TRADUCTION.[1] I. En l’année 401 de l’ère arménienne ( II. En l’année 407 (1er avril 958 - III. L’an 408 (1er avril 959 - IV. En l’année 410 ( V. Cette même année, le général des Arméniens[17] réunit le corps des troupes régulières,[18] qui comptait 5,000 hommes d’une bravoure éprouvée, et l’élite de l’armée royale. Tous les satrapes d’Arménie se rendirent auprès du saint patriarche Ananie,[19] afin de s’entendre avec lui pour donner l’onction royale à Aschod, père de Kakig,[20] comme on l’avait conférée à ses aïeux ; car ce prince ne s’était pas encore assis sur le trône d’Arménie et n’avait pas placé la couronne sur sa tête. VI. Ils appelèrent, en le pressant par de vives instances,
l’éminent seigneur Jean (Ohannès), catholicos des Agh’ouans (Albanie),[21] et quarante
évêques avec lui. Ils convoquèrent aussi, avec une pompe digne de son rang,
le saint et pieux roi de ce pays, Ph’ilibbê, fils de Kotchazkaz, fils de
Vatchakan, ses prédécesseurs sur le trône.[22] Il y eut alors
une réunion imposante dans la ville d’Ani, qui est aujourd’hui une résidence
royale. Aschod fut sacré comme l’avaient été ses ancêtres, et il monta sur le
trône qu’ils avaient possédé. Toute la nation fut dans la joie en contemplant
la restauration de cette antique monarchie que nos pères avaient vue fleurir.
Mais ce qui charmait tout le monde, c’était la bravoure de Kakig, qui était
un saillant guerrier. A cette époque eut lieu le dénombrement de ses troupes,
qui se montaient à 100.000 hommes tout équipés, et qui s’étaient illustrés
par leurs prouesses ; car, semblables à des lionceaux ou à des aiglons, ils
ne respiraient que les combats. Tous les souverains des pays voisins, celui
des Aph’khaz,[23]
des Grecs,[24]
des Babyloniens[25]
et des Perses,[26]
ayant appris l’élévation d’Aschod, lui envoyèrent, avec des protestations d’amitié,
des présents considérables comme un témoignage d’honneur rendu au roi d’Arménie.
Après quoi le roi des Agh’ouans, Ph’ilibbê, et le catholicos, le seigneur
Jean, les évêques et les troupes qui les avaient accompagnés, se retirèrent
chargés de cadeaux et comblés de prévenances dans leur pays, où s’élève le
trône de saint Thaddée, qui, avec saint Barthélemy, fut le premier apôtre de Au bout de deux ans mourut l’empereur Romain l’Ancien,[28] laissant deux fils, Basile et Constantin.[29] En l’année 412 ( VII. En l’année 412, un homme digne des derniers châtiments était retenu prisonnier dans une île ; il se nommait Tzimiscès (Tchémèschguig).[37] L’impératrice Théophano, infâme épouse de Nicéphore l’envoya vers lui en secret, et ayant obtenu un ordre de l’empereur, elle le fit sortir de l’île où il était confiné, et venir à Constantinople à l’insu de Nicéphore. Elle se ligua sous main avec lui pour qu’il tuât l’empereur, sous la promesse qu’elle lui fit de devenir sa femme et de lui donnera couronne. Tzimiscès accepta cet le proposition, et un soir que Nicéphore, ce prince pieux, assis sur son trône, lisait à la lueur des flambeaux de cire l’Ecriture sainte, l’impératrice, étant survenue, attacha fortement autour de lui l’épée qu’il avait à son côté. Puis elle alla trouver son complice et lui remit de sa propre main le glaive destiné à trancher la vie du juste. Tzimiscès étant entré furtivement dans la chambre de l’empereur, celui-ci, en le voyant, lui dit : « Chien enragé, que viens-tu faire ici ? » Puis, s’étant levé résolument, il cherchait son épée, mais il s’aperçut qu’elle était liée solidement à sa ceinture. Aussitôt Tzimiscès se précipita sur lui avec la férocité d’une bête sauvage, massacra cet excellent prince et coupa son corps en trois morceaux. Nicéphore, nageant dans le sang, rendit son âme au Christ, victime du plus atroce forfait. On découvrit alors qu’il portait sur la chair nue un cilice que dissimulait la pourpre dont il était revêtu, le sang de l’homme de Dieu rejaillit sur la figure des meurtriers.[38] Il fut enseveli à côté des saints monarques ses prédécesseurs, dans un magnifique sépulcre.[39] L’indigne Tzimiscès, monta sur le trône, s’empara du gouvernement de Constantinople, et soumit tout l’empire a son autorité. Il éloigna en toute hâte d’auprès de l’infâme impératrice les fils de Romain, Basile et Constantin, et les fit conduire à Vaçag-avan (bourg de Vaçag), dans le district de Hantzith,[40] auprès, de Sbramig, la mère du grand Mékhithar, afin de les soustraire au danger d’être empoisonnés. Le crime dont il s’était rendu coupable l’avait plongé dans une grande tristesse, et le livrait sans repos à de cuisants remords. VIII. Vers le commencement de l’année 420 ( IX. Aschod reçut de Sénékhérim des troupes ; puis il alla
vers Kourkên, roi d’Antzévatsik’ ;[45] de là il vint, à
la tête de cette armée, à la montagne de Varak, au couvent de la
Sainte-Croix,[46]
et se prosterna devant le signe vénéré qui a porté Dieu, et devant l’image de
X. Dans ce temps là, Apas[52] fut investi à Gars (Kars) de la puissance souveraine, par la volonté du chef de sa famille, Kakig, roi d’Arménie, ainsi que Kourkên,[53] chez les Agh’ouans. Car l’un et l’autre étaient princes du sang royal, et relevaient de la maison de Schirag. Quant à Aschod, il ne parvint jamais de sa vie à entrer dans la ville d’Ani. A cette époque, un certain Abirad, fils de Haçan, lequel était un des satrapes les plus considérables de l’Arménie, redoutant le roi Jean, parce qu’il s’était ligué précédemment avec Aschod,[54] cessa de reconnaître l’autorité du roi, et rompant avec lui, se retira dans la ville de Tévïn, auprès d’Abou’lséwar (Abousevar),[55] général perse, avec 12.000 cavaliers. Celui-ci fit pendant longtemps grand cas d’Abirad, mais ensuite il se trouva des gens qui lui tinrent de mauvais propos sur son compte, en lui faisant entendre que si un aussi redoutable guerrier était venu le trouver avec des troupes nombreuses, c’était pour le perdre, lui et toute la nation des musulmans. L’émir ayant alors conçu dans son cœur de la haine contre le prince arménien, le manda en secret de ses troupes, sous prétexte d’avoir un entretien amical avec lui, et le fit périr. Sari, qui était général en chef d’Abirad, ayant ramené la femme et les enfants de ce prince, ainsi que sa cavalerie, s’en vint à Ani. Jean déplora amèrement la mort si peu méritée d’Abirad, ce héros renommé dans toute l’Arménie, et donna à ses fils Abeldchahab et Vaçag, ainsi qu’à Sari, et à leurs troupes, la province et les dignités dont avait joui Abirad. XI. A cette époque, le roi des Dilémites (Théloumni),[56] ayant réuni ses
troupes, vint fondre inopinément sur le district arménien de Nik, et arriva
non loin de la forteresse de Pedchni.[57] Vaçag,[58] généralissime
des Arméniens, était assis en ce moment à un grand banquet avec son fils
bien-aimé Grégaire (Krikor), et d’autres nobles de haut rang. Comme il jetait
les yeux sur les endroits scabreux de la route, il aperçut un homme arrivant
en toute hâte par la partie du chemin que suivaient les piétons. Aussitôt il
se mit à dire : «Voici un porteur de mauvaises nouvelles. » Et, en effet, cet
homme étant parvenu à l’entrée de la forteresse de Pedchni, se mit à crier d’une
voix lamentable : «Tout le district de Nik est en proie à l’ennemi ! »
Aussitôt le brave Vaçag, rugissant comme un lion, se leva et revêtit sa cotte
de mailles, et après lui sept nobles, ainsi que le reste de la cavalerie, au
fur et à mesure qu’ils arrivaient. Le corps de la noblesse s’arma à l’imitation
de Vaçag, et on vit aussi accourir le vaillant et illustre Ph’ilibbê et
Georges (Kork) Tchordouanel, ainsi que d’autres, tous pleins de bravoure et
accoutumés à vaincre dans les combats. Vaçag ne put résister à son ardeur et
attendre que ses troupes fussent toutes réunies, car il avait 5.000 hommes
sous ses ordres. Comme son courage allait jusqu’à l’orgueil, il partit avec
500 hommes seulement, et, comme un lion furieux, se jeta dans le district de
Nik. Il avait confié à son fils Grégoire la garde de sa famille et de la
forteresse de Pedchni. Vaçag, arrivé à un couvent, communia avec tous ses
soldats, après avoir fait tous une sincère et humble confession de leurs
péchés. Sur leurs pas, ils rencontrèrent un village dont tous les habitants
avaient été exterminés par les infidèles. Ceux-ci ayant cerné l’église,
passèrent impitoyablement au fil de l’épée les chrétiens qui s’y trouvaient
renfermés. A cette vue, Vaçag fit entendre un cri terrible comme celui du
lion, et s’élançant sur les infidèles avec les siens, il en tua 300. Le
reste, prenant la fuite, se replia précipitamment sur le corps de l’armée ennemie,
qui s’avança aussitôt contre les chrétiens. En voyant se dérouler à leurs
yeux ces innombrables bataillons, ceux-ci résolurent tous de mourir, et
firent des prodiges de valeur. Tels que des loups au milieu des chèvres, ou
des aigles fondant sur une troupe d’oiseaux, ils se précipitèrent avec
intrépidité sur les rangs de l’ennemi, et, frappant de tous côtés, firent
mordre la poussière à un grand nombre. En ce moment un guerrier sortit du
milieu des bataillons des infidèles. C’était un noir,[59] homme
redoutable, que l’on nominait Sept-Loups, parce qu’il faisait des
ravages, à lui seul, comme sept de ces animaux à la fois au milieu d’un
troupeau de moutons, Il était même plus terrible dans les combats. Ce noir
marchait pareil à une nuée ténébreuse qui retentit des grondements du
tonnerre ; il faisait jaillir le feu de sa cuirasse. Il cherchait et appelait
à haute voix Vaçag. Le brave Emran[60] le vit qui s’avançait
comme une montagne ébranlée par XII. Vaçag, resté seul, se jeta comme un lion furieux au milieu des rangs des infidèles, et les traversa. Épuisé par la lutte qu’il avait soutenue, il se dirigea vers la montagne de Serguévéli,[61] et voulant se reposer, il s’assit à l’ombre des rochers. Les paysans qui s’étaient enfuis l’ayant aperçu, l’un d’eux, semblable à Caïn le meurtrier, s’approcha, et l’ayant trouvé endormi de lassitude, le poussa vivement et le lança du haut d’un rocher élevé. Telle fut la fin du brave Vaçag le Bahlavouni. XIII. Voici ce qui arriva en l’année 421 (28 mars 972-27
mars 973). Le général des Romains,[62] le Grand
Domestique Mleh,[63] marcha avec des
forces considérables contre les musulmans, et, dans une foule de rencontrés,
les vainquit par le secours du Christ. S’étant avancé contre la ville de
Mélitène, il fit endurer aux habitants un blocus rigoureux qui leur
interceptait les vivres et l’eau, et qui les contraignit à se rendre. Fier de
ce succès, il vint mettre le siège devant Tigrane (Dikranaguerd), ville
nommée aussi Amid, et qui est située sur le Tigre (Otkgh’ad).[64]
Les musulmans firent une sortie, et un grand combat s’engagea aux portes de XIV. A cette époque, les princes arméniens du sang royal, les nobles, les satrapes et les principaux seigneurs de la Nation orientale,[67] se réunirent auprès du roi Aschod le Bagratide.[68] Dans le nombre étaient Ph’ilibbê, roi de Gaban[69] le roi des Agh’ouans, Kourkên[70] Apas, seigneur de Gars’,[71] Sénék’érim, seigneur du Vasbouragan[72] Kourkên, seigneur d’Antzévatsik’[73] ainsi que toute la Maison de Saçoun.[74] Ils établirent leur camp dans le district de Hark,[75] au nombre de 80,000 hommes environ. Des envoyés de l’empereur, étant venus vers eux, virent toute la nation arménienne réunie sous les armes, dans un même lien. Ils revinrent en faire part à Tzimiscès, et partirent accompagnés de Léon le Philosophe,[76] du prince Sempad Thornetsi,[77] ainsi que d’autres personnages, évêques ou docteurs, députés par les chefs arméniens. Ces envoyés établirent paix et alliance fcnlre l’empereur et Aschod. Tzimiscès, à la tête d’une armée immense, se mit en marche et arriva en Arménie dans le district de Darôn. Parvenu à Mousch,[78] il s’arrêta devant la forteresse d’Aïdziats.[79] La première nuit, l’armée romaine fut vivement inquiétée par les fantassins de Saçoun. Les chefs et les docteurs arméniens, s’étant rendus auprès de Tzimiscès, lui présentèrent la lettre de Vahan,[80] catholicos d’Arménie. Il reçut ce message et ceux qui en étaient chargés avec bienveillance et une haute distinction, et confirma le traité d’amitié qu’il avait fait avec les Arméniens. Ayant demandé que les troupes d’Aschod se joignissent aux siennes, ce prince lui fournit un corps de dix mille Arméniens des plus braves, tout équipés. Il réclama aussi des vivres et des provisions qu’Aschod lui donna ; après quoi il renvoya vers le roi d’Arménie le docteur Léonce, les évêques et les chefs arméniens, comblés de marque de sa munificence. XV. Tzimiscès, que l’on nommait aussi Kyr[81] Jean, porta la guerre contre les musulmans, et se signala par d’éclatantes victoires, marquant son passage en tous lieux par l’extermination et l’effusion du sang. Il détruisit jusqu’aux fondements trois cents villes ou forteresses, et arriva jusque sur les limites de Bagdad. Toutefois il épargna Édesse, par considération pour les moines qui habitaient la montagne voisine et le territoire d’alentour, au nombre d’environ dix mille. Puis il s’avança contre Amid, en proie à un violent ressentiment. Cette ville appartenait à une femme qui était la sœur de Hamdan (Hamdoun),[82] finir musulman, et avec laquelle Tzimiscès avait eu autrefois un commerce criminel. Ce souvenir retint les efforts qu’il aurait pu faire pour se rendre maître d’Amid. Cette femme, s’étant présentée sur le rempart, fit entendre à l’empereur ces paroles : « Eh quoi ! tu viens faire la guerre à une femme, sans songer que c’est une honte pour toi ! » Tzimiscès lui répondit : « J’ai fait serment de ruiner les remparts de ta ville ; mais les habitants auront la vie sauve. » — « Puisqu’il en est ainsi, reprit-elle, va détruire le pont qui s’élève sur le Tigre, et de cette manière tu accompliras ton serment. » L’empereur suivit ce conseil. Il emporta d’Amid de grosses sommes d’or et d’argent, mais n’entreprit aucune attaque, à cause de cette femme, et aussi parce qu’il était originaire du district de Khozan,[83] d’un lieu que l’on appelle aujourd’hui Tchemeschgâdzak. Elle était aussi de ce pays, car dans ce temps-là les musulmans avaient soumis un grand nombre de contrées. L’empereur les traversa en faisant coder des torrents de sang, et parvint jusqu’aux confins de Bagdad. Après les avoir parcourues dans tous les sens, en pénétrant jusque dans l’intérieur, il se dirigea vers Jérusalem,[84] et écrivit à Aschod, roi d’Arménie, une lettre ainsi conçue :[85] XVI. « Aschod, Schahinschah[86]
de « Au commencement d’avril, mettant sur pied toute notre cavalerie, nous nous sommes mis en campagne, et nous sommes entrés dans la Phénicie et la Palestine, à la poursuite des maudits Africains, accourus dans la contrée de Scham (Syrie). Nous sommes partis d’Antioche avec toute notre armée, et, avançant directement, nous avons traversé le pays qui autrefois nous appartenait, et nous l’avons rangé de nouveau sous nos lois, en lui imposant d’énormes contributions et en y faisant des captifs. Arrivés devant la ville d’Emèse,[90] les habitants de la contrée, qui étaient nos tributaires, sont venus à nous et nous ont reçus avec honneur. De là nous avons passé à Balbek, qui porte aussi le nom d’Héliopolis, c’est-à-dire la Ville du soleil, cité illustre, magnifique, bien approvisionnée, immense et opulente. Les habitants étant sortis dans des dispositions hostiles, nos troupes les mirent en fuite et les firent passer sous le tranchant du glaive. Au bout de quelques jours nous commençâmes le siège et nous leur enlevâmes une multitude de prisonniers, jeunes garçons et jeunes filles. Les nôtres s’emparèrent de beaucoup d’or et d’argent, ainsi que d’une grande quantité de bestiaux. De là, continuant notre marche, nous nous dirigeâmes vers la grande ville de Damas, dans l’intention de l’assiéger ; mais le gouverneur, qui était un vieillard très prudent, envoya à Notre Royauté des députés apportant de riches présents, et chargés de nous supplier de ne pas les réduire en servitude, de ne pas les traîner en esclavage, comme les habitants de Balbek, et de ne pas ruiner le pays, comme chez ces derniers. Ils vinrent nous offrir de magnifiques présents, quantité de chevaux de prix et de beaux mulets, avec de superbes harnais ornés d’or et d’argent. Les tributs des Arabes, qui s’élevaient en or à 40.000 tahégans,[91] furent distribués par nous à nos soldats. Les habitants nous remirent un écrit par lequel ils promettaient de rester sous notre obéissance de génération en génération, à jamais. Nous établîmes, pour commander à Damas, un homme éminent de Bagdad, nommé Thourk (le Turc), qui était venu, accompagné de cinq cents cavaliers, nous rendre hommage, et qui embrassa la foi chrétienne. Il avait déjà, auparavant, reconnu notre autorité. Ils s’engagèrent aussi, par serment, à nous payer un tribut perpétuel, et ils crièrent : Honneur à Notre Royauté ! Ils s’obligèrent en même temps à combattre nos ennemis. A
ces conditions, nous consentîmes à les laisser tranquilles. De là, nous nous
dirigeâmes vers le lac de Tibériade, là où Notre Seigneur Jésus-Christ, avec
deux poissons[92]
[et cinq pains d’orge], fit son miracle. Nous résolûmes d’assiéger cette
ville ; mais les habitants vinrent nous annoncer leur soumission, et nous
apporter, comme ceux de Damas, beaucoup de présents et une somme de 30.000
tahégans, sans compter les autres objets. Ils nous demandèrent de placer à
leur tête un commandant à nous, et nous donnèrent un écrit par lequel ils s’engageaient
à nous rester fidèles et à nous payer un tribut à perpétuité. Mais nous les
avons laissés libres du joug de la servitude, et nous nous sommes abstenus de
ruiner leur ville et leur territoire. Nous leur avons épargné le pillage,
parce que c’était la pairie des saints apôtres. Il en a été de même de Nazareth,
où la mère de Dieu, « Nos conquêtes se sont étendues jusqu’à la grande Babylone,[104] et nous avons dicté des lois aux habitants, et nous les avons faits nos esclaves ; car pendant cinq mois nous avons parcouru le pays avec des forces nombreuses, détruisant les villes, ravageant les provinces, sans que l’Emir el-mouménïn osât sortir de Babylone à notre rencontre, ou envoyer de la cavalerie au secours de ses troupes : et si ce n’eût été la chaleur excessive et les routes, dépourvues d’eau dans les lieux qui avoisinent cette ville, comme Ta Gloire doit le savoir, Notre Royauté serait arrivée jusque-là ; car nous avons poursuivi ce prince jusqu’en Egypte, et nous l’avons complètement vaincu, par la grâce de Dieu, de qui nous tenons notre couronne. « Maintenant toute la Phénicie, la Palestine et la Syrie
sont délivrées de la tyrannie des musulmans, et obéissent aux Romains. En
outre, la grande montagne du Liban a reconnu nos lois ; tous les Arabes qui l’occupaient
sont tombés captifs entre nos mains en nombre très considérable, et nous les
avons distribués » à nos cavaliers. Nous avons gouverné l’Assyrie avec
douceur, humanité et bienveillance Nous en avons retiré environ vingt mille
personnes, que nous avons établies à Gabaon. Tu sauras que Dieu a accordé aux
chrétiens des succès comme jamais nul n’en avait obtenu. Nous avons trouvé, à
Gabaon, les saintes sandales du Christ, avec lesquelles il a marché lorsqu’il
parut sur la terre,[105]
ainsi que l’image du Sauveur qui, dans la suite des temps, avait été
transpercée par les Juifs, et d’où coula, à l’instant même, du sang et de l’eau
; mais nous n’y avons pas aperçu le coup de lance. [Nous trouvâmes aussi,] dans
cette ville, la précieuse chevelure de saint Jean-Baptiste le Précurseur.[106]
Ayant recueilli ces reliques, nous » les avons emportées pour les conserver
dans notre ville, que Dieu protège. Au mois de septembre, nous ayons conduit
à Antioche notre armée sauvée par sa toute puissante protection. Nous avons
fait connaître ces faits à Ta Gloire, afin que tu sois dans l’admiration en
lisant ce récit, et que tu glorifies, de ton côté, l’immense bonté de Dieu ;
afin que tu saches quelles belles actions ont été accomplies dans ce
temps-ci, et combien le nombre en est grand. La domination de « A Anaph’ourdên[107] Léon, protospathaire de Terdchan,[108] gouverneur militaire de Darôn, salut et joie en notre Seigneur ! Nous avons appris que tu n’as pas remis la forteresse d’Aïdziats, comme tu l’avais promis. Nous avons écrit à notre commandant de ne pas l’occuper, et de ne pas prendre les mulets que tu étais convenu de livrer, parce que maintenant nous n’en avons plus besoin ; mais les 40.000 oboles[109] que nous avons envoyées, fais les porter à notre commandant, qui les transmettra à Notre Royauté. Tu obtiendras la récompense de tes travaux et une moisson proportionnée à ce que tu auras semé : tous les biens possibles, au fur et à mesure que tu les auras mérités. Tzimiscès écrivit aussi au docteur arménien Léonce, en ces termes : « A notre agréable et bien-aimé philosophe, l’illustre Pantaléon, salut ![110] Nous t’avons invité à te trouver, à notre retour de l’expédition que nous avons entreprise contre les musulmans, dans notre ville saille et bénie. Lorsque tu vins à nous de la part d’Aschod Schahinschah, mon fils spirituel, tu apaisas le ressentiment qu’il nous avait inspiré, et tu amenas Bab, le Bagratide, du district d’Antzévatsik, ainsi que Sempad Thornetsi, le protospathaire. Tu feras tous des efforts pour que nous te trouvions dans notre ville gardée par Dieu, et là nous célébrerons des fêtes solennelles en l’honneur des sandales du Christ, notre Dieu, et de la chevelure de saint Jean-Baptiste. Je serai enchanté, surtout, de te voir entrer en conférence avec nos savants et nos philosophes, et nous nous réjouirons en vous. Que Dieu soit avec nous et avec, vous, et Jésus-Christ avec ses serviteurs ! ». Lorsque le docteur Léonce eut connu la volonté de l’empereur, il partit pour Constantinople. Des fêtes magnifiques eurent lieu en l’honneur des sandales de Dieu et de la chevelure du saint Précurseur. L’allégresse fut générale dans la cité impériale. Notre docteur arménien soutint des controverses en présence de l’empereur, avec tous les savants de cette ville, et se montra invincible dans son argumentation, car il répondit à toutes les questions d’une manière qui satisfit tout le monde. Il fut comblé d’éloges, ainsi que le maître de qui il tenait ses doctrines, et gratifié, par l’empereur, de cadeaux très précieux ; puis, tout joyeux de cette réception, il s’en retourna en Arménie, vers l’illustre Maison de Schirag.[111] XVII. Après un grand nombre de combats livrés et de victoires remportées, Tzimiscès fut tout à coup saisi de la crainte de la mort et de la frayeur des terribles jugements de Dieu, lise rappelait, dans ses réflexions, la mort injuste du vertueux Nicéphore, et son sang innocent versé par lui. Plongé dans une douleur profonde, il pleurait et poussait des soupirs. Alors il résolut d’adopter une vie sainte, pour parvenir, si c’était possible, à racheter, à force de repentir, le meurtre qu’il avait commis. Il y avait cinq ans seulement qu’il était sur le trône. Tandis qu’il était dans ces pensées, il lui vint une bonne inspiration, conforme aux volontés de Dieu. Il envoya à Vaçagavan, dans le district de Hantzith, et en fit ramener Basile et Constantin, fils de l’empereur Romain, ces deux princes qu’il avait envoyés précipitamment auprès de Sbramig, à cause de la crainte que lui inspiraient pour eux la perversité et la cruauté de l’impératrice [Théophano]. Lorsque Basile fut arrivé à Constantinople, Tzimiscès rassembla tous les grands de l’empire, et une réunion imposante eut lieu dans son palais. Ayant pris de ses propres mains la couronne qui était sur sa tête, il la plaça sur celle de Basile, le fit asseoir sur le trône et se prosterna la face contre terre devant lui. Après avoir remis à ce prince les rênes du gouvernement, et lui avoir rendu le trône de ses pères, il se retira dans le désert, et embrassa la vie monastique dans un couvent où il établit sa résidence. Celui donc qui hier encore était revêtu de la pourpre se trouvait maintenant le commensal des pauvres, dont il avait adopté l’humble condition, jaloux de mériter ainsi la béatitude promise par le saint Evangile, et d’acquitter la dette que lui imposait son crime envers l’innocent Nicéphore.[112] XVIII. Ce fut vers le commencement de l’année 424 ( XIX. A cette époque, les troupes arméniennes de la
province d’Antzévatsik’ éprouvèrent un échec dans le campement qu’elles
occupaient. Ce fut la trahison d’un homme, brave d’ailleurs, qui en fut la
cause.[114]
Le roi d’Antzévatsik’, Térénig, l’ayant dépouillé du commandement de ses
troupes, quoique ce fût un militaire plein de courage, le remplaça par un de
ses nobles, nommé Sarkis. Abelgh’arib, profondément blessé, se mit d’intelligence
avec les infidèles, et leur découvrit les moyens de surprendre les Arméniens,
leur promettant en même temps de ne pas s’y opposer. « Fondez sur notre camp,
leur dit-il, pendant XX. Ce jour même les moines de Varak et de tous les couvents lancèrent de terribles malédictions contre Abelgh’arib. Les ermites et les cénobites, se soulevant dans leur indignation, l’excommunièrent et le rejetèrent du sein de l’Eglise. Cependant Abelgh’arib, rentrant en lui-même, pleura ; car c’était un homme loyal au fond et craignant Dieu. Il regretta amèrement d’avoir causé l’effusion du sang de tant de braves. Alors il s’informa de la forteresse dans laquelle était
détenu le roi à Her. On lui apprit qu’Abou’lhadji (Abel hadji)[116] avait délivré
Térénig de ses chaines, et qu’à toute heure du jour il allait jouer à la
paume[117]
dans le meïdan (place publique), en dehors de Au commencement de l’année 425 ( XXI. Un des grands de l’empire grec, homme scélérat, se révolta contre l’empereur Basile. On le nommait Skléros (Sguélaros).[120] Ayant rassemblé une bande de malfaiteurs et de brigands, il leur faisait parcourir, le glaive à la main, les terres de la domination romaine. A la tête d’une nombreuse armée, il pénétra sur le territoire arménien. Cet homme abandonné de Dieu y fit des massacres incalculables. Les Arméniens ayant marché contre lui, le battirent complètement, taillèrent ses troupes en pièces et les mirent en fuite. Dès lors il n’osa plus revenir dans le pays des Romains ; mais se tournant du côté des musulmans, il se rendit à Bagdad. Après y avoir séjourné trois ans, il quitta cette ville et vint mourir sur les terres de l’empire, parmi ses compatriotes. L’année 432 ( XXII. Sous le règne de ces princes, le maudit et exécrable tyran des Perses, Mamlan, amirabed des infidèles,[123] se mit à la tête de ses troupes. Dans sa férocité et sa cruauté brutale, s’élançant comme un dragon altéré de sang, il marcha contre les fidèles du Christ, avec la pensée de répandre l’extermination dans le monde. Il s’avança à la tête d’une formidable armée, qui couvrait de ses bataillons innombrables les montagnes et les plaines. En proie à la terreur qu’inspirait ce mécréant, toute la terre tremblait. Il saccagea par le fer et le feu un grand nombre de pays, et brûla les églises, qu’il privait ainsi des bénédictions divines. Il ne cessait de proférer des blasphèmes contre le ciel et contre le Très-haut. Quel spectacle que celui des chrétiens désespérés et anéantis par la terreur que leur causait cette bête cruelle ! car sa fureur atroce se répandait sur eux comme une bile pestilentielle. Il arriva avec cette immense armée dans le district d’Abahounik’, au pays de David (Tavith) le curopalate, prince des Géorgiens.[124] Il écrivit à ce pieux et saint homme une lettre remplie des plus horribles menaces et conçue en ces termes : Que personne ne t’abuse, ô toi, David, homme exécrable, scélérat, et pourri de vieillesse ; car si tu ne nous envoies pas immédiatement le tribut de dix années, et en otage les fils de tes nobles, avec un écrit où tu te reconnaîtras notre esclave, je marche aussitôt contre toi avec toutes mes forces ; et qui pourra alors te sauver de mes mains ? car je te ferai subir les plus cruels châtiments, ô immonde et scélérat vieillard. » C’est ainsi qu’il faisait retentir contre David le tonnerre de ses épouvantables menaces. Lorsque ce prince eut lu cette lettre, frappé des affreuses paroles qu’elle contenait, il la jeta hors de son palais, et fondant en larmes devant Dieu, il lui adressait ces supplications : « Suscite, ô Seigneur, disait-il, suscite tes armées, et rappelle-toi comment tu traitas Rabsacés et Sennachérib, cet impie, souverain de l’Assyrie,[125] car celui-ci profère d’aussi épouvantables blasphèmes. Mon Seigneur, ô Jésus-Christ, ne détourne pas les yeux des fidèles qui croient à ton saint nom. » Alors il ordonna de rassembler ses troupes, sa noblesse et sa cavalerie. Dans le nombre étaient Vatchê, Devtad, Ph’ers,[126] et les autres troupes de l’Arménie, ainsi que trois mille fantassins armés d’arcs, et deux mille cinq cents cavaliers. L’abominable Mamlan était en ce moment campé dans le pays d’Abahounik’, au village nommé Khôçôns, avec 200.000 hommes. Cependant David s’avança à sa rencontre, après avoir prescrit à tous les siens de se mettre en prières, et d’obtenir le secours de la protection divine à force d’intercessions et de soupirs. Parvenu aux confins de l’Abahounik’, il établit, comme préfet de nuit, un vaillant guerrier nommé Garmeraguel, en lui confiant un corps de 700 cavaliers. De son côté, le prince passa la nuit entière en prières. A la veillée du matin arriva un des infidèles, accompagné de mille chevaux, lequel était le chef de l’armée de Mamlan. XXIII. Le combat s’engagea entre ces deux troupes, quoique
la nuit durât encore. La lune répandait un vif éclat. En ce moment il tomba
un peu de pluie sur les montagnes, qui resplendirent comme la flamme d’un incendie.
Ce spectacle fit croire aux infidèles que là était campée une année immense
de chrétiens, et à l’instant ils prirent tous XXIV. Quelques années après, un exécrable complot fut ourdi contre David, ce prince vénérable. Les grands de sa cour, devenus les émules de Caïn et des autres meurtriers, poussèrent à l’accomplissement de leurs criminels desseins l’archevêque géorgien Hilarion. Celui-ci crucifia Dieu une seconde fois, car il mêla du poison au corps et au sang vivifiants du Christ, et fit du principe du salut un principe de mort. Après la célébration de sa messe homicide, il mit dans la bouche du saint roi une parcelle du mystère ainsi préparée, et cela en présence de Dieu, au milieu de l’église. David s’aperçut aussitôt de ce crime, mais il garda un silence absolu ; il se contenta de prendre du contrepoison pour calmer les douleurs qui le dévoraient. Le cruel Hilarion, persistant avec rage dans son projet infâme, pénétra dans la chambre de David pendant qu’il était profondément endormi, et ayant retiré le coussin qui soutenait sa tête, il le lui plaça sur la bouche ; puis, se précipitant dessus avec force, il l’étouffa et le fit périr dans d’horribles souffrances. Au bout de quelques années, l’empereur Basile, s’étant saisi d’Hilarion, ordonna de lui attacher une grosse pierre au cou, et le fit jeter dans l’océan : il fit éprouver le même sort à ceux des nobles qui avaient été les instigateurs de ce forfait. Ils périrent chargés des malédictions qu’ils avaient si bien méritées. Comme David portait le nom patronymique de l’empereur Basile,[127] ce monarque tira vengeance de ses meurtriers. XXV. L’an 434 ( XXVI. En l’année 435 ( XXVII. Cette même année fut signalée par un tremblement de terre général, et Sainte Sophie s’écroula à Constantinople.[130] A cette époque, l’empereur Basile conçut le projet de ranger les Bulgares sous son obéissance. Il envoya Alusianus,[131] leur souverain, et à tous les chefs qui relevaient de ce dernier, l’ordre de venir se prosterner devant son trône. Mais ils s’y refusèrent. XXVIII. Basile leva des troupes dans toute l’étendue de ses Etats, et, furieux, s’avança rapidement contre les Bulgares, portant partout dans leur pays la ruine et l’esclavage. Alusianus, de son côté, ayant réuni une armée, marcha à la rencontre de Basile. Une grande bataille fut livrée ; le roi des bulgares eut le dessus, et mit en fuite les troupes de Basile jusqu’à Constantinople. Les Bulgares leur enlevèrent un immense butin et une multitude de captifs. Basile, tout honteux, rentra dans sa capitale. Deux ans plus tard, il réunit de nouvelles forces, et marcha contre le roi des Bulgares, afin d’avoir sa revanche. Ayant rencontré les ennemis, il les mit en déroute et les poursuivit vigoureusement. Il ravagea leur pays par la famine, le glaive et l’esclavage. Puis il rentra à Constantinople, tout joyeux de son triomphe. L’an 440 ( XXIX. Cette année, les troupes égyptiennes, que l’on appelle Arabes occidentaux, pénétrèrent sur le territoire d’Antioche, et saccagèrent de fond en comble toute cette province. Les troupes romaines accoururent pour s’opposer à cette invasion. Lorsque les deux armées en vinrent aux mains, ces derniers furent mis en fuite, leurs principaux officiers faits prisonniers et conduits en Egypte.[133] Au bout de deux ans, la puissante nation des Romains vint fondre en nombre considérable sur l’Arménie, et se précipitant sur les fidèles du Christ, les livra impitoyablement à l’extermination et à l’esclavage. Elle apportait partout la mort avec elle, comme un serpent venimeux, et remplit dans cette occasion le rôle des infidèles. Mais aussitôt qu’ils furent entrés en Arménie, les troupes de la noblesse de ce pays se rassemblèrent pour les repousser. Les deux armées s’assaillirent avec fureur ; les braves heurtaient les braves, et le combat dura longtemps sans que la victoire se déclarât pour les uns ou pour les autres. On voyait le sang couler à flots des deux côtés. Cependant la lutte étant devenue encore plus acharnée, les Romains plièrent, et, battus par les Arméniens, s’enfuirent directement dans leur pays, couverts de honte, et échappés à grand’peine à ce désastre. XXX. Cette année, l’émir des musulmans, nommé Longue-Main, vint avec des forces considérables porter la ruine et l’esclavage sur le territoire d’Édesse, et fit un mal immense à cette ville. Ayant traversé le grand fleuve Euphrate, il saccagea, sur la rive orientale, les contrées des Arméniens ; après quoi il s’en revint en triomphe dans le pays des Africains (Aph’riguetsis).[134] XXXI. En l’année 446 ( XXXIL En l’année 449 ( XXXIII. L’an 455 ( A cette époque, de grands troubles s’élevèrent à
Constantinople et dans tout l’empire, par suite de l’erreur dans laquelle
tombèrent les Grecs, à Pâques, au sujet de la célébration du saint jour de XXXIV. Basile, après avoir vaincu les Bulgares et s’être
rendu maître de leur pays, s’en revint à Constantinople dans la joie du
triomphe. Lorsqu’il eut appris les massacres qui avaient eu lieu à l’occasion
du saint jour de Pâques, il appela tous les philosophes et leur demanda la
cause de ce qui s’était passé. Ceux-ci entreprirent, d’après leurs idées
particulières, de tromper l’empereur par différentes raisons, et par une
fausse apologie de leur conduite. Mais Basile démêla ce qu’il y avait d’ambigu
dans leurs réponses, et comprit qu’ils lui en imposaient, et qu’ils étaient
en même temps dans l’erreur. Comme depuis longtemps il avait entendu dire que
les docteurs arméniens étaient très versés dans la science des livres saints,
et qu’il connaissait de nom Joseph (‘Ovseph’), abbé du couvent d’Endzaïouts,[138] et Jean,
surnommé Gozer’n,[139] il écrivit à
Jean, roi d’Arménie, de lui envoyer ces deux docteurs à Constantinople, afin
qu’il apprit d’eux la véritable doctrine, et l’époque exacte de XXXV. Sous le règne de ce prince, et en l’année 452 ( XXXVI. En l’année 460 ( XXXVII. Au commencement de l’année 467 ( XXXVIII. La triste nouvelle de ce désastre étant parvenue au roi Sénékhérim, son fils aîné, David, réunit les troupes de la noblesse arménienne, et s’avança contre le camp des Turcs. Un combat terrible s’engagea entre les deux années. Jusque-là on n’avait jamais vu de cavalerie turque. Les Arméniens, en face de l’ennemi, aperçurent ces hommes à l’aspect étrange, armés d’arcs et ayant les cheveux flottants comme des femmes. Ils n’étaient pas habitués à se prémunir contre les flèches de ces infidèles, et cependant ils les chargèrent avec intrépidité, l’épée nue ; ces braves, s’avançant comme des héros, en massacrèrent un grand nombre. Les Turcs, de leur côté, atteignirent avec leurs flèches beaucoup d’Arméniens. A cette vue, Schabouh[142] dit à David « O roi, retire-toi de devant l’ennemi, car une grande partie des nôtres a été blessée à coup de flèches. Partons et allons revêtir nos armures pour résister aux armes que nous voyons entre les mains des infidèles, et nous garantir de leurs traits. » Mais David, ayant la conscience de son haut rang, et plein de fierté, n’écouta pas les conseils de Schabouh, et s’élança de nouveau au combat. Schabouh, irrité, se précipita sur lui, et le frappant rudement du poing sur les épaules, le força à retourner. Ce Schabouh était un valeureux guerrier, et comme il avait élevé David en qualité de gouverneur, il ne le craignait pas. C’est ainsi qu’il fit revenir le prince sur ses pas, avec ses troupes. S’étant rendus à la ville d’Osdan,[143] ils racontèrent au roi Sénékhérim comment étaient équipés les infidèles. Ce récit affligea tellement ce prince, qu’il cessa de prendre de la nourriture, et s’abandonna, tout pensif, à la plus profonde tristesse. Il passait les nuits entières sans sommeil, occupé sans cesse à l’examen des temps et des paroles des Voyants, oracles de Dieu, ainsi que des saints docteurs. Il trouva consignée dans les livres l’époque marquée pour l’irruption des Turcs, et sut que la destruction et la fin du monde étaient imminentes. Voici les lignes qui s’offrirent à lui dans ses recherches En ce temps-là ils s’enfuiront de l’orient à l’occident,
du nord au Cette même année, où se montra le terrible phénomène dont nous avons parlé précédemment, mourut le saint empereur Basile, après avoir porté le sceptre cinquante-huit ans.[145] Il avait auparavant fait venir son frère Constantin, et de son vivant, lui posant la couronne sur la tête, l’avait fait asseoir sur le trône en se prosternant, la face contre terre, devant lui. Il lui confia l’administration du royaume. Par son testament, il lui recommanda l’Arménie, voulant qu’il traitât ce pays avec un amour paternel. Il appela aussi sa sollicitude sur les fils de Sénékhérim, David, Adom, Abouçahl et Constantin, ainsi que sur tous les grands d’Arménie ; il lui prescrivit aussi de témoigner la plus grande bienveillance aux fidèles du Christ. Baille, après avoir passé sa vie dans la sainteté et la virginité, s’endormit en Jésus-Christ. Il fut enterré à côté des saints monarques ses prédécesseurs, avec les regrets dus au souvenir de ses vertus. XXXIX. Cette même année, mourut Sénékhérim, roi d’Arménie.
Son corps fut transporté dans le tombeau de ses pères, au lieu de la
sépulture de nos anciens souverains, à Varak, dans le couvent de XL. Cette année fut aussi marquée par la mort de Kourki, roi de Géorgie.[147] Il eut pour successeur, son fils Pakrad, lequel fut investi de la domination sur tout le pays. XLI. Constantin, frère de Basile, devenu empereur, se montra bon, pieux, compatissant pour les veuves et les captifs, et enclin à pardonner les offenses des méchants. Aussi fit-il mettre en liberté tous ceux qui avaient été incarcérés ; il ordonna de brûler la prison des condamnés, que Basile avait fait construire, et qu’il avait remplie des grands de l’empire. Car Basile, craignant pour son trône, avait fait étrangler les personnages les plus considérables, et leurs corps étaient pendus là, recouverts de leurs vêtements et attachés par la gorge à des crochets en fer. Ce spectacle arracha des larmes des yeux de Constantin, et il donna l’ordre de les ensevelir, en même temps qu’il fit détruire cette prison. Accusant la cruauté de son frère : Eh ! quoi, s’écria-t-il, la fin de l’homme est toujours
imminente ; pourquoi donc cette mort cruelle, dans le but de préserver une
vie corporelle et passagère ? Constantin gouverna avec des dispositions
pacifiques, et se montra plein de douceur envers les fidèles. Après un règne
de quatre ans,[148] il termina ses
jours dans une foi parfaite en Jésus-Christ ; et laissant après lui une
mémoire vénérée, il alla rejoindre ses pères. Sa mort causa un deuil universel
parmi le peuple, privé d’un si bon prince. Constantin avait donné sa fille, XLII. L’année 479 ( XLIII. Au commencement de l’année 480 (14 mars 1031 - 12
mars 1032), mourut Schebl, émir d’Édesse. Il y avait alors dans cette ville
deux émirs, Schebl et Otheïr (Oudaïr).[153] Des trois
forteresses qui s’élevaient dans son enceinte, deux, ainsi que les deux tiers
de la ville, obéissaient à Schebl ; une forteresse et l’autre tiers
reconnaissaient l’autorité d’Otheïr. Ces deux chefs cherchaient réciproquement
à se faire périr. Un jour, Schebl invita Otheïr à un festin, et le conduisit
hors de la ville, dans un lieu appelé le Couvent d’Ardjédj, là où s’élève une
colonne de pierre en face de la forteresse, sans que l’un soupçonnât les
intentions de l’autre. Schebl donna à ses soldats un signal pour fondre sur
Otheïr, lorsque les troupes de ce dernier, survenant tout à coup,
massacrèrent Schebl. Alors Otheïr, à leur tête, dirigea ses efforts contre la
principale forteresse de Schebl, et voulut sen emparer. Salman, qui en avait
le commandement, était retranché dans la partie supérieure Otheïr r.tta.
vivement ; Salman, réduit à l’extrémité, envoya à Nacer-eddaula, qui était un
des principaux émirs des musulmans, et résidait à Meïafarékïn (Mouph’argh’in),[154] pour lui dire
qu’il lui cédait la forteresse d’Édesse. Nacer-eddaula envoya Bal el raïs[155] à la tête de
mille cavaliers, et fit venir Sabnan et sa femme auprès de lui, en lui
donnant de riches présents. Otheïr, arrêté dans ses attaques, conclut avec
Bal-elraïs une paix simulée, cherchant secrètement les moyens de lui ôter Alors Salman appela Maniacès, et lui fit cession de D’un coup de sa hache d’armes, il l’atteignit à l’épaule ;
puis, avec la rapidité d’un aigle, il courut vers le fossé de la ville et y
sauta, après avoir perdu son cheval, qui avait été criblé de blessures. On
vit arriver en même temps l’émir Saleh[157] d’Alep, Mahmoud
(Memod) de Damas (Temeschg), Mohammed (Mahmêd) de Hêms, Aziz de l’Egypte
(Mesr), Ali de Menbédj, Abdoullah (Abola) de Bagdad, Koreïsch de Mossoul
(Mocel), Nacer-eddaula de Pagh’ésch,[158] Houceïn de Her,
Goudan de Salamasd,[159] Ahi d’Arzoun,[160] Ahvarid de Zepon,[161] Ahlou de
Bassora (Paçara), Vrêan de Guerguécéra,[162] Schahvarid de
Séboun, sans compter quarante autres émirs, lesquels se réunirent contre la
forteresse d’Édesse. Tout l’été ils rivalisèrent d’efforts pour s’en emparer.
Ce siège traînait en longueur, lorsque les musulmans voulurent brûler la
ville et se retirer. Mais les habitants détournèrent les effets de cette
résolution, à force de supplications et de présente. Ils firent comprendre
aux assiégeants que les Romains, entourés des musulmans, ne pourraient pas
conserver cette ville, que dans peu de temps ils l’abandonneraient en prenant
la fuite, et regagneraient leur pays. Ces raisons parurent excellentes aux
principaux chefs des musulmans, et après des assauts réitérés et des attaques
prolongées contre la forteresse, ils rentrèrent chacun chez eux. Cependant
Maniacès, cantonné dans la place, continuait toujours à se défendre contre
les gens du pays qui ne cessaient de le harceler jour et nuit. Lui et toute
sa garnison se trouvaient dans une perplexité extrême, parce que les vivres
leur manquaient, et qu’il était impossible d’en introduire dans XLIV. Lorsque la révolution du calendrier arménien amena l’année
480 ( XLV. L’année 484 ( XLVI. À cette époque, David, roi d’Arménie, fils de Sénékhérim, termina sa carrière, laissant le royaume de ses pères à son frère Adom. Celui-ci était un prince vertueux et juste, d’une vie sainte en Jésus-Christ, rempli de mansuétude et de bonté, miséricordieux envers les affligés, le soutien des pauvres et le protecteur des religieux, car il bâtit un grand nombre d’églises et de couvents. XLVII. Cette même année, les musulmans revinrent avec des
forces considérables contre Édesse, et passant sur la rive orientale du grand
fleuve Euphrate, ils répandirent partout le meurtre, l’esclavage et Cette même année, les troupes romaines, se rassemblant, marchèrent contre les musulmans. Elles étaient commandées par le frère de Michel, empereur des Grecs.[173] A la tête d’une nombreuse cavalerie, il arriva à Mélitène ; mais, redoutant les musulmans, il n’osa pas sortir de la ville pour en venir aux mains avec eux. Ceux-ci, ayant connu son arrivée, reprirent le chemin de leur pays. Les Romains en firent autant, et rentrèrent chez eux, craignant de s’aventurer sur le territoire ennemi. Dans leur marche, ils plongèrent les chrétiens dans le deuil, pins même que n’avaient fait les musulmans. XLVIII. À la date de notre calendrier marquée par l’an 485
(12 mars 1036 - 11 mars 1037), le soleil s’obscurcit et offrit aux regards un
aspect terrible et menaçant. Car de la même manière qu’il avait dérobé sa
lumière, au moment où Jésus-Christ fut crucifié, il se couvrit alors de
ténèbres et se revêtit de deuil. Les astres s’enveloppèrent d’obscurité, et
les cieux se tendirent de noir, comme d’une ceinture. Le soleil se voila en
plein midi, et les étoiles apparurent comme au milieu de Après avoir prononcé ce discours, le saint docteur Jean congédia les nobles arméniens et les renvoya en paix. Aussitôt ceux-ci se mirent en route pour retourner chez eux. XLIX. Vers cette époque, un chef arménien nommé Kantzi réunit des troupes et vint enlever la ville de Pergri[178] aux Perses ; dans l’Orient il extermina tous les habitants et passa au fil de l’épée les troupes musulmanes. Longtemps il dirigea ses attaques contre la forteresse, et la réduisit à l’extrémité ; nombre d’assiégés succombèrent faute d’eau. Mais comme les troupes arméniennes faisaient cette guerre avec nonchalance et passaient leur temps à boire, Khedrig, émir de Pergri, profitant de l’occasion, écrivit aux habitants, ses sujets, de venir à son secours. Les infidèles se rassemblèrent, et surprirent les Arméniens. A l’aurore ils fondirent sur eux, et en firent un horrible carnage. Ce jour même fut tué le grand prince Kantzi, et Dadjad son fils resta maître de la principauté que Kantzi possédait ; mais toutes ses troupes passèrent dans la ville de Pergri. Au commencement de l’année 486 (12 mars 1037 - 11 mars 1038), le seigneur Pierre, catholicos d’Arménie, abandonna secrètement son siège et se rendit dans le Vasbouragan. Il prit ce parti à cause de quelques difficultés qu’il éprouvait de la part du roi, des satrapes et de la noblesse militaire, qui fermaient l’oreille aux préceptes divins. Il séjourna pendant quatre ans dans le Vasbouragan, à Tzoravank’,[179] couvent qui avait été bâti par le saint patriarche Nersès. Sa retraite répandit la tristesse dans tout le pays. Le roi Jean, de concert avec les satrapes, lui adressa une lettre dans laquelle ils protestaient de leur désir de suivre ses préceptes et de se conformer à sa doctrine lumineuse. Ils confirmèrent leur déclaration par les serments les plus solennels, et pour mieux réussir à l’attirer, ils employèrent comme médiateurs les chefs romains qui étaient venus en qualité de gouverneurs de provinces. Pierre se laissa persuader par ces serments, et revint occuper son siège. Mais lorsqu’il fit son entrée dans la ville d’Ani, il fut arrêté par l’ordre du roi Jean et mis en prison ; on l’y retint un an et cinq mois. Alors Jean envoya à Sanahïn[180] et en fit venir le grand Dioscore (Têosgoros), supérieur de ce couvent. Celui-ci se rendit aux ordres de ce prince, et se posant en adversaire de Pierre, il accepta la dignité de catholicos. Monté sur le siège patriarcal, il l’occupa un an et deux mois contre la volonté de Dieu.[181] Ce célèbre érudit devint pour tous un objet de dérision. Il avilit les hautes fonctions dont il était revêtu, et personne ne voulait recevoir de lui l’imposition des mains, cette prérogative qui appartient au saint siège. Son nom ne fut pas prononcé en pleine église avec celui des autres patriarches, parce qu’on le regardait comme un intrus. Un deuil universel régnait parmi les enfants de l’Arménie. Lors de la cérémonie de sa consécration, les évêques, les prêtres et les patriarches étaient absents. Mais lui, dans l’orgueil de son cœur, se regardant comme catholicos légitime, conféra l’épiscopat à une foule d’indignes. Ceux qui, pour leur conduite publiquement scandaleuse, avaient été chassés de leur siège par les catholicos précédents, devinrent l’objet de ses préférences et de son choix. Cependant les évêques et les docteurs d’Arménie excommunièrent le roi et les satrapes comme coupables d’avoir troublé la paix de l’Eglise. Ceux-ci, tremblant sous le coup de l’anathème, voulurent faire revenir le seigneur Pierre, mais il résista longtemps à leurs instances. Quoique tous implorassent le pardon de leur faute, il le leur refusa avec fermeté. Alors le roi et les grands écrivirent au catholicos des Agh’ouans, le seigneur Joseph,[182] pour le prier de venir intercéder en leur faveur et rétablir Pierre sur son siège à Ani. Le seigneur Joseph, à la réception de cette lettre, prit avec lui les évêques de son pays, et partit pour remplir la mission que l’on réclamait de lui. L. En l’année 487 ( LI. En l’année 489 ( LII. Cette même année les Bulgares se soulevèrent contre
les Romains. L’empereur Michel ayant rassemblé toutes les troupes grecques,
marcha contre eux. Il saccagea impitoyablement une grande partie de leur territoire,
y porta l’esclavage, et le parcourut le fer à LIII. Cette même année mourut le roi d’Arménie Aschod, le Bagratide, fils de Kakig et frère de Jean, laissant un fils nommé Kakig, qui n’était gé que de quinze ans.[184] Le corps d’Aschod fut transporté à Ani et déposé dans le tombeau des anciens rois arméniens. La raison pour laquelle ce prince n’entra jamais pendant sa vie mais seulement après sa mort, dans Ani, c’est parce que Jean le redoutait extrêmement ; en effet, Aschod était remarquable par sa force et sa bravoure. Après sa mort les troupes se relâchèrent du frein de la discipline, et prirent en aversion le métier des armes ; elles courbèrent leur front sous le joug de la servitude des Romains, s’adonnèrent aux plaisirs de la table, et firent leurs délices de la lyre et de la voix des chanteuses. Renonçant à cette union qui avait été l’élément de leur force, elles ne volèrent plus au secours les unes des autres. Les pays que le fer dévastait n’étaient plus pour elles qu’un sujet de plainte lugubre ; elles se contentaient de pleurer la perte de leurs frères, et s’abandonnaient réciproquement au glaive des Grecs. Ce fut ainsi qu’elles entrainèrent la ruine de leurs compatriotes, et qu’elles méritèrent d’être comptées au rang de leurs ennemis. LIV. A cette époque le grand émir des Perses, Abou’lséwar, ayant réuni environ 50.000 hommes, vint fondre avec rage sur les chrétiens. Animé d’une colère au souffle mortel, fi entra dans la contrée des Agh’ouans, dans la province de David Anhogh’ïn, et fit souffrir les maux le plus cruels aux habitants.[185] David, effrayé de la multitude des infidèles, ne s’avança pas pour les combattre. Pendant ce temps le scélérat Abou’lséwar s’empara d’un grand nombre de provinces, de forteresses et de localités, au nombre de quatre cents. Ayant séjourné un an dans ce pays, il le soumit en très grande partie ; après quoi Il se prépara à marcher contre David. Ce prince, réduit aux abois, envoya dire à Jean, roi d’Ani, qu’Abou’lséwar, après s’être rendu maître de toutes les provinces arméniennes, était sur le point de l’attaquer. « Si tu ne viens pas à mon secours, ajoutait-il, je me soumettrai à lui, et lui servant de guide, je porterai la désolation dans ton district de Schirag. » Aussitôt Jean envoya à David un corps de 3.000 hommes. David expédia un semblable message au roi de Gaban, qui lui en accorda 2.000.[186] Ayant adressé les mêmes menaces au roi des Aph’khaz, celui-ci lui donna 4.000 hommes.[187] Puis David rassembla ses propres troupes, qui se composaient de 40.000 combattants environ. En même temps il envoya porter ces paroles au catholicos des Agh’ouans « Les infidèles marchent contre nous en haine de la foi chrétienne ; ils veulent détruire le culte de la Croix, et anéantir la religion du Christ. Il est du devoir de tous les fidèles, il est juste de s’avancer au-devant de leurs glaives et de mourir pour notre Dieu. Réunis les évêques arméniens qui résident dans le pays des Agh’ouans, et accourez tous dans notre camp, afin de partager notre trépas. » Le seigneur Joseph, ayant rassemblé deux cents évêques, vint rejoindre David. Il écrivit aussi à tous les supérieurs de couvents d’accourir avec leurs religieux ; il appela pareillement les prêtres et les diacres du pays des Agh’ouans. Ensuite il fit proclamer partout l’avis suivant S’il y a quelqu’un, homme ou femme, qui ambitionne la couronne du martyre, l’occasion de la mériter s’offre à lui. Que celui qui soupire après Jésus-Christ vienne à nous. » Les pères accompagnés de leurs fils, les mères avec leur filles, se hâtèrent de répondre à cette invitation. La plaine était couverte au loin d’une multitude immense, qui offrait l’aspect de troupeaux de brebis. En apprenant la nouvelle de ce concours de peuple, Abou’lséwar en fit l’objet de ses railleries. En même temps il s’avança contre les Arméniens. David fit transmettre aux évêques, aux moines et aux prêtres cette recommandation : « Que chacun prenne en main, comme arme de guerre, la Croix et l’évangile seulement, et marche à l’ennemi. » Cependant les infidèles s’ébranlèrent, et toute la légion des prêtres se mit en mesure de leur résister, tandis que David, à la tête de 10.000 soldats aguerris, se portait en avant pour soutenir le choc. Dès que le combat fut engagé, les prêtres, élevant la voix tous ensemble vers Dieu et versant des larmes, firent retentir cette prière : « Seigneur, lève-toi, viens à notre aide et sauve-nous pour la gloire de ton saint nom. Cependant les chrétiens, se précipitant dans les rangs des infidèles comme dans une mer, furent enveloppés de tous côtés. Alors les prêtres, agitant tous à la fois le signe sacré de la Rédemption, chargèrent l’ennemi avec impétuosité, et un feu ardent sortant du milieu d’eux le frappa. Les infidèles tournèrent le dos, et les Arméniens, les poursuivant l’épée à la main, ne discontinuèrent pas, pendant cinq jours, de les tailler en pièces. Les plaines et les montagnes se couvrirent de sang ; des trésors d’or et d’argent et un butin immense tombèrent entre leurs mains. Les débris de l’armée perse se sauvèrent à grand’peine, nus et sans chaussures, et se réfugièrent dans leur pays. En trois jours David reprit le territoire qui lui avait été enlevé ; après quoi il renvoya, comblées de richesses, les troupes qui étaient accourues à son secours. Il distribua aussi aux évêques, aux prêtres et à tous ceux qui étaient venus à lui, quantité d’objets pris sur le butin. La tranquillité fut ainsi rétablie. Cette même année, un infâme personnage, qui appartenait au corps de la noblesse de Sénékhérim, alla trouver l’empereur des Grecs, et lui fit entendre les plus odieuses dénonciations contre Adom et Abouçahl, fils de Sénékhérim ; il représenta ces deux princes comme nourrissant le projet de se révolter et de lui susciter des embarras et des dangers. Michel ajouta foi à ces perfides propos, et envoya à Sébaste son Acolyte[188] à la tête de 15.000 hommes, avec la mission de lui amener ces deux princes, de gré ou de force. L’Acolyte étant arrivé à Sébaste, cette nouvelle jeta les fils de Sénékhérim dans une surprise et une frayeur extrêmes. Il se convainquit que personne ne les égalait en prudence ; cependant ils redoutaient de partir. LV. Alors Schabouh[189] dit à Adom et à Abouçahl : « Voulez-vous que je disperse au loin, que je mette en fuite les Romains ? » En prononçant ces mots, il plaça cinq cuirasses en fer l’une sur l’autre, et les frappant de son épée, il les fit voler en éclats. Les jeunes princes arméniens lui répondirent : « Garde-toi de tout acte de violence ; nous partirons avec les messagers qui sont venus nous chercher. » Et ayant offert de riches présents au général romain, ils se mirent en route avec lui pour Constantinople. En entrant dans cette ville, ils se rendirent en pleurs au tombeau de l’empereur Basile, et jetant sur ce monument l’écrit qui contenait le serment qui leur avait été donné, ils s’écrièrent : « C’est toi qui nous as fait venir dans le pays des Romains, et maintenant on menace notre vie ; rends-nous raison contre nos accusateurs, ô notre père ! » Michel ayant appris ce trait d’habileté, l’admira beaucoup, et ordonna de mettre à mort le faux dénonciateur. LVI. En l’année 490 ( LVII. Cette même année, l’Arménie fut affligée de calamités qui eurent pour auteur David Anhogh’ïn, chef de la famille dont faisait partie le roi Jean.[191] David envahit œ royaume, portant dans plusieurs lieux la mort et l’esclavage. Il était venu du pays des Agh’ouans avec des forces considérables. Il fit des ravages immenses, et ses troupes répandirent partout l’incendie. Après quoi il s’en retourna dans ses états, chez les Agh’ouans. LVIII. Cette même aimée, les Romains tentèrent une
nouvelle expédition contre l’Arménie. Comme nos troupes manquaient de chef,
beaucoup de provinces se soumirent ; car leur arrivée était le signal de l’extermination.
S’étant réunis pour attaquer la ville royale d’Ani, au nombre de 100.000
hommes, ils établirent leur camp sous ses murs. Les débris de l’armée
arménienne accoururent vers le généralissime Vahram le Bahlavouni, et demandèrent
à marcher contre un ennemi qui venait porter la guerre dans leurs foyers, le
blasphème et l’injure à LIX. À cette époque fut suscité un jeune homme de dix-neuf ans, nommé Kakig, de la race des Bagratides, fils du roi Aschod, lequel était fils d’Aschod, fils d’Apas, fils de Sempad, fils d’Ergath.[192] Ce jeune prince était très vertueux, et d’une piété exemplaire. Tous les satrapes se rendirent auprès du patriarche, le seigneur Pierre, et Kakig fut sacré roi d’Arménie, par la grâce de l’Esprit Saint, et d’après l’ordre d’un prince illustre, ordre en vertu duquel notre grand et saint patriarche accomplit cette cérémonie. Ce prince était de la race de Haïg, et par son père descendait de la famille des Bahlavounis. Il portait le nom de Grégoire, comme issu de notre saint Illuminateur. Il brilla comme un second Samuel, émule du premier, qui sacra David roi d’Israël. Ce fut lui qui établit Kakig roi de toute l’Arménie. Pieux et plein d’amour pour Dieu, il se montrait invincible parmi les savants ; ses efforts, dirigés par la sagesse, n’avaient d’autre but que d’affermir notre trône national. Il demandait sans cesse à Dieu, avec instances, sa protection pour lui et pour la famille des Bahlavounis.[193] LX. Kakig, secondé par ses troupes, s’étant emparé de la
personne de Sarkis, lui fit endurer toutes sortes de tourments, jusqu’à ce qu’il
lui eût arraché, malgré ses refus obstinés, les forteresses, les provinces,
les villes et les trésors, héritage de ses ancêtres, que celui-ci avait
enlevés. La bonté divine permit que pendant ce temps les Romains se tinssent
tranquilles ; ils ne cherchèrent plus à se rendre maîtres d’Ani, et à faire
la guerre aux Arméniens. Deux ans s’écoulèrent, pendant lesquels tout réussit
au roi Kakig par l’inspiration de l’Esprit Saint. Dans l’intervalle, ayant
rassemblé son armée, il parcourut le royaume qu’il tenait de ses pères,
soumettant les rebelles et remportant d’éclatants triomphes sur ses ennemis.
A la tête de forces considérables, il vint camper dans la province d’Ararad,
afin de tirer vengeance de la nation du midi.[194] De son côté, le
puissant prince Grégoire, fils de Vaçag, de LXI. A cette époque, et à l’instigation de l’esprit du mal, les Grecs se déclarèrent de nouveau contre nous, excités par les trames et la fourberie des faux chrétiens, sujets de David Anhogh’ïn. Ce prince, dont le nom devrait être prononcé Ta viht,[197] parce que ce fut lui qui plongea les fidèles dans le gouffre des calamités, tourmenté intérieurement par le démon, tomba dans l’abîme de la perdition et des supplices éternels. LXII. Cette année, Michel ayant rassemblé des troupes dans tout l’empire grec, ainsi que dans la partie de l’Arménie qui était sous sa domination, à Sébaste, à Darôn, et dans tout le Vasbouragan, marcha vers l’Occident. Il porta l’esclavage dans la contrée des Goths (Kouth),[198] et fit rentrer sous ses lois ceux qui s’étaient révoltés. Après avoir soumis tout leur pays, il revint à Constantinople, et bientôt après il mourut.[199] LXIII. Il eut pour successeur son neveu (fils de sa sœur),
qui était déjà César. Celui-ci régna quatre mois seulement ;[200] car ayant conçu
des pensées perverses, il se tendit lui-même le piège où il fut pris, d’après
cette parole de l’Écriture : « Celui qui creuse la fosse pour son compagnon,
y tombera lui-même ». Il poussa la folie de l’orgueil si loin, qu’il avait
perdu la conscience de ses propres actions. En effet, il eut l’audace de
faire raser les cheveux à la fille de l’empereur Constantin, et de la
reléguer, chargée de fers, dans une île. Il ordonna aussi d’arrêter le
patriarche de Constantinople, et le fit enchaîner et jeter dans un cachot.[201] Il voulait par
là s’assurer, à lui et à sa famille, la possession permanente du trône mais
comme c’étaient des gens scélérats, impies, véritable fléau du pays, Dieu
vint en aide au patriarche. Il se travestit, brisa ses fers, et se sauvant de
sa prison, courut se réfugier dans Sainte-Sophie. Tout Constantinople se souleva
contre le César, et Il y eut de grands combats livrés dans l’enceinte de Dans ce temps-là périt le grand prince arménien Khatchig,[202] avec un de ses
fils encore tout jeune, nommé Ischkhan,[203] dans la
province de Vasbouragan. Les habitants de Her et de Salamasd étant venus en
niasse faire une incursion dans le district de Thor’évan, Khatchig apprit que
les infidèles avaient pénétré sur son territoire. C’était un brave guerrier,
habitué comme ses ancêtres aux succès militaires, un aigle de race ; niais
comme il était devenu vieux, il avait abandonné le métier des armes. il
déplora amèrement l’impuissance de son bras affaibli par l’âge, d’autant plus
que son fils a tué, le vaillant Haçan, et son antre fils Djendjegh’ong
(passereau) étaient allés rejoindre avec ses troupes l’empereur Michel.
Cependant Khatchig, ne pouvant contenir son ardeur, marcha à la tête de 70
hommes contre les infidèles, après avoir renfermé dans sa maison son
troisième fils Ischkhan, qui ne comptait encore que quinze ans. Khatchig,
parvenu en présence des ennemis, découvrit leurs bataillons épais. Aussitôt,
animant de la voix sa petite troupe, il se jeta sur eux, et les attaquant
vivement, il fit mordre la poussière à un bon nombre. Tout à coup il aperçut
son fils, qui s’était échappé du lieu où il l’avait laissé, et qui volait au
combat. A cette vue, Khatchig eut le cœur brisé, car Ischkhan était un enfant
d’une beauté remarquable ; il courait comme un lionceau et se battait avec
intrépidité. Khatchig, allant aussitôt à lui, le saisit et le força de
rentrer ; mais Ischkhan s’élança de nouveau, revint dans la mêlée, et emporté
par son courage, s’y engagea avec témérité. Les infidèles, sachant que c’était
le fils d’un illustre guerrier, le cernèrent, s’emparèrent de lui et le
tuèrent. Témoin de ce cruel spectacle, Khatchig fut saisi de douleur, et son
épée lui tomba des mains. A l’instant, les infidèles, se jetant sur lui, le
prirent et le massacrèrent. Ses compagnons d’armes s’enfuirent, et chacun
revint chez soi. Au bout de quelque temps, les fils de Khatchig retournèrent
des contrées de l’occident, où ils avaient appris la mort de leur père et de
leur jeune frère. Ils étaient vêtus de noir, et versèrent d’abondantes
larmes. L’aîné, Haçan, ayant appelé un raïs (chef) kurde qui habitait un
district voisin, lui donna mille tahégans, en lui recommandant de se rendre à
Salamasd, de dire aux habitants que tout le district de Thor’évan était
dégarni d’hommes, et de les engager à profiter de cette occasion pour s’emparer
des nombreux troupeaux de brebis qui s’y trouvaient, tandis que les bergers
étaient dispersés dans les champs. Le rais ayant exécuté ponctuellement ces
injonctions, les infidèles accoururent au nombre de 45.000, au lieu qui leur
avait été indiqué. Le raïs vint annoncer à Haçan et à Djendjegh’ong le succès
de sa mission, et aussitôt Haçan, à la tête de 5.000 hommes, et avec la rage
d’une bête féroce blessée, fondit sur les mécréants. En même temps, élevant
sa voix, que les larmes entrecoupaient, et s’adressant à eux : « Où est
celui, s’écria-t-il, qui a donné la mort à mon père Khatchig ? qu’il paraisse
! » Aussitôt un des infidèles, qui était un noir d’une force athlétique,
répondant à ce défi : « C’est moi, dit-il, qui ai tué le brave Khatchig.
Voilà son cheval de bataille, son vêtement, son drapeau et son épée, qui
maintenant sont ma propriété. » La vue de ces objets arracha de nouvelles
larmes des yeux de Haçan. Dégainant son épée, il se précipita comme un lion
au milieu des infidèles, et frappant le meurtrier de son père, il le partagea
en deux et l’abattit. Puis, s’emparant de son cheval et de son étendard, il s’en
retourna sans avoir reçu aucune blessure. D’un autre côté, son frère
Djendjegh’oug s’écria : « Quel est celui qui a tué mon frère Ischkhan ?
qu’il sorte des rangs à l’instant même, afin que je le connaisse ! » A l’instant
un Perse redoutable par sa bravoure parut et dit : « C’est moi qui ai
tué Ischkhan, voilà son cheval blanc, voilà sa bannière. » Prompt comme LXIV. Au commencement de l’année 492 ( LXV. À cette époque, l’infâme Sarkis commença à donner
cours à ses trames perfides. Il suggéra à Monomaque l’idée d’inviter le roi d’Arménie
Kakig à se rendre auprès de lui à Constantinople, en l’attirant sous un
prétexte d’amitié, et de lui enlever ainsi par surprise la ville d’Ani. Ce
conseil plut singulièrement à l’empereur, et dans son cœur germa la plante de
la malice, et l’envie de devenir possesseur de l’Arménie. Il écrivit à Kakig
une lettre qui contenait les serments les plus solennels, et poussa si loin l’oubli
de toute pudeur, qu’il accompagna cette lettre de l’envoi de l’Évangile et de
LXVI. Au commencement de l’année 493 ( LXVII. En l’année 494 ( LXVIII. À l’automne, les Romains marchèrent contre la ville de Tévïn. Lorsque le combat fut engagé, ils éprouvèrent les effets de la vengeance céleste : ils furent vaincus et mis en pièces par les infidèles, qui en firent un horrible carnage. La majeure partie de leur armée fut exterminée ou réduite en esclavage.[212] Parmi ceux qui succombèrent étaient le général en chef des Arméniens Vahram et son fils Grégoire, qui furent tués dans l’action sous les murs mêmes de Tévïn. LXIX. Cette année, une grande calamité nous vint de LXX. En l’année 495 ( LXXI. Lorsque le renouvellement de l’ère arménienne eut
amené l’an 496 ( LXXII. Cette même année, un patrice nommé Thornig,[221] originaire d’Andrinople (Anternabolis), se révolta contre Monomaque. C’était un vaillant et redoutable guerrier ; ayant levé des troupes innombrables dans tout l’Occident et chez les Goths (Kouth), il marcha contre Constantinople. Il plongea cette ville dans le désespoir et la réduisit à la situation la plus critique. L’empereur n’osait pas sortir pour se mesurer avec lui. Les habitants avaient tellement à souffrir des rigueurs de ce siège, qu’ils fermèrent une des portes de la ville avec de la boue et des pierres. La guerre que leur faisait Thornig était si cruelle, qu’il démolit de fond en comble l’église des saints Anargyres, édifice situé hors des murs, et qu’il jeta dans l’Océan toutes les richesses de l’église des saints Martyrs.[222] Cependant Monomaque et les grands, consternés, et jugeant
leur position désespérée et toute résistance impossible, imaginèrent, de
concert avec le patriarche, la plus perfide machination contre Thornig. Ils
lui écrivirent pour lui promettre, sous la foi des serments les plus
solennels, afin de mieux le tromper, de lui donner dès ce moment la dignité
de César, et après la mort de Monomaque, LXXIII. En l’année 498 (9 mars 1049 - 8 mars 1050) sous le
règne de Monomaque César, qui par la fourberie et le parjure dépouilla la
dynastie des Bagratides de la souveraineté de l’Arménie, et sous le
pontificat du seigneur Pierre, catholicos, une calamité, signe de la colère
divine, nous vint de la Perse par ordre de Thogrul Sultan. Deux généraux
sortirent de son divan, nommés, l’un Ibrahim (Apréêm) et l’autre Koutoulmisch
(Kethelmousch). Ils s’avancèrent à la tête d’une armée formidable contre l’Arménie.
Ils avaient appris que, grâce aux Romains, ce pays était sans chef et sans
défense, car ceux-ci avaient enlevé de l’Orient tout ce qu’il y avait de
guerriers courageux, et n’envoyaient à leur place que des eunuques.[223] Ils se
dirigèrent d’abord contre la célèbre et populeuse ville d’Arménie que l’on
appelle Ardzen.[224] Ils n’ignoraient
pas qu’elle était dégarnie de remparts et qu’elle renfermait une multitude d’hommes
et de femmes, ainsi que des trésors immenses d’or et d’argent. A la vue des
infidèles, les habitants sortirent pour les repousser. Un combat terrible s’engagea
sous les murs mêmes de Cependant Monomaque, ayant appris cette terrible nouvelle, fit partir pour l’orient des troupes dont il confia le commandement aux généraux Catacalon,[226] Grégoire [Magistros], fils de Vaçag, et Libarid, frère de R’ad le brave.[227] Ils arrivèrent en Arménie à la tête de ces forces qui étaient considérables, pour repousser les Perses. LXXIV. Cette même année, Monomaque écrivit au catholicos
Pierre, pour lui mander de se rendre auprès de lui à Constantinople. Celui-ci
s’empressa d’obéir à cet ordre. Mais réfléchissant que les Romains ne le
laisseraient peut-être plus jamais retourner en Orient, il désigna comme son
successeur un homme digne de tout éloge, le seigneur Khatchig. Il eut la même
prévision à l’égard du myron,[228] huile bénite
servant à la consécration, dans le rite arménien. Il l’ensevelit dans le
fleuve Akhourian, en la renfermant dans des vases : Il y en avait Cependant les troupes grecques étant arrivées dans l’Orient, Catacalon, Aaron (Ar’ôn) Vestès[232] et Grégoire, fils de Vaçag, appelèrent à eux Libarid, prince des Géorgiens. Ils parvinrent auprès du fort de Gaboudrou, dans le district d’Ardchovid.[233] Les Turcs ayant appris qu’ils approchaient, s’arrêtèrent, tandis que les Romains étaient campés en ce lieu. Les infidèles s’étant avancés du côté de Libarid, celui-ci fit venir le préfet de nuit Tchordouanel, son neveu (fils de sa sœur), qui était un intrépide guerrier. Les Turcs commencèrent l’attaque pendant la nuit et le bruit de la mêlée retentit aux oreilles de Libarid. « Accours, lui criait-on, les infidèles nous ont cernés. » Il répondit : « C’est aujourd’hui samedi, et ce n’est pu ce jour-là le tour des Géorgiens de combattre. Cependant Tchordouanel, semblable à un lion, frappait dans les ténèbres les ennemis et les poussait vivement, lorsqu’une flèche vint l’atteindre à la bouche et lui sortit par la nuque ; il expira du coup. Libarid, apprenant sa mort, s’élança furieux et mit les Turcs en déroute sur toute l’étendue de la plaine, qu’il changea en un marais de sang. Témoins de ses prouesses, les Romains le trahirent, l’abandonnant au milieu des infidèles, et prirent la fuite, afin de lui ôter l’occasion de se couvrir de gloire. A cette vue les Turcs revinrent à la charge contre les Géorgiens. Au plus fort de la mêlée, Libarid, pareil à un lion, faisait entendre sa voix, lorsqu’un Géorgien, qui se tenait derrière lui, coupa du tranchant de son épée les jarrets du cheval de Libarid, et ce héros, tombant à terre, se trouva assis sur son bouclier. « C’est moi qui suis Libarid, s’écriait-il. » Aussitôt les infidèles massacrèrent un grand nombre de Géorgiens, et mirent le reste en fuite. Ils firent Libarid prisonnier et l’emmenèrent dans le Khoraçan,[234] auprès de Thogrul Sultan.[235] Car déjà depuis longtemps sa renommée était parvenue jusqu’à ce prince, qui connaissait sa bravoure à toute épreuve. Il demeura à sa cour deux ans, et se distingua par plusieurs traits de courage. Là se trouvait un noir, homme fort et courageux, que l’on mit aux prises avec Libarid en présence du sultan Libarid vainquit son adversaire et le tua. En récompense, Thogrul lui rendit la liberté et le renvoya comblé de présents dans le pays des Romains. Le prince géorgien s’en vint à Constantinople auprès de Monomaque, qui fut enchanté de le revoir, et qui, après lui avoir donné des preuves de sa haute munificence, lui permit de retourner chez lui rejoindre sa femme et ses enfanta. Ce Libarid était frère de R’ad et de Zoïad.[236] Il était géorgien de nation et descendait d’une famille qui avait produit d’illustres guerriers. LXXV. En l’année 499 ( LXXVI. Sur la fin de l’année 500 (9 mars 1051 - 7 mars
1052), une venimeuse dénonciation fut portée à l’empereur Monomaque. Des
langues perfides firent retentir à ses oreilles des calomnies contre de
nobles Arméniens qui résidaient dans le district de Bagh’ïn. Comme on lui dit
qu’ils s’opposaient à ses ordres et qu’ils avaient l’intention de se
révolter, il envoya des troupes à Bagh’ïn ; et aussitôt il commença à
répandre le poison de sa malice sur des gens innocents, et à traiter
cruellement tout ce district ; et dépouilla ces nobles de leurs honneurs.
Monomaque avait envoyé là un homme abominable, nommé Ber’os,[242] véritable
général de Satan. Celui-ci voulut s’emparer des quatre princes, fils d’Abel
(Hapél), Harbig, guerrier distingué, David, Léon (Lévon) et Constantin, ainsi
que des autres chefs. Alors tous se concertèrent secrètement, convenant de se
cantonner chacun dans son château-fort, et s’engageant réciproquement par
serment à mettre leur projet à exécution le samedi matin. Mais un des
confédérés, nommé Thoroçag, seigneur de Thelbagh’d,[243] manquant à la
foi jurée, donna avis à Ber’os de la résolution que les chefs avaient prise
de ne pas se rendre à son appel. Ignorant cette trahison, les fils d’Abel,
ainsi qu’ils en étaient convenus, se renfermèrent au jour fixé dans la grande
forteresse d’Argni, située dans le voisinage du district de Thelkhoum, tandis
que les autres allaient trouver Ber’os. Lorsque Ber’os sut ce qu’avalent fait
les quatre fils d’Abel, il s’avança vers Argni avec des forces considérables.
D’abord, l’aspect imposant de cette place le surprit profondément, et il n’osa
pas l’attaquer, tant elle était élevée et paraissait imprenable, ni même en
approcher. Aussitôt il conçut la plus odieuse pensée et résolut de la mettre
à exécution. « Celui, dit-il, qui m’apportera la tête de Harbig, recevra
de l’empereur une grosse somme, des dignités et des honneurs. » Cette
promesse ayant été connue des compagnons d’enfance et des vieux amis de
Harbig, qui se trouvaient avec lui dans la forteresse, ils méditèrent une
trahison digne de Judas et de Caïn, le meurtrier de son frère. Non loin de la
forteresse et en face était un lieu où Harbig s’était posté avec quelques
hommes, et qu’il gardait. Pendant trois jours il n’avait pu prendre un seul
instant de sommeil. Les fourbes lui dirent : « Seigneur, pourquoi ne
goûtes-tu pas quelques moments de repos ? Nous voici disposés à sacrifier notre
vie pour toi. » Harbig les crut et s’en alla dormir, car il succombait sous l’excès
de |
[1] Les pages des auteurs byzantins cités en note
sont celles de l’édition de Venise. Pendant le cours de mon travail, j’ai eu
cette édition sous les yeux, sans cesser, toutefois, de recourir à celle de
Bonn et de profiter de ce qu’elle a pu m’offrir de neuf et d’utile.
[2] En donnant la concordance de l’ère arménienne et
de l’ère chrétienne, j’ai indiqué le terme où commence et celui où finit inclusivement
l’année arménienne ; ainsi, le 1er du mois de navaçart de l’année
401, ayant correspondu au 2 avril julien 952, le dernier jour de l’année, ou 5e
des épagomènes, tomba le 1er avril 953.
[3] C’est-à-dire la Babylonie, et tous les pays au
sud de l’Arménie qui formaient l’empire des Khalifes.
[4] Le mot Dadjig fut appliqué anciennement
par les Arméniens, comme le mot Scythe par les Grecs et les Romains, à
tous les peuples nomades. Dans Matthieu d’Édesse, les Dadjigs sont les
musulmans en général, et quelquefois, dans un sens spécial, les Arabes. — On a
proposé plusieurs étymologies de ce mot. M. d’Ohsson le fait dériver de Tayoyo,
pluriel Tayoyé, par lequel les Syriens désignaient autrefois d’une
manière générale les Arabes, et en particulier ceux de
[5] Les noms placés entre parenthèses reproduisent,
en regard de leur forme usuelle ou vulgaire, l’orthographe et la prononciation
qu’ils ont en arménien.
[6] J’ignore sur quel fondement notre auteur attribue
au roi d’Arménie Tigrane la fondation d’Édesse. Tout ce que nous savons, c’est
que l’origine de cette ville remonte à la plus haute antiquité, et qu’elle fut
restaurée par le roi Abgar (Moïse de Khoren). Antérieurement à ce prince, l’Arménie
eut deux souverains du nom de Tigrane, l’un de la dynastie de Haïg, l’autre
Arsacide, le même qui se rendit si célèbre par sa lutte contre les Romains. Il
est probable que Matthieu fait allusion au premier ; car Édesse existait déjà
du temps du second, qui est du Ier
siècle avant Jésus-Christ.
[7] Le continuateur anonyme de Théophane dit que ce
fut l’eunuque Basile, Accubiteur de l’empereur Constantin Porphyrogénète, qui s’empara
de Samosate. Cette expédition, qui est de 958, fut suivie presque
immédiatement, à ce que nous apprend Matthieu, de celle qui fit rentrer les Arabes
en possession de cette ville, et qui eut lieu, à ce qu’il paraît, l’année
suivante. Ils étaient commandés par Seïf-eddaula Abou’l Haçan-Aly, fils d’Abdallah
Abou’l Heïdja, et petit-fils de Hamdan, fils d’Hamdoun, prince de la famille
arabe de Tagleb, fils de Wayel ; il régnait à Alep.
[8] En arménien
Bar’agamanos, transcription altérée du grec Paracoemômenos,
Accubitor, officier qui couchait auprès de l’empereur. Cf. Codinus,
De offic. palat.
Cptani, ch. V ; Fabroti,
Gloss. ad Cedrenum ; et Du Cange,
Gloss. mediae et infimae
gracitatis, et Gloss. mediae et
infimae latinitatis.
[9] Lorsque le siège de l’empire fut transféré à
Byzance, Constantin donna à cette ville, qu’il agrandit et restaura, le nom de Nouvelle
Rome. On lit dans un historien syrien dont l’ouvrage ne nous est parvenu
que dans la traduction arménienne, le patriarche Michel : « Les empereurs
de Byzance continuèrent à être nommés Romains, à cause de la dénomination de
Nouvelle Rome que Constantinople avait prise de son fondateur Constantin, et
les armées se confondirent les unes avec les autres, sous l’autorité du nom Romain. »
(Cf. mon Extrait de la chronique de Michel le Syrien, Journ. Asiat.
oct. 1858). Matthieu d’Édesse, comme tous les auteurs arméniens, désigne les
Grecs du Bas-Empire sous le nom de Romains, Hr’omk’ ou Hôr’omk’.
Le nom de Hr’ovmaïe’tsik ou Hr’omaïetsik’ était appliqué plus particulièrement aux Romains
d’Occident, c’est-à-dire aux Latins, et aux Francs.
[10] Les Arméniens qualifient les empereurs d’Orient
du titre de Thakavor, roi, qui est la
traduction du mot Basileus, employé par les écrivains byzantin ils se
servent aussi quelquefois de
[11] Romain II, dit le Jeune, fils de Constantin
Porphyrogénète, monta sur le trône le
[12] Par le mot Océan, les Arméniens entendent
aussi la Méditerranée, comme on peut le voir déjà dans un de leurs historiens
du Ve siècle (Moïse de Khoren ; Cf. Mékhithar abbé, Dict. des
noms propres).
[13] Ceci est une erreur évidente, puisque ce calcul
nous ferait remonter à 559, date antérieure à l’apparition des Arabes sur la
scène du monde, comme peuple conquérant. Le premier des musulmans qui entra
dans l’île de Crète est Abou Omeyia-el-Aredi, sous Muawiya (661-680). Si on lisait
dans le texte de Matthieu cent quatre ans au lieu de quatre cents,
par une interversion quelquefois usitée dans les lettres numérales, on pourrait
supposer qu’il entend l’espace écoulé depuis la conquête définitive de l’île de
Crète sous le règne du khalife abbasside El-Mamoun (813 - 833) par Abou Hafs Omar,
fils de Schoaïb el-Andalouci.
[14] « Un émir nommé Hamdoun, précédemment
général des armées du khalife Mothi, s’étant révolté contre ce prince, s’était
emparé de la province d’Agh’etznik’. Ayant appris qu’Aschod III, roi d’Arménie,
avait acquis une très grande puissance, il lui envoya l’ordre, avec menaces, de
lui payer un tribut considérable. Aschod lui ayant opposé un refus, Hamdoun
marcha contre lui avec des forces nombreuses. A cette nouvelle, Aschod s’avança
à la tête de ses troupes. Il défit Hamdoun et passa au fil de l’épée la plus
partie de son armée, et l’ayant fait prisonnier, le tua. Le khalife, instruit
de ce succès, lui envoya de riches présents pour lui faire honneur et lui
témoigner sa reconnaissance ; parmi ces dons était une double couronne. En même
temps il lui conféra le titre de Schahi-Armên (roi des Arméniens), de même qu’Aschod
Ergath avait reçu précédemment celui de Schahinschah (roi des rois). » —
Tchamitch, t. II.
[15] Il y a ici une confusion. Ce furent, non point
les Arabes, mais les Grecs, qui, sous la conduite de Nicéphore Phocas,
enlevèrent cette même année Anazarbe et Alep à Seïf eddaula. Dhalim el-Okaïli,
gouverneur de Damas pour les émirs d’Egypte Ikhschidites, vint à son secours
avec 10.000 hommes, et Nicéphore, instruit de son arrivée, prit le parti de se
retirer. Cf. Cedrenus, Zonaras, Léon le Diacre, éd. Hase, Paris
[16] Abou’l Haçan Ali, fils d’Ikhschid.
[17] Kor’, fils de Georges (Kêork), de la famille satrapale
Marzbédouni. Tchamitch, t. II.
[18] J’ai traduit par un équivalent, plutôt que
littéralement, l’expression marzbédagan kouni, dont se sert ici
Matthieu, et qui signifie proprement corps employé au service et à la garde
du marzban ou marzbed (gouverneur perse de l’Arménie), et destiné à
agir sous ses ordres immédiats. Ce corps, et le titre qu’il portait, s’étaient
conservés, à ce qu’il paraît, jusqu’au temps des rois bagratides. Je pense que
c’étaient des troupes qui faisaient un service permanent, à la différence de
celles qui appartenaient aux divers princes et chefs de l’Arménie, et qui
étaient convoquées en cas de guerre. Le R. P. Dchakhdchakh, dans son Dictionnaire
arménien-italien, traduit cette expression par troppa del prefctto,
soldati pretoriani. Peut-être cette dénomination de marzbédagan vient-elle
du surnom patronymique de Kor’, commandant en chef de l’armée arménienne. Voir
la note précédente.
[19] Ananie, de la province de Mogk’, précédemment
supérieur du couvent de Varak, monta sur le siège patriarcal en 943, et termina
sa carrière, suivant l’historien Açogh’ig, en 414 de l’ère arménienne (
[20] Aschod III, dit le Miséricordieux, à cause de sa
charité inépuisable envers les pauvres, fils du roi Apas, eut deux fils, Sempad
II et Kakig Ier, qui lui succédèrent l’un après l’autre. Samuel d’Ani
le fait régner depuis 955 de l’ère de la Nativité (953-954 E. Ch.) jusqu’en 973
(971-972), et Tchamitch de 952 à 977 E. Ch. Il est certain qu’il vivait encore
vers la fin de 974, comme le prouve la lettre que lui adressa Tzimiscès pour
lui apprendre les succès qu’il avait obtenus contre les Arabes dans le cours du
printemps de cette même année (ch. XVI).
Il faut remarquer
que Matthieu a singulièrement brouillé la chronologie des souverains bagratides
d’Ani, dont il anticipe de beaucoup l’avènement. C’est ainsi qu’après avoir
parlé d’Aschod III, il passe sans aucune transition à Kakig Ier, en
omettant le règne intermédiaire de Sernpad II. Nous le rectifierons toutes les
fois que nous pourrons non appuyer sur des synchronismes certains.
[21] Jean IV, successeur de Kakig Ier, qui
mourut en 407 E. A. (1er avril 958 -
[22] Ph’ilibbê appartenait à la seconde dynastie des
rois de Gaban ou de Ph’ar’isos, qui descendaient de Haïg. Notre chroniqueur
donne plus loin (ch. CXXVI) la généalogie de ces princes.
[23] Il est impossible de déterminer exactement quel
était le souverain qui régnait alors sur l’Aphkhasie. L’Histoire de la
Géorgie (traduite par M. Brosset, Saint-Pétersbourg,
[24] L’empereur Romain II.
[25] L’auteur désigne, par le nom de Babylone,
tantôt Bagdad, qui avait remplacé comme métropole de l’Orient l’antique cité
des Chaldéens, et tantôt (chap. XVI) le Caire, qui fut bâti sur les ruines de
la Babylone d’Egypte, en 958, par Djeuhar, général du khalife Mo’ezz.
[26] La Perse était alors sous la domination des
Samanides, qui s’étaient rendus indépendants des khalifes, et qui formèrent
deux dynasties, l’une à Boukhara, l’autre à Samarcande.
[27] Cf. sur l’apostolat de S. Thaddée et de S.
Barthélemy, Moïse de Khoren, et Vies des Saints, par J. B. Aucher, t. IV
et IX.
[28] Dans l’histoire byzantine, il est appelé au
contraire Romain le Jeune, ainsi que nous l’avons vu, ch. III.
[29] Matthieu d’Édesse compte ces événements à partir
du couronnement d’Aschod III, qu’il rapporte (ch. V) à 410, et nous place par
conséquent en 412 (
[30] Nicéphore, fils aîné du Domestique d’Orient
Bardas Phocas, fut couronné dans l’église de Sainte-Sophie, par le patriarche
Polyeucte, le dimanche 16 août, après avoir été proclamé empereur par l’armée d’Orient,
campée devant Césarée de Cappadoce, le jeudi 2 juillet de l’an du monde 6471,
induction vi = 963. (Cedrenus ;
cf. Léon le Diacre, éd. Hase, in folio et M. Éd. de Muralt, Essai de
chronographie byzantine ; Saint-Pétersbourg, 1855). — Cf. Léon le Diacre et
De Muralt, Essai de chronographie byzantine.
[31] Ce bel éloge que fait Matthieu d’Édesse de
Nicéphore contraste avec ce que disent Cedrenus, Zonaras, Glycas, de son
avarice et de sa cruauté. Cependant le témoignage de Matthieu n’est pas sans
importance ; il a d’autant plus de poids que ce chroniqueur est ordinairement d’une
partialité extrême contre les Grecs. Cependant Lebeau (LXXV, 27) a tracé un
portrait odieux de Nicéphore ; mais Gibbon, dont les appréciations sont si justes
et si profondes, toutes les fois qu’il n’est pas égaré par ses préjugés
antireligieux, l’a justifié au moins sur le chef de l’avarice inhumaine dont l’accuse
l’historien français.
[32] Le mot Océan, chez les Arméniens, désigne
aussi la Méditerranée, et cette appellation se retrouve déjà dans Moïse de
Khoren, qui écrivait au ve
siècle. (Histoire d’Arménie, I ; cf. Mékhithar abbé, Dictionnaire des
noms propres.)
[33] La seconde année de son règne, au mois de
juillet, indiction vii = 964,
Nicéphore partit pour la Cilicie, à la tête d’une armée considérable, composée
d’impériaux et d’auxiliaires ibères et arméniens ; il soumit les villes d’Anazarbe,
Rhossus et Adana, et quantité d’autres places. Comme l’hiver était déjà
prochain, il n’osa point attaquer Tarse et Mopsueste, et alla hiverner en
Cappadoce. Au retour du printemps, il rentra en Cilicie, et, ayant divisé son
armée en deux corps, il confia l’un à son frère Léon, en l’envoyant contre
Tarse, tandis qu’avec l’autre corps il s’avançait lui -même contre Mopsueste.
Après un siège rigoureux, cette ville, qui souffrait en même temps de la
famine, fut emportée de vive force. Mais Léon ne fut pas d’abord aussi heureux
; ayant fait partir un détachement, sous la conduite de Monastériotés, pour
aller fourrager et chercher des vivres, ce détachement
fut battu dans une sortie des habitants de Tarse. Ces derniers, pressés par la
famine et par l’armée grecque, députèrent a Léon pour le prier d’intercéder en
leur faveur auprès de l’empereur, et se rendirent. Nicéphore, après avoir
incendié les autres villes de la Cilicie, reprit le chemin de Constantinople,
au mois d’octobre, indiction ix =
965. (Cedrenus ; Zonaras). Lebeau, Hist. du B. E. LXXV.)
[34] Le mot Dadjig fut appliqué anciennement
par les Arméniens, comme le mot Scythe par les Grecs et les Romains, à tous les
peuples nomades. Dans Matthieu d’Édesse, les Dadjigs sont les musulmans en
général, et quelquefois, dans unions spécial, les Arabes. Aujourd’hui les
Arméniens comprennent sous cette dénomination tous les peuples qui professent l’islamisme,
et principalement les Turcs Ottomans.
[35] Nicéphore entreprit contre la Cilicie, et ensuite
contre la Syrie, deux expéditions, qui semblent noir été confondues en une
seule par Matthieu, cette seconde expédition est placée par Cedrenus au
printemps de la troisième année de Nicéphore, c’est à dire en 966. L’empereur,
étant passé devant Antioche sans l’attaquer, alla s’emparer des places situées
dans le Liban et depuis les cotes de la Phénicie jusqu’à Édesse, au delà de l’Euphrate.
Laodicée et Menbêdj, l’ancienne Hiérapolis, firent peu de résistance. Alep se
soumit à un tribut annuel, ainsi que Tripoli et Damas. Arka fut prise en neuf
jours. Emèse, que Nicéphore trouva déserte, fut brûlée. Au mois de décembre, il
revint vers Antioche : mais le manque de vivres au milieu d’un pays dévasté et
les mauvais chemins l’obligèrent a battre en retraite, et il retourna à
Constantinople. Apres son départ, le patrice Michel Bourtzès
et l’eunuque Pierre Phocas réussirent par un coup de main à se mettre en
possession d’Antioche, qui rentra ainsi entre les mains des Grecs, après avoir
été pendant plus de trois siècles au pouvoir des Arabes. Lebeau et M. de Muralt
ont suivi Cedrenus en fixant à 966 l’expédition de Nicéphore en Syrie, mais M.
Hase (In Leonis Diaconi historiam notae)
pense qu’elle doit être retardée jusqu’en 968, d’après le texte de Léon le Diacre
et le calcul de Pagi (Critica in Annales Baronii).
[36] Romain II, dit le Jeune (
[37] Tzimiscès vivait alors, non point exilé dans une
île, comme le prétend Matthieu, mais relégué chez lui en Asie. L’empereur,
cédant aux suggestions de son frère Léon, l’avait dépouillé de la charge de
Domestique et lui avait intimé l’ordre de se retirer dans sa maison, avec
défense d’en sortir. L’impératrice Théophano, qui haïssait Nicéphore et qui s’était
éprise de Tzimiscès, avait su obtenir de son mari une lettre qui le rappelait à
Constantinople. Le messager qui en était porteur le ramena à Chalcédoine, où
Nicéphore lui fit dire d’attendre encore un peu de temps. Tzimiscès, traversant
le Bosphore en secret pendant la nuit se rendait au palais et entretenait des
relations criminelles avec Théophano. —Suivant les auteurs arméniens, Tzimiscès
était de leur nation et originaire d’Hiérapolis, dans le district de Khôzan,
qui fait partie de la province de
[38] Suivant Cedrenus, Glycas et Léon le Diacre fut
dans la nuit du 10 au 11 décembre, indiction xiii,
l’an du monde 6478 = 969, que périt Nicéphore ; Matthieu est donc en avance,
pour cette date, de prés de six ans. — Tzimiscès fut introduit par l’impératrice
Théophano, au moyen d’une corbeille, dans le palais. Il était accompagné de ses
amis le patrice Michel Bourtzès, le Taxiarque Léon Valentius et Atzypothéodore.
Ayant surpris Nicéphore pendant son sommeil, ils le massacrèrent, et, après lui
avoir coupé, la tête, ils la montrèrent par la fenêtre, à la lueur des
flambeaux, aux gardes et au peuple accourus, Tzimiscès fut aussitôt proclamé
empereur.
[39] D’après Léon le Diacre, Nicéphore fut enterré
auprès de Constantin le Grand, dans l’Eglise des Saints Apôtres, où était la
sépulture des empereurs, à Constantinople. — Cf. sur les tombeaux des empereurs
byzantins, M. Brunet de Presles, Mémoire lu à la séance annuelle de l’Acad.
des Inscript. et Belles-Lettres.
[40] District de
[41] Cette date est un anachronisme évident. Suivant
Vartan, Kakig Ier occupa le trône de 434 E. A. (
[42] Jean, appelé aussi Sempad, et Aschod surnommé le
Brave.
[43] Sénékhérim Jean, le dernier des princes Ardzrouni
qui régnèrent sur le Vasbouragan, ne devint maître de ce pays en entier qu’en
1003, comme l’atteste Tchamitch (t. II). D’après Açogh’ig (III, 46), son
autorité était circonscrite auparavant à une portion de cette province, le
district de Peschdounik’. Plus tard, en 1021, Sénékhérim, inquiété par les
Turcs Seldjoukides, céda ses Etats à l’empereur Basile II, qui lui donna en
échange Sébaste, dans
[44] Les princes Ardzrouni faisaient remonter leur
origine aux deux fils de Sennachérib, roi d’Assyrie, Adramélech et Sarasar,
qui, après avoir tué leur père, se sauvèrent en Arménie (IV Rois, XIX, 37 ;
Isaïe, XXXVII, 38 ; Tobie, I, 24.) Les descendants de Sarasar peuplèrent le
district qui de leur nom, dit-on, fut appelé Sanaçounk’, et en vulgaire Saçounk’.
Adramélech s’établit à l’est des possessions de son frère, et sa postérité
occupa la province de Vasbouragan. — Cf. Moïse de Khoren, 1, 23, et mes Recherches
sur la chronologie armén. t. I.
[45] Le district d’Antzévatslk’ était compris dans la
province de Vasbouragan. Kourkên-Khatchig, souverain de ce district, était
frère d’Aschod-Sahag, qui régnait sur la plus grande partie de cette province,
et de Sénékhérim Jean, roi du pays de R’eschdounik’. Ces trois princes étaient
fils d’Abouçahl Hamazasb. Kourkên-Khatchig eut trois fils, Térénig, Kakig et
Aschod. Comme ils étaient encore en bas âge à la mort de leur père, arrivée en
1003, Sénékhérim Jean, leur oncle, s’empara de leurs possessions, et devint
ainsi maître de tout le Vasbouragan.
[46] Le mont Varak est au sud de la ville de Van, dans
le district de Dosb, province de Vasbouragan. Au pied de cette montagne s’élevait
un monastère célèbre par le fragment de
[47] L’on ne connaît point aujourd’hui la valeur
exacte du tahégan, en persan dehgani ; il parait qu’il équivalait au
dinar des Arabes. Au-dessous du tahégan, les Arméniens avaient le tram,
la drachme ou dirhem, et ensuite le ph’ogh’, l’obole ou folous. Il y
avait des tahégans d’or et des tahégans d’argent. Dans la Bible arménienne, ce
mot a le sens vague du grec nomisma et
du latin nummus. Traité des poids
et mesures des anciens, (en arménien), par le R. P. Pascal Aucher, Venise,
1821.
[48] Nos deux mss. 9 et 99, lisent ainsi le nom de la
reine, femme de Kakig Ier. Tchamitch écrit Gadramidê. Suivant
l’historien Vartan, elle était fille de Vaçag, prince de Siounik’, de
[49] Akhourian ou Akhouran, appelé aussi rivière de
Gars, l’Arpatchaï des modernes. C’est un des affluents de l’Araxe.
[50] Les Bagratides s’étaient partagés en quatre
branches principales, qui régnèrent, dans l’Arménie, à Ani, à Gars et à Lor’ê,
et dans
[51] Samuel d’Ani et Vartan attestent formellement,
comme Matthieu, que le catholicos Pierre Ier fut contemporain du roi
Jean ; mais, par suite des anachronismes que notre auteur a faits dans le
commencement de son histoire, il avance outre mesure le pontificat de Pierre.
Suivant Samuel d’Ani, il siégea de 465 E. A. (
[52] . Apas était fils de Mouschegh’, fils d’Apas, roi
bagratide d’Ani, et frère d’Aschod III, dit le Miséricordieux. Mouschegh’ avait
reçu d’Aschod en apanage la ville de Gars et le pays de Vanant. La dynastie de
ces princes fut de courte durée, car Kakig, fils d’Apas, céda en 1064 ses Etats
à l’empereur Constantin Ducas, qui lui donna en échange Dzamentav, ville située
sur les confins de
[53] Kourkên ou Goriguê, troisième fils d’Aschod III,
et par conséquent cousin-germain d’Apas, roi de Gars. C’est de son frère Sempad
II qu’il reçut en apanage les contrées de Daschir, Davou’ch, Sévortik’, dans le
Tzoro’ked. Gaiian, Gaïdzon, Khor’aguerd, Pazguerd, et autres districts ou
places fortes dans l’Arménie orientale, sur les bords du Gour ou Cyrus. Il est
la tige des rois Goriguians, dans l’Agh’ouanie Arménienne.
[54] Aschod, voulant se défaire de son frère le roi
Jean, feignit une grave maladie, et s’étant mis au lit, fit creuser tout auprès
un trou, afin que Jean y tombât lorsqu’il accourrait. En même temps il
recommanda à Abirad de saisir Jean aussitôt qu’il se serait pris à ce piège, de
l’emmener et de le tuer. Aschod envoya donc un de ses serviteurs, sur lequel il
pouvait compter, au roi Jean, pour l’inviter à venir recevoir ses derniers
adieux. Jean se hâta d’arriver, et étant tombé dans le trou, Abirad accourut et
le chargea de chaînes. Puis il l’entraîna hors de la chambre où était Aschod,
le remit en liberté, et le conduisit à Ani, où il le replaça sur le trône.
Pensant qu’Aschod ne lui pardonnerait point de l’avoir ainsi joué, il se
réfugia auprès d’Abou’lséwar. — Tchamitch, t. 2.
[55] Abou’lséwar, émir de la famille des
Beni-Scheddad, qui se rattachaient à la tribu kurde des Réwadis. Cette famille
se rendit indépendante des khalifes, dans le Karabagh, ou plutôt dans l’Ar’an,
entre 951 et 1076. Elle posséda Kantzag jusqu’à la prise de cette ville par
Bouzân, général au service du sultan de Perse Mélik Schah, en 1088, et Ani
jusque vers la fin du douzième siècle. — cf. Tchamitch, t. III ; Fraehn, Mém.
de l’Acad. impériale de St-Pétersbourg ; M. Brosset, Hist. de la Géorgie.
— Abou’lséwar avait épousé la sœur de David Anhogh’ïn (Sans-Terre), roi
bagratide des Agh’ouans. —Cf. l’historien Arisdaguès Lasdiverdtsi, ch. X. — C’est
l’Aplèsphares des auteurs byzantins.
[56] Sous le nom de Théloumnis, Dilémites,
ou Elyméens, les tours arméniens entendent les Turcs Seldjoukides de
[57] Le district de Nik, où était la forteresse de
Pedchni, faisait partie de la province d’Ararad. Cette forteresse s’est
transformée aujourd’hui en un village situé sur
[58] Vaçag appartenait à l’une des plus illustres
familles de l’Arménie, puisqu’il était du sang royal des Arsacides. Il
descendait de la fille du patriarche saint Sahag le Parthe (cf. ch. CXI), qui
lui-même comptait parmi ses aïeux saint Grégoire l’Illuminateur. Le fils de
Vaçag est le célèbre Grégoire, qui fut plus tard décoré du titre de Magistros
par l’empereur Constantin Monomaque, et créé duc d’une partie de
[59] Khaph’tchig, originaire du Habesch, ou
Abyssin. Les Arméniens désignent par ce mot d’une manière générique tous les peuples
de couleur noire, les Ethiopiens, les Maures, et même les Indiens.
[60] Emran était un chef arménien qui marchait avec Ph’ilibbê
et Georges Tchordouanèl sous les ordres de Vaçag.
[61]
Serguévéli
ou Serguevli signifie en arménien cognassier ; on doit donc
traduire la montagne du cognassier. Indjidj (Arm. anc.) la comprend dans
la liste des localités dont la position est aujourd’hui inconnue ; mais il est
évident, par le récit de Matthieu, qu’elle était située ou dans le district de
Nik, ou dans le voisinage.
[62] Les historiens arméniens, comme les byzantins,
appellent du nom de Romains les sujets de l’empire grec. On sait, en effet, que
Byzance avait reçu de Constantin le Grand le nom de Nouvelle Rome. Il
semble cependant que, dans le langage habituel des Arméniens, la dénomination
de Hor’omk ou Hromk, soit réservée aux grecs, qu’ils appellent
aussi les Romains orientaux. Celle de matetsik est attribuée plus
particulièrement aux Romains d’Occident, et d’une manière générale aux Latins,
ainsi qu’à tous les peuples de l’Europe. Nous en verrons des exemples plus loin
dans le texte de Matthieu. L’expression, la Nation orientale ou l’Orient,
signifie
[63] Le Domestique d’Orient dont il est ici question
et sur lequel se taisent les historiens byzantins, était sans doute Arménien,
comme ce nom de Mleh semble l’indiquer. En effet, pendant toute la durée
du Bas Empire, une foule d’Arméniens furent au service de la cour de Byzance,
et quelques-uns même parvinrent aux plus hautes dignités. Tchamitch (t. II), d’après
les mss. qu’il a eus entre les mains, a lu Mleh témesligos. Nos deux
mss. de la Bibl. impér. portent : le Témaligos appelé Mleh. C’est le
titre grec Domesticos tôn scholon,
Domesticus scholarum attribué au général en chef des armées d’Orient.
[64] Habituellement les Arméniens désignent le Tigre
par son nom grec Tigris (Dikris), quelquefois aussi par son nom oriental Teglath,
diversement transcrit, suivant les manuscrits.
[65] Lors de cette expédition de Mleh en Mésopotamie,
il y avait trois ans que Nicéphore était mort.
[66] Le khalife Mothi’-lillah (946-974).
[67] Dans le langage des Arméniens, cette expression,
« Maison », c’est-à-dire Nation orientale, « Orient »,
désigne la portion de territoire qui s’étend à l’est de l’Euphrate jusqu’à
[68] Le désordre que notre auteur a introduit dans sa
chronologie fait reparaître Aschod III après les règnes de Sempad II et de
Kakig Ier, ses successeurs. Il semble qu’il l’ait confondu avec le
frère de Jean Sempad, Aschod le Brave. Mais ce dernier n’est pas compté dans la
liste des souverains bagratides, parce qu’il ne régna pas à Ani ; de plus, il
est postérieur de beaucoup à Tzimiscès, qui fut contemporain d’Aschod III.
Aschod III, le cinquième souverain de la dynastie des Bagratides d’Am, dit le
Miséricordieux, à cause de sa charité inépuisable envers les pauvres, régna,
suivant le chronographe arménien Samuel d’Ani (trad. de J. Zohrab à la suite de
la Chronique d’Eusèbe, Milan, 1818) 402 de l’ère arménienne (
[69] Ph’ilibbê appartenait à la seconde dynastie des
rois de Gaban ou Ph’ar’iços, petit état de la province de Siounik’, dans l’Arménie
orientale. Ph’ilibbê eut pour fils et successeur Taguin Sévata, et celui-ci
Sinak’érem ou Sénékhérim, qui fut père de Grégoire, contemporain de Matthieu d’Édesse.
Les historiens arméniens Etienne Açogh’ig, Vartan et Etienne Orbélian s’expriment
d’une manière confuse et contradictoire sur la durée et la fin des princes de
Gaban, et il est impossible de les concilier. Suivant Açogh’ig (liv. III, ch. xlviii), Kakig Ier, roi d’Arménie,
et Ph’adloun, émir kurde de Tévïn, se seraient disputé et auraient ensuite
partagé les Etats de ces princes, après la mort de Sinak’érem et de Grégoire. D’un
autre côté, Matthieu d’Édesse (ch. cxxvi,
t. I de ma bibliothèque historique arménienne) dit formellement que ce
Grégoire était encore vivant de son temps, quoique lui-même soit postérieur d’un
siècle environ à Açogh’ig. Pour expliquer cette contradiction, Tchamitch (t.
II) a imaginé une restauration de cette dynastie par de nouveaux souverains,
dont les deux derniers auraient également porté les noms de Sinak’érem et de
Grégoire.
[70] Apas était fils de Mouschegh, frère d’Aschod le
Miséricordieux. Celui-ci avait donné en apanage à Mouschegh la ville de Gars et
le district appelé le Petit Vanant, dans lequel cette ville était située. Par
suite de la confusion que notre historien a introduite dans la chronologie des
Bagratides, il avance le règne d’Apas, qui ne monta sur le trône qu’en 984,
après la mort de son père Mouschegh. Ce royaume n’eut qu’une existence éphémère
; il finit en 1064, par l’abandon qu’en fit Kakig, fils d’Apas, à l’empereur
Constantin Ducas.
[71] Kourkên ou Goriguê Ier, troisième fils
d’Aschod le Miséricordieux, reçut en apanage de son frère aîné Sempad II l’Agh’ouanie
ou Albanie arménienne. Il mourut en 989. Il fut la tige de la branche des rois
bagratides dits Goriguians, qui avaient pour résidence Lore, ville
principale du district de Daschir, dans la province de Koukark’. Cette dynastie
s’éteignit vers le milieu du xiiie
siècle.
[72] Sénékhérim Jean, roi du Vasbouragan, de la
puissante famille des Ardzrouni, qui possédait toute cette province et qui
faisait remonter son origine à Adramélech, fils de Sennachérib, roi d’Assyrie.
Matthieu anticipe son avènement comme roi du Vasbouragan ; il ne le devint qu’en
1003. Plus tard, en 1021, il céda ses Etats à l’empereur Basile II.
[73] Khatchig Kourkên, frère aîné de Sénékhérim Jean,
fut son prédécesseur dans la souveraineté du Vasbouragan. Après la mort de
Kourkên, Sénékhérim s’empara de tout le pays, au préjudice des fils de ce
dernier, Térénig, Kakig et Aschod. Les deux districts d’Antzévatsik et de R’éschdounik,
dans cette province, étaient dévolus comme apanage aux puînés de la famille des
Ardzrouni. C’est donc par erreur que Matthieu nomme comme roi du Vasbouragan
Sénékhérim Jean avant son frère Kourkên. Sénékhérim n’était encore que prince
de R’eschdounik. (Voir ce que j’ai dit sur la famille des Ardzrouni, dans mes Recherches
sur la chronologie arménienne, t. Ier, 2e partie, Anthologie
chronolologique).
[74] Par l’expression « Maison de Saçoun » qui
est une locution élégante dans la langue arménienne, Matthieu entend les seigneurs
de ce district, l’un des plus considérables de la province d’Agh’etznik (l’Arzanène
des écrivains byzantins), et limitrophe, vers l’ouest, de la Mésopotamie arménienne.
(Cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. I.)
[75] C’est la contrée appelée
(Charka) par Constantin Porphyrogénète (De admin. Imper.). Elle formait un des seize districts de la
province de Douroupéran, et avait pour capitale l’ancienne ville de
Manavazaguerd, Managuerd ou Mandzguerd, aujourd’hui Melazguerd, dans le
pachalik d’Erzeroum. (Cf. Luc Indjidji, Arménie ancienne, Venise, 1822 et Arménie
moderne,Venise, i8oG, in 8° ; et le R.P. Léonce Alischan, Topographie de
[76] Tchamitch (t. II) écrit ce nom Gh’évont,
Léonce ou Pantaléon, comme ce nom est écrit dans la suscription de la lettre
que lui adressa Tzimiscès. (Voir ci-après, ch. xvi.)
[77] Sempad Thor’netsi, prince du district de Dchahan,
dans
[78] Mousçh, capitale du district de Darôn, le plus
considérable des districts de la province de Douroupéran, situé sur les deux
rives de l’Euphrate ou Mouradtchaï, à l’orient de la 4e Arménie ;
elle porte aujourd’hui le même nom et est comprise dans le pachalik de Van.
[79] La forteresse d’Aïdziats, ou Aïdzits, (des
chèvres), nommée d’abord Ardzèvis existait déjà comme une très forte place au
commencement du viie
siècle, d’après le témoignage de l’historien Jean Mamigonien (édit. de Venise,
in 8°, 1832).
[80] Vahan ou Vahanig, d’abord évêque de Siounik’ et
ensuite catholicos. On n’est pas d’accord sur l’époque et la durée de son
pontificat. Tchamitch, dans ses Tables (t. III) en fixe le commencement en l’année
965, et lui attribue 5 ou 10 ans d’exercice : après quoi il fut déposé.
[81] Kyrios, en arménien Gur’ ou Guir’.
[82] Cette princesse était probablement la sœur de
Seïf eddaula Aboul Haçan Aly, fils d’Abd Allah Abou’l Heïdja et petit-fils de
Hamdan, fils de Hamdoun, prince de la famille arabe de Tagleb ; fils de Wayel.
Il régna à Alep, où ses successeurs se maintinrent jusqu’en 1014. Une autre
branche de cette famille posséda Mossoul jusqu’en 979.
[83] L’historien Etienne Açogh’ig, qui vivait sur la
fin du xe siècle et au
commencement du xie,
donne à Khozan la qualification de gros bourg, et le place dans le district de
Dzoph’k’, qui était compris dan la 4e Arménie (Indjidji, Arm. anc.).
Voir ch. VII. Le témoignage de Matthieu montre que Khozan était aussi le nom du
territoire qui comprenait cette ville. On croit que Khozan s’appelait primitivement
Palakhohovid ou Palahovid.
[84] Tzimiscès n’atteignit pas Jérusalem, ainsi que le
prouve un passage de la lettre de ce prince, qu’on lira un peu plus loin.
[85] Cette lettre paraît avoir été écrite par
Tzimiscès lorsqu’il revenait de son expédition de Syrie, par conséquent dans l’automne
de 974. C’est dans l’année précédente qu’il avait pénétré dans l’Assyrie jusqu’au
delà du Tigre et dans le nord de
[86] Schahinschah, Schahenschah, en
Persan, « roi des rois », titre que nous trouvons transcrit Segansaa
dans Agathias. Plus tard, il fut conféré par les khalifes de Bagdad aux
souverains bagratides Aschod II et Kakig Ier. Celui d’Aschod III
était Schahi-Armên roi d’Arménie. On voit, dans la lettre que lui adressa
Tzimiscès, qu’il était aussi qualifié de Schahinschah. Le titre de
Sempad il était Schahinschah-Armên, « roi des rois d’Arménie ».
Nous lirons plus loin que les rois bagratides de Gars étalent appelés aussi Schahinschah,
ou simplement Schah.
[87] Dans cette expédition, Tzimiscès ne s’avança pas
plus loin que le district de Darôn, au nord-est de la Mésopotamie et l’entrée
de
[88] Saint Jacques de Nisibe était de la race royale
des Arsacides, de
[89] Il y a dans le texte Makhr Arabes, c’est-à-dire
les Arabes Magrébins. Ce mot, d’où les Arméniens ont tiré l’adjectif
mokhragan, employé par S. Nersès Schnorhali dans son Elégie
sur la prise d’Édesse, ainsi que mough’ri, est une altération de l’arabe
maghrébi, occidental, dénomination qui s’applique aux Arabes de l’Afrique
occidentale, et en particulier à ceux du Maroc. Un peu plus loin, et ailleurs
dans la chronique de Matthieu, ils sont nommés Aph’riguetsik’,
Africains. Par cette double appellation, il entend ici les Égyptiens. L’Émir
el-moumenïn auquel Tzimiscès fait allusion est le khalife fatimide Mo’ezz
lidin-illah, qui s’était rendu maître de l’Égypte en 362 de l’Hégire (972 de J.-C.)
Les khalifes fatimides, sortis du Maroc, dominèrent sur toute la côte
septentrionale d’Afrique, et furent fréquemment en guerre avec les Grecs. Déjà,
en 970, tous les peuples musulmans, parmi lesquels étaient ceux d’Afrique,
étant venus mettre le siège devant Antioche au nombre d’environ 100.000,
Tzimiscès fit marcher contre eux un de ses eunuques, le patrice Nicolas, dont
il connaissait les talents militaires. Ce général auquel s’étaient jointes les
troupes de la Mésopotamie, défit entièrement les Sarrasins, quoique son armée
fût très inférieure en nombre (Cedrenus, Zonaras). Il paraît, d’après les expressions
de la lettre de Tzimiscès, que dans cette seconde campagne les Arabes d’Afrique
ou Egyptiens avaient dû se porter vers le nord de la Syrie, et que c’est en
sortant de la Mésopotamie que l’empereur les rencontra.
[90] La ville d’Emèse était en la possession des
princes Hamdanites d’Alep ; celui qui régnait alors était Sa’d eddaula, fils de
Seïf eddaula.
[91] Il paraît que le tahégan équivalait au dinar des
Arabes ; quelquefois il est mis en rapport avec le besant. L’étymologie du mot
en persan prouve que cette monnaie avait le même principe de division (dix) que
le dinarion. Il y avait des tahégans de deux sortes, d’or et d’argent.
(Cf. Matthieu d’Édesse, t. 1er de la Biblioth. histor. armén.
ch. ix, note 2, et Pascal Aucher, Traité des poids et mesures, Venise,
in 4°, 1821 (en arménien)). Dans un passage de Matthieu d’Édesse, il est parlé
du tahégan (ch. xci) ; Guillaume
de Tyr (XIII, xv), en racontant
le même fait, cite l’espèce de monnaie appelée, du nom de l’empereur Michel Ducas,
michaclita.
[92] S. Matthieu, XII, 13-24 ; S. Marc, VI, 32-43 ; S.
Luc, X, 17-23 ; S. Jean, VI, 1-13. — Le texte arménien porte cent trois
poissons, ce qui est certainement une faute. Cette leçon est donnée cependant
par nos deux mss. 95 et 99.
[93] Le mot Béniata est une altération
évidente. D’après la marche suivie par Tzimiscès vers le sud, de Nazareth au
mont Thabor, nous sommes conduits à la ville de Bethsan ou Scythopolis, située
à l’ouest du Jourdain et au sud du lac de Tibériade. C’était la principale
ville de la Décapole, et de là vient sans doute la synonymie donnée par
Tzimiscès.
[94] Vridoun est sans aucun doute le mot
Berytos transcrit d’après la prononciation byzantine, et que l’original grec de
la lettre de Tzimiscès devait offrir dans ce passage à l’accusatif, Beryton, d’où
il sera passé sous cette forme dans la traduction arménienne.
[95] Je n’ai pas hésité à lire Nacer ;
peut-être est-ce aussi Nacery, affranchi de Nacer.
[96] Il y a dans le texte Pipogh’on. Je
soupçonne que ce doit être Biblos, sous la forme arménienne un peu altérée de
Pipogh’on ou Bibolon. En effet Tzimiscès dut passer inévitablement par cette
ville en longeant le littoral de la Phénicie pour se rendre de Béryte à
Tripoli.
[97] Le mot arménien Thimatsik’ est, si je ne
me trompe, un adjectif ethnique dérivé du grec théma, mot qui désignait
les divisions territoriales de l’empire grec, et aussi les légions auxquelles
la garde en était ronflée. Ici la cavalerie des Thimatsik’ est peut-ètre le
corps cantonné en Phénicie, ou bien les milices provinciales à cheval qui
faisaient partie de l’armée de Tzimiscès.
[98] C’est sans doute quelque mot grec altéré ; on
pourrait y reconnaître l’expression taxatiôn ou taxidion, garnison.
Les Daschkhamadatsik’ seraient ainsi les taxati, « milites praesidiarii » d’Anastase le Bibliothécaire. Cf. Fabroti,
Gloss.
in Cedrenum.
[99] Dans le texte, Gabanen or gotchi K’aréres,
le Défilé nommé K’arérès. Ce passage doit se trouver dans les gorges du Liban,
non loin de Tripoli. K’arérès, en arménien, face de pierre ou de rocher.
[100] Djouel ou Djevel est la
transcription arménienne du nom de Gibelet ou Gabala, ville située sur la côte
de la Phénicie, entre Laodicée au nord et Balanée au sud. Tzimiscès, ou
peut-être le traducteur arménien, en affirmant qu’elle a aussi le nom de Gabaon,
a été entraîné probablement cette synonymie par la ressemblance éloignée du nom
de Gabala avec celui de Gabaon ; mais Gabaon, cité de la tribu de Benjamin, au
nord de Jérusalem. ne peut se rencontrer dans l’itinéraire que nous fait
parcourir Tzimiscès, le long des côtes de la Syrie.
[101] Il y a dans le texte K’agh’ak’ Vagh’aniatsen,
c’est-à-dire la ville des Vagh’aniens, qui ne peut-ètre que Balanée, sur la
côte de Syrie, entre Gabala et Antaradus.
[102] Séhoun, en arabe Seyhoun, petite ville et
château très fort du territoire d’Antioche. Ce château s’élève sur le haut d’une
montagne protégée par de profondes et larges vallées en guise de fossés.
Aboulféda place Seyhoun au sud-est de Laodicée. Cf. Schultens,
Index geographicus in
vitam Saladini, et Aboulféda,
Géogr. éd. de MM. Reinaud et De Slane. On lit dans le dictionnaire géographique
arabe intitulé Merâcid-el-ittila (t. II, éd. Juynboll : « C’est une
place très forte de l’un des districts du Sahel, dépendante de Hems. Elle ne
domine pas la mer, mais elle est située sur le sommet d’une montagne. Ses
fossés sont des vallées larges et profondes : d’un côté seulement elle a un
fossé qui a été taillé dans le roc et dont la largeur est de soixante coudées
environ. Elle est défendue par trois murailles, dont deux sont devant le
faubourg et une devant la forteresse. (Saoua d’Ansbert,
Historia de
expeditione Friderici imperatoris, éd. Jos. Dobrowsky, Prague. 1827, in-8°).
[103] Léon le Diacre écrit ce nom Bortzô, et dit
que c’est une ville très forte assise sur un des sommets les plus élevés de la
chaîne du Liban. Dans la Chronique du connétable Sempad, on lit Bourzau.
C’était une ville très forte, assise sur un des sommets les plus élevés de la
chaîne du Liban. Les auteurs arabes l’appellent Berzoia, et la placent
au nord-ouest et à une journée de marche d’Apamée, et à l’est et à la même
distance de Séhioun. (Aboulféda. Géogr. ; Merâcid el-itthila. t.
I.).
[104] Par le nom de Babylone l’auteur entend tantôt
Bagdad, tantôt Le Caire. Ou sait que nos chroniqueurs du moyen âge emploient
habituellement la même expression dans ce double sens. On voit, par la suite du
récit, qu’il est ici question du Caire ou Babylone d’Égypte : « Babylonia quam ipsi
appellant le Cahaire, » dit
Jacques de Vitry, 2e lettre au pape Honorius III, dans le tome III
du Thésaurus anecdotorum de Martène et
Durand.
[105] Suivant Léon le Diacre, Tzimiscès, ayant pris la
place forte de Menbêdj, « qui, dit-il, s’appelle Mempeze en
syriaque ». Ce fut dans cette ville qu’il trouva les sandales du Sauveur
et la chevelure de S. Jean Baptiste. Il déposa la première de ces reliques dans
le temple de la Mère de Dieu, qui s’élevait dans le palais impérial, et la
seconde dans l’église du Sauveur, qu’il avait lui-même bâtie. Le même auteur
affirme que c’est à Béryte que Tzimiscès obtint l’image du Christ. C’était un
tableau représentant le crucifiement. Il l’envoya à Constantinople, pour être
déposée aussi dans l’église du Sauveur. Léon le Diacre rapporte la tradition du
miracle auquel cette image donna lieu, et que rappellent les paroles de la
lettre de Tzimiscès. — « On raconte, dit-il, qu’un chrétien, qui habitait une
maison de Béryte, y avait placé cette image. Ayant changé de demeure, il oublia
de l’emporter. Un juif étant venu occuper cette maison, invita le lendemain
plusieurs de ses coreligionnaires à souper. Ceux-ci, ayant aperçu l’image du
Christ appendue à la muraille, accablèrent le juif d’outrages, comme ayant
abandonné sa foi pour celle des chrétiens. A leur instigation et pour se
justifier, il porta un coup de lance dans le tableau, au côté du Christ, de la
même manière que ses pères avaient percé le corps du Sauveur, lors de sa
Passion. Aussitôt il en coula du sang et de l’eau. A cette vue, les juifs furent
saisis d’horreur ; et comme le bruit de ce miracle s’était répandu, les
chrétiens accoururent, envahirent la maison, et enlevant l’image tout
ensanglantée, l’apportèrent dans l’église. »
[106] Suivant Léon le Diacre, ce fut à Menbêdj que Tzimiscès
trouva les sandales du Christ et la chevelure de saint Jean-Baptiste. Il déposa
la première de ces reliques dans le temple de la Mère de-Dieu, qui s’élevait
dans le Grand Palais, et la seconde dans l’église du Sauveur, qu’il avait bâtie
dans le Vestibule de ce même palais. (Cf.
Codinus,
De originibus Constantinopolitanis ; Du Cange,
Constantinopolis christiana).
[107]
Anaph’ourdén,
dans le ms. 95, et Anamioudén
dans le ms. 99.
[108] District de
[109] Le traducteur arménien a conservé dans sa version
ce mot grec au génitif, obolôn, qui existait sans doute dans l’original.
[110] Cette variante se rencontre dans tous nos
manuscrits, et il est impossible de savoir si elle provient de l’auteur de la lettre
de Tzimiscès, de notre historien, ou de quelque ancien copiste, qui l’aura fait
prévaloir dans les temps postérieurs.
[111] C’est-à-dire vers le roi Aschod III, à Ani. L’expression
maison de Schirag désigne par une locution arménienne élégante le district
de ce nom, où s’élevait la ville d’Ani, et qui était l’apanage de la principale
branche des Bagratides arméniens. Ani, ruinée successivement par les Turcs seldjoukides
et les Mongols, et par un tremblement de terre, en 1317, fut abandonnée
définitivement par ses habitants, en 1319 elle ne subsiste plus aujourd’hui que
par ses magnifiques ruines.
[112] Il est curieux de comparer ce récit de la fin de
Tzimiscès avec celui que donnent les auteurs byzantins. Une version de la fin
de Tzimiscès est toute différente de celle que donnent Cedrenus et Léon le
Diacre. Suivant le récit plus explicite de ce dernier, Tzimiscès, à son retour
de la Syrie, remarqua, en franchissant le Taurus cilicien, que les châteaux de
Longias et de Drizes, au milieu d’un pays très fertile, récemment conquis par
son armée, avaient été occupés par l’accubiteur Basile ; il lui en fit de très
vifs reproches, mais celui-ci dissimula son mécontentement. L’empereur étant
arrivé dans la plaine d’Atrôa, au pied du mont Olympe, chez le patrice et sébastophore
Romain, petit fils de Lécapène, un eunuque, échanson de ce dernier, gagné par l’accubiteur,
versa à Tzimiscès un breuvage empoisonné. Le prince rentra mourant à
Constantinople, et ne tarda pas à succomber, le
[113] Matthieu compte comme successifs les règnes de
Basile et de Constantin, tandis qu’au contraire ils occupèrent le trône
simultanément ; le premier était alors âgé de 20 ans, et le second de 17. L’avènement
de Basile est avancé de 9 à 10 mois dans notre historien, puisque l’année arménienne
424 commença le
[114] Ce chef, dont le nom se lit plus bas, était
Abelgh’arib, de la famille satrapale des Havnouni. Il était depuis longtemps au
service des princes Ardzrouni comme chef de leurs armées. Il est à remarquer
que Tchamitch, qui rapporte l’événement dont parle Matthieu dans ce chapitre, l’a
anticipé de 35 ans, en le plaçant sous le règne de Térénig-Aschod, frère d’Abouçahl-Hamazasb,
père de Khatchig-Kourkên, père de notre Térénig.
Le nom d’Abelgh’arib
est arabe, et signifie Père de l’étranger. On rencontre dans l’histoire
arménienne d’autres personnages qui portent des noms empruntés la même langue,
et introduits à l’époque où les Arabes devinrent maîtres de l’Arménie ; de même
certains noms Turcs et mongols furent adoptés par les Arméniens, lorsque
ceux-ci passèrent sous la domination de ces peuples.
[115] Her, ville et district de la Persarménie.
[116] Émir kurde des districts limitrophes de Her et
Zarévant.
[117] Cf. Quatremère (Hist. des
sultans mamlouks, t. 1). Par une singulière distraction, le savant
orientaliste a qualifié de Géorgien le roi Ardzrouni Térénig. Dans une
chanson inspirée par le triste sort de Léon, fils du roi Héthoum Ier,
retenu prisonnier auprès du sultan d’Egypte Beïbars Bondokdary, on voit que le
vainqueur charmait les loisirs de la captivité du jeune prince arménien en l’invitant
à jouer à la paume, comme l’émir de lier le faisait à l’égard de Térénig. Un
poète populaire s’exprime ainsi :
Le sultan s’est
rendu dans le meïdan,
Il joue avec sa
paume d’or.
Ma lumière, ma
lumière et la Sainte-Vierge !
Que b sainte Croix
Soit en aide à Léon et à nous tons !
Le sultan joue, et
donnant la paume à Léon,
Prends, lui dit-il,
joue, et donne-la à ton dada (gouverneur).
Ma lumière, ma
lumière, etc.
(Armenian popular songs, translated into english by
father Leon Alishan. Venise, in
8°, 1852).
[118] Nous avons lu précédemment (ch. XIV), à l’année
972-973, que les chefs et les docteurs arméniens étaient venus remettre à
Tzimiscès, lorsqu’il se rendit en Arménie, une lettre du catholicos Vahan. Il
est surprenant de retrouver ce patriarche montant sur le siège en 976, quatre
ans après la date précitée. Mais nous avons déjà fait remarquer la confusion
chronologique qui existe dans les premiers chapitres de Matthieu.
[119] Bourg du district de Schirag, non loin d’Ani, sur
les bords de l’Akhourian. C’est là que les catholicos d’Arménie avaient leur résidence
et leur sépulture au temps des rois bagratides.
[120] Bardas, de l’illustre famille des Skléros ; sa
sœur Marie avait épousé Tzimiscès. Il se révolta contre Basile et Constantin,
et leur fit longtemps la guerre avec des alternatives de succès et de revers.
Enfin, défait par Bardas Phocas, auquel s’était joint David, Curopalate de Daïk’,
avec un corps de Géorgiens et d’Arméniens, il se réfugia à Bagdad, où il fut
retenu en prison. Ayant réussi à s’évader, il se rendit vers Bardas Phocas, qui
avait levé de son côté l’étendard de la révolte, afin de lui proposer de
joindre sa fortune à la sienne ; celui-ci se saisit de lui et le renferma dans
son château-fort de Tyropée. Mais Phocas étant mort sur ces entrefaites, sa
femme relâcha Skléros, qui vint faire sa soumission à Basile. Il fut bien reçu
par l’empereur Basile, qui, en lui pardonnant, lui conféra la dignité de curopalate.
Peu de temps après. il termina son existence agitée et aventureuse. On peut en
lire les faits dans Schlumberger, qui a résumé les récits des auteurs byzantins
et dans Lebeau (LXXV).
[121] Etienne III, précédemment supérieur du couvent
des Douze Apôtres, dans l’île de Sévan. Tchamitch a placé sen avènement en 970,
et notre auteur 13 ans plus tard, mais il est inutile de revenir sur ses
erreurs chronologiques.
[122] Cf. ch. VIII.
[123] Mamlan ou Mamloun était émir de l’Aderbadagan. Le
turc d’Amirabed ou chef des émirs, que lui donne Matthieu d’Édesse, indique
suffisamment qu’il était le plus puissant de tous les chefs de cette contrée.
Cf. Açogh’ig, III. — Ce dernier historien nomme aussi comme émir du même pays
Abou’l Hadji, qu’il faut distinguer de l’Aboul’ Hadji dont il est question au
ch. XX.
[124] David, prince arménien, Curopalate de la province
de Daïk’, joue un grand rôle dans l’histoire du Bas-Empire. Il était venu au
secours de hardas Phocas, et avait contribué puissamment à la défaite de Bardas
Skléros. Ayant appris que Bad, émir du district d’Abahounik’, était mort, il
envahit cette contrée et mit le siège devant la ville de Manazguerd, qu’il
pressa vivement et qu’if finit par réduire. Il en chassa tous les infidèles, et
les remplaça par des Arméniens et des Géorgiens qu’il prit parmi ceux qui
vivaient sous sa domination. Les émirs du voisinage, furieux du succès de
David, se coalisèrent et marchèrent contre lui. Arrivés dans le district de
Dzagh’g-oden (province d’Ararad) au village appelé Gosdiank’, ils campèrent à
cet endroit. Parmi eux se trouvait Mamloun. David, arrivé avec ses troupes à
Valarsaguerd, fut rejoint par Kakig, roi d’Arménie, et Apas, roi de Gars, ainsi
que par le roi de Géorgie Bagrat III (Pakarad). Les infidèles, effrayés, se
contentèrent de briller pendant la nuit plusieurs villages des environs, et
battirent en retraite. —Ce récit, qui nous est fourni par Açogh’ig (III),
explique pourquoi le district d’Abahounik’ est appelé ici le pays de David.
[125] Rabsacès, général de Sennachérib, roi d’Assyrie,
député par ce prince sers Ezéchias et les habitants de Jérusalem pour les engager
à se rendre, parla du ton le plus arrogant aux envoyés qu’Ezéchias avait
chargés d’aller conférer avec lui. — Isaïe, XXX, 27-33, XXXIII, XXXVI et
XXXVII.
[126] Ces officiers passèrent au service de Basic
lorsqu’il eut hérité des États de David. Cedrenus nomme Pukourianos, Phevdatos
et Phersès, tous trois frères.
[127] Matthieu veut sans doute dire que l’empereur
Basile et David, Curopalate de Daïk’, s’attribuaient une commune descendance.
On sait que Basile II comptait parmi ses aïeux Basile le Macédonien, d’origine
arsacide ; et il parait que David se regardait comme issu de cette illustre et
antique famille. En mourant, il laissa par testament ses Etats et son armée à
Basile.
[128] Le patriarche Etienne III mourut en 972, suivant
Tchamitch. Vartan lui donne deux années de pontificat. Açogh’ig fait monter sur
le siège Khatchig Ier, successeur d’Etienne, en 421 E. A. (
[129] Mauro-Vart, ou Vart le noir, est le même que
Bardas Phocas, qui se révolta contre Basile et prit le titre d’empereur en 987.
Vers 989, Basile et son frère Constantin, marchant contre lui, abordèrent en
Asie près de Lampsaque. Bardas Phocas, qui assiégeait Abydos, s’avança à leur
rencontre, et une bataille, qui devait décider du sort de l’empire, allait être
livrée, lorsque Bardas Phocas tomba mort subitement. Plusieurs versions
circulèrent sur cette fin extraordinaire ; dans le nombre, Matthieu parait
avoir adopté celle suivant laquelle Phocas aurait été empoisonné par son
domestique Syméon, corrompu par l’argent de l’empereur.
[130] Ce tremblement de terre est mentionné par
Cedrenus et Glycas au mois d’octobre 6494 (lis. 6495), indict. 15= 986. Léon le
Diacre dit que ce fut la veille de Saint-Démétrius, ou le 2 octobre.
[131] Le règne de Basile fut signalé par de nombreuses
expéditions contre les Bulgares ; elles durèrent de 981 à 1019, époque à laquelle
cette nation fut entièrement soumise. Pendant cette période, trois souverains
régnèrent sur elle, Samuel, Radomir et Jean Vladosthlav. Matthieu d’Édesse n’en
mentionne qu’un, qu’il nomme Alôsianos, nom que les copistes ont écrit
quelquefois Aléôsman, ou Aliôsman. Ce prince, qui était frère de
Jean Vladosthlav et de Délian, ne monta point sur le trône. Açogh’ig (t. III)
nous apprend qu’en l’année 437 E. A. (
[132] Vartan et Açogh’ig donnent à Khatchig Ier
19 ou 20 ans de pontificat. D’après ce dernier auteur (III, 32), le successeur
de Khatchig, Sarkis, fut sacré catholicos par la volonté de Kakig Ier,
roi d’Ani, le mardi de Pâques 441 E. A. (
[133] Cette expédition est rappelée
brièvement, à la date de 992, par Lebeau (XXVI). L’émir d’Alep, Loulou
el-Kharâdji, assiégé par Mangoutékïn, général d’Aziz-billah, khalife d’Egypte,
ayant imploré l’aide des Grecs, on lui envoya quelques troupes qui furent
vaincues. Dans les rangs des Grecs combattaient Thoros, seigneur du district de
Haschdiank’, et plusieurs autres nobles Arméniens, qui furent tués (Açogh’ig,
III). L’année suivante, comme le siège durait encore, l’émir ayant réclamé de
nouveaux secours, Basile marcha en personne avec une nombreuse armée, fit lever
le siège d’Alep, et se dirigea ensuite sur Schéïzar (1L1’il prit d’assaut, et
sur Tripoli, dont il ne put s’emparer. Après être resté quarante jours devant
cette place, il retourna à Constantinople en traversant l’Asie mineure.
Açogh’ig (ibid.)
rapporte que les Arabes marchèrent de nouveau contre les Grecs dans le
voisinage d’Antioche, et que Basile donna l’ordre au patrice Damien Dalassène
(Talanos) d’aller à leur rencontre avec des troupes arméniennes. Les Arabes
furent d’abord battus ; mais tandis que les Arméniens et les Grecs étaient
occupés à piller le camp des infidèles, ceux-ci, revenant sur leurs pas, firent
pleuvoir de loin une grêle de flèches ; après quoi, fondant sur les chrétiens,
ils les exterminèrent. Damien périt, ainsi que son frère et son fils. Le prince
Patrice (Badrig), frère de Tchordouanel, Géorgien de nation, fut fait
prisonnier. Quelques années après. Basile étant revenu en Syrie, fit rassembler
les ossements de ceux qui avaient péri, et bâtir une église sur remplacement de
leur sépulture.
[134] On peut conclure de ces derniers mots que cet
émir était au service du khalife d’Egypte, Aziz-billah.
[135] Il y avait en Arménie trois districts du nom de
Varajnounik’ : l’un, situé sur les bords du Hraztan, non loin de la contrée d’Aschots,
dans la province d’Ararad ; c’est celui que possédait Sahag ; Il faisait partie
du domaine des Bagratides. dans les armées desquels servait Sahag avec l’ancien
titre de marzban ou gouverneur dos frontières ; le second district de
Varajnounik’ était dans le Vasbouragan, et le troisième dans Douroupéran.
[136] L’explication de la dissidence qui sépara cette
année les Arméniens et les Grecs, au sujet de l’époque où devait tomber la
Pâque, se trouve dans mes Recherches sur la Chronologie arménienne, t.
1, 1re partie, p. 90-92. Suivant le calendrier des Grecs, la Pâque
pouvait être célébrée canoniquement le 6 avril, tandis que le comput arménien
reculait cette fête jusqu’au 13. Irion, qui était un prêtre attaché à la cour
de Justinien Ier, avait voulu introduire une légère correction dans
le calendrier pascal d’André de Byzance, usité chez les Arméniens depuis le
milieu du ive siècle,
et qui n’était autre que celui des Alexandrins. Quatre fois dans le cours de la
période pascale de cinq cent trente deux ans, la fête de Pâques tombe, pour les
Arméniens, le 13 avril, tandis que les Grecs et toutes les nations chrétiennes
la célèbrent le 6, dimanche précédent. Cette différence a occasionné dans tous
les temps des querelles pareilles à celles dont parle ici Matthieu. J’ai
discuté longuement ces questions et expliqué le calendrier d’Irion dans mes Recherches
sur la chronologie arménienne, t. 1er.
[137] Ces paroles font allusion au feu sacré, que la
multitude des fidèles qui visitaient Jérusalem croyaient descendre du ciel sur
les lampes du Saint-Sépulcre, le samedi-saint. Cf. Michaud, Hist. des
Croisades. On peut voir dans la Bibliothèque des Croisades, t. I, p.
93 et 526, les récits de Foulcher de Chartres et de l’annaliste génois Caffaro,
témoins oculaires de ce miracle, ainsi que la dissertation de Mosheim,
intitulée : De lumine sancti sepulchri commentatio, dans ses
Dissertationes,
t. II, Lubeck, 1727. Cf. ch. CLXX de notre chronique. —On lit dans Aboulfaradj
un trait fort curieux à ce sujet. Le khalife d’Egypte, Hakem biamr-allah, donna
l’ordre, en l’année 400 hég. (
[138] Ou mieux Hentzouts. Ce couvent était dans le
district de Garin, qui fait partie de la province appelée Haute Arménie. Il fut
fondé dans le xe
siècle par des moines arméniens, expulsés du territoire grec à cause de leur
attachement aux doctrines particulières de leur Eglise, en dissidence avec
celle de Constantinople. Joseph, supérieur de ce couvent, est cité avec de
grands éloges par Açogh’ig (III, 7), et Arisdaguès Lasdiverdtsi (ch. ii). — Indjidj, Arm. anc. et Arm.
mod.
[139] Jean Gozer’n de Darôn, l’un des docteurs les plus
distingués de cette époque parmi les Arméniens, par sa piété et par ses
connaissances en mathématiques et en astronomie. Il avait composé, à la prière
d’Ananie, évêque de Valarsaguerd, un Traité du calendrier dont il existe encore
quelque fragments.
[140] La fin du roi des Bulgares est rapportée d’une
manière différente par Cedrenus, Zonaras (t. II) et Glycas. Suivant ces auteurs,
ce prince, qu’ils appellent Samuel, mourut de la douleur qu’il éprouva en
voyant revenir 15.000 de ses soldats auxquels Basile avait fait crever les
yeux. Matthieu anticipe de 3 ans cette expédition, qui est placée au plus tard
en 1014 ; ce ne fut que quatre ans après cette dernière date que Basile soumit
entièrement les Bulgares.
[141] Ce sont les Turcs Seldjoukides, les Ouzes des
écrivains byzantins, Ghozz des Arabes. Voir ch. LXXV.
[142] Schabouh était général des armées du roi Sénékhérim, qui résidait alors à Osdan, capitale du district de R’eschdounik’, ou, suivant le Ménologe arménien (1er juin) à Van, ville principale du Vasbouragan.
[143] Le mot osdan signifie une cité libre d’impôts, la résidence privilégiée d’un souverain ou d’un prince, sa capitale, quelque chose comme le municipium des Romains. Il y avait en Arménie plusieurs autres villes qui avaient ce titre d’osdan, comme Nakhdchavan, l’osdan du Vasbouragan ; Tarouïns, l’osdan des Bagratides ; et Hatamaguerd, l’osdan des Ardzrouni. Cf. Thomas Ardzrouni, apud Indjidji, Arm. anc.
[144]
L’auteur fait allusion au patriarche S. Nersès le Grand, de la famille de S.
Grégoire l’Illuminateur, et son cinquième successeur, et le discours qu’il
rapporte ici parait être un fragment de la prophétie que les Arméniens
attribuent ce pontife au moment de sa mort. On la trouve dans sa Biographie, Petite
Bibliothèque arménienne, Soph’erk’ haïgagank’, t. VI, p.
89-104, Venise,
[145] L’empereur Basile, d’après Cedrenus, mourut en décembre Indiction 9 = 1025 E. Ch. Par conséquent Matthieu est en avance pour cette date de 7 ans. La durée du règne de Basile, comme l’atteste Zonaras, est d’un peu plus de 50 ans, et non point de 58, comme le prétend Matthieu.
[146]
Ce prince résidait alors avec ses quatre fils, David, Adom, Abouçahl et
Constantin, à Sébaste, qui lui avait été cédée par l’empereur Bulle en échange
du Vasbouragan. Sa mort est Indiquée par Tchamitch (t. II, p. 909) à l’année
475 E. A. (
[147] Suivant l’Histoire de la Géorgie, p. 300-311, Giorgi Ier, fils de Bagrat III, et père de Bagrat IV, régna de 1014 à 1027. Bagrat IV lui succéda immédiatement et mourut en 1072.
[148] Nous avons vu (ch. xviii) que Basile et Constantin régnèrent simultanément, et non point l’un après l’autre. Ce dernier survécut à son frère 2 ans, 11 mois et 5 jours, et non point quatre ans comme le dit Matthieu. Sa mort arriva indiction 12 = 1028, et suivant Lupus Protospatha, la veille de la fête de Saint-Martin, ou le 9 novembre.
[149] Azaz ou Ezaz, place forte au nord-ouest d’Alep ; Hasarth de Guillaume de Tyr.
[150] Romain Argyre succéda immédiatement à son beau-père Constantin.
[151] Cette expédition malheureuse de Romain en Syrie est racontée en détail par Cedrenus (p. 568), Zonaras (t. II, p. 181), et Glycas (p. 242), sauf quelques circonstances assez curieuses qu’ajoute l’écrivain arménien.
[152] Gouris ou Kouris, l’ancienne Cyrrhus, ville forte de Syrie, située dans la montagne au nord d’Alep, et dans le voisinage château d’Aréventan (Ravendan). Tchamitch, T. III, p. 110.
[153] Ibn Schebl appartenait à la tribu des Arabes
Kélabites, d’où vint la dynastie des Mardaschides, qui après les Hamdanites dominèrent
à Alep. Otheïr était de la tribu des Beni-Nomaïr, et Nacer-eddaula de la
dynastie des Merwanides. — Cf. chap. LXXXII.
[154] Abou Nasr Ahmed Nacer eddaula, fils de Merwan. La
dynastie des Merwanides avait enlevé aux Hamdanites les villes de Diarbékir,
Amid, Meïafarékïn, Hisn-Keïfa, et plusieurs autres dans les contrées
environnantes. Elle possédait aussi Manazguerd, Khélath et Ardjèsch, ainsi que
tous le pays au N. O. du lac de Van.
[155] En arabe, chef, préfet. Ce titre désignait
spécialement un chef de tribu kurde, comme nous le verrons plus loin (ch.
LXIII).
[156] Ce récit de l’occupation d’Édesse par les Grecs
se retrouve, mais d’une manière beaucoup plus abrégée, dans Cedrenus, Aboulfaradj
(Chron. syr.), Aboulféda (Annal. muslem. t. III) et Noveïri (t.
II, f° 52, ms. arabe n° 655 de la bibl. imp. de Paris). Cedrenus, qui indique l’année
6540, ind. 15 (1er septembre 1031 - 1032), et Aboulféda, l’année 422
hég. (
[157] Saleh, fils de Mardas, émir des Arabes Kélabites.
—Aboulféda, Ann. t. III.
[158] Pagh’êsch, ville du district de Peznounik’, dan
la province de Douroupéran ; c’est la Bitlis moderne, dans le pachalik
de Van.
[159] Salamasd, ville de la province de Gordjaïk’, très
ancienne puisqu’elle est déjà mentionnée au IVe siècle par Faustus de
Byzance (IV, 58). Cette province était à l’est de celle de Mogk’, et à l’ouest
de
[160] Arzoun, d’après la Prononciation syrienne, ou
Arzen suivant les Arméniens, ville et district de la province d’Agh’etznik’ ; c’est
l’Arzanene des auteurs grecs et latins, nom sous lequel ils comprenaient
toute cette province.
[161] Peut-être faut-il lire Dispon, c’est-à-dire
Ctésiphon.
[162] Guerguécéra doit être Djerdjeraïa, petite ville
de l’Irak Araby, située auprès du Tigre, entre Bagdad et Wacith, à une distance
de 40 milles de Madaïn.
[163] Romanopolis, ville de la 4e Arménie,
qui avait été rattachée au thème de la Mésopotamie. — Romanopolis étant
mentionnée par Constantin Porphyrogénète (De adm. imp. ch. 50), il est évident que Matthieu se trompe
en attribuant sa fondation à Romain Argyre. Il faut la rapporter à Romain Ier,
dit Lécapène, collègue de Constantin Porphyrogénète.
[164] J’ai rendu ainsi le mot arménien schalgov,
qui est la forme vulgaire du cas Instrumental de schalag, dos, épaule,
et tout ce qu’on porte sur cette partie du corps, comme sac, besace, litière.
[165] Il y a dans le texte gontor’adzk’ ; je
pense que c’est quelque mot grec, comme komoratzès, c’est-à-dire « soldat
armé du kontos ou kontarios, » javelot ou lance ; ou
peut-être du kontaroxipharon, flèche.
[166] Ledar était, comme nous le verrons ch. CXXI, une
forteresse ; elle devait se trouver à l’ouest d’Édesse, entre cette ville et l’Euphrate.
Il en est de même de Barsour.
[167] Vallée dont j’ignore la position exacte, mais qui
devait être située entre Édesse et l’Euphrate.
[168] Aschod le Brave, qui régna conjointement avec son
frère Jean Sempad, mais hors du district de Schirag. Cf. ch. XIV.
[169] Thogrul-beg, premier souverain de la dynastie des
sultans seldjoukides de Perse. Cf. ch. LXXIII.
[170] Comme Romain Argyre ne mourait pas assez vite au
gré de sa femme Zoé, qui lui avait fait donner un poison lent par Jean Orphanotrophe,
elle le fit étouffer dans un bain par Michel, frère de Jean, et autres
conjurés, l’an du monde 6542, indict. 2 = 1034 E. Ch., 11 avril, jeudi-saint (Cedrenus
et Jean Skylitzès). Michel le Paphlagonien, qui entretenait un commerce
adultère avec Zoé, l’épousa et s’assit sur le trône.
[171] Sévavérag ou Sévarag, ville de la Mésopotamie
arménienne, située au nord d’Édesse ; aujourd’hui Sévérêk, dans le pachalik de
Diarbékir. — Quant à la localité appelée Alar, elle devait être dans le
voisinage de Sévavérag.
[172] Cette expédition des Arabes dans la Mésopotamie
est mentionnée par Cedrenus en l’an du monde 6665, indiction 5 (1er
septembre 1036 - 1037), et par Aboulfaradj à l’année 427 hég. (
[173] Ce frère de Michel se nommait Constantin, et
commandait Antioche. Il avait envoyé à Édesse un puissant secours, qui sauva
cette ville. En récompense, Michel le fit général des armées d’Orient.
[174] Cf. sur Grégoire Magistros, ch. XI.
[175] Ce Sarkis était prince de Siounik’. A la mort du
roi Jean Sempad et de son frère Aschod le Brave, lorsque l’empereur Michel tenta
de s’emparer d’Ani, Sarkis trahit la cause de ses compatriotes, leur fit
beaucoup de mal, et se rangea du côté des Grecs. Il avait le titre de Vestès.
Comme il aspirait à la royauté, les grands du royaume, parmi lesquels étaient
Grégoire Magistros et son oncle paternel Vahram, généralissime des Arméniens,
choisirent Kakig II, fils d’Aschod et neveu de Jean. — Tchamitch, t. II.
[176] Les Arméniens, comme tous les peuples de l’antiquité
qui ont employé l’année solaire, commençaient le jour au lever du soleil et
partageaient l’intervalle pendant lequel cet astre est sur l’horizon en 12
divisions de longueur inégale suivant les saisons. En temps moyen, la première
heure du jour répondait à
[177] L’Oxus, qui se jette dans le lac d’Aral, et qui
formait la limite de la Perse et du Turkestan, de l’Iran et du Touran, des
nations civilisées et des peuples barbares.
[178] Pergri, place forte du district d’Ar’pérani, dans
le Vasbouragan. Elle était située au nord-est du lac de Van, à l’est d’Ardjèsch.
C’est aujourd’hui Barkiry, dans le pachalik de Van.
[179] Tzoravank’, monastère du district de Dosb. La
construction de ce couvent est attribuée par Matthieu d’Édesse au patriarche S.
Herse III, et par Thomas Ardzrouni à S. Grégoire l’Illuminateur. Indjidji (Arm.
anc.) explique cette contradiction en supposant que c’est l’église de ce
monastère qui fut bâtie par S. Grégoire, et le monastère lui-même par S.
Nersès.
[180] Sanahïn, l’un des plus célèbres couvents de l’Arménie,
situé en face du monastère non moins fameux de Hagh’pad, dans le pays de
Sévortik’, province d’Oudi, d’après Açogh’ig (III, 8), apud Indjidji, Arm.
anc. — Tchamitch place Hagh’pad dans le district de Tzoraph’or, province de
Koukark’.
[181] Vartan dit un an seulement. Pendant que l’intrus
Dioscore occupait le siège, Pierre resta renfermé par ordre du roi Jean dans la
forteresse de Pedchni auprès de Vahram, l’oncle paternel de Grégoire Magistros.
— Tchamitch, t. II.
[182] Joseph III est compté comme le 51e
catholicos des Agh’ouans dans la liste de Schah khathouni. Ce savant religieux
montre que Joseph tint le patriarcat pendant de longues années, puisque, d’après
le chronographe Mékhithar d’Aïrivank’, il était encore en exercice dans l’intervalle
écoulé entre 530 et 534 E. A. (1081- 1085.)
[183] Cette expédition de Michel contre les Bulgares
est longuement racontée par Cedrenus, et en abrégé par Zonaras et Glycas, mais
dans un sens tout à fait différent du récit de Matthieu d’Édesse. Suivant les
trois historiens grecs, c’est Michel qui triompha des Bulgares. Cette campagne
se prolongea jusqu’en juin de l’année suivante, 1041.
[184] Le ms. 95 porte 12 ans ; Tchamitch, 14 ans.
[185] Abou’lséwar, jaloux de la puissance chaque jour
croissante de son beau-frère David Anhogh’ïn, se ligua secrètement avec le sultan
Thogrul, et, aidé par lui, leva une armée considérable et marcha contre David.
Il s’empara d’une partie des contrées appartenant à David, situées au sud du
Gour, et que les Agh’ouans avaient enlevées aux Arméniens. Abou’lséwar fit d’affreux
ravages, brûlant les églises, brisant les croix, contraignant les chrétiens à
embrasser l’islamisme, et les faisant circoncire par force. — Tchamitch, t. II.
[186] Ce souverain devait être alors Taguïn-Sévata,
fils de Ph’ilibbê (Cf. ch. VI et ch. CXXVI), ou peut-être Sinakérem, fils de
Taguïn-Sévata, autant qu’il est permis de le conjecturer dans l’incertitude où
nous sommes sur la succession des rois de Gaban.
[187] Bagrat IV, roi de Karthli et d’Aph’khazêth, fils
de Giorgi Ier, Bagratide ; il régna de 1027 à 1072.
[188] C’était le chef des Varangues, qui formaient la
garde particulière de l’empereur ; il marchait derrière lui, à la tête de ce
corps. —Codiaus, De offic. palat. Cptani, chap. II, et Goar, ibid.
[189] Voir ch. XXXVIII.
[190] Voir ch. XLVIII.
[191] Matthieu veut dire sans doute que David Anhogh’ïn
était alors le doyen d’âge de la famille des Bagratides.
[192] Cette généalogie des Bagratides n’est pas exacte.
La voici rectifiée : Kakig II, fils d’Aschod le Brave, fils de Kakig Ier,
fils d’Aschod III, fils d’Apas, frère d’Aschod II, dit Ergath.
[193] L’auteur veut parler de Grégoire Magistros, qui,
avec le généralissime Vahram, contribua le plus à placer Kakig II sur le trône.
[194] Par cette expression, la nation du
[195]
[196] Cf. ch. XI. — Lazare de Ph’arbe, historien de la
fin du Ve siècle, fait déjà mention de Pedchni, qu’il écrit Pedjni,
et qu’il qualifie de village considérable. Jean Catholicos l’appelle
forteresse, et Vartan place forte. — Indjidji, Arm. anc.
[197] L’auteur joue sur le nom de David, prononcé à la
manière arménienne Tavith et décomposé en deux mots, ta, qui est
le pronom démonstratif celui-ci, celle-ci, ceci, et le
substantif vih, gouffre ou précipice, suivi de la lettre
suffixe t. Ces deux mots réunis signifient : celui-ci est le gouffre ou le
précipice.
[198] Deux historiens arméniens du IVe
siècle, Agathange et Faustus de Byzance, paraissent avoir très bien connu les
Goths ou Gètes, Kouth, et les Massagètes, Maskouth, peuples dont
la puissance était alors à son apogée. Ils s’étendaient du sud au nord dans l’espace
qui va depuis l’embouchure du Danube jusques et y compris la Scandinavie, et de
l’ouest à l’est depuis la Pannonie jusqu’à l’extrémité septentrionale du
Pont-Euxin. Vaincus par les Huns, les Goths passèrent dans la Thrace et de là
en Italie, dans la Gaule méridionale et en Espagne. Ils étaient divisés, comme
on sait, en deux grandes fractions, les Ostrogoths ou Goths de l’est, et les
Wisigoths ou Goths de l’ouest. Ils ne furent connus des Romains que vers le
commencement du IIIe siècle de notre ère, lorsque ceux-ci eurent à
repousser leurs invasions ; mais ils étaient déjà établis dès la plus haute
antiquité, avec les Daces qui étaient de la même souche qu’eux, au nord du
Danube, dans la contrée qui, du nom de ce dernier peuple, fut appelée Dacie. A
l’époque où nous transporte Matthieu, peut-être existait-il encore quelques
restes des Goths sur le Danube, ou, ce qui est plus probable, cet auteur a
entendu par le nom de pays des Goths une contrée où ils avaient séjourné
longtemps, mais qui était alors occupée par d’antres nations.
[199] Michel le Paphlagonien mourut, suivant Cedrenus,
le 10 décembre de l’an du monde 6550, indict. 10=1041. Michel Calafate, qui lui
succéda, était son neveu ; la sœur de Michel le Paphlagonien avait épousé
Etienne, calfateur de navires, d’où le surnom de Calafate qui passa à ce
prince.
[200] Cedrenus dit à peu près comme Matthieu, que le
règne de Michel Calafate fut de quatre mois et cinq jours. Il ajoute qu’il fut
aveuglé et relégué dans le monastère des Elegmes, le 21 avril indiction 10 =
1042.
[201] C’est dans l’une des îles des Princes que fut
exilée l’impératrice Zoé, et le patriarche Alexis fut confiné dans un monastère.
[202] Ce Khatchig était de la famille des Ardzrouni et
surnommé le Sourd.
[203] Ce nom est écrit ailleurs, sous une forme
diminutive, Ischkkanig, Petit prince.
[204] Matthieu retarde de 9 mois l’avènement de
Constantin Monomaque, qui épousa l’impératrice Zoé le 11juin, indict. 10, l’an
du monde 6550 =1042, et fut couronné le lendemain par le patriarche Alexis.
(Cedrenus).
[205] Le Protospathaire Georges Maniacès avait été
envoyé dans le sud de l’Italie par l’impératrice Zoé pour s’opposer aux progrès
des Lombards et des Normands. Il se révolta et marcha sur Constantinople.
Parvenu dans la Bulgarie, Il rencontra auprès d’Ostrov l’eunuque Etienne,
Sébastophore, que Constantin Monomaque envoyait contre lui. Le combat s’engagea,
et Etienne avait été mis en déroute, lorsque Maniacès fut atteint tout à coup d’une
flèche qui lui traversa
[206] Galonbegh’ad et Bizou, villes de la Cappadoce,
dont la position nous est inconnue. Cedrenus, qui a rapporté différemment la
manière dont Monomaque dépouilla Kakig de son royaume, dit que l’empereur lui
céda de grandes propriétés dans la Cappadoce, dit côté de
Charsianum Castrum et
Lycandrus.
[207] C’est ainsi que Matthieu qualifie les Grecs, dont
les Arméniens s’étaient séparés, à l’occasion du concile de Chalcédoine, tenu
en 451. — Voir chap. LXXXV et mon ouvrage intitulé Histoire, dogmes,
traditions et liturgie de l’Eglise arménienne orientale, Paris, 1857
[208] Nicolas, envoyé par Monomaque, avec le titre de
général des armées d’Orient, pour soutenir le vestarque Michel Iasitas, préfet
de l’Ibérie, qui n’avait pu réussir à se rendre maitre d’Ani. C’était en 6553,
indict. 13 (1er sept. 1045 – 1046), suivant Cedrenus).
[209] Ough’thik, Oukhthik’ ou Okhthis, ville de la
province de Daïk’. — Indjidji, Arm. anc. — Tchamitch la place sur les
limites du district de Vanant, dans le voisinage du Daïk’.
[210] Le district d’Eguégh’iats, l’Acilisène de
Strabon et de Ptolémée, était compris dans
[211] C’est-à-dire dans le temps qui sépare Pâques de
la Pentecôte ; par conséquent dans l’intervalle du 7 avril, où tomba la Pâque,
au 26 mai, jour de la Pentecôte, en 1045.
[212] Monomaque s’était brouillé avec Abou’lséwar, Aplèspharès,
au sujet du partage des possessions du roi Kakig. Les Grecs, commandés par Iasitas
et le Magistros Constantin, ayant investi Tévïn, furent complètement battus. Alors
l’empereur destitua Iasitas et Nicolas, créa duc d’Ibérie à la place d’Iasitas,
Catacalon le Brûlé, et substitua à Nicolas l’eunuque Constantin, sarrasin d’origine,
dans la charge de commandant en chef. Ces derniers s’emparèrent de plusieurs
places fortes appartenant à Abou’lséwar. Sur ces entrefaites, la révolte de
Léon Thornig ayant éclaté en Occident, l’empereur rappela en toute hâte
Constantin, qui partit après avoir fait la paix avec l’émir. —Cedrenus.
[213] Le fleuve Arian est sans doute l’un des affluents
de la rive orientale du Tigre.
[214] Koreïsch, qui régnait à Mossoul, était de la
tribu des Arabes Okaïlites, dont le chef, Abou’l Daoud, s’était emparé de cette
ville vers 990. Lui et Nour-eddaula Doubaïs, roi de Hillah, étaient les deux
princes arabes les plus puissants à cette époque ; ils tenaient le khalife dans
l’oppression, et tentèrent de s’opposer aux Turcs Seldjoukides.
[215] Forteresse du district de Bagh’ïn ou Bagh’nadoun,
dans la 4e Arménie. C’est aujourd’hui un village du sandjak de
Palou, dans le pachalik de Diarbékir. — Indjidji, Arm. anc. et Arm.
mod.
[216] Indjidji, dans son Arménie ancienne, place
le district de Thelkhoum dans la liste des localités dont la position ne peut
être aujourd’hui déterminée exactement. Tout ce qu’on sait, c’est que ce
district était compris dans celui de Bagh’in ou situé sur ses limites.
[217] Ardjèsch, ville du district d’Agh’iovid, dans la
province de Douroupéran, sur le bord septentrional de la mer d’Agh’thamar, ou
lac de Van. — Indjidji, Arm. anc. — Aisés ou Ardzès de Constantin
Porphyrogénète.
[218] Cedrenus et Zonaras (t. II) racontent que
Thogrul-beg ayant envoyé son cousin Koutoulmisch contre les Arabes, celui-ci,
vaincu par Koreïsch et Doubaïs, prit la fuite et demanda passage au patrice
Etienne, fils de Constantin, qui était gouverneur du Vasbouragan. Etienne ayant
refusé, Koutoulmisch l’attaqua, le battit, et l’ayant fait prisonnier, alla le
vendre à Tauriz.
[219] Il y a dans le texte déliarkh, ou déliarkhi,
suivant quelques mss. ; c’est le grec télarchès, commandant d’une légion
ou d’un corps d’armée.
[220] Matthieu indique deux expéditions contre Tévïn,
tandis que Cedrenus n’en mentionne qu’une seule, celle qui a été racontée dans
le chapitre LXX.
[221] Cedrenus, Zonaras et Glycas rappellent aussi
cette révolte du patrice Léon Thornig, parent de Monomaque du côté maternel. Il
était précédemment gouverneur de l’Ibérie ; accusé d’aspirer à l’empire, il fut
révoqué, eut la tête rasée, et fut revêtu du froc monastique. Irrité de cet
outrage, il se retira à Andrinople, où il rallia tous les mécontents. Proclamé
empereur, il arriva devant Constantinople au mois de septembre, indict. 1re
= 1047.
[222] L’église des SS. Anargyres (S. Côme et S.
Damien), était située dans la partie de Constantinople comprise entre le
Tzycanisterium et les Blachernes. —
Anonymi Antiquit. Cptanarum lib. II. — L’église des SS. Martyrs, ou des SS.
Quarante (martyrs de Sébaste) se trouvait dans le même quartier, près des
Thermes de Constantin.
[223] Saint-Martin, qui a traduit ce chapitre dans ses Mémoires
sur l’Arménie (t. II), a fait ici une étrange méprise ; il a rendu le mot gourd,
châtré, eunuque, comme s’il y avait K’ourt, Kurde.
[224] La ville d’Ardzen-erroum (Ardzen des Romains) ou
Erzeroum était comprise dans le district de Garin, province de
[225] Tavthoug, diminutif arménien de Tavith (David).
[226] Il y a dans le texte Gamen, altération du
surnom grec Kékauménos ou Brûlé que portait Catacalon.
[227] Libarid ou Liparit, de l’illustre famille des
Orbélians, était, suivant Cedrenus, fils de R’ad, nom que l’historien byzantin
transcrit Horatios, tandis qu’il serait son frère, suivant Matthieu. Horace
était mort en 1022, dans la guerre de l’empereur Basile contre Georges, roi de
l’Ibérie septentrionale et des Abasges. — Cf. St-Martin, Mém. sur l’Arménie,
t. II.
[228] Le myron ou huile bénite est employé dans
l’Église arménienne pour le sacre des rois, la consécration du catholicos des évêques
et des prêtres, et pour les sacrements du baptême et de la confirmation ; ce
dernier se donne avec l’Eucharistie, immédiatement après le baptême.
[229] Michel Cérulaire.
[230] Il y a dans le texte centinar, qui est le
mot latin centenarium, dont les Byzantins
ont fait kentenarion. Suivant Anania de Schirag, mathématicien et
computiste arménien du VIIe siècle, le centinar se divisait en cent
livres pesant, lidr. — Cf. Pascal Aucher, Explication des poids et
mesures des anciens (en arménien), Venise, 1821. — Matthieu veut sans doute
dire que Monomaque fit cadeau au catholicos Pierre de cent livres d’or.
[231] Ce titre était dans l’Eglise grecque celui d’une
dignité importante. Le syncelle était le coadjuteur et le successeur désigné du
patriarche en fonctions. — Cf. Codinus, De off. cap. XX.
[232] Aaron Vestès, bulgare de nation, fils de
Vladosthlav et frère de Prusianus et d’Ibatzès, était gouverneur du Vasbouragan
pour les Grecs. Cedrenus. — Cf. Stritter,
Memoriae populorum olim ad
Danubium incolentium, etc. t. II,
2e part. Bulgarica.
[233] D’après Arisdaguès Lasdiverdtsi, qui parle (ch.
XIII) de cette bataille, et qui dit qu’elle eut pour théâtre la plaine de
Pacên, dans l’Ararad, on peut conjecturer que le district d’Ardchovid et la
forteresse de Gaboudrou étaient dans le voisinage. — Cf. Indjidji, Arm. anc.
— Cedrenus dit que les Romains, après l’arrivée de Libarid, étaient descendus
dans la plaine, au pied d’une colline sur laquelle s’élevait le château fort de
Capetrum, Kapetrou phrourion.
[234] Par le nom de Khoraçan, les historiens arméniens
entendent, non seulement la province de ce nom, comme ici Matthieu d’Édesse,
mais encore la Perse entière, et en général tous les pays l’ouest, qui
relevaient de l’empire des Seldjoukides de Perse, comme l’Azerbaïdjan, l’Arménie
et même la Mésopotamie.
[235] Suivant Etienne Orbélian, métropolite de Siounik’,
qui écrivit au XIIIe siècle l’histoire de sa famille, les grands de
Géorgie, jaloux de Libarid, coupèrent les jarrets de son cheval, et après qu’il
fut tombé à terre, le tuèrent sur le lieu même. — Cf. l’Histoire de la maison
satrapale de Siounik’, ch. LXV, et St-Martin, Mém. sur l’Arménie, t.
II)
[236] Samuel d’Ani, dans sa Chronographie, écrit ce nom
Zevad.
[237] La demeure primitive des Patzinaces est fixée par
Constantin Porphyrogénète (De admin. imp.,
ch. XXXVII) entre l’Atel ou Volga et le Geech ou Iaïk. Il rapporte que sur la
fin du xe siècle, les
Ouzes s’étant ligués avec les Khazars, qui habitaient
[238] Il y a dans le texte arménien ôtzits,
génitif pluriel du mot ôtz, serpent. J’avais cru d’abord que Matthieu
voulait entendre par ce mot la nation des Ouzes ou Ghozz. Mais d’après la série
des peuples barbares qu’il énumère comme se précipitant l’un sur l’autre, j’ai
dû rejeter cette interprétation, puisqu’il dit que la nation des Serpents
repousse les Khardêsch, qui à leur tour refoulèrent les Ouzes et les
Patzinaces. C’était sans doute quelque tribu d’origine tartare ou hunnique,
dont l’émigration avait suivi celle des Khardêsch et des Patzinaces.
[239] En arménien, khardêsch signifie blond,
qui a les cheveux d’as, blond ardent. Cotte épithète rappelle la tribu
des Xanthii, qui faisait partie de la puissante nation des Daœ,
et qui était de race scythique (Strabon, XI, 8). Mais nous savons que ce sont
les Magyares qui furent refoulés par les Ouzes dans les vastes plaines de la
Hongrie, et la conformation physique des Hongrois, que l’on rattache à la
source finnoise, semble exclure l’épithète précitée. Il est certain que
Matthieu a voulu désigner une de ces nombreuses tribus nomades qui étaient
disséminées sur le bord septentrional de
[240] Les Ouzes ou Ghozz sont une fraction des Turcs
qui, sous la conduite des fils de Seldjouk, émigrèrent, vers le commencement du
xie siècle, du
Turkestan, et envahirent la Perse, l’Arménie, la Mésopotamie, la Syrie et l’Asie
mineure. Une partie de cette nation s’était fixée au nord de
[241] Cedrenus et Zonaras (t. II) racontent tout au
long cette guerre contre les Patzinaces, dont on peut lire le récit résumé par
Lebeau (LXXVIII), et qui dura jusqu’à l’année suivante, 1051.
[242] Ce général était Grec d’origine, comme on peut le
conjecturer par son titre de Catépan. Il fut remplacé, en 1055, par
Mélissène, auquel l’impératrice Théodora confia le gouvernement du district de
Bagh’ïn, et le soin des princes arméniens, fils d’Abel. Tchamitch, t. II. — Cf.
ch. LXXIX.
[243] Forteresse du district de Bagh’ïn. — Cf. ch.
LXIX.