EXAMEN DES HISTORIENS D’AUGUSTE

 

CHAPITRE III — REVUE DES MONUMENTS DE L’HISTOIRE DE ROME, SOUS LES RÈGNES D’AUGUSTE ET DE TIBÈRE.

 

 

SECTION PREMIÈRE — PROSE[1].

Il est fort difficile aujourd’hui de recomposer par conjecture la bibliothèque d’un historien de Rome ; vers l’an 766. Quand Suétone et Aulu-Gelle citent les écrivains qui ont raconté l’histoire d’Auguste et de son siècle[2], quand Appien parle de nombreux ouvrages sur les proscriptions du second triumvirat[3], on doit supposer qu’ils avaient sous les yeux des livres dont le nom même a péri, et dont, par conséquent, la valeur et le nombre ne peuvent être appréciés. La simple énumération[4] qu’on va lire donnera du moins une idée des richesses dont disposait un contemporaine des premiers Césars, et permettra de mesurer l’étendue de nos pertes dans ce grand naufrage des monuments historiques du siècle d’Auguste.

Le continuateur, quel qu’il soit, des Mémoires de César, qui se rattachaient ainsi dans leur ensemble à ceux d’Octave.

Le récit de la mort de César par le Grec Empylus, ami de Brutus[5].

La collection des lettres de Cicéron ; elle formait, au jugement de Cornélius Népos[6], une histoire complète de l’époque qu’elles embrassent ; et ce témoignage ne paraîtra pas exagéré, si l’on songe que la correspondance de Cicéron nous offre le tableau le plus vrai des événements de deux années, 709 et 710. Les Philippiques ont, pour la même époque, une autorité très grave encore, quoique souvent suspecte de passion et d’injustice. Ainsi la mort du conjuré Trebonius y est présentée sous des couleurs évidemment fausses ; en général, tout ce qui tient de près ou de loin à Antoine[7], y est empreint d’une violente animosité. Au contraire, le caractère et les actions de César y reçoivent d’imprudents éloges qu’on a souvent reprochés au vieux consulaire, mais sans pouvoir rien opposer de bien concluant à son témoignage. Par exemple, le pillage de Parme par L. Antoine, après la levée du blocus de Modène par son frère, est indiqué brièvement dans un chapitre de la XIVe Philippique[8] ; on ne retrouve plus d’autre mention de ce fait que dans deux lettres de la collection ad Diversos[9] ; encore ne s’est-il conservé de la dernière que les deux mots Parmenses miserrimos : du reste, pas une trace de ce fait dans Appien ni dans Dion Cassius. Ailleurs, les témoignages de ces historiens sont difficiles à concilier sur les détails de la guerre de Modène[10] : une lettre de Sulpicius Galba, l’un des meurtriers du dictateur[11], écrite du camp même d’Hirtius, dans l’intervalle de deux actions, nous fournit quelques indications encore incomplètes, mais plus précises que celle de la XIVe Philippique, résumé un peu emphatique des dépêches officielles que le sénat venait de recevoir.

Mais pour tout cela il nous manque le contrôle des Antiphilippiques et des lettres d’Antoine[12].

Il faut compter encore parmi les matériaux de cette histoire :

La collection des lettres de Brutus aux Pergaméniens, aux Samiens, à Cicéron, à Atticus, etc.[13] ; ses harangues, dont l’importance est attestée par Tacite[14] ;

Les biographies de Cassius par Oppius, et de Brutus par Calpurnius Bibulus[15] ;

L’histoire des meurtriers de César, par Volumnius, qui devait au moins compléter la liste de ces héros, dont Cicéron lui-même, dans son enthousiasme pour leur gloire, ne nous a pas dit tous les noms[16]. L’un des plus célèbres après Brutus et Cassius était Cassius de Parme, poète tragique et épigrammatique, dont on lisait encore, au temps de Suétone, quelques lettres importantes pour l’histoire du temps. Sa biographie vient d’être restaurée avec une admirable sagacité par M. Weichert[17]. A vrai dire, on ne peut guère prouver que Volumnius fut contemporain des meurtriers de César. Il en est de même de Janius Saturnius, qui avait raconté en détail la proscription de l’an 711 ; d’Aquilius Niger ; de Caïus Licinius, historien et consulaire[18], et d’Asclépiade de Mendes, également cités par Suétone, qui n’ajoute aucun renseignement sur l’âge où ces quatre auteurs ont vécu[19].

Par une conjecture assez probable, Vossius[20] rapporte à la même époque, ou du moins à une époque voisine du second triumvirat, Socrate de Rhodes, auteur d’une histoire des guerres civiles, dont Athénée (IV, 29, p. 147) cite le troisième livre. Au moins le curieux fragment que cette citation nous a conservé permet de supposer que Plutarque avait sous les yeux l’ouvrage de Socrate, quand il racontait l’entrevue d’Antoine et de Cléopâtre en Cilicie[21].

L’histoire de la guerre d’Antoine contre les Parthes, par Dellius, est citée par Strabon et Plutarque[22].

Les ouvrages historiques d’Atticus méritent une attention particulière. Ses Annales n’atteignaient peut-être pas la mort de César ; mais elles contenaient de précieuses recherches sur la généalogie des grandes familles de Rome[23]. La partie la plus curieuse de ses écrits était sans doute sa correspondance avec Cicéron, qui semble l’avoir surtout recommandé au souvenir de ses propres concitoyens[24]. Malheureusement tout ce que nous savons de la prudence ou plutôt de la timidité d’Atticus rend fort probable la conjecture de Middleton, à savoir, que les lettres d’Atticus ne furent jamais rendues publiques[25].

Au moins on en retrouve à peine quelques lignes dans Cicéron[26], et nous savons qu’elles étaient quelquefois brûlées[27]. La même conjecture s’applique naturellement à ses lettres, 1° à Octave, qui devaient être fort nombreuses, si l’on en juge par le témoignage de Cornelius Nepos[28] sur l’assiduité de cette correspondance ; 2° à Brutus[29] et à plusieurs autres contemporains.

Atticus était mort l’an de Rome 791 ; Cornelius Nepos, qui lui survécut, tient un des premiers rangs sinon parmi les écrivains habiles, au moins parmi les érudits de cette époque. Dans ses nombreux ouvrages, A embrassait tout, depuis la chronologie des siècles primitifs et les origines des sciences et des arts, jusqu’au détail de la vie politique et littéraire chez ses contemporains. Outre ses biographies des grands hommes de l’antiquité, dont nous ne possédons sans doute que des extraits, il avait écrit celles de ses deux amis Atticus et Cicéron. Pline invoque souvent son témoignage pour des faits relatifs, suivant toute apparence, à la première moitié du règne d’Auguste[30]. Suétone même lui emprunte une curieuse particularité sur les habitudes intimes de ce prince au temps de la guerre de Modène[31]. Mais une remarque de Pline[32] et une autre d’Aulu-Gelle[33] prouvent que sa bonne foi ne s’est pas toujours tenue assez. en garde contre les erreurs, même sur des faits d’une date récente.

Les ouvrages de Varron formaient déjà, en 715, quatre cent quatre-vingt-dix livres[34]. Varron vécut encore douze ans. Témoin et acteur dans cette longue période de guerres civiles, qui commence aux rivalités de Marius et de Sylla pour finir à la bataille d’Actium ; ennemi du premier triumvirat qu’il attaquait dans une de ses satires, et proscrit par le second[35], il avait connu les chefs de tous les partis. Quoique parmi les titres de ses nombreux écrits il ne s’en trouve aucun qui appartienne nécessairement à l’histoire de Rome pendant les dernières années de sa longue vie, on ne peut guère hésiter à les ranger dans la bibliothèque d’un historien du second triumvirat, surtout :

1° Le de Vita sua, cité par Carisius.

2° L’Éloge de Porcia, sœur de Caton et femme de Domitius Ahenobarbus.

3° Les Hebdomades vel de imaginibus, dont la composition parait se rapporter, ainsi que celle du traité de Bibliothecis, à l’époque où Asinius Pollion faisait organiser sa bibliothèque de l’Atrium Libertatis[36].

4° Le de Re rustica, écrit vers 717, et qui offre le tableau le plus complet de l’état de l’agriculture en Italie vers la fin des guerres civiles[37].

5° Le Recueil de ses lettres.

6° Le grand ouvrage sur la Vie du peuple romain.

7° Les livres des Antiquités divines, adressé à César, grand pontife, et dont le quatrième peut bien avoir dirigé Auguste dans sa recherche des livres Sibyllins[38].

La collection des ouvrages de M. Vipsanius Agrippa, à qui la géographie, l’économie publique et les arts doivent une partie des beaux travaux dont Auguste a recueilli la gloire auprès de la postérité, comprenait :

1° Un discours de Tabulis omnibus signisque publicandis, dont Pline loue beaucoup l’intention[39].

Commemoratio œdilitatis suœ[40], si toutefois ce n’était pas un chapitre de l’ouvrage suivant.

Libri de Vita sua, dont le second est cité par un scoliaste de Virgile[41], et auquel Pline semble faire allusion[42].

4° La célèbre Carte du monde entier, dont l’histoire parait se rattacher à celle des grands travaux de statistique dont nous avons parlé plus haut. Commencée par Agrippa, elle fut : continuée d’après son projet et ses Mémoires, puis dédiée dans le portique, dont Polla, sa sœur, légua l’achèvement à l’inépuisable activité d’Auguste[43].

Ce n’était pas, du reste, le premier ouvrage de ce genre ; puisque Varron, l’an de Rome 716, voyait déjà dans le temple de Tellus une carte de l’Italie[44].

Mécène avait laissé des poèmes, des dialogues, et peut-être des Mémoires ; car l’existence de ce dernier ouvrage, ou du moins de quelque écrit du même genre, paraît attestée par Servius[45] et par un célèbre passage de Pline l’Ancien, déjà cité à l’occasion des ouvrages d’Agrippa. Un autre passage de Pline[46] nous semble trop vague pour ajouter à la probabilité de cette conjecture : Ni res Mæcenatis et Fabiani et Alfii Aviti multorumque esset litteris mandata. La mention même d’Alfius, dont les grammairiens nous ont conservé quelques fragments anecdotiques en vers, nous porte à croire que l’anecdote pouvait fort bien se trouver dans les poésies de Mécène. Au reste, nous reviendrons plus loin sur l’histoire de ce dernier. Plaçons ici à la suite de ses ouvrages :

Les Κηπουριxά sive Hortensia, traité de la culture des jardins, dédié à Mécène par Sabinus Tiro[47]. Si les Géorgiques nous apprennent beaucoup sur la révolution opérée dans les mœurs agricoles pendant le passage de la république à la monarchie, à plus forte raison on devait attendre de curieux. détails, sur le même sujet, d’un client de Mécène, surtout dans un ouvrage didactique et écrit en prose, suivant toute apparence (Cf. n° 48).

Un discours de Messala Corvinus, de Antonii statuis[48], et la réponse du même aux Lettres d’Antoine, citée par Carisius, et peut-être par Pline l’Ancien[49]. Parmi les ouvrages attribués un peu légèrement par de Burigny[50] à Messala le père, je dois distinguer ici le de Dictis involute, cité par Festus au mot Sanate[51]. Si en effet l’ingénieuse restitution d’Orsini sur ce passage est admise, on pourrait conjecturer que ce livre de Messala n’était pas sans rapport avec ceux des grammairiens sur les alphabets épistolaires, dont nous avons parlé plus haut (ch. I), à l’occasion des Lettres d’Auguste. On sait en effet, par les deux recueils de Cicéron, que des mots de convention pouvaient aussi bien garantir le secret d’une épître confidentielle, que les alphabets employés quelquefois à cet usage.

C’est probablement au père de notre Messala qu’appartient le traité sur les familles romaines, dont parle Pline (H. N., XXXV, 1). Quant au livre de Progenie Augusti, qui est parvenu jusqu’à nous, c’est évidemment un livre apocryphe, et qui ne mérite pas ici discussion sérieuse. Cependant on ne peut nier que l’antiquité n’ait connu un ouvrage historique, où Messala traitait des guerres du premier triumvirat ; cet ouvrage est cité par Plutarque[52] et Suidas, et correspondait, suivant toute apparence, à celui d’Asinius Pollion sur le même sujet. On ignore à quelle époque précise commençait et finissait ce récit de deux écrivains à la fois orateurs et hommes d’État ; mais tout porte à croire qu’il ne s’étendait guère au delà de 723, année de la bataille d’Actium : Le rôle d’Asinius Pollion et de Messala, dans la guerre civile, est assez noble pour faire regretter la perte de leurs Mémoires historiques sur une époque qu’ils devaient si bien connaître ; toutefois, les fragments oratoires d’Asinius diminuent un peu de la confiance que nous sommes disposés à lui accorder comme historien[53].

Remarquons, du reste, que quelques-uns de ses plaidoyers avaient une véritable importance pour l’histoire de ce siècle ; par exemple, sa défense de Nonius Asprenas, ami particulier d’Auguste, contre le célèbre Cassius Sévérus. Cette cause est de l’an 745, suivant M. Weichert[54].

Parmi les littérateurs protégés par la bienveillance de Pollion, on peut rappeler ici :

L’historien Timagène[55], qui mourut, probablement avant son protecteur, dans la villa Tusculana. Malgré l’anecdote racontée par Sénèque (De Ira, III, 23), il paraît qu’une partie au moins de ses ouvrages s’était conservée, puisqu’ils lui ont valu de la part de Quintilien et d’Ammien Marcellin la mention la plus honorable ; mais il n’est pas même sûr que dans les livres auxquels se rapportent ces d’eux jugements, fût comprise l’histoire d’Auguste, qui seule lui mérite une place dans notre catalogue[56]. Les éloges d’un Grec, Ammien Marcellin (Timagenes et diligentia Græcus et lingua), s’expliquent, ce me semble, assez bien par un passage de Strabon, qu’on n’en a pas encore rapproché[57].

Tullius Tiron, biographe de son illustre patron, et éditeur de sa correspondance, avait laissé lui-même, outre plusieurs ouvrages de philologie et de grammaire, une collection de lettres, citée par Aulu-Gelle (N. Att. VII, 3 ; X, 1). Jeune encore à l’époque où Cicéron commence à nous le faire connaître (vers 700), mais d’une santé faible, à ce qu’il semble, il lui survécut pourtant d’un demi-siècle, s’il faut en croire saint Jérôme dans la Chronique d’Eusèbe (Ol. 193, 4 ; U. C. 749). Il avait donc vu commencer et se consommer la ruine de la république ; et, initié par la confiance de son maître à tous les secrets de la société politique et littéraire du temps, il en devait surtout bien connaître l’histoire anecdotique. On aime à croire, d’ailleurs, que, fidèle au souvenir de Cicéron, il passa dans la retraite les dernières années de sa vie, et que nulle influence étrangère ne put agir sur la sincérité de son témoignage.

Julius Marathus, affranchi d’Auguste, avait composé sur la vie de son maître des Mémoires que Suétone a consultés (Aug. 79, 94), et qui devaient surtout intéresser par de nombreux détails sur la personne et la vie intime d’Auguste. Ce n’était peut-être qu’une espèce de journal, qui fut continué jusqu’à la mort de l’empereur, comme semble l’indiquer l’une des deux citations de Suétone ; mais si l’on songe à la condition de l’auteur, on n’y verra pas une garantie particulière de sa véracité. A la même époque appartient un ouvrage qui peut rendre, à bon droit, suspects ces livres composés par des affranchis, pour flatter les préjugés ou la vanité de leurs maîtres.

C’est la Généalogie des Vitellius, adressée à Q. Vitellius, questeur d’Auguste, par Q. Eulogius, un de ses affranchis (Suét., Vitellius, 1). Cependant l’historien pouvait encore emprunter d’utiles renseignements à ces doctes flatteries, qui sont elles-mêmes un fait curieux dans les mœurs du temps. Il y avait aussi quelques traits à recueillir dans les livres dédiés à l’empereur, comme le traité de Usu herbarum, par C. Valgius, ami d’Horace et de Virgile, et consul en 741[58]. C’était, après Caton et Pompéius Lénæus, affranchi de Pompée, le seul auteur qui eût écrit en latin sur ce sujet ; encore fut-il interrompu par la mort. Quelques mots de la préface, que Pline paraît transcrire (H. nat. XXV, 2), nous permettent de placer Valgius parmi les plus humbles flatteurs d’Auguste, à une époque où l’adulation était déjà un moyen de fortune.

Une assez grande sobriété d’éloges recommande au contraire le traité de Vitruve sur l’architecture. L’auteur paraît l’avoir écrit dans un âge avancé, après de longues années passées au service de César le dictateur, et de son fils[59] ; aussi l’on a bien droit de s’étonner qu’il nous apprenne si peu de chose sur les nombreuses constructions exécutées à Rome par les ordres ou sous les auspices d’Auguste par exemple, qu’à l’occasion des bibliothèques (VI, 4), il ne nous dise pas un mot des trois bibliothèques publiques de Rome ; que son chapitre sur l’hydraulique (VIII, 5) ne renferme pas le moindre souvenir des grands travaux de l’édilité d’Agrippa. L’ouvrage, du reste, n’en a pas moins d’intérêt comme résumé de l’état de l’architecture à une époque où elle a produit tant de chefs-d’œuvre.

D’après les calculs exposés dans le chapitre précèdent, il faut placer vers 760 la condamnation des écrits de Labienus et la mort de cet écrivain. On sait que ses ouvrages, conservés dans les bibliothèques particulières, reparurent plus tard, sous le règne de Caligula. Consultés avec précaution, ils pouvaient offrir à l’historien plus d’une vérité utile, pour compléter le tableau de ce siècle. La même réflexion s’applique à tous les écrits poursuivis depuis pour la même cause, et dont les auteurs sont restés inconnus ; par exemple, à ceux du sénateur qui inventa le nouveau genre de punition appliqué à Labienus. Malheureusement Sénèque le rhéteur, à qui nous en devons le souvenir[60], ne nous apprend ni le nom du condamné, ni l’époque de sa condamnation.

Immédiatement après la mort d’Auguste, furent écrits deux ouvrages qui sans doute avaient fort peu d’intérêt pour les contemporains, mais qui purent en avoir plus tard, à mesure que se tarirent les autres sources de la vérité historique. Je veux parler des deux oraisons funèbres d’Auguste[61]. La première, par Drusus, probablement citée par Suétone (Aug. 94), quoique M. Krause (De Font, Suet., p. 39) aime mieux voir dans C. Drusus quelque auteur inconnu d’ailleurs, et dont cet historien nous aura seul conservé le souvenir. La seconde, par Tibère, et qui fut prononcée, suivant Dion Cassius, à la tribune du Forum Julium, au nom du sénat et du peuple romain. L’historien grec la rapporte tout entière, ou plutôt il nous transmet sous ce titre un long discours de sa façon, dans lequel on retrouve à peine quelques traces de l’original, que peut-être il n’avait pas même sous les yeux[62].

Le précédent discours de Tibère est le huitième du même genre que nous rencontrons dans cette revue ; mais on peut affirmer que nous en avons perdu un .bien plus grand nombre. De tout temps les oraisons funèbres ont compté parmi les sources les plus riches, sinon les plus pures, de l’histoire romaine[63]. L’usage s’en était étendu des premiers personnages de l’État aux simples particuliers, qui même quelquefois les faisaient graver sur le marbre, comme le prouvent deux fragments d’une oraison funèbre du siècle d’Auguste, publiés pour la première fois, l’un par Fabretti, l’autre par Marini (Orelli, Inscrip. lat. n. 4859). Un proscrit, sauvé par le courage de son épouse, y racontait avec l’effusion de la reconnaissance les généreux efforts auxquels il devait la vie. L’état de mutilation où ces marbres nous sont parvenus ne permet point de rétablir, même par conjecture, les noms des deux personnages dont ils rappellent la touchante histoire. On a voulu reconnaître, dans le proscrit de l’an 710, Q. Lucrétius Vespillio, qui fut depuis consul ; mais on n’a pas remarqué que, d’après le témoignage unique d’Appien[64], Q. Lucrétius ne sortit pas de Rome, où il fut caché par sa femme, tandis que l’auteur de l’oraison funèbre en question avait dû quitter cette ville ; car, à la première ligne du premier fragment, il dit avoir été rendu à sa patrie (me patriœ redditum). A vrai dire, aucun autre des nombreux épisodes de la proscription qui sont parvenus jusqu’à nous, ne paraît se rapporter à notre monument[65]. Mais comme, pour l’honneur de l’humanité, le dévouement sembla se multiplier sous mille formes dans les journées désastreuses du second triumvirat ; comme les historiens n’ont pu, dans leurs récits, faire qu’un choix entre les infortunes célèbres et les aventures merveilleuses, il vaut mieux peut-être renoncer ici à toute conjecture sur les noms propres, et ranger seulement les pages mutilées du discours anonyme parmi les plus précieux débris de l’histoire contemporaine. Appien, du reste, a rappelé, et peut-être lisait-il encore sur le tombeau d’un autre proscrit nommé Arrianus, l’hommage rendu par un vieux père aux vertus du fils qui lui avait sauvé la vie (B. civ. IV, 41). Pourquoi faut-il qu’il nous reste si peu de pareils monuments, si peu de documents sur les actions des personnages secondaires, qui trop souvent échappaient à la publicité des grandes annales de la république et de l’empire[66].

Les annales pourtant étaient devenues un peu moins avares de mentions ou d’éloges pour les illustres plébéiens, depuis qu’à l’Album du grand pontife avait succédé le Journal de la ville (Acta urbana). Il est inutile de faire ressortir l’importance historique de cette collection, après le beau travail récemment publié par M. Le Clerc (Des Journaux chez les Romains, etc., 1839). Nous ne consignerons donc ici qu’une simple remarque sur la partie des Actes qui répond à l’époque des proscriptions. Dion Cassius dit que les triumvirs, pour ne pas compromettre dans l’avenir les exécuteurs de leurs cruautés, promirent de ne point inscrire les noms des assassins ές τά δημόσια γράμματα[67]. Déjà M. Le Clerc a reconnu que Dion Cassius ne désigne pas là le Journal de Rome, mais plutôt les registres des questeurs qui étaient chargés de payer les récompenses promises par les triumvirs. Un texte précis d’Appien décide nettement la question (B. Civ. IV, 8.11). Dans le préambule des tables de proscription, traduit par cet historien, les triumvirs promettent qu’aucun de ceux qui auront reçu ces récompenses ne sera inscrit sur leurs registres, pour que son nom reste caché. Ainsi voilà un fait de l’histoire du triumvirat dont la trace fut certainement effacée. Si les registres particuliers des proscripteurs ne pouvaient rien apprendre sur ce point, à plus forte raison il ne fallait pas compter sur les Actes publics : il ne restait que la tradition, le récit des témoins oculaires.

Pour une raison toute contraire, il dut être longtemps difficile de s’éclairer sur les faits consignés dans les Actes du sénat. Auguste en effet en suspendit la publication probablement vers 726, époque où Dion Cassius se plaint des difficultés nouvelles que le régime impérial fit naître pour l’histoire[68]. Mais il est probable que l’ancien recueil de ces actes survécut au moins un siècle à tous les ravages du temps, du feu, des inondations, et surtout du despotisme ; car Suétone paraît avoir eu entre les mains une copie du procès-verbal de la séance où Auguste fut appelé Père de la patrie[69].

Le public ne lisait pas davantage, mais quelques personnes pouvaient déjà consulter les Mémoires de Tibère, dont la première partie résumait[70] tant de guerres si impudemment amplifiées par Velleius, et si légèrement décrites par les historiens plus vrais, mais mal instruits[71], des siècles suivants. Mais l’unique fragment qui reste de ces Mémoires, et plus encore ce qu’on sait de la profonde dissimulation de Tibère, en doit rendre la véracité bien suspecte, surtout quant à l’histoire intime de la famille d’Auguste. Néanmoins, les lettres, les plaidoyers et les discours politiques de Tibère[72], devaient encore offrir des détails intéressants sur divers épisodes de sa longue vie. Il nous suffira de rappeler ses défenses de plusieurs villes d’Asie devant le tribunal de l’empereur, et son discours contre le conspirateur Fannius Cæpion, qu’il fit condamner (Suét., Tib. 8).

Peu de temps après Auguste, mourut un prince étranger, qu’un singulier jeu de la fortune avait réservé au triomphe de Jules César, pour en faire bientôt l’ami d’Octave, l’allié du peuple romain, et l’historien de ses antiquités : c’est Tuba le jeune. On ne saurait affirmer que son Histoire atteignît l’époque de Sylla[73] ; mais il est impossible que ses nombreux ouvrages ne continssent pas, au moins, de curieux détails sur les mœurs, les arts, les sciences, et même la politique de son temps[74].

Denys d’Halicarnasse, il est vrai, nous semble assez pauvre sous ce rapport. La préface même de son Archéologie romaine ne nous donne qu’une idée vague de l’état des études historiques au commencement du règne d’Auguste. Dans le cours de ce livre, autant du moins qu’on le peut juger par ce qui nous en reste, ses allusions aux faits contemporains sont très rares[75]. Dans ses ouvrages de critique, même stérilité. Démosthène ne lui rappelle pas Cicéron, ou peut-être il n’ose pas nommer la plus noble victime des proscriptions triumvirales[76]. Mais Juba était plus qu’un rhéteur grec accueilli à Rome par la bienveillance d’un riche patron : c’était le roi d’une partie de l’Afrique, c’était le commensal de César ; et son nom se rattache à l’une des expéditions les plus célèbres de ce règne, celle du jeune Caïus César en Arabie (Pline, H. N. VI, 31). Remarquons d’ailleurs que si son ouvrage sur l’histoire de Rome ne s’étendait pas aux faits contemporains, ses divers traités sur l’histoire des arts pouvaient bien intéresser l’annaliste qui, comme Fenestella, aurait aimé à consigner, avec lès grands événements politiques, les faits relatifs au progrès ou à la décadence des mœurs et de la civilisation. Ainsi, les θεατριxά ύπομνήματα d’un autre contemporain, Nestor de Tarse[77], et le traité de Pylade sur la danse mimique (Athénée, I, 37), pouvaient nous révéler de précieux détails sur un art qui jouait un si grand rôle dans les plaisirs du peuple romain.

C’était aussi pour préparés les voies au jeune Caïus César que Denys le Périégète (d’Alexandrie en Susiane) fut envoyé en Orient par l’empereur, avec la charge d’explorer et de décrire l’Arabie et le pays des Parthes. Pline a également profité de son ouvrage ; et de celui de Juba ad Caium Cœsarem de expeditione Arabica[78]. Mais on s’étonne de ne pas trouver, dans la longue liste des auteurs grecs et latins qu’il a compilés pour la partie géographique de son Histoire naturelle, le géographe Strabon, compagnon d’Ælius Gallus, dans la première et malheureuse expédition tentée par les Romains en Arabie (Géog. II, 4, §5) ; et qui écrivait, dans les premières années du règne de Tibère, ses dix-sept livres de géographie, sur lesquels il faut nous arrêter quelques instants. Quelque opinion qu’on admette sur l’ouvrage historique de Strabon, intitulé Mémoires, ou Continuation de Polybe[79], il reste certain que ce livre, ou l’un de ces deux livres, s’étendait jusqu’à la mort de César, puisque Plutarque y renvoie à l’occasion de cet événement ; et c’est déjà assez pour qu’on doive placer l’auteur parmi les historiens contemporains de l’époque que nous étudions. Mais c’est surtout par sa Géographie que Strabon se recommande ici à nous. Malgré le silence de toute l’antiquité sur ce grand ouvrage, il forme, avec celui de Pline, le plus riche recueil de documents sur la statistique de l’empire romain. Quoique l’auteur écrive sous l’impression générale de respect qui dominait alors le monde asservi (Livre VI, fin), rien n’autorise le moindre soupçon à l’égard de sa bonne foi. Chez lui, si la vérité n’est pas toujours complète, du moins elle n’est pas altérée par le mensonge. Il recule quelquefois devant les détails arides auxquels son sujet l’entraîne. Ainsi, dans la description de l’Espagne, il renonce à nommer toutes les peuplades, pour ne pas ennuyer son lecteur de vingt noms plus barbares les uns que les autres. Mais c’est là une négligence dont il y avait sans doute plus d’un exemple avant lui. Pline et Pomponius Mela l’ont imité[80]. On pourrait seulement lui reprocher quelque exagération dans le tableau de la puissance romaine sous le règne d’Auguste. Par exemple, nous avons vu Octave essayer trois fois de mettre à exécution les projets de César sur la Bretagne (ch. I), fait que Tacite avait complètement oublié quand il écrivait la vie d’Agricola. Strabon, sans mentionner ces trois tentatives, attestées par Horace et Dion Cassius, prétend que plusieurs rois bretons avaient envoyé des ambassades à Auguste, déposé des offrandes au Capitole, et livré spontanément presque toute l’île au pouvoir des Romains (IV, 5, 3). Mais on voit, par les détails qu’il ajoute, que tous ces traités n’avaient guère eu d’autre résultat que d’établir un commerce d’échanges entre les produits de l’industrie romaine, et les productions du sol de la Bretagne et des mers environnantes. On voit de plus que les Romains, moitié par crainte, moitié par insouciance, n’envoyaient pas d’armée pour protéger ces échanges. Une neutralité prudente était en effet sur ce point la maxime de Tibère, que Strabon paraît expliquer et commenter avec une certaine complaisance. Mais, après tout, ce passage ne renferme rien d’absolument faux, et il contribue fort à propos à combler une lacune historique que nous cachait le silence complet de Tacite sur des relations antérieures à l’expédition d’Agricola.

Que d’autres parties de l’histoire de Rome et des provinces s’enrichissent des documents recueillis par Strabon, soit sur les lieux, durant ses longs voyages, soit dans des ouvrages aujourd’hui perdus ! Nous ne pouvons que signaler brièvement, parmi tant de faits et de descriptions curieuses, Rome et ses environs ; les aqueducs ; les voies publiques, surtout celle des Alpes et celle de Rome à Brindes ; Caprée, acquise par Auguste pour devenir la propriété particulière de sa famille, et destinée à un autre genre d’illustration que Strabon ne devait point voir (Cf. Dion, 52, 42) ;

Les colonies triumvirales de Rhège, de Messine, et, à cette occasion, plusieurs souvenirs de la guerre de Sextus Pompée ;

Les colonies d’Héraclée, de Sinope, d’Apamée, de Carthage ;

Les villes libres de Marseille, de Narbonne ; Lyon, avec son autel consacré à Auguste, et sur lequel Strabon nous fournit de précieux mais trop courts renseignements[81] ;

Athènes, Ilion, Pruse et Tyr ;

Les guerres d’Antoine et de Ventidius contre les Parthes ; d’Auguste et de ses lieutenants contre les Cantabres ; de Pétronius contre l’Éthiopie ; d’Auguste contre les Daces et les Gètes ;

L’expédition d’Ælius Gallus en Arabie. Ami du général romain, qu’il alla même rejoindre en Égypte, notre géographe est le meilleur historien de cette campagne[82].

Enfin, pour couronner cette grande description du monde : la division des provinces entre César et le peuple (Strabon ne dit pas le sénat) ; ce morceau éclaircit et complète le témoignage de Dion Cassius sur le même sujet[83].

as Strabon écrivait encore, lorsque mourut le premier historien de ce siècle. Les trente-cinq livres qui subsistent aujourd’hui de Tite-nive oint été récemment appréciés avec un rare talent par M. Lachmann[84] ; mais de la partie qui nous intéresse spécialement (liv. CXVII-CXL) ; il ne reste que l’Épitomé et quelques fragments. En y ajoutant les passages des livres I-X et XXI-XLV où l’auteur faisait allusion à quelques faits contemporains, puis les principaux jugements de l’antiquité sur son système de composition historique, sur son caractère et la nature de son talent, on voit que Tite-Live conserve encore, dans le récit de ces dernières années dont il avait été le témoin oculaire, les grandes qualités de l’historien. On y remarque avant tout une impartialité, sévère malgré ses liaisons avec la famille des Césars ; un noble amour de la vertu, qui ne craignait pas d’opposer les vieux Romains à leurs indignes descendants, même après les nombreuses réformes accomplies ou tentées par Auguste. Il faut avouer pourtant que cette indépendance d’esprit dont Tite-Live se vante, comme Tacite, dans la première de ses préfaces, devait être un peu gênée, à mesure qu’il avançait, par des obsessions de tout genre. On aperçoit déjà quelque chose de cet embarras dans le beau récit de la mort de Cicéron ; et surtout dans cette réflexion qui le termine : De toutes ses adversités il ne souffrit en homme que la mort ; et cette mort même put, après tout, ne pas sembler si indigne, puisque Cicéron ne fût pas traité plus cruellement par son ennemi vainqueur, que vainqueur lui-même il n’eût traité son ennemi[85].

C’est ainsi, sans doute, qu’en excusait à la cour d’Auguste le meurtre du grand orateur, à peu près comme il avait naguère justifié l’assassinat de Clodius. Le célèbre passage sur les dépouilles opimes de Cornélius Cossus[86], trahit encore mieux l’esprit du siècle, que Tite-Live suivait sans doute malgré lui. Enfin, quand on lit dans Suétone (Claude, 41) que, sur le conseil de Tite-Live, et avec l’aide de Sulpicius Flavus, le jeune Claude commença une histoire de la guerre civile depuis la mort de César, et une autre du règne d’Auguste depuis la bataille d’Actium, on est bien tenté d’en conclure que le maître du jeune prince déclinait pour son compte une tâche devenue trop difficile. Il sentait peut-être à combien de surprises l’amitié et les passions, auxquelles n’échappe guère le témoin d’une grande révolution, avaient dû exposer sa conscience ; et il était bien aise de céder son rôle d’historiographe à un jeune prince naïvement érudit. Les reproches que cette entreprise valut à Claude, de la part de sa mère Antonia et de son aïeule paternelle Livie[87], prouvent combien la rédaction de tels ouvrages offrait encore de dangers longtemps même après l’époque où Horace l’appelait periculosœ plenum opus aleœ. C’est que précisément avec la jeunesse (adolescentia, dit Suétone) du fils de Drusus (entre 755 et 760) coïncident les premières poursuites ordonnées contre les libelles : entre la crainte d’un côté et de l’autre le devoir de flatter, le rôle d’historien exigeait plus que de la prudence. Ainsi se confirme une conjecture que nous avons énoncée ailleurs : Tite-Live est du nombre de ceux qui racontèrent le règne d’Auguste, jusqu’au moment où les progrès de l’adulation rendirent cette tâche impossible (Tacite, Ann. I, 1).

Les vingt-quatre livres qu’il avait écrits depuis la mort de César jusqu’à celle de Drusus, sont cependant un monument de son activité courageuse ; l’informe débris qui nous en reste suffit à montrer qu’ils éclairaient bien des points aujourd’hui si obscurs de cette période, par exemple la mort de Drusus, si brièvement racontée par Dion Cassius (51, 1. Cf. Épit. Livii, 140), les expéditions de ce jeune héros dans la Gaule, et la construction du célèbre autel élevé à Auguste au confluent de la Saône et du Rhône (Épit. 120), les guerres de Germanie qui devaient être décrites plus tard par Aufidius Bassus et par Pline l’ancien, comme nous le verrons bientôt. Si l’Épitomé était rédigé avec moins de négligence[88], on pourrait multiplier les inductions sur l’importance du témoignage de Tite-Live pour ces faits contemporains. Ainsi on condamnerait avec raison un récit de la guerre de Pérouse, résumé ainsi par l’abréviateur, liv. CXXVI : Perusiam diruit, redactisque in potestatem suam omnibus diversœ partis exercitibus, bellum citra ullum sanguinem confecit. Tite-Live, en effet, pouvait-il, du vivant même d’Auguste, exposer, sous des couleurs aussi fausses, les circonstances d’une guerre dont, sans doute, plusieurs témoins vivaient encore ? Mais, en bonne critique, on ne saurait juger un auteur d’après un abrégé aussi informe.

Quoi qu’il en soit, on peut compter parmi les continuateurs de Tite-Live : Claude, son élève, depuis empereur, et dont il restait encore, au temps de Suétone : 1° quarante-trois livres d’annales mentionnés plus haut ; 2° huit livres de mémoires de Vita sua ; 3° une défense érudite de Cicéron contre Asinius Gallus, sans compter d’autres ouvrages étrangers à notre sujet[89].

Après Tite-Cive et son élève vient naturellement se placer le précepteur des fils d’Agrippa, le célèbre grammairien Verrius Flaccus, de Préneste. Il mourut fort âgé sous Tibère (Suet., Ill. gramm. 17), on ignore en quelle année ; mais on peut affirmer du moins qu’il survécut à Tite-Live, puisqu’un fait, mentionné dans les Fastes Prénestins, se rapporte à l’an 774 de Rome[90].

Les fragments de ses autres ouvrages qui offraient un intérêt varié pour l’histoire du siècle d’Auguste, ont été récemment l’objet d’un travail auquel il peut nous suffire de renvoyer[91]. Il est toutefois une question relative à ce grammairien, que nous avons besoin de rappeler ici.

On lui a longtemps attribué les fastes consulaires et triomphaux du Capitole ; mais outre qu’il faudrait le supposer bien jeune à l’époque de leur rédaction, pour qu’il eût pu y inscrire le nom d’Antoine, depuis supprimé par ordre du sénat, le calendrier prénestin, dont la rédaction lui appartient certainement, suit une ère différente, celle de Varron[92] ; il faut donc renoncer définitivement à faire honneur à Verrius Flaccus de cette œuvre anonyme[93]. Mais on pourrait ajouter aux fragments de son livre de Verborum significatione, une note du scoliaste de Cruquius sur le Carmen seculare d’Horace[94]. Cette note nous apprend d’ailleurs, avec d’autres articles de Festus et de Paul le Diacre, quelles ressources l’historien pouvait tirer d’un savant initié pendant plusieurs années aux secrets de la maison impériale, et livré par devoir et par goût à d’intéressantes recherches sur les antiquités de la langue et de l’histoire romaine[95].

Dans la même classe de documents à la fois scientifiques et officiels on doit ranger ces registres tenus par les diverses corporations religieuses de Rome, pour constater la date et quelquefois les détails des cérémonies dont elles étaient chargées. Tels sont, par exemple, les livres des quindécemvirs, Commentarii quindecemvirorum, que Censorinus cite avec les édits d’Auguste (De die natali, 17), pour appuyer un calcul relatif aux jeux séculaires.

On peut rapprocher, et nous réunirons pour cela dans un même article, tous les calendriers analogues aux fastes prénestins, et rédigés ou interpolés pendant la vie, ou, comme celui d’Amiternum, après la mort d’Auguste[96]. Si beaucoup de faits consignés sur ces marbres le furent dans une intention de flatterie, ils mous fournissent cependant plusieurs dates précises qu’on chercherait vainement chez les historiens[97]. Bien plus, par un singulier hasard, ils ont pu servir à réfuter de véritables mensonges dictés par la flatterie. Ainsi, c’est à deux lignes, l’une du calendrier d’Amiternum, l’autre du calendrier d’Antium, relativement à la date de la bataille de Pharsale et au jour où Octave prit la toge virile, que nous devons de connaître aujourd’hui une erreur, peut-être un mensonge accrédité sur ce sujet par Nicolas Damascène[98], dans une biographie d’Auguste, dont les premiers chapitres seulement sont parvenus jusqu’à nous.

Ce fécond polygraphe, après s’être insinué dans les bonnes grâces d’Hérode, roi de Judée, accompagna son protecteur à la cour d’Auguste, dont il s’attira bientôt les faveurs et l’amitié. Les longs fragments qui nous restent de son histoire universelle dans Josèphe, et le fragment sur l’éducation de César Auguste[99], portent le cachet d’une partialité maladroite et d’une flatterie sans dignité, qui nous laisseraient peu de regrets sur la perte de ces deux ouvrages, si le témoignage d’un contemporain ne gardait pas toujours quelque importance[100]. Le morceau sur l’éducation d’Auguste, qui nous a été conservé dans les extraits de Constantin Porphyrogénète, est moins une histoire sérieuse qu’une imitation de la Cyropédie. La ressemblance des deux titres est évidente ; celle du ton et de quelques détails ne l’est guère moins.

C’est à la même école que paraît appartenir le célèbre Apion, trop vanté par Wolf (Proleg. ad Hom) pour ses travaux sur l’interprétation d’Homère, mais dont l’autorité vient d’être plus sévèrement appréciée par un habile critique[101]. Ce n’est, à vrai dire, que le premier de ces grammairiens et de ces rhéteurs charlatans qui pullulèrent plus tard sous l’empire, et qui mettaient au service des grands et de la foule une érudition superficielle et souvent menteuse. Toutefois, comme il survécut à Auguste, à Tibère peut-être ; comme d’ailleurs ses ouvrages, d’après les titres et les fragments qui nous en restent, paraissent avoir contenu beaucoup d’anecdotes de tous les temps, et en particulier d’anecdotes contemporaines, on doit supposer que l’histoire y pouvait glaner au moins quelques faits intéressants pour le tableau du siècle qui nous occupe.

Potamon, rhéteur de Lesbos, qui vivait sous Tibère, avait composé, entre autres ouvrages, au rapport de Suidas (au mot Ηοτάμων), un éloge de Brutus et un éloge de Tibère lui-même ; deux livres dont l’un était comme l’antidote de l’autre, si toutefois il n’y a pas quelque confusion dans l’article du lexicographe auquel nous devons cet unique renseignement.

Nous rapportons volontiers à la même époque l’histoire du roi Hérode par un Ptolémée que nous croyons, avec Vossius, être Ptolémée Mendès, célèbre chronologiste cité plusieurs fois par les Pères de l’Église, plutôt que le célèbre grammairien d’Ascalon[102].

Il y a aussi quelques lignes à recueillir dans les ouvrages d’un autre Grec contemporain d’Auguste et de Tibère, et qui survécut même à Caligula : je veux parler de Philon. Les renseignements épars dans ses deux livres Contre Avilius Flaccus, et de l’Ambassade à Caïus, paraissent mériter plus de confiance que les fades amplifications du rhéteur de Damas. Il eût été précieux pour un historien d’entendre un Juif jugeant la conduite d’Auguste à l’égard des provinces, et le bonheur du monde sous son gouvernement[103].

Au reste, il serait facile de multiplier ici les noms des auteurs contemporains dont les ouvrages sont plus ou moins étrangers à l’histoire même du siècle d’Auguste, mais pouvaient nous offrir accidentellement[104] quelque utilité. De ce, nombre est :

Trogue Pompée, dont les Histoires philippiques n’atteignaient pas la fin de la république romaine. Il en était de même de la Bibliothèque de Diodore.

Nous citerons également, mais sans nous arrêter à des conjectures incertaines sur le contenu de ses écrits :

Athénodore de Tarse, fils de Sandon, philosophe stoïcien, l’un des maîtres et le plus constant ami d’Auguste, auteur d’un livre adressé à Octavie, sœur de ce prince, et qui traitait, selon toute apparence, des plus anciennes fables de l’histoire romaine. Plutarque la cite à l’occasion du trait fameux de Mucius Scévola[105]. Pour une autre raison, il suffit de rappeler en passant Crémutius Cordus, le plus célèbre peut-être des historiens de cette période, grâce à l’honneur qu’il eut d’irriter la tyrannie de Tibère[106] par la courageuse liberté de ses paroles. Nous avons eu d’autres occasions de parler de ses ouvrages, aujourd’hui perdus.

Cassius Sévérus, déjà mentionné plus haut, et qui reparaîtra encore dans la suite de ces recherches. On ne peut démontrer qu’il ait laissé aucun écrit historique ; mais ses libelles et ses discours, comme ceux des autres orateurs de cette époque pour lesquels nous renvoyons au recueil de M. Meyer, doivent être comptés parmi les sources de l’histoire contemporaine. Avait-il encore composé des tragédies, et ces tragédies étaient-elles des imitations d’ouvrages grecs, comme sont presque toutes les compositions de ce gente dans la littérature romaine ? ou bien étaient-ce des tragœdiœ togatœ, dont le sujet, emprunté à l’histoire nationale, pouvait facilement conduire le poète à la satire ou à l’éloge des hommes de son temps ? C’est ce que le témoignage unique d’un grammairien ne permet pas de décider[107].

Vers la même année que Cassius Sévérus, mourut[108] L. Fenestella, dont les annales, plusieurs fois citées par Asconius et Pline[109], paraissent avoir eu un caractère particulier, dont il n’y a peut-être pas d’autre exemple dans l’antiquité. L’auteur avait minutieuse-ment consigné les faits relatifs à l’histoire littéraire, aux progrès des sciences, des arts et du luxe. Son livre était dopé moins un récit des grands événements politiques, qu’une chronique du forum et de la vie privée des Romains. L’une des citations de Pline nous permet en outre de supposer que cette chronique atteignait les dernières années du règne d’Auguste ; mais il faut avouer que, même sur des faits bien récents, l’autorité n’en était pas à l’abri de toute cri-tique ; car, sur le petit nombre de fragments qui nous en restent, deux nous montrent Fenestella convaincu d’erreur par Asconius, sur les dates relatives à la vie de Milon et de Cicéron[110]. Quant aux deux livres de Sacerdotiis et Magistratibus Romanorum, plusieurs fois publiés sous le nom de Fenestella, le véritable auteur de cet ouvrage, chanoine florentin du XVe siècle, est aujourd’hui trop bien reconnu pour que cette question mérite un examen sérieux[111].

A côté de Fenestella se place naturellement le célèbre grammairien C. Julius Hyginus, sur lequel j’ai exposé, plus haut, quelques conjectures, et dont les ouvrages intéressaient de fort près l’histoire générale de ce temps ; car c’étaient :

1° Des commentaires sur Virgile, cités par Aulu-Gelle et Servius[112].

2° Des biographies d’hommes illustres, dont toutefois aucun fragment, que je sache, ne se rapporte à des personnages contemporains.

3° Un traité sur l’agriculture, au moins en deux livres[113]. Nous avons déjà remarqué plus haut l’importance de ces sortes d’ouvrages[114].

4° Un commentaire sur le Propempticon Pollionis du poète Helvius Cinna. Un fragment de cet ouvrage, conservé par Carisius, montre assez qu’il pouvait fournir d’utiles renseignements sur quelques détails de l’histoire contemporaine[115].

5° Un recueil de généalogies, comme nous en retrouverons un parmi les ouvrages perdus de Suétone.

6° Un traité de Urbibus Italicis, dont on devine facilement l’importance pour l’histoire des colonies et des municipes.

7°, 8° et 9° Peut-être enfin les Poetica astronomica, le Liber fabularum, et le de Limitibus constituendis ou Liber Gromaticus, que nous ne possédons certainement plus sous leur forme ancienne, mais dont le texte offre encore aujourd’hui, au milieu d’interpolations de divers âges, plusieurs fragments du travail original, comme nous croyons l’avoir montré, au moins pour le dernier de ces trois ouvrages, par quelques unes des citations que nous avons faites en parlant de la statistique de l’empire sous Auguste[116].

Nous rattacherons encore au tableau général de l’histoire politique et littéraire sous le règne d’Auguste, quelques ouvrages de grammairiens aujourd’hui perdus, mais qui devaient fournir d’utiles documents sur les vicissitudes de la langue latine, sur ses rapports avec le grec, dont elle était désormais la rivale. Déjà, au temps de Sylla, l’affranchi Tyrannion avait écrit un livre sur la langue latine, pour en démontrer l’origine hellénique[117]. Quelques débris de sa doctrine se retrouvent peut-être dans le beau travail de Varron, de Lingua latina, premier essai d’une théorie large et savante sur ce sujet si national, et que cependant les Grecs paraissent avoir traité avant les Romains. Quoi qu’il en soit, nous trouvons bientôt mentionnés deux autres ouvrages, l’un d’Apion sur la Langue des Romains[118], l’autre du célèbre Didymus Claudius, sur l’Analogie chez les Romains, c’est-à-dire, dans la langue latine[119] ; titre qui rappelle celui des livrés de hiles César de Analogia ; et ces divers travaux semblent, avec ceux de Diodore, de Trogue Pompée et de Denys d’Halicarnasse, témoigner pour nous d’un curieux mouvement littéraire et scientifique dans la société polie, à l’époque de la pacification du monde. Les vainqueurs et les vaincus cherchent à s’unir et à se comprendre ; ils tendent, chacun par des intérêts divers, à rapprocher leur foi religieuse, leurs traditions nationales, et à renouer par les langues mêmes ces liens d’une parenté oubliée. Ce sont là des traits qui caractérisent une époque : les annalistes anciens les négligeaient peut-être ; Fenestella pouvait les recueillir sans les comprendre ; mais il nous appartient aujourd’hui d’en reconnaître, et d’en montrer la valeur.

 

SECTION II — POÉSIE.

La section précédente sera complétée par l’examen détaillé des ouvrages de Sénèque le rhéteur, auxquels nous avons voulu donner une attention particulière, parce qu’on les avait jusqu’ici trop négligés. Mais, à vrai dire, les grammairiens, les annalistes, les orateurs, les pamphlétaires, les rédacteurs du Journal de Rome, les rhéteurs, ne représentent pas toit leur siècle dans la bibliothèque historique que nous cherchons à recomposer. Les poètes y sont aussi pour une part que nous devons apprécier, en rappelant les noms les plus célèbres et les œuvres qui se rattachent de plus près aux événements du règne d’Auguste.

On petit placer en première ligne les ouvrages de L. Varius, surtout son Panégyrique à Auguste, écrit peut-être en 723, certainement avant 727, comme l’a fort bien prouvé M. Weichert dans sa biographie de ce poète[120] ;

Ceux de C. Rabirius, qui contenaient au moins le récit épique de la guerre d’Actium et d’Alexandrie, auquel appartiennent peut-être les curieux fragments trouvés à Herculanum[121] ;

Un poème grec en l’honneur de la victoire d’Antoine à Philippes, par Boéthus de Tarse, méchant poète et méchant citoyen[122], qui se comparait naïvement à Homère. Ses ouvrages, au reste, ne lui ont peut-être pas longtemps survécu.

Des Annales d’un certain Albinus, dont Priscien a cité trois beaux vers[123], qu’on pourrait appliquer, ce me semble, à un triomphe de César ou d’Auguste.

Le poème de Cornélius Sévérus sur la guerre de Sicile (Quint., X, 1, 89), qui contenait peut-être, comme épisodes, la mort de Cicéron[124] et la description de l’Ætna[125].

Cornélius Gallus, d’abord ami d’Auguste, plus tard victime de soupçons mal éclaircis[126]. Il ne paraît pas qu’aucun ouvrage de ce poète contint le récit de ses exploits militaires, exploits dont il était si fier, que, pendant son gouvernement en Égypte, il les fit graver sur la pierre des Pyramides. C’était néanmoins un personnage doublement curieux à étudier que celui qui sut mériter les éloges de Virgile, et dut à la confiance d’un prince habile et soupçonneux la direction d’une des plus importantes provinces de l’empire.

Il suffira de mentionner ici : Tibulle, le protégé de Messala ;

Properce, le protégé de L. Volcatius Tullus ;

Virgile, le protégé d’Octave, triumvir, puis l’ami d’Auguste, empereur, et de Mécène ;

Horace, le protégé de Mécène, puis d’Auguste, surtout après la mort de Virgile ;

Noms célèbres, et qui peuvent montrer seuls avec quelle rare politique l’empereur avait su, dès la première période de son règne, s’attacher de près ou de loin, par ses favoris, par ses ministres, tout ce que Rome comptait alors de grands poètes[127]. Remarquons d’ailleurs que si l’Énéide est pour nous le seul ouvrage de ce temps qui consacre par la poésie l’origine hellénique de Rome ; et serve ainsi les intérêts de la politique impériale, en conciliant deux religions et deux nationalités, beaucoup d’imitations homériques, aujourd’hui perdues (Bæhr, 53, 74), se rattachaient plus ou moins directement à la même pensée.

Mais l’esprit de cette poésie nouvelle, ralliée de gré ou de force au culte du principat naissant, se résume surtout dans Ovide, dont les derniers ouvrages sont autant d’hymnes à la gloire des Césars. Nous avons signalé plus haut l’importance des Pontiques et des Tristes. On sait qu’il faut ajouter à ces travaux de son exil : 1° un poème sur le triomphe de Tibère (Pont. III, 4) ; 2° deux Panégyriques d’Auguste, l’un en latin, l’autre en vers gétiques (Pont. IV, 6, 13). En un mot, tous les ouvrages de ce poète, comme sa biographie, intéressent au plus haut degré la critique de l’histoire contemporaine. Mais c’est ici le lieu d’observer (et cette observation pourrait être appuyée de preuves nombreuses) qu’en fait d’histoire le témoignage des poètes ne mérite pas toujours une entière confiance. Ainsi, un passage des Métamorphoses (XV, 822) sur la guerre de Modène ; deux allusions, l’une de Virgile (Georg. I, 490), l’autre de Manilius (I, 606), aux batailles de Pharsale et de Philippes (Cf. Florus, IV, 7) ; la description du triomphe qui suivit la bataille d’Actium, dans l’Énéide[128], et tant d’autres passages qu’il serait trop long de citer, ne présentent qu’une image altérée des faits qu’ils rappellent. Il ne faut donc recourir aux poètes qu’à défaut de témoignages plus précis, comme, par exemple, quand on trouve dans Horace et dans Virgile l’indication d’une guerre contre les Daces et les Gelons, qui n’est indiquée par aucun historien (Masson, l. c., p. 130,131).

Un autre danger à éviter dans l’emploi de pareils textes, c’est la trop grande confiance aux explications fournies par les anciens commentateurs. Quand Virgile (Æn. V, 548) décrit le Jeu troyen, Servius suppose que sous le nom d’Ascagne est représenté le jeune C. César. Or, Virgile était mort en 735, et le jeune prince, né en 734, n’avait que sept ans en 741, époque où Dion (54, 26) raconte qu’il prit part pour la première fois à cet exercice[129]. Mais revenons aux poètes dont les ouvrages se rattachent directement à quelque circonstance du règne d’Auguste.

C. Pédon Albinovanus, ami d’Ovide, et qui comme lui survécut à Auguste, est probablement l’auteur d’une élégie faible de style et de composition, et néanmoins intéressante, sur la mort de Drusus. Il avait aussi célébré en vers une des campagnes de Germanicus, puisque Sénèque a conservé de lui un morceau sur l’expédition dans l’océan du Nord[130]. Quant aux deux élégies intitulées In obitum Mœcenatis, et Verba Mœcenatis moribundi, on s’accorde aujourd’hui à les reconnaître pour l’œuvre de quelque pauvre écrivain des siècles de décadence.

L’un des héros d’Albinovanus, Germanicus, qui n’est peut-être pas l’auteur des Aratea, souvent publiées sous son nom, avait au moins composé en vers l’épitaphe d’un cheval favori d’Auguste (Pline, H. N. VIII, 64).

Tibère écrivit, probablement après son retour de l’exil, une élégie sur la mort du jeune L. César[131]. C’est le seul de ses essais poétiques qui ait pu offrir quel-que intérêt à l’historien de ce règne.

A la maison ou à la clientèle de Tibère appartenait le mystérieux Phœdrus, Augusti libertus, dont on ne peut guère reculer l’âge au delà de cette époque, malgré le silence de Sénèque le philosophe dans un passage classique sur la fable chez les Romains[132]. On doit même reconnaître clans Sénèque une double omission, puisque son père le rhéteur connaissait un autre fabuliste latin :

Le jeune Surdinus, élève du célèbre rhéteur Cestius Pius, et qui pourrait bien avoir appartenu de près ou de loin à la famille de L. Nævius Surdinus, consul en 782[133]. Au reste, le nom de ce fabuliste paraît avoir échappé à tous les historiens de la littérature latine.

Un écrivain étranger à Rome par sa naissance (il était Africain peut-être), Manilius, a inscrit le nom d’Auguste en tête d’un poème astronomique, ou plutôt astrologique, commencé dans les dernières années de ce prince, et continué, sinon achevé, sous Tibère. C’est du reste à peu près le seul lien par où les Astronomica de Manilius paraissent se rattacher au siècle qui les a vus paraître ; les théories et les opinions qu’il expose ne portent pas une date précise dans l’histoire de la science, et sous ce rapport ‘le livre ressemble beaucoup à celui de Vitruve, dont nous avons dit quelques mots dans la première section de ce chapitre ; comme celui de Vitruve, il nous est parvenu mutilé, par une sorte clé hasard., à travers le silence le plus complet de la critique ancienne, et nous a seul transmis le peu de renseignements que nous avons aujourd’hui sur son auteur[134].

Vers la même époque florissait aussi un autre client de la famille impériale, M. Pompéius Neoteros ou Junior, petit-fils de l’historien M. Pompéius Théophanes, et dont Visconti a heureusement restauré la mémoire à l’occasion d’une inscription grecque trouvée à Sinuessa[135].

Voilà bien des vers en l’honneur d’Auguste, de sa famille ou de ses amis. Mais de ces carmina referta contumeliis Cœsarum dont parle Tacite (Ann. IV, 34), de ces monuments d’une liberté souvent excessive, qu’Ovide rappelle si longuement à son persécuteur (Trist. II, 422 sqq.) pour justifier l’Art d’aimer, combien subsistent encore ? Après les noms rappelés par Tacite et Ovide, nous signalerons seulement Cassius de Parme, honorablement cité par Horace, souvent confondu avec Cassius Sévérus, qui était poète comme lui. Cassius de Parme avait pris une part active aux événements politiques, depuis la mort de César jusqu’à la bataille d’Actium. Peu de temps après la défaite d’Antoine, il fut tué à Athènes, sur l’ordre d’Octave, par Q. Attius Varus, et non pas, comme on l’a cru jusqu’ici, par L. Varius, le grand poète. C’était la dernière victime immolée aux mânes de J. César. Il laissait des élégies, une tragédie de Brutus, que son meurtrier s’appropria, des lettres, des épigrammes politiques, dont deux peut-être se sont conservées dans Suétone[136].

Anser, méchant poète au service d’Antoine, a été sauvé de l’oubli par une injurieuse allusion de Virgile[137], et par les plaisanteries d’Horace[138].

Bavius et Mœvius, illustrés aussi par la haine d’un grand poète[139], appartiennent sans doute, comme le précédent, à cette classe de versificateurs faméliques qu’on retrouve à toutes les époques de grande activité. littéraire, mais qui ne méritent pas l’honneur de passer à la postérité.

Nous plaçons sur une autre ligne deux poètes qui, sans avoir directement parlé de la famille des Césars, durent exercer une grande influence sur les mœurs et sur le goût de leurs contemporains.

Les petits drames appelés mimes, autant qu’on en peut juger par les fragments qui nous en restent, touchaient à tous les vices et à tous les travers de la société romaine, mieux peut-être que la comédie, qu’ils remplacèrent, sur le théâtre de Rome : ils étaient moins asservis à l’imitation grecque. On peut donc les regretter comme autant de pages historiques doublement précieuses par l’originalité de la forme et du fond.

Labérius, le plus ancien et le plus célèbre des mimographes, mourut dix mois après César[140] ; mais la vérité de ses tableaux s’étend à toute l’époque des deux triumvirats. Elle se continuait d’ailleurs dans les mimes de Publius Syrus[141]. Cet autre peintre de la vie privée des Romains était surtout admiré pour l’élégance de son langage et la pureté de sa morale ; mais ces perfections mêmes ont contribué à la perte de ses ouvrages. On en a recueilli, à l’usage des écoles, un millier de sentences qui justifient le jugement des anciens critiques, mais qui, détachées des draines dont elles faisaient partie, ne nous donnent aujourd’hui qu’une idée bien incomplète du talent de leur auteur. On y chercherait vainement la moindre trace de cette verve souvent licencieuse qui caractérisait le genre des mimes, singulier mélange de morale et de plaisanteries grossières. Ce n’est point sans doute avec les sévères leçons contenues dans ses maximes que Publius Syrus, le pauvre affranchi, eût fait fortune au milieu du luxe et des vices de Rome, et qu’il eût payé ces somptueux repas dont Pline nous a gardé le souvenir[142].

Je ne pense pas qu’il se trouvât rien d’utile pour la peinture des mœurs contemporaines dans deux comédies grecques, l’une de Germanicus, l’autre de Claude. La comédie grecque à cette époque, en Italie surtout, ne pouvait être qu’une froide imitation de la comédie attique, depuis longtemps éteinte ; elle n’appartient plus qu’à l’histoire littéraire, et le triomphe de Claude, dans un concours dramatique à Naples, ne prouve que la complaisance des juges, ou l’heureux succès d’un caprice d’érudition[143].

Enfin, je voudrais pouvoir ajouter, à notre liste des documents poétiques, le chant national qui rappelle la longue résistance des Cantabres contre les armes d’Auguste. Mais les critiques s’accordent aujourd’hui à nier l’antiquité de ce morceau ; et W. de Humboldt en doutait déjà, lorsqu’il le publia pour la première fois à la fin de son mémorable Essai sur la langue des Basques[144].

Ainsi, toute la littérature satirique du siècle d’Auguste a péri, les éloges seuls ont survécu : Horace, Virgile, Ovide, Pédon et les trois élégiaques, d’un côté ; de l’autre, Velleius Paterculus et Valère Maxime, dont nous allons parler.

 

SECTION III — VELLEIUS PATERCULUS.

Nous jugerons brièvement cet écrivain, qui avait brièvement traité de toute l’histoire romaine en deux livres, et qui doit au concours de circonstances singulières une place élevée parmi les historiens de Rome.

Sa vie est assez bien connue, au moins jusqu’à l’époque où il commença d’écrire ; nous n’en suivrons pas les détails, que la critique a depuis longtemps épuisés[145], et nous nous bornerons sur ce point à quelques rapprochements jusqu’ici peu remarqués.

Velleius était né en 735, année de la mort de Virgile : il était donc du nombre de ceux qui, habitués dès l’enfance aux nouvelles mœurs de Rome, n’avaient point vu la république, et louaient- volontiers le paisible gouvernement d’un prince. Tacite pensait à lui peut-être quand il disait, à l’occasion des funérailles d’Auguste : Quotusquisque qui rempublicam vidisset (Ann. I, initio) ? Velleius parvint certainement jusqu’à la préture, mais il ne paraît pas qu’il fut jamais consul. Ainsi, comme naguère Antistius Labéon, qui, lui, avait vu la république[146], intra prœturam stetit[147]. Mais une excessive liberté arrêta Antistius dans la carrière des honneurs : une cause toute différente arrêta Velleius, si elle ne le perdit pas. Il écrivait quelques mois avant la chute de Séjan ; quand le nom du favori fut rayé sur les fastes, par ordre de Tibère, on le raya aussi de l’histoire. Voilà pourquoi le livre de Velleius devint bien tôt rare en devenant séditieux. Qui sait même si l’auteur ne fut pas compris dans la proscription des amis de Séjan ? Il est du moins probable qu’il n’acheva jar mais le grand ouvragé dont celui que nous connaissons n’était qu’une ébauche.

On peut être curieux de savoir à quelles sources il avait puisé pour la période antérieure au principat ; mais cette recherche est au moins inutile pour le siècle d’Auguste ; et c’est, dans tous les cas, une idée malheureuse que celle de compter, comme le fait un critique moderne[148], parmi les auteurs que Velleius avait suivis, Crémutius Cordus, mort deux ans auparavant, victime de son courageux amour pour la vérité. Les deux seuls monuments écrits que cite Velleius, dans le cours de sa narration rapide, sont : 1° les Mémoires d’Auguste (II, 59), encore y a-t-il quelque doute sur ce passage ; 2° l’Ordonnance des comices, Ordinatio comitiorum (II, 124), dont nous avons parlé plus haut.

Partout, d’ailleurs, il raconte, d’après ses souvenirs ou ceux de ses contemporains, l’époque où il a figuré comme témoin et comme acteur.

Quant à la valeur historique de son témoignage, les opinions sont fort diverses. En exagérant l’importance de certains détails que, comme contemporain, il pouvait, il devait savoir mieux qu’aucun autre, on est arrivé à se persuader qu’après tout Velleius est un des meilleurs historiens de l’empire. C’est ainsi qu’il n’a cessé de gagner en estime depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, depuis Juste Lipse jusqu’à M.M. Jacobs et Morgenstern[149]. S’il ne fallait qu’expliquer l’éloge un peu trop complaisant de la famille Julia, on dirait volontiers avec M. Krause que c’est moins la faute de Velleius que celle de son siècle[150]. Nous aimons à le reconnaître : chez un témoin des dernières années d’Auguste, une juste admiration pour le présent devait compenser de sinistres souvenirs. Devant la clémence du prince, on ne comprenait plus les cruautés du triumvir, et on finissait par n’y plus croire[151] ; il était d’ailleurs si facile de rejeter sur Antoine l’odieux de tous ces crimes[152] ! Par là se trouve à peu près justifié ce brillant tableau des bienfaits d’Auguste (II, 89), tableau qui répond du moins à l’opinion d’une classe entière de citoyens honnêtes, comme on le voit dans Tacite (Ann. I, 1).

Mais comment justifier cette suite de fades adulations qui commencent à la naissance d’Octave, puis, un instant interrompues, recommencent à la mort de César, pour se continuer jusqu’à l’apothéose emphatique de Séjan ? Que dire de cette langue nouvelle : Virum humana ope invictum (II, 79), liberalitas principis (II, 81), en parlant d’Octave, triumvir ; innutribus cœlestium prœceptorum disciplina (II, 94, cf. 104), en parlant de Tibère ; animam cœlestem cœlo reddidit (II, 123), à l’occasion de la mort d’Auguste ? C’est la poésie d’Ovide mêlée sans goût au style de l’histoire. Que dire d’un lâche commentaire sur l’adoption de Tibère après la mort de Caïus et de Lucius Césars (II, 104), et sur l’assassinat de l’infortuné Germanicus (II, 116,125) ? Ainsi dans d’autres parties de son livre, Velleius se permet à peine quelques digressions sur la mort d’un grand homme (II, 66,68), ou sur les plus importantes fondations de la république[153] ; et c’est pour développer longuement les campagnes de Tibère. Il s’empresse de résumer en quelques mots l’expédition du jeune César, à laquelle cependant il avait pris part ; et c’est pour revenir plus vite à l’empereur son héros, à Séjan, à Pison, le préfet de Rome[154]. Celui qui trouve le monde si heureux sous le despotisme de Tibère et de ses favoris maudissait tout à l’heure, dans les Gracques, l’ambition du pouvoir souverain (II, 2-3).

Voilà l’historien qu’à force dé subtilités on a voulu faire passer pour honnête et véridique. Soyons moins ingénieux et plus sincère. Quand Velleius parle des premiers siècles de la république, il le fait en bon citoyen ; dès qu’il parle des Césars et de leur fortune, ce n’est plus qu’un de ces flatteurs que Tacite a flétris de son dédaigneux anathème : Tiberii Caiique et Claudii ac Neronis res, florentibus, ob metum falsœ (Ann. I, 1). Il mérita donc le mépris dont les Romains sans doute le punirent, et l’oubli où son livre est tombé jusqu’à la renaissance des lettres[155]. Alors seulement ce livre prit une valeur qu’il ne pouvait avoir dans l’antiquité. On ne trouvait plus ailleurs la narration continue du règne d’Auguste. Les anciens annalistes dédaignent souvent de marquer la date des événements ; seul Velleius nous offrait pour plu sieurs siècles de l’histoire romaine une chronologie exacte et précise, et pour certaines époques des synchronismes curieux[156] ; enfin, dans la brièveté même de son récit il y avait des renseignements uniques et précieux, par exemple, au sujet des conjurations contre la personne d’Auguste et des guerres de Germanie. Sur ce dernier point, les adulations mêmes dont on lui faisait reproche tournaient à notre avantage ; et l’on eût regretté que, par esprit de justice, l’auteur proportionnât mieux entre elles les diverses parties de son ouvrage.

Malgré tant d’indulgence, Velleius n’eut pas été mis par de bons juges au premier rang des abréviateurs[157], s’il n’avait comme écrivain un rare et incontestable mérite. Esquissant rapidement, quelquefois avec, négligence, le tableau qu’il se proposait de développer un jour ; forcé de réparer çà et là par de longues parenthèses les omissions qui lui échappent (voyez, par exemple, II, 33, 71, 88), Velleius néanmoins nous captive toujours par la force et la vivacité d’un style souvent digne de Salluste, qu’il semble imiter, et de Tacite, avec lequel on peut le comparer utilement sur plusieurs faits contemporains. La Mothe le Vayer admirait beaucoup ses épiphonèmes et son inclination extrême pour l’éloquence[158] ; ce sont précisément les défauts de l’esprit de Velleius, et qui chez lui se confondent d’ordinaire avec cette bassesse de sentiments dont on ne peut l’absoudre. Quand il n’est pas sophiste et courtisan, nul ne lui est supérieur pour l’expression ni pour la pensée. Rome avait peut-être, au temps de Tibère, beaucoup d’écrivains habiles, nourris aux belles traditions de Cicéron et de Tite-Live. Il y a des époques heureuses où l’éducation donne presque le talent, sinon le génie. Mais si Velleius put alors passer inaperçu au milieu d’une école riche en talents classiques, ce qui nous, reste de son livre, miraculeusement sauvé jusqu’à nous par un seul manuscrit, qui s’est même perdu depuis la première édition, compte aujourd’hui parmi les excellents modèles de la langue latine. Il est du petit nombre des, auteurs qu’on relit sans cesse pour, en mieux jouir, et chez qui les faiblesses de l’homme se laissent oublier pour les éminentes qualités de l’écrivain.

On sait que le grammairien Atéius Philologus avait composé pour Salluste un Breviarium rerum romanarum[159] ; que Junius Brutus avait écrit, en grec peut-être, un abrégé de Polybe[160], et, sans doute en latin, un abrégé des Annales de C. Fannius[161]. Velleius avait donc eu des modèles dont nous ne pouvons plus le rapprocher. Nous aurons du moins, dans le cours de cet Examen, à juger quelques-uns, de ses imitateurs.

 

SECTION IV — VALÈRE MAXIME.

La mort de Séjan avait ruiné la fortune d’un historien adulateur, mais elle ne rendait pas la liberté aux lettres romaines. Valère Maxime, écrivant dans les dernières années de Tibère, est aussi lâche dans ses injures contre le favori renversé, que Velleius l’était dans ses éloges au favori tout-puissant[162]. Il n’ose pas même écrire, dans un recueil de Dits et faits mémorables, le nom qu’on avait effacé de tous les monuments publics. Cependant, comme le flatteur même oublie quelquefois son métier, Valère Maxime est quelquefois impartial dans ses souvenirs de la guerre civile[163]. La vérité a ses subterfuges, même sous la plus violente tyrannie. Depuis longtemps on ne pouvait plus accuser Auguste des proscriptions du triumvirat ; mais, en les rejetant sur Antoine, on gagnait la licence de louer Cicéron sous le règne de ses meurtriers ou de leurs successeurs. C’est ainsi que les déclamateurs avaient pu, du vivant même d’auguste, traiter dans leurs écoles un sujet que les historiens sérieux n’abordaient pas sans crainte. Ainsi Velleius et Valère Maxime savent mettre à l’abri d’un mensonge leur admiration pour le plus grand citoyen de la république[164].

Triste recommandation pour un moraliste que cette politique timide et astucieuse ! Aussi Valère Maxime doit-il moins à la valeur morale de son livre qu’à l’intérêt varié des anecdotes qu’il y a réunies, une sorte d’estime et de popularité, que le moyen âge n’a pas interrompue[165]. A l’égard du règne d’Auguste, tout son mérite est de nous avoir conservé çà et là plusieurs traits historiques, dignes d’être replacés dans un tableau général de cette époque. C’est lui, par exemple, qui nous apprend ce que nous savons de plus précis au sujet du fameux Cassius de Parme[166] ; seul il a gardé le souvenir d’un faux Marcellus ou prétendu fils d’Octavie, convaincu d’imposture par Auguste, et singulièrement puni de son audace[167]. Au reste, cette dernière anecdote ressemble tant à celle du prétendu fils d’Hérode, dans Josèphe (A. J., XVII, 14), qu’on est tenté de soupçonner quelque confusion chez l’un ou l’autre des deux écrivains.

Une dernière remarque importe à l’appréciation du recueil de Valère Maxime. On a longtemps douté que nous en eussions sous les yeux le texte original. La découverte de l’ancien Abrégé a dissipé ces doutes[168]. La critique est maintenant certaine de posséder dans ce livre un monument contemporain de Velleius et de Sénèque. Dès lors le style de l’auteur devient un curieux témoignage de la corruption dû goût, sous l’influence du despotisme impérial. Même en tenant compte de la diversité des talents, de Velleius à Valère Maxime la décadence est effrayante. La langue latine se ranime, au contraire, chez les deux Sénèque par un souffle de liberté. Plus tard, Lucain et Pline l’Ancien offrent, l’un dans la prose, l’autre dans la poésie, un mélange d’élévation et de mesquine recherche qui reflète les incertitudes de leur âme agitée. Malgré les leçons de Quintilien et les efforts ingénieux de Pline le Jeune, on sent que la langue de Cicéron et de Lucrèce n’a pas été faite pour l’usage des cours, et qu’elle n’atteint jamais à sa beauté suprême que par les libres inspirations du patriotisme.

 

SECTION V — LA TRADITION.

L’histoire n’est pas tout entière dans les livres ; pour un contemporain ou pour un auteur peu éloigné des temps qu’il raconte, elle est encore dans la tradition, témoin souvent infidèle par défaut de mémoire, par esprit de parti, ou par crainte, mais qui, interrogé avec adresse et prudence[169], peut révéler les causes secrètes des événements connus, ou sauver de l’oubli des faits dignes de la postérité. Nous le verrons suri tout en examinant les ouvrages de Sénèque le père. Mais comme les souvenirs de cet écrivain se rapportent presque tous à l’histoire littéraire, nous voulons réunir ici sous un coup d’œil les noms de quelques personnages de toute classe et de toute profession, sans excepter les plus humbles, que pouvait consulter un historien impartial, pendant le demi-siècle ou environ qui suit la mort d’Auguste. Ce catalogue sera d’ailleurs complété par plusieurs autres notices répandues dans divers chapitres de notre Examen.

Livie, femme d’Auguste et mère de Tibère, morte seulement l’an 781, et louée pro rostris par Caligula[170]. Mais on ne sait pas si cet éloge funèbre a jamais été publié, non plus que celui d’Octavie par Drusus (Suet., Aug. 61), et celui de Drusus par son père (Dion, 55, init.).

A ce nom se rattachent ceux de plusieurs esclaves ou affranchies de la maison de Livie, telles que :

Nice,

Dorcas, toutes deux ornatrices de Livie[171] ;

Gémina, également ornatrice de Livie[172] ;

Antonia Thallusa, sage-femme de Livie[173] ;

Antieus, portier de Livie[174] ;

Julius Eros et C. Livius, valets de pied de Livie[175] ;

Secundio, aquarius de Julie, c’est-à-dire, sans doute, chargé du soin des fontaines dans l’appartement de l’impératrice[176] ;

Auctus, lanipenda, c’est-à-dire chargé de peser et de partager la laine entre les esclaves fileuses[177] ;

Livius, affranchi du précédent, qui avait soin du siège de Julie[178] ;

M. Livius, chargé du soin de la chapelle élevée par Livie en l’honneur d’Auguste[179] ;

Et bien d’autres personnages de la même classe, qu’il serait fort long d’énumérer ici, et dont les titres seuls attestent le luxe et l’étiquette de la maison impériale.

Junia, nièce de Caton, épouse de C. Cassius et sœur de M. Brutus, morte soixante-quatre ans après la bataille de Philippes, et dont les funérailles sont éloquemment racontées par Tacite (Ann. III, 76).

L. Antonius, fils de Julus Antonius, petit-fils du triumvir, et mort en 777 (Ann. IV, 44).

Antistius Labéon, fils d’un des défenseurs du parti républicain à Philippes (Ann. III, 75). Pline l’Ancien avait pu le connaître[180].

Avilius Flaccus, compagnon d’études des deux fils d’Agrippa, bien connu par le livre de Philon.

Cornélius Dolabella, consul en 763, lieutenant d’Auguste ; puis de Tibère, dans l’Illyrie maritime, ainsi que le prouvent l’inscription d’un monument élevé eh son honneur par les villes de cette province[181], à un passage de Velleius Paterculus (II, 125).

C. Ummidius Durmius Quadratus, questeur en Cypre, sous Auguste et sous Tibère ; lieutenant en Lusitanie d’abord sous Tibère, puis sous Caligula, au nom duquel il reçut le serment de fidélité des habitants clé cette province ; lieutenant de Claude en Illyrie ; consul à une époque qui est demeurée inconnue ; proconsul en Syrie sous le même Claude et sous Néron ; mort, selon Tacite, l’an 813 de Rome, après avoir exercé, outre ces charges militaires, plusieurs fonctions ; civiles de haute importance. C’est, comme Velleius Paterculus, un de ces hommes dont Auguste avait commencé la fortune, et qui surent la continuer habilement à travers les temps difficiles de la tyrannie. La tradition de cette famille puissante se continue : 1° par Ummidia Quadratilla, fille sans doute du questeur d’Auguste, et qui fit construire à ses frais un amphithéâtre à Casinum ; femme singulière à beaucoup d’égards, et sur laquelle Pline le Jeune nous a laissé de curieux détails ; 2° par Ummidius Quadratus, petit-fils de Quadratilla, jeune homme plein d’espérance à l’époque où le même Pline nous parle de ses débuts ; 3° par T. Ummidius Quadratus, consul en 167, etc.[182]

La famille des Plautius, dont la faveur commence sous Auguste et se continue jusqu’à Vespasien. C’est aux inscriptions qu’on doit les plus précieux renseignements sur cette famille illustre[183].

M. Titius, en l’honneur duquel fut porté un décret des Juifs habitants de Bérénice (en Cyrénaïque), qui est parvenu jusqu’à nous[184].

Sextus Papinius, que Pline avait vu consul en 788, et qu’il cite à l’occasion d’une curiosité d’histoire naturelle qui se rapporte aux dernières années d’Auguste, divi Augusti novissimis temporibus (H. n. XV, 14).

S. Quintilius Varus, fils de celui qui mourut en Germanie[185].

C. Sallustius Crispus, petit-neveu et fils adoptif de l’historien[186].

C. Sextius Africanus, préfet des vigiles de Rome l’année de la mort d’Auguste[187].

Pomponius Secundus, né vers 750, mort vers 813, consul en 793, et dont Pline l’Ancien avait écrit la biographie[188].

M. Vinicius, le protecteur de Velleius Paterculus, consul d’abord en 783, sous Tibère, puis en 797, sous le règne de Claude ; son père et son aïeul avaient aussi joué un rôle important sous le principat d’Auguste.

Parmi les personnages du second ordre :

P. Tutilius, vétéran de la cinquième légion, né, comme Ovide, en 710, et mort longtemps après lui[189].

Acilius Lucanus, aïeul paternel du poète Lucain, orateur, et auteur de quelques écrits dont les titres ne sont pas connus (Suet., Vit. Lucani).

Statilia, femme d’une noble famille, morte sous Claude à quatre-vingt-dix-neuf ans[190].

Les deux Coccéius, auteurs des travaux mentionnés dans une longue et belle inscription de l’an 768 (Morcelli, II, p. 230).

Les vieillards cités, en 827, par un des interlocuteurs du dialogue de Claris oratoribus (c. 17), pour avoir pris part aux derniers congiaires d’Auguste[191].

Thrasylle de Phlius, astrologue et savant littérateur, l’un des maîtres et des confidents les plus intimes de Tibère, auquel d’ailleurs il ne survécut pas. Tout ce qu’on sait sur ce singulier personnage est réuni et discuté avec autant d’érudition que de bon goût dans un court mémoire de l’abbé Sevin[192].

Un autre Thrasylle, fils du précédent, exerça des fonctions analogues auprès de Néron (Tac., Ann. VI, 21), et continue ainsi, pour l’historien de ce siècle, la tradition des secrets du palais impérial.

On peut ranger dans la même classe d’écrivains hybrides, si je puis ainsi dire, une femme célèbre, Pamphila, née en Égypte : mariée à Socratides, homme de lettres, qui n’a pas laissé d’autre souvenir dans la littérature, mais qui recevait chez lui nombreuse et bonne société, elle avait recueilli en plusieurs livres les souvenirs de son salon. Bien que les fragments qui nous sont restés de ce recueil se rapportent tous à l’histoire grecque, et particulièrement à l’histoire littéraire, on doit supposer que, grâce à ses relations avec le inonde poli, Pamphila gardait sous le règne de Néron, si même elle ne déposait pas dans ses livres, bien des souvenirs intéressants de l’histoire contemporaine[193].

Parmi les affranchis et les esclaves d’Auguste et de ses fils :

Le grammairien Pudens et son disciple Philologus (probablement distinct de celui dont Suétone nous a laissé la biographie). Le premier au moins, procurateur d’une Émilia Lepida, belle-fille de César, avait dû connaître de fort près tous les personnages de la famille de César[194].

Parmi les affranchis d’Auguste se place, au premier rang, le célèbre Artorius, son médecin, connu par divers témoignages des historiens[195], et par celui de plusieurs inscriptions grecques[196].

Gélos, dont une inscription de Véies paraît attester le crédit et les grandes richesses[197].

Cœtus, prégustateur, mort en 773[198].

T. Claudius Tigranus, mort à quatre-vingt-cinq ans, lecticaire de César (Grut. p. 599, 11).

Quelques membres de la famille des Agathopus, dont l’un paraît être l’artiste connu par quelques ouvrages conservés jusqu’à nous[199].

Epitynchanus, autre artiste appelé Épitycanus dans une inscription de Gori (II, 115).

Syneros, affranchi de Tibère ad imagines[200], et qui avait pu ordonner une partie de la pompe funèbre d’Auguste.

T. Julius Secundus, numularius de Tibère. Son prédécesseur dans cette charge, si ce n’est lui-même, avait pu préparer une de ces distributions dont parle Suétone (Aug., 75).

C. Julius Polybius, affranchi d’Auguste, et Polybius Anthus, affranchi de cet affranchi, tous deux duumvirs dans la colonie de Pompéi[201].

Archébius, affranchi d’Auguste, et Antiochus, employé aux jeux athlétiques ; Eutychès et Pantonicus, aussi affranchis d’Auguste, et mentionnés avec les deux précédents sur une inscription d’Athènes[202].

C. Julius Bathyllus, qu’il faut bien distinguer du célèbre danseur, et qui mourut gardien du temple d’Auguste et de Livie, situé sur le Palatin[203].

T. Claudius Acutus, affranchi de Tibère, mort gardien du temple de la Concorde (Orelli, n. 4369).

Un enfant, mort avant Livie, et qui avait pu naître après la mort d’Auguste, C. Julius Proposa, favori de deux princesses (Gori, p. 217).

Plusieurs affranchis d’Auguste, dont quelques-uns avaient acheté la décurie, c’est-à-dire, une place dans les décuries d’appariteurs, sont rappelés dans un fragment de registre dont la rédaction paraît être de peu d’années postérieure à la mort d’Auguste ; car quelques-uns de ces affranchis, devenus appariteurs entre 751 et 754, étaient encore vivants[204].

 

 

 

 



[1] Nous comprenons ici les noms de quelques auteurs qui avaient aussi laissé des ouvrages en vers, et que nous nous dispenserons de rappeler dans la seconde section de ce chapitre, consacrée à la poésie.

[2] Suétone, Caligula, c. 8 : car les historiens d'Auguste.... Aulu-Gelle, N. Att. X, 2 : Sous le règne d'Auguste, d'après les historiens de cette époque...

[3] Guerres civiles, IV, 16.

[4] Άναγραφή Βιβλίων ou πίναξ, comme les Grecs avaient intitulé plusieurs ouvrages aujourd’hui perdus, par exemple, ceux de Callimaque et de Cratès sur les livres des bibliothèques d’Alexandrie et de Pérgame. Voy. Bode, Geschichte der Hellenischen Dichlkunst, t. I, p. 12, 13. C’est dans le même sens que le grammairien Artémon, qui avait écrit, περί Συναγωγής Βιβλίων (Athénée, XII, p. 515 D), περί Βιβλίων χρήσεως (Athénée, XV, p. 694 A), et rédigé un catalogue des lettres d’Aristote, est désigné dans Démétrius (περί Έρμηνείας, § 223, p. 97, Walz) par les mots : ό τάς Άριστοτέλους άναγράψας έπιστολάς.

[5] Heeren, de Font. Plut., Vita Cæsaris.

[6] Atticus, c. 16 : Sexdecim volumina epistolarum ab consulatu ejus usque ad extremum tempus ad Atticum missarum : quæ qui legat non multum desideret historiam contextam illorum temporum. Sic enim omnia de studiis principum, vitiis ducum, mutationibus reipublicæ perscripta sunt, ut nihil in iis non appareat, et facile existimari possit prudentiam quodammodo esse divinationem. Non enim Cicero ea solum quæ vivo se acciderunt, futura prædixit : sed etiam quæ nunc usu veniunt, cecinit ut vates. Remarquez ces dernières paroles, écrites sous le règne d’Auguste. Cornélius Népos ne parle ici que des lettres à Atticus, mais on sait que les autres parties de la correspondance de Cicéron offrent le même caractère et le même genre d’intérêt.

[7] Philip. XI. Cf. Dion Cassius, 47, 29, 30 ; Appien, Guerres civiles, IV, 58 ; -Orelli, Onomast. Cicer., au mot C. Trebonius. C. F.

[8] C. 3 : . . . le désastre des habitants de Parme ... Mon esprit se révolte, et ma bouche se refuse à exprimer les horreurs que L. Antonius s'est permises envers les épouses et les enfants des habitants de Parme.

[9] X, 33 ; XI, 13.

[10] Voy. Philipp. XIV, 9, et comparez Suétone, Aug. c. 11 ; Tacite, Ann. I, 10 ; Dion, 46, 39. Le chap. 8 de la même Philippique s’accorde mal avec les détails, moins suspects de partialité, que fournissent, sur les triomphes de César, Appien, G. Civ. II, 101, 106, et Dion Cassius, 43, 14 et 42. Cf. Philipp. XIV, 14. Appien, l. l. III, 74.

[11] Ad Div. X, 30.

[12] Heeren, de Font. Plut. Cf. plus bas, notre chap. VII, sect. I.

[13] Heeren, ibid.

[14] Ann. IV, 34 (Discours de Crémutius Cordus) : Les lettres d'Antoine, les harangues de Brutus, contiennent des invectives, fausses, il est vrai, mais sanglantes, contre Auguste. Dans Bibaculus, dans Catulle, on lit une foule de vers où les Césars sont outragés. Et ces dieux de l'empire, les Jules, les Auguste, souffrirent ces offenses et les dédaignèrent.

[15] Heeren, ibid.

[16] Voy. surtout, Philipp. II, 1 1,12. Cf. Drumann, Geschichte Roms, etc., t. III, p. 695-714.

[17] De L. Lucii Varii et Cassii Parmensis Vita et Carminibus. Grimæ, 1836, in-8°.

[18] Krause, de Font. Suet. p. 39, 41 sq.

[19] V. notre chap. II.

[20] De Historicis grœcis, II, 5.

[21] Anton. c. 55, où l’expression είσίν οϊ λέγουσι montre que Plutarque avait comparé le récit de plusieurs historiens.

[22] Heeren, ibid. Cf. Senec. Suasor., p. 6, Bip.

[23] Corn. Népos, Attic. c. 18 ; Cicéron, Brutus, c, 3 et 4. Cf. Hullmann, Diatriba in Pomponium Atticum, Utrecht, 1838, in-8°, p. 186 sq. Nous ne pensons pas que l’historien d’Auguste ait pu tirer profit de cette singulière iconographie illustrée, dont parlent Cornélius, l. l., et Pline, Hist. nat. XXXV, 2. Voyez la discussion de M. Letronne sur ces deux passages célèbres, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er juin 1837.

[24] Sénèque, Epist. 21 : Les épîtres de Cicéron ne laisseront point périr le nom d'Atticus. En vain Atticus eût eu pour gendre Agrippa ; en vain Tibère eût épousé sa petite-fille ; en vain Drusus César eût été son arrière-petit-fils; parmi ces noms illustres, le sien resterait ignoré, s'il n'eût été consacré par Cicéron. — Suétone, Tiber. c. 7 : Il épousa Agrippine, fille de Marcus Agrippa, et petite-fille de Caecilius Atticus, chevalier romain, à qui Cicéron a adressé des lettres.

[25] Voy. Ith, ad Nepot. Attic. c. 16 (éd. Bern.1779), copié par Hisely, de Font. Corn. Nep., p. 162. M. Bultmann (Diatr. in P. Attic., p. 194) admet le fait, sans vouloir en déterminer la cause.

[26] En tout, cinquante quatre fragments, réunis par M. Hullmann, l. l. p. 196-207.

[27] Ad Att. VIII, 2, fin.

[28] Attic. c. 20 : Quum ab Urbe abesset (Octavius), nunquam ad suorum quemquam litteras misit, quin Attico mitteret... in Urbe, nullus dies temere intercessit, quo non ad eum scriberet... interdam jocans ejus verbosiores eliceret epistolas.

[29] Heeren, ibid., p. 123.

[30] Hist. nat. IX, 17 : Nepos Cornelius, qui divi Augusti principatu obiit. De même, X, 23.

[31] Auqust. c. 77 : Dans son camp devant Modène, suivant Cornelius Nepos, il ne buvait pas plus de trois fois à son souper...

[32] Hist. nat. V, 1 : Minus profecto mirentur portentosa Græciæ mendacia, qui cogitent nostros nuper’ paulo minus monstrifica quædam de iisdem tradidisse ......  quæque alia Cornelius Nepos avidissime credidit.

[33] Noct. Attic. XV, 28 : Cornelius Nepos est un historien fort exact ; il fut, autant que personne, l'ami et l'intime de M. Cicéron ; néanmoins, dans le premier livre de la Vie de M. Cicéron, il parait s'être trompé, en disant qu'il était âgé de vingt-trois ans lorsqu'il plaida sa première cause et défendit Sextus Roscius, accusé de parricide. Cf. Krause, de Font. Sueton., p. 39.

[34] Suivant le calcul de Varron lui-même, dans Aulu-Gelle, III, 10.

[35] Appien, B. civ., II, 9 ; IV, 47.

[36] O. Müller, Introduction à son édition du traité de Lingua latina, Lips., 1833, in-8° ; Schneider, Script. rei rust. I, 2, p. 215.244 ; de Vitæ M. Terentii Varronis librorumque ab eo scriptorum annis, p. 223, 235.

[37] On lira avec fruit sur ce sujet une intéressante comparaison des trois ouvrages de Caton, de Varron et de Virgile, dans l’opuscule intitulé les Géorgiques, par M. C. Gaillardin, Paris, 1830, in-8°. Cf. plus bas.

[38] Suétone, Aug., c. 31. Cf. Varron, ap. Lact. Instit. div. I, 6.

[39] Hist. nat., XXXV, 4.

[40] Pline, H. nat., XXVI, 24. Frontin, de Aquœd. c. 9.

[41] Philarg., ad Virg. Georg. II, 162.

[42] Pline, H. nat. VII, 46 : Philippensi prœlio morbus (Augusti), fuga, et triduo in palude ægroti, et (ut futentur Agrippa et Mœcenas) aqua subter cutem turgidi latebra. Cf. Krause, de Font. Suet., p. 43.

[43] Pline, Hist. N., III, 3. Dion Cassius, 55, 8, ad U. C. 746.

[44] In pariete pictam Italiam ; de Re rustica, 1, 2. Cf. Liv. XLI, 33 ; l’ouvrage de M. Frandsen cité plus haut.

[45] Ad Virg. Georg. II, 42.

[46] H. N., IX, 3, sur le dauphin du lac Lucrin.

[47] Pline, H. N., XIX, 10.

[48] Meyer, Orat. rom. fragm., p. 208.

[49] Hist. nat., XXXIII, 3 (14) : Messala orator prodidit Antonium triumvirum...

[50] M. de l’Acad. des inscr. et bell.-lett., t. XXXIV.

[51] Pag. 130, éd. Ursinus, Rome, 1581 ; Paris, 1838.

[52] Brutus, c. 40, 42. Cf. 53.

[53] Sénèque, Suasoria, VII, initio.

[54] De Cassio Parmensi, p. 198, 303, 313. Sur Asinius Pollion, voy. Meyer, O. R. fr. p. 211, 1832. Cf. plus bas le chapitre consacré à Sénèque le père.

[55] Évagoras de Lindos, historien dont l’époque est inconnue, avait écrit une vie de Timagène, dont le titre est cité par Suidas. Voy. les Recherches de Bonamy dans les Mémoires de l’Acad. des inscr. et belles-lettres, t. XIII.

[56] M. Weichert, Poet. lat. Reliq. 393 sqq.

[57] Geog. III, 4, § 10. Cf. Ammien Marcellin, XV, 9, 2.

[58] Voy. Weichert, Reliquiœ Poetarum latinorum, p. 206. M. Weichert paraît supposer (voy. l’Index du volume cité, au mot Valgius Rufus) que l’ouvrage en question était un poème ; mais Valgius était à la fois poète et savant grammairien. Quelques fragments conservés sous son nom appartiennent, sans aucun doute, à des traités en prose (apud Weichert, p. 233 sqq.), ce qui doit nous justifier de n’avoir pas rangé Valgius dans la seconde section de ce chapitre. Quelques critiques encore distinguent deux et même trois Valgius. Voy. Bœhr, Gesch. der rœm. Lit. § 53, n. 7 ; § 126, n. 3.

[59] C’est ce qui ressort de la Préface adressée à ce dernier.

[60] Prœf. Controv. V, p. 320 sq. Bip.

[61] Suét., Aug. 100 ; Dion, 66, 34 sqq.

[62] Sur cet artifice de composition commun à presque tous les historiens de l’antiquité, voy. le chap. VIII et l’Appendice I de ce Mémoire.

[63] Tite-Live, VIII, 40 ; Aulu-Gelle, N. A. XIII, 19.

[64] B. civ. IV, 44. Cf. Ph. a Turreobss. ap. Orell. l. l. t. 2, p. 353 et Reliq. Lat. serm., p. 318.

[65] Appien, B. civ., IV, 46, et Dion Cassius, 47, 7, offriraient les rapprochements les moins invraisemblables.

[66] Dion, qui, sur cette période du triumvirat, disserte en rhéteur plutôt qu’il ne raconte en historien, regrette cependant que bien des actions glorieuses n’aient pas préservé de l’oubli le nom de ceux qu’elles honoraient. Voy. 47, 10.

[67] 47, 26. Cf. Le Clerc, l. c. p. 228.

[68] 53, 29. Cf. Suét., Auq. 36, 38. Des Journaux, etc., p. 245.

[69] Suétone, Aug., 58 : Le surnom de Père de la patrie lui fut donné d'un consentement soudain et universel. Les plébéiens lui envoyèrent à ce sujet une députation à Antium. Malgré son refus, une foule nombreuse et couronnée de lauriers lui offrit encore cette distinction à Rome, au moment où il entrait au spectacle; et le sénat la confirma bientôt, non par un décret ni par acclamation, mais par l'organe de Valérius Messala, qui, portant la parole pour tous, lui dit: César Auguste, en te souhaitant à toi et à ta maison ce qui peut tourner à ton bonheur et à son avantage, nous confondons ensemble l'éternelle félicité de la république et la prospérité de ta famille. Le sénat, d'accord avec le peuple romain, te salue Père de la patrie. Auguste, les larmes aux yeux, répondit en ces termes que j'ai conservés ainsi que ceux de Messala: Sénateurs, mes vœux sont accomplis. Que pourrai-je encore demander aux dieux immortels, sinon qu'ils vous maintiennent dans de tels sentiments pour moi jusqu'à la fin de ma vie ?

[70] Cependant Tibère, dans un précis biographique... Suétone, Tibère, 61. Cf. Krause, de Font. Suet., p. 51.

[71] Nous exceptons Pline l’Ancien, dont nous parlerons plus bas, chap. V, sect. VII. Cf. Pline, Ep. III, 5.

[72] Krause, l. l., et Meyer, Orat. rom. fragm., p. 350, éd. Paris.

[73] Heeren, de Font. Plut., p. 102. Mém. de l’abbé Sévin, dans le tome IV de l’Acad. des inscr. et bell.-lett.

[74] Heeren, de Font. Plut., p. 110, 122, 144, 152.

[75] Voyez VIII, 79 ; V, 35. Cf. T. Live II, 13.

[76] Remarquons cependant qu’un contemporain de Denys, Cæcilius de Calacté, avait écrit une comparaison de Démosthène et de Cicéron. Mais le jugement qu’en porte Plutarque (Demosth. Preœm.) doit nous faire peu regretter la perte de cette déclamation.

[77] Vossius, de Hist. grœc. 11, 4.

[78] Pline, H. N. VI ; 32 (27). Cf. Schoell, Hist. de la litt. grecq. IV, 59.

[79] Heeren, de Font. Plut., p.100-101. Cf. Lewitz, Quœst. Flavianœ, part. I, 1839.

[80] Le premier, Hist. nat. IV, 21 ; le second, III, 1.

[81] Voy. M. J. Artaud : Discours sur les médailles d’Auguste et de Tibère, Lyon, 1820, in-4°, et les Wiener Jahrbücher, t. XXI.

[82] Cf. Dion Cass., 53, 29, et les interprètes.

[83] 53, 12, et les interprètes. Cf. Hérodien, II, 11, et M. Naudet, des Changements opérés, etc., I, 3, § 1.

[84] De Font. hist. T. Livii Comment. II. Gœtting, 1822, 1828, in-4°.

[85] Sénèque, Suas. p. 43, éd. Bip. Cf. Cicéron, pro Mil., c. 10.

[86] IV, 20. Cf. Lachmann, II, p. 74.

[87] Et non de son aïeule maternelle Octavie, comme le veut un commentateur de Suétone ; car celle-ci était morte en 141.

[88] Par exemple, lib. 120, l’Épitomé n’est pas d’accord avec le fragment original de Tite-Live, conservé par Sénèque, sur une des circonstances de la mort de Cicéron.

[89] Voy. Krause, de Font. Suet. ; Meyer, Orat. rom. fragmenta.

[90] Ad VIII KAL. MAI ; Tac., Ann. III, 64. Cf. Vell. Paterculus, II, 130. Eckhel. D. N. V., tom. VI, p. 194.

[91] M. Verrii Flacci fragmenta post editionem Augustinianam denuo collecta atque digesta. Sexti Pompeii Festi fragmentum ad fidem Ursiniani exemplaris recensitum, subjectis aliorum suisque notulis et indicibus necessariis, éd. Egger. Paris, 1838.

[92] San Clemente, de Vulgaris œrœ emendatione, I, 1.

[93] J. V. Le Clerc, des Journ. chez les Romains, p. 140. Cf. Fasti consul. Capitol. recensuit J. C. M. Laurent. Altonæ, 1833, in-8°, p. 4.

[94] Le fragment de Festus, p. 138,158. Urs.

[95] L’autorité du témoignage de Verrius pour l’histoire des cérémonies religieuses est encore démontrée, d’après de nombreux rapprochements avec les Fastes d’Ovide, par le dernier éditeur de cet ouvrage, M. R. Merkel (Berlin, 1841, in-8°, p. XCIV et suiv.).

[96] Voy. Orelli, Inscr. lat., t. II, p. 379, 413. Cf. les Fastes d’Ovide, et les prolégomènes de Merkel.

[97] Verrii Fragm. p. 15,n. 15. Cf. Eckhel. D. N. V., t. VI, p. 71, 100,107, 150.

[98] Weichert, de Imp. Augusti scriptis eorumque reliquiis comment., 1, 53, 54, de la 2e éd. 1841. Noris, Cenotaphia Pisana, II, c. 3, p. 115.

[99] Περί άγωγής Καίσαρος Αύγούστον, imitation de Xénophon, περί Κύρου παιδείας. On a aussi attribué à Plutarque un traité περί τής άγωγής Τραϊανοϋ, que les derniers éditeurs rangent avec raison parmi les apocryphes.

[100] V. Weichert, et plus bas, l’article Josèphe ; et sur Nicolas Damascène, l’abbé Sévin, t. XXXVI, de l’Acad. des inscr. et bell.-lett. Mémoire réimprimé avec les autres témoignages des anciens et des modernes, par M. J. C. Orelli : Nic. Dam. historiarum excerpta et fragmenta qua ; supersunt, etc. Lips., 1804, in-8° ; recueil auquel il faut ajouter : Supplementum editionis Lipsiensis Nicolai Dam., continens adnotationes et emend. Diam. Coray, etc. Lips., 1811, in-8°.

[101] K. Lehrs, Quœstiones epicœ, Kœnigsberg, 1837, in-8°, p. 1 sqq. Cf. Vossius, de Hist. gr., 11, 7.

[102] Ammonius, de Diff. vocab., p. 129, éd. Ammon. Cf. la note de Valckenaer, et Vossius, de Hist. gr., 11, 5.

[103] Voy. t. II, p. 524, 532, 546, 567, 588, 592 de l’éd. de Mangey. L’éditeur place la naissance de Philon vers l’an 723, époque de la bataille d’Actium.

[104] Voyez, par exemple, Justin, XLII, 5, 11 ; XLIV ; 5, 13.

[105] Vie de Publicola, c. 17. Cf. Weichert, l. c., § 10, n. 5, p. 51 de la deuxième édition.

[106] Tacite, Ann., IV, 34 ; Suétone, Tib. 61 ; Sénèque, Suas., 6, p. 44, 47, Bip. ; Sén., Cons. ad Marc. 1.

[107] Apuléius, de orthogr. p. 6, éd. Osann.

[108] Funccius, de Virilli œtate lat. Ling. V, 8, p. 287.

[109] Asconius, in Cie. or. in L. Pisonem, p. 1, éd. Orelli ; In Tog. cand. p. 85. Cf. p. 86. In Corn. p. 66, il est cité avec Tite-Live et Salluste. Pline, Hist. nat. VIII, 74 ; XXXIII, 52.

[110] Cf. Aulu-Gelle, Noct. Att. XV, 28 : Pédianus Asconius a relevé une erreur semblable dans Fénestella, qui l'avait fait plaider pour Sextus Roscius dans sa vingt-sixième année. L'erreur de Cornélius Népos est plus grande que celle de Fénestella...

[111] Voy. F. Bæhr, Geschichte der rœm. liter, § 201, p. 411.

[112] Voy. Suringar, Hist. scholiast. latin. Lugd. Bat., 1834, II, p. 172 sqq.

[113] Apud Putsch, Gramm. p. 115.

[114] V. la dissertation intitulée : Les Géorgiques de Virgile, comparées aux livres de Re rustica de Caton et de Varron, par M. C. Gaillardin. Paris, 1830, in-8°.

[115] Voy. Sturz, ad Dion. Cass., 50, 13, t. V, p. 621.

[116] Ch. I, fin. Cf. Bæhr, Gesch. der rœn. Liter, § 201, 225, 347, et le Salluste d’Havercamp, t. II, p. 296 sqq.

[117] Περί τής ρωμαϊxής διαλέxτου ότί έστίν έx τής Έλληνιxής. Suidas, au mot Τυραννίων. On ne peut, je crois, déterminer l’époque à laquelle appartiennent les ouvrages d’Hypsicrates, Super his quœ a Grœcis accepta sunt (Aulu-Gelle, XVI, 12) ; de Philoxène, περί τής 'Ρωμαίων διαλέxτου (Schol. in Hom. Od. 90, éd. Bultmann), et les Γλώσσαι Ίταλιxαί de Diodore, disciple d’Aristophane. Nous remarquerons seulement, quant à ce dernier, que Suidas désigne un certain Ammonius, fils d’Ammonius, comme le chef de l’école d’Aristarque avant le régner d’Auguste, πρό τοϋ μοναρχήσαι Αϋγουστον. Philoxène pourrait, à la rigueur, être le successeur de cet Ammonius.

[118] Athénée, XV, p. 680. De Latinitate, suivant la traduction de Priscien.

[119] Suidas, au mot Δίδυμος. Priscien nous en a conservé un curieux fragment, De figuris numer. c. 3, t. II, p. 395, Krehl ; et il paraît en résumer la doctrine, ibid. c. 2, p. 390. Cf. Priscien, Gramm. I, 4, p. 21 ; VIII, 17, p. 429 ; XI, 1, p. 515 ; et les excellentes recherches de M. L. Lersch : Sprachphilosophie der Alten, I, p. 74, 143 ; II, p. 103 ; III, p. 164, auxquelles nous devons la plupart des indications réunies dans ce paragraphe.

[120] § 10, p. 55, et § 18, p. 115.

[121] Voy. Commentatio de C. Sallustii Crispi Hist. lib. III, fragmentis.... atque carminis Latini de bello Actiaco sine Alexandrino fragmenta.... iterum edidit J. Th. Kreyssig, Misnæ, 1835, in-8°.

[122] Strabon, Géogr. XIV, 4, § 14.

[123] Lib, VII, c. 5, p. 305, Krehl : Albinus Rerum Romanarum primo (Il ne remontait donc pas beaucoup plus haut que les deux triumvirats) :

Ille cui ternis Capitolia celsa triumphis

Sponte Deum patuere, cui freta nulla repostos

Abscondere sinus, non tutæ ; mœnibus urbes.

Peut-être n’abuserait-on pas des vraisemblances, en supposant que ce poème continuait les Annales en vers de Furius Atitias, poète qui paraît avoir vécu à la fin du septième siècle de la république. Voy. Macrobe, Saturn., VI, 1, 3 et 4. Cf. Weichert, Reliq. Poet. latin. p. 350-354.

[124] Voy. le beau fragment conservé par Sénèque, Suasoria VII.

[125] Sénèque, Épist. 79. Cf. Weichert, de L. Pario, Exc. III, p. 150, 214.

[126] Suétone, Aug. 66 ; Dion Cassius, 53, 23. Dans un ouvrage savant et ingénieux, dont Gallus est le héros, M. W. A. Becker a réuni et jugé avec précision les principaux témoignages de l’antiquité sur ce Romain célèbre. Voy. Gallus, oder Rœmische Skenen aus der Zeit Augusts (Leipzig, 1838, in-8°), I th. p. 49 (note 16 sur la première scène). Cf. Bæhr, Geschichte der rœm. Lit. § 132.

[127] Rapprochement déjà signalé par J. Dunlop, History of Roman litterature during the Augustan age, t. I, p. 45-61. Varius, déjà mentionné, appartient à la même époque et à la même école. CF. plus haut, ch. II.

[128] VIII, 714-728. Cf. Masson, Jan. reser. p. 125.

[129] Cf. Weichert, de Fario et Cassio, p. 301.

[130] Suas. I. Cf. Tac., Ann. II, 23. Quintil., X, 1, 90. Ovide, Pont. IV, 10, 65.

[131] Conquestio. de L. Cœsaris morte. Suétone, Tib. 70. Cf. Weichert, Imp. Cœs. Agusti scriptorum reliquiœ, I. Excursus II : de Auqustis stirpe poetices studiosa.

[132] Ad Polyb., 27. Cf. Tiraboschi, Storia d. lit. Ital. I, § 47.

[133] Voy. Controv. 20 et 21 ; Suas. 7 et 8. Cf. Val. Max. VII, 7, § 6.

[134] Voy. Bæhr, Gesch. der rœm. Liter. § 94. Cf. § 322. C. E. Weber, Corpus poetarum latinorum. Francof. ad M., 1833, in-8°, p. XIII.

[135] Opere varie, t. II, p. 71 et suiv. Cf. Iconogr. gr., t. I, p. 232, éd. in-4° ; Brunck, Anal. p. 755, et Anthol. Pal., t. II, p. 795, Append.

[136] Aug, 70. Cf. Weichert, de Cassio, p. 275 sqq.

[137] Weichert, Reliq. poet, p. 161.

[138] Weichert, l. c., de Horatii obtrectatoribus, § 6, p. 308 sqq.

[139] Ecloga III, 90, et les interprètes sur ce passage.

[140] Hiéron, in Euseb. Chron. ol. CLXXXIV, 1.

[141] Voy. Bothe, Poet. scen. fragm. t. II, p. 202 sqq.

[142] Pline, Hist. nat. VIII, 51. Sur les rapports de Labérius et de son successeur, Macrobe, Saturn. II, 7 ; :et sur le caractère général des mimes, Ovide, Tristes, II, 497 sqq.

[143] Suétone, Claude, 11 ; Caligula, 3.

[144] Voy. le Mithridates d’Adelung, t. II, part. 1. Leipzig, 1817.

[145] Dodwell, Annales Velleiani, Quintilianei, etc. Oxford, 1698, in-8° ; Morgenstern, de Fide hist. V. P., in primis de adulatione ei objecta, Gedani, 1798, in-4°, réimprimé dans l’editio major de Krause, à Leipzig, en 1800, et dans l’édition de Frotscher, en 1830 ; Krause, Notitia litteraria, dans les deux éditions de 1800 et de 1803, et dans celle de Lemaire, Paris, 1852 ; H. Sauppe, in Schweizer. Museum für histor. Wissensch. Frauenfeld, 1837, t. I.

[146] Porphyre ad Horat., Sat I, 3, 82.

[147] Tacite, Ann. III, 75.

[148] Krause in éd. Lemaire, p. XLIII.

[149] Voy. aussi l’abbé Tilladet, dans une assez faible comparaison des récits de Velleius et de Tacite sur Le règne de Tibère, t. II des Mémoires de l’Acad. des inscr. et belles-lettres.

[150] Semper magnæ fortunæ comes adest adulatio. Velleius, II, 102.

[151] II, 86. Cf. 74 : La colère des soldats plus que la volonté du général fit traiter cruellement les habitants de cette ville (Pérouse) qui fut brûlée.

[152] II, 64, où la participation d’Octave au meurtre de Cicéron est très habilement dissimulée. Cf. 66, une digression emphatique contre Antoine. Au chap. 71, la clémence d’Octave envers Messala est opposée à la rigueur d’Antoine contre Varron.

[153] I, 14. Cf. II, 48, 53, 55, 96, 99, 103, 107, 108, 114.

[154] Je néglige, comme simplement puériles, ses allocutions au consul Vinicius, et son attention à relever çà et là dans son récit toutes les actions qui honoraient cette famille. Voy., par exemple, II, 72, 96, 103, 104.

[155] On sait que Velleius n’est cité que deux fois au plus dans tout l’espace de temps qui le sépare de son premier éditeur Rhénanus (Priscien, VI, 11, p. 259, Krehl. Cf. Schol. Lucan. IX, 178).

[156] Voy. M. Daunou, Cours d’études historiques, IV, p. 211.

[157] Opinion du président Hénault.

[158] Jugements sur les anciens historiens, article Velleius Paterculus. Thomas (Essai sur les éloges, c. 13) est beaucoup plus sévère, mais peu exact, au sujet de Velleius. Le jugement de la Harpe est bref et plein de goût ; il se termine ainsi : Une circonstance particulière distingue cet abrégé. L’auteur y adresse souvent la parole à Vinicius son parent, et parait avoir écrit pour lui. Cette forme, peu usitée dans l’histoire, a été suivie par Voltaire dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, adressé à une femme célèbre, que son esprit et ses connaissances rendaient très-digue de cet hommage. Si je ne me trompe, c’est à peu près ce qu’on a voulu dire, quand on a récemment signalé en Allemagne, comme une découverte, la subjectivité qui caractérise l’ouvrage de Velleius Paterculus. Après tout, que la personne de l’historien figure un peu plus ou un peu moins dans son livre, nous ne voyons pas qu’en définitive la critique historique ait à modifier le jugement qu’elle en portera.

[159] Voy. Suétone, de Illustr. gramm., 10.

[160] Plutarque, Brutus, 4.

[161] Cicéron, ad Att. XII, 5 ; XIII, 8.

[162] XI, 11, § 4. Cf. Tiraboschi, Storia della lit. ital. II, p. 124. Voyez aussi, VIII, 9, § 3, un autre exemple de basse adulation. Un savant compilateur du moyen âge, Vincent de Beauvais (Speculum historiale, IV, 123), place Valère-Maxime sous le règne même d’Auguste, croyant avoir lu, dans le huitième ou dans le neuvième livre du recueil, la phrase suivante : Divus Augustus, qui nunc imperat. Il ne savait pas que l’épithète divus ne peut s’accorder avec l’adverbe de temps nunc, puisque les empereurs ne recevaient ce titre qu’après leur mort. On voit en effet que Vincent avait mal compris ou mal lu le passage du livre IX que nous citons plus bas, note 167.

[163] IX, 4, § 4 ; III, 8, § 8 ; V, 1, § 11 ; IX, 13, § 3 ; IV, 7, §§ 4 et 6.

[164] V. Max. V, 3, § 4, sur Popilius, l’assassin de Cicéron. Cf. Sénèque, Suasoria, 6 et 7 ; Controvers. 17, 18, 19.

[165] Témoin l’imitation qu’en a faite, après bien d’autres, le patriarche Nicolas de Hanapes. Voy. la notice de M. V. Le Clerc sur cet écrivain, t. XX de l’Histoire littéraire de France, p. 64-76.

[166] I, 7, § 7. Cf. Weichert, de Cassio Parmensi, p. 249 sqq.

[167] Numen Augusti etiam nunc terras regentis, IX, 15, § 3 ; VII, 6, § 6 : Augusti cura tutelæ tunc terrarum vacans. (Cf. Tacite, Ann. 1, 73 ; Horace, Épist. II, 1, 16). Voyez aussi, VII, 7, § 3 et 4, deux exemples de l’autorité arbitraire et vraiment monarchique d’Auguste dans certaines affaires litigieuses.

[168] Bæhr, Gesch. der rœm. Lit., § 206.

[169] Voyez sur ce point les recettes de M. de Saint-Simon, Mémoires, t. II, p. 301 ; t. V, p. 288.

[170] Suétone, Caligula, 10 ; Tacite, Ann. V, 1.

[171] Orelli, n. 2933, 1319.

[172] Gori, Columb. n. 67.

[173] Gori, ibid. p. 124.

[174] Ostiarius, Gori, Columb, n. 29.

[175] Pedisequi, Gori, ibid. p. 101.

[176] Gori, ibid. n. 81.

[177] Gori, ibid. n. 98.

[178] A sede Augusiœ, Gori, ibid. n. 98.

[179] A sacrario divi Augusti, Gori, n. 107, p. 147.

[180] Hist. nat. XXXV, 7 ; passage qui pourrait toutefois s’appliquer à un troisième Antistius, fils de celui que nous mentionnons ici.

[181] Gruter, p. 396, I ; Donius, V, 174.

[182] Voy. Orelli, n. 781, 3128, 3665 ; Tacite, Ann. XII, 45 ; XIV, 26 ; Pline, Épist. VI, 11 ; VII, 24 ; Maffei, Istor. diplom. p. 36 ; Morcelli, de Stilo inscr. n. 236, 313 ; Massmann, Libellus aurarius, p. 14, 15, Lips., 1840, in-4°.

[183] Orelli, p. 622, 6841,723o 750. Cf. Velleius, II, 112 ; Dion, 55, 34 ; 56, 12.

[184] Maffei, Antiq. Gall. p. 5.

[185] Tacite, Ann. IV, 66. Cf. Weichert, de Vario et Cassio, p. 131, 134.

[186] Tacite, Ann. III, 30. Cf. Sénèque, de Clem. 1, 10.

[187] O. Kellermann, Viq. rom. append. n. 6.

[188] Pline Jun., Ep. III, 5. Cf. VII, 17. Pline, H. n., XIII, 26 ; XIV, 6 ; XVI, 4. Tacite, Ann. III, 11, 19 ; V, 8 ; XII, 28.

[189] Inscript. dans Fabretti, Synt. de col. Traj. p. 197.

[190] Pline, H. n. VIII, 49, où l’on peut recueillir plusieurs autres exemples de longévité qui se rapportent à la même période.

[191] Cf. Suet., Aug. 41 ; confirmé par une curieuse inscription de Fabretti, p. 235, n. 619.

[192] Tome X du recueil de l’Académ. des Inscript. et Bell.-lettres.

[193] V. Vossius, de Hist. græc., II, 7.

[194] Morcelli, de Stilo inscript., I, p. 436, et Orelli, n.639.

[195] V. Reimar, ad Dion. C. lib. 47, not. 209.

[196] Bœckh, n. 367, 2283, 3285.

[197] Fabretti, c. X, n. 224. Orelli, n. 4046, et notre Appendice sur les Augustales, § 5.

[198] Id. p. 73, n. 69.

[199] Gori, Columb. II. 116 sqq. Cf. Sillig. Catal. actif. au mot Agathopus.

[200] Gori, II, 127.

[201] Guarini, Fasti duumv. della col. di Pomp., Naples, 1842, p. 120 et 134.

[202] Bœckh, Corpus inscr. gr. n. 418.

[203] Orelli, n. 2446. Inscription que l’on complète sans hésiter en comparant Gori, Columb. p. 73.

[204] Reinesius, Syntagma, X, 3, d’après Pighius ; Muratori, Aesaurus, p. 298, 3, d’après une autre copie dont l’examen prouve que le texte de Reinesius était interpolé.