ÉTUDE BIOGRAPHIQUE SUR COLBERT

 

PAR LOUIS DUSSIEUX

PARIS - VICTOR LECOFFRE – 1886.

 

 

INTRODUCTION.

CHAPITRE Ier. — ORIGINE ET JEUNESSE DE COLBERT (1619-1651).

CHAPITRE II. COLBERT INTENDANT DE MAZARIN (1651-1661).

CHAPITRE III. — MINISTÈRE DE COLBERT.

CHAPITRE IV. — FAMILLE DE COLBERT.

CHAPITRE V. — CHÂTEAUX ET HÔTELS. - BIBLIOTHÈQUE. - FORTUNE.

CHAPITRE VI. — COLBERT. - SES RELATIONS AVEC LOUIS XIV. - SA MORT.

APPENDICE.

 

INTRODUCTION.

 

Après Richelieu, Colbert.

Ces deux grands ministres, appuyés sur leur roi, ont fait la gloire du dix-septième siècle, et si je crois que l'époque de Louis XIII et de Richelieu est plus originale, plus élevée, et eût mérité de donner son nom au siècle, je reconnais volontiers que l'époque de Louis XIV et de Colbert est grande aussi, et que cette génération a encore une forte part de la virilité de sa devancière. Quelle que soit d'ailleurs celle des deux époques que l'on mette au-dessus de l'autre, tous ceux qui aiment la France regardent ce siècle comme privilégié.

Quel temps, en effet, que celui où l'on trouve une succession de rois et de ministres tels que Henri IV et Sully, Louis XIII et Richelieu, le Louis XIV du début du règne avec Colbert et le duc de Lionne, tous ayant un brillant cortège d'administrateurs et de diplomates, de généraux et de marins, d'écrivains, d'artistes et d'hommes illustres en tout genre !

Généralement on ne regarde Colbert que comme un financier intelligent et probe ; on sait aussi qu'il a rétabli la marine, développé l'industrie et le commerce ; mais la réforme des finances, le rétablissement de la marine et le développement du commerce et de l'industrie ne composent qu'une partie de son œuvre. Colbert a été un ministre à peu près universel. Excepté l'armée, la diplomatie et les sceaux, l'État tout entier est entre ses mains : il dirige dix-neuf de nos ministères ou de nos grands services actuels : finances, marine, colonies, commerce, industrie, agriculture, forêts, haras, travaux publics, mines, fortifications, bâtiments et manufactures du Roi, beaux-arts, sciences et lettres, grands établissements scientifiques, académies, partie de l'administration des provinces, législation, police, et sa correspondance prouve qu'il ne s'agit pas d'une direction générale, d'une simple impulsion donnée de haut à chacun de ces services, mais d'une direction personnelle, quotidienne, entrant dans les détails, donnant des ordres et s'assurant de leur exécution, et cela sans relâche ni répit, et dans un temps où l'on réformait toute l'administration, où l'on reprenait tout en sous-œuvre, où l'on créait les grands services qui manquaient à la France.

Une santé de fer et un travail opiniâtre de seize heures par jour, pendant vingt-trois ans, ont permis à Colbert d'accomplir une œuvre aussi colossale. Il est vrai qu'il a su trouver les hommes qui devaient l'aider : le Conseil d'État d'alors, recruté dans la haute bourgeoisie et composé d'hommes fortement instruits, était une pépinière d'administrateurs, savants, dévoués et actifs, qui donnait au ministre les intendants des généralités, les intendants de la marine, en un mot tous les hauts fonctionnaires dont il avait besoin. Heureux temps encore que celui-là, où les hommes ne faisaient pas défaut, et où l'on savait les former et les choisir.

Le caractère essentiel de Colbert n'est pas seulement d'avoir une aptitude universelle et de mener à bien tout travail qu'il entreprend, c'est surtout l'esprit de réforme qui le distingue ; il est à coup sûr le plus énergique réformateur que présente notre histoire. Il veut que le royaume soit puissant et riche : il faut pour cela que toute l'administration soit forte et fonctionne bien ; il le veut, et l'obtient. D'accord avec Louis XIV, qui, dans ces premières années de son règne, est l'intelligent collaborateur de son ministre, Colbert crée ou réorganise tous les services publics ; il fait une guerre impitoyable aux abus de toutes sortes ; il pourchasse et punit sans pitié tous les coupables, grands ou petits, voleurs ou autres ; il fait disparaître dans les provinces et les campagnes les restes du régime féodal et ses violences. Avec ce ministère de vile bourgeoisie, comme dit Saint-Simon, c'est la France moderne qui commence, et il lui donne une organisation assez forte pour que ce régime ait pu durer jusqu'à la Révolution, malgré la fin du règne de Louis XIV, malgré la Régence et malgré le règne de Louis XV.

Ce Colbert, ministre universel et réformateur, n'est bien connu que depuis la grande publication de M. P. Clément, intitulée Lettres, instructions et mémoires de Colbert, dont le premier volume a paru en 1861 ; elle se compose de 9 volumes in-4°, et encore ne donne-t-elle, avec raison, que les plus importantes des lettres innombrables de Colbert.

Je n'ai pas besoin de dire que ce sont ces documents authentiques qui forment la base de cette notice biographique, destinée à faire connaître l'homme en même temps que le ministre.