LIVRE PREMIER — VUES GÉNÉRALE - SYSTÈME MÉTRIQUE - VALEUR ET RAPPORT DES MÉTAUX - CENS ET CADASTRE.
Le poids et le titre des monnaies à convertir sont, avec la valeur de l’or et de l’argent purs de tout alliage, les principaux éléments d’où dépend la solution de la question. Quant à la valeur actuelle de l’or et de l’argent purs, l’Annuaire du Bureau des longitudes[1], nous apprend que le kilogramme d’or vaut 3444fr,44c, et le kilogramme d’argent 222fr,22. Or, puisque notre ancienne livre, poids de marc, est les 4895/10000e du kilogramme[2], nous en conclurons d’abord que la livre d’or vaut 1686fr,0555, et la livre d’argent 108fr,7777. Le poids de la livre romaine étant les 2/3 de notre livre ancienne, il en résulte qu’une livre romaine d’or pur vaudrait actuellement, 1124fr,037037, et une livre d’argent pur 72fr,518518. Nous en conclurions aisément les valeurs suivantes, savoir :
toujours en supposant le métal pur de tout alliage. Mais ces résultats seraient inexacts, parce que le rapport de l’or à l’argent n’était pas le même chez les Romains que chez nous. Aujourd’hui ce rapport est, à très peu près, de 15 ½ à 1[3]. A Rome, l’an de la ville 547, le scrupule valut 20 sesterces ou 5 deniers qui, à cette époque, étaient de 84 à la livre; ainsi la livre d’or valait (5x288)/84 livres d’argent, et les deux métaux étaient entre eux de 1440 à 84, à peu près 17 à 1[4]. Mais lorsque fut créé l’aureus, de 40 à la livre, il valut 25 deniers, toujours de 84 à la livre. Une livre d’or valait donc (25x40)/84 livres d’argent. Par suite, le rapport des deux métaux était celui de 1000 à 84, à très peu près, de 12 à 1. Deux méthodes peuvent être suivies pour arriver à l’évaluation des monnaies romaines : 1° chercher la valeur de la pièce d’or, lorsqu’on connaîtra son titre et son poids, et en déduire celle de la pièce d’argent ; 2° chercher au contraire la valeur de la monnaie d’argent et en déduire celle de la monnaie d’or. Ces deux méthodes conduiront évidemment à des résultats différents : laquelle doit-on préférer ? Nous nous sommes décidés pour la première, d’abord, parce que l’or est devenu à une certaine époque le régulateur des valeurs, et surtout parce que, comme nous l’avons dit plus haute, son titre est toujours demeuré le même, tandis que celui de la monnaie d’argent a constamment varié. Cela posé, cherchons à déterminer le titre de la monnaie d’or des Romains. et Letronne assure, dans ses Considérations sur les monnaies grecques et romaines (p. 84), que le titre de la monnaie d’or reste le même entre Auguste et Vespasien, et qu’il flotte entre 0,998 et 0,991, ce qui est parfaitement d’accord avec les expériences de M. Gay-Lussac fils, citées plus haut ; seulement ces dernières s’étendent aux médailles d’or de la république et des empereurs postérieurs à Vespasien. La proportion si faible de l’alliage prouve, ce nous semble, qu’il ne se trouve dans les monnaies d’or de la république et de l’empire qu’à cause de l’impossibilité où étaient les anciens de le reconnaître ou du moins de l’extraire, et que l’intention de la loi était que l’or monnayé fût parfaitement pur. Nous tiendrons cependant compte de cet alliage, et nous prendrons pour titre des monnaies d’or 0,9945, qui est la moyenne entre 0,998 et 0,991. Cette hypothèse réduit la valeur du scrupule d’or à 3fr,8814, celle de l’aureus, de 40 à la livre, sous César, à 27fr,9464, et enfin celle du solidus, sous Constantin, à 15fr,5258. Nous venons de dire que le titre des monnaies d’or était sensiblement le même sous la république et sous l’empire ; ajoutons, pour terminer ce qui concerne ces monnaies, que l’affaiblissement qu’elles subirent, et dont Pline nous a transmis la connaissance, se rapporte uniquement à leur poids : Paulatim principes imminuere pondus, minutissime vero ad XLV. Le poids légal de l’aureus
est de 153,6
grains (voir plus
haut). Pour tâcher de découvrir les divers degrés de son
affaiblissement successif, comparons avec les pesées rapportées par M. Letronne[5], celles qu’au
mois de septembre 1839, nous avons faites, nous-même, au Cabinet des
Médailles de Voici le tableau de nos pesées.
Ces moyennes diffèrent un peu de celles qu’a obtenues M. Letronne, en employant pour ses pesées une autre manière de procéder. Comme nous avons opéré avec le plus grand soin, et que d’autre part nous n’avons pas moins de confiance dans les résultats obtenus par notre savant confrère, nous prendrons une nouvelle moyenne entre les siennes et les nôtres. Nous trouverons ainsi pour le poids moyeu de l’aureus :
Remarquons que, si l’on multiplie 137 par 45, on trouve pour la livre romaine 6165 grains : c’est 21 grains de trop ; mais, malgré ce léger excès, Pline n’a-t-il pas pu dire en nombre rond que l’aureus était descendu jusqu’à n’être plus que la 45e partie de la livre ? Remarquons encore que, sous Néron, l’aureus était un peu plus que le 44e de la livre. Par conséquent, les monuments viennent à l’appui de la leçon minutissime VERO ad XLV, contre la leçon minutissime NERO. Pour évaluer l’aureus aux différentes époques relatées ci-dessus, nous nous rappellerons que le titre peut être supposé de 0,9945, et nous trouverons, par un calcul facile, que la valeur de l’aureus, qui était d’abord, sous César, de 27fr 95c, se réduisit successivement :
On déterminera par des calculs analogues la valeur des solidus sous les successeurs de Constantin. Donnons d’abord le résultat de nos pesées.
On voit qu’aussitôt après Constantin, si ce n’est même de son vivant, ce que semblerait indiquer le poids extrêmement faible de quelques médailles de cet empereur, on voit, disons-nous, que, depuis les enfants de Constantin jusqu’aux derniers temps de l’empire romain, le solidus flotta entre 83gr,8 et 82gr,2. Prenons la moyenne, qui est de 83 grains ; la valeur correspondante du solidus en francs et centimes sera 15fr 10c. Sous Constantin elle avait été, comme nous l’avons dit plus haut, de 15fr 53c. L’évaluation de la monnaie d’argent ne saurait nous présenter maintenant aucune difficulté. Il est vrai qu’il nous manque un terme de comparaison pour les deniers d’argent antérieurs à l’an 547 de Ronce, si toutefois c’est bien réellement à cette époque qu’on a pour la première fois frappé des monnaies d’or. Mais n’est-il pas rationnel d’admettre que, relativement aux denrées de première nécessité, l’argent ait conservé, au montent de l’établissement de la monnaie d’or, la valeur qu’il avait auparavant ? Alors, plus de difficulté; il ne s’agira que de tenir compte de la variation qui a eu lieu dans le nombre de deniers qu’on devait tailler dans la livre. L’an 547 de Rome, le scrupule d’or valait 20 sesterces ou 5 deniers ; le denier d’argent valait donc le cinquième de 3fr,8814, valeur du scrupule d’or à cette époque ; c’est-à-dire 0fr,7763. La valeur de la livre d’argent était 0fr,7763 x 84 = 65fr,21. Par suite, le denier de l’an 485, qui était de 40 à la livre[9], valait 1fr,63. Celui de l’an 510, étant de 75 à la livre, ne valait que 0fr,87. Lors de la création de l’aureus, dont la valeur fut de 27fr,9464, le denier, égal au 25e de l’aureus, remonta donc à 1fr,12. On évaluera de même le denier sous Auguste et ses successeurs, en prenant le 25e de la valeur correspondante de l’aureus. Peu de mots nous suffiront pour expliquer la conversion
des poids et des monnaies d’Athènes, de l’époque de Périclès, en poids et en
monnaies françaises. On sait en effet, et nous l’avons dit plus haut :
1° que la drachme attique, au siècle de Périclès, est au denier romain sous
la république 84/75e,
ou plus simplement 28/25e ;
2° que 6000 drachmes attiques pèsent Toutes les notions que nous avons développées dans ce chapitre et dans les précédents sont résumées dans les tables qui terminent ce volume. |
[1] Année 1839, p. 56.
[2] Ibid., p. 66.
[3] Annuaire de 1839, p. 55.
[4] Voyez plus loin, au chapitre intitulé : Rapports des monnaies d’or et d’argent, l’explication de ce rapport si élevé, et les développements des rapports des métaux.
[5] Consid. gén., p. 81.
[6] Un peu usées.
[7] Idem.
[8] C’est, à moins d’un grain prés, le poids déduit de la division de 6144, nombre de grains compris dans la livre, par 72, nombre de pièces taillées dans une livre d’or.
[9] Voir ci-dessous, pour les deniers antérieurs à celui de 84 à la livre, le chapitre relatif aux rapports de l’Argent et du cuivre.