HISTOIRE DES ROMAINS

 

SEPTIÈME PÉRIODE — LES TRIUMVIRATS ET LA RÉVOLUTION (79-30)

CHAPITRE LII — LE PREMIER TRIUMVIRAT ET LE CONSULAT DE CÉSAR (60-59).

 

 

I. — FORMATION DU PREMIER TRIUMVIRAT (60).

Pendant les événements racontés à la fin du chapitre précédent, César était au fond de l’Espagne, dans l’Ultérieure, dont le sort lui avait donné le gouvernement après sa préture (61). Comme don de bienvenue, il avait apporté aux Espagnols la remise des impôts dont Metellus Pius les avait chargés, et il s’était signalé, dans les affaires civiles, par un arrangement des dettes[1] et la pacification de Gadès, à qui il donna de meilleures lois ; dans les affaires militaires, par des expéditions contre les Lusitaniens des montagnes et les Gallaïques, d’où il revint avec le titre d’imperator (juin 60), Il sollicita aussitôt le triomphe et le consulat. Ces deux demandes étaient inconciliables. Pour obtenir l’un, il fallait garder l’imperium, les  licteurs et l’habit militaire, c’est-à-dire ne pas entrer dans Rome, car aux portes de la ville ce pouvoir et cet appareil cessaient ; pour briguer l’autre, il fallait venir en personne, trois nundines avant l’élection, donner son nom au président des comices et solliciter, au Forum, les suffrages. Maintes fois le sénat avait dispensé des généraux de ces prescriptions, mais, sur les instances de Caton, il refusa[2].

Entre une affaire de vanité et une question de pouvoir, César eut vite fait son choix ; il renonça au triomphe, renvoya ses licteurs, et courut au Forum avec la robe blanche des candidats ; Crassus et Pompée l’accompagnaient, et briguaient pour lui. Comment s’était formée cette triple alliance ?

Catilina vaincu, Pompée désarmé et humilié, le peuple et ses tribuns deux fois battus, César enfin relégué comme en exil à quatre cents lieues de Rome, tant de succès avait inspiré à l’oligarchie cette confiance qui, pour leur perte, rend aux partis épuisés une énergie d’un moment. Cicéron n’était déjà plus le chef qu’elle aimait. Aux réserves, aux ménagements du prudent consulaire le sénat préférait le zèle aveugle de Caton. Mais Caton, par son respect pour de vieilles lois. que personne n’observait plus, ne gagnait rien et compromettait tout. Avec les meilleures intentions, écrivait Cicéron à Atticus, notre Caton gâte toutes les affaires ; il opine comme dans la république de Platon, et nous sommes la lie de Romulus[3]. C’était lui qui avait chassé de Rome Metellus Nepos, provoqué la mise en accusation de Clodius, et fait tout refuser à Pompée. Après l’élection d’Afranius que Pompée avait payée, il avait obtenu qu’on déclarât ennemis publics tous ceux qui aidaient à ces marchés, et il avait vivement soutenu une nouvelle loi contre la brigue du tribun Lurco. A la suite du procès de Clodius, contrairement à l’avis de Cicéron qui voulait qu’à tout prit l’on ménageât l’ordre équestre, Caton avait fait procéder à une enquête contre les juges. Quand les fermiers de l’Asie avaient demandé la résiliation de leurs baux, Caton encore, malgré Cicéron, les força de s’en tenir aux anciens contrats[4]. Aussi, dans les débats soulevés par la loi agraire de Pompée, les publicains, refusant leur appui au sénat, étaient restés spectateurs indifférents.

Cette fois encore l’oligarchie avait vaincu, mais grâce à la modération de son adversaire. Aussi, tandis que Ies grands se félicitaient d’avoir fait tout plier devant eux, Cicéron voyait se former l’orage. Dans tout ce monde-là, disait-il, il n’y a pas même l’ombre d’un homme politique[5] ; et prudemment il s’arrêtait, il carguait ses voiles[6], il se ménageait un retour vers Pompée, en soutenant la loi agraire de Flavius par des raisons qui étaient la contrepartie de ses discours sur celle de Rullus[7]. C’était une nouvelle palinodie. Mais, écrivait-il, depuis l’acquittement de Clodius, je sais quel fond on peut faire sur la justice puis j’ai vu les publicains aliénés du sénat, et nos heureux du jour, ces grands amateurs de viviers, ne plus cacher l’envie qu’ils nourrissent contre moi[8] ; alors j’ai cherché de plus solides appuis. Et Pompée l’avait accueilli ; Pompée, qu’il peint plus haut, solennellement drapé dans sa robe triomphale, avait enfin parlé avec éloge du fameux consulat. Aussi, comme il traite ses anciens amis Lucullus, Hortensius, et tous ces grands personnages qui se croient au ciel, quand ils ont dans leurs piscines de vieux barbeaux dressés à venir manger dans la main !

Si l’orateur ne charge pas les portraits, afin d’excuser à ses propres jeux sa défection, de tels hommes étaient peu redoutables, et le zèle, l’activité de l’intraitable Caton, ne faisait qu’accroître l’illusion sur leur force réelle. Tout récemment, un sénatus-consulte n’avait pu être converti en loi, et Cicéron en avait pris occasion pour s’écrier : Des deux choses que mon consulat avait affermies, l’union des ordres et l’autorité du sénat, l’une est rompue, et chaque jour achève de briser l’autre[9]. César revenait donc à point de sa province : le sénat était à la fois faible et menaçant, Pompée irrité, Cicéron mécontent, et Crassus en pleine opposition.

Depuis le jour où César avait osé braver Sylla tout-puissant, il n’avait rien dit, il n’avait rien fait qui ne fût d’accord avec ce premier acte de sa vie. Les trophées de Marius relevés au Capitole, les sicaires du dictateur traînés en justice, les proscrits rappelés, les concussionnaires poursuivis, le tribunat retrouvant ses droits et les pauvres ramenés à l’espérance par la proposition de lois agraires, toutes ces choses montraient en lui une fidélité aux opinions de sa jeunesse et de son parti qui avaient doublé la force que lui donnaient l’éloquence de l’orateur, les séductions de l’homme et l’antiquité de la race. Aussi avait-il, dans Rome, une situation qui lui permettait de traiter d’égal à égal avec les plus puissants. Son premier soin fut de réconcilier son ancien et son nouvel ami, Pompée et Crassus : il promit à l’un de lui faire donner par le peuple ce qu’il n’avait pu obtenir du sénat ; à l’autre, de renvoyer à leurs villas ces meneurs de l’oligarchie qui l’avaient relégué au second rang, et de lui rendre dans l’État l’influence due à ses services[10]. Toits trois se jurèrent de mettre en commun leur crédit et leurs ressources, de lie parler, de n’agir en toute affaire que conformément aux intérêts de l’association. La gloire militaire de Pompée, les richesses de Crassus, la popularité de César, allaient faire de ce monstre à trois têtes, comme on nomma le triumvirat, une puissance qui domina le peuple, le sénat, et le gouvernement tout entier[11]. Mais chacun des triumvirs gardait ses projets particuliers. Pompée ne volait dans cette union qu’une combinaison d’influences, grâce auxquelles il devait être certainement porté, sans secousses ni révolution, au premier rang. Crassus prévoyait la rivalité de ses collègues et les facilités qu’elle lui donnerait de s’élever au-dessus d’eux, en rendant à chacun son appui nécessaire. César, aussi, songeait à disputer un jour ce premier rôle que tous les trois rêvaient, mais il voulait d’abord abattre, avec les forces réunies du triumvirat, l’aristocratie, qui était un parti, pensant avoir ensuite bon marché de Pompée et de Crassus, qui n’étaient que des hommes. Maître alors de la république, il entreprendra les réformes dont son grand esprit entrevoyait la nécessité et qu’il commença dès qu’il fut en possession du consulat (60).

Ses deux associés s’étaient engagés à soutenir sa candidature. Les granas firent tout pour l’écarter. On se cotisa en vue d’acheter les suffrages ; Caton même crut cette fois que le but justifiait les moyens, et il fournit sa part. Quand ils reconnurent que leurs efforts seraient inutiles, ils se vengèrent d’avance de cette élection qu’ils ne pouvaient empêcher, en n’assignant, pour provinces consulaires, que des bois et des pâturages à surveiller[12]. Ils croyaient réduire ainsi le futur consul à l’impuissance, au sortir de son consulat. Mesure imprudente et vaine qui autorisa César à demander au peuple réparation de l’outrage infligé à l’élu du peuple. César fut nommé, mais les grands réussirent à lui donner pour collègue Bibulus, depuis longtemps son ennemi.

 

II. — LE CONSULAT DE CÉSAR (59).

Cependant les premières paroles du nouveau consul furent un appel à la concorde : il promit au sénat de ne rien proposer contre ses prérogatives, il essaya de se réconcilier avec Bibulus et il demanda les conseils de Cicéron. En prenant possession de sa dignité, il établit que le journal de tous les actes du sénat serait régulièrement tenu et publié, afin de gêner les intrigues ténébreuses, en soumettant le gouvernement au contrôle de l’opinion publique[13]. Quelques jours après, il lut au sénat[14] la loi suivante : Pour relever l’agriculture et repeupler les solitudes de l’Italie, on distribuera aux pauvres les terres du domaine public. Celles de la Campanie, où l’on établira 20 000 colons, seront données aux citoyens ayant au moins trois enfants, et une redevance sera payée, pour ces concessions, au trésor. Si les terres publiques ne suffisent pas, on emploiera l’argent rapporté par Pompée à acheter du consentement des propriétaires des domaines particuliers au prix où ils ont été marqués sur les registres du dernier cens. Vingt répartiteurs élus veilleront à l’exécution de la présente loi. Il n’y avait rien à reprendre dans cette proposition dont la sagesse et l’opportunité rappelaient la première loi de Tiberius, avec cette différence que César déclarait ne vouloir pas être au nombre des commissaires. Au temps des Gracques, l’aristocratie était toute-puissante : elle brisa la loi et le tribun. Aujourd’hui c’était du consulat, comme au temps de Spurius Cassius, que le coup partait, et la noblesse n’avait que Caton pour la défendre, car Cicéron restait dans ses villas, pour n’avoir pas à louer dans César ce qu’il avait blâmé dans Rullus ; craignant de parler, craignant de se taire, il s’était enfui loin du champ de bataille. Ce n’est pas la loi que je redoute, s’écria Caton, mais le prix dont le peuple devra la payer ; et il parla si vivement, que César, cédant à l’impatience, le fit saisir et traîner à la prison, dont on ne ferma point la porte. Puis le consul congédia les Pères en leur disant : Je vous avais faits juges et arbitres suprêmes de cette loi, afin que si quelqu’une de ses dispositions vous déplaisait, elle ne fût pas portée devant le peuple avant d’avoir été discutée par vous ; mais, puisque vous n’avez point voulu procéder à une délibération préalable, le peuple seul décidera. C’était le retour à la loi Hortensia, que la législation cornélienne avait supprimée[15]. Forcé par ce refus de concours de tout porter par-devant l’assemblée populaire, il réunit rarement le sénat[16]. Les comices représentaient, il est vrai, la souveraineté nationale, dont le sénat n’était que le grand conseil ; mais leur demander tout, c’était déplacer l’axe du gouvernement : naguère il était dans la curie ; César le mettait au Forum. Et il y avait vingt ans à peine que Sylla avait enlevé aux tribus leur pouvoir législatif !

Le jour où il présenta sa loi au peuple, la scène entre Tiberius et Octavius recommença, mais César se garda bien d’aller jusqu’à l’extrémité où le fils de Cornélie s’était perdu. II supplia longtemps son collègue de ne point s’opposer à cet acte de justice ; et, pour rendre les grands odieux, il engagea le peuple à joindre ses prières aux siennes. Quand vous réclameriez tous cette loi, répondit Bibulus, vous ne l’auriez pas. Alors César, se tournant du côté de Pompée et de Crassus, leur demanda ce qu’ils pensaient de la proposition. Tous deux la louèrent hautement. Mais, dans le cas où on la repousserait par la force, que feras-tu ? dit-il à Pompée. Si on l’attaque avec l’épée, je la défendrai avec l’épée et le bouclier[17]. En l’entendant ainsi parler, les nobles comprirent pourquoi ils avalent vu la ville se remplir de vétérans pompéiens[18].

Bibulus, esprit court et têtu, résista jusqu’au bout. Le jour du vote, malgré l’aspect menaçant du Forum rempli d’hommes armés, il vint avec Caton et Lucullus se placer auprès de son collègue pour déclarer qu’il observait le ciel, et que par conséquent toute affaire devait être suspendue. Mais, dés qu’il voulut parler, on se jeta sur lui. Il fut précipité du haut des degrés du temple de Castor, et forcé de chercher asile dans un édifice voisin. Lucullus aussi faillit périr. Deux tribuns furent blessés ; Caton, deux fois chassé de la tribune, y remonta deux fois ; à la fin on l’entraîna : la loi passa, et un plébiscite obligea les sénateurs, les magistrats et tous ceux qui brigueraient une charge à l’avenir, à en jurer l’observation littérale. On se souvint de Metellus, et tout le monde jura, même Caton ; un seul, Laterensis, aima mieux renoncer à sa candidature au tribunat. On lui en sait un gré infini, écrit Cicéron, qui le loue et ne l’imita point[19].

Cette loi agraire était la première qui depuis soixante ans eût réussi à passer. Héritier de la popularité de Marius, César allait donc l’être encore de celle des Gracques. Et cependant les deux autres triumvirs n’avaient pas le droit de s’alarmer, car il semblait n’agir que clans l’intérêt commun. Quand il diminua d’un tiers le prix des fermes de l’Asie où les publicains avaient beaucoup perdu durant la guerre contre Mithridate, c’était, disait-il, pour concilier aux triumvirs, après le peuple maintenant gagné, tout l’ordre équestre[20]. Quand il fit confirmer les actes de Pompée en Orient[21], c’était la parole donnée par son collègue aux rois et aux peuples de l’Asie qu’il dégageait, comme il venait de remplir, avec la loi agraire, les promesses faites par lui à ses vétérans. Quand il vendait enfin, au prix de 6.000 talents, au roi d’Égypte, Ptolémée Aulète, l’alliance de Rome[22], c’était encore pour que ce prince dût sa couronne au triumvirat. Il n’était donc que le fidèle exécuteur du traité d’alliance mais on se souvient de celui qui donne, bien plus que de celui qui promet, et César, accomplissant ce que son collègue n’avait pu faire, recueillait la reconnaissance, ou du moins s’élevait dans l’opinion. Pompée n’était plus que l’obligé de César. Il consentit même à perdre vis-à-vis de lui le bénéfice de l’âge, en devenant son gendre. Ce mariage ajoutait les liens de la parenté à ceux de la politique ; mais, dans la famille comme dans l’État, c’était le second rang que Pompée acceptait[23]. Il ne s’en apercevait pas, car il ne pouvait supposer que quelqu’un eût la prétention de s’égaler à lui[24], et César évitait de lui ôter cette pensée. C’était une coutume à Home que, dans les séances du sénat, celui à qui le consul avait demandé le premier son avis conservât toute l’année ce privilège auquel on tenait beaucoup. César avait fait d’abord cet honneur à Crassus ; après le mariage de Julie, ce fut Pompée qu’il chargea d’ouvrir la délibération : petite chose dont s’accommodait la vanité de l’homme qui voulait avoir en tout la prééminence.

Deux lois du consulat de César, de Provinciis ordinandis et de Pecuniis repetundis, qui se complétaient l’une l’autre, restèrent jusqu’aux derniers temps de l’empire le fond de la législation en la matière[25]. Elles avaient pour but la bonne administration des provinces et la répression des concussionnaires. Comme tous les jeunes nobles, il avait débuté au Forum en accusant des gouverneurs coupables ; mais il demeura toujours fidèle à ce patronage des provinciaux que les autres oubliaient dès qu’ils arrivaient aux charges. Il avait compris que le temps était venu de s’élever au-dessus des préjugés étroits de la cité, et que Rome devait autre chose au monde qu’un éternel pillage.

La seconde de ces lois avait plus de cent chapitres[26], et elle différait des lois analogues précédemment rendues[27] en précisant mieux quels actes et quelles personnes elle atteindrait et en aggravant les peines antérieurement édictées. Elle s’appliquait à tout homme ayant reçu indûment de l’argent, à Rome ou dans les provinces, pour quelque acte que ce fût. Aussi Cicéron l’appelle une loi aussi sage que juste, par laquelle les peuples libres jouissaient enfin véritablement de leur liberté[28]. Elle régla la dépense des cités pour le proconsul, ses légats, son questeur, et elle interdit les dons volontaires qu’il est si facile à ceux qui ont le pouvoir d’exiger sans demander rien[29]. Elle augmenta la pénalité contre les concussionnaires, qui furent déclarés incapables de siéger au sénat et de paraître en justice comme accusateurs ou comme témoins[30]. Pour que la preuve contre eux devint facile, les gouverneurs durent laisser une copie de leurs comptes dans les deux plus importantes villes de la province et en déposer une troisième à Rome dans le trésor public[31]. Lorsqu’un concussionnaire était poursuivi en justice, il pouvait sauver ses biens en s’exilant avant le jugement, puisque cet exil volontaire mettait fin aux procès. La loi Julia édicta que, même dans ce cas, les biens seraient saisis, fussent-ils déjà dans les mains des héritiers, et qu’ils serviraient à dédommager les personnes lésées. S’ils ne suffisaient pas, les individus qui avaient profité de la prévarication étaient condamnés à parfaire la restitution. Enfin il décréta que le gouverneur ne resterait que deux ans dans les provinces consulaires, un an dans les provinces prétoriennes. Sella n’avait pas permis aux chevaliers et aux plébéiens de récuser dans leurs procès plus de trois juges. Le tribun Vatinius, un ami de César, accorda un droit égal de récusation à l’accusé et à l’accusateur, quelle que fût leur condition.

Ainsi, des terres pour les pauvres de Rome, de la justice pour les provinciaux, des sévérités pour le mal qui minait la république, la vénalité, tels furent les principaux actes de César durant sa magistrature.

Que faisaient les grands pendant ce consulat si sagement réformateur ? Caton protestait en faveur d’abus dont il ne profitait pas ; Favonius imitait ses plaintes, jusqu’à ses gestes, et ne jurait que le dernier la loi agraire. Lucullus s’était, mis de l’opposition contre le consul ; quelques mots de César sur ses immenses richesses qui appartenaient à l’État, comme butin de guerre, le firent rentrer dans le silence et l’ombre. Hortensius, déconcerté par sa maladroite intervention dans le procès de Clodius, avait laissé la politique et soignait ses murènes. Cicéron, séduit quelque temps par les avances de Pompée et par les caresses de César[32], s’était vite rejeté en arrière. Il voulait retourner aux lettres, s’enfuir vers les montagnes paternelles et le berceau de son enfance[33] ; il s’écriait : Quand donc vivrons-nous, quando vivemus ? et il invitait Atticus à venir philosopher avec lui, à l’ombre de la statue d’Aristote. Mais il ne tenait pas en place ; il voyageait de Formies à Antium, d’Antium à Tusculum, inquiet, tourmenté, avide de nouvelles, tournant autour de Rome sans oser y rentrer et tâchant, par des demi ouvertures, par des confidences ménagées, de se faire offrir l’augurat, pour se donner à lui-même un prétexte de reparaître en scène. Triste spectacle que celui d’un noble esprit qui ne peut, lorsque son heure est passée, renoncer ni au pouvoir ni aux applaudissements de la foule ![34]

Quant au sénat, il semblait n’exister plus, l’un des consuls le convoquant rarement, et l’autre lui ayant défendu de se réunir, par la proclamation d’un justitium. Bibulus, pour entacher d’illégalité les actes de son collègue, avait déclaré fériés tous les jours de son consulat. Mais la religion était un instrument bien usé, et l’on souriait de cette opposition faite au nom de croyances depuis longtemps perdues : les plaisants nommèrent cette année le consulat de Julius et de César.

A défaut de guerre sérieuse, on lui faisait une guerre d’épigrammes. Bibulus, renfermé chez lui, lançait de là contre son collègue des édits en style d’Archiloque, où l’accusation d’avoir été le complaisant de Nicomède et le complice de Catilina était le moindre outrage[35]. Les grands portaient aux nues le courage de leur champion, mais Cicéron, jaloux du bruit qui se faisait autour d’un consul inactif, remarquait malignement que c’était une façon nouvelle d’arriver à la gloire. Pour César, il s’inquiétait peu qu’on rit à ses dépens, et il laissait à ses adversaires cette dernière consolation des vaincus. Pompée en prenait moins aisément son parti : le 25 juillet il monta à la tribune pour parler contre ces édits de Bibulus. Oh ! qu’il était humble et abattu, écrit Cicéron, qu’on voyait bien qu’il n’était pas plus content de lui-même que ceux qui l’écoutaient ! Et avec une naïveté d’orgueil qui fait sourire, l’orateur osait ajouter : J’étais tourmenté de la crainte que les services de Pompée ne parussent à la postérité plus grands que les miens. Voilà un souci que je n’ai plus ; il est tombé si bas ![36]

Les lois de César étaient excellentes ; en refusant de Ies préparer avec lui et de s’associer à ses projets, l’oligarchie venait de commettre la dernière faute, celle qui précède, en Ies amenant, les grandes catastrophes. César voulait alors des réformes, non pas une révolution, et ses réformes auraient peut-être sauvé la république. Dans dix ans il sera trop tard, parce que, au lieu d’employer ces dix années à se délivrer des maux qui le minaient, le gouvernement aristocratique ne les employa qu’à chercher les moyens de se délivrer de César. Les grands comptaient sur leur sénatus-consulte dérisoire touchant la province réservée par eux au consul populaire pour être bientôt débarrassés de lui. Mais le peuple dont il s’était conservé l’affection[37] par une succession non interrompue de jeux, de spectacles et de largesses[38], fit pour lui ce qu’il avait déjà fait pour Marius, Lucullus et Pompée. Sur la proposition dit tribun Vatinius, il répondit au sénatus-consulte dérisoire sur les provinces proconsulaires en lui donnant, par le plébiscite vatinien, le gouvernement, pour cinq années, de la Gaule cisalpine et de l’Illyrie, avec trois légions[39], les seules forces militaires qui pussent se trouver légalement en Italie. Cette loi était très habilement combinée dans l’intérêt de César, car elle lui donnait, avec une armée considérable, une province dont il s’était fait le patron[40], et qui, étant à proximité de Rome, recevait jour par jour les nouvelles du forum et de la curie ; mais elle était aussi fort utile à la république qui était menacée d’une guerre formidable de l’autre côté des Alpes. Caton ne s’occupait point de ce péril. Tout à sa ferveur républicaine et à sa haine contre César, il s’était écrié : C’est la tyrannie que vous armez, et vous la mettez dans un fort au-dessus de vos têtes. Plus patriote devant le péril de l’État que la faction oligarchique, la majorité sénatoriale, sollicitée par Pompée, ajouta au don populaire une quatrième légion et une troisième province, la Narbonnaise, alors en grand danger, pour une durée certainement égale à celle que le plébiscite avait fixée.

Ces commandements prolongés étaient dans l’esprit de la constitution romaine ; le proconsulat n’avait été imaginé, trois siècles plus tôt, qu’afin d’assurer à un consul le temps d’achever ses opérations militaires. Metellus, Lucullus et Pompée en avaient eu récemment de plus longs que celui qui venait d’être donné à César, et le peuple, le sénat, voyaient juste en recourant à la précaution usitée dans les jours de péril. sial récompensés à leur gré pour la conduite de leurs ambassadeurs dans la conspiration de Catilina, les Allobroges venaient de ravager la Narbonnaise, où des succès gagnés cri de sérieux combats valurent plus tard le triomphe au propréteur Pomptinus. Cette levée de boucliers avait causé peu d’inquiétude, mais l’invasion germanique, arrêtée quarante années auparavant par Marius, recommençait. La masse des nations établies dans les bassins supérieurs du Danube et du Rhin et dans les vallées des Alpes s’agitait confusément. Déjà le peuple le plus redouté dates la Germanie entière, les Suèves, au nombre de cent vingt mille, étaient entrés de vive force en Gaule, au-dessus de la province romaine dont ils touchaient la frontière, et quatre cent mille Helvètes se préparaient à la traverser en armes ; de sorte que la Gaule méridionale et, par suite, l’Italie se trouvaient exposées à une invasion aussi dangereuse que celle qui avait pénétré jusqu’aux environs d’Aix et de Verceil[41]. Les Suèves, en effet, n’étaient que l’avant-garde de ce monde barbare sans cesse attiré par ses appétits sur le monde civilisé ; et le pays abandonné par les Helvètes allait être occupé par de belliqueuses peuplades qui, du haut des Alpes, jetteraient des regards avides sur les riches plaines de la Cisalpine. Pour le moment, les envahisseurs, maîtres des vallées du Ithin et de la Saône, ne semblaient menacer que l’est et le centre de la Gaule ; mais l’avidité de ceux qui étaient prêts à les suivre pouvait les faire changer de direction ; et, à Rome, le souvenir des terreurs causées durant dis années par les Cimbres et les Teutons vivait toujours. Le plébiscite Vatinien n’était donc pas une de ces faveurs irréfléchies que le peuple accorde parfois à ses chefs ; le sénat, de son côté, avait obéi au sentiment de l’intérêt public, lorsqu’il avait décidé, par la réunion du gouvernement de la Narbonnaise à celui de la Cisalpine, que la garde de toute la frontière du nord serait confiée à un seul général, et que ce général aurait assez de temps devant lui pour préparer, comme son oncle Marius, le plan de défense et l’exécuter. Les alliances nouées par César dans le Noricum[42] prouvent qu’il s’était bien rendu compte de sa mission, il prenait ses précautions de ce côté, afin de couvrir contre une attaque des Gaulois Pannoniens la porte orientale de l’Italie, tandis qu’il en défendrait, dans l’Ouest, les postes avancés contre leurs frères de la grande Gaule.

On a contesté l’égale durée des deux gouvernements : celui de la Narbonnaise devant être plus court que celui de la Cisalpine ; le sens pratique des Romains n’aurait pas compris une différence, surtout quand le vrai danger était sur les bords du Rhône ; le sénat, alors en voie de réconciliation avec César, n’a pu la faire, et Pompée, qui soutint au forum le plébiscite pour la Cisalpine, qui appuya vivement à la curie le sénatus-consulte pour la Narbonnaise, a dû demander que les conditions fussent égales. Du reste, Velleius Paterculus, Appien et Plutarque affirment qu’elles l’ont été[43].

Nous avons une autre preuve que les sénateurs pliaient sous la volonté énergique et prévoyante de César, même après son consulat. Dès qu’il eut déposé les faisceaux, deux préteurs voulurent faire invalider ses actes ; il demanda que la question fût aussitôt discutée dans la curie. Les amis de Caton firent beaucoup de bruit, et durant trois jours il y eut de vives altercations ; mais le sénat refusa de laisser s’établir une délibération régulière[44]. Un tribun proposa aussi de le citer en justice ; ses collègues opposèrent leur veto : double intrigue qui était une double illégalité, car les sénateurs avaient été contraints par un plébiscite de jurer l’observation de sa loi principale, et un procès ne pouvait être intenté à un magistrat tant qu’il était en fonction ; César, proconsul au sortir du consulat, jouissait de cette immunité.

Averti par ces attaques maladroites, il se promit d’en prévenir le retour ou les effets, en faisant arriver chaque année aux charges urbaines des amis disposés à le défendre contre une surprise. Plusieurs, dit Suétone, lui jurèrent avec serment d’empêcher qu’on l’accusât en son absence et quelques-uns en renouvelèrent par écrit l’engagement.

Parmi les sénateurs si bien disposés en apparence pour César, il s’en trouvait assurément qui comptaient sur l’épée d’un barbare pour les débarrasser de leur redoutable adversaire. Pompée, sans penser à mal, estimait que Char, éloigné de Rome durant cinq années, lui laisserait les bénéfices les plus clairs de leur association : l’influence prépondérante dans Rome et ce rôle de suprême modérateur qui suffisait à un homme ayant plus la vanité que l’ambition du pouvoir. César calculait autrement. Deux exemples contraires, la triste fin des Gracques et les succès de Sylla, avaient montré qu’il n’y avait rien à faire sans une armée. Pour avoir une armée, il fallait une province, une guerre heureuse, du butin ; or la Gaule était riche, elle était redoutée, elle était aux portes de l’Italie. De Rome on verrait presque, on entendrait cette guerre contre la race odieuse dont le nom rappelait le lugubre souvenir du Capitole racheté à prix d’or ; les succès viendraient y retentir comme à deux pas du champ de bataille. Il pensait qu’après avoir acquis autant et plus de gloire militaire que Marins, Sylla et Pompée, il saurait mieux s’en servir, pour donner enfin à la république l’organisation que, depuis un siècle, elle cherchait à travers les guerres civiles et les proscriptions. Dans ces idées entrait-il plus d’ambition que de patriotisme ? Beaucoup ne voient dans la conduite de César que le premier mobile ; je crois fermement qu’il faut y joindre le second.

 

III. — CLODIUS, EXIL DE CICÉRON (68).

Avant de s’éloigner, César fit donner le consulat de l’année 58 à Pison, son beau-père, et à Gabinius, un des amis de Pompée, avec les riches gouvernements de Macédoine et de Syrie pour leur année proconsulaire. Il avait arrêté la liste des consuls qui devaient leur succéder et, durant son absence, veiller avec ses deux associés au maintien des lois juliennes. Enfin Pompée, mis à la tête de la commission pour la loi agraire, restait à Rome avec une autorité indécise qui devait paraître redoutable aux adversaires du triumvirat. Dans l’aristocratie consternée, il n’y avait plus que deux hommes qui inspirassent quelque inquiétude. Caton était gênant, parce que la foule aimait ces rudes vertus qu’elle n’avait pas, et ces revendications d’une liberté dont elle ne se souciait plus. Il était dans Rome plus populaire que Pompée, presque autant que César, mais d’une popularité qui tenait de la curiosité, bien plus que de la confiance. Son costume, son langage, sa vie, étaient un spectacle qui plaisait, comme une image des anciens âges, sans que personne songeât à l’imiter. Il n’y avait pas à craindre qu’un tel homme entraînât jamais le peuple à quelque violence contre les maîtres du jour. Cependant son opposition était fatigante ; on se résolut à l’écarter. Cicéron était plus dangereux, parce que, vivant plus que Caton dans le temps présent, qu’il connaissait mieux, il exigeait moins et avait chance d’obtenir davantage. Son éloquence aussi pouvait amener des résultats imprévus, et il venait, en rentrant à Rome, de rompre décidément avec les triumvirs. Si l’on me pousse trop loin, avait-il dit, je saurai bien tenir tête aux oppresseurs. D’ailleurs Clodius, le réclamait comme une victime qui lui était due, et César comptait sur Clodius, pour tenir en bride, pendant son absence, le sénat et Pompée.

La loi exigeait quarante-trois ans pour être consul ; par le tribunat on arrivait bien plus vite à un rôle influent : Clodius avait donc voulu être tribun. Riais il était patricien, et l’adoption par un homme de l’autre ordre lui enlèverait sa noblesse ; il n’avait pas hésité, et présentait comme son père adoptif un plébéien obscur, plus jeune que lui. Pompée, même César, s’étaient d’abord peu souciés d’appuyer ce turbulent ambitieux qu’ils n’étaient pas sûrs de toujours mener, comme Vatinius, à leur fantaisie. Mais dans un procès intenté à C. Antonius, Cicéron s’était avisé de mal parler des triumvirs[45]. Le jour même, l’adoption avait été décidée, et Pompée y avait servi d’augure[46]. Cicéron eut peur et partit pour ses terres, espérant racheter par son silence la vivacité de ses paroles : cette tactique avait réussi, et les triumvirs lui avaient fait de nouvelles avances. Entre plusieurs moyens d’atteindre un but, César choisissait toujours celui qui s’accordait le mieux avec la douceur de son caractère. Voulant écarter Cicéron de Rome ou le lier à sa cause, il lui avait offert successivement une légation libre, une des vingt places de commissaire pour l’exécution de la loi agraire, enfin le titre de lieutenant dans son armée des Gaules. Après avoir hésité longtemps, Cicéron avait tout refusé ; César, quoique à regret, l’abandonna au ressentiment de Clodius.

Le 10 décembre 59, cet héritier des Appius s’assit au banc des magistrats plébéiens. Suivant l’usage, le trésor public fit les frais de la popularité du nouveau tribun ; une loi frumentaire supprima le prix modique payé par les pauvres pour le blé que fournissaient les greniers publics[47]. Une seconde loi défendit à tout magistrat de rompre les comices sous prétexte qu’il observait le ciel, afin qu’un autre ne fut pas tenté de renouveler l’étrange opposition de Bibulus[48]. Une troisième loi rétablit les anciennes corporations[49] que le sénat avait récemment supprimées (en 64 ?), et dont le tribun espérait se faire un instrument ; enfin il diminua les droits de la censure qui avait été si souvent une arme de guerre dans les mains de l’aristocratie. Pour qu’un nom fût rayé de la liste du sénat et de l’ordre équestre, il fallut à l’avenir une accusation formelle, une instruction, la défense des accusés, présentée en personne ou par avocat, enfin l’accord des deux censeurs à prononcer une condamnation[50]. C’était substituer un procès avec des formes régulières à une sentence sans débat contradictoire, et puisque l’esprit de parti avait remplacé dans le sénat le véritable esprit de gouvernement, la mesure était bonne. On se souvient que les principaux complices de Catilina étaient des sénateurs et des chevaliers dégradés par les censeurs ; il se peut que plusieurs aient été jetés clans l’opposition, et de là dans le complot, par une flétrissure inique.

Tous ces préliminaires n’avaient qu’un but, rendre le tribun maître du champ de bataille où allait se vider la véritable question, l’exil des chefs du parti aristocratique. Il commença par Cicéron et proposa cette loi : On interdira le feu et l’eau à quiconque aura fait mourir un citoyen sans jugement. Cicéron était couvert par un sénatus-consulte, et en livrant Lentulus aux bourreaux, il n’avait fait qu’exécuter un ordre du sénat. Mais dans ces temps malheureux les lois n’avaient de force que celle qu’elles empruntaient à l’homme ou au parti dont elles étaient l’ouvrage. Cicéron ne songea pas même à produire ces décrets pour sa défense ; il prit des vêtements de deuil ; il implora l’assistance des triumvirs, des consuls ; nombre de chevaliers et de sénateurs supplièrent le peuple de conserver celui que le peuple avait nommé Père de la patrie. Tout fut inutile. Avant qu’on allât aux voix, Cicéron sortit de la ville. Il espérait désarmer ses ennemis par cet exil volontaire et prévenir une condamnation ; mais le lendemain Clodius fit porter la sentence : Cicéron ne devait pas s’approcher de Rome de plus de quatre cents milles (avril 54). Au moment du départ, il avait fait porter au Capitole sa plus belle statue de Minerve et l’y avait consacrée dans le temple de Jupiter avec cette inscription : A Minerve, gardienne de la cité, φυλαxίδα. Était-ce un reste de dévotion qui lui revenait dans le malheur ? Ou n’était-ce pas plutôt une inoffensive vengeance pour rappeler aux romains que la sage déesse lui avait inspiré la résolution qu’ils condamnaient à cette heure et qui, cinq années auparavant, les avait sauvés ? C’est le premier motif qu’il donne[51], mais sa constante préoccupation de lui-même et du fameux consulat engage à croire au second.

Cicéron était victime du coup d’État accompli en 63 par les sénateurs, et la loi qui le frappait avait ce caractère rétroactif que la politique honnête réprouve, mais qui ne déplaît pas toujours aux factions. Le second des Gracques en avait donné l’exemple et il avait commencé l’ère des révolutions ; Pompée imitera Clodius, et sa loi sera une des causes de la guerre civile.

Caton ne donnait prise à aucune accusation. Mais Clodius lui fit ordonner par le peuple d’aller réduire Chypre en province, et de rapporter les trésors du roi de cette île[52]. Afin de prolonger cet exil, il ajouta à la mission de Chypre celle de se rendre au fond de la Thrace pour rétablir les bannis de Byzance[53]. Caton obéit ; maintenant César pouvait partir.

 

 

 

 



[1] Les créanciers, pour la plupart citoyens romains, se faisaient payer en saisissant par expropriation forcée les biens de leurs débiteurs. César ne leur accorda que les deux tiers des revenus, jusqu’à extinction de la dette. (Plutarque, César ; Cicéron, pro Balbo, 19.)

[2] Du moins Caton, pour que rien ne pût être décidé, parla jusqu’à ce que le coucher du soleil forçât l’assemblée de se séparer. (Suétone, César, 18 ; Dion, XXXVII, 54 ; Plutarque, César et Caton.) Dix ans auparavant, le sénat avait accordé à Pompée ce qu’il refusait à César.

[3] Cicéron, ad Atticum, II, 1.

[4] Cato qui miseros publicanos.... tertium jam mensem vexat. (Cicéron, ad Atticum, I, 18.)

[5] Πολιτιxός άνήρ ούδ’ βναρ quisquam inveniri potest (ad Atticum, I, 18). Et ailleurs : Nihil έν τοϊς πολιτιxοϊς honestum, nihil illustre, nihil forte, nihil liberum (ibid., 13).

[6] Contraxi vela (ibid., I, 16).

[7] Ad Atticum, I, 19.

[8] Pour eux, Cicéron n’était toujours qu’un parvenu. Soyez dans ses lettres avec quelle hauteur le traitait Appius, son prédécesseur dans le gouvernement de Cilicie.

[9] Ad Atticum, I, 18.

[10] Crassus, ut quem principatum solus adsequi non poterat..., viribus teneret Cæsaris (Velleius Paterculus, II, 44).

[11] Appien, Bell. civ., II, 9. Cf. Suétone, César, 19 ; Dion, XXXVII, 54, 57 ; Plutarque, Pompée, 53 ; Dion, ibid., 57.

[12] .... Provinciæ minimi negotii, id est silvæ callesque (Suétone, César, 19). Ces ridicules provinces donnent cependant à penser que les Romains se préoccupaient déjà de la conservation des bois.

[13] Suétone, César, 20. Voyez Leclerc, des Journaux chez les Romains.

[14] Cicéron, qui avait soutenu, en la modifiant, la loi de Flavius, moins bien combinée, et par laquelle aurait pu, disait-il, sentina urbis exhauriri et Italiæ soliludo frequentari (ad Atticum, I, 19), ne donne contre la proposition de César que de mauvaises raisons (ad Atticum, II, 16) A l’entendre, le trésor allait être ruiné : portoriis Italiæ sublatis, agro Campano diviso, quod vectigal superest dontesticum, præter vicesinum ; mais il oubliait les tributs des provinces, auxquels ne touchait pas la loi de César. Il oubliait aussi que les dépenses pour les distributions de blé an peuple diminueraient, si la foule affamée de Rome devenait moins nombreuse.

[15] Dion, XXXVIII, 3.

[16] Appien et Dion se trompent en affirmant qu’il cessa de réunir le sénat : car il le convoqua plusieurs fois, entre autres pour faire jurer l’observation de sa loi et pour déclarer Ptolémée et Arioviste amis du peuple romain, etc.

[17] Dion, XXXVIII, 4, 5 ; Plutarque, César, 14.

[18] Plutarque, Pompée, 49.

[19] Dion, XXXVIII, 7 ; Appien, Bell. civ., 11, 12 ; Cicéron, ad Atticum, II, 18. Je ne parle pas du prétendu complot contre la vie de Pompée que dénonça Vettius et dans lequel il impliqua plusieurs personnages importants ; ce fut sans doute une affaire de chantage dont on se débarrassa en étranglant Vettius dans sa prison. Dion (XXXVIII, 9) n’hésite pas à dire qu’il avait été payé par Cicéron et Lucullus pour tuer César et Pompée ; mais Dion aime les tragiques histoires et change bien aisément un doute en certitude. Appien (Bell. civ., II, 42) n’y croit pas, et nous faisons comme lui.

[20] Cicéron, ad Atticum, II, 16 ; Appien, Bell. civ., II, 13.

[21] Lucullus voulut s’y opposer, on le menaça d’une accusation ait sujet de ses grands biens il se tut. (Dion, XXXVIII, 7 ; Appien, Bell. civ., II, 15 ; Plutarque, Pompée, 13.)

[22] César, Bell. civ., III, 107 ; Suétone, César, 51 ; Dion, XXXIX, 12.

[23] Julia n’avait que vingt-trois ans, Pompée en avait quarante-huit. César épousa en même temps Calpurnia, fille de L. Pison. (Suétone, César, 21 ; Appien, Bell. civ., II, 11.)

[24] .... Et qued neminem secum dignitate exquari volebat (César, Bell. civ., I, 4). Neque.... quemquam aquo animo parent tulit (Velleius Paterculus, I, 33).

[25] Digeste, XLVIII, le titre II tout entier ; id., ibid., L, 5, 3 ; et Code, liv. IX, le titre XXVII.

[26] Cælius (Cicéron, ad Familiares, VIII, 8) en cite l’article 101.

[27] Calpurnia (149), Junia (126 ?), Acilia (101 ?), Servilia (100), Cornelia (81).

[28] In Pisonem, 16, et pro Sextio, 64.

[29] Cicéron, ad Atticum, V, 10, 16, 21 ; in Pisonem, 37. César s’occupa aussi des liberæ legationes, un des abus les plus criants ; mais nous ignorons dans quel sens il modifia sur ce point les règlements antérieurs. (Cic., ad Att., XV, 11. Cf. Dion, XLIII, 25 ; Cic., Phil., I, 8 ; in Pis., 86.)

[30] Suétone, César, 45 ; Tacite, Histoires, I, 77.

[31] Cicéron, ad Att., VI, 7 ; ad Fam., II, 17 ; V, 20. Un des proconsuls les plus durs aux sujets, Gabinius, avait déjà, en 71, fait établir que toutes les séances du sénat dans le mois de février seraient consacrées à l’examen des plaintes apportées à Rome par les députés des provinces. (Cicéron, ad Quintum, II, 13.)

[32] Cf. Cicéron, ad Atticum, I, 16.

[33] Ad Atticum, II, 15.

[34] Dion, XXXVIII, 8 ; Appien, Bell. civ., II, 13 ; Suétone, César, 20. Je n’efface pas, en 1880, cette phrase que j’écrivais en 1843, et qui est vraie pour certains hommes. Je me contente d’ajouter que, mieux que personne, Cicéron pouvait trouver dans ses rares facultés littéraires de quoi oublier les attraits ou les mécomptes de la vie politique, en portant, comme il en avait le don, ses regards et plus haut et plus loin.

[35] Suétone, César, 49 ; Cicéron, ad Atticum, II, 19, 20, 21 et 22. Cicéron ne parlait pas tout haut de ces médisances, mais il les propageait tout bas dans ses lettres privées Du reste, à Rome, on jetait volontiers à la tête d’un ennemi, l’accusation d’être le mari de toutes les femmes et la femme de tous les maris. Suétone, qui ramassait tous les contes, dit que César vola 3.000 livres d’or au Capitole et les remplaça par du cuivre doré. Mais nous avons une preuve de la fausseté de cette accusation : Cicéron n’en parle pas et n’aurait pas manqué d’en parler souvent, si ce fait, en lui-même incroyable, avait eu lieu.

[36] Cicéron, ibid., II, 21.

[37] On a trop facilement admis l’impopularité des hommes populaires, comme dit Cicéron ; c’était Curion et les jeunes nobles, non le peuple, qui lançaient ces sarcasmes dont parle Cicéron, et celui-ci est même forcé d’avouer qu’il y a dans tout ceci beaucoup plus de haine que de force : Magis odio quam præsidio (ad Att., II, 19). Il faut aussi remarquer que c’est Pompée, et non César, qui est bafoué, insulté.

[38] Σασπός est, ut suspicor, illis qui tenent nullam cuiquam largitionem relinquere (Cicéron, ad Att., II, 18). Suétone (César, 20) dit à peu près la même chose, et tous deux disent une sottise, car Crassus, Lucullus et Pompée en avaient fait bien d’autres : c’était une obligation pour les puissants, et l’on n’a rien noté de particulièrement extraordinaire pour ces fêtes du consulat de César.

[39] Les vétérans de Pompée étaient venus voter cette loi Vatinia. (Suétone, César, 22 ) Pompée lui-même insista pour faire donner à César la Transalpine. (Cicéron, ad Att., VIII, 5 : Ille Galliæ ulterioris adjunctor.) César éloigné, il croyait rester le maître.

[40] Il venait d’y envoyer avec le titre de citoyens cinq mille colons qui s’établirent à Côme. (Strabon, V, I, 6 ; Suétone, César, 28.) Les limites méridionales de la Cisalpine passaient au sud de Lucques et de Ravenne. Ariminum, à quelques pas du Rubicon, n’était qu’à 1550 stades de Rome, Lucques à peine plus loin.

[41] César le dit, de Bello Gall., I, 33 :.... quum omnem Galliam occcuparissent, ut ante Cimbri Teutonique fecissent, in Provinciam exirent atque inde in Italiam contenderent. Un sénatus-consulte de 61, dont il sera parlé plus loin, montre, par les précautions prises dans la Narbonnaise, que le sénat était fort inquiet de ce côté.

[42] César, de Bello civil., I, 18.

[43] Velleius Paterculus, II, 44. Appien, Bell. civ., II, 13. Plutarque, Cato, 53 et César, 14.

[44] Nec illo suscipiente (Suétone, César, 23).

[45] Cicéron, pro Domo, 10 ; Suétone, César, 20.

[46] Cicéron, ad Att., VIII, 5. Pompée était malheureux dans le choix de ses amis. Ainsi il élevait Clodius, qui lui fit tant de mal, comme il avait aidé ù la fortune de César, quem in rempublicam aluit, auxit, armarit.

[47] Cette gratification diminua d’un cinquième, dit Cicéron (pro Sextio, 25), les recettes du trésor.

[48] C’était le renversement de la loi Ælia Furia (Cicéron, pro Sextio, 15). Dans le fait, la conduite de Bibulus n’avait été qu’un scandaleux abus d’un droit autrefois utile.

[49] Collegia restituit (Cicéron, in Pison., 4 ; pro Sextio, 25 ; XXXVIII, 15).

[50] Asconius, in Pison, 4.

[51] Dans le de Legibus, II, 17.

[52] Dion, XXXVIII, 30 ; Plutarque, Cato, 39. Les Romains.... se donnèrent l’hérédité d’un homme vivant et la confiscation d’un prince allié. (Montesquieu, Grandeur et décadence.) Mais ce prince avait autrefois offensé le tout-puissant tribun, en n’envoyant Clodius, pour sa rançon, quand il avait été pris par les pirates, que deux talents. Caton accomplit cette mission avec une telle rigueur, qu’il se vanta, au retour, d’avoir rapporté plus d’or que Pompée. Il versa le tout au trésor et tien garda pas une drachme. (Plutarque, Cato minor, 45.)

[53] Cicéron, pro Domo, 20.