HISTOIRE DES ROMAINS

 

CINQUIÈME PÉRIODE — CONQUÊTE DU MONDE (201-133)

CHAPITRE XXXIII — SOUMISSION DE L’ESPAGNE ET DE L’ASIE PERGAMÉENNE.

 

 

I. - SOUMISSION DE L’ESPAGNE (178-133).

Carthage, la Macédoine et Corinthe avaient succombé ; l’Espagne résistait toujours. C’est qu’elle n’avait point de grandes cités par où l’on pût la saisir, ni, chez ses peuples du Centre et de l’Ouest, de grandes richesses mobilières qui, en excitant la convoitise des paysans du Latium, rendissent les enrôlements nombreux ; enfin elle était bien loin. De Syracuse à Carthage, de Brindes à Dyrrachium, la traversée était courte et sans péril, et par la Thrace ou les Cyclades on gagnait aisément l’Asie. On n’arrivait pas si facilement en Espagne. Au lieu d’aller tout droit d’Ostie à Carthagène, à travers la mer Tyrrhénienne, les légions remontaient lentement le littoral étrusque, jusqu’au magnifique golfe de la Spezia, Lunæ Portus[1], où les Romains avaient établi un arsenal maritime qui est devenu le Brest et le Toulon des Italiens modernes[2]. Embarquées dans ce port, elles longeaient avec précaution la côte ligurienne, abritant leurs navires derrière les rochers du rivage, à la moindre menace de tempête, et se gardant contre les embûches des montagnards, chaque fois qu’il fallait descendre à terre. Du Var au Rhône, on passait plus rapidement devant les comptoirs amis des Massaliotes ; mais, du Rhône aux Pyrénées, on usait d’une extrême prudence pour traverser cette mer qui s’appelle à si bon droit le golfe du Lion. Le débarquement avait lieu à Empories, plus souvent à Tarragone ; de là les cohortes avaient encore à gagner les lieux où étaient les troupes qu’elles venaient relever et qui souvent opéraient à l’autre extrémité de l’Espagne. Toutes ces circonstances expliquent qu’il ait fallu à Rome trois quarts de siècle pour en finir avec les insurrections des Espagnols, quand il lui suffisait de quelques campagnes pour abattre des royaumes fameux.   

Depuis la pacification de ce pays par Sempr. Gracchus, en 178, jusqu’à l’année 153, le repos des deux provinces ne fut troublé que par un soulèvement des Celtibériens. En 170, un de ces fanatiques de religion et de patriotisme, comme l’Espagne en a tant produit, parcourut les villages de la Celtibérie, en montrant une lance d’argent qu’il prétendait avoir reçue du ciel, et devant laquelle, disait-il, allaient fuir les légions épouvantées. Une nuit il essaya de pénétrer dans la tente du consul et fut tué par les gardes : sa mort dissipa la révolte. Ce mouvement indique que le pouvoir de Rome n’était pas encore accepté de l’Espagne. Elle avait, en effet, trop de mines d’argent et d’or, pour ne pas exciter la cupidité des préteurs, et ceux-ci étaient trop avides pour reculer devant aucune extorsion. Au milieu des incertitudes de la guerre contre Persée, le sénat fut contraint de paraître juste et interposa son autorité. Mais la nouvelle noblesse ne se souvenait que de loin en loin de l’ancienne austérité ; les préteurs continuèrent d’aller réparer en Espagne leur fortune dissipée à Rome dans les débauches ou dans les scandaleuses profusions qui précédaient les élections.

En 155, un émissaire de Carthage trouva les Lusitaniens assez irrités pour les pousser à une révolte. Un préteur fut tué avec neuf raille des siens, et, pour décider la défection des montagnards du centre de la péninsule, les vainqueurs leur envoyèrent les enseignes militaires conquises dans le camp romain. Une de ces peuplades celtibériennes, réservée à une renommée glorieuse, les Arévaques de Numance, prit les armes et battit trois fois les troupes envolées contre elle. Une perfidie parut d’abord réussir : Galba, vaincu par les Lusitaniens, feignit de traiter avec eux, les dispersa en leur offrant des terres fertiles, puis en massacra trente mille et se gorgea de butin, lui et ses soldats.

Dans la Celtibérie, le consul Lucullus déshonorait par une semblable conduite la foi romaine. Il avait eu peine à trouver des soldats. Depuis que le pillage, d’ailleurs peu productif, était mêlé d’une guerre meurtrière, personne ne se présentait à l’enrôlement. Il fallut que Scipion Émilien fit honte de cette lâcheté à la jeunesse romaine et donnât le premier son nom. Lucullus attaqua, sans motif, les Vaccéens, qui vivaient. en bonne intelligence avec Rome, et assiégea une de leurs villes, Cauca, où une multitude d’hommes s’étaient enfermés. Vivement pressés, les habitants traitèrent et ouvrirent leurs portes : il en tua vingt mille et vendit le reste. Aussi les gens d’Intercatia ne se rendirent que sous la garantie de la parole de Scipion (150).

Du massacre des Lusitaniens, un homme s’était échappé, Viriathe, ancien pâtre auquel tous les sentiers des montagnes étaient connus, et qui fut le premier de ces chefs héroïques que, dans tous les temps, les Espagnols ont trouvés. Dix mille de ses compatriotes s’étant imprudemment engagés dans une position où ils ne pouvaient ni fuir ni combattre, Viriathe les sauva par des chemins qui semblaient impraticables. Son peuple ne voulut plus d’autre chef (147), et pendant cinq années il fit aux Romains une guerre de surprises et d’escarmouches dans laquelle ils perdirent leurs meilleurs soldats. Toutefois il comprit que les Lusitaniens ne pourraient pas seuls sauver l’Espagne ni même leur indépendance, et il souleva les Celtibériens. Cette union avec le peuple qui tenait le centre de la péninsule rendait la guerre sérieuse. Le sénat envoya contre les Celtibériens un de ses meilleurs généraux, Metellus le Macédonique, qui les battit pendant deux ans (143-142) et prit presque toutes leurs villes. Cette puissante diversion servit les desseins de Viriathe en laissant l’autre armée romaine, que commandait le consul Servilianus, exposée seule à ses coups[3]. Enfermée dans un défilé, elle n’évita une entière destruction qu’en capitulant aux conditions suivantes : Il y aura paix, à l’avenir, entre le peuple romain et Viriathe, et chaque parti conservera ce qu’il possède. Les comices ratifièrent ce traité qui eût fait mourir de honte les hommes des générations précédentes (141).

Un nouveau général, Cépion, se fit autoriser par le sénat à rompre le traité. Il surprit Viriathe, qui s’abandonnait sans défiance aux serments reçus, le rejeta dans les montagnes et l’y fit assassiner par deux Lusitaniens qu’il avait gagnés (140). Pendant huit ans, Viriathe avait balancé en Espagne la fortune de Rome. Sa mort découragea ses troupes et son peuple ; Cépion n’eut pas même à combattre pour couvrir d’un peu de gloire sa perfidie. Les Lusitaniens se soumirent ; il les transporta au milieu de peuples façonnés au joug de Rome, sur les bords de la Méditerranée, où Brutus, son successeur (138-137), leur fit bâtir Valence. Ce dernier chef eut encore à vaincre quelques résistances partielles. Des bandes nombreuses couraient le pays, il les affama eu détruisant toutes les cultures, et pénétra chez les Gallaïques, jusqu’au bord de l’Océan, où il montra à ses légions le soleil descendant au sein de ces mers mystérieuses de l’Occident, que soulevait incessamment, disait-on, la respiration puissante de la Terre[4].

Brutus croyait la domination romaine arrivée aux extrémités du monde. Cependant, derrière lui, durait une lutte soulevée par le héros lusitanien. Metellus n’avait laissé à prendre dans la Celtibérie que deux villes, Thermantia et Numance[5]. La guerre d’Espagne, terminée au sud par la mort de Viriathe et à l’ouest par l’expédition de Brutus, allait donc se concentrer au nord, dans les montagnes qui, se détachant des Pyrénées aux sources de l’Èbre, ferment au midi le bassin de ce fleuve et donnent naissance au Tage et au Douro. La difficulté des lieux, l’indomptable courage des montagnards à défendre ce dernier asile de la liberté, surtout l’impéritie des généraux romains, donnèrent à ce suprême effort de l’indépendance espagnole les apparences d’une guerre dangereuse. En 141, Pompeius fit avec les Numantins un traité qu’il n’osa avouer dans le sénat, et son successeur, Popillius Lænas, ri approcha de la ville que pour essuyer une défaite (138). L’année suivante, le consul Mancinus renouvela la honte de Servilianus ; enfermé dans urge gorge sans issue par les Numantins, il leur abandonna son camp, ses bagages, et engagea sa parole qu’il cesserait les hostilités. Si grande était maintenant la défiance inspirée par la bonne foi romaine, que les Numantins exigèrent pour l’observation du traité le serment des officiers de Mancinus et de son questeur, Tiberius Gracchus, fils de ce Gracchus dont les Espagnols vénéraient la mémoire (158). Le sénat ne tint pas compte de ce traité, et, ne prenant dans les anciens temps que les exemples qui allaient aux moeurs nouvelles, il recommença la scène, qui avait suivi la convention des Fourches Caudines : Mancinus, nu et les mains liées, fut livré aux Numantins, qui refusèrent de le recevoir[6]. Le peuple s’était opposé à ce que Tiberius eût le sort du consul.

De nouveaux chefs, une nouvelle armée, ne surent pas effacer cette honte. Pour abattre la petite cité espagnole, il ne fallut pas moins que celui qui avait renversé Carthage. Scipion commença par bannir (lu camp la mollesse et l’oisiveté. Il en chassa deux mille femmes de mauvaise vie, les aruspices, charlatans et diseurs de bonne aventure, qui le transformaient en un champ de foire et en un lieu de débauche. Il faisait élever des murailles, creuser des fossés, qu’ensuite il renversait et comblait. Qu’ils se couvrent de boue, disait-il, puisqu’ils ne veulent pas se couvrir de sang. Évitant toute affaire générale, il attaqua l’un après l’autre les alliés des Numantins, refoula peu à peu ceux-ci dans leur ville, et les y enferma par une épaisse muraille flanquée de tours. Le Durius longeait le pied de la colline qui portait Numance, et des plongeurs apportaient des vivres aux assiégés ; Scipion jeta dans son lit des poutres armées de dents de fer et des filets. Un chef numantin réussit pourtant à franchir les lignes romaines et alla solliciter les secours de Lucia. Scipion courut à cette ville, exigea que quatre cents des principaux citoyens lui fussent livrés et leur fit couper les mains ; à Carthage, il avait jeté aux lions tous les transfuges qu’il avait pris[7]. Les Numantins, pressés par une horrible famine, lui demandèrent une bataille où ils pussent au moins trouver une mort glorieuse ; il ne quitta point ses inattaquables retranchements et les réduisit à s’entr’égorger (133). Cinquante Numantins seulement suivirent à Rome son char de triomphe.

L’Espagne, épuisée de sang, rentra enfin dans le repos. Mais les montagnards du Nord, Astures, Cantabres, Vascons, n’étaient pas domptés. Les Celtibériens et les Vaccéens remuèrent encore durant la seconde guerre des esclaves et l’invasion des Cimbres. La pacification de l’Espagne ne devait être achevée que par Auguste[8].

Les Baléares étaient un nid de pirates, Metellus en prit possession après en avoir presque exterminé les habitants (123)[9].

Ces victoires, ces massacres, n’expliquent pas comment l’Espagne est devenue si complètement romaine, de langue, de mœurs et d’institutions. Peu de colonies y furent envoyées. On ne cite, pour cette époque, que l’établissement militaire d’Italica[10], fondé par les vétérans de SciPIon, qui devint très florissants Puisque Trajan, Hadrien et Théodose en sont sortis, et un autre formé, en 171, à Carteia. Le sénat n’aimait pas encore à exiler les citoyens, même les alliés, hors de l’Italie. Mais ce que la politique ne faisait pas, la force des choses l’accomplissait. Lorsque l’on essaye de compter les contingents arrivés de Rome dans la péninsule ibérique, on trouve que, de 196 à 469 seulement, en vingt-sept années, plus de cent quarante mille Italiens passèrent les Pyrénées, et la liste n’est pas complète[11]. Or on ne peut douter que beaucoup de ces soldats ne soient restés en Espagne et n’y aient épousé des femmes du pays. La colonie de Carteia, au fond de la baie de Gibraltar[12], en est une preuve, car elle fut formée avec des familles de demi-sang. Aussi n’eut-elle que le jus Latii[13]. Le sénat pouvait se refuser à offrir aux pauvres de Rome des domaines en ce pals lointain, mais les généraux n’ont certainement pas manqué d’imiter l’exemple du premier Scipion, en accordant, comme lui, des terres à leurs vétérans ; de sorte que, dans le même temps où la conquête violente s’achevait par les armes, la conquête morale commençait par la colonisation individuelle. Ces infiltrations insensibles, mais continuelles, de sang italien ont latinisé promptement les provinces transalpines[14]. Par la raison contraire, au delà de l’Adriatique, où les guerres furent courtes et où les légions ne séjournaient pas, la langue grecque ne recula point. Il convient d’ajouter qu’à l’ouest, l’élément civilisateur était l’esprit de Rome, tandis qu’à l’est c’était l’hellénisme. Chacun d’eux absorba les éléments inférieurs sur lesquels son action porta : l’hellénisme l’avait fait depuis longtemps en Asie ; Rome commence à le faire en Espagne et le fera bientôt en Gaule. L’Occident va donc devenir latin, et l’Orient restera grec[15].

 

II. — RÉDUCTION DE L’ASIE PERGAMÉENNE EN PROVINCE (133-129).

Il faut revenir maintenant de l’Espagne à l’Asie pour suivre l’œuvre de destruction que le sénat accomplissait tout autour de la Méditerranée, dont il voulait faire un lac romain.

De 488 à 433, il ne parut pas nui légionnaire en Asie ; niais les commissaires du sénat y furent toujours présents, épiant les actions et les paroles des princes ; intervenant avec autorité dans toutes les affaires, pour dégrader aux yeux des sujets la majesté des rois ; exigeant de riches présents[16], pour les tenir toujours obérés ; prenant leurs fils en otage[17], pour les renvoyer, comme Démétrius, gagnés à la cause de Rome ; enfin leur défendant la guerre, pour que le bruit des armes ne réveillât pas ces peuples endormis.

Un imposteur s’était élevé contre Ariarathe V, ils lui attribuèrent la moitié de la Cappadoce[18] (147) ; Prusias de Bithynie avait vaincu le roi de Pergame et pillé sa capitale, ils le condamnèrent à une amende de 600 talents, dont 500 pour Attale II, et 100 pour Méthymne et pour trois autres villes dont il avait ravagé le territoire[19] (155). A la mort d’Antiochus Épiphane, le légitime héritier de la monarchie des Séleucides, Démétrius Soter, était à Rome. Le sénat fit proclamer roi un enfant, Antiochus Eupator, et donna mission à Octavius d’aller en Syrie brûler les vaisseaux, tuer les éléphants et disperser l’armée[20]. Mais Démétrius Soter, aidé de Polybe, qui lui fréta un vaisseau carthaginois, s’échappa ; le sénat se hâta de faire alliance avec les Juifs, alors révoltés contre les Séleucides, sous le commandement de Judas Maccabée, et reconnut leur indépendance (158). En Égypte, pris pour arbitre entre Physcon et Philométor, il démembra le royaume, cachant une politique perfide sous les dehors de l’impartialité : l’héritage des Ptolémées forma trois États : Égypte, Chypre et Cyrénaïque[21].

Les rois de Pergame avaient rendu trop de services dans les guerres contre Philippe, Antiochus et Persée, pour que le sénat pût se montrer ouvertement leur ennemi. Mais, entre les États, la reconnaissance ne dure guère, et les Romains avaient bien vite compris qu’il était de leur intérêt que les Attalides ne devinssent pas les chefs d’une grande monarchie asiatique. Aussi Manlius s’était-il contenté d’abattre l’orgueil des Galates, sans prendre leur liberté, afin que les Pergaméens trouvassent toujours a leurs portes des adversaires qui continssent leur ambition ; c’est pour cela encore que le sénat n’intervenait point, de manière à faire cesser les démêlés d’Eumène et d’Attale avec les Bithyniens. Il laissait ces petits rois asiatiques épuiser leurs forces en vaines querelles, que ses commissaires venaient arrêter, quand elles menaçaient de finir trop heureusement pour un des adversaires[22].

Des deux successeurs d’Eumène, mort en 159, le second, Attale III, avait montré une cruauté insensée. Tour à tour sculpteur, fondeur, médecin, il tuait ceux qui n’applaudissaient pas à ses folies, et essayait sur ses parents, ses amis, ses gardes, les plantes vénéneuses qu’il cultivait lui-même. Quand il mourut (153), le sénat prétendit que, par son testament, il avait institué le peuple romain son héritier, et, dans le legs, il comprit le royaume ; mais un fils naturel d’Eumène, Aristonie, souleva les habitants, battit et prit le consul Licinius Crassus, qui insulta un soldat barbare pour se faire tuer. Le consul Perperna répara facilement cette défaite (130), et Aristonie, envoyé à Rome, y fut étranglé ; le royaume de Pergame forma la nouvelle province d’Asie (129).

Le roi de Cappadoce, Ariarathe V, qui avait aidé les Romains dans cette guerre, y mourut ; le sénat récompensa cette fidélité par le don de la Lycaonie et de la Cilicie. Ce n’était pas un présent dont Rome pût se repentir quelque jour. Ariarathe avait six enfants ; sa veuve en tua cinq, n’épargnant le plus jeune que pour régner sous son nom.

Mais le peuple se souleva, et elle périt. Un tel royaume n’était pas d’un dangereux voisinage pour la nouvelle province.

Ainsi, dans l’espace de quelques années, Rome avait soumis à sa loi la plus grande partie des pays que baigne la Méditerranée, en dépensant à ces conquêtes beaucoup moins d’héroïsme que de duplicité. Depuis la grande lutte de la seconde guerre Punique, il n’y avait pas eu pour elle de danger sérieux, et elle aurait pu se montrer généreuse.

Mais cette modération n’est pas dans la nature humaine. Une certaine force des choses s’établit ; tous y cèdent, même ceux qui en voient le péril. Si, Annibal vaincu, les Romains s’étaient enfermés en Italie avec la résolution de n’en point sortir, ils auraient été un peuple de sages tel que l’histoire n’en connaît pas.

 

 

 

 



[1] Il s’enfonce, en effet, de plus de 11 kilomètres dans les terres, et une petite ville, que Ptolémée appelait Port-de-Vénus, existe encore à son entrée, Porto Venere.

[2] Strabon, qui l’appelle aussi Σελήνες λιμήν, le regarde comme le plus beau port du monde. Tite-Live (XXXIV, 8, et XXXIX, 21, 32) en fait le rendez-vous des flottes romaines ; Ennius l’avait célébré :

Lunai portum, est operœ, cognoscile, cives !

Et Perse, qui y habita, l’admire :

Qua talus ingens

Dant scopuli et multa litus se valle receplat.

(Satires, VI, 7-8.)

[3] Ce consul, en passant par adoption dans la IFabia, avait, suivant l’usage romain, pris les noms de sa famille adoptive, Q. Fabius Maximus, et gardé de sa famille d’origine, gens Servilia, l’agnomen de Servilianus. Ainsi le plus jeune fils de Paul Émile, après son adoption par le fils de Scipion l’Africain, s’appela P. Cornelius Scipio Æmilianus Africanus Minor.

[4] Pomponius Mela, III, 4. Le phénomène des marées de l’Atlantique était un objet d’étonnement pour les riverains de la Méditerranée. Cependant les anciens avaient déjà remarqué l’influence de la lune sur le flux et le reflux.

[5] On croit voir les ruines de Numance à Puente de Don Guarray, à une lieue de Soria, sur une éminence qui n’était accessible que d’un seul côté, et qui avait plus d’une lieue de tour.

[6] Il revint siéger au sénat, mais en fut repoussé par le tribun P. Rutilius, qui soutint que Mancinus, livré à l’ennemi comme un captif, avait perdu le jus civitatis. Ses amis invoquèrent en sa faveur le jus postliminii, ou le droit de retour secret ; mais il fallut une loi pour le réintégrer dans ses droits.

[7] Valère Maxime, II, VII.

[8] La source principale pour ces guerres est toujours Appien. Voyez aussi Florus et Velleius Paterculus.

[9] Tite-Live, Épitomé, 60. Metellus y fonda Palma et Pollentia, qu’il peupla avec trois mille colons appelés d’Espagne. (Strabon, III, 5.)

[10] Sevilla la Vieja, à 6 milles de la Séville moderne, où ses habitants émigrèrent quand le Battis (Guadalquivir), qui baignait leurs murs, eut changé son lit. Ses ruines ont disparu. Il n’en reste plus qu’un souvenir, une mosaïque découverte en 1799, détruite depuis, mais que M. Delaborde avait eu le temps de dessiner pour son Voyage en Espagne.

[11] Ces chiffres ne contredisent pas ce qui a déjà été dit plus haut. Les enrôlements furent nombreux durant la première période, quand la Bétique avait encore les richesses que les Phéniciens, Carthage et les siècles y avaient accumulées. Ils devinrent difficiles dans la seconde, quand on n’eut à combattre que des peuplades pauvres et belliqueuses.

[12] Au lieu appelé El Rocadille, où l’on voit les restes d’un amphithéâtre.

[13] Le fils d’un Romain et d’une femme étrangère, peregrina, suivait la condition de sa mère, à moins qu’elle n’appartint à un peuple ayant avec Rome le Jus connubii. C’est à cause de cela qu’il y eut pour les colons romains de Carteia une diminutio capitis, et que la nouvelle cité ne fut pas colonie romaine, mais latine.

[14] Plus tard César et Auguste y envoyèrent de nombreuses colonies.

[15] On verra plus tard Rome et les provinces occidentales subir aussi l’influence de l’hellénisme, mais sous la forme philosophique et religieuse.

[16] Antiochus donna en une fois 500 livres d’or, une autre fois 50 talents. (Tite-Live, XXXVI, 4 ; XLII, 6.) Prusias offrit une couronne d’or de 150 talents, etc.

[17] Et, avec leurs fils, ceux des principaux personnages. Antiochus en donna 20, avec la condition expresse de les changer tous les trois ans.

[18] Appien, Syria, 47.

[19] Polybe, XXXIII, 11.

[20] Polybe, XXXI, 10.

[21] Polybe, XXXI, 26.

[22] On a découvert en 1859 plusieurs lettres d’Eumène et d’Attale II, mort en 138, au grand prêtre de Pessinunte, où l’on voit, à travers beaucoup de réticences, combien était misérable la condition de ces rois.