LE CARDINAL DE RICHELIEU - ÉTUDE BIOGRAPHIQUE

 

PAR LOUIS DUSSIEUX.

PARIS — VICTOR LECOFFRE — 1886

 

 

PRÉFACE.

Chapitre Ier. — LA JEUNESSE. — L'ÉVÊCHÉ DE LUÇON. — LES ÉTATS DE 1614.

Chapitre II. — PREMIER MINISTÈRE.

Chapitre III. — L'EXIL. — LE CHAPEAU DE CARDINAL.

Chapitre IV. — LE SECOND MINISTÈRE.

Chapitre V. — LE ROI ET LE MINISTRE. — LES CONSPIRATIONS.

Chapitre VI. — CARACTÈRE VIE PRIVÉE DU CARDINAL.

Chapitre VII. — RÉSIDENCES DU CARDINAL. — COLLECTIONS ET BEAUX-ARTS.

Chapitre VIII. — LES LETTRES. — L'ACADÉMIE.

Chapitre IX. — MORT ET TESTAMENT DU CARDINAL DE RICHELIEU.

 

PRÉFACE.

D'autres hommes, dit Henri Martin, ont aimé la France autant que Richelieu ; aucun ne l'a peut-être si complètement et si profondément comprise. Pour être en plein dans la vérité, il n'y a qu'à supprimer ce peut-être.

C'est la biographie de ce grand Français que je mets sous les yeux du public. On s'y plaît à étudier l'homme qui a donné à la France le rang qu'elle a longtemps occupé dans le monde, qui lui a donné une armée admirable, celle de Rocroi et de Fribourg, une marine également énergique, une administration puissante, une diplomatie habile, ses colonies, qui a développé toutes les forces du pays, qui enfin a créé le grand siècle de la France auquel on aurait dû donner le nom de Richelieu plutôt que celui de Louis XIV, qui y avait moins droit.

C'est en effet sous le règne de Louis XIII et par l'influence du Cardinal que paraissent les plus grands esprits du XVIIe siècle. C'est une loi : quand la direction des affaires, le pouvoir, est aux mains d'un homme de haute intelligence, les hommes de valeur se développent librement, facilement, dans ce milieu intelligent ; dans le cas contraire, les hommes de valeur, en tout genre, sont étouffés parle milieu dans lequel ils vivent ; il n'y a de place que pour les intrigants, les médiocrités et les flatteurs.

C'est Richelieu qui a formé la génération des grands diplomates : Mazarin, Servien, Lionne, et celle des grands capitaines : Harcourt, Fabert, Gassion, Guébriant, Turenne, Condé. Nos premiers marins illustres sont de ce temps : M. de Sourdis, le duc de Brézé, les deux Duquesne, le père et le fils. Tous les hommes célèbres qui commencent les diverses séries de nos grands hommes remontent à cette époque : Descartes, Gassendi, Pascal, Fermat, le P. Mersenne, l'illustre Peiresc, dont on imprima, à Rome, l'éloge en quarante langues, — nos plus grands écrivains, ceux qui ont créé la prose française, Pascal, et le théâtre, Corneille et Molière, — nos grands artistes, Poussin, Lesueur, Philippe de Champagne, Claude Lorrain, les Lenain, Callot, les sculpteurs Sarrazin et les deux Anguier, le graveur de médailles Varin, l'architecte Lemercier, — tous ces forts administrateurs civils et militaires, intendants des généralités et des armées, conseillers d'État, Michel Le Tellier entre autres, — tous ces prêtres qui ont donné au clergé une impulsion toute particulière de charité, d'études et de réformes, le cardinal de Bérulle, saint Vincent de Paul, M. Olier. C'est aussi pendant cette époque, à laquelle Louis XIII et Richelieu donnent l'exemple de mœurs sévères, que se forme la société polie qui a été l'honneur et la gloire de notre France avant que le naturalisme, le réalisme et la sotte imitation du sans-gêne américain aient changé nos habitudes, alourdi ou gâté l'esprit français.

Louis XIII et Richelieu sont morts dans un âge peu avancé, en 1642 et 1643. Leur œuvre, qui n'était pas achevée, se continua pendant la régence d'Anne d'Autriche et les premières années de Louis XIV. Mais quand la grande génération fut éteinte et que le vrai règne de Louis XIV commença la génération louis quatorzienne, il y eut un arrêt et une baisse très appréciable. L'orgueil du Roi, son omnipotence, son luxe n'étaient pas suffisants pour remplacer la haute intelligence de Richelieu et le bon sens éclairé de Louis XIII. Mais la flatterie n'hésita pas à donner au Roi le nom de Grand, et au siècle le nom du Roi, ce que l'histoire routinière a scrupuleusement conservé.

Plusieurs ouvrages parus dans ces dernières années ont apporté à l'histoire de Louis XIII et à la biographie de son ministre de nombreux et importants documents inédits. M. Avenel a publié la correspondance complète du Cardinal ; M. Marius Topin a fait connaître plus de deux cent cinquante lettres inédites de Louis XIII à Richelieu ; MM. Zeller et Geley, dans de précieuses monographies, nous ont appris des faits jusqu'alors inconnus. Il m'a paru utile de refaire, à l'aide de ces documents nouveaux et des meilleurs documents anciens, une biographie exacte du Cardinal ; de raconter l'histoire si nouvelle de ses débuts dans la vie politique, ce qui ne constitue pas la plus belle page de sa biographie ; d'exposer rapidement l'histoire de son ministère ; de faire connaître les relations réelles et si amicales qui ont existé entre Louis XIII et son ministre ; l'histoire des conspirations continuelles ourdies contre Richelieu par la faction espagnole et les restes de la Ligue, encore très puissants en France et à la Cour ; son caractère, sa vie privée, ses résidences, ses précieuses collections, ses relations avec les gens de lettres, ses ouvrages, ses fondations littéraires, l'usage qu'il sut faire de la publicité et du journalisme qu'il créa ; enfin de mettre sous les yeux du lecteur les détails relatifs à cette santé si débile, qui n'empêcha jamais cet homme toujours malade, mais qui avait une volonté de fer, de se livrer pendant dix-huit ans à un prodigieux travail de jour et de nuit, de diriger la guerre, la diplomatie et l'administration générale, de sortir la France de l'anarchie, de vaincre l'Espagne et l'Autriche, et de laisser sa patrie, à sa mort, la première puissance de l'Europe.