ÉCONOMIE POLITIQUE DES ROMAINS

 

LIVRE PREMIER — VUES GÉNÉRALE - SYSTÈME MÉTRIQUE - VALEUR ET RAPPORT DES MÉTAUX - CENS ET CADASTRE.

CHAPITRE VI — Conversion des mesures grecques et romaines en mesures françaises

 

 

La détermination de la livre romaine a toujours été regardée par les savants comme la base de toute évaluation des mesures grecques et romaines. D’ailleurs ce que nous avons dit plus haut des rapports très simples qui lient les diverses unités du système métrique des Romains prouve jusqu’à l’évidence que, le poids de la livre romaine une fois connu, on peut en déduire par le calcul toutes les autres unités. Quant aux mesures attiques, des monuments et des textes positifs donnant leurs rapports avec les mesures romaines correspondantes, leur évaluation n’est encore qu’une affaire de calcul.

Des valeurs fort différentes de la livre romaine ont été proposées par les savants. De La Nauze et Barthélemy l’avaient définitivement portée à 6144 grains poids de marc, c’est-à-dire aux 2/3 de notre ancienne livre de 16 onces, et cette évaluation avait été adoptée par Leblanc, qui, dans son Traité historique des monnaies de France[1], se fonde sur ce que les sous d’or du Bas-Empire étaient de 72 à la livre et que leur poids moyen est de 85 grains.

M. Letronne, dans ses Considérations sur les monnaies grecques et romaines, a porté le poids de la livre romaine à 6160 grains ; et depuis, M. Pauker et, après lui, M. Bœckh[2], partant des bases établies par M. Letronne, l’ont élevée jusqu’à 6165 grains. L’évaluation de La Nauze et de Barthélemy nous parait être celle à laquelle on doit s’arrêter.

Diverses méthodes ont été employées pour déterminer le poids de la livre romaine :

1° La pesée des monnaies de bronze et plus particulièrement des as libraux ou censés tels ;

2° Celle de poids romains anciens dont la valeur dans le système fût bien connue ;

3° Celle des monnaies d’argent ;

4° Celle des monnaies d’or ;

5° La considération du volume de l’amphore ou quadrantal.

Discutons ces diverses méthodes et voyons si les résultats qui en découlent méritent le même degré de confiance.

D’abord l’oxydation plus ou moins considérable des monnaies de bronze a dû altérer très sensiblement leur poids originaire. La première méthode ne pouvait donc donner que des résultats fort incertains.

Il n’en est pas de même de la seconde. Nous savons en effet que les étalons des diverses mesures étaient déposés au Capitole. Si donc on parvenait à découvrir un de ces étalons, ou du moins une mesure vérifiée et portant à la fois la preuve de cette vérification et un sigle déterminatif de sa valeur légale ; si, de plus, cette mesure était dans un état parfait de conservation, les résultats qui en seraient déduits mériteraient à coup sûr une grande confiance. Or toutes ces circonstances se sont présentées ; les fouilles dont nous avons parlé, et qui ont été le sujet du mémoire de M. Cagnazzi, ont fourni un assez grand nombre de poids romains, dont 3 de dix livres, en serpentine, parfaitement conservés, pèsent respectivement 3285, 3258 et 3232 grammes. Le dernier n’a pas sa surface aussi polie que les deux autres. Tous trois portent d’ailleurs le sigle X, mais celui de 3258 grammes porte en outre deux lignes, qui contiennent probablement les noms des constructeurs ou des vérificateurs et une 3e ligne composée des seules lettres D. S. D. (de Sententia decurionum)[3]. C’est donc un étalon ou du moins un poids vérifié par les autorités locales. La matière inaltérable avec laquelle le poids a été fait, et qui exclut toute possibilité d’oxydation, le poli de la surface, le fini du travail, l’inscription qu’il porte, tout concourt à donner une grande probabilité à la valeur de la livre romaine que l’auteur en a déduite. Elle est de 3258 grammes ou de 6134 grains, poids de marc, à une très petite fraction près. Cette valeur, qui se déduit également, soit du seul poids de 3258 grammes, soit des 3 poids de 10 livres combinés ensemble, s’accorde sensiblement du reste avec un autre poids de la même pierre et de la même forme que les précédents. Ce poids, marqué du sigle II, et qui est par conséquent de 2 livres, pèse 652 grammes, ce qui porte la livre à 326 grammes ou 6136 grains. Mais ces valeurs paraîtront peut-être susceptibles d’être un peu s’élevée, si l’on fait attention que, dans la formation de la moyenne, il est entré un poids dont la surface est moins bien folie que celle des autres, et qui, se trouvant beaucoup plus léger, a nécessairement perdu quelque chose de son volume. Si l’on ne considère que les deux poids qui sont parfaitement conservés, ceux de 3285 et de 3258 grammes, on en tire pour la livre romaine une valeur moyenne de 327,15 grammes = 6159 grains 3/10e.

Remarquons du reste que le poids de 3285 grammes étant, sauf l’inscription D. S. D. et les deux lignes qui la précèdent, dans les mêmes conditions que celui de 3258 grammes, nous devons voir dans la différence de ces deux poids une preuve du défaut de précision des anciens dans la confection de leurs poids et mesures, défaut de précision qui s’opposera toujours à ce que la question de l’évaluation de la livre romaine et des autres mesures anciennes puisse être résolue autrement que dans les limites d’une approximation assez peu resserrée.

Pour vérifier son évaluation de la livre romaine, M. Cagnazzi a eu l’idée d’en déduire la valeur du pied romain, pour la comparer à celle des pieds fournis par les fouilles d’Herculanum et de Pompéi. Nous renvoyons à son ouvrage (p. 113 et suiv.) pour les détails de ses calculs, et nous nous bornons à rapporter ici ses résultats.

En partant du poids de 10 livres de 3258 grammes, il a trouvé le pied romain de 0m,29624.

Les poids de 3285 grammes et de 3232 grammes l’ont conduit à 0m,29708 et 0m,29546.

En reprenant ses calculs pour la livre romaine de 326 grammes, ce qui donne 3260 grammes pour le poids de 10 livres, on trouverait pour le pied romain 0m,29632.

Si maintenant nous refaisons les mêmes calculs en admettant, avec de La Nauze et Barthélemy, la livre romaine de 6144 grains ou de 326 grammes 337, nous trouverons pour le pied romain 0m,29642.

Or, des cinq pieds de bronze mentionnés par Cagnazzi (p. 11), et mesurés par lui avec une extrême précision, le plus grand n’est que de 0m,29630 ; les autres sont de 0m,29435 — 0m,29432 — 0m,29145 et 0m,29439. Mais ces pieds sont faits avec une matière tellement altérable qu’on ne doit user qu’avec la plus grande discrétion des évaluations qu’ils fournissent. Le premier seul, qui est de 0m,29630, est conforme au chiffre du pied déduit de la livre romaine. Un demi-pied d’ivoire travaillé avec le plus grand soin et trouvé dans les mêmes circonstances a 0m,14810 de longueur, ce qui donne pour le pied entier 0m,29620, exactement la longueur du pied de marbre æbutien, telle qu’elle est donnée par M. Jomard, d’après le modèle en plâtre conservé à la Bibliothèque royale, à Paris[4]. Le pied capponien, aussi en marbre, est donné par le même savant comme étant exactement de 0m,296.

Remarquons d’abord que la confection des mesures de longueur ne présente pas les mêmes difficultés que celle des poids ou des mesures de capacité. Quelle que fût l’inhabileté des Romains dans les opérations métrologiques difficiles, opérations dans lesquelles les procédés de la science moderne ont beaucoup de peine à obtenir la précision nécessaire, on conçoit qu’il ne leur fallait pas beaucoup d’art pour donner à un pied sa longueur légale. Les différences qui existent entre les divers pieds romains connus ne peuvent donc provenir que de l’altération de la matière, et de plus les moins altérés doivent aussi donner la plus grande longueur. En d’autres termes, pour les mesures de longueur, on a pu éviter les erreurs qui se sont nécessairement glissées dans la confection des poids ou dans la taille des monnaies ; donc le pied le plus grand parmi ceux qui nous restent aujourd’hui est celui qui mérite le plus de confiance. Le plus fort pied cité par M. Cagnazzi est, comme nous l’avons vu, de 0m,29630, et la moyenne de toutes les évaluations que nous avons rapportées serait 0m,29626. Ces deux nombres ne diffèrent déjà que de 4/100e de millimètre, c’est-à-dire que leur différence est inappréciable. Un nombre intermédiaire est donné par M. Gosselin[5], d’après de nombreuses recherches dont je n’ai pas ici à discuter la valeur ; il porte le pied romain à 0m,296296. Nous avons adopté cette détermination, qui nous a semblé plus commode pour le calcul de nos tables, et qui ne diffère que de 4/1000e de millimètre du plus fort pied donné par M. Cagnazzi.

La pesée exacte d’un grand nombre de monnaies d’or aussi bien conservées que possible, et dont le poids légal soit bien connu, parait aussi, au premier abord, devoir conduire à des résultats dignes de confiance. L’inaltérabilité du métal, sa circulation nécessairement assez restreinte, le soin qu’ont eu les Romains, dans tous les temps, de fixer le poids et le titre de cette monnaie devenue, à une certaine époque, la régulatrice des valeurs, tout semble concourir pour donner au résultat de la pesée des monnaies d’or une très grande probabilité.

Remarquons néanmoins que nous ne pourrons obtenir, suivant les temps, que le poids moyen du scrupule sous la république, de l’aureus sous César, et du solidus sous Constantin et ses successeurs. Et comme ces poids moyens devront être multipliés dans le premier cas par 288, dans le second par 40, dans le dernier par 72, pour passer à la livre romaine, l’erreur se trouve multipliée par les mêmes nombres. Or, il suffit de considérer les différences qui existent entre les pièces de même valeur légale pour concevoir que la valeur moyenne sera le plus souvent affectée d’une erreur dont il nous est impossible d’assigner le sens et l’importance.

Les mêmes remarques s’appliquent à la monnaie d’argent.

Signalons encore une autre cause d’erreur dans la manière de grouper les résultats pour obtenir les moyennes ; prenons pour exemple les pesées de M. Letronne[6].

En combinant les moyennes comme l’auteur, et corrigeant seulement quelques fautes qui se sont glissées dans son calcul, on arrive à 21,3307 grains pour le poids moyen du scrupule d’or.

Si, au contraire, on prend la moyenne des 112 scrupules en masse, on trouve 21gr,41375.

Si on cherche la moyenne des pièces de même poids, puis celle de toutes les moyennes particulières, on arrive à 21gr,33612.

Si l’on se borne à considérer les pièces d’un scrupule, de trois scrupules et de six scrupules, les seules qui aient été pesées en nombre, qu’on prenne les moyennes de chaque groupe et la moyenne des moyennes, on trouve pour le scrupule moyen 21gr,3672.

Ces valeurs moyennes du scrupule sont, il est vrai, peu différentes entre elles ; mais étant multipliées par 288, pour passer à la livre, il en résulte les valeurs suivantes : 6143gr,2416 — 6167gr,16 — 6144gr,80256 — 6153gr,7536, dont la plus grande surpasse la plus petite de près de 24 grains.

Ce résultat vient à l’appui de ce que nous avons dit d’abord sur l’erreur dont peut être affectée la valeur moyenne du scrupule, de l’aureus et du solidus.

Quelque peu précis que puissent être les résultais déduits de la pesée des monnaies d’or et d’argent, nous n’en croyons pas moins devoir reproduire ici le passage suivant de notre Mémoire sur le système métrique des Romains[7]. Nous avions à défendre contre M. Letronne l’évaluation de la livre romaine donnée par de La Nauze et Barthélemy ; nous la défendrons en même temps contre l’argumentation proposée par M. Pauker et adoptée par M. Bœckh.

Les pesées même de M. Letronne, disions-nous, viennent à l’appui des conclusions de l’auteur d’Anacharsis, et c’est à tort que notre savant confrère en a tiré une livre romaine de 6160 grains.

En effet, M. Letronne[8] a pesé avec le plus grand soin 27 pièces d’or de la république formant un poids total de 112 scrupules, et il en a conclu pour le poids moyen du scrupule 21gr,34, ce qui donnerait pour la livre romaine 6145gr,92. Mais sa moyenne générale a été tirée des quatre moyennes particulières 21gr,177 — 21gr,3 — 21gr,45 et 21gr,427 dont le calcul est inexact ; elles doivent être remplacées par les suivantes : 21gr,1416 — 21gr,2792 — 21gr,45 et 21gr,4519. La somme de ces moyennes est 85gr,3227, qui, divisée par 4, donne pour le poids moyen du scrupule 21gr,3307, et pour la livre romaine 6143gr,2416, en nombre rond 6144 grains.

M. Letronne[9] a pesé aussi 27 solidus à fleur de coin, dont 22 de Constantin, 2 de Faustina, 2 de Crispus, et 1 de Delmatius. Les solidus de Constantin étaient, comme on sait, frappés à la taille de 72 à la livre. Ces 27 solidus nous représentent donc 108 scrupules ; le poids moyen, déterminé d’après les pesées de notre savant confrère, est de 21gr,396, ce qui porterait la livre romaine à 6162 grains. Mais d’abord nous craignons que M. Letronne n’ait commis quelque erreur dans les pesées qu’il a faites des monnaies d’or de Constantin et de sa famille.

Nous avons étudié à notre tour le poids des solidus de Constantin, et, sur neuf pièces seulement qui ont passé entre nos mains, nous en avons trouvé de 81, de 80,5 et même de 79 grains, tandis que la plus faible des pesées de M. Letronne s’élève à 82gr,5[10]. Ainsi, presque toutes les pièces choisies par lui sont prises parmi les pièces les plus fortes. En effet, d’après l’auteur lui-même, le poids des solidus de Constantin le mieux conserves flotte entre 83gr et 87gr,75 ; leur poids moyen serait donc de 85gr,38. Encore ce poids est-il un peu trop fort ; car, dans la liste des pièces pesées par M. Letronne, il s’en trouve 2 à fleur de coin, qui ne pèsent que 82gr,5, et une seule de 87gr,75. Or, si l’on cherche la moyenne entre ces deux derniers nombres, on trouve 85gr,13 au lieu de 85gr,38. Cependant, admettons cette dernière moyenne : même, dans cette hypothèse, le poids moyen 21gr,396, du scrupule donné par M. Letronne, est déduit de 17 solidus au-dessus de cette moyenne, et de 10 seulement au-dessous ; encore, parmi les 17 solidus qui dépassent le poids moyen, 10 pèsent plus de 86 grains et la plupart tout près de 87 ; deux d’entre eux s’élèvent même jusqu’à 87 grains ½ et 87 grains 3/4. Cette inégalité dans le poids des mêmes monnaies tient à ce que le monétaire, obligé de rendre 72 pièces d’or pour une livre de métal, la taillait en 72 flans, sans chercher à donner à chacun d’eux une égalité de poids qu’il lui était impossible d’obtenir rigoureusement. De La Nauze[11] et M. Letronne[12] s’accordent sur ce fait. Il fallait donc, pour déduire de la pesée des solidus le poids de la livre romaine, n’omettre, ainsi que de La Nauze et Leblanc assurent l’avoir fait, aucune des pièces fortes ou faibles dont le poids légal fût connu.

Une autre remarque fort importante à faire sur les solidus d’or pesés par M. Letronne, c’est que, si l’on fait la somme des poids des 5 pièces les plus faibles et des cinq pièces les plus fortes, on en déduira pour le poids moyen du scrupule 21gr,325, c’est-à-dire sensiblement le même que l’on a conclu de la pesée des pièces consulaires. Ce poids moyen, multiplié par 288, donne pour la livre romaine 6141gr,6.

C’est cependant d’après le poids de ces solidus que M. Letronne a porté la livre romaine à 6160 grains. Mais lui-même nous donne en un autre endroit de son ouvrage le moyen de prouver que cette évaluation est trop forte. En effet, il assure que tous les aureus de 40 à la livre, depuis César jusqu’à Auguste sous lequel commence l’affaiblissement des monnaies, flottent entre 153 et 154 grains[13] ; le poids légal de l’aureus est donc compris entre ces deux limites. En supposant 6144 grains à la livre, on trouve en effet pour ce poids 153,6 ; l’hypothèse de 6160 grains à la livre donne 154 grains pour l’aureus, et comme la tolérance pour les monnaies est aussi bien en dessus qu’en dessous du poids légal, ne serait-il pas étonnant que tous les aureus de cette époque eussent un poids plus faible que le poids légal ?

On conçoit facilement que M. Letronne n’ait pas fait entrer les aureus, depuis l’an 717 de Rome, dans la détermination de la livre romaine, puisque le texte de Pline, qui nous apprend l’affaiblissement progressif des monnaies, ne nous dit pas dans quelles proportions il a eu lieu. Mais pourquoi rejeter les aureus depuis César jusqu’en 717, que l’on sait avoir été de 40 à la livre ? Puisque leur poids réel flotte entre 153 et 154 grains, prenons pour leur poids moyen 153,50, et nous aurons pour la livre romaine 6140 grains.

Les monnaies d’argent viennent confirmer le résultat fourni par les monnaies d’or. Le poids moyen du denier d’argent, déduit par M. Letronne[14] de 1350 deniers parfaitement conservés, est de 73gr,0597. On sait d’ailleurs, par un autre texte de Pline (XXXIII, 46), que la taille légale du denier d’argent était de 84 à la livre. Celsus et Seribonius Largus confirment ce fait par leur témoignage. Sed et antea sciri volo, dit Celsus[15], in uncia pondus denariorum septem esse. Voici un autre passage non moins précis : Quæ quia ad denarium conveniunt ; octoginta enim quatuor in libram incurrunt.

D’après ces textes si positifs, nous aurons le poids de la livre romaine en multipliant 73gr,0597 par 84, ce qui donne 6137 grains. L’erreur, n’est que de 7 grains si la livre romaine n’en contient que 6144 ; elle serait de 23 grains en admettant l’évaluation de M. Letronne.

Une découverte récente faite en Italie vient encore confirmer l’exactitude de l’évaluation de La Nauze et de Barthélemy. Un heureux hasard fit trouver en 1829, à Fiesole, plus de 6000 monnaies d’argent, dont aucune n’était postérieure au consulat de Cicéron. Ce trésor avait été déposé près d’un mur de pierres de taille, sous la voûte d’une chambre souterraine[16], et appartenait, selon Zannoni, à un des partisans de Catilina, que la peur chassa de Fiesole quand ce factieux y fut vaincu par l’armée de C. Antonius, collègue de Cicéron. La moyenne des pesées de 602 deniers choisis parmi plus de 2000 pièces provenant de cette découverte a donné pour la livre romaine un peu plus de 6140 grains.

Il nous reste à parler de la détermination de la livre romaine au moyen du poids de l’amphore. L’amphore était, comme nous l’avons dit, le cube du pied romain, et devait contenir 80 livres d’eau de pluie. Cette relation si remarquable permet de déterminer le pied romain quand on connaît la valeur de la livre, et réciproquement. M. Cagnazzi a résolu, comme nous l’avons dit plus haut, le premier problème, et donné la formule d’où dépend la solution du problème inverse. Mais elle suppose connue la longueur du pied romain, et les monuments sont trop peu d’accord pour que l’on puisse s’en servir comme d’une base solide. La solution nous paraît donc devoir être ajournée jusqu’au moment où l’on trouvera un pied étalon d’une matière inaltérable.

Concluons de tout ce qui précède que l’évaluation de la livre romaine proposée par M. Cagnazzi, bien qu’elle présente de fortes probabilités, peut être raisonnablement regardée comme un peu trop faible. Cette considération donne une nouvelle autorité à l’évaluation de La Nauze et de Barthélemy, qui dépasse de 10 grains celle de Cagnazzi, qui semble mieux s’accorder que toute autre avec les pesées des monnaies d’or et d’argent, et de laquelle enfin on déduit un pied romain sensiblement égal au plus grand de ceux qui ont été trouvés à Pompéi. Nous construirons donc sur cette base notre table de conversion des poids romains en poids français. La livre romaine est alors les 2/3 de notre ancienne livre française, et ce rapport si simple, s’il n’est pas une preuve à l’appui de notre évaluation, offre au moins, pour les nombreuses conversions que nécessite la lecture des anciens auteurs latins, un avantage qui n’est pas à négliger. Cette remarque explique en même temps pourquoi nos tables donneront, au moins dans quelques cas, les résultats en mesures françaises anciennes aussi bien qu’en mesures nouvelles.

Quant au pied romain, nous conserverons, comme nous l’avons dit, l’évaluation de M. Gosselin, 0m,296296.... ; s’arrêter à la différence qui existe entre ce nombre et la longueur du plus grand pied trouvé à Pompéi ou bien la longueur du pied qu’on déduit du calcul, serait, dans une question de cette nature, pure affectation et pédantisme.

Il nous reste à parler de la conversion des monnaies romaines en monnaies françaises. Nous allons entrer à ce sujet dans quelques détails.

 

 

 

 



[1] Page 38 et suiv.

[2] Voy. Metrol. untersuchungen über gewichte münzfüsse und masse des alterthums. Berlin, 1835, pag. 165.

[3] Cagnazzi, Su i vaiori delle misure, etc., p. 115, et la planche.

[4] Voy. Rapport fait à l’Acad. des Inscr. au sujet du pied romain. Paris, 1839, in-4°, planche n. 6.

[5] Nouv. Mém. de l’Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, t. VI, p. 85.

[6] Consid. gén., p. 6.

[7] Mém. de l’Acad. des Inscr., t. XII, p. 290.

[8] Consid. gén., p. 6 et 7.

[9] Ibid.

[10] Voy. Consid. sur les monn. grecques et rom., tableau p. 7.

[11] Mém. de l’Acad. des Inscr., t. LII, p. 401.

[12] Ouvr. cité, p. 4 et 5.

[13] P. 75 et 76.

[14] Ouvrage cité, p. 42-44.

[15] De Re medica, V, 17, et ad P. Natalem. Cf. Scrib. Larg., ad Callistum.

[16] Zannoni, Dei demarii consolari e di famiglie Romane disotterati in Fiesole nel 1829. Firenze, 1830.