs à la municipalité de Tarracone.

De tels monuments font supposer un grand nombre de pièces semblables que le temps a détruites ; mais heureusement les inscriptions, même les plus courtes, peuvent servir à compléter encore ces témoignages, déjà bien explicites :

De tout ce que nous avons vu jusqu’ici, résultent trois conséquences principales :

1° L’augustalité constituait, dans les colonies et les municipes, une classe semblable, sous plusieurs rapports, à l’ordre équestre dans la république romaine ;

2° L’augustalité était un honneur ;

3° L’augustalité était une charge.

Chacun de ces résultats mérite quelques développements.

1. L’ordre augustale était analogue à l’ordre équestre. Sous l’empire, en effet, l’ordre équestre se divisait en deux classes principales : la première, celle des chevaliers, equo publico, comme on les appelait alors, c’est-à-dire en activité de service, soit que ce service fût celui des armées et des camps, soit qu’il fût borné aux revues solennelles devant l’empereur, faisant les fonctions de censeur ; la deuxième classe, celle des equites censu, véritable noblesse secondaire qui conférait certains privilèges honorifiques, certains droits de participation aux affaires publiques. Comme la première classe ne pouvait comprendre d’hommes au-dessus de quarante-cinq ans, et qu’à partir de cet âge on entrait nécessairement dans la deuxième, elles sont quelquefois opposées par les titres de juvenes ou juniores et seniores, et c’est en ce sens que les chevaliers sont désignés par le mot juventus dans l’acte par lequel, sous Auguste, ils choisirent pour principes juventutis, les deux fils d’Agrippa, Caïus et Lucius César. L’ordre des jeunes chevaliers était subdivisé en turmœ ou escadrons, commandés par des sévirs[85]. Or, une partie de cette organisation se retrouve chez les augustales du nord de l’Italie.

On a beaucoup discuté s’il y eut jamais des chevaliers municipaux (equites) proprement dits, et il faut avouer que les exemples trouvés jusqu’ici dans les inscriptions latines peuvent très bien s’expliquer en admettant que des citoyens de municipes élevés, dans Rome, au rang de chevaliers romains joignaient le nom de leur patrie à celui de leur nouveau grade[86]. Mais les inscriptions de la Gaule Cisalpine offrent, sous les noms de juvenes ou juniores et seniores, deux ordres opposés qui ont leurs magistri ou leurs seviri[87] ; et ces deux ordres paraissent quelquefois n’être qu’une subdivision de l’ordre augustale[88]. A Vérone, un sévir augustale est en même temps sacerdos juvenum[89]. Mais, à Lucus Feroniœ, près de Capène, les juvenes sont formellement distingués des augustales, puisque le même personnage est à la fois patron des sévirs augustales et magister juvenum pour la seconde fois[90]. Nous touchons ici à des obscurités historiques, qui ne se dissiperont sans doute que par la découverte de monuments nouveaux. Sur les inscriptions qui ne mentionnent que des sévies, on peut affirmer qu’un grand nombre désignent des sévirs augustales[91] ; d’un autre côté, les sévirs sont assez souvent distincts des augustales[92] ; et dans le plus grand nombre de cas il est impossible de rien décider.

II. L’augustalité était un honneur, et, comme tel, était fort recherchée de ceux mêmes qui n’auraient pu en exercer les fonctions. Ainsi, de même qu’on trouve, sous l’empire, des sénateurs, des décurions, des chevaliers élevés à ce rang avant l’âge de raison[93] ; de même qu’on a vu au moyen âge, et jusque dans les temps modernes, des enfants admis aux premières dignités de l’État et de l’Église, nous trouvons quelquefois des augustales de treize ans, de deux ans, etc.[94] C’est aussi pourquoi on voit un citoyen porter ce titre dans deux villes différentes et souvent fort éloignées l’une de l’autre, par exemple :

A Aix et à Arles. Gruter, 469, 1 ;

A Lyon et à Vienne. Millin, Voyage, I, p. 501 ;

A Pise et à Lucques. Muratori, 1071, 1 ;

A Brescia et à Vérone. Gruter, 397, 1 ;

A Barcelone et à Tarragone. Cean-Bermudez, Sumario de las Antig. rom. en Esp. (Madrid, 1832), p. 16.

A Brescia et à Trente. Gruter, 432, 3 ;

A Lyon et à Pouzzoles. Muratori, p. 195, 3 ;

A Pouzzoles et à Naples. Orelli, n° 4251 ;

A Forum Cornelii et à Julia Concordia. Gruter, 365, 1 ;

A Fermo et à Falerone. Muratori, 1047, 2.

De là enfin l’épitaphe de Trimalcion dans Pétrone[95] :

C. POMPEIVS TRIMALCHIO MÆCENATIANVS

HIC REQVIESCIT.

HVIC SEVIRATVS ABSENTI DECRETVS EST, ...

POMPEIUS TRIMACION DIGNE ÉMULE DE MÉCÈNE

REPOSE EN CES LIEUX.

EN SON ABSENCE, LE TITRE DE SÉVIR LUI FUT DÉCERNÉ, ...

Les honneurs du sévirat n’entraînaient pas l’obligation de présence dans le municipe où on les avait reçus[96].

III. D’ailleurs, et ceci nous ramène aux charges sévirales, il y avait deux manières de les exercera titre onéreux et à titre gratuit. Nous avons vu plus haut ; par l’exemple des centumvirs clé Véies, que les décurions d’un municipe, s’ils voulaient remercier leur bienfaiteur ou leur patron, ou mériter les bonnes grâces de quelque puissant personnage, lui conféraient tous les privilèges de l’augustalité, sans lui en imposer les dépenses : honor gratuitus, augustalitas gratuita ; d’où les expressions augustalis gratuitus, ou gratis factus, ou gratuito[97]. Cela devait avoir lieu, par exemple, quand on dépassait, pour accorder cette faveur, le nombre légal des membres du corps augustale, exception particulière que désigne le titre adlectus supra numerum sevirum ou augustalium[98]. Il en était. de même quand un augustale avait mérité, par son dévouement ou sa générosité envers l’État, d’être ad-mis au titre de décurion avec ou sans voix délibérative, faveur qui répond au titre de decurio ornamentarius, ou decurionalibus ornamentis[99]. Au reste, cette clause bienveillante du décret de la curie ne doit pas nous trOmper : elle cache souvent l’obligation trop réelle de répondre par des repas, par des distributions d’argent, et quelquefois aussi par des constructions coûteuses, à l’honorable distinction dont on était l’objet. Nous n’en citerons pas ici d’exemple, on en trouvera plusieurs dans les textes qui nous ont montré la classification des décurions, des augustales et du peuple. Nous ne compterons pas non plus parmi les charges augustales ces innombrables dédicaces, ex voto, qui ne sont que l’acquittement d’une promesse pieuse. Nous signalerons seulement certaines dépenses qui paraissent avoir été dès l’origine le prix légal de cet honneur.

Au sein même de Rome nous avons vu, du vivant d’Auguste, des quarteniers consacrer les poids étalons qui doivent servir au voisinage, et ensuite les entretenir évidemment à leurs frais. En 94, après notre ère, des quarteniers élèvent un portique pecunia sua, et font à leurs administrés des distributions de comestibles (panem, vinum, sportulas), dont l’usage se propagea et se perpétua dans les municipes ; en 99, des quarteniers du vicus porta Collinœ réparent également à leurs frais une édicule ruinée. Le premier augustale que nous rencontrions hors de Rome, à Pompéi[100], se fait autoriser, sur le rapport d’un questeur, à consacrer deux bases de marbre, au lieu de la statue qu’il devait élever à la Fortune Auguste, d’après la loi (e lege Fortunœ Augusta ministrorum). Les prêtres de la divinité étaient donc obligés à cette dépense, que nous comprendrions aujourd’hui parmi les frais du culte. Vers la même époque, les quatre magistri augustales d’une ville des Falisques ont fait paver un chemin pro ludis, c’est-à-dire au lieu de donner au peuple de leur municipe les jeux dont ils étaient redevables. Voilà donc une seconde charge dévolue aux augustales. Celle de faire paver les routes paraît aussi avoir été quelquefois obligatoire : à Vérone, trois magistri et trois ministri, en 752, font hommage aux dieux Lares de leurs dépenses pour la réparation d’un carrefour, des murs et des portes d’un édifice ; à Forum Sempronii, ville du Picenum, treize affranchis, qui se donnent le titre collectif de sévirs augustales, font paver à leurs frais 1165 pieds d’une route, ob honorem seviratus. Plusieurs exemples semblables montrent que ces dépenses d’utilité publique étaient au moins fort recommandées, sinon tout à fait imposées par le gouvernement impérial, et elles font honneur à sa prévoyance[101].

Jusqu’ici ces dépenses sont une largesse officieuse pour obtenir la faveur de l’augustalité, un acte de remercîment après qu’on l’a obtenue. Voici maintenant la preuve que certaines sommes étaient officiellement déposées dans la caisse publique pour payer le titre de sévir. Un médecin d’Assise, qui réunissait plusieurs spécialités médicales, comme nous dirions aujourd’hui, donne sur son monument funéraire le compte de ses dépenses : 1° tant pour sa liberté ; 2° tant à la république pour son sévirat ; 3° tant pour des statues élevées dans le temple d’Hercule ; 4° tant à l’État pour pavage de routes[102]. Le sévirat se payait donc en argent. Mais cet argent était-il employé par les décurions comme fonds du trésor public, ou bien par les augustales, toujours pour des dépenses d’utilité commune ? Nous ne le pouvons dire. Ce qui est certain, c’est que les augustales avaient aussi leur trésor particulier, arca[103], où l’on versait des sommes pour le payement de certains terrains, l’entretien des monuments, ou pour d’autres fondations pieuses, comme on en versait aussi, pour le même objet, dans la caisse des pontifes[104]. Ce trésor était sans doute administré, soit par des questeurs, comme à Alifa[105], ou par des quinquennales, comme à Gabies[106], ou par les curatores ordinis, comme à Brescia[107], avec l’assistance d’officiers secondaires, tels que le tabularius, archiviste ou chef de comptabilité[108].

C’est sur le trésor augustale que sont prélevées soit les dépenses de contribution aux actes collectifs du municipe[109], soit les frais de construction des monuments élevés en l’honneur des dieux, des empereurs. ou des bienfaiteurs de l’ordre[110] ; et tous ces actes, comme ceux qui confèrent quelque honneur, sont accomplis régulièrement en vertu d’un décret de l’ordre, decreto sevirorum augustalium, ainsi qu’on lit dans une inscription de Narbonne[111].

Enfin, comme toutes les corporations sous le régime impérial, les collèges augustales sont placés sous l’autorité de quelques hommes puissants qu’ils ont choisis pour patrons[112], ce qui ne les empêche pas de reconnaître et d’honorer les patrons du municipe dont ils font partie[113].

 

§ 6. - Divers sacerdoces et magistratures, quelquefois confondus avec les fonctions des augustales.

La rapide esquisse qu’on vient de lire de la constitution de l’ordre augustale laisse beaucoup à désirer sans doute. Nous y avons volontairement négligé bien des questions accessoires qui ne nous semblent pas comporter une solution positive. Nous n’avons pas examiné quels rapports pouvait offrir la magistrature des sévirs augustales avec celle des sexprimi dans quelques municipes[114] ; à Côme, avec celle des seviri urbani[115] ; presque dans tout l’empire, avec les flaviales[116], les mercuriales[117], et autres corporations vouées au culte de quelque divinité de premier ordre, ou de quelque empereur divinisé après sa mort. Nous n’avons pas cherché ce qu’étaient les prœfecti augustales qu’on trouve à Gabies[118], où ils ressemblent à des délégués purement civils de l’empereur, ni discuté quelques autres formules qu’on remarque çà et là sur les monuments des augustales[119]. Nous tenions à faire ressortir dans toute leur évidence les faits certains que les monuments nous révèlent sur ce qui fait le propre sujet de nos recherches, et nous aurions obscurci notre exposé en l’embarrassant de discussions secondaires et sans résultat. Mais nous ne sommes point dispensé de rapprocher brièvement des fonctions augustales divers autres sacerdoces ou magistratures avec lesquels on les a souvent confondues. Il convient de détruire pour jamais une cause d’erreurs qui a tant influé sur les travaux des érudits relatifs à ce chapitre des antiquités romaines. Pour cet effet, il nous suffira d’énumérer, en renvoyant à quelques exemples :

1° Les sodales augustales, prêtres de la divinité d’Auguste, créés seulement dans Rome après la mort de l’empereur, et choisis, en très petit nombre, tous parmi les plus hauts personnages de l’État, e primoribus civitatis, dit formellement Tacite, dont le témoignage est en cela confirmé par l’autorité unanime des inscriptions[120]. Ils n’ont aucun rapport avec nos augustales, pas plus que les sodales hadrianales, marciani, et autres du même genre qu’on rencontre fréquemment sur les marbres ;

2° Les flamines Augusti, qui n’ont pu exister que dans les provinces du vivant d’Auguste, puisque ce prince refusa toujours les honneurs divins dans la capitale de l’empire[121]. A défaut d’autres preuves, une inscription d’Uclès, en Espagne, prouverait combien ces deux premières classes de prêtres diffèrent de nos augustales : elle offre une dédicace faite à Néron, flamen augustalis et sodalis augustalis, par six sévirs augustales qui se nomment tous, et dont quatre sont des affranchis[122]. Quant aux flamines, s’ils ont pu être pris quelquefois dans les premiers rangs de la société romaine, il faut avouer qu’ils se rapprochent souvent des sévirs augustales par leur condition civile, et qu’on trouve sur les marbres clé fréquents exemples du cumul de ces deux dignités[123]. Il en est de même des sacerdotes Augusti ou Romœ et Augusti[124]. D’ailleurs ces diverges fonctions de flamine et de prêtre sont communément attribuées à des femmes ainsi qu’à des hommes, tandis que nous n’avons rencontré qu’un exemple douteux de l’admission des femmes aux honneurs de l’ordre augustale[125] ;

3° On appelait encore augustales les soldats ajoutés par les empereurs au nombre fixé dans chaque corps par les règlements militaires[126] ;

4° Enfin les préfets d’Égypte recevaient le même titre par une exception honorifique que justifie l’importance de ce gouvernement[127].

 

§ 7. - Conclusion.

Ainsi les recherches que nous venons d’exposer ont pour premier résultat de rendre à leur vrai sens un grand nombre d’inscriptions jusqu’ici mal comprises[128] : elles en ont d’autres non moins intéressants, au point de vue de l’histoire.

On a beaucoup parlé de la puissance des affranchis sous l’empire, et de l’espèce de nivellement que la corruption et le despotisme étendaient sur tous les rangs de la société romaine. Qui ne voit dans la nouvelle magistrature des augustales, ouverte aux affranchis, aux esclaves même, une des causes les plus actives de cette révolution ? Ici nos monuments semblent commenter les forfanteries insolentes d’un personnage de Pétrone (Satiricon, 57), de cet affranchi qui est, avec Trimalcion, le seul sévir augustale dont le nom soit resté dans toute la littérature latine : Tu es chevalier romain ? et moi je suis fils de roi. — Pourquoi donc étais-tu esclave ?Parce que je me suis moi-même livré en servitude... Et maintenant j’entends vivre de façon que personne n’ait le droit de me rire au visage ; je me promène, le front découvert au milieu de mes égaux ; je ne dois pas un sou de cuivre à qui que ce soit au monde ; je ne sais pas ce que c’est qu’une assignation. Personne ne m’a dit sur la place : Rends-moi ce que tu me dois. J’ai de petits sillons à moi, voire un peu de vaisselle plate[129] ; je nourris vingt bouches et mon chien ; j’ai racheté ma compagne de lit, pour avoir le droit d’en user seul ; il m’en coûte mille beaux deniers. Aujourd’hui me voilà sévir et sans frais (sevir gratis factus sum), et je compte bien trépasser de manière à ne pas rougir dans ma tombe. Tous nos augustales ne sont pas des parvenus de cette trempe, mais ce sont des parvenus comme on devait les compter alors par milliers.

On s’est demandé comment les municipes passèrent d’une semi-liberté sous l’oppression la plus impitoyable et la plus avare. Mais cette oppression commence à peu près vers le quatrième siècle, sous les premiers empereurs, dont les constitutions nous sont parvenues dans le Digeste et dans les Codes. C’est précisément l’époque où les monuments cessent de nous parler des augustales[130]. Or, les augustales supportaient taie notable part des charges de la cité, surtout pour ce qui concernait le culte et les jeux publics. A mesure que ces fonctions tombèrent en désuétude (je n’ose dire, faute de témoignage précis, quand ces fonctions furent supprimées), la curie demeura seule pour faire face à toutes ces dépenses : elle en fut écrasée. Le décurionat devint une prison, un bagne, où l’on poussa tous les malfaiteurs, jusqu’aux adultères et aux assassins.

Maintenant comment se fait-il que l’institution augustale, qui a joué pendant trois siècles un si grand rôle dans la société romaine, qui pendant trois siècles a partagé avec le décurionat les honneurs comme les charges municipales, ait laissé si peu de traces dans l’histoire ? que Pétrone seul et le scoliaste d’Horace nous en aient conservé le nom ? que pas une ligne, pas un mot ne les rappelle directement dans les lois impériales[131] ? Accusons d’abord les ravages du temps. D’une part, en effet, l’auteur du Satiricon parle des augustales et du sévirat comme d’une chose toute familière à ses lecteurs ; et nul doute que les nombreux traités des jurisconsultes sur le droit municipal et pontifical ne continssent, sur l’augustalité, bien des renseignements aujourd’hui perdus pour jamais. D’autre part, une inscription de Brescia prouve nettement que les empereurs sont quelquefois intervenus dans les affaires des augustales, et que le recueil des rescrits et des lois antérieurs au quatrième siècle devait offrir bien des textes relatifs aux droits et aux devoirs de cette corporation[132]. Mais peut-être est-il permis aussi de soupçonner une autre influence. Par son origine, l’augustalité se rattachait au culte païen des empereurs ; elle le perpétuait, moins directement peut-être que le sacerdoce spécial dont nous parlions tout à l’heure, mais enfin elle le perpétuait sur tous les points de l’Occident, en l’associant à ce culte des Lares et des Pénates, si longtemps cher aux pauvres gens, et qu’une religion nouvelle a transformé plutôt que détruit dans l’imagination populaire. Le jour où un empereur chrétien renversa les au-tels d’Auguste et des Lares[133], les institutions augustales durent recevoir une atteinte mortelle ; et cela peut-être expliquerait pourquoi leur disparition coïncide avec le triomphe du christianisme.

Après avoir vu entre quelles dates se développe cette grande institution, il est curieux d’observer entre quelles limites géographiques elle se propage sur le sol de l’empire romain. L’Italie et la Gaule, avec toute la ligne du Rhin et du Danube ; les Espagnes, et peut-être quelques points de la côte de Sicile et d’Afrique ; le long de l’Adriatique, l’Istrie et la Dalmatie reçoivent successivement ce paganisme renouvelé par les lois d’un empereur. Les pays grecs ont partout résisté à l’invasion : non pas que l’Orient refusât de s’incliner devant la divinité victorieuse des Césars ; au contraire, l’Histoire et les monuments témoignent que l’Orient donna l’exemple de l’adoration et de la flatterie. Mais, comme culte, l’institution augustale ne tenait pas seulement à la personne des empereurs, elle touchait à des croyances intimes et populaires que la Grèce ne pouvait pas facilement accepter. D’ailleurs, épurée, agrandie par les arts, la religion grecque avait trop d’avantages sur celle des Romains pour lui céder l’empire. Comme réforme civile, la nouvelle institution devait avoir moins de succès encore. Tous ces petits États grecs, au milieu de leurs discordes, avaient pourtant une merveilleuse intelligence de la vie municipale, et n’attendaient pas les leçons de la législation romaine. Ce qui se passa en Sicile, où les Romains n’eurent rien de mieux à faire que de succéder aux droits des princes détrônés, sans changer le mécanisme de l’administration, dut arriver en Grèce sur presque tous les points occupés par leurs armes. Ils laissèrent les Grecs s’administrer ; faire et refaire des décrets, comme Cicéron l’observait avec malice, jouer à la liberté, si je puis ainsi dire, au sein de la servitude[134]. Mais dans les forêts de la Gaule et de la Germanie, chez des peuples encore sauvages ou à moitié sauvages, l’ordre sévère et tout matériel de la colonie romaine, la combinaison presque savante des pouvoirs et des franchises du municipe italien, étaient d’excellents modèles d’organisation civile. Rome ne pouvait civiliser la Grèce ; elle pouvait, elle devait civiliser l’Occident ; et l’invariable ambition de son despotisme fut un des instruments les plus forts dont se servit la Providence pour accélérer dans cette partie du monde le triomphe de l’unité sociale[135].

 

 

 

 



[1] Voyez M. Guizot, Essais sur l’histoire de France, c. I.

[2] Noris, dans les Cenotaphia Pisana (1681) ; Marini, Lettes al signor Galtana sopra un’aro antica, dans le Museo Pio Clementino de Visconti, t. IV, p. 93 ; Morcelli, de Stilo inscr. lat., t. 1, p. 17 sqq. Cf. p. 53 ; sur les onze articles qui résument l’opinion de l’auteur, le 1er, le 2e et le 8e contiennent des erreurs qui dominent toute la matière ; les autres articles se retrouveront en substance dans le résumé de nos propres recherches. Orelli, Inscr. lat., t. II, p. 197 et passim. Nous ne citons ici que les discussions principales sur ce sujet.

[3] Voyez Caton, de Re Rustica, 143 ; Festus, aux mots Donaticœ coronæ et Stata Mater ; Tite-Live, XXXIV, 17, passage dans lequel Marini soupçonne avec raison quelque anachronisme ; Varron, de Re Rustica, III, 25 ; Asconius, in Cicer. Pison. 4, p. 7, et in Cornel. p. 75, éd. Orelli ; Denys d’Halicarnasse, Antiq. rom. IV, 14 ; Dion Cassius, 38, 13,14 ; Marini, Atti dei fratelli Arvali, tav. XLIII (et dans Orelli, Inscr. latin. n. 961) ; Ovide, Fasti, 11, 610 ; Arnobe, Adv. gentes., III, p. 124, éd. 1651 ; Ev. Otto, de Diis vialibus, c. IX.

[4] Dans Orelli, Inscr. lat., t. II, p. 391 et 411. Cf. Cicéron, ad Att. II, 3 ; VII, 7 ; in Pison, 8 ; Aulu-Gelle, X, 24 ; Macrobe, Sat. I, 4, 7 et 16 ; Festus, au mot Quinquatrus ; Bothe, Poetar. Scenic. lat. fragm. pars II, p. 210 et 262.

[5] Virgile, Énéide, VIII, 7 14, et Servius sur ce passage. Cf. Dion Cassius, 51, 19 ; Horace, Od., IV, 5, v. 33 ; Épist. II, 1, v. 16.

[6] Voyez Dion Cassius, 53, 16. Cf. Censorinus, de Die natali, c. 21.

[7] Voyez Horace, l. c., et les interprètes sur ces passages. Cf. Eckhel, Doctr. num. vet., t. II, p. 465 ; t. IV, p. 436.

[8] Dion Cassius, 55, S. Suétone, Aug, c. 30. Cf. Nardini, Roma antica, II, 4, où, citant le passage de Suétone, il ajoute, aux mots vicosque, les mots supra mille, sans indiquer l’origine de cette addition. Nous en reparlerons plus bas.

[9] Le texte en effet présente, dans ce passage, quelque incertitude.

[10] Dion Cassius, 55, 26, admirablement commenté, à l’aide des textes épigraphiques, par Olaüs Kellermann, Vigilum romanorum latercula duo, Rome, 1835, in-folio.

[11] On aperçoit des traces d’essais antérieurs dans Appien, Bell. civ. V, 132, et Velleius, II, 91.

[12] Pline, Hist. nat. III, 59, où plusieurs manuscrits donnent compila earum, au lieu de compila Larum. Cf. Hagenbuch dans Orelli, Inscr. lat. n. 3959. Gruter, 179, 3. Il y a aussi sur le chiffre des compila quelques variantes de peu d’importance. Cf. Muratori, Thes. inser. p. 2126 - 2134 ; Mommsen, de Collegiis et sodal. rom. p. 74 sq.

[13] Gruter, p. 249 et suiv. on la retrouve abrégée dans Orelli, n. 5. Les cinq régions détaillées sur cette Base sont la 1e, la 10e, la 12e, la 13e et la 14e, et il ne paraît pas que les autres y aient jamais été inscrites.

[14] Prœtor cui hœc regio sorte obvenerit, dit précisément une inscription du temps de Néron. Groter, 61, 3 (dans Orelli, n. 736). Cf. Grut. 1017, 4 : Per. missu T. Catii Catullini Sesti Secundi pr[œtoris] urb. reg. XIII. Donius, Inscr. ant. I, 137 : Permissu Ti. Allieni Sicini qu[œstoris]. Fabretti, p. 103, n. 241 : [Jussu on permissu] Pollionis trib. pleb. (règne de Trajan). Fabretti, p. 672, n. 8, et Donati, 67, 3 : Tussit pr[œtors]. Orelli, II 782 : Permissu C. Cassi Interamnani Pisibani Prisci prœtoris. Dans ces divers monuments ce sont des magistri vici qui obtiennent la permission du magistrat nommé. Cf. Grut. 448, 7.

[15] Capitolin, Marc. c. 11 ; Lampride, Alex. Sev. c. 32.

[16] Orelli, n. 2425, inscription de l’an de Rome 754. (Cf. Hagenbuch, dans Orelli, n. 1659 ; Schol. ad Horat. Serm. 11, 3, v. 281.) Le texte en est peut-être incomplet. Les deux premiers noms (noms d’affranchis) seulement semblent désigner des magistri, les deux derniers (noms d’esclaves) des ministri. Cf. Fabretti, p. 465, n. 99, inscription où l’on trouve ainsi un magister avec son minister.

[17] Voyez, par exemple, Gruter, 179, 6 ; 180, 1 ; Reinesius, p. 227 et 246 ; Fabretti, de Aquœd. p. 163 ; Syntagma de col. Traj. p. 174. Cf. Front., de Aquœd. § 4 et 97.

[18] Gruter, 107, 1 ; Fabretti, p. 465, n. 96, 97 ; Orelli, n. 2464, 2467, 5018.

[19] De là sur les marbres : magistri ou ministri, iterum, tertium. Fabretti, p. 465, n. 98 ; p. 352, n. 495 sq. ; Orelli, n. 58, 1645, 2465, 5018, 5028. Voyez surtout Donius, 1, 97.

[20] Voyez des fragments de registres et de fastes municipaux dans Reinesius, X, 3, p. 597 ; Muratori, 294, 1 (monument contemporain d’Auguste).

[21] Elle contient en outre deux noms complets et deux noms incomplets de curatores. C’est jusqu’ici, après la Base Capitoline, le seul monument épigraphique où j’aie lu ce titre de curator, appliqué aux administrateurs des régions de Rome. Tous les autres curatores sont ordinairement distingués par l’addition d’un mot qui rappelle leurs fonctions spéciales, curator viarum, alvei Tiberis, operum publicorum, etc. Dans une inscription de Gruter (41, 7), un boulanger de la quatorzième région se donne le titre de curator vici quadrati : c’est probablement une façon de relever ses fonctions de magister, mais qui confirme notre observation sur la condition des curatores. On trouve hors de Rome un exemple semblable de l’emploi du mot curator. Mur. 83,3 ; Or., n. 1754. Cf. Marini, Atti, p. 31, 692, 699.

[22] Il est difficile de concilier les deux indices chronologiques que renferme cette inscription, peut-être corrompue. Au reste, avertissons par un exemple (Gruter, 481, 10) que l’âge d’un magister peut être quelquefois confondu avec l’année où il exerça cette fonction. C’est une méprise contre laquelle nous avons dû nous tenir en garde.

[23] Orelli, n. 2425. C’est l’inscription dont nous avons parlé plus haut, cf. note 16.

[24] Orelli, n. 1658 sqq., et 3210. Gruter, 106, 6, 7. Fabretti, p. 678, n. 18.

[25] Fabretti, p. 672, n. 8. Comparez plus haut les exemples cités.

[26] Suétone, Aug. 31. Ovide, Fastes, V, 129 sqq. Cf. Plutarque, Quœst. rom. 51 ; Pline, Hist. nat. XXI, 3 ; Festus, au mot Donaticœ coronœ ; deux bas-reliefs dans Visconti, Mus. Pio Clem. IV, 93 ; Gruter, 106, 7 ; et en fin d’appendice, la note supplémentaire.

[27] Orelli, n. 1434, 1659, 1661, 1667, 3220, 3796, etc.

[28] Ce nombre peut aussi expliquer l’interpolation signalée dans la note 8, dans le texte de Suétone, si toutefois on n’aime pas mieux croire que l’auteur, quel qu’il soit, de cette addition a confondu deux sens du mot vicus (quartier et rue).

[29] U. C. 745. Voyez Latini sermonis vetustioris reliquiæ, p. 333. Cette date, attribuée par Dion Cassius au sénatus-consulte que Macrobe nous a conservé, trouve ainsi une confirmation utile dans les faits que nous venons de résumer.

[30] Marini ap. Visconti, Mus. Pio Clem. IV, p. 93. Orelli, n. 1658, 1659, 3220 ; Fabretti, p. 465, n. 96, 97 ; 487, n. 170 ; Donius, I, 96. Gruter, 40, 14 ; 74, 2. C’est peut-être la même formule qui est résumée par l’adjectif primus dans une inscription d’Orelli, n. 2465. Cf. Fabretti, p. 487, n. 164 ; 407, n. 325 ; Hagenbuch dans Orelli, t. II, p. 371.

[31] Voyez Fabretti, p. 528, n. 379. Duilius, 1, 97. Orelli, n. 1530. Sacrum Hercul[i] mag. vici anni XI A. A. Marcii Athenodor. lib. Hilarus et Bellon. Lucius Hermeros Æquitas magister pondera auraria et argentaria viciniœ posuerun[t]. Idem tuentur (ceci a été ajouté par une autre main) anno XIX pro parle in vigul. (sic ?) pro vicin. una caan magisr. (sic) contulerunt. Plusieurs mois de cette inscription offrent des altérations qui, heureusement, ne touchent en rien aux conséquences que nous venons d’en tirer. La copie de Donius supprime vigul. provicin. ; elle donne maq. iter. (magister iterum) pour magister, et, plus bas, magistr. pour la leçon magisr., qui du reste peut bien se lire sur la pierre. Ces fautes de copie sont assez fréquentes.

[32] Voyez Orelli, n. 1530, 3849, 3882, 4342 sqq. Fabretti, p. 528, n. 380 : Mensurœ ad exemplar earum quœ in Capitolio sunt, auctore sanctissisno Auq. n. nobilissinno Cœs. per regiones missœ cur. D. Simonio Juliano prœ. urbis. c. v.

[33] Ad Serm. 11, 3, 281, Porpbyrion. Ab Augusto Lares, id est, dii domestici, in compito positi sunt ; ex libertinis sacerdotes dati qui Augustales sunt appeliati. Acron : Jusserat enim Augustus in compitis deos Penates constitui, ut studiosius colerentur. Erant autem libertini sacerdotes qui Augustales dicuntur.

[34] Gruter, p. 9, 5 ; Orelli, n. 1712. Comparez des exemples analogues, n. 274, 346, 1435, 1448, 1462, 1542, 1544, 1598, 1662, 1667, 2171, 3437.

[35] Orelli, n. 1387 (dédicace par quatre magistri à Stata Mater) : Dedicata est XVII kal. sept. lustratione. N. 2481 : Vici censorii lustratio erit idibus septembr. Cf. 4132, 4433 ; et Siculus Flaccus, de Colon. p. 25, éd. Goes ; Suet., Aug. 31.

[36] Par exemple, dans Rufus, Reg. III. — Ædiculæ VIII : Bonœ Spei, Serapidis, Sangi Fidoni (sic), Minervœ, Isidis, Veneris, Æsculapii, Vulcani. Au reste, quelques-uns des noms assignés aux édicules par les régionnaires peuvent bien n’être plus ceux qu’elles portaient du temps d’Auguste ; par exemple, dans la IVe région, le nom de Lucina Valeriana. Il en est de même des noms de vici ; par exemple, dans la VIIe région, le vicus Gordiani minor ne portait sans doute pas ce nom sous Auguste.

[37] Je ne compte pas ici les fonctions toutes privées des affranchis que le prince a chargés des comptes des régions, liberli a regionibus, decuriones a regionibus Urbis, dont l’existence est aussi attestée par des inscriptions. Voyez Gori, Columbarium, n. 15-18, et 193, 194.

[38] Suétone, Auguste, 37 : Pour appeler un plus grand nombre de citoyens à l'administration de l'État, il imagina de nouvelles fonctions: la surintendance des travaux publics, des chemins, des eaux, du lit du Tibre, des grains à distribuer au peuple, la préfecture de Rome (Cf. Dion Cassius, 52, 21 ; 54, 6), le triumvirat pour le personnel du sénat, et un autre pour passer en revue les chevaliers, quand il en serait besoin.

[39] Orelli, n. 1668. L’inscription dit que le monument fut élevé ex stipe quam populus ei contulit. C’est un usage singulier, dont Suétone aussi nous a conservé le souvenir, Auguste, c. 57. On peut conjecturer que cette inscription provient du temple des Lares (ædes Larum in somma Sacra via), mentionné dans le monument d’Ancyre comme une fondation d’Auguste.

[40] Orelli, n. 2465, 2466. Cf. 4044. J’avoue toutefois que la comparaison des divers monuments réunis et classés par M. Guarini dans ses Fasti duumvirali della colonia di Pompeii, m’induirait à distinguer dans cette colonie : 1° des prêtres ou flamines d’Auguste (Voyez plus bas, § 6) ; 2° des prêtres de la Fortuna Augusta ; 3° des augustales proprement dits. Il reste encore des études à faire sur ce sujet.

[41] Civitas Castellana. Gruter, 107, 5 ; 149, 5 ; Orelli, D. 3310.

[42] Gruter, 107, 1, inscription où sont nommés trois magistri et trois ministri.

[43] Orelli, n° 1435. Donius, V, 80, inscription dont la date se conclut avec une grande probabilité du nom seul d’un certain C. Octavius Auq. l. (et non Divi Aug. l.).

[44] Orelli, n° 687. Au reste, on trouve à Pouzzoles des traces du culte des dieux Lares, dès l’an 732 de Rome. Orelli, n° 1670.

[45] Un monument des environs de Spolette (Gruter, 179, 2) prouverait l’existence des augustales dans un municipe voisin de cette ville ou dans cette ville même, du temps de Constance et de Julien, s’il était démontré que les deux inscriptions que porte ce monument fussent de la même date ; ce qui est incertain.

[46] On en peut dire autant des magistri pagi, qui répondent à nos maires de village. Voyez Gruter, 26, 9 ; 43, 4 ; Orelli, n. 1495, 3793, 3796, 1386, 3116. Cf. 3959 (plus complet dans Gruter, 179, 3) ; Marm. Pisaur. 9 ; 10, 11, 32 ; Calpurnius, Ecloga IV, 125 :

Ut quoque turba bono plaudat saginata magistro,

Qui facit egregios ad pervia compita ludos.

[47] Fabretti, p. 409, n. 336 ; Gruter, 93, 11 ; 356, 4, etc.

[48] Orelli, n. 3926, 3929, 3930 et passim. De là l’humble hommage qu’un augustale de Narbonne offre à Trajan de sua mediocritate (Histoire du Languedoc, Preuves, n. 2). On trouve aussi parmi les augustales quelques esclaves. Orelli, n. 2423, 2425. Cf. Digest. XLVII, 22, § 2.

[49] Orelli, n. 1654, 1655, 1679, 1689, 1719, 1660 sqq., 1288, 1405, 1436, 1495 et passim. Une inscription de Mayence (Laribus compitalibus) nous rappelle clairement les Compitalia de Rome. Orelli, n. 1664. Cf. 3958, 3959.

[50] Gruter, 107, 1, inscription de Vérone ; Orelli, n. 1436. Ces esclaves, attachés au culte augustale, sont peut-être désignés par le mot familia auqustalis dans une inscription d’Ostie (O. Jahn, Specimen epigraphicum, p. 114).

[51] Gruter, 113, 2 ; 245, 1 ; Fabretti, p. 402, n. 303 ; p. 403, n. 332 ; Orelli, n. 689, 4132.

[52] Gruter, 426, 7. Masdeu, Histor. cric. de Esp. VI, n. 795.

[53] Muratori, p. 203, 9 ; Orelli, n. 2465, 3914 et passim. A Ostie ils dépendaient peut-être du sénat romain, si toutefois il ne faut pas entendre S. C. (senatus consullum) par décret municipal dans une inscription d’Ostie. Voyez O. Jahn, Specimen epigraphicum, p. 114.

[54] Orelli, n° 1436, inscription empruntée à Fabretti, qui n’en a pas indiqué l’origine. ou peut supposer qu’elle venait de Rome ; mais il ne faudrait pas d’ailleurs s’étonner de rencontrer une ère municipale aussi peu importante. On trouverait des exemples plus puérils encore de ces vanités provinciales. Non seulement des colonies et de grandes villes dataient leurs actes de l’année de leur fondation, comme Terni (Orelli, n. 689), Saintes (Orelli, n. 3694), Pouzzoles (Orelli, n. 3697. Cf. Rase, Rapport sur les inscriptions d’Afrique, p. 14) ; mais on voit, près de corne, des membres du collège des Centonaires noter une dédicace par l’année quo curia (collegii) dedicata est.

[55] Orelli, n. 3844.

[56] Comparez Gruter, 432, 5. Orelli, n. 1661, 3018, 3310, 3956, 2980, 610, 4132 et passim. Masdeu, Hist. crit. de Esp., t. VI, n. 804-805.

[57] Inscriptions inédites d’Olaüs Kellermann, n. 1 (ap. O. Jahn, Specimen epigraph. p. 49).

[58] Visconti, Opere varie, t. IV, tav. 37, p. 244-247, rapporte au culte des Lares un beau bas-relief représentant des Suovetaurilia.

Le beau bas-relief reproduit et expliqué par Visconti fait encore partie aujourd’hui de notre musée du Louvre. Visconti croit y reconnaître un sacrifice aux Lares, précédant la cérémonie des lustrations, dans un quartier de Rome. Il y a contre cette opinion plusieurs objections, que je résumerai brièvement.

1° Les suovetaurilia, ou sacrifices simultanés d’un porc, d’un bélier et d’un taureau, n’étaient pas en usage dans le culte des dieux Lares. On n’offrait à ces dieux que des fleurs, des fruits de la terre, ou des truies, des brebis et des génisses (Voyez Plaute, Aulul., II, 7, v. 15 ; Horace, Od., III, 23 ; Sat., II, 3, v. 164 ; Tibulle, I, 1, v. 23 ; I, 3, v. 34 ; Macrobe, Sat. I, 7.) ; encore il est presque démontré que ces trois sortes de victimes ne figuraient jamais simultanément dans le même sacrifice. (Voyez, outre les passages déjà cités, Marini, Alti dei Arvali, p. 373.)

2° Rien ne prouve que la cérémonie des lustrations fût identique avec les Compitalia ou la fête des carrefours, dans laquelle on honorait spécialement les dieux Lares. On peut seulement supposer qu’elle en faisait partie. (Orelli, n. 1387.)

3° Si on admet qu’en effet le bas-relief représente la lustration d’un quartier de Rome, pourquoi les quatre magistri de ce vicus n’y auraient-ils pas le rôle de sacrificateurs ? Or on ne voit sur notre monument qu’un seul personnage dont la tète soit voilée à la manière des sacrificateurs, et dont la posture devant l’autel ne laisse aucun doute à cet égard. Les douze autres sont sept victimaires couronnés, deux licteurs, et trois personnages sans couronne. (Voyez Orelli, n. 1387, et comparez les monuments publiés dans Montfaucon, Antiq. expl., t. I, p. II, p. 322 et suiv. ; Pitt. Ercol., t. IV, tav. 13 ; Visconti, Mus. Pio Clem., t. IV, p. 98.)

Reste donc en faveur de l’explication de Visconti : 1° les deux lauriers placés derrière l’autel, et qui rappellent ceux que le sénat fit placer, par honneur, devant la maison d’Auguste. (Voir la sixième table du monument d’Ancyre.) Mais on comprend que cet insigne religieux a pu être reproduit sur d’autres autels que ceux des dieux Lares. D’ailleurs on trouve fréquemment des arbres ainsi placés derrière les autels dans les anciens monuments. 2° Les deux licteurs accordés en effet par Auguste aux inspecteurs de quartiers, mais qui étaient déjà le privilège des préteurs sous la république. (Censor., de Die nat., c. 24.) Maintenant, s’il fallait substituer une conjecture à celle du savant archéologue, voici celle qui nous offrirait le plus de vraisemblance :

1° Sous la république, c’étaient les censeurs qui faisaient la lustration générale de Rome : Censores completo quinquennio Urbem lustrabant et Solitaurilia, sacrificia de sue, ove, tauro, faciebant. (Pseudo. Ascon. In Divin., p. 103. Orelli) ; lustration distincte de celle des quartiers, comme l’indique ce témoignage de Properce (IV, 1, v. 23) :

Parva saginati lustrabant compita porci,

Pastor et ad calamos exta litabat ovis.

2° La charge de censeur étant abolie de fait depuis le principat d’Auguste, si la lustration des quartiers se faisait par le ministre des quarteniers (plus haut note 35), il est probable qu’une lustration plus générale de Rome, distincte de la grande cérémonie du lustrum accomplie trois fois par Auguste, fut confiée dans chaque région au préteur, édile ou questeur, qui en avait la haute surveillance. (Voyez plus haut note 15) Dans l’exercice de ces fonctions, les édiles et les questeurs, qui n’avaient pas de licteurs sous la république (Aulu-Gelle, XIII, 12, cf. Forcellini au mot Lictor), ne pouvaient manquer d’en avoir comme les préteurs, puisque alors ils étaient tous, au même titre, les supérieurs des quarteniers, auxquels Auguste permettait, pour certains jours de l’année, cette distinction particulière.

On pourrait donc reconnaître dans notre bas-relief la lustration d’une région de Rome, peut-être précisément la 10e, celle du mont Palatin (où était la maison d’Auguste), par un préteur suivi de ses deux licteurs, et accompagné d’un certain nombre de ministres secondaires. L’importance de la cérémonie et du principal personnage qui y figure expliquerait d’ailleurs, beaucoup mieux que dans l’hypothèse de Visconti, les proportions et la belle exécution du monument.

[59] Voyez la table d’Héraclée, où M. de Savigny a reconnu la loi municipale de Jules César (Latini sermonis reliquiæ, p. 296). Il résulte de ces rapprochements que le petit nombre d’exemples cités jusqu’ici de sevirs augustales à Rome ne saurait faire autorité, et que sans doute les inscriptions qui nous les fournissent sont ou entièrement apocryphes ou interpolées, ou corrompues. Ce n’est pas ici le lieu de les discuter en détail. Voyez Gruter, 45, 6 ; 56, 1 ; 57, 1. Murat. 711, 3. Au reste, on a pu trouver à Rome des épitaphes de sevirs provinciaux morts dans cette ville. Si l’on rencontre quelquefois des quatuorvirs augustales, comme dans Gruter, 59, 10 ; Donati, 86, 3, ou des seviri augustales juri dicundo, comme dans Gruter, 421, 7 ; 385, 6 (Histoire du Languedoc, Preuves, n. 65), on peut à bon droit soupçonner des erreurs de copistes. M. Orelli, dans un excellent chapitre de sa collection (XVI, § 12), a signalé ce genre d’erreurs, et quelques autres dont il faut se méfier dans l’étude des textes épigraphiques. Cf. n. 3843.

[60] Les octovirs augustales sont aussi incertains que les quatuorvirs et les triumvirs augustales. Voyez Orelli, n. 3963 et suiv., fin du chapitre cité plus haut.

[61] On trouve encore dans une inscription espagnole (Masdeu, l. c. n. 865), Cum omni senatu et seviratu, où le mot seviratus paraît désigner le corps des sévirs, comme senatus désigne les décurions ; mais cette inscription nous semble fort suspecte. Sevirales était peut-être aussi le titre officiel de cet ordre dans un municipe espagnol, si l’on en croit une inscription publiée pour la première fois par Ambr. Moralès, las Antiguedades de las cuidades de Espana, fol. 21, A.

[62] Nous devons à M. J. Rabanis de bonnes Recherches sur les Dendrophores (Bordeaux, 1841).

[63] Voyez Muratori, 298, 3 (inscription interpolée dans la copie suivie par Reinesins, p. 597) ; Fabretti, de Aguœd. p. 102 ; Orelli, D. 2566. Cicéron, in Verr. Act. II, Or. III. 79 ; Schol. Juven. Sat. V, 3. Suétone, Vie d’Horace, et les interprètes sur les mots scriptus quæstorius ; Pétrone, Satir. 30, 71, 75. Je n’ai pas encore pu découvrir ce qu’était un decurio Larum Volusianorum mentionné dans une inscription publiée par Passionei, et dont l’origine est inconnue. Orelli, n. 1674. Cf. n. 2205.

[64] Ces juvenes sont probablement les juvenes collegiati (Orelli, nos 3948 et 4100), dont nous aurons à reparler plus bas à la note 88.

[65] Cf. n. 3727 : Q. Considio... ob singularem ergs cives amorem universœ curiœ. Et la note sur cette inscription.

[66] C’est-à-dire magistri ou sodales mercuriales, autre corporation religieuse, souvent mentionnée dans les inscriptions. Voyez Orelli, n. 134, 2381 sq., 2420, 2467, 2858. Une seule inscription, que je sache, comprend les augustales avec les autres corporations sous le titre général de collegia, entre les décurions et le peuple. Elle est de Pésaro. Gruter, 481, 9.

[67] Orelli, n. 4020. Cf. Menestrier, Hist. consul. de Lyon, I, p. 63. Nous négligeons ici plusieurs autres exemples de classifications singulières, et sans doute purement accidentelles, qu’on trouve dans Gruter, 179, 3 ; 461 ; Fabretti, p. 486, n. 163 ; Reinesius, p. 404. Cf. Morcelli, de Stilo inscr. I, p. 251 sq., et Orelli, n. 3714, 3716.

[68] Epist., X, 117 : Ceux ... qui célèbrent un mariage, qui entrent en exercice d'une charge, ou qui consacrent quelque ouvrage public, ont coutume d'y inviter tout le sénat de la ville même un grand nombre de personnes du peuple, et de donner à chacun un ou deux deniers.

[69] Orelli, n. 3742, 3728, 3772, 3782, 4042, 120, 124 et passim ; Gruter, 105, 6 ; 195, 8 ; 256, 7, 10 et passim.

[70] Orelli, n. 3721.

[71] Orelli, n. 113, 3728. Cf. Gruter, 249, 5, déjà cité plus haut.

[72] Orelli, n. 3726. Ainsi quelquefois quatre ou cinq personnes se donnent collectivement le titre de seviri : on n’en peut conclure que le corps des sévirs ne contint que quatre on cinq membres : c’est que quatre ou cinq d’entre eux avaient seuls intérêt à se nommer sur le monument. Voyez, par exemple, une inscription de Tarvisium dans Orelli, n. 3844, et une autre de Narona (en Dalmatie) dans Donati, 27, 2. Comparez, sur ce sujet en général, le chapitre de Pline l’Ancien (XXXIII, 7), relatif à l’ordre des chevaliers.

[73] C’est-à-dire, placé sous la protection spéciale de l’empereur, comme aussi beaucoup de colonies portent le nom de Julia Augusta, Ulpia, etc. Quant au titre de centumviri, désignant les décurions de Véies dans cette inscription, et dans plusieurs autres de la même ville, il se trouve bien expliqué par un témoignage de Cicéron, contra Rullum, II, 35 : Huc isti decemviri cum ICC colonorum ex lege Rulli deduxerint, centum decuriones, decem augures, sex pontifices constituerint, etc. Et l’on voit qu’il ne faut pas songer ici aux juges centumvirs, dont il est souvent question dans l’Histoire romaine, et particulièrement dans le même discours de Cicéron, c. 17. On trouve encore un sénat de centumvirs à Pérouse. Orelli, n. 3739.

[74] Voyez Orelli, n. 4043 et suiv., 4055. Il y a là-dessus un gros ouvrage de Chimentelli (Marmor Pisanum de honore bisellii, Bologne, 1666, in-4°, et dans Grævius, t. VII), qui traite à fond de l’histoire des chaises dans l’antiquité, et accessoirement des augustales et de leurs fonctions (c. 35 et 40). On n’y voit pas ce qu’a montré plus tard un bas-relief de Pompéi, que le bisellium était une espèce de banc à deux places. Voyez Millin, cité par Orelli, n. 4044.

[75] Orelli, n. 4020, 3548, 643, 2530 sq. Citons comme exemple curieux l’inscription où un citoyen, honoré d’une statue par les décurions de son municipe, se vante d’avoir donné en spectacle au peuple trois paires de gladiateurs et deux ours. Orelli, n. 3811.

[76] Gruter, 1103, 9 : ...... Ludos fecit, gladiatores dedit, cenam seviralem dedit, legavit colonis auximatibus singulis et decurionibus singulis HS XX, et legavit colonis coloniæ Auximatis HS CCC.

[77] Orelli, n. 2493.

[78] Orelli, n. 111, 106, 2448, 3096, 3692, etc. On trouve précisément un quinquennalis et iminunis Larum augustorum dans une inscription d’Ostie ap. O. Jahn, Specimen epigraph. p. 114.

[79] Phetrium, c’est-à-dire, φρητρεϊν, salle de réunion pour une confrérie. La même faute de copie se retrouve encore plus bas dans l’inscription.

[80] Dictateur du municipe. On trouve d’autres exemples de cette dignité dans les municipes. Orelli, n. 112, 208, 2293, 2786, 4016.

[81] Curateur du municipe. Sur cette fonction, voyez, outre le témoignage des inscriptions, Roth, de Re municipali Romanorum, II, 23.

[82] Orelli, n. 2788. Peut-être d’ailleurs cette inscription a-t-elle été, comme la précédente, transportée de Cère à Rome. On ne voit pas, en effet, ce que pourrait signifier, dans la métropole, une dédicace au génie du municipe de Cère.

[83] Il est probable, d’ailleurs, que le texte en est corrompu dans plusieurs passages. La dernière phrase, entre autres, est presque inintelligible et paraît incomplète ; mais les fautes de grammaire ne doivent pas nous engager à reporter ce monument à une époque trop récente : on trouve souvent ainsi, dans les provinces, des textes lapidaires, d’une authenticité certaine, dont le mauvais style semble démentir la date ; de ce nombre est, à quelques égards, le décret récemment découvert à Lanuvium, et reproduit par M. Mommsen, de Collegiis et sodaliciis Romanorum.

[84] Gruter, 378, 1 (Masdeu, l. c., n. 963) : ... Ex quorum usuris semissibus edi volo quod annis spectac. pugilum die IIII iduum Juni usque at *CC, oleum in termis public. populo præberi et tecta præstari ea condicione volo, ut liberti mei, item libertorum meorum libertarumque liberti, quos honor seviratus contigerit, ab omnibus muneribus seviratus excusati sint. Quot si quis eorum ad munera vocitus (sic) fuerit, tom ea *VII d. ad rempub. Tarrac. transferri jubeo sub eadem forma spectaculorum quot s. s. est edendorum Tarracone. Comparez dans Orelli, n. 1368, une inscription de Gabies ; et n. 3772, une stipulation testamentaire plus étrange encore, par laquelle un citoyen de Misène assure à ses enfants la survivance de ses fonctions de duumvir et de quinquennal.

[85] Voyez Marquardt, Hist. equit. Rom. III, 3, § 2, Berlin, 1840 ; Zumpt, Ueber die rœmischen Ritter, etc. (Berlin, 1840), p. 37 et suiv.

[86] Voyez Orelli, n. 3713, et la note.

[87] Orelli, n. 3941-3946. Gruter, 14, 7, 10 ; 49, 2 ; 350, 2 ; 384, 5, 7 ; 413, 6 ; 416, 3 ; 449, 5 ; 492, 2 ; 488, 12 ; 490, 9 ; 481, 7 ; 477, 1 ; 330, 3 ; 366, 6 ; 488, 11 ; et passim. La première de ces inscriptions a été trouvée en Portugal. Une autre de Gruter (460, 12) est de Windisch Gratz. on aperçoit des traces de la même division à Lanuvium (Orelli, n. 884), et à Capoue (Gruter, 390, 6) ; peut-être aussi à Turin (Gruter, 111, 10).

[88] Orelli, n. 3949 (répété n. 4100, inscr. d’Améria) : T. Petronio T. f... curatori lusus juvenum... Juvenes Aug. ob. merita ejus, etc. Muratori, 203, 1 ; 204, 2 sqq. ; 205, 3 : sevir senior Aug. ou sevir junior et Aug. ; Gruter, 390, 6 : juvenes augustales à Capoue. Dans une inscr. de Casulum (Orelli, n. 3948), ils sont appelés sexviri juvenes collegiati ; ce qui répond au Collegium juvenum d’Otricoli (Orelli, n. 911), et d’Anagnia (id. n. 4101 et la note) ; et au Collegium juventutis de Brescia (Donati, 34, 1). Cf. Orelli, n. 4119, et Donius, IX, 17.

[89] Orelli, n. 2168. Cf. 2179, 3909, inscr. de milan et de Brescia, où le sacerdos ne paraît pas être un augustale.

[90] Orelli, n. 4099.

[91] Par exemple, dans cette inscription de Sestinum en Umbrie, Muratori, 697, 4 : L. Dentusio ...... Iuulviri aug. et plebs urbana ob pleraque merita ejus patrono. Cujus dedicatione decur. den. III. sevir et pleb. den. II cum pane et vino dedit. l. d. d. d. ; où il est évident que les seviri de la deuxième partie sont les seviri aug. de la première.

[92] Orelli, n. 3931, 3932 : Sexvir et sexvir augustales ; n. 1802, seviri et seviri augustales. Muratori, 17, 6 : sevir et auq. ; 193, 1, 2, 6 ; 204, 1 ; 700, 5, et passim.

[93] Marquardt, l. c. IV, 3, § 3. Orelli, n. 3745 et suiv. ; 4912. Cf. 3717, 3767.

[94] Orelli, n. 3937, 3938. Cf. 3091. L’exemple, unique jusqu’ici que l’on a cité d’une femme admise au même honneur, est beaucoup plus douteux. Ibid., n. 3957.

[95] Satiricon, c. 71. Cf. c. 30, 57, 65.

[96] Il en est de même pour le décurionat (Gruter, 393, 8 ; Reinesius, p. 440 ; Orelli, n. 3905), pour les fonctions de curateur (Orelli, n. 1535), de duumvir (Id., n. 3426), et de quinquennal (Nibby, Viaggio antiq., II, p. 293).

[97] Orelli, n. 3213, 3918 ; Gruter, 454, 7 ; 473, 2 ; Muratori, 199, 2 ; Fabretti, p. 407, n. 324. Il y avait de même des décurions gratuits. Orelli, n. 3530, 3816, 3882.

[98] Gruter, 451, 4 ; 449, 1 ; Orelli, n. 3963.

[99] Orelli, n. 3016, 3751 et la note Gruter, 469, 4 ; 1099, 2 ; Maffei, Antiq. Gall., p. 60, 61. Orelli, n. 4049, offre aussi un exemple d’un augustale appelé par les décurions aux honneurs de l’édilité, et Gruter (57, 6), un augustale élevé au duumvirat.

[100] Cf. Histoire du Lang., Preuves, n. 40, où l’on voit mentionnées, outre les frais de construction, des libéralités (sportulœ) à l’occasion de la dédicace. Nous avons maintenant un exemple complet de ces règlements de collèges, dans l’inscription de Lanuvium, reproduite par M. Mommsen ; Diss. c.

[101] Gruter,150, 4 ; 107, 1 ; Fabretti, p. 406. Cf. Gruter, 167, 9 ; 1073, 6 ; Donius, II, 80 ; V, 230 ; Histoire du Languedoc, Preuves, n. 40 ; Orelli, n. 3678, 3844, 3950.

[102] Orelli, n. 2983. Cf. Cean-Bermudez, l. c., p. 230.

[103] Orelli, n. 2258 ; Gruter, 424, 12, inscr. de Narbonne ; 414, 2, inscr. de Rieti ; Orelli, n. 3913, 3927, inscr. de Brescia ; O. Jahn, Specim. epigr., p. 114, inscr. d’Ostie. Cette même arca paraît désignée par le mot de œrarium dans une inscription de Nîmes (Hist. du Lang., Preuves, n. 68, 69), et peut-être par le mot sacr[arium] dans une inscription d’un lieu voisin de Rome (Gruter, 1091, 3, et 1100, 7). La permission d’avoir une caisse spéciale se rattache au privilège de recevoir des legs, privilège accordé, selon Paulus (Digest. XXXIV, 5, fr. 21), par Marc-Aurèle à toutes les corporations.

[104] Orelli, n. 2145, 4549 ; Fabretti, p. 369, n. 131 ; 699, n. 206 ; 320, n. 429.

[105] Gruter, 457, 3 ; 460, 9 ; 464, 4.

[106] Orelli, n. 3741 : Seviro augustalium, quinquennali ejusdena ordinis ; Gruter, 1024, 5. Sur beaucoup de monuments on ne voit pas bien si le mot quinquennales désigne un office dans le municipe ou dans le collège augustale. V. par exemple Muratori, 200, 6 ; 77, 14 ; Gruter, 168, 2 ; Fabretti, p. 408, n. 326. Il faut probablement reconnaître un quinquennal du collège augustale d’Ostie dans une inscription de Fabretti, p. 408, n. 332.

[107] Fabretti, p. 409, D. 342 ; Donati, p. 90, 1. Cf. Digest. XLVII, 22, § 3.

[108] V. plus haut, note 103.

[109] Orelli, n. 3690 : Collatione facta ordinis ejusdem municipii et augustalium et vicanorum (in Capenatibus.)

[110] Orelli, n. 3953 : Numini Augusto et Genio imp. Cæs. T. Æ. Hadrian. Antonini colleg. augustal. impendis suis fecerunt. (Rude). Gruter, 409, 3 (Alita).

[111] Histoire du Languedoc, Preuves, n. 3.

[112] Gruter, 440, 6 (Pésaro) ; Orelli, n. 3929 (Lyon).

[113] Orelli, n. 3939, A. Antonio.... curatori r. p. et patrono, decuriones, augustales et plebs Petelinorum. Cf. n. 3740, 3807, 4047 et 3741, où se lit la formule plus singulière Patri decurionum et sevirorum augustalium.

[114] Orelli, n. 3242, 3756, et la note de Hagenbuch sur cette dernière. Cf. Gruter, 302, 2 ; Orelli, n. 642, 1848, 3757, exemples de decemprimi.

[115] Orelli, n. 3936.

[116] Orelli, n. 1795, 3726, 3932.

[117] Orelli, n. 134, 2381 sq., 2420, 2467, 2858.

[118] Orelli, n. 3878. Cf. 1455, 3953.

[119] Par exemple, Augustalis primus, Orelli, n. 2980 ; Gruter, 19, 6 ; sevir augustalis Choragiarius, Marm. Taurin., n. 62 ; Augustalis Herculanius, à Tibur, Orelli, n. 2679 ; Inter primos augustales augustalis a decurionibus factus, Orelli, n. 2980, etc. V. aussi plus haut note 63.

[120] Tacite, Ann. I, 54, 73 ; II, 83 ; III, 64 ; Hist. II, 95. Cf. Orelli, n. 663, 2366 sqq., 3044, etc.

[121] Suétone, Auq., c. 52. Cf. Tac., Ann. I, 10. Lvdus, de Mensibus, IV, 86, et la note de Rœther sur ce passage. On connaît plusieurs exemples de prêtres d’Auguste, institués du vivant de ce prince dans les provinces. V. Ross, Inscr. Gr. ined., n. 11, 13 ; Bœckh, n. 1103, 1363, 1364. Cf. 3569, 3187 et 3726.

[122] Gruter, p. 237, 1. Une seule inscription, qui est de Ritie et que nous avons déjà citée plus haut (Reinesius, p. 403), place les sodales augustales entre les curions et les sévirs augustales d’un municipe. Mais cette inscription nous paraît suspecte au moins d’interpolation. Voyez pourtant dans Gruter, 442, 6, un exemple analogue (à Volterra. Cf. Orelli, n. 2258).

[123] Orelli, n. 311, 643, 2366, 3881, 3874, 2183 ; Muratori, 404, 3 ; 1108, 3 ; Gruter, 36, 2.

[124] Orelli, n. 4031, 155, 4018. Cf. 2167, 2171.

[125] Orelli, n. 618, 5019, 345 et passim. Comparez plus haut la note 94.

[126] Végèce, de Re militari II, 7 : Augustales appellantur qui ab Augusto ordinariis juncti sunt (On appelle ordinaires, ... ceux qu'Auguste leur joignit se nomment augustaliens). Je ne connais qu’une inscription où ce sens du mot se retrouve. Voyez Kellermann, Vigil. Rom., n. 230.

[127] Voyez M. Letronne, Recherches pour servir à l’histoire d’Égypte (1821) ; la dissertation de M. Labus, Milan, 1826. Est-il besoin d’ajouter que le mot augustalis, comme tant d’autres noms communs, est devenu aussi nom propre ? V. des exemples dans Spon, Miscellanea, p. 31, 302 ; Fabr., p. 501, n. 68, et Maffei, Istor. diplom., p. 164.

[128] Qu’il nous suffise de citer, comme preuve des erreurs répandues sur ce sujet, un chapitre de Morcelli, De stilo inscriptionum, I, p. 17 ; et une note où M. Orelli hésite encore sur l’origine des fonctions augustales (ad n. 3939), après avoir consacré aux augustales un chapitre entier de son excellent recueil, et cité fort à propos, au commencement de ce chapitre, le témoignage du scoliaste d’Horace. M. Mommsen est dans la même incertitude, de Collegiis et sodal. Rom., p. 84.

[129] Cf. Sénèque, de Vita beata, 21 ; Ovide, Fastes, I, 208.

[130] On a vu plus haut que pas un de ces monuments ne présente une date postérieure au IIIe siècle. Il n’y en a, d’ailleurs, qu’un très petit nombre que la barbarie du style autorise à placer plus bas que cette époque. Encore faut-il à cet égard nous tenir fort en garde contre l’influence provinciale, qui altéra de tout temps les formes classiques de la langue latine. La longue inscription de Lanuvium, trouvée au commencement de ce siècle, et qui contient le règlement d’une corporation religieuse, sous Hadrien, offre déjà d’étranges incorrections (V. Mommsen, de Collegiis et sodaliciis Romanorum, Kiel, 1843.) Il y a presque autant d’altérations de ce genre dans la table d’Héraclée, contemporaine de César, que dans le testament de Méconius, analysé plus haut, et dont la date précise n’est pas connue. Une inscription sévirale du midi de la France, où je lis le barbarisme sepellitus (Millin, Voyage, t. I, p. 505), n’est peut-être pas pour cela postérieure au siècle de Constantin. Quant au mot Augustalis, qu’on lit dans quelques papyrus d’une époque plus récente (Maffei, Istor. diplom., p. 164), ce n’est sans doute qu’un nom propre, comme dans quelques exemples signalés à la note 126.

[131] Voilà pourquoi le nom des augustales n’est pas non plus une seule fois prononcé dans l’estimable manuel de Roth, de Re municipali Romanorum ( Stuttgart, 1801). Cette lacune n’est d’ailleurs pas la seule qu’on remarque dans ce livre. L’auteur semble à peine soupçonner l’importance des inscriptions pour l’histoire du droit municipal.

[132] Gruter, 419, 7 (Donati, 91, 5) : Seviri augustales socii quibus, ex permissu divi Pii, arcam habere permissum est. Gaius, lib. III ad Edictum provinc., in Dig. III, 4 : Collegia Romæ certa sunt, quorum corpus senatusconsultis atque constitutionibus principalibus confirmatum est, veluti pistorum et quorumdam aliorum, et naviculariorum, qui et in provinciis sunt. Quibus autem permissum est corpus habere, collegii, societatis, sive cujusque alterius eorum nomine, proprium est ad exemplar reipublicæ habere res communes, arcam communem et actorem sive syndicum, etc. Cf. Tertullien, Apologie, c. 39.

[133] Je ne trouve aucune trace de l’abolition expresse du culte des empereurs ; quant aux dieux Lares, voici du moins un texte positif : Codex Theodos. XVI, 10, § 12 : Nullus omnino ex quolibet genere, ordine hominum, dignitatum, vel in potestate positus, vel honore perfunctus, sive potens sorte nascendi, seu humilis genere, conditions, fortuna : in nullo penitus loco, in nulla urbe, sensu carentibus simulacris vel insontem victimam cædat, vel secretiore piaculo, Larem igne, mero Genium, Penates nidore veneratus, accendat lumina, imponat tura, serta suspendat. Cf. M. Beugnot, hist. de la destruction du Pagan., t. I, p. 374. Dans cette constitution, qui est de l’an 392, évidemment Théodose poursuit jusque dans le secret du culte domestique les derniers restes d’une religion depuis longtemps abolie. Il est donc bien certain que les augustales ne sont plus compris parmi les membres de collèges (collegiati), qui sont sévèrement rappelés à l’exercice de leurs fonctions, par deux constitutions de l’an 400 et 412. (Cod. Theod. XII, 19, § 3 ; XIV, 7, § 2. Cf. Digest. XLVII, 32.) Ausone semble attester cependant que les Compitalia se célébraient encore dans les campagnes, lorsqu’il dit (Ecloga de Feriis romanis)

Et nunquam certis redeuntia festa diebus,

Compita per vicos cum sua quisque colit.

[134] Pro Flacco, c. 6, 7, 8 et 10. Cf. Tac., Ann. IV, 36.

[135] Virgile disait, sous Auguste :

Tu regere imperio populos, Romane, memento.

Et, quatre siècles plus tard, un poète de la Gaule romaine :

Tu quoque (Roma), legiferis mundum complexa triumphis,

Fædere communi vivere cuncta facis.

(Rutilius Namatianus, de Reditu suo, I, 78.)