HISTOIRE DES ROMAINS

 

TROISIÈME PÉRIODE — GUERRE DE L’INDÉPENDANCE ITALIENNE OU CONQUÊTE DE L’ITALIE (343-265)

CHAPITRE XV — COALITION DES SAMNITES, DES ÉTRUSQUES ET DES SÉNONS (343-280).

 

 

I. — TROISIÈME GUERRE SAMNITE (311-305).

Depuis seize ans, les Samnites luttaient seuls ; les autres peuples à la fin s’émurent. La trêve de quarante ans avec les Tarquiniens allait finir, et les villes étrusques, qui n’entendaient plus gronder, de l’autre côté de l’Apennin, les bandes gauloises, voyaient avec effroi grandir à chaque campagne la fortune de Rome. Des émissaires samnites les entraînèrent, et l’ancienne ligue des lucumonies se reforma. Tandis que les légions étaient retenues dans le Samnium au siège de Bovianum, cinquante ou soixante mille Étrusques vinrent cerner Sutrium, la forteresse qui couvrait par le nord les approches de Rome. Cette place emportée, ils étaient en quelques heures de marche au pied du Janicule. Depuis la bataille de l’Allia, le sénat conservait toujours deux légions dans la ville. Cette réserve essaya de débloquer Sutrium ; une bataille indécise contint l’ennemi jusqu’à l’arrivée de renforts conduits par Fabius, le héros de cette guerre. La prise de Bovianum rendait disponible l’autre armée consulaire ; le sénat voulait la diriger aussi vers la ville assiégée. Mais les Samnites se jetèrent sur l’Apulie : il fallut les y suivre. Fabius resta donc seul. Les lignes des Étrusques étaient trop fortes pour être enlevées, et ils refusaient d’en sortir Fabius les y laisse, avertit le sénat de couvrir Rome par une armée de réserve ; puis, sans attendre peut-être un ordre qui renverserait son plan hardi, il traverse la forêt Ciminienne, qu’il a fait explorer par son frère, déguisé en berger toscan, pénètre dans les riches campagnes de l’Étrurie centrale, en passant près de Castel d’Asso et de Norchia, aujourd’hui cités des morts, alors villes florissantes, et tue, près de Pérouse, soixante mille Étrusques ou Ombriens. Trois des plus puissantes cités, Pérouse, Cortone et Arretium, demandent une trêve de trente ans. Sutrium était sauvé, la confédération dissoute[1] et le massacre de la gens Fabia au bord de la Crémère, en 479, enfin vengé.

Cependant Marcius Rutilus, envoyé contre les Samnites, avait failli trouver de nouvelles Fourches Caudines ; il ne s’était échappé du champ de bataille qu’à demi vaincu, et le Samnium menaçait d’ara héroïque effort. D’ardentes prédications agitaient toute la montagne, les plus braves étaient appelés au serment de la loi sacrée. Le sénat recourut à celui qui avait réparé le désastre de Caudium, au vieux Papirius[2]. L’âge avait appesanti son corps, courbé sa haute taille, glacé ses forces ; ce n’était plus l’Achille romain, mais c’était toujours un des premiers généraux de la république. La nomination du dictateur appartenait a Fabius, et le consul n’avait pas oublié les ressentiments de l’ancien maître de la cavalerie. Il hésita tout un jour ; le patriotisme à la fin l’emporta et, à minuit, loin de tout œil et de toute oreille profanes, il nomma Papirius. Junius Bubulcus, le conquérant de Bovianum, Valerius Corvus et un Decius furent ses lieutenants. L’armée samnite était prête. Nombre de ses guerriers avaient fait, devant les autels, au milieu de cérémonies imposantes, le serment solennel de vaincre ou de mourir, et, portant leurs plus splendides vêtements de guerre, les uns des saies aux vives couleurs et des boucliers dorés, les autres des tuniques blanches et des boucliers d’argent, tous le casque surmonté d’une brillante aigrette, ils marchaient au combat, parés pour le sacrifice, comme pour le triomphe. Ils succombèrent ; quand Papirius monta au Capitole, de longues files de chariots traversèrent la voie triomphale chargés des armes des dévoués samnites. On en décora les boutiques du Forum ; et les alliés campaniens en rapportèrent dans leurs villes, comme de glorieux trophées (309).

Les craintes du sénat n’étaient pas encore dissipées ; Papirius conserva toute cette année la dictature, et Fabius resta comme proconsul à la tète des légions d’Étrurie ; il n’y eut point de comices consulaires.

Entre le Tibre et la forêt Ciminienne se trouvait un lac que Pline le Jeune a décrit avec une puérile complaisance[3] et qui n’est plus qu’un étang aux eaux sulfureuses, le laghetto di Bassano, autrefois le lacus Vadimonium, fameux pour avoir vu deux fois la fortune de l’Étrurie échouer sur ses rives. C’est que le défilé, large à peu près d’un mille, qui s’étend du lac aux contreforts du Cimino, est le plus facile passage qui s’ouvre à une armée voulant pénétrer de Rome dans la vallée supérieure du Tibre[4]. Les Étrusques y étaient accourus pour un suprême effort. Ils avaient déployé toutes les pompes religieuses et proclamé la loi sacrée qui dévouait les fuyards aux dieux infernaux ; chaque soldat s’était choisi un compagnon d’armes à côté duquel il devait combattre et vaincre ou tomber. Le choc fut terrible. Deux des lignes romaines furent enfoncées ; la troisième, où étaient les triaires, maintint le combat, et les cavaliers ayant mis pied à terre décidèrent la victoire. La force de la nation, dit Tite-Live (IX, 39), fut détruite dans cette bataille.

Les Étrusques écrasés près du lac Vadimon et vaincus encore près de Pérouse révoltée, cette place occupée par une garnison romaine, les autres cités contraintes de demander la paix, et l’Étrurie enfile domptée : tels furent, en cette année, les services de Fabius[5]. Quand Decius, au retour du printemps, entra dans le pays, il n’y trouva que des peuples disposés à traiter.

Fabius était allé porter sa fortune, c’est-à-dire sa renommée et sa persévérance, dans le Samnium. La confédération morse avait fourni de nombreux volontaires aux Samnites, mais elle lie s’était pas ouvertement déclarée pour eux. Comme aux premiers jours de Rome, ses ennemis préparaient ses victoires par leur défaut d’union. Quand les Samnites furent affaiblis et les Étrusques accablés, les Marses et les Péligniens s’aperçurent que leur cause était celle de toute l’Italie. Il était trop tard ; Fabius les battit, soumit Nucérie, depuis sept ans révoltée, et, apprenant que son collègue Decius reculait devint un grand armement des Ombriens, il alla le rejoindre, dispersa l’armée ombrienne et reçut la soumission de ses villes (308). Un nouveau proconsulat fut pour lui l’occasion de nouvelles victoires ; il cerna, près d’Allifæ, une armée samnite, et la força de mettre bas les armes sous les yeux des ambassadeurs tarentins, qui, dans l’illusion de leur orgueil, voulaient s’imposer comme médiateurs (308).

Parmi les prisonniers se trouvèrent des Èques et des Herniques[6]. Une enquête ordonnée par le sénat poussa les derniers aux armes. Réunis dans le grand cirque d’Anagni, ils se résolurent à soutenir leurs frères de la montagne ; mais Marcius eut le temps de battre les Herniques en trois rencontres et de forcer ce peuple à se remettre à la discrétion du sénat, qui enleva à ses villes, moins trois restées fidèles, leur indépendance avec une partie de leur territoire[7]. De là, Marcius courut dégager son collègue Cornelius, bloqué par les Samnites, et leur tua trente mille hommes. Pendant cinq mois, les légions parcoururent le Samnium, brûlant les maisons et les fermes, coupant les arbres à fruits, tuant jusqu’aux animaux[8]. Au retour leur général eut le triomphe et on lui dressa une statue équestre (306).

Les plébéiens avaient voulu par cet honneur inusité glorifier un consul de leur ordre et il faut dire, à l’éloge du sénat, que, lorsque plus tard on fit enlever toutes les statues qui encombraient le Forum, celle de Marcius fut conservée : Cicéron put la voir[9].

Les Samnites tinrent encore pendant une campagne, malgré le ravage de leurs terres. Ce ne fut qu’après avoir vu leurs places fortes aux mains des légions qu’ils se décidèrent à solliciter la fin d’une guerre qui avait duré plus d’une génération d’hommes. Es conservèrent leur territoire et tous les signes extérieurs de l’indépendance, mais reconnurent la, majesté du peuple romain. Les circonstances devaient expliquer ce que le sénat entendait par la majesté romaine[10] (304).

Cette paix laissait les laques exposés seuls à la colère de Rome. Depuis près d’un siècle, ce peuple si remuant s’était fait oublier. Refoulé par les invasions gauloises dans les montagnes, à l’ouest du lac Fucin, contenu par Tibur et Préneste, qui lui barraient la route du Latium, il n’avait pris aucune part à la guerre Latine. Mais le sénat se souvenant que des Èques avaient combattu à Allifæ dans les rangs samnites, envoya contre eux les légions revenues du Samnium. En cinquante jours, on leur prit et on brûla quarante et une places ; puis on confisqua une partie de leurs terres, et on leur donna le droit de cité sans suffrage, ce qui les plaçait dans la condition de sujets (304). Cinq ans plus tard, la crainte, inspirée par la coalition gallo-samnite, les fit élever au rang de citoyens[11]. Une courte guerre avec les Marses, soulevés par l’établissement, d’une colonie romaine à Carseoli, et un traité conclu avec les Festins et les Picénins, sont les seuls événements des années suivantes. Rome plaçait ainsi toute une masse de peuples amis entre les Étrusques, les Gaulois et les Samnites, qu’elle avait vaincus, mais non désarmés.

Un épisode de ce temps fait penser à notre tragique histoire des grottes du Dahra. Rome ne dédaignait pas de veiller sur ces agitations par lesquelles les guerres finissent, mais par lesquelles aussi elles recommencent. Des hommes que Tite-Live appelle des brigands et qui étaient sans doute des patriotes, refusant d’accepter le joug de l’étranger, couraient par bandes le pays ombrien. Deux mille avaient pour refuge une caverne profonde. Un consul alla les y traquer, et, comme les soldats qui voulurent y pénétrer furent repousses à coups de pierre et de traits, on entassa du bois aux deux extrémités, on y mit le feu et on l’entretint jusqu’à ce que tous eussent péri étouffés par la fumée ou la chaleur[12].

La même année, arriva une aventure que le Padouan Tite-Live raconte avec complaisance. Cléonyme, petit-fils d’un roi spartiate était venu, avec une escadre, chercher fortune dans la mer Adriatique. Il arrêtait les navires et pillait les côtes. Trouvant celles du pays des Sallentins bien gardées par les légions romaines, il poussa jusqu’au fond du golfe et, par les lagunes de la Ceuta, pénétra chez les Vénètes dont il saccagea le territoire. La protection de Rome ne s’étendait pas encore jusque-là, mais les Padouans, habitués aux armes par le voisinage des gaulois, coururent sus à ces maraudeurs, tuèrent les uns, poursuivirent le reste jusqu’aux vaisseaux, dont plusieurs furent pris. Très fière de ce succès remporté sur des Lacédémoniens, Padoue déposa dans son temple de Junon les éperons de leurs navires et institua une fête célébrée encore du temps d’Auguste, où un combat naval sur la Brenta rappelait la victoire gagnée sur les pirates de Cléonyme.

 

II. — SECONDE COALITION DES SAMNITES, DES ÉTRUSQUES, DES OMBRIENS ET DES GAULOIS (300-290).

Depuis quarante ans les Samnites avaient été bien des fois battus. Mien cependant n’avait encore été décidé, et la paix récemment conclue n’était qu’un moment de repos avant la lutte dernière. Entre home et les Samnites, il y avait non plus une rivalité de puissance, mais une question de vie ou de mort, car, l’ambition romaine grandissant avec le succès, Appius venait de déclarer que le domaine de la république ne devait finir que là où finissait l’Italie. La guerre couvait donc partout, et les feux partiels qui éclataient, guerre contre les Èques, contre les Marses, et bientôt contre Arretium, contre Narnia, annonçaient un nouvel embrasement. A Arretium, la famille puissante des Cilnius appelait une armée romaine qui l’aidât à dompter le peuple de cette ville. Les Cilnius et le peuple se réconcilièrent, dit Tite-Live ; mais je crains fort que cette union, apportée par l’étranger, n’ait eu lieu au profit de Rome ; qu’ici comme à Capoue, comme partout, l’aristocratie italienne n’ait vendu au sénat l’indépendance du peuple, pour sauver ses privilèges et son pouvoir[13]. Du moins ne peut-on expliquer l’étrange conduite des Étrusques, dans cette dernière période de la guerre samnite, que par des troubles intérieurs, par une déplorable rivalité d’un parti romain et d’un parti national, l’un voulant la paix, l’autre la guerre : de là des trêves sans cesse rompues, et des opérations mal conduites.

Les Gaulois recommençaient alors à faire du bruit dans le inonde.

Leurs troupes batailleuses s’agitaient dans la vallée du Danube d’où elles sortiront bientôt pour ravager la Grèce et l’Asie Mineure. L’Italie ressentit le contrecoup de ces mouvements ; quelques bandes passèrent encore les Alpes, et le sénat, inquiet des dispositions des Sénons, entreprit de se mettre à couvert contre une irruption soudaine. En 300 on trouve les consuls assiégeant la ville ombrienne de Nequinum (Narnia). Bâtie sur un rocher au-dessus du Nar, cette place commandait le passage de l’Ombrie dans la vallée du Tibre c’était une des positions militaires les plus importantes des environs de Rome. Le sénat y établit une forte garnison. Avec Carseoli et Alba Fucentia[14], colonisées peu de temps auparavant, cette place complétait la ligne de défense dont la capitale du Latium s’était enveloppée[15].

A Narnia, on avait trouvé des Samnites parmi les défenseurs de la place ; leurs chefs préparaient un soulèvement général et cherchaient partout des alliés. Les Lucaniens leur avaient promis des secours ; au moment d’agir, le parti romain l’emporta et fit livrer des otages. Les Picénins, vivement sollicités, renvoyèrent aussi au sénat le message qui les appelait aux armes ; et la confédération marse, fidèle à sa vieille jalousie contre les Samnites, trahit encore une fois la cause commune. Mais d’autres alliés s’offrirent : les Sabins, en paix avec Rome depuis un siècle et demi, ne voulurent pas abandonner à sa dernière heure un peuple frère. Les Étrusques étaient tout décidés. Quelques années auparavant ils avaient payé des Gaulois pour marcher sur Rome. Quand les barbares tinrent l’argent : Ce n’est là que votre rançon, dirent-ils, pour vous aider contre les Romains, il nous faut des terres. Les Ombriens avaient uni leur fortune à celle des Étrusques. Ainsi, la guerre allait s’étendre de la Cisalpine jusqu’au Bruttium. A cette coalition mal unie, Rome opposait toutes les forces des peuples latins et campaniens, de la forêt Ciminienne au Silarus, et, ce qui valait plus qu’une armée, l’unité de conseil et de direction.

La guerre commença aux deux extrémités à la fois : dans l’Étrurie et la Lucanie. Valerius Corvus, alors consul pour la sixième fois, fut chargé de la guerre étrusque ; l’ennemi effrayé parle nom seul d’un tel adversaire, laissa dévaster ses campagnes sans risquer une bataille (299). Dans la Lucanie, les Samnites avaient envoyé une armée pour relever leur parti. Rome les somma de la rappeler ; ils ne voulurent pas même entendre les féciaux. Le consul Fulvius marcha aussitôt sur Bovianum (298), battit l’ennemi, plusieurs fois trompé par ses ruses, et prit la ville, tandis que son collègue Scipion Barbatus remportait, près de Volaterræ, une victoire sur les Étrusques (?). Ces succès furent moins grands sans doute qu’on ne nous les représente[16], ou le peuple voulut frapper, dès les premières campagnes, des coups décisifs, car il força, l’année suivante, Fabius Rullianus, qui sortait de l’édilité, après avoir exercé sa célèbre censure, à accepter le consulat. Fabius n’y consentit qu’à la condition d’avoir pour collègue P. Decius. Contre toute attente, les Étrusques, qui ne voulaient point s’engager sérieusement avant l’arrivée des Gaulois, se tinrent sur la défensive, et les deux consuls purent marcher vers le Samnium. Vainqueurs, l’un à Tiferne, l’autre à Malévent, ils restèrent cinq mois dans cette province, dévastant méthodiquement le pays, arrêtant leurs légions dans les plus riches vallées, et n’en sortant qu’après avoir tout détruit. Decius prit ainsi dans le Samnium quarante-cinq campements, et Fabius quatre-vingt-six, que longtemps après on reconnaissait aux ruines et à la solitude des environs (297).

Cette dévastation systématique, continuée part Fabius l’année suivante, inspira aux Samnites une résolution désespérée. Quittant leur pays, qu’ils ne peuvent plus défendre, ils se jettent, sous la conduite de Gellius Egnatius, en Étrurie, soulèvent les villes qui hésitaient encore, entraînent les Ombriens et appellent les Gaulois[17].

L’effroi fut grand dans Rome, et des présages funestes l’augmentaient. On disait que la statue de la Victoire était descendue de son piédestal et s’était tournée vers la porte Colline par laquelle, un siècle auparavant, les Gaulois étaient entrés. La déesse voulait-elle s’enfuir de Rome, ou montrer à son peuple favori de quel côté étaient le péril et le triomphe ? Ce peuple, superstitieux à l’excès, ne perdait jamais courage, même lorsqu’il doutait de l’assistance de ses dieux. A Rome, on proclama le justitium. Les tribunaux se fermèrent, les affaires furent suspendues, on enrôla tous les hommes valides, jusqu’aux affranchis, et Volumnius fut rappelé du Samnium au secours de son collègue Appius, qui se dégagea par une victoire sanglante. Mais la Campanie était découverte ; d’autres Samnites s’y jetèrent. Volumnius, revenu en toute hâte dans sa province, y battit l’ennemi et délivra sept mille quatre cents prisonniers. Cette victoire diminua les terreurs de la ville qui la célébra par des prières publiques.

Cependant Appius restait dans une position dangereuse : en face de lui, le Samnite Egnatius animait de son activité et de sa haine cette coalition de tous les peuples du nord de la péninsule, faisant taire les rivalités, prêchant l’union, et guidant dans les défilés de l’Apennin les terribles Sénons. L’année 295 allait voir de grands événements : aussi tous les suffrages portèrent Fabius et Decius au consulat, Des précautions extraordinaires témoignèrent de l’imminence du péril : quatre-vingt-dix mille hommes au moins, divisés en cinq armées, furent mis sur pied. Une de ces armées envahit le Samnium, tandis que, sous le nom de colonies, deux garnisons occupaient Minturnes et Sinuessa pour défendre la Campanie et la ligne du Liris ; une autre, campée au pied du Janicule, couvrit la ville ; la troisième, établie auprès de Falérie, en défendit les approches ; la quatrième, commandée par Scipion Barbatus, prit position sur le territoire des Camertins, d’où elle surveilla les mouvements des Gaulois ; la cinquième enfin, formée des légions consulaires, tint la campagne.

Quand Fabius en vint prendre le commandement, Appius la gardait enfermée dans un camp dont il augmentait chaque jour les défenses. Le nouveau général s’indigne de ces précautions qui effrayent le soldat, fait arracher Ies palissades et reprend l’offensive. Cependant les Gaulois attaquent une légion postée par Scipion près de Camerinum, en tuent jusqu’au dernier homme, et, le passage de l’Apennin forcé, se répandent dans la plaine, portant à leurs selles ou au bout de leurs piques les têtes sanglantes des légionnaires. Si les vainqueurs opèrent leur jonction avec les Ombriens et les Étrusques, c’en est fait sans doute de l’armée consulaire ; mais Fabius rappelle, par une diversion, les Étrusques à la défense de leurs foyers, et court chercher l’armée gallo-samnite dans les plaines de Sentinum. Le choc fut terrible ; les chariots de guerre des barbares mirent en fuite la cavalerie romaine et rompirent la première ligne des légions. Sept mille Romains de l’aile gauche, commandée par Decius, avaient déjà péri lorsque le consul se dévoua, à l’exemple de son père. Que devant moi, s’écria-t-il après avoir prononcé la formule sacrée, se précipitent la terreur et la fuite, le sang et la mort, le courroux des dieux du ciel et des enfers ! Qu’un souffle de destruction anéantisse les armes et les enseignes ennemies ! Et il se lança au plus fort de la mêlée. Le sacrifice du premier Decius avait troublé les légions latines, mais les Gaulois étaient inaccessibles à ces terreurs religieuses, et cette mort du consul ne fit qu’animer leur courage. L’aile gauche tout entière eût été écrasée si Fabius, vainqueur des Samnites, ne fût accouru. Entourés de toutes parts, les barbares reculèrent sans désordre, et, abandonnant une cause où ils n’étaient qu’auxiliaires, ils regagnèrent leur pays. Vingt-cinq mille cadavres gaulois et samnites couvraient le champ de bataille, huit mille prisonniers restaient entre les mains des Romains ; Egnatius avait péri ; cinq mille Samnites seulement purent rentrer dans leurs montagnes. Fabius battit encore une armée sortie de Pérouse[18], puis alla triompher à Rome. Derrière son char, les soldats chantaient les louanges de Decius : c’était la justice du peuple (295).

La coalition était dissoute, il restait à accabler, successivement ceux qui en avaient fait partie, et dont le sénat n’oubliera pas les noms. Mais les Samnites, malgré tant de défaites, se trouvèrent encore redoutables[19]. Comme un lion frappé à mort, ce peuple indomptable ne périt pas sans faire de cruelles blessures. Dès l’année suivante, ils battirent un consul. Dans une autre rencontre, Atilius Regulus se vit si près d’une défaite, qu’il voua un temple à Jupiter Stator, et, l’hiver venu, les Romains n’osèrent demeurer dans le Samnium. Une diversion des Étrusques était restée sans résultats heureux : le collègue d’Atilius leur avait imposé une trêve de quarante ans.

La guerre allait se concentrer dans l’Apennin. Le fils de Papirius y fut envoyé avec Sp. Carvilius. Comme quinze ans auparavant, les chefs samnites appelèrent la religion au secours du patriotisme et de l’union. Le vieil Ovius Pacius réunit près d’Aquilonie quarante mille guerriers. Au centre du camp était une tente en toile de lin, au milieu de cette tente un autel, autour de l’autel des soldats, l’épée nue. Après de mystérieux sacrifices, on introduisit les plus braves, mais un à un, comme autant de victimes[20], et chaque guerrier, répétant les redoutables imprécations de Pacius, se dévoua, lui, les siens et toute sa race à la colère des dieux s’il révélait ces mystères ou refusait de suivre partout ses chefs, s’il fuyait du combat ou s’il ne tuait lui-même les fuyards. Quelques-uns refusèrent et furent égorgés. Sur leurs cadavres, mêlés à ceux des victimes, les autres jurèrent. Puis, de ceux-là, les généraux en nommèrent dix qui choisirent à leur tour dix guerriers, et ainsi de suite, jusqu’à seize mille : ce fut la légion du Lin, dont tous les soldats, couverts d’armes éclatantes, étaient les plus braves et les plus nobles guerriers du Samnium. Ils tinrent parole ; trente mille Samnites restèrent sur le champ de bataille d’Aquilonie, où Papirius avait montré les talents de son père.

Une défection des Falisques appela Carvilius en Étrurie ; peu de jours suffirent pour faire reculer les Étrusques, toujours ennemis de Rome, et redoutant toujours un combat décisif. Les Falisques donnèrent une année de solde à l’armée et payèrent une amende de 100.000 livres pesant de cuivre (293).

A son triomphe, Papirius fit porter 2.033.000 livres pesant de cuivre provenant de la vente des prisonniers, et 1.530 livres pesant d’argent pris dans les villes et les temples. Carvilius, de son côté, déposa dans le trésor 580.000 livres d’airain, distribua à chaque soldat 200 as, le double aux centurions et aux chevaliers[21]. Du reste de son butin, il bâtit sur la rive droite du Tibre le temple de Fors Fortuna, le hasard fortuné, singulière divinité pour un peuple qui donnait si peu au hasard ; les armes prises sur le champ de bataille furent distribuées aux colonies et aux alliés comme trophées ; et de la part qui lui échut, il fit fondre une statue colossale de Jupiter, qu’il plaça sur le haut du mont Capitolin, d’où elle dominait la ville et toute la campagne romaine[22].

A voir cet immense butin pour une seule campagne, et les massacres du champ de bataille, et les ventes d’esclaves après la victoire, on comprend la dépopulation et la misère qui suivaient partout les légions. Après un demi-siècle d’une telle guerre, le Samnium devait cure bien épuisé, et des hommes qui l’avaient vue commercer, bien peu sans doute vivaient encore. Il en restait un cependant à qui, du fond de la retraite oit les reproches peut-être de ses concitoyens le tenaient enfermé, suivait avec désespoir ces désastres répétés : c’était le héros des Fourches Caudines, l’homme qui avait cru à la foi romaine. Les Samnites l’appelèrent à leur tête pour leur dernier effort, et Pontius Herennius reparut victorieux, au bout de vingt-neuf ans, dans les plaines de la Campanie. Le fils du grand Fabius, Fabius Gurgès, osa l’attaquer, et fut battu ; mais son père obtint du sénat d’aller lui servir de lieutenant. Le vainqueur de Pérouse et de Sentinum frappa le dernier coup de cette guerre : vingt mille Samnites périrent et leur chef fut pris. Fabius Gurgès triompha ; son père suivait à cheval et, derrière eux, Pontius marchait enchaîné. Quand le triomphateur quitta la voie Sacrée pour monter au Capitole, les licteurs entraînèrent Pontius vers la prison d’Ancus[23]. Ils allaient, l’un remercier les dieux, l’autre livrer sa tête au bourreau. Deux siècles plus tard, le Romain qui connut le mieux la justice, l’âme la plus douce, parlait encore des supplices dus aux vaincus[24]. La guerre antique était un duel sans merci.

Une année encore, les légions poursuivirent les débris des armées samnites, jusqu’à ce que Curius arrachât enfin à ce peuple I’aveu de sa défaite. Un traité, dont nous ignorons les clauses, le rangea parmi les alliés de Rome (290). Pour le contenir, Venouse, entre le Samnium et Tarente, fut occupée par une nombreuse colonie.

Nous ne connaissons pas mieux les opérations de Curius dans la Sabine. Il est dit seulement que les Sabins payèrent d’une partie considérable de leurs terres l’assistance qu’ils avaient si tardivement donnée aux Samnites. A son retour, après avoir pénétré jusqu’à l’Adriatique, Curius dit ces mots, qui montrent comment Rome conduisait une guerre : J’ai conquis tant de pays, que ces régions ne seraient plus qu’une immense solitude, si j’avais pour les peupler moins de prisonniers. J’ai soumis tant d’hommes, que nous ne saurions les nourrir, si je n’avais conquis tant de terres. Aussi distribua-t-il à tous les citoyens 7 arpents. Pour lui-même, il ne voulut pas accepter d’autre récompense. Les Sabins eurent le droit de cité sans suffrage ; mais Reate, Nursia, et peut-être Amiternum, restèrent de simples préfectures[25]. Castrum et Hadria, sur l’Adriatique, furent colonisées. Curius triompha deux fois dans la même année. Cet honneur, jusque-là sans exemple, et le respect qui s’attacha à son nom annoncent de grands services. La véritable guerre du Samnium était finie.

Par d’autres raisons, Curius méritait bien de triompher deux fois, car il avait vaincu la nature comme les Samnites. Il détourna le Velinus dans la Nera et créa la magnifique cascade de Terni. Vainqueurs et vaincus ne sont plus depuis vingt-trois siècles que poussière, mais le merveilleux spectacle que ce Romain s’était donné dure toujours.

Cette guerre du Samnium qui a fait tant de ruines pouvait-elle être évitée ? Il y a de l’oiseau de proie et du fauve, même dans beaucoup d’hommes civilisés ; à plus forte raison ces instincts de rapine et de carnage étaient-ils développés au temps où l’humanité se trouvait plus près de son origine. Les hommes de la plaine et ceux de la montagne, les laboureurs et les pâtres étaient nécessairement ennemis, et, de tout temps, les uns avaient cédé à la tentation de moissonner les terres ensemencées par les autres. Rome, maîtresse par elle-même de la plaine latine et, par Capoue, de la plaine campanienne, voulut arrêter ces pillages périodiques et l’aire la police de l’Apennin. Avec sa ténacité habituelle, elle y réussit : c’est toute la guerre Samnite. Elle avait duré cinquante-trois ans (343-290), et les intervalles de paix n’avaient servi aux deux peuples qu’à réparer leurs armes, qu’à respirer un moment avant de se reprendre corps à corps.

Aussi est-ce avec fatigue[26], mais aussi avec admiration et d’involontaires regrets, que nous avons suivi les incidents de cette lutte désespérée et la lente agonie d’un peuple brave. L’audace, l’héroïsme, l’amour de la patrie, rien ne manque aux Samnites, rien, si ce n’est l’union qui fait seule les peuples fonts. Pour monter au rang glorieux des nations, il faut quelquefois sacrifier de précieuses mais énervantes libertés. Dans les camps mêmes, le Samnite n’oubliait pas la sauvage indépendance de ses montagnes. A Aquilonie, pour obtenir une dernière fois son obéissance, les chefs avaient été forcés d’appeler au secours de leur autorité les plus redoutables mystères de la religion. Par là le Samnium périt et mérita de périr, car sa victoire n’aurait arraché ni l’Italie ni le monde au chaos d’où Rome sut les tirer.

 

III. — COALITION DES ÉTRUSQUES ET DES SÉNONS ; GUERRE CONTRE LES LUCANIENS (285-281).

Le Latium, la Campanie, l’Apulie et le Samnium subissaient la domination ou l’alliance de Rome. Mais, au nord, une partie des Étrusques était hostile, et les Gaulois avaient vite oublié leur défaite de Sentinum. Au sud, quoique la nation Samnite eût posé les armes, il restait des bandes qui, rejetant toute paix avec Rome, allèrent chercher refuge dans les âpres montagnes des Calabres. Là s’étendaient d’immenses forêts, où s’était peu à peu formé un peuple nouveau que les Grecs et les Romains nommaient dédaigneusement des esclaves révoltés, les Bruttiens. Grecs et Lucaniens voyaient avec effroi la domination romaine s’approcher d’eux ; Tarente surtout, qui montrait un dépit croissant des succès de la cité barbare des bords du Tibre. Mais comment réunir tant de peuples pour une action commune ? Pyrrhus et Annibal lui-même n’y parviendront pas. Rome seule fera ce miracle, parce qu’elle y emploiera deux grandes forces : la sagesse et le temps.

Il n’y eut qu’un instant de danger sérieux. Arretium, grâce aux Cilnius, était restée fidèle à l’alliance de Rome ; des Étrusques, soutenus par une armée de Sénons, vinrent l’assiéger. Les légions coururent au secours de la place, mais leur chef, sept tribuns et treize mille soldats tombèrent sur le champ de bataille[27] ; le reste fut pris (283). C’était une des plus sanglantes défaites que les Romains eussent subies : elle augmenta l’effroi que leur causait la seule annonce d’une guerre gauloise. Aux plaintes que le sénat fit porter devant le conseil des Sénons, leur chef, Britomar, dont le père avait été tué dans la bataille d’Arretium, répondit en égorgeant les députés comme victimes expiatoires qu’il offrait aux mânes paternelles. Rome perdait sa fortune si elle ne vengeait cet outrage. L’indignation doubla ses forces, et deux puissantes armées furent réunies. Avec l’une, un des consuls contint ou battit les Étrusques ; avec l’autre, Dolabella, traversant sans bruit la Sabine, entra par le Picenum sur le territoire sénon : il brûla les villages, tua les hommes, vendit les enfants et les femmes, et ne quitta le pays qu’après en avoir fait un désert. Il y avait porté la vengeance de Rome qui, après avoir exterminé les fils des vainqueurs de l’Allia, ne rougit plus au souvenir de la rançon emportée par eux du Capitole. Pour empêcher les Gaulois cisalpins de remplacer les Sénons dans cette solitude, le sénat fit garder le pays par des colons, envoyés à Sena, au nord d’Ancône, à Castrum et à Hadria dans le Picenum. Comme la domination des Romains avait dépassé l’Apennin, au sud, par l’occupation de Venouse, elle le franchissait, au nord, par ses établissements sur l’Adriatique, et elle pouvait de là surveiller la vallée du P8.

Les Boïes, dont le territoire s’étendait de Parme à Bologne, s’alarmèrent de cette extermination d’un peuple gaulois. Avec ceux des Sénons qui avaient pu échapper aux épées romaines, ils entrèrent dans la vallée de l’Arno par les défilés qui, de la Romagne, conduisent à Florence, et traversèrent l’Étrurie entière, appelant à eux tout ce que Rome y comptait encore d’ennemis. Arrivés non loin de Narnia, près du marais fangeux qu’on appelait le lac Vadimon, ils y furent arrêtés par une défaite et un affreux carnage. Des ruisseaux de sang coulèrent jusqu’au Tibre et en rougirent les eaux.

L’année suivante, les Boïes firent la paix (282). Pendant deux ans le sénat fut encore obligé d’envoyer des armées en Étrurie. La victoire de Coruncanius sur les Vulcientes mit fin à cette guerre qui avait commencé presque avec Rome. A partir de 280, le nom des Étrusques ne paraît plus dans les actes triomphaux.

Du jour où Fabius avait franchi la forêt Ciminienne, les augures toscans avaient pu prédire à leur peuple que le soir de sa vie approchait et que ce dixième siècle où, selon les antiques prophéties, sa nationalité devait périr, était arrivé. La résignation lui fut facile. Ses dieux avaient parlé, et les Romains avaient accompli l’oracle. Pourquoi résister au destin, surtout quand Rome demandait si peu, quand la vie était si douce, la nature si féconde en ce plantureux pays où rien ne manquait pour le plaisir et la mollesse. Un ancien dit des Étrusques : Renonçant aux vertus dont leurs aïeux étaient si jaloux, les Toscans passent leur vie dans les festins ou livrés à de honteuses voluptés : ils ont ainsi perdu la glorieuse renommée de leurs pères[28]. Nous pouvons donc écrire ici : Finis Etruriæ.

Durant ces opérations dans le Nord, les hostilités avaient été vivement conduites au Sud ; la ville grecque de Thurium avait imploré le secours de Rome contre les Lucaniens, qui chaque été ravageaient ses campagnes. Une première expédition contre ces pillards resta sans résultats ; mais en 282 Fabricius s’ouvrit la route jusqu’à Thurium, qu’il débloqua et où il laissa des troupes. Locres, Crotone, peut-être Rhegium, reçurent aussi des garnisons romaines. A son retour, Fabricius mit dans le trésor 400 talents ; avec le reste du butin, il fit de larges gratifications à ses soldats, et restitua aux citoyens ce qu’ils avaient payé cette année pour la taxe militaire. De si productives campagnes faisaient aimer la guerre ; l’ambition des grands, l’avidité des pauvres, y trouvaient leur compte.

La paix semblait rendue à la péninsule et, du Rubicon au détroit de Messine, tout, moins Tarente, reconnaissait la majesté du peuple romain ou subissait son alliance ; mais la puissante cité des bords du Taras, toute fière de son origine spartiate, de ses richesses et des nombreux navires qui encombraient son port, le mare Piccolo, allait allumer une guerre plus dangereuse pour Rome que ne l’avait été aucune des luttes soutenues par elle depuis soixante ans.

 

 

 

 



[1] Diodore, XX, 33. Suivant Tite-Live, la bataille eut lieu près de Sutrium au retour des légions d’Étrurie. Il exagère singulièrement la terreur inspirée par la forêt Ciminienne, redoutée des commerçants comme toutes les marches, comme le border écossais, mais qu’une armée avait déjà traversée dans la guerre contre Vulsinies, en 390. Tarquinies elle-même est située au nord de la partie sud-ouest du Ciminius sallus, aujourd’hui le mont de Viterbe.

[2] Les Romains l’avaient nommé Cursor, comme Achille, et l’auraient, dit Tite-Live, opposé à Alexandre, si ce prince avait tourné ses armes vers l’occident.

[3] Epist., VIII, 20. Cf. Dennis, Etruria, I, 167.

[4] Le Ciminius mons, couvert dans l’antiquité d’une épaisse forêt, est aujourd’hui dénudé, ce qui change l’aspect des lieux.

[5] Diodore ne parle pas de toutes ces victoires de Fabius, qui étaient des traditions de famille embellies par l’imagination et la vanité.

[6] Tite-Live, II, 49.

[7] Ibidem, IX, 43. On leur donna le droit de cité sans celui de suffrage, avec défense d’avoir entre elles aucune relation. Les villes exceptées étaient Alatrium, Ferentinum, Verulæ. Elles conservaient le jus connubii et commercii entre elles.

[8] Diodore, XX, 90. C’est, dit Polybe (X, fr. 12), une coutume des Romains, ils veulent par là inspirer une plus profonde terreur.

[9] Philippiques, VI, 13.

[10] Tite-Live dit (IX, 45) : fædus antiquum redditum.

[11] Formation de deux nouvelles tribus : Aniensis et Terentina.

[12] Tite-Live, X, 1.

[13] Tite-Live (XLII, 30) dira plus tard à propos d’autres peuples et d’une autre noblesse .... plebs omnis, ut solet, deterioris erat.... principum diversa studia.... plures ex iis ita, si prœcipuam operam havassent, potences sese in civitatibus suis futuros rati....

[14] Alba Fucentia était à 5 milles du lac Fucin, au pied du monte Velino, mais sur une colline dont elle couronnait le sommet, ce qui en faisait une place très forte, où Rome envoya, en 302, six mille colons (Tite-Live, X, 1) et dont elle se servit plus tard comme de prison d’État Syphax, Persée et Bituit y furent enfermés. Une partie de ses murs subsistent ; ils ont environ 3 milles de circuit ; à l’intérieur, on tirait le village d’Albe, cent cinquante habitants et quelques ruines : celles d’un amphithéâtre et d’un théâtre. Le plan donne l’idée de ce qu’étaient les anciennes villes de l’Italie centrale. Voyez Promis, Antichità di Alba Fucense.

[15] Sutrium, Narnia, Carseoli, Alba Fucentia et les colonies de la vallée du Liris, Sera, Atina, Casinum, Interamna, etc.

[16] Nous avons l’inscription du tombeau de ce consul. C’est le plus ancien monument, d’une date certaine, que nous possédions de la langue latine :

Cornelius Lucius Scipio Barbatus

Gnaizod patre prognatus, fortis vir sapiensque

Quoius forma virtutei parisuma fuit

Consol, censor, aidilis quei fuit apud vos

Taurasia Cisauna Samnio cepit

Subigit omne Loucana opsidesque abdoucit.

C’est-à-dire :

Cornelius Lucius Scipio Barbatus

Fils de Cneus ; vaillant et sage.

Sa beauté égalait sa vertu.

Il fut consul, censeur, édile,

Prit Taurasia et Cisauna dans le Samnium

Soumit toute la Lucanie et ramena des otages.

L’omission de la victoire sur les Étrusques, racontée par Tite-Live, prouve que l’historien, ici encore, attribuait aux Romains un succès qu’ils n’ont pas eu. Cependant nous approchons des temps où l’histoire a toute certitude, car ce Scipion fut le grand-père du vainqueur d’Annibal.

[17] Tite-Live, X, 21. Ainsi les Vendéens passèrent la Loire pour soulever la Bretagne, le Maine et la Normandie.

[18] Il tua aux Pérusins, dit Tite-Live (V, 31), quatre mille cinq cents hommes et en prit dix-sept cent quarante, qui payèrent chacun, pour sa rançon, 310 as.

[19] Dura illa pectora (Id., ibid.).

[20] Nobilissimum quemque genere factisque.... magis ut victima, etc. (Tite-Live, X, 58).

[21] On a accuse les chiffres de Tite-Live d’exagération, en soutenant que les montagnards du Samnium étaient pauvres. Cela est vrai, mais on oublie qu’ils avaient pillé durant des siècles la Campanie, l’Apulie et la Grande-Grèce, que les peuples anciens aimaient à thésauriser, et que les peuples guerriers se plaisent à mettre leur richesse dans leurs armes.

[22] Ici finit la première décade de Tite-Live ; nous ne le retrouverons qu’en 220. On voyait cette statue, dit Pline (Hist. nat., XXXIV, 95), du mont Albain.

[23] Le Tullianum. Voyez dans Salluste (Cat., 55) la description du lieu où se faisait l’exécution.

[24] Cicéron, Verrines, act. II, v, 30 : Supplicia quœ debeniur hostibus victis.

[25] Festus, s. v. Præfectura, Aurelius Victor, VIII, 33, Velleius Paterculus, I, 14. La longue paix dont la Sabine avait joui avait enrichi ses habitants. Ce fut depuis les conquêtes de Curius que les Romains, dit Strabon, connurent l’opulence.

[26] Quinam sit ille, quem pigeat longinquitalis bellorum scribendo legendoque, quœ gerentes non fatigaverunt ? (Tite-Live, X, 31.)

[27] Polybe, II, 19 ; Orose, III, 22.

[28] Diodore V, 40. Théopompe et Timée en disaient bien davantage ... famulas nudas ministrare viris.... communes mulieres, etc., Athénée, Deipnosoph., XII, 14 et IV, 38.